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TRENTE ANS DE PROGRÈS EN ORTHOPÉDIE PÉDIATRIQUE 387 TRAVAUX DES SPÉCIALITÉS Pour les premiers, la demande est simple, pas toujours justifiée compte tenu d’une taille proche de 1 m 60. Le con- trat si le patient est d’accord est un allongement bilatéral et simultané des jambes, de 7 à 8 centimètres. Le patient doit être averti des complications graves qui peuvent survenir et laisser des séquelles définitives. Pour les nanismes vrais, la demande est plus complexe avec un allongement des deux jambes suivi d’un allonge- ment fémoral bilatéral. Nous ne sommes pas partisans des allongements croisés qui obligent le patient à poursuivre le traitement jusqu’à son terme même en cas de complications graves lors du premier temps de traitement. Il faut débuter par un allongement bilatéral de jambe de 10 à 12 centimètres par fixateur d’Ilizarov et compléter par un allongement de cuisse de 8 à 10 cm avec, pour des raisons de confort, un fixateur de type mono-latéral. Quelques patients réclament des allongements huméraux de 6 à 8 centimètres. Ils sont réalisés avec un fixateur circulaire ou mono latéral. PLACE ACTUELLE DE L’ILIZAROV Le fixateur d’Ilizarov a pour avantage sa grande maniabi- lité permettant de s’adapter à toutes les situations anatomi- ques. Sa mise en place est néanmoins délicate et requiert une parfaite maîtrise du matériel et une technique rigou- reuse. Il est moins bien toléré que les fixateurs mono-laté- raux en raison de son encombrement. Il faut le réserver aux allongements difficiles ou nécessitant le traitement simul- tané d’autres troubles orthopédiques. Pour ces raisons, actuellement, nos indications sont les suivantes : — les allongements de jambe de plus de 7 centimètres, ou nécessitant une fixation du pied en raison de malforma- tions ou de malpositions importantes ; — les allongements fémoraux complexes ; — les allongements tibiaux pour petite taille ; — les allongements de membres nécessitant une correc- tion angulaire ou la consolidation d’une zone de pseud- arthrose ; — le traitement d’une pseudarthrose congénitale ; — la réalisation d’un transfert diaphysaire ; — le traitement des corrections axiales des membres ou des corrections articulaires ; — la correction des déformations du pied ; — les allongements d’avant-bras pour main bote ; — le premier temps d’une désépiphysiodèse. Références 1. CATAGNI MA, MALZEV V, KIRIENKO A : Advances in Ilizarov apparatus assembly. Fractures treatment — Pseudarthroses — Lengthening — Deformity correction (35 references). Editor : Bianchi Maiocchi, Medicalplastic, Milano, 1994. 2. DAMSIN JP, GHANEM I : Traitement des ankyloses et attitudes vicieuses articulaires à l’aide du fixateur d’Ilizarov. In : La fixation externe. Cahiers d’Enseignement de la SOFCOT n° 58, Expansion Scientifique Française, Paris, 1996, p. 342-348. 3. DAMSIN JP, GHANEM I : Corrections des déformations angu- laires des os longs par fixateur externe. In : La fixation externe. Cahier d’enseignement de la SOFCOT n° 58, Expansion Scientifique Française, Paris, 1996, p. 331-341. 4. ILIZAROV GA : Transosseous osteosynthesis theorical and clinical aspects of the regeneration and growth of tissue (589 references). Sringer-Verlag, Berlin, Hedelberg, 1992. 5. MERLOZ P : La méthode d’Ilizarov. Cahiers d’enseignement de la SOFCOT n°34, Expansion Scientifique Française, Paris, 1989, p. 47-63. Malformations congénitales du rachis G. BOLLINI * Il y a trente ans, les familles découvraient seulement à la naissance que leur enfant présentait une malformation con- génitale du rachis. La recherche d’une anomalie associée éventuelle intracanalaire nécessitait une myélographie. Grâce aux travaux de Winter et de Mac Master, on pouvait alors leur expliquer que leur enfant avait 75 % de risque d’être opéré de sa déformation. La prise en charge recommandée à cette époque était l’arthrodèse postérieure in situ aussi bien pour les scolioses que pour les cyphoses congénitales, avec comme le rappor- tait Winter (1), très peu de déformation secondaire de la masse de fusion mais une perte de taille significative du tronc. Dubousset et al. (2) avaient cependant mis en évidence que cette arthrodèse postérieure isolée était responsable d’une déformation liée à la croissance antérieure des corps vertébraux prenant l’arc de la corde représentée par l’arthrodèse postérieure réalisant ainsi une déformation en vilebrequin. Durant les trente dernières années, de très nombreux pro- grès ont été réalisés. L’étude du rachis fœtal en échographie, d’accès aisé dès douze semaines d’aménorrhée, recherche le bon alignement des vertèbres. Toute anomalie est confir- mée par l’échographie de la vingt deuxième semaine. Des * Service de Chirurgie Orthopédique Pédiatrique, Hôpital Timone Enfants, 264, rue Saint-Pierre, 13385 Marseille Cedex 05.

