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Revue de chirurgie orthopédique © Masson, Paris, 2005 2005, 91, 137-142 MÉMOIRE Mesure de la pénétration céphalique sur des radiographies numérisées Reproductibilité et précision J. Girard *, D. Touraine **, M. Soenen *, P. Massin **, P. Laffargue *, H. Migaud * * Service d’Orthopédie C, Hôpital Salengro, CHRU de Lille, 2, avenue Oscar-Lambret, 59037 Lille Cedex. ** Service d’Orthopédie, CHU d’Angers, 4, rue Larrey, 49003 Angers Cedex 01. ABSTRACT Purpose of the study Wear of the acetabular component of total hip arthroplasty (THA) is incriminated as the cause of loosening and bone resorption. Consequently, an accurate evaluation of wear can contribute to the prediction of mechanical failure of the arthro- plasty. Among the different methods proposed, digitalized imaging using a high-resolution scanner associated with data processing procedures appears to be a simple easily accessible technique. A system based on this concept has been intro- duced in orthopedics. To our knowledge, there has been no report on the system’s reproducibility and accuracy. Material and methods Thirty-nine radiography series for THA served as the basis for the evaluation of intra- and interobserver reproducibility. We evaluated the error induced by digitalization, the error induced by digitalized measurement, the accuracy of the measure- ments as a function of the material constituting the bearing, the intra- and interobserver reproducibility for repeated meas- ures of THA wear (six observers and two observations). All measurements were done after digitalization and analyzed with a specimen designed software. Results The inter and intra-observer coefficients of concordance were 0.6 and 0.58 respectively, i.e. moderate reproducibility. Depending on the prosthetic material, the error and accuracy of the system varied from 0.112 to 0.44 mm and 0.28 to 1.29 mm respectively. To obtain valid inter-observer reproducibility, the number of observers had to be limited to three (coefficient = 0.82). The type of implant had an influence on measurement error. The error was 0.342 for polyethylene cups and 0.118 for press-fit metal back cups. Likewise, for a metallic head measuring 22.2 mm, the error was 0.138 mm while for a ceramic head or metal head measuring 28 mm, the error was 0.28 mm and 0.112 mm respectively. Discussion and conclusion The accuracy and error depend directly on the type of implant. The accuracy was better for metallic heads associated with metal-backed cups. To obtain satisfactory interclass correlation, the number of observers should be three. The proposed digitalized measurement system should be relatively accurate and reproducible. Its use can be recommended for the evalu- ation of wear after five years of follow-up, limiting the number of observers to three. Key words: Wear, measure, reproducibility. Measurement of head penetration on digitalized radiographs: reproducibility and accuracy Tirés à part : J. GIRARD, à l’adresse ci-dessus. E-mail : [email protected] Acceptation définitive le : 16 novembre 2004

Mesure de la pénétration céphalique sur des radiographies numérisées

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Page 1: Mesure de la pénétration céphalique sur des radiographies numérisées

Revue de chirurgie orthopédique © Masson, Paris, 20052005, 91, 137-142

MÉMOIRE

Mesure de la pénétration céphalique sur des radiographies numériséesReproductibilité et précision

J. Girard *, D. Touraine **, M. Soenen *, P. Massin **, P. Laffargue *, H. Migaud *

* Service d’Orthopédie C, Hôpital Salengro, CHRU de Lille, 2, avenue Oscar-Lambret, 59037 Lille Cedex.** Service d’Orthopédie, CHU d’Angers, 4, rue Larrey, 49003 Angers Cedex 01.

ABSTRACT

Purpose of the studyWear of the acetabular component of total hip arthroplasty (THA) is incriminated as the cause of loosening and bone

resorption. Consequently, an accurate evaluation of wear can contribute to the prediction of mechanical failure of the arthro-plasty. Among the different methods proposed, digitalized imaging using a high-resolution scanner associated with dataprocessing procedures appears to be a simple easily accessible technique. A system based on this concept has been intro-duced in orthopedics. To our knowledge, there has been no report on the system’s reproducibility and accuracy.

