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Promotion Aristide Briand «2006-2008» Cycle International Long Master en Administration Publique Communiquer l’Europe Conception, stratégies et organisation de la politique de communication de la Commission européenne Mémoire présenté par M. LEHMANN, Bodo Sous la direction de : M. Jean-Emmanuel PAILLON Délégué adjoint à l’information et à la communication Ministère de la Santé et des Solidarités 21 mai 2007

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EurosceptismeNotre analyse démontre que les eurosceptiques constituent, au sein du Parlement européen, une force politiqueplus importante mais aussi plus variée sur le plan idéologique, ce qui l’empêche d’apparaître commeune famille unie. Ils expriment leur mécontentement et appellent à une réforme de l’UE, de ses politiques etde ses institutions. Ils sont particulièrement présents dans les groupes d’extrême-gauche et les groupes dedroite plus ou moins modérés. Leurs convictions sont en partie compatibles avec celles des principaux partispolitiques (mainstream). Influents au niveau national, leur poids ne s’est pas pour autant beaucoup renforcéces dernières années.Quant aux europhobes, ils ne représentent que 10% des députés européens. Ils rejettent l’appartenance européenneet appellent à une sortie de l’UE, de la zone euro et/ou de l’espace Schengen. Ils sont en majorité dedroite et pour la plupart issus d’extrême-droite, restant ainsi en marge des systèmes partisans nationaux. Ladivergence de leurs convictions (bien souvent nationalistes) rend difficile la formation d’alliances politiquessolides et durables. Cela explique pourquoi la moitié des partis europhobes sont non-inscrits au PE. Malgréune forte poussée en terme de nombre de sièges, leur impact sur les décisions du PE restera sans doutemoindre que celui des eurosceptiques plus modérés, et clairement beaucoup plus limité que celui des grandspartis « classiques » plus loyaux à l’égard de l’UE.L’examen des données électorales laisse néanmoins penser que la progression du nombre d’europhobes lorsdes élections européennes les inscrit dans un mouvement politique plus large. Les sondages indiquent que cespartis pourraient exercer une influence politique (directe ou indirecte) plus forte sur l’UE via les systèmespolitiques nationaux. L’UKIP constitue un bon exemple de cette influence indirecte : sa montée en puissancea contribué au renforcement de l’euroscepticisme du Parti conservateur au pouvoir. En tant qu’unique Étatmembre comptant à la fois un parti eurosceptique et un parti europhobe parmi les trois plus grands partisnationaux, le Royaume-Uni est dans une situation très particulière, tenté d’opter pour une sortie de l’UE. LES PRINCIPAUXPARTIS POLITIQUESDOIVENT RÉTABLIR LACONFIANCE ET RANIMERL’EURO-ENTHOUSIASME”Si le poids des partis europhobes continue d’augmenter au niveau national,cela pourrait alimenter davantage la tendance à la désintégrationeuropéenne. Sans aller jusqu’à la sortie de l’UE, leur influence pourraitdavantage se faire ressentir au sein du Conseil européen, au cœur même duprocessus de prise de décision. De telles conclusions pourraient devenir obsolètessi les principaux partis politiques mettent à profit les mois et les années àvenir pour rétablir la confiance dans les institutions européennes et faire desefforts visant à ranimer l’euro-enthousiasme par des discours bien construits et,plus important encore, par des résultats politiques et économiques tangibles à la fois aux niveaux national eteuropéen.A

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  • Promotion Aristide Briand

    2006-2008

    Cycle International Long

    Master en Administration Publique

    Mmoire prsent par

    Communiquer lEurope

    Conception, stratgies et organisation de la politique de communication de la

    Commission europenne

    Mmoire prsent par M. LEHMANN, Bodo

    Sous la direction de : M. Jean-Emmanuel PAILLON Dlgu adjoint linformation et la communication Ministre de la Sant et des Solidarits

    21 mai 2007

  • 1

    Introduction : Les Europens connaissent mal les politiques communautaires et le fonctionnement des institutions, ce qui risque de dstabiliser la construction europenne. Le rle des mdias est crucial afin de changer la donne. 6

    A\ Les relations entre les Europens et la construction europenne ainsi que ses institutions sont caractrises par la mconnaissance, le dsintrt voire un certain scepticisme. 6

    B\ Diffrentes approches thoriques explicitent les possibles consquences de ce foss entre citoyens et institutions communautaires et soulignent le rle cl qui revient aux mdias afin de rduire lcart entre ladministration europenne et ses administrs. 8

    1. La thorie des systmes sociaux souligne les risques dune telle distance et assigne une responsabilit particulire aux mdias dans le processus de transmission dinformations en direction des citoyens europens. 8

    a) La fonction dintgration des mdias 10 b) Les fonctions politiques des mdias : cration dun espace public et socialisation politique 10

    2. La position cl des mdias est encore renforce par la thorie de lhirarchie des priorits 11

    C\ Puisque la prennit de la construction europenne dpend dune communication claire et comprhensible en direction des citoyens europens, la politique de communication de la Commission europenne revt une importance particulire. 13

    I. Diffrentes thories permettent de dcrire le dfi que la Commission europenne devra relever et formulent des prconisations quant au chemin suivre. 15

    A\ Une premire approche thorique peut laisser penser que la russite de la politique de communication de la Commission europenne dpend exclusivement de la bonne volont des journalistes. 15

    1. Les journalistes comme gardiens dcluse dans un flux continu dinformations 15 2. ... dont les critres de slection suivent une logique fonctionnelle et centre sur les mdias. 16

    a) Faciliter le travail rdactionnel des journalistes 16 b) Slectionner des nouvelles qui garantissent une audience maximale 17

    B\ Toutefois, la lecture des thories suggre quune politique de communication qui connat ses responsabilits et qui se sert des connaissances sur le fonctionnement des mdias peut russir influencer lagenda mdiatique dans un sens voulu. 20

    1. Une organisation de la communication qui dsigne clairement ses fonctions ainsi que ses domaines daction est la condition sine qua non pour toute politique de relations publiques efficace. 21

    a) Quatre fonctions fondamentales de toute politique de relations publiques 21 b) Six domaines daction pour remplir ces fonctions 21

    2. Se servir des connaissances sur le fonctionnement des mdias afin dinfluencer leur agenda. 22

    a) Reprendre les critres de slection des journalistes et sen servir pour faire passer le message 23 b) Se servir des dirigeants dopinion du paysage mdiatique 24

    C\ Communiquer dans 27 Etats membres : la politique de communication entre standardisation et diffrenciation. 25

    1. La culture de communication oriente vers les mdias 26 2. La culture de communication oriente vers les relations publiques 26 3. La culture de communication politico-partisane 27 4. La culture de communication politico-stratgique 27

  • 2

    II. Face une situation juge insatisfaisante, la Commission europenne a redfini les fondamentaux de sa politique de communication et se dote dune structure et doutils nouveaux destins relever le dfi. 30

    A\ Partant dun bilan autocritique, la Commission refonde les principes de sa politique de communication et lui assigne de nouveaux objectifs stratgiques. 30

    1. Sur la base dun bilan critique de ses activits de communication, la Commission semble se rapprocher dune analyse comparable celle de la thorie des systmes sociaux. 30 2. La nouvelle philosophie et les objectifs stratgiques redfinis de la politique de communication de la Commission europenne placent les citoyens europens au centre de tous les efforts. 31

    B\ Deux axes stratgiques de dveloppement ont t retenus par la Commission afin de rendre oprationnels la philosophie et les objectifs stratgiques nouvellement dfinis. 33

    1. Soutenir les dbats nationaux afin de faire sortir les questions europennes du microcosme bruxellois. 33

    a) Une approche commune mise en uvre dans les Etats membres 33 b) Sadresser aux chelons national, rgional et local 34

    2. Prendre des initiatives au niveau communautaire pour mener une politique de communication adapte aux attentes des citoyens. 35

    a) Favoriser un dbat public plus vaste 35 b) Promouvoir la participation des citoyens au processus dmocratique 36

    C\ La nouvelle approche aux relations publiques est ralise dans un cadre oprationnel clairement dfini. 38

    1. La communication est directement attache au plus haut niveau politique de la Commission, ce qui souligne limportance particulire de cette fonction. 38 2. Lorganisation de la Direction gnrale Communication 39

    a) Au cur du dispositif : le Service du porte-parole 39 b) La direction A Stratgie 41 c) La direction B Reprsentations et rseaux 42 d) La direction C Outils de communication 43

    D\ Communiquer deux publics diffrents journalistes-spcialistes et citoyens 45 1. Le Service du porte-parole communique lattention de journalistes-spcialistes 46 2. tandis que les citoyens europens sont au centre de lattention des autres Directions de la Direction gnrale Communication. 47

    III. Grce une prise de conscience politique de limportance dune bonne communication qui a permis de lui assigner des objectifs clairs et grce des responsabilits bien dfinies, la Commission europenne russit sa politique de communication lgard des journalistes et des citoyens. 48

    A\ Le rattachement direct de la politique de communication au plus haut niveau politique de la Commission europenne ainsi que la dfinition, par ce dernier, des principes et des objectifs stratgiques claires constitue dsormais un atout dcisif pour la dfinition dune politique de communication cohrente. 48

    1. La forte prise de conscience de limportance de la communication par le niveau politique est dcisive car elle permet aujourdhui une programmation en parallle des processus de lgislation et de communication. 49 2. Une politique de communication plus lisible car construite autour dune philosophie plus claire car limite sur quelques objectifs stratgiques. 50 3. Les quatre fonctions fondamentales assignes par la thorie toute politique de relations publiques se retrouvent dans le mandat et les missions assigns la Direction gnrale Communication. 51

  • 3

    B\ La dsignation claire des responsabilits au sein de la Direction gnrale Communication est un atout qui permet de garantir la spcialisation des acteurs tout en assurant la cohrence et lunit des messages envoys au grand public. 52

    1. Une organisation intelligible qui constitue une traduction fidle de lapproche thorique dans la ralit administrative. 52 2. Afin de garantir la cohrence dans les prises de parole malgr la spcialisation organisationnelle pousse, un systme de coordination a t instaure. 53

    C\ Afin de communiquer le plus efficacement possible avec les journalistes, la politique de communication de la Commission europenne suit ainsi plusieurs recommandations donnes par la thorie. 54

    1. Souligner les caractristiques des nouvelles intressant les journalistes lorsquelles existent sans pour autant dnaturer le message. 55 2. La Commission se sert de ses connaissances sur le fonctionnement des mdias afin dinfluencer leur ordre de priorits 56

    a) La thorie du management des nouvelles 57 b) La thorie sur les dirigeants dopinion 57 c) Illustrer les messages afin de faciliter leur diffusion 57 d) Rpondre aux exigences de qualit des journalistes 58

    D\ Dans ses contacts avec les citoyens, la Commission sefforce de diffrencier ses approches communicationnelles, tout en veillant garder lunit du message pour ne pas nuire sa crdibilit. 59

    1. Adapter les messages la situation vcue par les citoyens dans les Etats membres sans pour autant envoyer des messages diffrents : la Commission entre standardisation et diffrenciation de sa communication. 59 2. La volont dentrer dans un dialogue plus direct avec les citoyens peut affaiblir la tendance prjudiciable des gouvernements nationaux utiliser la Commission comme bouc missaire. 60

    Conclusion : Si la politique de communication de la Commission europenne runit toutes les conditions pour russir, sa tche reste difficile et son fonctionnement peut tre amlior. 62

    Sources 66

    1. Entretiens 66

    2. Bibliographie 66 Introduction 66 Premire partie 67 Deuxime partie 67 Troisime partie 68 Conclusion 68

    ANNEXES 69

  • 4

  • 5

    On trouvera que la force tant toujours du ct des gouverns, les gouvernants nont rien pour se soutenir que lopinion. Cest sur lopinion seule que le gouvernement est fond.

