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> HISTOIRE / ARCHÉOLOGIE Origine des hominidés...Toumaï EN DÉLÉGATION CENTRE-POITOU-CHARENTES > PHYSIQUE / BIOLOGIE Quand la physique aide à comprendre > FÊTE DE LA SCIENCE Octobre 2005 MICROSCOOP HORS-SÉRIE LE JOURNAL DU NUMÉRO 14 OCTOBRE 2005 CNRS > ÉNERGIE De la Terre à la Lune...

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> HISTOIRE / ARCHÉOLOGIEOrigine des hominidés...Toumaï

EN DÉLÉGATION CENTRE-POITOU-CHARENTES

> PHYSIQUE / BIOLOGIEQuand la physique aide à comprendre

> FÊTE DE LA SCIENCEOctobre 2005

MICROSCOOP HORS-SÉRIELE JOURNAL DU

NUMÉRO14

OCTOBRE2005

CNRS

> ÉNERGIEDe la Terre à la Lune...

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Ce Microscoop horssérie d’octobre qui meten avant la grandediversité des recher-ches conduites dansnotre circonscription,est réalisé commechaque année pour lafête de la science. Néeen 1992 à l’initiative duministère de la recher-che dirigé alors parHubert Curien, cette

manifestation annuelle qui se déroule sur une semained’octobre, a pris successivement les noms “Scienceen fête, Semaine de la science, Fête de la science”depuis 13 ans.Son objectif premier est de favoriser la rencontre dupublic et des scientifiques en ouvrant les portes deslaboratoires, en organisant des expositions et mani-festations qui présentent, expliquent la démarchescientifique, les objectifs de la recherche, les retom-bées directes ou indirectes sur le quotidien de chaquecitoyen. Cette manifestation a aussi pour objectif dedémystifier le “chercheur” toujours un peu “professeurNimbus” et les laboratoires encore perçus commedes lieux étranges renfermant des mystères.Au fil du temps, une préoccupation s’accentue.Comment donner aux jeunes le goût des sciences aucollège, au lycée, en espérant que ce goût se pour-suivra dans les études supérieures jusqu’au docto-rat avec une vocation pour la recherche etl’enseignement. La fête de la science est une oppor-tunité exceptionnelle d’aborder le monde des scien-ces et de la recherche. Elle n’est pas la seule pourles jeunes, car grâce au travail concret de nom-breuses personnes, responsables pédagogiques durectorat, enseignants, responsables de la commu-nication, chercheurs, de nombreuses activités sedéroulent tout au long de l’année scolaire. Je cite-rai pour la délégation, en Poitou-Charentes l’ani-mation de 6 clubs Jeunes et en région Centre lacréation de 15 clubs Jeunes dans les lycées.Pour revenir à l’édition 2005 de la fête de la science,je voudrais souligner la participation de notre délé-gation à cet événement national.

A Poitiers, en centre ville, “Place aux Sciences”réunira sous un chapiteau tous les acteurs de larecherche les 14, 15 et 16 octobre. A Chizé, le Centre d’Etudes Biologiques ouvrira sesportes au public.A Tours, les scientifiques présenteront leurs activi-tés tout le week-end dans l’Hôtel de Ville.A Orléans, le CNRS a l’honneur et la responsabilitéd’accueillir sur son campus l’ensemble des établis-sements participant de l’agglomération orléanaise :l’Université d’Orléans, le BRGM, l’INRA, l’IRD, ainsique les associations de vulgarisation scientifique.De nombreuses rencontres et visites auront lieu toutau long de la semaine du 10 au 14 octobre plus spé-cialement destinées aux jeunes. Les 15 et 16, le cam-pus du CNRS sera ouvert au public : plusieurslaboratoires proposeront des visites de leurs instal-lations et de nombreuses activités, animées parleurs scientifiques : films, jeux, concours…Pour la première fois et en partenariat avec la Maisondes Sourds du Loiret, l’accent sera mis sur l’accueilet l’accompagnement de sourds, muets et malen-tendants.Pour rester sur le chapitre des échanges entre les scien-tifiques et le public, je rappellerai que cette annéeencore, les 15e rencontres CNRS>JEUNES se dérou-leront au Futuroscope (maintenant dans le périmè-tre de la délégation), du 21 au 23 octobre. Cettemanifestation s’adresse aux 18 - 25 ans. La parti-cipation de jeunes européens s’accroît d’année enannée et en cette année du Brésil, un groupe impor-tant de jeunes Brésiliens est attendu.Enfin, si dans ce numéro consacré à la fête de lascience, je n’aborde pas l’évolution du projet duCNRS, ce n’est pas parce qu’il n’avance pas, maisla plupart des échéances sont fixées pour la fin del’année. Je réserve donc l’éditorial du prochainnuméro de décembre-janvier pour faire un pointprécis sur “le nouveau CNRS”.Je remercie vivement toutes les personnes qui par-ticipent activement à la réalisation de cette 14è édi-tion de la fête de la science et souhaite qu’elleremporte un très vif succès.

Josette ROGERDéléguée régionale

2/ EDITORIAL édito

Hors-sérieMicroscoop

Numéro 14octobre 2005

CNRS DélégationCentre-Poitou-Charentes

3E, Avenuede la Recherche scientifique

45071 ORLEANS CEDEX 2Tél. : 02 38 25 52 01Fax : 02 38 69 70 31

www.dr8.cnrs.frEmail :

[email protected]

Directeur de la publicationJosette Roger (CNRS)

Rédactrice de la publicationDanièle Le Roscouët-Zelwer

(CNRS)Secrétaire de la publication

Florence Royer (CNRS)

Ont participé à ce numéroMaryse Blet-Lemarquand,

Michel Brunet, Jérôme Casas,Bertrand Castaing, Yves

Combarnous, PhilippeCompain, Gilles Courtois,

Olivier Dangles, MartineDecoville, Michel Dudeck,

Denis Escudier, PatrickEchegut, Bénédicte Florin,

Jean-Pierre Gesson, IskenderGökalp, Yann Hérault, Sylvie

Houte, Daniel Locker,Stéphane Mazouffre,

Sébastien Papot, MichelParrot, Valérie Quesniaux,Matthieu Refregiers, Eric

Robert, Patricia Roger, BenoîtRousseau, Olivier

Rozenbaum, HenriWeimerskirch.