Material and methodsThirty-nine radiography series for THA served as the basis for the evaluation of intra- and interobserver reproducibility. We

evaluated the error induced by digitalization, the error induced by digitalized measurement, the accuracy of the measure-ments as a function of the material constituting the bearing, the intra- and interobserver reproducibility for repeated meas-ures of THA wear (six observers and two observations). All measurements were done after digitalization and analyzed witha specimen designed software.

ResultsThe inter and intra-observer coefficients of concordance were 0.6 and 0.58 respectively, i.e. moderate reproducibility.

Depending on the prosthetic material, the error and accuracy of the system varied from 0.112 to 0.44 mm and 0.28 to1.29 mm respectively. To obtain valid inter-observer reproducibility, the number of observers had to be limited to three(coefficient = 0.82). The type of implant had an influence on measurement error. The error was 0.342 for polyethylene cupsand 0.118 for press-fit metal back cups. Likewise, for a metallic head measuring 22.2 mm, the error was 0.138 mm while fora ceramic head or metal head measuring 28 mm, the error was 0.28 mm and 0.112 mm respectively.

Discussion and conclusionThe accuracy and error depend directly on the type of implant. The accuracy was better for metallic heads associated with

metal-backed cups. To obtain satisfactory interclass correlation, the number of observers should be three. The proposeddigitalized measurement system should be relatively accurate and reproducible. Its use can be recommended for the evalu-ation of wear after five years of follow-up, limiting the number of observers to three.

Key words: Wear, measure, reproducibility.

Measurement of head penetration on digitalized radiographs: reproducibility and accuracy

Tirés à part : J. GIRARD, à l’adresse ci-dessus.E-mail : [email protected]

Acceptation définitive le : 16 novembre 2004

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138 J. GIRARD, D. TOURAINE, M. SOENEN, P. MASSIN, P. LAFFARGUE, H. MIGAUD

RÉSUMÉ

L’usure du composant acétabulaire des prothèses totales de hanche est incriminée dans la survenue des phénomènes dedescellement et de résorption osseuse. En conséquence l’évaluation précise de l’usure pourrait constituer un moyen prédic-tif de la faillite mécanique de l’arthroplastie. Parmi les nombreuses méthodes proposées, l’utilisation d’images numériséesau moyen d’un scanner à haute définition associée à des mesures numériques informatiques, semble une solution simple etaccessible. Un système a été mis au point selon ce concept et introduit en orthopédie, mais à notre connaissance aucunepublication n’a évalué la précision et la reproductibilité des mesures acquises au moyen de cet outil informatique.

Trente-neuf bilans radiographiques de prothèses totales de hanche ont servi de base à l’étude de reproductibilité intra- etinter-observateurs. Nous avons évalué l’erreur induite par la numérisation, l’erreur induite par la mesure numérisée, la préci-sion des mesures en fonction des matériaux constituant le couple de frottement, la reproductibilité intra et inter-observateurslors de la mesure répétée de l’usure d’arthroplasties totales de hanche (6 observateurs à deux reprises). Toutes les mesu-res ont été effectuées après numérisation des clichés et analysées par le programme d’exploitation.

Les coefficients de concordance inter- et intra-observateurs étaient respectivement de 0,6 et de 0,58, soit une reproducti-bilité modérée. Selon le matériel prothétique, l’erreur et la précision de la méthode variaient respectivement de 0,112 à0,44 mm et de 0,28 à 1,29 mm. Afin d’obtenir une reproductibilité inter-observateur valable, il fallait se limiter à 3 observa-teurs (coefficient de 0,82).

L’influence de la nature des implants sur les erreurs de mesure d’usure était nette. Ainsi, l’erreur était de 0,342 pour unecupule en polyéthylène et de 0,118 mm pour une cupule métallique sans ciment. De même, pour une tête métallique de22,2 mm, l’erreur était de 0,138 mm tandis que pour une tête en céramique et en métal de 28 mm l’erreur était respective-ment de 0,28 mm et de 0,112 mm.

Le taux de précision et l’erreur dépendent directement de la nature des implants. Ainsi, la précision est meilleure pour destêtes métalliques associées à des cupules « métal-back ». Pour obtenir une corrélation interclasse satisfaisante, le nombred’observateurs doit être de 3. La technique de mesure numérisée proposée apparaît comme relativement précise et repro-ductible. Son utilisation semble recommandée pour l’évaluation de l’usure après 5 ans de recul, en limitant à 3 le nombred’observateurs.