Malformations congénitales du rachis

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TRENTE ANS DE PROGRÈS EN ORTHOPÉDIE PÉDIATRIQUE 387

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Pour les premiers, la demande est simple, pas toujoursjustifiée compte tenu d’une taille proche de 1 m 60. Le con-trat si le patient est d’accord est un allongement bilatéral etsimultané des jambes, de 7 à 8 centimètres. Le patient doitêtre averti des complications graves qui peuvent survenir etlaisser des séquelles définitives.

Pour les nanismes vrais, la demande est plus complexeavec un allongement des deux jambes suivi d’un allonge-ment fémoral bilatéral. Nous ne sommes pas partisans desallongements croisés qui obligent le patient à poursuivre letraitement jusqu’à son terme même en cas de complicationsgraves lors du premier temps de traitement. Il faut débuterpar un allongement bilatéral de jambe de 10 à 12 centimètrespar fixateur d’Ilizarov et compléter par un allongement decuisse de 8 à 10 cm avec, pour des raisons de confort, unfixateur de type mono-latéral. Quelques patients réclamentdes allongements huméraux de 6 à 8 centimètres. Ils sontréalisés avec un fixateur circulaire ou mono latéral.

PLACE ACTUELLE DE L’ILIZAROV

Le fixateur d’Ilizarov a pour avantage sa grande maniabi-lité permettant de s’adapter à toutes les situations anatomi-ques. Sa mise en place est néanmoins délicate et requiertune parfaite maîtrise du matériel et une technique rigou-reuse. Il est moins bien toléré que les fixateurs mono-laté-raux en raison de son encombrement. Il faut le réserver auxallongements difficiles ou nécessitant le traitement simul-tané d’autres troubles orthopédiques.

Pour ces raisons, actuellement, nos indications sont lessuivantes :

— les allongements de jambe de plus de 7 centimètres,ou nécessitant une fixation du pied en raison de malforma-tions ou de malpositions importantes ;

— les allongements fémoraux complexes ;— les allongements tibiaux pour petite taille ;— les allongements de membres nécessitant une correc-

tion angulaire ou la consolidation d’une zone de pseud-arthrose ;

— le traitement d’une pseudarthrose congénitale ;— la réalisation d’un transfert diaphysaire ;— le traitement des corrections axiales des membres ou

des corrections articulaires ;— la correction des déformations du pied ;— les allongements d’avant-bras pour main bote ;— le premier temps d’une désépiphysiodèse.

Références

1. CATAGNI MA, MALZEV V, KIRIENKO A : Advances inIlizarov apparatus assembly. Fractures treatment —Pseudarthroses — Lengthening — Deformity correction

(35 references). Editor : Bianchi Maiocchi, Medicalplastic,Milano, 1994.

2. DAMSIN JP, GHANEM I : Traitement des ankyloses etattitudes vicieuses articulaires à l’aide du fixateur d’Ilizarov.In : La fixation externe. Cahiers d’Enseignement de laSOFCOT n° 58, Expansion Scientifique Française, Paris,1996, p. 342-348.