Création graphiqueEnola Création

> 02 38 76 96 35

ImprimeurImprimerie Nouvelle

ISSN 1247-844X

© Thierry Cantalupo – CNRS

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Histoire / archéologieOrigine des hominidés... Toumaï

Regard sur la production artistique fleurysienne

Société du monde arabeDreamland... ou quand le rêve devient réalité

MusicologieL’aveugle, l’écarlate et la trompette

EnergieVers une utilisation efficace de l’énergie radiante infrarouge

Recherches sur la propulsion aéronautiqueDe la Terre à la Lune...

BiologieLa mouche du vinaigre

Des souris pour mieux comprendre...Réponses immunitaires aux infections : la tuberculose

Des souris et des gènes

Physique / biologieQuand la physique aide à comprendre...

DISCO

ChimieCatalyse hétérogène et chimie fine

Chimie pharmaceutique“On a toujours besoin d’un plus petit que soi”

Vers des médicaments “intelligents”

EnvironnementLe rayonnement synchrotron

Nouveaux dispositifs d’éclairage fluorescent

Les oiseaux de ClippertonLe satellite DEMETER

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SOMMAIRE /3Microscoop / Hors-Série Numéro 14 – octobre 2005

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Découverte de ToumaïScientifiquement désigné comme unenouvelle espèce : Sahelanthropus tcha-densis, Toumaï porte un nom donné auxenfants naissants juste avant la saisonsèche, qui en langue Goran signifie“espoir de vie”.Cet extraordinaire matériel fossile composé

d’un crâne sub-complet, de quatremâchoires inférieures incomplètes ainsique de quatre dents isolées ont été misau jour dans un niveau gréseux de l’Ergdunaire du Djourab, au Nord du Tchadpar la MPFT. La découverte de Toumaï,classé comme hominidé, repousse l’originehumaine à 7 millions d’années alors

que les australopithèques la faisaientremonter à environ 4 millions d’années,les hominidés du Miocène supérieur(Ardipithecus kadabba) à 5.8 millionsd’années et à 6 millions d’années pourOrrorin tugenensis. Sahelanthropus tcha-densis est pour le moment le plus ancienreprésentant de la lignée humaine etcomble un vide dans l’échelle de l’évo-lution de l’homme.Les ancêtres de Toumaï sont donc pro-bablement des hominoïdes vivant commelui au Miocène supérieur mais aujour-d’hui, le lien de parenté entre ces homi-noïdes et les premiers hominidés (Toumaï)n’a pas été établi.

Son milieuDécouvert dans le Miocène supérieur deToros-Menalla (désert du Djourab, NordTchad), le nouvel hominidé est associéà une faune dont le degré évolutif indiqueun âge biochronologique proche de 7 Ma.Cette faune est composée d’espèces devertébrés aquatiques et amphibies ainsique de formes liées à la forêt galerie, lasavane arborée et la prairie à graminées.Les études sédimentologiques sont en

La mission Paléoanthropologique Franco-Tchadienne (MPFT) sous la direction de Michel BRUNET, professeur àl’Université de Poitiers et directeur du laboratoire Géobiologie, Biochronologie et Paléonthologie Humaine (UMR 6046CNRS-Université de Poitiers) qui regroupe une soixantaine de chercheurs appartenant à une dizaine de nationalités,conduit un programme international de recherches pluridisciplinaires sur “l’origine et les paléoenvironnements despremiers hominidés” en collaboration scientifique avec les Universités de Poitiers et de N’Djaména ainsi qu’avec leCentre National d’Appui à la Recherche. En 2001, après vingt années de recherches en Afrique de l’Ouest, le crâne,fruit de leur découverte, est un préhumain datant de 7 millions d’années : Toumaï.

OOrriiggiinnee ddeess hhoommiinniiddééss……Toumaï (Nord Tchad) : le nouveau doyen du rameau humain

©MPFT

Hors série > Microscoop / Numéro 14 – octobre 2005

Michel BRUNET sur le sitede découverte de TOUMAÏ

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> Histoire / Archéologie

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accord avec le caractère périlacustre decette mosaïque de paysages située entrelac et désert. Au Botswana, dans le désert du Kalahari,le delta de l’Okavango présente unediversité de la flore et des paysages (îlotsforestiers, savane arborée, prairie her-beuse, végétation aquatique de bordured’eau) qui constitue sûrement un bon ana-logue actuel des environnements duBassin du paléo-Lac Tchad il y a 7 Ma.

La reconstitution virtuelle en 3DLa reconstitution du crâne s’est révéléeêtre une véritable partie de puzzle : lastructure osseuse a subi de multiplestransformations au cours du temps. Lafossilisation a rendu des éléments osseuxfragiles et les mouvements du sol ont éga-lement déformé, voire écrasé la forme crâ-nienne. Le travail à la main sur le crânen’aurait pas pu être effectué pour redon-ner la forme originelle du crâne. Dans unpremier temps, le scanner médical aété utilisé mais pourtant les images obte-nues n’étaient pas assez contrastées, lefossile étant trop fortement minéralisécomparé à la dose de rayon X émise.Les images très précises, obtenues grâceà un scanner industriel, ont servi au trai-tement numérique. Ainsi, une séparationdu fossile et du sédiment a été réalisée,le sédiment empêchait de visualisercertains éléments du crâne tel qu’il étaità l’origine.

La reconstitution virtuelle en 3D pré-sente différents résultats qui tiennentcompte de toutes les modificationssubies durant ces milliers d’années.