Mots clés : Usure, mesure, reproductibilité.

INTRODUCTION

L’usure du polyéthylène, qui s’exprime par la pénétrationde la tête prothétique, est incriminée dans la survenue desphénomènes de descellement et de résorption osseuse aucontact des arthroplasties [Schmalzried et Callaghan (1)].En conséquence, une évaluation précise et une détectionprécoce de ce phénomène peuvent constituer un moyenprédictif de la faillite mécanique des arthroplasties.L’enfoncement céphalique dans le composant enpolyéthylène d’une prothèse totale de hanche (PTH) peutêtre évalué au moyen de nombreuses techniques dont laplus précise est la radio-stéréophotogrammétrie (RSA)[Kärrholm et al. (2), Levai et Boisgard (3)] qui ne peut seconcevoir que dans le cadre d’études prospectives.D’autres méthodes, plus adaptées à une pratique courante,utilisent soit la numérisation des radiographies couplées àun ordinateur [Ein Bild Roentgen Analyse (EBRA)][Ilchmann et al. (4)], soit une mesure manuelle au moyend’un stylo et d’un goniomètre [méthodes de Sutherland[Stöckl et al. (5)] ou de Wetherell et al. (6)]. Par rapport àune méthode manuelle, dans le but d’automatiser lesmesures et d’en améliorer la précision, la numérisationdes radiographies par un scanner à haute définitionassociée à des mesures numériques informatiques, sembleune solution simple et accessible. Cette solution estappelée à se développer, compte tenu notamment d’unagrandissement variable sur les clichés numériquesfournis par la plupart des centres de radiologie. Lesystème Imagika®1 a été mis au point selon ce concept et

introduit en orthopédie, mais à notre connaissance, aucunepublication n’a évalué la précision et la reproductibilitédes mesures acquises au moyen de cet outil informatique[Vernois et al. (7)]. Le but de cette étude était de répondreà ces questions en évaluant respectivement : 1) l’erreurinduite par la numérisation, 2) l’erreur induite par la mesurenumérisée, 3) la précision des mesures en fonction desmatériaux constituant le couple de frottement, 4) lareproductibilité intra- et inter-observateurs lors de la mesurerépétée de l’usure d’arthroplasties totales de hanche.

MATÉRIEL ET MÉTHODES

Matériel

Trente-neuf bilans radiographiques de prothèses totalesde hanche (PTH) comportant toutes une cupule sansciment impactée avec un insert en polyéthylène (Dura-loc™) et des têtes en diamètre 28 millimètres (respective-ment 12 fois en métal et 27 fois en céramique d’alumine)ont servi de base à l’étude de reproductibilité intra- et inter-observateurs. Les radiographies de face en charge de ces39 PTH, pratiquées au recul moyen de 9,2 années, ont éténumérisées sur un scanner à haute définition. Elles ontensuite été évaluées par 6 observateurs avec deux campa-gnes de lecture à 15 jours d’intervalle sans connaissancedu résultat antérieur.

1 Société View Tech

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MESURE DE LA PÉNÉTRATION CÉPHALIQUE SUR DES RADIOGRAPHIES NUMÉRISÉES 139

Afin d’évaluer l’erreur liée à la mesure numérique de lapénétration (saisie des points et protocole d’analyse) etl’influence de la nature des matériaux constituant le couplede frottement trois campagnes de tests ont été menées :1) pour apprécier l’influence de la nature de l’implant acéta-bulaire et de la mesure numérique, la pénétration linéaire aété mesurée sur les clichés post-opératoires (usure théoriquenulle) d’une cupule cimentée en polyéthylène et d’unecupule impactée comportant un insert en polyéthylène, toutesdeux couplées à une tête métallique (28 mm). Ces radiogra-phies ont été évaluées 40 fois par deux observateurs. 2) Pourapprécier l’influence du matériau de la tête prothétique et dela mesure numérique, la pénétration linéaire a été mesuréesur les clichés numérisés de deux cupules en polyéthylènecimentées radiographiées au recul de 4,6 années, comportantdes têtes de diamètre de 28 mm respectivement en métal eten céramique. Ces radiographies ont été évaluées à40 reprises par le même observateur. 3) Pour apprécierl’influence du type de tête prothétique et de la mesure numé-rique, 40 mesures d’une grandeur connue fixe (diamètre de latête) ont été répétées par un même observateur sur l’imagenumérisée de trois cupules impactées du même modèle maiscomportant respectivement une tête prothétique métalliquede diamètre de 22,2 mm, une tête métallique de diamètre de28 mm et enfin une tête en céramique de diamètre de 28 mm.