    David Hume, Essais et traits

    Les hommes politiques et les institutions doivent gagner la confiance des Europens par de bonnes politiques et

    par une bonne communication sur ces politiques. Commission europenne

  • 6

    Introduction : Les Europens connaissent mal les politiques communautaires et le

    fonctionnement des institutions, ce qui risque de dstabiliser la construction

    europenne. Le rle des mdias est crucial afin de changer la donne.

    En guise dintroduction, il convient de dmontrer lutilit de lobjet choisi pour ce mmoire,

    savoir la politique de communication de la Commission europenne. Cette dmonstration

    sattache donc rpondre la question pourquoi et dans quelle mesure il peut tre intressant

    pour la Commission davoir une politique de communication performante.

    Afin de rpondre cette question, il est utile de rappeler que, mme aprs 50 ans de construction

    europenne, celle-ci passe trs largement inaperue du grand public (A), une situation qui risque

    de remettre en question la prennit de la construction europenne (B). Lapport des mdias tant

    jug crucial afin de changer cette situation (C), une analyse de la politique de communication

    semble simposer.

    A\ Les relations entre les Europens et la construction europenne ainsi que ses institutions sont caractrises par la mconnaissance, le dsintrt voire un certain scepticisme.

    Les relations entre les citoyens de lUnion europenne (UE) et la construction europenne ainsi

    que ses institutions sont marques par une relative mconnaissance de ses mcanismes de

    fonctionnement et par une distance leve entre les citoyens et les institutions voire dun

    scepticisme des premiers lgard des seconds.1

    En rgle gnrale, lon peut constater une connaissance mdiocre et floue des domaines

    daction de lUnion 2 : si les citoyens qui savent que lUE agit dans un domaine donn sont

    nombreux, ils sont trs rares avoir une vision globale et complte de laction de lUE. Ce

    constat dabsence de connaissances prcises se confirme lorsquon les interroge sur le

    fonctionnement de lUE, de ses institutions et leur rle. Ces connaissances sont faibles :

    La seule institution ( peu prs) clairement identifie est le Parlement europen :

    non pas quon en sache beaucoup sur lui en ralit, mais son nom suggre une

    identit et un rle comparables ceux dune assemble parlementaire nationale .

    1 Etude Eurobaromtre : Les citoyens europens et lavenir de lEurope. Etude qualitative dans les 25 Etats membres . Bruxelles, mai 2006, Commission europenne, Direction gnrale Communication. 2 Idem, page 10.

  • 7

    La Commission est parfois (pas toujours) connue de nom, mais ce quelle est et

    ce quelle fait reste nbuleux quil sagisse du mode de nomination des

    Commissaires, de son rle institutionnel, de ses relations avec les autres

    institutions ou de son fonctionnement.

    Le Conseil est quasi-inconnu en tant quinstitution. 3

    Pour illustrer cette ignorance, on peut citer les rponses donnes deux questions. Ainsi, en

    printemps 2006, un tiers (30 %) des sonds ne connaissait pas le nombre correct dEtats

    membres de lUnion europenne ; un tiers galement (33 %) ne savait pas que les dputs

    europens taient lus directement par les citoyens europens.4

    Cette ignorance sur le paysage institutionnel peut expliquer en partie un certain dsintrt des

    Europens lgard de la construction europenne, ses institutions et ses politiques. Ainsi, 34 %

    des citoyens europens ont aujourdhui une image neutre de lUE.5 Ce constat est confirm par

    le fait que les Europens sont moins passionns par les politiques europennes que par les

    politiques nationales : si 22 % des Europens discutent frquemment de sujets de politique

    nationale, ils ne sont que 11 % discuter frquemment des sujets de politique europenne.6 35 %

    des Europens se dsintressent des questions de politique nationale ; un chiffre qui monte 52

    % lorsquil sagit de politiques communautaires.7

    Un autre indicateur de la distance qui existe entre les Europens et la sphre communautaire

    est lvolution du taux de participation aux lections au Parlement europen qui est en baisse

    permanente depuis les premires lections en 1979 : sil slevait encore 63 % en 1979, il

    ntait plus que de 45,5 % en 2002.8

    Lignorance constate nourrit galement un certain scepticisme des citoyens lgard de lUE :

    cette dernire nvoque une image positive quauprs de 46 % des sonds, en baisse de 4 points

    par rapport un sondage prcdent.9 Le soutien des Europens lappartenance lUE a

    galement baiss ces dernires annes : 53 % des sonds considrent que lappartenance de leur

    3 Idem, page 12. 4 Sondage Eurobaromtre : Le futur de lEurope . Bruxelles, mai 2006, Commission europenne, Direction gnrale Communication, pages 142-143. 5 Sondage Eurobaromtre : Eurobaromtre 66. Lopinion publique dans lUnion europenne . Bruxelles, dcembre 2006, Commission europenne, Direction gnrale Communication, page 12. 6 Sondage Eurobaromtre : Le futur de lEurope , pages 80-81. 7 Idem, pages 147-148. 8 Costa, Olivier : Les lections europennes de juin 2004. Perspectives europennes et franaises - article disponible sur http://www.diplomatie.gouv.fr/fr/IMG/pdf/37_565-580.pdf. 9 Sondage Eurobaromtre : Eurobaromtre 66. Lopinion publique dans lUnion europenne , page 12.

  • 8

    pays lUE est une bonne chose .10 Dans un autre sondage, 43 % des citoyens europens

    jugent lUE inefficace , pensant 37 % que trs peu de choses voire rien na t

    accompli dans le domaine de lunification conomique de lEurope.11

    Ce scepticisme se reflte dans les relations entre les citoyens et les institutions communautaires :

    si 52 % des sonds font plutt confiance au Parlement europen, ils sont un tiers (32 %) lui

    faire plutt pas confiance .12 La situation est encore plus difficile pour la Commission

    europenne, laquelle seulement 48 % des citoyens europens font confiance, contre 31 % qui

    sont de lavis oppos.13

    B\ Diffrentes approches thoriques explicitent les possibles consquences de ce foss entre citoyens et institutions communautaires et soulignent le rle cl qui revient aux mdias afin de rduire lcart entre ladministration europenne et ses administrs.

    La thorie des systmes sociaux montre les risques de cette distance accrue entre les citoyens

    et les institutions communautaires et propose de concentrer les efforts sur lamlioration de la

    communication (1), une proposition que lon peut galement avancer sur la base de la thorie

    de la hirarchie des priorits (2).

    1. La thorie des systmes sociaux souligne les risques dune telle distance et assigne une responsabilit particulire aux mdias dans le processus de transmission dinformations en direction des citoyens europens.

    Une situation dans laquelle les citoyens ne savent que peu de choses sur les institutions qui les

    gouvernent ainsi que sur leur fonctionnement, et qui est caractrise par un dsintrt citoyen

    neutre pour le mieux, une attitude sceptique voire hostile pour le pire, ne peut tre soutenable

    long terme. Ceci est particulirement vrai dans une dmocratie, o les institutions ne peuvent

    exister que si elles sont dmocratiquement lgitimes, c'est--dire que si elles profitent dun

    soutien populaire durable. Or, ce nest quen connaissant le fonctionnement de lUnion

    europenne et de ses politiques que les citoyens peuvent remplir le rle qui est le leur dans un

    systme dmocratique, c'est--dire apporter leur soutien, mais aussi leurs critiques aux

    institutions communautaires.

    Une information transparente et cohrente des Europens sur la construction europenne, ses

    institutions et ses politiques est donc primordiale pour garantir le soutien populaire ncessaire. A

    10 Idem, page 6. La question pose aux sonds tait : D'une faon gnrale, pensez-vous que le fait pour votre pays de faire partie de lUE est une bonne chose/ une mauvaise chose/ une chose ni bonne, ni mauvaise . 11 Sondage Eurobaromtre : Le futur de lEurope , pages 100-101. 12 Sondage Eurobaromtre : Eurobaromtre 66. Lopinion publique dans lUnion europenne , page 17. 13 Idem, page 14.

  • 9

    cet gard, le rle des mdias de masse et des relations que les institutions europennes

    entretiennent avec ces derniers semble particulirement important dans la mesure o les mdias

    assurent plusieurs fonctions essentielles pour lexistence durable de la socit europenne.