Ce que Toumaï nous a révéléLa reconstitution virtuelle montre queToumaï appartient au rameau humain.Le nouvel hominidé possède une asso-ciation originale de caractères primitifset dérivés qui permettent de le considérerà la fois comme proche du dernier ancê-tre commun aux Chimpanzés et auxHumains, mais aussi comme le plusancien des hominidés. Les essais visant à rapprocher la formecrânienne à celle des grands singes appor-tent une trop grande modification de lamorphologie du fossile. La divergenceChimpanzés-Humains est donc plusancienne que ne le propose la plupart

des phylogénies moléculaires : Toumaïse place désormais au tout début de lalignée humaine.D’après les mesures du bourrelet sus-orbi-taire, Toumaï est un mâle. Son crâneprésente certains caractères (notam-ment une face occipitale très inclinée versl’arrière, un angle du plan orbital – plandu trou occipital supérieur à 90°) qui nesont connus que chez des hominidésbipèdes plus récents. Toumaï n’est donc pas quadrupède mais,par contre, l’hypothèse qu’il ait étébipède ne sera confirmée qu’avec ladécouverte de son bassin ou de sonfémur, éléments qui n’ont pas encore étédécrits.

Le site où le crâne fut mis au jour estmaintenant un désert et les recherchess’étendent sur 1,5 kilomètres carrés. Ilsemblerait que la zone tchadienne ait étéun carrefour entre le Nord et l’Est maiségalement entre le Sud de l’Afrique etl’Asie. Une possibilité voit alors le jour :l’ensemble gorillidés, panidés et homi-nidés n’aurait-il pas une origine asia-tique ? Au Tchad, les recherches continuent ets’étendent pour une distribution géo-graphique plus vaste dans l’espoir defaire avancer, de nouveau, la connaissancede notre histoire

Contact : Michel [email protected]

Fouilles de la missionpaléoanthropologiqueFranco-Tchadienne sur lesite TOROS-MENALLA, dansle désert du DJOURAB.

Le journal du CNRS en délégation Centre-Poitou-Charentes

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Crâne original (photo degauche), crâne reconstruit(photo de droite).

©MPFT

©MPFT

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Un ensemble important de manuscrits sau-vegardés Des milliers de volumes que possédaitl’abbaye de Fleury à son apogée aux Xe-XIIe siècle, et qui en firent l’une des plusimportantes bibliothèques monastiquesd’Occident au Moyen Age, un peu moinsde 400 sont parvenus jusqu’à nous. Plusde la moitié est aujourd’hui conservéeà la Bibliothèque municipale d’Orléans.Rares témoins de l’activité du scripto-rium de l’abbaye depuis le VIIIe siècle,les documents les plus précieux sontmaintenus dans des conditions très stric-tes de température (18°), d’hygromé-trie (50-60%), de lumière (50 lux) et desécurité. Les livres de la bibliothèque fleu-rysienne étaient pour certains destinésà un usage liturgique, mais d’autresétaient utilisés pour l’enseignement desarts libéraux (grammaire, rhétorique,dialectique, arithmétique, géométrie,astronomie et musique) dispensé à l’écolemonastique. Si le contenu de ces textesest bien identifié et leur reliure analyséeet datée (recensement fait en 2003 parl’Institut de recherche et d’histoire destextes), les composantes techniques dudécor restaient encore à explorer.

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> Histoire / Archéologie

Hors série > Microscoop / Numéro 14 – octobre 2005

RReeggaarrdd ssuurr llaa pprroodduuccttiioonn aarrttiissttiiqquuee fflleeuurryyssiieennnnee à l’époque romane A l’Institut de Recherche sur les Archéomatériaux – Centre Ernest Babelon (IRAMAT-CEB, UMR 5060 CNRS-UnivsersitéBordeaux III), l’étude des matériaux de la couleur employés par les moines de l’abbaye de Fleury à Saint-Benoît-sur-Loire, renseigne sur les moyens et connaissances techniques dont disposaient ces derniers entre le VIIIe et le XIIe

siècle, pour décorer les manuscrits. Elle peut aussi permettre la mise en évidence de savoir-faire particuliers à Fleuryet à d’autres centres monastiques européens alors en relation avec la communauté de St-Benoît-sur-Loire.

Moine assis à son écritoire(détail du portail nord de

Saint-Benoît-sur-Loire)

©Jean Puyo

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Des méthodes d’analyses non destructivesLa production réputée de Fleury ne laissepas indifférente l’équipe de rechercheen archéomatériaux du centre Ernest-Babelon tant les méthodes d’analyses nondestructives développées au laboratoiresont en effet particulièrement adaptéesà l’étude des décors de manuscrits.Simples à mettre en œuvre sur le lieu deconservation des précieux ouvrages, ellespermettent des mesures rapides sur l’en-semble des décors sans prélèvement nidanger pour leur intégrité ; la spectro-métrie d’absorption en réflexion diffusepermet la caractérisation des pigmentset colorants contenus dans la surface colo-rée alors que la spectrométrie de fluo-rescence X complète l’analyse enindiquant les éléments présents dansla couche métallique ou colorée.

Des résultats surprenantsSi l’étude de la palette des couleurs mon-tre une évolution et un enrichissement de

cette dernière au cours de la périodeétudiée, l’analyse des matériaux révèlel’emploi surprenant de pigments dontl’usage dans le décor des manuscritsmédiévaux en Europe n’était pas connuà ces périodes. C’est le cas du bleu deguède ou d’indigo, du jaune d’orpiment,du rouge de garance et du vert de grisdès le VIIIe siècle, du blanc de plomb dèsle Xe siècle et du rouge de kermès au XIIe

siècle. Le lapis lazuli remplace l’indigoà Fleury pour les bleus au Xe siècle etapporte un témoignage supplémentairequant à l’existence d’échanges commer-ciaux avec les régions productrices loin-taines (Badakhstan probable, provincede l’Afghanistan actuel) à cette périodeancienne. L’utilisation de colorants orga-niques d’origine végétale ou animale,dont la préparation nécessitait une cer-taine technicité, démontre un grandsavoir-faire local. La vivacité de Fleurys’exprime ainsi par l’enrichissement etl’évolution des matériaux de la couleurdans la production livresque, qui n’étaitpas la tendance générale dans le royaume.Des verts de gris préparés à partir delaiton sont employés à partir du Xe siè-cle, mais cet usage est-il local ou s’étend-t-il au delà du royaume ? L’emploi du bleuégyptien est-il spécifique au royaumed’Angleterre, ce dernier se posant alorsen gardien d’un savoir-faire ancien ?L’étude se poursuit pour lever le voile surces différents questionnements