En dernier lieu, pour apprécier l’erreur liée à la numérisa-tion, une même radiographie (cupule impactée et tête métal-lique en 28 mm) a été numérisée à 40 reprises (procédureautomatisée réalisée par le même observateur). La mesured’une grandeur connue (diamètre de la tête prothétique de28 mm) a été pratiquée sur chacune des images numériséespar le même observateur le plus expérimenté à la méthode(une mesure du diamètre sur les 40 numérisations de lamême radiographie).

Toutes les mesures fournies par le logiciel concernaient lapénétration linéaire et n’évaluaient pas, par définition, lapénétration tridimensionnelle, elles ne faisaient pas la partrevenant au fluage et à l’usure.

Méthode

Toutes les mesures ont été effectuées après numérisationdes clichés (radiographies du bassin de face en charge) surun scanner de films radiologiques de type Vidar VXR-12(Herndon, Virginia) possédant une définition variant de60 à 300 points par pouce (DPI). Pour tous les clichésanalysés dans cette étude nous avons utilisé la précisionmaximale de 300 DPI. Tous les clichés radiographiques étu-diés étaient issus d’un tirage argentique conventionnel. Leprocédé de numérisation et le programme d’exploitationImagika™ (View Tech®) ont été testés. Le logiciel d’exploi-tation a été programmé pour assurer une saisie automatiséede différents points aussi bien pour la mesure de distancesconnues (diamètre des têtes) que pour la mesure répétée dela pénétration linéaire du polyéthylène des cupules. L’inté-rêt de ce type d’analyse réside dans la possibilité de déve-lopper son propre modèle d’analyse sur de grands clichés

radiologiques (36 x 129 cm). Le traitement de l’image per-mettait en modifiant les contrastes et la luminosité de facili-ter la mise en évidence des contours des implants, et enconséquence de faciliter la mise en place des points. Toutesles mesures effectuées étaient directement corrigées du fac-teur d’agrandissement grâce au diamètre connu de la têtefémorale prothétique (28 ou 22,2 mm). Toutes les donnéesétaient ensuite transposées dans un fichier Excel.

Trois points situés sur la périphérie étaient nécessairespour la mesure du diamètre d’une sphère (tête prothétique).La pénétration linéaire était déterminée sur la radiographiede bassin de face par la distance séparant le centre de lacupule du centre de la tête prothétique. Grâce au logicielinformatique, le centre de la tête fémorale prothétique étaitprécisé après repérage de sa circonférence à l’aide de3 points [Sychertz et al. (8)]. Le contour des cupules sansciment était déterminé à l’aide de 3 points, ce qui permettaitde définir automatiquement leur centre (fig. 1). Pour les

FIG. 1. – Technique de détermination de la pénétration d’unecupule. La modification de la distance séparant le centrecéphalique de celui de la cupule permet de mesurer lapénétration. Le centre céphalique est déterminé au moyen detrois points placés à la périphérie (carrés noirs). Le centre dela cupule est déterminé de deux manières selon la nature de lacupule : trois points (repérés en forme d’astérisque) enpériphérie pour les cupules métal back impactées, cinq pointssur l’équateur pour les cupules scellées en polyéthylène(repérés en forme en forme de croix). Les points sont placésmanuellement et les courbes tracées par le logiciel. Lesrectangles clairs correspondent aux zones de densité de grisrehaussées afin de mieux visualiser le contour des implants.

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cupules cimentées, le centre de la cupule a été déterminé àpartir de 5 points situés sur l’ellipse métallique incluse àl’équateur du polyéthylène. Le logiciel corrigeait automati-quement les points déterminés par l’examinateur en sebasant sur les différences de contraste de gris (4 096 niveauxde gris) des zones adjacentes (fig. 1). Le logiciel délivraitdes mesures au dixième de millimètre.