    La thorie des systmes sociaux permet dclairer cette position essentielle des mdias et, par

    ricochet, de la politique de communication, dans la mesure o cette thorie dmontre les liens

    fonctionnels qui existent entre diffrents sous-systmes dun systme social donn.14

    Limage sur lequel se fonde cette thorie est celle dun organisme biologique dont les cellules se

    trouvent dans une interdpendance rciproque et apportent des fonctions essentielles pour la

    survie de lorganisme ou du systme global. Lobjectif du systme (ou de lorganisme) et de ses

    sous-systmes (ou cellules) est dassurer durablement son existence.15

    La thorie des systmes sociaux analyse la socit comme un ensemble de systmes et de sous-

    systmes o les interactions entre ses membres sont destines assurer le maintien du systme

    social global. Ceci suppose que lensemble des sous-systmes dun systme social donn

    remplissent les fonctions qui leur ont t assignes. Lorsque un sous-systme ne remplit pas sa

    fonction, la stabilit voire la prennit de tout le systme est remis en cause. A cet gard, la

    communication joue un rle dterminant :

    Des systmes sociaux ne peuvent tre crs et maintenus que si les personnes qui

    y participent [] sont lies entre elles par la communication. [] Chaque

    fonction [rendue par un sous-systme] doit tre accompagne par des

    communications directes ou indirectes. .16

    Ce nest donc quen communiquant que les acteurs dun sous-systme peuvent faire comprendre

    leurs actes aux acteurs des autres sous-systmes.

    Selon cette approche, la Commission europenne peut tre analyse comme un sous-systme du

    systme global socit europenne . En tant quacteur politique central, sa fonction

    consisterait dans la production et limposition de normes obligatoires pour lensemble de la

    socit europenne. Afin de pouvoir produire ces rsultats et, en mme temps, pouvoir garantir la

    prennit du systme global socit europenne , la Commission doit la fois pouvoir

    expliquer ses politiques et leur raison dtre et rester ouverte aux exigences et soutiens venant du

    14 Schenk, Michael : Kommunikationstheorien . In : Noelle-Neumann, Elisabeth et. al. : Fischer Lexikon, Publizistik, Kommunikationswissenschaft . Frankfurt am Main, 2000, Fischer. 15 Burkart, Roland : Kommunikationswissenschaft . Wien, 1998 Bohlau, page 446. 16 Luhmann, Niklas : Funktionen und Folgen formaler Organisation . Berlin, 1972, Duncker & Humblodt, page 190.

  • sous-systme opinion publique . La communication ncessaire cette mdiation rciproque

    est assure par un troisime sous-systme, savoir le sous-systme mdias .

    Systme socit europenne

    Sous-systme Commission europenne

    Sous-systme opinion publique

    exigences et soutiens de la socit civile

    Sous-systme mdias

    explication des politiques et de leur raison dtre

    Ce sous-systme mdias remplit plusieurs fonctions essentielles, permettant par-l dassurer

    lexistence durable du systme global socit europenne .

    a) La fonction dintgration des mdias

    La premire est la fonction dintgration : plus une socit est complexe, plus elle a besoin

    dintgrer ses composantes afin de garantir leur cohsion.17 Etant donn que la socit

    europenne est une socit hautement complexe avec un risque permanent dloignement voire

    de dsintgration de ses composantes, la fonction dintgration, assure par les mdias de masse,

    est essentielle afin de garantir sa prennit.

    b) Les fonctions politiques des mdias : cration dun espace public et socialisation politique

    Sajoutent cette fonction dintgration plusieurs fonctions politiques, au premier rang

    desquelles se trouve la fonction de la publicisation18 : en publiant des informations sur les

    politiques europennes, en les rendant ainsi accessibles aux citoyens, les mdias crent un espace

    public europen.19 Il est impratif que les mdias rendent publics et transparents les conflits et

    17 Ronneberger, Franz : Integration durch Massenkommunikation . In : Saxer, Ulrich : Gleichheit oder Ungleichheit durch Massenkommunikation ? Homogenisierung Differenzierung der Gesellschaft durch Massenkommunikation . Mnchen, 1985, lschlger, page 5. 18 Dans ce contexte, on comprend par publicisation le fait dattirer lattention du public sur un sujet donn, de rendre disponible une partie de lespace public pour ce sujet.

    10

    19 Ronneberger, Franz : Die politischen Funktionen der Massenkommunikation . In : Langenbucher, Wolfgang (Hrsg) : Zur Theorie der politischen Kommunikation. . Mnchen, 1974, Piper, page 199.

  • 11

    les dbats socitaux, dans la mesure o, dans le cas idal, la formation de la volont

    dmocratique nat de la discussion permanente de tous le membres de la socit en question.20

    Tous les participants au processus politique entrent en communication en

    publiant leurs programmes, objectifs et intentions []. Mme le gouvernement

    doit tre soucieux de justifier ses mesures en public. 21

    Limportance de cette fonction de publicisation peut tre souligne par la critique rcurrente

    adresse aux institutions communautaires et selon laquelle les politiques europennes seraient

    trop souvent labores en secret par des eurocrates et les citoyens mis devant le fait accompli

    aprs la prise de dcision dfinitive.

    Une deuxime fonction politique essentielle est celle de la socialisation politique et de

    lducation politique : tant donn le haut degr de spcialisation et de diffrenciation des

    socits contemporaines qui se reflte dans leur systme politique, ce dernier est devenu peu

    lisible voire confus, comprenant le risque de tendances dsintgratrices qui peuvent se

    manifester, entres autres, par une hausse des taux dabstention lors des lections. Ce constat est

    particulirement vrai pour le systme politique communautaire dont la cration sui generis

    rend difficile toute comparaison ou tout rapprochement avec les institutions politiques nationales

    qui aurait pu faciliter sa comprhension. La fonction de socialisation des mdias consiste donc

    initier les citoyens dans ce systme politique et rendre transparent les diffrents rles politiques

    (lecteur, militant/ adhrent, homme politique etc.). Ce nest quen se voyant expliquer le

    systme politico-institutionnel et les diffrents rles de ce systme que les citoyens peuvent

    participer pleinement et activement au processus politique.22 Directement lie cette fonction est

    celle de lducation politique qui assigne aux mdias la responsabilit de lducation civique.

    2. La position cl des mdias est encore renforce par la thorie de lhirarchie des priorits

    La thorie de la hirarchie des priorits ou thorie de lAgenda setting en anglais, permet

    galement de mesurer le poids des mdias et danalyser quelle position ces derniers occupent

    dans le processus de transmission dinformation. Cette thorie suggre en effet que les mdias

    ont un pouvoir dinfluence sur les citoyens, dans la mesure o ils peuvent dterminer ce sur quoi

    20 Hundertmark, Gisela : Politisches System und Massenkommunikationssystem . In : Einfhrung in die Kommunikationswissenschaft . 1976, page 202. 21 Ronneberger, Franz : Die politischen Funktionen der Massenkommunikation , page 200. 22 Burkart, Roland : Kommunikationswissenschaft , page 383.

  • 12

    les citoyens rflchissent. Ils ont donc le pouvoir de dterminer la hirarchie des priorits ou

    lagenda des sujets jugs prioritaires par les rcepteurs.

    Si les mdias de masse nont probablement que peu dinfluence sur la direction

    et lintensit des attitudes, lon peut supposer quils posent lordre de priorits de

    toute campagne politique en influenant limportance accorde un sujet

    politique. 23

    Il sagit de notre attention lgard, de notre savoir sur et de notre conscience

    de problme quant aux vnements, personnes, thmatiques et questions

    quotidiennement relats [par les mdias]. 24

    Les recherches empiriques ont permis de distinguer trois variantes de cette suppose relation

    causale entre lagenda mdiatique et lagenda du public.25 Selon le modle dattention

    ( awareness model ), le public prend conscience de certains thmatiques lorsque les mdias les

    relatent. Ces derniers attirent donc lattention des citoyens sur les sujets en les traitant dans leurs

    missions ou dans leurs publications. Le modle de salience soutient que le poids relatif

    accord par les journalistes de diffrents sujets (emplacement du message dans le journal,

    longueur accord un article etc.) dtermine galement limportance accorde ces mmes

    sujets par les rcepteurs des mdias. Le modle des priorits enfin radicalise en quelque sorte

    le modle prcdent en assumant que lordre de priorits mdiatique se reflte de manire

    inchange dans lordre de priorits des citoyens.26

    Si les recherches ultrieures ont attnu voire invalid lhypothse dun impact causal des

    priorits mdiatiques sur lordre de priorits des rcepteurs, il nen reste pas moins que lagenda

    mdiatique jouit dune certaine influence sur les priorits des rcepteurs.

    23 While the mass media may have little influence on the direction or intensity of attitudes, it is hypothesized that the mass media set the agenda for each political campaign, influencing the salience of attitudes toward the political issue. McCombs, Maxwell et Shaw, Donald : The Agenda setting function of mass media . In : POQ Vol. 36/1972, page 176-187. 24 Schenk, Michael : Medienwirkungsforschung . Tbingen, 1987, Mohr, page 194. 25 McCombs, Maxwell : Newspaper vs Television : Mass communication effects across time . In : Shaw, Donald et McCombs, Maxwell : The emergence of American political issues , In : POQ Vol. 43/1979, page 176-187. 26 Burkart, Roland : Kommunikationswissenschaft , page 246.

  • 13

    C\ Puisque la prennit de la construction europenne dpend dune communication claire et comprhensible en direction des citoyens europens, la politique de communication de la Commission europenne revt une importance particulire.

    Ds lors, il suit que, lorsque les mdias ne relatent pas les sujets traits au niveau

    communautaire, ces questions ne peuvent pas occuper une place dans lordre des priorits des

    citoyens europens. Par consquent, ces sujets restent des non-sujets pour les citoyens qui ne

    sont donc mme pas au courant que ces sujets sont traits au niveau communautaire : faute de

    socialisation et dducation politiques par les mdias, les citoyens ne sont pas intgrs dans le

    systme politique, ni y a-t-il cration dun espace public. Dans un tel cas, les mdias ne

    remplissent pas les fonctions que la thorie des systmes sociaux leur a assign. Par consquent,

    la stabilit voire la prennit du systme global seraient, du point de vue de cette thorie, remises

    en question.

    En effet, on peut ainsi analyser le non des citoyens franais et nerlandais aux referendums

    sur la ratification du Trait constitutionnel comme le signal dune dstabilisation du systme

    socit europenne la suite dannes voire de dcennies de communication insuffisante.

    Ainsi, les critiques les plus acerbes des opposants au Trait constitutionnel portaient trs souvent

    non sur des innovations de ce nouveau Trait, mais sur des politiques dj bien tablies depuis

    longtemps mais dont les citoyens navaient tout simplement pas conscience, faute den avoir

    entendu parler.