Contacts : Patricia ROGER roger@cnrs-orléans.frAurélie [email protected]

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à gauche : Homéliaire,VIIIe-IXes., ms. 154, B.m.Orléans.au milieu : Psautier rituel,XIes., ms. 123, B.m. Orléans.à droite : Vie et Miraclesde St Benoît, Xe-XI es.,Archives départementalesdu Loiret.

Sacramentaire, Xes., B.m.Orléans, page 152.

Courbes d’absorption en réflexion diffuse d’unelettre mesurée sur BmO 127, p.223, et d’une boulede bleu égyptien de référence.

Tête de détection du système d’analyse parfluorescence X lors d’une mesure du manuscrit deRaban Maur “Louanges de la Sainte Croix” ms.145,B.m Orléans.

Du bleu égyptien pour un manuscrit exécuté en Angleterre

L’une des surprises des résultats obtenusprovient de la découverte de l’emploi debleu égyptien dans un manuscrit exécutéen Angleterre au Xe siècle, offert ensuiteà Fleury où il est resté conservé. En effet,ce matériau antique (un pigment bleu arti-ficiel composé d’un silicate double de cui-vre et de calcium) est connu pour êtreutilisé dans les décors muraux et sonemploi devient rare après le IXe siècle.L’utilisation de bleu égyptien dans unmanuscrit européen médiéval est ttoottaallee-mmeenntt iinnééddiittee, aucune occurrence n’ayantété mentionnée jusqu’ici. Une techniqueparticulière est nécessaire pour sa fabri-cation et son emploi sur parchemin. Cesavoir était pourtant encore connu dansl’atelier de ce copiste anglais.

Le journal du CNRS en délégation Centre-Poitou-Charentes

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Dreamland, complexe inachevé de 900 hectares situé enplein désert, à quelques kilomètres du Caire, n’a pas qu’unefonction résidentielle. Aussi, les Dreamlanders peuvent-ils s’a-muser au Dream Park, pratiquer le golf avec vue sur lesPyramides de Guizah, participer aux activités du “club socialau style pharaonique”, prier dans la mosquée al-Bahgat – patro-nyme du promoteur de Dreamland –, faire leurs courses auDream Mall, recevoir des clients et organiser des conféren-ces à l’hôtel Hilton… Il leur est aussi possible d’acquérir unevilla, avec jardin et piscine, dans l’un des très chics quartiers

fermés ou encore une villa-appartement au sein des immeu-bles collectifs du Latin quarter – aux références architectu-rales vaguement italiennes… Enfin, à terme, les Dreamlanderspourront se faire soigner dans l’Hospital du complexe, tra-vailler à l’Office Complex – 6 tours de bureaux de 15 étageschacune – et se cultiver puisque la Dream Valley offrira un“environnement pharaonique et notamment la réplique destombes et monuments égyptiens aujourd’hui fermés aux tou-ristes”…

8/

> Société du monde arabe

“Dreamland ou quand le rêve devient réalité” : ces mots qui introduisent une plaquette publicitaire, réfèrent à uneforme urbaine inédite en Egypte, à savoir le quartier enclos de murs, composé de villas destinées aux catégoriesde population aisées et très aisées, étudiée par l’Equipe Monde Arabe et Méditerranéen (EMAM) du laboratoire Cité,Territoire, Environnement et Société (CITERES, UMR 6173 CNRS-Université François Rabelais de Tours).

““DDrreeaammllaanndd…… OOuu qquuaannddllee rrêêvvee ddeevviieenntt rrééaalliittéé””Les quartiers fermés du Caire

Hors série > Microscoop / Numéro 14 – octobre 2005

Mur d’enceinte et ported’entrée d’un compound

de New Cairo. ©B. Florin - CNRS

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Dreamland est exemplaire – par sa taille et ses ambitions –des projets urbains qui se multiplient, à partir des années 90,dans la périphérie du Caire. Ce sont les “villes nouvelles” dudésert, résultant de la politique publique d’habitat menée dansles années 70, afin de préserver les terres agricoles pré-cieuses et de “désengorger” Le Caire. Elles hébergent ces espa-ces issus de la promotion immobilière privée, appeléscompounds par leurs initiateurs et ressemblent, en apparence,aux gated communities, quartiers fermés et sécurisés, nordou sud américains. Le principal motif d’émergence de ces compounds est d’or-dre financier – face à l’instabilité économique, l’immobilier appa-raît comme une valeur sûre aux investisseurs –, preuve en estl’ampleur de l’offre en villas et appartements de standing,dépassant la demande potentielle de la clientèle égyptienne

aisée : en 2003, 80 chantiers sont en cours et 60 000 loge-ments, majoritairement encore inoccupés, sont proposéspour un investissement d’environ 2 milliards d’Euros. Les pro-moteurs, par le biais des publicités, vantent le cadre de vied’un modèle urbain résolument opposé au Caire : le calme,l’air pur, la verdure, la tranquillité et le respect de la vie pri-vée, contre le bruit, la pollution et la “promiscuité” qui carac-térisent aujourd’hui la capitale égyptienne… La magie etl’imaginaire sont aussi convoqués et, par exemple, AhmadBahgat, “fasciné par Disneyworld”, propose grâce aux villasde Dreamland de vivre de façon permanente dans ce mondede rêve.