Avant que chacun des lecteurs ne participe à l’étude uneinformation théorique leur était délivrée (explication du cal-cul de la pénétration linéaire et de la détermination despoints) ainsi qu’une formation pratique (essais préalablesde lecture afin de diminuer autant que possible la courbed’apprentissage). Les lecteurs étaient soit orthopédistes(1 PU-PH, 3 CCA, 1 interne), soit radiologue (1 CCA).

Pour évaluer la reproductibilité inter- et intra-observa-teur, nous avons utilisé le coefficient de corrélation inter-classe (ro) (test de Pearson et de Kendall) avec les critèresde Fermanian : corrélation très bonne pour ro > 0,91, bonnesi 0,71 < ro < 0,91, modérée si 0,51 < ro < 0,71, médiocresi 0,31 < ro < 0,51, très mauvaise ou nulle si ro < 0,31.L’erreur s’entend comme la différence entre une grandeuret la mesure qui en a été faite. Pour les études de pénétra-tion linéaire, seule une analyse des explants aurait pu déter-miner la grandeur. Cette analyse étant impossible, l’erreurde la méthode de mesure (logiciel et numérisation) a étédéterminée par le double de la déviation standard (DS).

La précision de la méthode a été déterminée selonMalchau et al. (9) : écart entre la plus grande et la pluspetite mesure + (DSx2). Les statistiques ont été menées surles logiciels Statview et SAS en collaboration avec le labo-ratoire de biostatistiques du CHRU de Lille. Le risque depremière espèce était de 5 %.

RÉSULTATS

Pour l’ensemble des lecteurs, les coefficients de concor-dance inter- et intra-observateurs étaient respectivement de

0,6 et de 0,58. Selon les critères de Fermanian, ces corréla-tions étaient considérées comme modérées. La reproducti-bilité de la mesure intra-observateur était homogène pourles 6 observateurs (valeurs de ro variant de 0,43 à 0,73).C’était l’observateur le plus expérimenté au système quiobtenait le coefficient de corrélation intra-observateur leplus élevé (0,73). La variabilité des mesures de chaque lec-teur était faible, allant de 3 dixièmes de millimètres à9 dixièmes pour les 6 observateurs. En revanche, la concor-dance inter-observateurs était très disparate, allant de 0,24 à0,83 (tableau I). Une reproductibilité inter-observateur sta-tistiquement valable (ro supérieur à 0,8) n’était obtenuequ’en limitant à 3 le nombre des observateurs (coefficientro = 0,82).

L’influence du type de la cupule sur la mesure de la péné-tration était confirmée puisque l’erreur était de 0,342 pourune cupule en polyéthylène et de 0,118 mm pour unecupule métallique sans ciment. L’influence de la nature dumatériau céphalique lors de la mesure de la pénétrationd’une cupule en polyéthylène était aussi établie : l’erreurengendrée par la mesure numérique était de 0,3 mm pourune tête métallique et de 0,44 mm pour une tête en cérami-que. La précision de la mesure de la pénétration d’unecupule cimentée était donc de 0,89 mm pour une tête métal-lique et de 1,29 mm pour une tête en céramique. Le maté-riau de la tête prothétique avait une influence directe surl’erreur et la précision lors des mesures répétées du diamè-tre céphalique : pour une tête métallique de 22,2 mm,l’erreur était de 0,138 mm tandis que, pour des têtes encéramique et en métal de 28 mm, l’erreur était respective-ment de 0,28 mm et de 0,112 mm. De même pour les mesu-res répétées du diamètre céphalique, la précision évaluéeselon Malchau et al. (9), était respectivement de 0,248 mmpour une tête métallique de 22,2 mm, de 0,49 mm pour unetête céramique de 28 mm et de 0,256 mm pour une têtemétallique en diamètre 28 mm.

L’erreur liée à la numérisation était de 0,412 mm. Lamesure, effectuée sur les 40 numérisations du même cliché,d’une tête de 28 mm retrouvait une valeur moyenne de27,9 mm (extrêmes allant de 27,56 à 28,36 mm). La préci-sion de la numérisation des clichés était donc de 1,2 mm.