    Pour que les mdias puissent remplir leur rle, la communication entre les sous-systmes, cest

    dire la politique de communication des institutions communautaires envers les mdias, doit tre

    adapte aux besoins de ces derniers. La fonction des communicants professionnels est donc de

    fournir aux journalistes les sujets, les informations ainsi que lexpertise ncessaires afin que les

    mdias puissent remplir leur fonction. Par consquent, lon peut dire que les mdias ne seraient

    pas en mesure dassurer une couverture politique complte sans le travail prliminaire des

    communicants professionnels.27

    Puisque seuls des citoyens informs peuvent participer la vie dmocratique de manire

    responsable et tant donn que la complexit du processus politique communautaire ne permet

    pas aux journalistes de satisfaire seuls ces exigences, cette fonction constitutive pour lexistence

    durable de la dmocratie doit tre remplie la fois par les communicants professionnels et les

    mdias.28 Dans cette logique, il est du ressort du sous-systme Commission de prparer, par

    une politique de communication performante, le terrain pour une couverture mdiatique claire et

    intelligible sur les politiques communautaires. Ce constat souligne le rle essentiel que jouent les

    27 Bentele, Gnter : Politische ffentlichkeitsarbeit . In : Sarcinelli, Ulrich : Politikvermittlung und Demokratie in der Mediengesellschaft . Bonn, 1998, BpB, pages 124-145. 28 Bentele, Gnter : Politische ffentlichkeitsarbeit , page 143.

  • 14

    communicants professionnels et il explique pourquoi il peut paratre utile de sintresser, dans

    le cadre dun mmoire, pour la politique de communication de la Commission europenne.

    Afin danalyser la politique de communication de la Commission europenne, ce mmoire

    tudiera dabord diffrentes thories des sciences de la Communication afin den dduire les

    principaux enseignements thoriques pour une politique de communication efficace et russie

    (I). Il analysera ensuite, dans une approche empirique, les structures et les mcanismes mis en

    place par la Commission europenne dans le domaine de la politique de communication afin de

    vrifier si les enseignements thoriques ont t mis profit dans la pratique, c'est--dire si les

    prconisations donnes par les thories ont t respectes dans la ralit quotidienne par les

    communicants professionnels de la Communication (II). Le mmoire semploiera enfin de

    comparer les thories la ralit et de comprendre les diffrences entre approches thorique et

    pratique (III).

  • 15

    I. Diffrentes thories permettent de dcrire le dfi que la Commission europenne devra relever et formulent des prconisations quant au

    chemin suivre.

    Etant donn limportance dune communication claire et transparente des politiques de la

    Commission europenne pour lexistence prenne de la construction europenne et la place

    particulirement importante que les mdias occupent cet gard, il convient de sinterroger sur

    la possibilit qua la Commission europenne dinfluencer les sujets traits par les mdias.

    On peut dmontrer que, premire vue, la Commission semble impuissante face la position

    primordiale quoccupent les journalistes dans la procdure de slection des nouvelles qui seront

    publies dans les mdias (A). Or, les recherches thoriques soulignent galement quune

    politique de communication bien organise et qui sache se servir du mode de fonctionnement des

    mdias peut permettre la Commission de sortir de sa position de faiblesse (B).

    On ne pourrait analyser les relations entre la Commission europenne et les mdias en faisant

    limpasse sur sa particularit qui est celle dune organisation supranationale et en omettant les

    incidences que cette situation peut avoir sur lorganisation de la politique de communication (C).

    A\ Une premire approche thorique peut laisser penser que la russite de la politique de communication de la Commission europenne dpend exclusivement de la bonne volont des journalistes.

    Les rsultats des recherches thoriques dans le domaine des sciences de la Communication

    semblent suggrer une certaine toute-puissance mdiatique dans les relations entre les

    communicants et les journalistes. En effet, ces derniers occupent une position primordiale dans la

    slection des nouvelles (1) et organisent ce processus de slection suivant une logique propre (2).

    1. Les journalistes comme gardiens dcluse dans un flux continu dinformations La thorie du slectionneur ou du gatekeeper part du constat quil nest pas possible pour

    les mdias de relater lensemble des vnements et faits qui se produisent et que, par consquent,

    les journalistes sont obligs de slectionner les sujets de leurs articles dun flux dinformations

    dbordant. Pour souligner la position cl des journalistes dans le processus de slection des

    informations, cette thorie compare le journaliste un gardien dcluse , qui a le pouvoir

    douvrir ou de fermer les portes aux informations : ainsi des tudes empiriques ont dmontr que

    seulement dix pour cent environ des dpches arrivant dans la rdaction dun journal sont

  • 16

    effectivement slectionnes et publies dans les journaux ou les missions.29 Il revient donc aux

    journalistes de dcider quels sujets entrent dans le circuit mdiatique.

    De ce rle pivot du journaliste et des mdias dans le processus de slection et de transmission

    des informations, la thorie du slectionneur dduit lhypothse selon laquelle les mdias ne

    peuvent pas reproduire une image fidle de la ralit : le processus de slection modifie, que lon

    veuille ou non, la perception de la ralit par les rcepteurs qui ne voient de cette ralit que ce

    qui a t slectionn par les journalistes. Or, la seule dfinition, faite par le journaliste, dune

    partie de la ralit comme vnement mritant dtre relat suppose une interprtation

    pralable de la ralit.30

    2. ... dont les critres de slection suivent une logique fonctionnelle et centre sur les mdias.

    Cette position influente des journalistes pose la question de savoir sur quels critres les

    journalistes fondent leurs choix. Car, tant donn la forte concurrence des diffrentes entits

    communicantes (administrations locales, rgionales, nationales, communautaires, secteur priv,

    organisations non-gouvernementales) et de lvolution permanente de lactualit, il semble

    primordial pour la Commission de mieux connatre ces critres de slection et de sen servir afin

    de pouvoir adapter sa politique de communication ces critres.

    Lanalyse du mode de fonctionnement des mdias fait ressortir que leurs automatismes de

    slection tentent dassurer deux objectifs, savoir faciliter le travail quotidien des journalistes et

    garantir, de par le choix des nouvelles, une audience maximale.

    a) Faciliter le travail rdactionnel des journalistes

    Une premire rponse vient de la thorie du slectionneur elle-mme et souligne lexigence

    fondamentale quest le critre de qualit de linformation en question. Toute information peu

    intressante, de mauvaise prsentation, qui est rdige de manire propagandiste ou qui est trop

    longue na que trs peu de chances dtre slectionne par les journalistes.31 Ces critres sont

    certes subjectifs. Or, des travaux empiriques ont confirm que ces normes professionnelles

    29 White, David Manning : The Gate Keeper : A case study in the selection of News . In : Journalism Quarterly Vol. 27/1950, pages 383-390. 30 S Schulz, Winfried : Die Konstruktion von Realitt in den Nachrichtenmedien. Analyse der aktuellen Berichterstattung. . Freiburg/ Mnchen, 1976, Verlag Karl Alber, page 8. 31 White, David Manning : The Gate Keeper : A case study in the selection of News . Dautres critres de slection peuvent tre souligns, tels que lorientation politico-idologique des journalistes ou de leur rdaction. Dans la mesure o ces critres institutionnels ne peuvent pas tre influencs par les professionnels de la communication de la Commission europenne, ce travail en fait abstraction. Il en est de mme pour les opinions personnelles des journalistes, qui ont galement et cela malgr les normes professionnelles qui devraient les inciter sen dtacher une influence forte sur la slection : tant donn que la Commission europenne ne peut pas influencer ces opinions personnelles, ce mmoire napprofondit pas davantage cette problmatique.

  • 17

    (comme une bonne prsentation dun communiqu de presse, par exemple) ainsi que des

    contraintes organisationnelles (longueur des communiqus de presse ou des dpches)

    dterminent effectivement la slection des informations par les journalistes.32

    b) Slectionner des nouvelles qui garantissent une audience maximale

    Une deuxime thorie permettant danalyser les logiques de slection des journalistes est la

    thorie de la valeur des nouvelles . Selon cette thorie, chaque nouvelle a des caractristiques

    propres qui la rendent intressante et remarquable du point de vue des journalistes, ces derniers

    sachant de manire plus ou moins implicite ce qui rpond aux attentes et aux intrts de leurs

    lecteurs, auditeurs ou tlspectateurs.33 Par consquent, ces caractristiques des nouvelles

    deviennent pour eux des critres de slection et de traitement des informations : les

    caractristiques dune nouvelle dterminent sa valeur journalistique et, par-l, sa dignit dtre

    publie . La thorie postule donc un lien systmatique entre les caractristiques de certains

    vnements et leur valeur journalistique.

    On peut distinguer trois groupes de caractristiques des nouvelles.34 La caractristique

    simplicit fait que des nouvelles simples sont prfres des nouvelles complexes. Si une

    nouvelle est complexe, lon peut constater une tendance la rduire des structures les plus

    simples possibles. Cette premire caractristique permet de saisir un premier problme de

    communicabilit des politiques communautaires : ces sujets sont trs souvent hautement

    complexes et, en plus, traits dans des procdures ressenties comme complexes, ce qui

    complique donc leur couverture mdiatique.

    La deuxime caractristique est celle de lidentification : les journalistes tentent de capter

    lattention du public en relatant des nouvelles concernant des sujets dj bien introduits auprs

    du public. En outre, ils font parler des acteurs connus ou choisissent des vnements disposant

    dune proximit gographique, temporelle ou culturelle. En rgle gnrale, les politiques

    europennes ne sont pas bien introduits auprs du grand public, les rsultats des sondages

    Eurobaromtre cits au dbut de ce travail en tmoignent. Cette situation risque donc

    dhypothquer davantage la possibilit des sujets communautaires dentrer dans le circuit

    mdiatique.

    La dernire caractristique est celle du sensationnalisme , ce qui souligne la tendance

    journalistique de faire ressortir des faits dramatiques et motionnels tels que des accidents, des

    crimes, des conflits et des crises etc. Des faits dramatiques sont assez rares parmi les sujets

    communautaires et leur existence ventuelle dans les mdias risquerait mme de desservir la 32 Schulz, Winfried : Nachricht . In : Noelle-Neumann, Elisabeth et. al. : Fischer Lexikon Publizistik. Massenkommunikation . Frankfurt am Main, 2000, Fischer. 33 Burkart, Roland : Kommunikationswissenschaft , page 275. 34 stgaard, Einar : Factors influencing the flows of news . In : Journal of Peace Research 2/1965, pages 39-63.