A la différence des quartiers fermés américains, les compoundségyptiens ne sont pas justifiés par la peur de l’autre ou parune insécurité urbaine, quasi inexistante au Caire ; de mêmele principe d’admission est exclusivement financier et nerepose pas sur des critères d’âge ou ethniques. Par contre,il s’agit bien, dans le compound, d’être chez soi et entre soiet, d’une certaine façon, de refuser la mixité sociale et, pluslargement, le Caire populaire et populeux. Quelles que serontles futures pratiques des résidants de ces quartiers, quasi inha-bités aujourd’hui, il n’en reste pas moins que la multiplica-tion de ces espaces fermés, dont les responsables aspirentà une autonomie de gestion et de fonctionnement, interrogele chercheur en termes de citadinité et de citoyenneté

Contact : Bénédicte [email protected]

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Le journal du CNRS en délégation Centre-Poitou-Charentes

©B. Florin - CNRSVue générale du Cairedepuis la citadelle.

Page de couverture de la plaquette officielleprésentant la ville NewCairo, située à l’est du Caire.

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> Musicologie

La gamme des couleursC’est au XVIe siècle que l’idée est for-mulée, pour la première fois, en termesd’identité formelle. Le mérite en revient,semble-t-il, non pas à un philosophe ouà un scientifique, mais à un artiste : legrand peintre maniériste GiuseppeArcimboldo (1527-1593), alors qu’il setrouve attaché à la cour de Rodolphe IIde Habsbourg. Il ne se contente pas dethéorie, il démontre la parfaite relationqui existe entre les couleurs et les sons,en se servant de sa palette et de sespinceaux. Pour commencer, il pose sursa toile une touche de blanc pur ; puisune deuxième touche, à peine assombriede noir ; et ainsi de suite, de manière àcréer une série de 12 “tons”, allant dublanc le plus blanc au noir le plus noir.Il ne lui reste plus, pour créer sa tablede concordances, qu’à associer chacunde ces degrés chromatiques à une notede l’octave de 12 demi-tons, du plusgrave au plus aigu :

“De même, nous dit son biographeComanini, qu’il assombrissait le blanctrès progressivement pour en limiter lahauteur, il nuança le jaune et les autrescouleurs en se servant du blanc pour lapartie la plus grave du registre vocal,du vert et du bleu pour la partie médiane,et du marron et du bistre pour les par-ties plus aiguës ; et ces couleurs se suc-cédant, l’une assombrissant l’autre, leblanc est nuancé de jaune et le jaune devert, puis le vert de bleu et le bleu de mar-ron, et le marron de la couleur bistre, toutcomme le ténor suc-cède à la basse, lecontralto au ténor, etle soprano aucontralto.” Ce ne sontlà que ses premierspas dans la construc-tion d’un système évi-demment beaucoupplus complexe, étayésur l’élaboration

d’une véritable théorie de la perception.Son biographe ajoute qu’il s’associa àMauro Cremonese, un musicien atta-ché comme lui à la cour de Rodolphe II,lequel aurait “trouvé” sur son clavecintoutes les consonances que le peintreavait notées.Le jésuite Franciscus Aguilonius, au débutdu XVIIe siècle, semble suivre les mêmestraces, lorsqu’à son tour il établit uneconcordance entre sons et couleurs ; enréalité, il marche en sens inverse, puisqueson point de départ est la consonance

L’allégorie de la vuede Rubens

Hors série > Microscoop / Numéro 14 – octobre 2005

LL’’aavveeuuggllee,, ll’’ééccaarrllaattee eett llaa ttrroommppeettttee Rapports entre sons et couleursdans l’art occidental

À un ami qui lui demandait ce qu’estl’écarlate, l’aveugle

répondit que c’est commele son d’une trompette

(John Locke, 1690).

Pressentie dès l’Antiquité par Pythagore et ses disciples, l’idée d’un isomorphisme entre la couleur et le son continuede séduire les philosophes du Moyen Âge – qui ne l’ont pourtant, à notre connaissance, jamais formulée de manièrebien convaincante. Au VIe siècle, le grand théoricien de la musique Boèce, dans son De institutione musica, secontente, en citant Ptolémée, de noter une certaine analogie : “… Comment des voix différentes arrivent-elles à sejoindre sur un son final commun ? Cela se passe de la même manière que pour un arc-en-ciel dans les nuages :aux yeux de l’observateur, les couleurs se touchent de si près que l’on ne distingue pas où elles finissent lorsqu’ellesen viennent à se dissoudre l’une dans l’autre ; le rouge se sépare pour ainsi dire du jaune, de telle manière que, parmutation continue, chaque couleur évolue vers la suivante sans qu’apparaisse une ligne de partage nettement tracée.Il en va de même pour les sons…”.L’analogie n’échappe pas non plus à Bernard de Clairvaux (1090-1153), lorsqu’il fustige avec la même hargne, et à peuprès les mêmes arguments, la rutilance des vitraux et les roucoulades indécentes des chantres attachés au service divin.

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musicale. C’est qu’il n’est pas peintre !Il semble néanmoins que, sur la fin desa vie, il ait eu des échanges avec legrand Rubens, et qu’il l’ait mêmeconseillé pour la réalisation de sontableau L’Allégorie de la vue.