DISCUSSION

Dans notre étude, la précision et l’erreur dépendaientdirectement de la nature des implants. Ainsi pour une têtemétallique, dont les contours sont nets et facilement identi-fiables, la précision était largement supérieure à celleobservée avec une tête céramique. De même, pour unecupule scellée en polyéthylène, dont la détermination del’ellipse est radiologiquement plus incertaine, l’erreur étaittrois fois supérieure à celle produite sur une cupule métal-lique impactée. Au total, la précision est meilleure pourdes têtes métalliques associées à des cupules « métal-back ». Cependant, la détermination de la périphérie d’une

TABLEAU I. – Récapitulatif des 2 campagnes de mesure depénétration des 6 observateurs sur les 39 radiographies avecla déviation standard (DS) et les mesures minimales etmaximales pour chacun d’entre eux.

Observateur Pénétration moyenne

mesurée (mm)

DS Min (mm)

Max(mm)

1 1,55 0,66 0,31 3,26

2 1,37 0,54 0,47 2,78

3 1,39 0,54 0,39 2,69

4 1,39 0,4 0,66 2,5

5 1,14 0,36 0,48 2,02

6 1,38 0,45 0,70 2,81

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MESURE DE LA PÉNÉTRATION CÉPHALIQUE SUR DES RADIOGRAPHIES NUMÉRISÉES 141

tête prothétique, quelle que soit sa nature, reste difficile(fréquente superposition avec la cupule, problème de ver-sion des pièces…) [Barrack et al. (10)]. Il faut donc desclichés de bonne qualité afin de distinguer les limites de lacupule et de la tête. A cet égard ce travail devrait être élargià l’étude de clichés numériques. Ceux-ci, actuellement uti-lisés par la plupart des cabinets de radiologie, bénéficientparfois d’une moins bonne qualité en raison d’un nombrede points inférieur à celui des clichés argentiques. Si lesradiographies sont peu informatives, il faut les éliminer etréaliser soit des incidences différentes, soit des clichésavec un voltage différent [Sychertz et al. (8)]. PourSychertz et al. (8), des clichés considérés comme« optimaux » (excellente visibilité de la cupule) entraînentune faible erreur de mesure numérisée de la pénétrationlinéaire (0,14 mm ± 0,09) alors que pour des clichés « sub-optimaux » (faible clarté, mauvaise nuances des gris)l’erreur augmente de façon importante (0,23 ± 0,22 mm).

Outre la qualité des clichés, notre étude a souligné le faitque le logiciel induit lors de la numérisation des clichés uneerreur. Celle-ci est due à une déformation minime, variabledans le temps, de l’image des clichés par le scanner.

Pour obtenir une corrélation inter-observateur satisfai-sante, notre étude montrait qu’il fallait se limiter à troisobservateurs. Pour Nunn et al. (11), la reproductibilité estmême meilleure lorsqu’il n’y a qu’un seul observateur.L’apprentissage et la pratique régulière de cette méthodesemblent des conditions nécessaires et suffisantes pourobtenir une reproductibilité intra-observateur satisfaisante.En effet, l’observateur le plus rompu au logiciel obtenaitune corrélation intra-classe considérée comme bonne (0,73)alors que l’observateur qui découvrait la technique obtenaitune score médiocre (0,43). Kramhoft et al. (12) obtenaientavec une méthode comparable à la notre des valeurs de cor-rélation intra-observateur comparables (0,49 à 0,63) et con-cluaient eux aussi à une difficulté dans la détermination despoints selon la nature et le dessin des implants.