  • 18

    cause europenne : si des nouvelles communautaires caractrises par le sensationnalisme

    mergeraient dans les mdias, cela serait plutt le signe dun scandale dans lune des institutions

    et donc capable de saper davantage la confiance des Europens dans ces dernires.

    Des recherches plus approfondies ont permis daller plus loin et de distinguer quinze

    caractristiques de nouvelles dans six dimensions qui dfinissent la valeur journalistique dune

    nouvelle.35 Plus une nouvelle runit ces caractristiques, plus elle a des chances dtre

    slectionne par les mdias. Or, lon peut voir que les sujets communautaires ne rpondent que

    rarement ces exigences journalistiques, rendant ainsi le travail des communicants de la

    Commission plus difficile.

    1. Temps :

    Cette dimension comprend deux caractristiques dun vnement : dure (des vnements

    courts ont une valeur journalistique leve tandis que des vnements dune dure suprieure

    une semaine ont une valeur journalistique limite) et ge de lvnement (un sujet dj bien

    tabli dans et par les mdias a une valeur journalistique leve alors quun nouveau sujet nen a

    quune rduite).

    Chacune des deux caractristiques ne semble que difficilement valoir pour des informations

    manant de la Commission europenne. En rgle gnrale, son activit c'est--dire

    llaboration, la mise en uvre et le contrle du respect de la lgislation communautaire

    sinscrit dans la dure. Etant donn la complexit du fonctionnement de la prise de dcision

    communautaire (ou au moins le fait que le public le ressent ainsi) ainsi que les faibles

    connaissances des Europens sur le fonctionnement institutionnel communautaire, la probabilit

    quun sujet soit dj bien tabli dans les mdias et auprs du public est trs faible.

    2. Proximit :

    La dimension proximit comprend les facteurs proximit gographique (ce qui est plus

    proche profite dune valeur journalistique plus leve), proximit politique (plus les relations

    conomiques sont importantes avec le lieu o un vnement a lieu, plus la valeur journalistique

    dune nouvelle provenant de ce lieu sera leve), proximit culturelle (quelle est limportance

    des liens linguistiques, religieux, littraires et scientifiques avec lendroit dorigine de la

    nouvelle ?) et pertinence (le public vis est-il concern par lvnement ?).

    Pour cette dimension encore, la possibilit que des sujets communautaires entrent dans le

    circuit mdiatique semble rduite, dans la mesure o ces sujets ne rpondent que difficilement

    35 Schulz, Winfried : Die Konstruktion von Realitt in den Nachrichtenmedien. Analyse der aktuellen Berichterstattung. . Freiburg/ Mnchen, 1976, Verlag Karl Alber.

  • 19

    lune de ces exigences : au lieu dtre caractris par une proximit gographique, conomique

    et/ ou culturelle, ces sujets se distinguent par une localisation diffuse dans lensemble de lUE ce

    qui rend difficile tout raisonnement en termes de distance ou de proximit et ce qui fait que les

    citoyens ne se sentent pas ncessairement concerns par les politiques europennes.

    3. Statut :

    Cette dimension se rsume par le critre de centralit qui sinterroge sur limportance

    politico-conomique, scientifique et, le cas chant, militaire de la rgion concerne. Etant donn

    que les impacts politiques, conomiques et scientifiques du travail de la Commission europenne

    sont souvent levs, cette dimension peut expliquer pourquoi certains sujets communautaires

    peuvent entrer dans le circuit mdiatique.

    4. Dynamique :

    La dimension dynamique englobe des caractristiques telles que surprise (le moment o

    lvnement surgit, son volution et le rsultat de lvnement ont-ils t attendus ?) et

    structure (sagit-il dun vnement complexe ou intelligible et facile comprendre ?).

    Cette catgorie permet galement de faire ressortir les problmes que peut prouver la

    Commission europenne communiquer ses politiques. En effet, ces dernires ne surgissent que

    trs rarement par surprise et les ngociations gnralement bien rodes dont elles font lobjet

    font quune volution surprenante et inattendue constitue une exception rare. En outre, et en

    croire cette thorie, la complexit du processus dcisionnel communautaire devrait rendre les

    journalistes encore plus hsitants relater ces informations auprs dun public qui ne sy connat

    gure.

    5. Valeur :

    Cette dimension comprend les caractristiques conflit (quel est le degr dagressivit des

    vnements politiques ?), criminalit (dfinie comme le degr dillgalit des actes en

    question), dgts (humains, matriels ou financiers, mais aussi checs) et russite (dans le

    sens dun progrs dans les domaines politique, conomique ou culturel, suscit par lvnement

    en question).

    Etant donn que toute la logique institutionnelle communautaire vise viter les conflits ou au

    moins les rduire un minimum ncessaire afin de pouvoir procder une prise de dcision

    sans heurts, cette catgorie semble galement souligner quil peut y avoir une certaine

    inadaptation des sujets communautaires tre relats dans les mdias. Il en est de mme pour les

    deux autres caractristiques de cette dimension, criminalit (qui ne fait pas partie du

  • 20

    fonctionnement normal du processus communautaire) et dgts (ici encore, laction

    communautaire vise plutt les viter ou rparer ; elle nen est quexceptionnellement

    concerne).

    6. Identification :

    Cette dernire dimension comprend les caractristiques personnalisation (quel est le degr de

    relations personnelles entre lvnement et le public vis par les mdias) et ethnocentrisme

    (dans quelle mesure le pays o la nouvelle sera publie est-il concern par lvnement ?).

    Si la dernire caractristique pourrait plaider pour une certaine facilit de communiquer de la

    part de la Commission europenne, dans la mesure o ses politiques concernent potentiellement

    un grand nombre de citoyens europens, le fait que le centre dcisionnel se trouve loin des

    citoyens risque de relativiser cet avantage, tant donn que les citoyens ne se sentent

    quindirectement concerns. Ce dernier constat c'est--dire lloignement ressenti du centre

    dcisionnel des personnes concernes mais aussi le fait que les institutions communautaires

    souffrent dune notorit faible36 expliquent pourquoi la caractristique personnalisation ne

    semble que difficilement pouvoir jouer pour relater les sujets communautaires dans les mdias de

    masse.

    Cette conceptualisation, qui donne des valeurs journalistiques diffrentes aux nouvelles en

    fonction de leurs caractristiques, fait ressortir lun des problmes que la Commission

    europenne rencontre lorsquelle communique lattention des mdias : dans la plupart des cas,

    les nouvelles manant de cette institution (comme celles des autres institutions communautaires)

    ne rpondent peu voire aucune des caractristiques numres. En consquence, il y a une

    certaine inadaptation des sujets communautaires aux critres de slection journalistiques, ce

    qui crerait des difficults certaines pour les communicants professionnels de la Commission de

    faire entrer de tels sujets dans le circuit mdiatique.

    B\ Toutefois, la lecture des thories suggre quune politique de communication qui connat ses responsabilits et qui se sert des connaissances sur le fonctionnement des mdias peut russir influencer lagenda mdiatique dans un sens voulu.

    Si les recherches empiriques ont jusqu maintenant confirm lhypothse selon laquelle les

    mdias ne pouvaient pas reproduire fidlement toute la ralit et rien que la ralit, quils

    reprsentaient toujours et ncessairement une ralit slective, peu prcise et tendancieuse, bref,

    36 Etude Eurobaromtre : Les citoyens europens et lavenir de lEurope. Etude qualitative dans les 25 Etats membres , page 12.

  • 21

    une ralit construite, la question se pose de savoir comment cette procdure de slection peut

    tre influence par les communicants selon leurs intrts : comment la Commission doit-elle agir

    pour que les sujets et politiques communautaires entrent davantage dans les mdias europens,

    quelles sont ses fonctions ? Sur la base des travaux thoriques mens en la matire, lon peut

    montrer que deux exigences sont primordiales cet gard, lune tant dirige vers lorganisation

    interne de la politique de relations publiques (1), lautre se concentrant sur le produit prpar

    par les communicants (2).

    1. Une organisation de la communication qui dsigne clairement ses fonctions ainsi que ses domaines daction est la condition sine qua non pour toute politique de relations publiques efficace.

    Afin dexposer la rponse donne par les thories la question de lorganisation de la politique

    de communication, il convient de dfinir les fonctions que toute politique de relations publiques

    devrait assumer (a), ainsi que les domaines daction dans lesquels elle doit sactiver (b).

    a) Quatre fonctions fondamentales de toute politique de relations publiques

    On peut en effet distinguer quatre fonctions cls qui, prises ensembles, contribuent une

    politique de relations publiques37 performante permettant de prsenter une organisation donne

    au public, de la positionner, dexpliquer ses politiques et de crer lacceptation et la confiance

    pour cette organisation et ses actes. Il sagit de la gnration de sujets, de leur interprtation, leur

    valuation ainsi que de la dcision quand les informations sur un sujet donn seront transmises

    aux journalistes. Ces fonctions reprsentent les exigences minimales que la politique de relations

    publiques devra satisfaire afin dinfluencer les mdias dans un sens voulu et afin de garantir la

    prservation du systme social global.

    b) Six domaines daction pour remplir ces fonctions

    Les fonctions essentielles des relations publiques dans le processus mdiatique tant dfinies, la

    question se pose dsormais de savoir quelles tches leur incombent. La littrature distingue six

    domaines daction :38

    - Planification et analyse : il sagit de la prparation dune stratgie de communication

    ainsi que des objectifs de la politique de communication, de la dfinition des publics cls,

    ventuellement en segmentant les publics afin de les traiter selon leurs besoins respectifs,

    dtablir un calendrier pour les activits de communication, et dvaluer les activits ;

    37 Dans le cadre de ce travail, le terme relations publiques dfinit les relations entre une institution, ici la Commission europenne, et ses diffrents publics cibles. 38 Bentele, Gnter : Politische ffentlichkeitsarbeit , page 139.

  • 22

    - Rgulation (prventive) de conflits par lanticipation de crises pouvant surgir et leur

    prparation en termes de politique de communication ;

    - Observation de lenvironnement de lorganisation, analyse et interprtation de lvolution

    de lopinion publique ;

    - Information et critique internes : relater auprs du niveau politique les critiques et

    demandes des journalistes lgard de leur communication afin de lamliorer et de

    renforcer la crdibilit de lorganisation ;

    - Conseiller le niveau politique sur la politique de communication et lopportunit de

    prendre des mesures de communication ;

    - Information externe : ralisation de la stratgie de communication ainsi que des mesures

    de communication routinires, cration de limage que lorganisation veut vhiculer.