Les couleurs de la gammeMais ce sont les travaux d’AthanasiusKircher (1602-1680), puis ceux d’IsaacNewton (1642-1727), le premier dansle domaine de la théorie musicale, lesecond dans celui de la science optique,qui orientent de manière décisive cecheminement de la pensée artistique.Curieusement, Newton revient à la tra-dition pythagoricienne en se laissantguider dans ses recherches par le sym-bolisme du chiffre 7. Voici en effet com-ment sa démarche analytique est décritepar un disciple d’Eugène Chevreul, GilbertGovi (lettre de novembre 1881) : “Newton

essaye […] de fixer les limites (tout à faitarbitraires) des sept espaces colorés […] ;il finit par s’arrêter aux valeurs suivan-tes, la longueur totale du spectre étanttoujours égale à 60 : Rouge 7,5 – Orangé4,5 – Jaune 8 – Vert 10 – Bleu 10 –Indigo 6,7 – Violet 13,3. Et comme lenombre 7 faisait naturellement penseraux notes de la gamme, l’idée lui vint quecette division du spectre pouvait bien avoirquelques rapports avec la division d’unecorde tendue donnant les sept notes del’échelle musicale”.Et cette fois-ci, le passage à la pratiques’avère inéluctable (et peut-être toutaussi illusoire). L’annonce en est faite en1725, dans le Moniteur universel, parle jésuite Louis-Bertrand Castel (1688-1757) : il prétend avoir conçu un “cla-vecin oculaire” permettant à l’artiste depeindre les sons, “de les peindre réel-lement, ce qui s’appelle peindre, avec

des couleurs, et avec leurs propres cou-leurs ; en un mot, de les rendre sensi-bles et présents aux yeux comme ils lesont aux oreilles, de manière qu’un sourdpuisse jouir et juger de la beauté d’unemusique et qu’un aveugle puisse jugerpar les oreilles de la beauté des cou-leurs…”. L’histoire ne fait que com-mencer. D’autres articles suivent, pourrépondre aux nombreuses questions quesuscite l’étonnante nouveauté. En 1726, Castel précise : “Je prétendsqu’on peut ranger des couleurs dans cetordre : violet, indigo, bleu, vert, jaune,orangé, rouge, pourpre, avec leursrépliques, comme sont rangez l’ut, ré,mi, fa, sol, la, si, ut, et les faire paraî-tre successivement ou ensemble, commeon fait entendre ces sons”.Le monde scientifique s’émeut. Diderotrédige pour la Grande Encyclopédie unarticle sur le “clavecin oculaire” ; il le

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Robert Delaunay, La joie de vivre (1930)Les mouvements, lesoppositions, les résonancesdes grands cercles colorésde Robert Delaunays’apparentent sans douteaux lois du “contrastesimultané” de Chevreul,mais, bien plus encore, ilsprésagent l’union futuredu son et de la couleur telleque je la sens, telle que j’aiessayé de la chercher parles influences mutuelles quirejaillissent du rythme surl’harmonie et de l’harmoniesur le timbre, et vice versa,dans l’orchestration deTurangalîla-Symphonie(O. Messiaen).

Le journal du CNRS en délégation Centre-Poitou-Charentes

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> Musicologie

compare au “clavecin auriculaire”. Et lefait qu’il ressente la nécessité de qua-lifier ainsi le vieil instrument, montre àquel point la vogue du nouveau venus’est étendue, au moins chez les artisteset les intellectuels. En fait et c’est l’aspectle plus paradoxal de l’histoire, Castel n’ajamais réussi à achever la construction deson clavecin (cf. encadré).L’invention ne restera pourtant pas sanspostérité. Toutes les réalisations instru-mentales et artistiques de synthèse entreson et couleur, postérieures à la mort deCastel ne peuvent être citées ici. Au XXe

siècle, quelques cinéastes s’y mettent àleur tour, sans doute parce qu’ils dispo-sent d’outils mieux adaptés à cette pro-blématique que le pinceau du peintre oule clavier du musicien. Mais c’est uneinspiration tout autre qui est à la sourcedes créations les plus originales, uneinspiration que l’on rencontre par exem-ple dans l’œuvre du compositeur OlivierMessiaen (1908-1992).

Un vitrail et des oiseauxL’“amour des couleurs”, c’est ce qui obs-ède et guide Messiaen tout au long de l’é-laboration de son œuvre. Un amour né ducontact de la nature et de la contempla-tion des vitraux, et qui s’est développé jus-qu’à un stade quasi pathologique :« Lorsque j’entends, ou lorsque je lisune partition en l’entendant intérieure-ment, je vois spirituellement des couleurscorrespondantes, qui tournent, bougent,se mélangent, comme les sons tournent,bougent, se mélangent, et en mêmetemps qu’eux. » Il s’agit bien en fait d’unemaladie, « une sorte de synopsie qui setrouve davantage dans mon intellect que

dans mon corps » et qui, précise-t-il,ne doit rien à l’absorption de substan-ces comme la mescaline. Il est intéres-sant de voir comment il se sert de cedérèglement et le met à profit dans la l’é-laboration de sa partition orchestraleChronochromie : “Une certaine séried’accords peut être rouge avec des tou-ches de bleu ; une autre sera blanc lai-teux, avec des touches d’orangé bordées

d’or ; une autre serafaite de bandes paral-lèles vertes, orangeet violettes ; uneautre sera gris pâle,avec des reflets vertset violets ; une autreencore sera entière-ment violette ouentièrement rouge. Ily aura aussi des cou-leurs complémentai-res – des “contrastessimultanés” – parrésonance ; des couleurs s’estompantdans le blanc, ou ombrées de noir ; desaccords et des timbres de couleurs chau-des ou froides…”.L’autre très grand amour de Messiaen,et qui le rapproche encore de la nature,

Alençon, Bibl. num.,manuscrit 12, fol 58 v° (Xe

siècle) : Rose des ventsEn fait, illustration d’un

extrait de l’évangile selonsaint Mathieu, relatant lamission des quatre anges

chargés d’annoncer leJugement dernier : « Et il

enverra ses anges avecune trompette sonore, pour

rassembler ses élus desquatre coins de l’horizon,

d’un bout des cieux àl’autre » (24,31).

[Détail:] Oriens, les ventsd’est. Noter les lignes

ondulées issues destrompettes - peut-être pour

suggérer la naturevibratoire des sons (ce qui

les assimilerait en partieaux couleurs, selon la

physique pythagoricienne).