3. DAMSIN JP, GHANEM I : Corrections des déformations angu-laires des os longs par fixateur externe. In : La fixationexterne. Cahier d’enseignement de la SOFCOT n° 58,Expansion Scientifique Française, Paris, 1996, p. 331-341.

4. ILIZAROV GA : Transosseous osteosynthesis theorical andclinical aspects of the regeneration and growth of tissue(589 references). Sringer-Verlag, Berlin, Hedelberg, 1992.

5. MERLOZ P : La méthode d’Ilizarov. Cahiers d’enseignementde la SOFCOT n°34, Expansion Scientifique Française,Paris, 1989, p. 47-63.

Malformations congénitales du rachis

G. BOLLINI *

Il y a trente ans, les familles découvraient seulement à lanaissance que leur enfant présentait une malformation con-génitale du rachis. La recherche d’une anomalie associéeéventuelle intracanalaire nécessitait une myélographie.Grâce aux travaux de Winter et de Mac Master, on pouvaitalors leur expliquer que leur enfant avait 75 % de risqued’être opéré de sa déformation.

La prise en charge recommandée à cette époque étaitl’arthrodèse postérieure in situ aussi bien pour les scoliosesque pour les cyphoses congénitales, avec comme le rappor-

tait Winter (1), très peu de déformation secondaire de lamasse de fusion mais une perte de taille significative dutronc.

Dubousset et al. (2) avaient cependant mis en évidenceque cette arthrodèse postérieure isolée était responsabled’une déformation liée à la croissance antérieure des corpsvertébraux prenant l’arc de la corde représentée parl’arthrodèse postérieure réalisant ainsi une déformation envilebrequin.

Durant les trente dernières années, de très nombreux pro-grès ont été réalisés. L’étude du rachis fœtal en échographie,d’accès aisé dès douze semaines d’aménorrhée, recherchele bon alignement des vertèbres. Toute anomalie est confir-mée par l’échographie de la vingt deuxième semaine. Des

* Service de Chirurgie Orthopédique Pédiatrique, Hôpital Timone Enfants, 264, rue Saint-Pierre, 13385 Marseille Cedex 05.

388 SOCIÉTÉ FRANÇAISE D’ORTHOPÉDIE PÉDIATRIQUE

anomalies localisées de type hémivertèbres peuvent alorsêtre suspectées indirectement sur une angulation localisée,bien identifiées par l’étude dynamique. L’échographie tri-dimensionnelle dans ces cas est alors utile pour confirmerl’anomalie, donnant une vue frontale du rachis avec identi-fications des côtes. Les puzzles vertébraux sont, en revan-che, aisés à diagnostiquer d’emblée. Si l’échographie estun réel examen de dépistage, le scanner multi barrettes estpromis à un grand avenir par la précision maximale qu’ilapporte.

L’IRM a remplacé avantageusement la myélographiepour le bilan des malformations associées médullaires etapporte une meilleure compréhension de la nature desstructures radio-claires de la zone malformative.

L’étude des gènes de segmentation chez la drosophile, lasouris, le zèbre et le poulet a permis de mettre en évidencedes familles de gènes tels les homeobox, les récepteursNotch ou les Wnt-bêta-catenine, responsables de malforma-tions vertébrales. Les gènes responsables de la dysostosespondylo-costale, des syndromes de Jarcho-Levine, Klippel-Feil ou de Currarino ont été identifiés.

La chirurgie du rachis est devenue plus audacieuse, enparticulier grâce aux progrès de l’anesthésie et de la réani-mation des enfants de moins de trois ans et à l’utilisationplus routinière du monitorage de la moelle épinière en pero-pératoire. L’instrumentation s’est diversifiée, est devenueplus « segmentaire » et des matériels miniaturisés adaptésau petit enfant ont vu le jour.

À la chirurgie extensive d’arthrodèse postérieure a étésubstituée une chirurgie plus centrée sur la malformation :exérèse d’hémi-vertèbres dans les scolioses ou ostéotomievertébrale dans les cyphoses congénitales. Enfin, les techni-ques habituelles d’abord antérieur du rachis se sont vuesconcurrencées par la thoracoscopie.