    2. Se servir des connaissances sur le fonctionnement des mdias afin dinfluencer leur agenda.

    La description des fonctions et des domaines daction de toute politique de relations publiques a

    soulign la place centrale quincombe la ncessit des communicants de russir faire passer

    leur message auprs des journalistes pour que leurs nouvelles entrent dans le circuit mdiatique.

    Lobjectif du management des nouvelles ou du news management est dinfluencer lordre

    de priorits journalistique, c'est--dire de dfinir les sujets qui seront exposs par les mdias,

    mais aussi den influencer linterprtation et lvaluation faites par les journalistes.39 En effet,

    une telle stratgie jette les bases permettant dabord aux journalistes, puis aux rcepteurs de juger

    les politiques dune organisation donne. 40

    A cet gard, la connaissance des critres de slection journalistiques et du mode de

    fonctionnement des mdias est primordiale. En effet, cette expertise peut permettre aux

    communicants de se servir de ces critres dterminant la valeur journalistique pour faire entrer

    leur message dans le circuit mdiatique. Cette approche postule que lon peut mettre en scne

    la ralit et, par-l, influencer de lextrieur le processus de slection des journalistes (a). Un tel

    impact sur les journalistes peut galement tre atteint si les communicants sadressent

    prioritairement des mdias prestigieux qui donnent le ton dans le paysage mdiatique (b).

    39 Pfetsch, Barbara : Politische Kommunikation in der modernen Demokratie. Eine Bestandsaufnahme . Stuttgart, 2006, Universitt Hohenheim. Disponible sur : http://www.uni-hohenheim.de/medienpolitik/Oe&PK-Band1.pdf. 40 Iyengar, Shanto : News that matters : Television and American Opinion . Chicago, 1987, University of Chicago Press.

  • 23

    a) Reprendre les critres de slection des journalistes et sen servir pour faire passer le

    message

    Selon cette approche, la politique est avant tout de la communication et une politique russie est

    avant tout une communication soigneusement planifie et conduite.41 Ses aspects cls seraient la

    connaissance professionnelle et approfondie des logiques de slection et de production des

    nouvelles, la capacit de crer des vnements parfaitement mis en scne et adapts aux besoins

    des journalistes (quels horaires, quelles images, adaptation aux camras), un management

    stratgique des sujets et des vnements avec comme but la capacit de dterminer lordre du

    jour mdiatique pour limiter les liberts laisses aux slectionneurs dans les rdactions et enfin la

    capacit de rduire le rle des mdias au transport de symboles motionnels et de messages

    adapts aux publics cls.42 Pour influencer la slection des nouvelles par les journalistes, les

    communicants peuvent soit organiser des vnements susceptibles dattirer lattention des

    mdias sur une information donne, soit se servir de la connaissance des mcanismes de

    slection journalistiques afin de donner leurs nouvelles les caractristiques leur permettant

    dtre slectionnes par les journalistes.

    Un moyen pour influencer la slection faite par les journalistes est la cration de pseudo-

    vnements , c'est--dire des vnements qui nauraient pas eu lieu spontanment et

    indpendamment dune ventuelle couverture mdiatique (comme par exemple un tremblement

    de terre ou un accident davion). Ces pseudo-vnements ont t planifis et arrangs avec

    lobjectif principal dinciter les journalistes den parler dans leurs mdias respectifs.43 La

    recherche empirique a permis de dfinir les principaux outils utiliss par les communicants afin

    dinfluencer lagenda mdiatique :44

    - Des formes directes de communication (les pseudo-vnements au sens propre du terme)

    telles que des entretiens publics, des confrences, des discours, mais aussi des clbration

    de certains vnements ou encore des manifestations ;

    - Des instruments spcialiss des relations publiques : communiqu de presse, confrence

    de presse, photo de presse, interviews, entretiens en off , articles dans les journaux ;

    - Des publications utilises afin de sadresser des publics cibles (plaquettes, affiches,

    livres, rapports annuels).

    41 Plasser/Sommer : Politische ffentlichkeitsarbeit in informationsgesellschaftlichen Demokratien . In : Dorer, Lojka : ffentlichkeitsarbeit. Theoretische Anstze, empirische Befunde und Berufspraxis der Public Relations. Studienbcher zur Publizistik- und Kommunikationswissenschaft. Band 7 . Wien, 1991, Braumller, page 93. 42 Ailes, Roger : You are the message . New York, 1989, Doubleday. 43 Boorstin, Daniel J : The Image : A guide to pseudo-events in America . New York, 1961, Vintage Books. 44 Bentele, Gnter : Politische ffentlichkeitsarbeit , page 140.

  • 24

    Si ces outils dcrivent la manire dans laquelle le message sera vhicul, ils ne disent rien sur les

    caractristiques de ce dernier. Lanalyse empirique du fonctionnement du management des

    nouvelles montre que les caractristiques suivantes reprennent au mieux les critres de

    slection dfinis par la thorie de la valeur des nouvelles et dj exposs ci-dessus :45

    - la personnalisation de la politique ;

    - le ngativisme et la dramatisation symbolique des sujets politiques ;

    - la planification cible et la mise en uvre des cadres dinterprtation et linfluence du

    contexte dans lequel la communication de sujets politiques a lieu.

    b) Se servir des dirigeants dopinion du paysage mdiatique

    Une autre possibilit pour la Commission europenne dorganiser son travail de relations

    publiques peut tre, dun point de vue thorique, le choix de concentrer les efforts de

    communication sur certains mdias. Cette approche peut tre dduite du concept des dirigeants

    dopinion ou opinion leaders .

    Ce concept sinterroge sur limportance de la communication interpersonnelle au sein du

    processus de la communication de masse. Plusieurs caractristiques dcrivent les dirigeants

    dopinion .46 Ils nutilisent pas ncessairement davantage les mdias que la moyenne, mais ils

    les utilisent de manire plus attentive et se souviennent mieux de ce quils ont lu, vu et entendu,

    se laissant en consquence guider davantage par les mdias que par la communication

    interpersonnelle. En outre, ils sintressent plus de sujets que les non-dirigeants et ils font

    preuve dune connaissance plus approfondie de ces sujets. Puisquils ont galement davantage

    damis et de connaissances que la moyenne, ils sont plus souvent sollicits par ces derniers.47

    Lors de leurs entretiens avec leur environnement, les dirigeants dopinion ont tendance

    tenter de convaincre les autres de leurs opinions personnelles.

    Ce constat a tabli limage dun flux de communication de deux tages ( two-step-flow of

    communications ) :

    Cela suppose que les ides stendent souvent de la radio et de la presse

    vers les dirigeants dopinion et de celles-ci vers les parties moins actives de

    la population. 48

    45 Pfetsch, Barbara : Politische Kommunikation in der modernen Demokratie. Eine Bestandsaufnahme , page 15. 46 Burkart, Roland : Kommunikationswissenschaft , page 206. 47 Noelle-Neumann, Elisabeth : Wirkung der Massenmedien auf die Meinungsbildung . In : Noelle-Neumann, Elisabeth et. al. : Fischer Lexikon, Publizistik, Kommunikationswissenschaft . Frankfurt am Main, 2000, Fischer, page 539. 48 This suggests that ideas often flow from radio and print to the opinion leaders and from them to the less active sections of the population. Lazarsfeld, Paul : The peoples choice : How the voter makes up his mind in a presidential campaign . New York, 1948, Columbia University Press.

  • 25

    Cette approche suppose donc que les mdias de masse ne russissent pas entrer directement en

    contact avec une grande partie de la population, mais que leurs messages sont dabord reus

    par les dirigeants dopinion (cest le premier des deux tages) qui les transmettent ensuite aux

    rcepteurs dont lutilisation des mdias est moins active. Par consquent, lopinion dfinie et

    dfendue par les dirigeants dopinion a une influence dterminante sur lopinion publique. Si

    ceci ne veut pas dire que leur opinion prvaudra de manire systmatique, lon peut nanmoins

    constater quune nouvelle opinion publique ne saura simposer sans le soutien et le porte-

    parolat des dirigeants dopinion.49

    Or les recherches empiriques ont montr que les concepts des dirigeants dopinion et du

    flux de communication de deux tages ne se limitent pas uniquement aux rcepteurs des

    mdias de masse. On les retrouve galement au sein du systme mdiatique o il y a des mdias

    et des journalistes particulirement en vue. Ils se distinguent par leur capacit dfinir les sujets

    cls, dterminer une valuation positive ou ngative dun sujet voire de changer sa perception

    par le public. En outre, ils sont cits rgulirement par dautres journalistes et par dautres

    mdias.50

    Il sensuit quil peut tre utile pour une organisation donne de privilgier le contact avec ces

    mdias dirigeants dopinion et des dirigeants dopinion . Une telle approche faciliterait la

    prise de contact avec ces rcepteurs dans la mesure o ces deux publics ont, de par leurs

    caractristiques particulires, dj une connaissance plus importante des questions europennes

    et donc une capacit et une facilit plus leves dchiffrer les informations provenant de la

    Commission europenne. En outre, des informations diffuses par les dirigeants dopinion et/

    ou des mdias de ce type bnficient dune plus grande crdibilit et sont donc reprises plus

    facilement par dautres mdias (ou cru par des individus) que si elles manaient de la

    Commission europenne elle mme : le soupon de propagande ne sy installe pas.

    En consquence, il semble quil peut tre une piste prometteuse pour la Commission de

    privilgier des mdias dirigeant dopinion dans sa politique de communication.

    C\ Communiquer dans 27 Etats membres : la politique de communication entre standardisation et diffrenciation.

    Lensemble des thories et concepts analyss et prsents jusque-l font limpasse sur le fait que

    la Commission europenne agit dans un contexte particulier. En effet, contrairement aux

    administrations publiques nationales qui, en gnral, ne communiquent quen direction des

    49 Noelle-Neumann, Elisabeth : ffentliche Meinung . In : Noelle-Neumann, Elisabeth et. al. : Fischer Lexikon, Publizistik, Kommunikationswissenschaft . Frankfurt am Main, 2000, Fischer, page 372. 50 Noelle-Neumann, Elisabeth : Wirkung der Massenmedien auf die Meinungsbildung , page 555.