Hors série > Microscoop / Numéro 14 – octobre 2005

Représentationchromatique des sons

de la gamme

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est celui des chants d’oiseaux. Il ledonne à entendre dans des partitionsgorgées de couleurs et de roucoulades.Voici, par exemple, comment, dans sonCatalogue d’oiseaux, il traduit ce mélangede sensations perçues au bord d’unétang de Sologne : “La Sologne. EntreSaint-Viâtre, Nouan-le-Fuzelier, Salbriset Marcilly-en-Gault : les étangs du Petitet du Grand Rancy, des Noues, de laBriquerie, des Trois Croix, des Coups deVent, de la Rue Verte, des Chapelières,de la Vieille Fûtaie, et tant d’autresétangs… Je les nomme plus naïvement :étang des nénuphars, étang des roseaux,étang des iris, etc…” 6 heures du matin :lever de soleil rose, orangé, mauve, surl’étang des Nénuphars. Strophes joyeu-ses du merle noir, gazouillis de la pie-grièche écorcheur et du rouge-queue àfront blanc. “8 heures du matin, les irisjaunes : double cri rauque du faisan,glissando sifflé de l’étourneau-sanson-net… Les modes colorés accompagnantle lever du soleil sont d’une beautéextraordinaire (rose-mauve et orangé), de

même que ceux du coucher (orangé etrouge-violet), et enfin la couleur étrangedu mode 43 (quatrième transposition),violet intense virant au noir à cause duregistre grave, évoquant la mort du soleilsur l’étang aux iris…”.

Percevoir la couleur du sonDe tels faits et témoignages ne suffi-sent pas à justifier l’appellation d’“iso-morphisme entre sons et couleurs”, quiapparaît comme un abus de langage.Mais ils montrent comment certainsphénomènes naturels, pas toujours biencompris ou analysés, amènent parfois àd’authentiques créations artistiques.C’est peut-être vers cette sorte de trans-cendance que Federico Fellini (lui-mêmegraphiste et peintre avant d’être cinéaste)veut attirer nos regards lorsque, dans uncontexte inattendu, il fait dire à un musi-cien dans son film Prova d’orchestra :

“Le hautbois : c’est un instrument d’é-lévation spirituelle. Il développe chezceux qui en jouent certains pouvoirs par-ticuliers : la vision intérieure qui permetde percevoir la couleur du son. Je joue etje vois une atmosphère dorée, lumineuse,couleur de soleil, comme une grande lueur…Une expérience surhumaine…”

Contact : Denis [email protected] de Recherche et d’Histoire des Textes

(IRHT) (UPR 0841 CNRS) à Orléans

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Le journal du CNRS en délégation Centre-Poitou-Charentes

Le clavecin oculaire du Père Castel

“Vous voulez de la pratique, sa réalisation est assurée”, promettait le P. Castel à propos del’invention qu’il annonçait en 1725. Et il semble bien, à en croire Denis Diderot, que le clavecinoculaire ait bel et bien été construit. Voici en effet ce qu’il écrit à Madame de Maux en 1769 :“Avez-vous quelque notion du clavecin oculaire du P. Castel ? Imaginez des petits rubanscolorés qui se déploient à mesure que les doigts se promènent sur les touches pathétiques d’unpianoforte. Eh bien, mon amie, cet instrument, c’est moi à la ville et à la campagne. À la ville,tous les petits rubans colorés se déploient, et les touches pathétiques sont muettes. À lacampagne, au contraire…, les petits rubans colorés restent dans leur étui, et les touchesharmonieuses et sombres de l’instrument se font entendre et le cœur de mon amie entressaillit…”.D’autres témoins affirment avoir vu… et entendu l’instrument : certains parlent, comme Diderotd’un déploiement de “petits rubans colorés”, d’autres d’un “éventail de couleurs”, mais sansjamais entrer dans les détails techniques ; et aucun plan, aucune figure, aucune descriptiondétaillée ne nous sont parvenues. Quant au P. Castel lui-même, si éloquent lorsqu’il disserte surla “philosophie” et la portée artistique de son projet, se montre bien discret sur sa conception :“Qu’est-ce qu’un Clavecin ? C’est une suite de cordes tendues qui suivent dans leur longueur etdans leur grosseur une certaine proportion harmonique qui leur fait rendre, au moyen d’unelanguette qui les pince, tous les divers sons et accords de la Musique. Or les couleurs suiventla même proportion harmonique ; prenez-en donc autant qu’il en faut pour former un claviercomplet, et les disposez de manière qu’en appliquant les doigts à certaines touches ellesparoissent dans le même ordre et la même combinaison que se feroient entendre les sonscorrespondants à ces touches… Avez-vous vu de ces machines qu’on porte dans les rues, danslesquelles à travers un verre on montre au peuple ce qu’on appelle la curiosité, la rareté ? C’esten tirant de petites cordes qu’on fait passer en revue devant les yeux, des villes, des châteaux,des batailles, et tout ce qu’il vous plaira. Il faut ici qu’en remuant les doigts comme sur unclavecin ordinaire, le mouvement des touches fasse paraître les couleurs avec leurscombinaisons et leurs accords, en un mot, avec toute leur harmonie, qui correspondeprécisément à celle de toute sorte de Musique…”On perçoit bien la marge qui peut exister entre le projet tel qu’il est ici décrit (proche àpremière vue d’une attraction foraine) et sa réalisation technique. Il semble raisonnable depenser que des prototypes inaboutis du clavecin ont bien été construits, qu’ils se sont mêmeproduits en concert, mais que l’instrument idéal du P. Castel n’a jamais été réalisé. Du moins, àdéfaut d’avoir été vu et entendu, a-t-il fait beaucoup jaser…

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> Energie

Tout corps émet un rayonnement infra-rouge (dit aussi thermique) et ce enquantité d’autant plus importante que satempérature est élevée. Ce rayonnementse colore ainsi en rouge sombre pour destempératures de source dépassant 550°Cpuis évolue vers le blanc pour des tem-pératures de l’ordre de 2000°C. L’énergievéhiculée par les ondes infrarouges estainsi mise à profit dans de nombreusesapplications industrielles : séchage despeintures sur carrosserie automobile,thermoformage des plastiques, cuisson

de préparations alimentaires… Cependantcertaines opérations s’avèrent gour-mandes en énergie. Le matériau insolésemble transparent aux ondes : les tempsde traitement deviennent alors pluslongs, induisant de fait une consom-mation excessive d’énergie. Cette inadé-quation impose entre autres une réflexionsur l’emploi des matériaux utilisés dansla conception des dispositifs radiants :rayonnent-ils leur énergie de manièreefficace vis-à-vis des matériaux orga-niques fréquemment rencontrés ? Unevoie s’oriente vers une meilleure connais-sance en amont des propriétés radiati-ves de la source, impliquant aussitôtune meilleure connaissance des maté-riaux utilisés. La conception d’un émet-teur efficace doit aussi se faire en relationavec les propriétés d’absorption de l’ob-jet à traiter.