Les options chirurgicales ont ajouté à l’arthrodèse posté-rieure non instrumentée les arthrodèses postérieures et anté-rieures convexes en utilisant la croissance concave pour nonseulement arrêter l’évolution mais aussi obtenir une amélio-ration progressive de la courbure. Certains ont rajouté àcette fusion convexe une distraction concave provisoire.L’exérèse des hémi-vertèbres s’est bien codifiée même sicertains proposent de réaliser cette chirurgie par doubleabord antérieur et postérieur simultané et d’autres par voiepostérieure trans-pédiculaire avec dans les deux cas uneinstrumentation.

Les résultats montrent clairement que l’exérèse permetune correction extemporanée d’une partie de la déforma-tion, ce qui ne peut être obtenu par la seule épiphysiodèseconvexe. Pour que l’épiphysiodèse convexe soit suivied’une amélioration progressive de l’angulation, il fautqu’elle soit précoce et étendue limitant d’autant la mobilitédu rachis.

Si en secteur thoracique, la conséquence fonctionnelle estmodeste, il n’en est pas de même en secteur lombaire où ilfaudra donc préférer les exérèses aux arthrodèses convexes.

La prise en charge chirurgicale des cyphoses congénita-les reste cependant l’acte chirurgical le plus pourvoyeur decomplications neurologiques en chirurgie rachidienne.

Les malformations congénitales du rachis peuvent êtreextrêmement sévères chez des enfants très jeunes, à fortpotentiel de croissance ; c’est la raison pour laquelle l’ave-nir appartient à une chirurgie sans arthrodèse. Trois voiessont actuellement suivies :

— la distraction concave sans arthrodèse est une tech-nique ancienne déjà utilisée par Harrington puis Moe. Elleconnaît des évolutions récentes avec des matériels au-torisant la remise en tension de la tige sans abord chirurgi-cal par l’application de champs magnétiques sur unsystème animé par un ressort pré-contraint inclus dans unmanchon dont le composant, sous l’effet de la chaleur dé-gagée par le champ magnétique, va fondre en libérant desspires du ressort ;

— la deuxième voie, popularisée par Betz et al. (3), estl’utilisation d’agrafes à mémoire de forme arrêtant la crois-sance du côté où elles sont implantées. Cette techniquedécrite pour les scolioses idiopathiques pourrait s’appli-quer aux malformations congénitales ;

— la troisième voie enfin, dont Campbell et al. (4) sontle porte parole, est la distraction costale concave qui peut,en cas d’insuffisance de développement thoracique et doncpulmonaire, être associée à une thoracostomie et permettrenon seulement de corriger la scoliose malformative maisaussi autoriser la croissance du thorax.

Toutes ces techniques ont des indications assez claire-ment établies qu’il faut connaître et respecter pour évitercertaines mauvaises indications d’une technique mal com-prise.

Cette chirurgie, pourvoyeuse de complications, ouvre lechamp à l’expérimentation dans le futur de procéduresencore moins invasives de contrôle de la croissance rachi-dienne sans arthrodèse associée.

Références

1. WINTER RB : Convex anterior and posterior hemiarthrodesisand hemiepiphyseodesis in young children with progressivecongenital scoliosis. J Pediatr Orthop, 1981, 1, 361-366.

2. DUBOUSSET J, HERRING JA, SHUFFLEBARGER H :The crankshaft phenomenon. J Pediatr Orthop, 1989, 9,541-550.

3. BETZ RR, KIM J, D’ANDREA LP, MULCAHEY MJ,BALSARA RK, Clements DH : An innovative technique ofvertebral body stapling for the treatment of patients withadolescent idiopathic scoliosis : a feasibility, safety, and util-ity study. Spine, 2003, 28, S255-S265.

4. CAMPBELL RM, SMITH MD, HELL-VOCKE AK : Expansionthoracoplasty : the surgical technique of opening-wedgethoracostomy on thoracic insufficiency syndrome associatedwith fused ribs and congenital scoliosis. J Bone Joint Surg(Am), 2004, 86 (suppl 1), 51-64.