  • 26

    citoyens de leur Etat, le public vis par la Commission est ncessairement plus grand : il englobe

    lensemble des citoyens europens, c'est--dire les citoyens des 27 Etats membres de lUnion

    europenne. Ce constat pose la question si une politique de communication uniforme peut tre

    adapte aux modes de fonctionnement, aux cultures journalistiques et aux exigences des

    diffrents systmes mdiatiques dans lensemble des Etats membres.

    La littrature en la matire laisse en effet penser que la culture de communication politique

    nest pas la mme dans lensemble des Etats membres et quil ny a donc pas une culture de

    communication politique europenne unique.51 Selon ces tudes, la culture de communication

    politique, dfinie comme les relations spcifiques entretenues entre les porte-paroles politiques

    dune part et les journalistes dautre part, changerait dun pays lautre. Elle serait dabord

    influence par la constitution du systme mdiatique, qui est dfinie par la politisation des

    mdias, leur (in-)dpendance politique, financire et/ ou conomique lgard des pouvoirs

    publics ainsi que par des traditions journalistiques. En outre, la culture de communication

    politique serait dtermine par les processus politiques respectifs dans les diffrents Etats,

    entendus comme lorganisation du systme de gouvernement, le rle des partis politiques et des

    groupes de pression.

    Lorsque lon croise ces deux facteurs (systmes mdiatique et politique), on obtient quatre

    cultures de communication politiques diffrentes.

    1. La culture de communication oriente vers les mdias Cette catgorie est caractrise par une forte distance entre les porte-paroles politiques et les

    journalistes qui explique quaucun mcanisme social nexiste pour tablir des liens de confiance

    entre ces deux acteurs. En outre, lon peut constater une forte dpendance des acteurs politiques

    de la communication des mdias qui sexplique par un paysage politique caractris par des

    faibles partis politiques. Par consquent, les acteurs politiques acceptent les rgles du

    fonctionnement mdiatique comme leurs propres rgles afin dtre en mesure de communiquer

    aux mdias. Eu gard la faiblesse des partis politiques, cette acceptation est mme considre

    comme la condition sine qua non toute communication politique.

    2. La culture de communication oriente vers les relations publiques Cette culture est dfinie par les bonnes relations et une proximit motionnelle entre les

    journalistes et les professionnels des relations publiques politiques. Journalistes et porte-paroles

    51 Pfetsch, Barbara : Politische Kommunikation in der modernen Demokratie. Eine Bestandsaufnahme , page 21.

  • 27

    saccordent que la production de messages politiques suit la logique mdiatique. Leur bonne

    entente explique une politique de communication qui na gure dinfluence idologique, et qui

    met laccent sur le consensus symbolique.

    3. La culture de communication politico-partisane Dans cette catgorie, ce sont les calculs de pouvoir des partis et/ ou gouvernements concurrents

    qui influencent trs largement la politique de communication. Grce des relations sociales et

    politiques troites entre les porte-paroles et les journalistes, les premiers russissent relativement

    facilement dterminer les sujets, le moment de leur couverture par les mdias voire lvaluation

    par ces derniers. La communication suit ici les rgles des acteurs politiques, ft-ce au prix dune

    perte dautonomie des mdias.

    4. La culture de communication politico-stratgique Cette culture, caractrise par la coexistence de la dominance dune logique politique, dune

    part, et une grande distance entre les mdias et les porte-paroles politiques dautre part, gnre

    une situation obligeant les porte-paroles utiliser des mesures stratgiques afin de pouvoir

    communiquer leurs messages : ils comprennent les relations publiques comme une ressource

    stratgique politique et se servent de leur connaissance technique sur la production et les effets

    de messages politiques pour atteindre leurs objectifs spcifiques et court-termistes. Les porte-

    paroles politiques tentent dinstrumentaliser les mdias tout en utilisant les rgles du jeu

    mdiatique.

    Au-del de ces quatre modles qui dcrivent les relations entre les communicants et les

    journalistes et qui soulignent les diffrences qui peuvent exister entre les diffrents Etats

    membres de lUnion europenne, lon peut citer dautres facteurs qui montrent que lefficacit

    des relations publiques peut tre tributaire de son adaptation aux conditions nationales,

    diffrentes dun Etat lautre. En font partie le systme politique et conomique52, la culture

    dune nation53 ainsi que le systme mdiatique et le niveau de dveloppement dun Etat donn.

    52 Vercic, Dejan : Global and Specific Principles of Public Relations : Evidence from Slovenia . In : Culbertson, Hugh : International Public Relations. Administration comparative analysis . Mahwah, New Jersey, 1996, Lawrence Erlbaum Associates. 53 Sriramesh, Krishnamurthy : Societal Culture and Public Relations . In : Grunig, James : Excellence in public relations and communication management . Hillsdale, New Jersey, 1992, Lawrence Erlbaum Associates.

  • 28

    Etant donn que lon peut donc distinguer au moins quatre modles diffrents de relations entre

    les porte-paroles et les journalistes ainsi que de nombreux facteurs influenant les relations entre

    le systme politique et le systme mdiatique, on peut sinterroger si une organisation

    supranationale comme la Commission europenne peut communiquer selon un modle uniforme

    ce qui serait beaucoup plus simple, dun point de vue structurel et organisationnel ou sil est

    ncessaire de dvelopper un programme de relations publiques adapt chaque Etat membre de

    lUnion europenne.

    Ces deux types idaux de relations publiques internationales standardisation et diffrenciation

    ont t analyss par la littrature.54 On entend par relations publiques internationales

    lapproche qui labore un programme de relations publiques propre chaque pays destinataire

    (diffrenciation). Etant donn que ces relations publiques internationales sont adaptes la

    situation spcifique de chaque pays (conditions politique, conomique et culturelle notamment),

    elles permettent de sadresser aux rcepteurs dune manire adquate et adapte.

    A loppos, les relations publiques globales sont bases sur une approche qui transcende les

    frontires nationales. Elle essaie de faire ressortir les points en commun au-del des frontires

    gographiques ou culturelles et de dvelopper, sur cette base, un programme de relations

    publiques standardis et qui soit universellement applicable. Lobjectif est de standardiser non

    seulement la stratgie, mais aussi la prsentation et la communication des messages. Lavantage

    de cette approche rside dans son universalit permettant de dvelopper une image unique et

    cohrente et de crer des synergies. Afin de pouvoir dfinir une politique de relations publique

    standardise, des principes universellement valables de relations publiques doivent tre connus.

    Des tudes ont montr quil peut y avoir une conception universelle dune relation publique

    excellente . Celle-ci serait dfinie par lindpendance organisationnelle du service relations

    publiques , limportance accorde une formation approfondie en relations publiques des

    communicants ainsi que par une communication symtrique et bilatrale entre lorganisation en

    le public.55

    Une solution intermdiaire entre ces deux ples extrmes, et qui est considre comme la plus

    prometteuse par la littrature, est dnomme diffrenciation standardise : les programmes

    globaux de relations publiques labors dans cette logique doivent tre diffrencis pour

    rpondre aux particularits nationales, mais ils doivent ltre le moins possible afin de prserver

    54 Huck, Simone : Wie global ist internationale PR ? Zu den Defiziten eines jungen Forschungsfeldes . Stuttgart, 2001, Universitt Hohenheim. Larticle est disponible sous http://www.media.uni-hohenheim.de/html/akademie/wissenstransfer/wie_global_ist_pr.html. 55 Wakefield, Robert : Preliminary Delphi research on international public relations programming. Initial data supports application of certain generic/ specific concepts . In : Moss, Danny : Perspectives on Public Relations Research . London, New York, 200, Routledge.

  • 29

    lunit du message. Pour la mme raison, les programmes globaux de relations publiques seront

    le plus standardis possible. Or lon voit donc quil sagit l de dterminer un point sur un

    continuum entre diffrenciation et standardisation , une dcision qui devrait tre fonde

    sur une approche qui prenne en compte les objectifs stratgiques du communicant mais aussi les

    rsultats de lanalyse empirique de la situation journalistico-mdiatique (quelle culture de

    communication politique ?) sur le terrain, c'est--dire dans les diffrents Etats membres.

    Ce travail thorique permet de tirer plusieurs enseignements. Il souligne dabord la position

    fondamentale quoccupent les journalistes dans le processus de slection des informations et

    donc dans la cration de publicit. Par consquent, les professionnels des relations publiques sont

    obligs de convaincre ces gardiens dcluse douvrir les cluses pour laisser passer leurs

    informations. Si la position des journalistes peut donc sembler dterminante premier regard,

    lanalyse des thories permet, dune part, dtablir certains critres qui doivent tre respects afin

    de russir la politique de communication et, dautre part, de mieux comprendre les logiques de

    slection tablies par les journalistes. En effet, la connaissance de ces logiques par les

    professionnels en communication peut faciliter la tche ces derniers.

    Enfin, le travail thorique souligne un second dfi que les communicants de la Commission

    devraient relever pour russir leur mission, c'est--dire dorganiser une communication dans un

    cadre international. L encore, les thories donnent des conseils pratiques aux acteurs.

    Sur la base de ces recommandations thoriques, il convient de dcrire, dans une approche

    empirique, la ralit de la politique de communication de la Commission europenne.

  • 30

    II. Face une situation juge insatisfaisante, la Commission europenne a redfini les fondamentaux de sa politique de communication et se dote

    dune structure et doutils nouveaux destins relever le dfi.

    Aprs une approche thorique qui a permis de voir comment les relations publiques devraient

    tre organises afin de pouvoir rpondre aux exigences qui leur ont t assignes, il convient de

    sinterroger sur la question de savoir comment la Commission europenne a organis sa politique

    de communication. Ainsi, lon constate un bilan trs auto-critique des politiques de

    communication menes jusque-l et une relle volont de changer de cap afin de parvenir un

    meilleur soutien populaire des institutions et politiques europennes. Cette ncessaire

    redfinition des objectifs de la politique de communication a permis dtablir une nouvelle

    approche stratgique cette politique de communication (A). De cette nouvelle stratgie

    dcoulent deux axes de pousses pour laction en la matire (B). La Direction gnrale

    Communication a t rorganise afin de pouvoir mieux rpondre aux nouvelles attentes (C).

    Dans ce cadre totalement rvis et modernis, la Direction gnrale Communication est

    dsormais en mesure de remplir ses fonctions et de communiquer ses deux publics cl (D).