La technique de mesure numérisée proposée engendreune erreur et une précision comprises respectivement entre0,112 et 0,44 mm et entre 0,28 et 1,29 mm. Ces valeurssont inférieures à celles de la RSA [Kärrholm et al. (2),Levai et Boisgard (3), Krismer et al. (13)]. Cependant,cette dernière impose la préparation de la cupule avec desbilles de Tantale radio-opaques ce qui limite son utilisationaux études prospectives [Kärrholm et al. (2), Ilchmannet al. (4)]. Nos résultats sont proches d’autres méthodes,comme l’EBRA [Krismer et al. (13), Phillips et al. (14)]ou la technique de Sulzer (avec digitalisation des clichés)dont la précision est de l’ordre de 0,1 mm à 0,2 mm [Levaiet Boisgard (3)]. Ces différentes techniques sont, comme lanôtre, utilisables de façon quotidienne et répétitive, tout enaméliorant la fiabilité des mesures d’usure (pénétrationlinéaire) et en leur donnant un caractère systématique. Demême, grâce à la numérisation des clichés, cette méthodepermet un archivage tandis que la gestion numérique desdonnées évite les erreurs de transcription. Des techniques

plus simples mais moins précises, telles les méthodes deSutherland ou de Wetherell (6) ne nécessitent que l’utilisa-tion d’un stylo. Ces mesures manuelles suffisent pour cal-culer la migration ou l’usure d’un implant à long termemais montrent leurs limites dans la détection d’une usureprécoce [Levai et Boisgard (3)].

Les points déterminés sur la périphérie des implants ontl’avantage d’être plus reproductibles d’un cliché à l’autre,sans dépendre de la position du patient et/ou du membreinférieur. Le centre de la tête fémorale prothétique est lepoint dont l’identification serait la plus fiable et la plusreproductible [Borlin et al. (15)]. Ceci explique que lesmesures de l’usure obtiennent une meilleure précision, parrapport aux études de migration d’implants (études depoints variables sur le grand trochanter, le U radiologi-que…) [Baillon et al. (16)].

Toutes les mesures ont été effectuées sur des clichés deface, impliquant une évaluation uniquement de l’usure endeux dimensions (pénétration linéaire). La part revenant aufluage et à l’usure n’a donc pas été pris en compte. Destechniques complexes de modélisation des implants entrois dimensions permettent d’augmenter la précision de latechnique et de mieux estimer les valeurs d’usure [Devaneet al. (17), Sarry et al. (18)]. Cependant, leurs applicationscliniques sont limitées (mauvaise reproductibilité des cli-chés de profil) et leur utilisation entraînerait une diminu-tion de la précision des valeurs de pénétration linéaire[Martell et al. (19)].

Il convient toutefois de rappeler qu’en dehors des limitesde la technique décrites, l’usure brute exprimée par la péné-tration n’est pas le facteur exclusif de pronostic d’unearthroplastie. En effet, l’ostéolyse est conditionnée par lamorphologie des débris d’usure [Harris (20)]. Ainsi, desusures importantes peuvent s’accompagner d’un faible tauxd’ostéolyse alors que des usures minimes peuvent être àl’origine de débris de petite taille, déclenchant une ostéo-lyse majeure.

Notre étude n’a pas vérifié la concordance de la pénétra-tion linéaire mesurée sur les radiographies avec la réalité. Acette fin, un travail complémentaire est en cours pour com-parer la pénétration radiographique avant dépose des com-posants et celle déterminée sur les explants au moyen d’unemachine à mesurer tridimensionnelle.

CONCLUSION

La technique de mesure numérisée proposée apparaîtrelativement précise et reproductible. Elle ne nécessite pasde matériel spécifique, en dehors d’un scanner, ni d’implan-tation de marqueurs. L’erreur maximale ainsi que la préci-sion engendrées par la méthode (respectivement de 0,112 à0,44 mm selon le matériel prothétique et de 0,28 à 1,29 mm)suggèrent que cette méthode n’est pas parfaitement adaptéeà la détection de phénomènes d’usure précoce du polyéthy-lène. En revanche, son utilisation semble recommandable

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pour l’évaluation de l’usure après 5 ans de recul, en limitantà 3 le nombre d’observateurs. L’erreur engendrée par lamesure numérisée est due à plusieurs facteurs (matériau desimplants, qualité des clichés et du scanner, expérience desobservateurs …), qui sont autant de facteurs limitants. Lestests de reproductibilité et de précision décrits dans ce travailpeuvent être appliqués à la plupart des méthodes utilisantdes images numérisées et un logiciel de mesure digital.

Remerciement

Les auteurs remercient vivement A. Duhamel pour sa partici-pation à l’analyse statistique.

Références

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