    A\ Partant dun bilan autocritique, la Commission refonde les principes de sa politique de

    communication et lui assigne de nouveaux objectifs stratgiques.

    1. Sur la base dun bilan critique de ses activits de communication, la Commission semble se rapprocher dune analyse comparable celle de la thorie des systmes sociaux.

    Le constat de la Commission europenne sur sa propre politique de communication est svre et

    sans quivoque. Dplorant la fragmentation persistante des activits de communication , une

    mise en uvre inapproprie de ces dernires et le fait que les messages refltent [certes]

    des priorits politiques, mais ne rpondent pas ncessairement aux intrts, aux besoins et aux

    proccupations des citoyens 56, elle conclut :

    Jusquici, la communication est trop souvent reste laffaire de Bruxelles.

    Elle sest principalement attele expliquer laction de lUE aux citoyens et

    a accord moins dattention aux opinions de ces derniers. [Ils] ont souvent

    limpression que les moyens leur permettant de participer au dbat sont

    restreints ou inaccessibles. Malgr son importance dterminante et son

    amlioration permanente, la communication institutionnelle na

    56 Commission europenne : Plan daction de la Commission relatif lamlioration de la communication sur lEurope . Bruxelles, juillet 2005, Commission europenne, page 3.

  • 31

    manifestement pas suffi combler le foss [entre les citoyens et la

    construction europenne]. 57

    Dans son analyse de la politique de communication sur les sujets communautaires, la

    Commission souligne en outre labsence dune couverture mdiatique rgulire et permanente :

    si les journaux nationaux couvrent souvent les grands vnements survenant intervalles

    rguliers tels que les Conseils europens, aucune couverture globale des affaires europennes

    nest assure entre ces vnements. Les journaux locaux ou rgionaux, particulirement

    importants en raison de leur tirage cumul lev, naccordent en gnral quune place limite aux

    questions europennes. Quant aux mdias audiovisuels, leur tendance limiter de plus en plus le

    temps dvolu linformation politique intensifie la concurrence pour occuper lespace

    mdiatique, le rendant ainsi encore plus difficile aux questions europennes dtre relates par

    les mdias.58

    Tout en soulignant que cette situation de communication difficile ntait pas nouveau, la

    Commission la juge intenable, salarmant de lloignement et du sentiment de dsaffection

    quprouvent les Europens envers la construction et les politiques europennes. La Commission

    affirme quil ny a pas de dmocratie sans communication et que la dmocratie ne peut

    prosprer que si les citoyens sont informs de la situation et que leur participation sans rserve

    est possible .59 Cette analyse se rapproche donc trs largement de celle qui a t faite

    auparavant sur la base de la thorie des systmes sociaux et qui souligne que lchange entre les

    diffrents sous-systmes est primordial pour le bon fonctionnement du systme global.

    2. La nouvelle philosophie et les objectifs stratgiques redfinis de la politique de communication de la Commission europenne placent les citoyens europens au centre de tous les efforts.

    Trois principes fondamentaux guident la dfinition des nouveaux objectifs de la politique de

    communication.60 Ainsi, le point de dpart de toute rflexion en la matire est un droit

    fondamental : le droit linformation et la libert dexpression qui conduit la dfinition du

    premier principe, celui de linclusion. Selon ce principe, tous les citoyens devraient avoir

    accs, dans leur propre langue, aux informations relatives aux questions dintrt public. []

    Les informations doivent tre rendues largement accessibles par un grand ventail de canaux,

    57 Commission europenne : Livre blanc sur une politique de communication europenne . Bruxelles, 1er fvrier 2006, page 4. 58 Idem, page 9. 59 Idem, page 2. 60 Idem, pages 5-6.

  • 32

    comprenant notamment les mdias et les nouvelles technologies . Etant donn que les

    citoyens europens sont issus dorigines sociales et culturelles trs diffrentes , la Commission

    demande ce que sa politique de communication respecte lensemble des opinions exprimes

    au cours du dbat public afin de garantir un dbat le plus ouvert possible. Ce deuxime

    principe la diversit est intimement li au troisime, le principe de la participation, selon

    lequel les citoyens devraient avoir le droit dexprimer leurs opinions et dtre entendus, ainsi

    que la possibilit de dialoguer avec les dcideurs . La Commission estime que ce dernier

    principe est particulirement important au niveau de lUE o les institutions prsentent un

    risque accru dloignement par rapport aux citoyens , une analyse qui se rapproche, ici encore,

    de celle faite par la thorie des systmes sociaux.

    De ces principes fondamentaux dcoulent les objectifs stratgiques assigns la politique de

    communication : il sagit dsormais de mettre la communication au service des citoyens

    europens, de gagner la confiance des Europens par de bonnes politiques et par une bonne

    communication sur ces politiques .61 Selon la Commission, cette approche fondamentalement

    nouvelle comprend une transition radicale dune communication sens unique vers un

    dialogue renforc, dune communication axe sur les institutions vers une communication axe

    sur les citoyens, dune conception venant de Bruxelles vers une dmarche plus dcentralise .62

    La communication vise donc instaurer un dialogue entre les citoyens et les responsables

    politiques et un dbat, vaste et intensif, sur les politiques europennes.

    Cette nouvelle communication contribuera, long terme, lmergence dune sphre publique

    europenne, au sein de laquelle les citoyens recevraient les informations et outils dont ils ont

    besoin pour participer activement au processus dcisionnel et pour sapproprier le projet

    europen .63 Car, juge la Commission dans une approche qui partage les conclusions tires sur

    la base de la thorie des systmes sociaux, pour quil y ait renouveau dmocratique, il faut que

    les citoyens europens aient le droit de faire entendre leur voix .64 Le feedback populaire sous

    forme dexigences et soutiens venant du sous-systme opinion publique est donc considr

    comme fondamental pour combler le foss entre les Europens et leurs institutions.

    61 Commission europenne : Plan daction de la Commission relatif lamlioration de la communication sur lEurope , page 2. 62 Commission europenne : Livre blanc sur une politique de communication europenne , page 4. 63 Commission europenne : Communication de la Commission au Conseil, au Parlement europen, au Comit conomique et social europen et au Comit des rgions. Contribution de la Commission la priode de rflexion et au-del : Le Plan D comme Dmocratie, Dialogue et Dbat . Bruxelles, 13 octobre 2005, Commission europenne, page 3. 64 Idem, page 4.

  • 33

    B\ Deux axes stratgiques de dveloppement ont t retenus par la Commission afin de rendre oprationnels la philosophie et les objectifs stratgiques nouvellement dfinis.

    La redfinition de la philosophie ainsi que des objectifs stratgiques de la politique de

    communication de la Commission entranent ncessairement une nouvelle approche quant leur

    mise en uvre. La Commission a dfini deux vecteurs daction destins rendre oprationnels

    les objectifs stratgiques : ainsi compte-t-elle mieux ancrer les dbats sur des questions

    europennes dans les espaces publics nationaux (1), sans pour autant ngliger sa propre

    responsabilit pour amliorer la qualit du dbat (2).

    1. Soutenir les dbats nationaux afin de faire sortir les questions europennes du microcosme bruxellois.

    La Commission considre que, aujourdhui, la sphre publique dans laquelle se droule la vie

    politique en Europe est essentiellement nationale. Si des questions europennes y sont traites,

    elles sont trs largement considres sous un angle national et non pas europen : la culture

    politique supranationale, englobant des organisations et des groupes politiques paneuropens et

    susceptible de crer un espace public europen, nest pas suffisamment dveloppe. Or, tant

    donn que de nombreuses dcisions politiques affectant la vie quotidienne des citoyens de lUE

    sont adoptes au niveau europen, lEurope en gnral et les politiques communautaires en

    particulier doivent trouver leur place dans les sphres publiques nationales, rgionales et locales

    existantes.

    La Commission souligne quune telle intgration de la dimension europenne dans le dbat

    politique national reprsenterait un intrt rel, dans la mesure o une prise en compte accrue des

    questions europennes renforcerait ce dbat et ne serait donc pas en concurrence avec ce

    dernier.65 Elle compte mettre en uvre deux actions destines mieux ancrer les sujets

    communautaires dans les dbats politiques nationaux.

    a) Une approche commune mise en uvre dans les Etats membres

    Loin de vouloir se substituer aux Etats membres dans lorganisation des dbats nationaux et tout

    en reconnaissant que lchelon national demeure le premier point dentre de tout dbat

    politique 66, la Commission entend donner une impulsion supplmentaire en proposant une

    approche commune aux dbats nationaux sur des politiques communautaires, qui serait mise en

    uvre par les reprsentations de la Commission dans les Etats membres.67 Se rfrant ses

    65 Commission europenne : Livre blanc sur une politique de communication europenne , pages 4-5. 66 Idem, page 12. 67 Commission europenne : Le Plan D comme Dmocratie, Dialogue et Dbat , page 4.

  • 34

    objectifs stratgiques en la matire, la Commission souligne la ncessit dorganiser un

    processus double sens, consistant, dune part, informer les citoyens sur le rle de lUE et sur

    ses politiques et, dautre part, prendre bonne note de leurs attentes quant ce qui devrait tre

    fait lavenir.

    Afin de favoriser ce dbat avec les citoyens europens dans les Etats membres et pour amliorer

    la transparence, la Commission se sert principalement des reprsentations quelle entretient dans

    chaque capitale de lUnion europenne ainsi que des huit antennes rgionales dans les plus

    grands Etats membres.68 Leur promotion auprs du grand public en tant que principaux points de

    contact pour les citoyens doit en faire le lieu dinformation et dchange privilgi entre la

    Commission et les citoyens europens, permettant ainsi dtablir un canal de communication

    direct entre ladministration et les administrs et vitant de devoir passer par les gouvernements

    ou les mdias nationaux. Afin de renforcer ce positionnement, il a t demand aux chefs de

    reprsentation de participer rgulirement des sessions dchange avec les citoyens

    europens.69

    Suivant cette mme logique, le rseau des centres Europe Direct, mis en place par la

    Commission en partenariat avec des structures daccueil rgionales et locales sera davantage mis

    en valeur : en effet, ces centres permettent de fournir, sur le terrain et de manire dcentralise,

    des informations sur lEurope aux citoyens et de mettre en uvre lapproche de la Commission

    en matire dactivits de communication.70

    En outre, la Commission envisage dorganiser, en coopration avec les Etats membres, une srie

    de manifestations rgionales en y associant des ambassadeur