C’est sur cette problématique qu’une pre-mière prise de contact s’est établie entrela PME et une équipe du laboratoire spé-cialisée dans la caractérisation à trèshaute température (T = 2500°C) et l’étudedu comportement optique de matériaux.

ITECH System, souhaitait produire, demanière autonome, ses propres émet-teurs. La société avait ainsi, en colla-boration avec l’ENSCI de Limoges, misau point un panneau rayonnant en céra-mique : un fil métallique inséré dans leplan médian de l’émetteur garantissaitune production homogène du rayonne-ment infrarouge, permettant ainsi à l’é-metteur de traiter de grande surface. Par rapport au marché existant, l’emploide cet émetteur apportait, donc, un plusde par sa géométrie. En revanche, lamesure réalisée sur le panneau par spec-trométrie d’émission infrarouge, a révéléses déficiences dans le moyen infra-rouge. La valeur du pouvoir émissif de

Depuis 1997, le Centre de Recherches sur les Matériaux à Haute Température (CRMHT – UPR 4212 CNRS) à Orléans,apporte son expertise en propriétés optiques de matériaux, auprès d’ITECH System, une P.M.E. basée à Onzain dansle Loir-et-Cher qui conçoit et commercialise des systèmes de chauffage par infrarouge. Cette collaboration s’estconcrétisée par la prise commune d’un brevet européen, le déroulement d’une thèse, suivi de la conception et de la commercialisation d’un émetteur infrarouge innovant qui permet une utilisation plus rationnelle de l’énergiemise en jeu lors du séchage par infrarouge de composés organiques (peintures, plastiques…).

VVeerrss uunnee uuttiilliissaattiioonn eeffffiiccaaccee ddee ll’’éénneerrggiieerraaddiiaannttee iinnffrraarroouuggeeHistoire d’une collaboration entre une PME régionaleet un laboratoire de recherche publique

Hors série > Microscoop / Numéro 14 – octobre 2005

Spectre d’émission infrarougede l’émetteur en céramique

obtenu à la températurede 700°C

(P.alimentation = 1000 W)

Emetteur infrarouge encéramique (dimension :

200 x 64 x 3 mm)

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l’émetteur chute à 20 % dans cetteportion du spectre. Le pouvoir émissif sedéfinit ici comme l’aptitude d’un maté-riau à rayonner de l’énergie par rapportau corps de référence, le corps noir dePlanck. Les matériaux organiques absor-bent eux, en général, l’énergie infra-rouge dans un domaine spectral couvrantl’infrarouge lointain et l’infrarouge moyen.L’optimisation des échanges d’énergierevient donc ici, à améliorer l’adéquationémetteur/récepteur. Quelles propositionspouvons-nous alors apporter en termesde matériau ? L’émission thermique d’uncorps n’est rendue possible que parl’existence de mécanismes d’absorp-tion. Autrement dit un corps émet etabsorbe via les mêmes mécanismes.Sur cette base, il faut alors trouver une

famille de matériaux présentant desabsorptions dans le moyen infrarouge. Une première solution, préservant lastabilité mécanique de l’émetteur, aconsisté à déposer sur sa face active unrevêtement noir constitué d’oxyde demétaux de transition (oxyde de cuivre,oxyde de manganèse). Le pouvoir émis-sif a certes été amélioré, mais pas demanière optimale. Cette première réali-sation confortait cependant la relationnouée entre le laboratoire et la PME. Ledépôt d’une seconde famille d’oxyde,plus connue pour ses propriétés électro-niques remarquables à basse tempéra-ture, a permis, lui, de tendre versl’optimum théorique. Ce résultat prometteur, objet d’un bre-vet européen, a constitué le point dedépart d’un travail de thèse, soutenu en2001, où l’accent a été porté sur l’ori-gine chimique de ce résultat. Le com-posé noir choisi présentait des chargesélectroniques plus ou moins mobiles,lui conférant sous la forme d’une cou-che d’au moins 2.5 microns épaisseur,une émissivité élevée dans le moyeninfrarouge. Ce sujet a bénéficié du soutien financier de Agence del’Environnement et de la Maîtrise del’Energie, de la Région Centre et d’ITECHSystem. La réalisation de dépôts modè-les en collaboration avec le Laboratoiredes Matériaux et du Génie Physique deGrenoble a permis de mieux cerner le rôlecapital exercé par la rugosité de sur-face. Cette contribution renforce ici lepouvoir émissif naturel de cet oxyde.Les connaissances transférées du labo-ratoire vers la PME ont ainsi abouti au lan-cement d’une nouvelle générationd’émetteurs, lui permettant d’élargir sonchamp de commercialisation. Cette gammebaptisée “Infraline” résulte du dépôt à lasurface de l’émetteur d’un mélange trèsconcentré en oxyde de métaux detransition. La société Lafarge, leadermondial des ciments équipe ses usines

de ce type d’émetteurs infrarouges.Danone (Molait Littry 14) utilise aussiles émetteurs pour dorer des crèmesavec un gain énergétique de plus de50 %. Alstom (La Rochelle, 17) a récem-ment passé commande pour ces émetteursafin de sécher les peintures sur TGV

Contacts : Benoît [email protected] ECHEGUT [email protected]

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Le journal du CNRS en délégation Centre-Poitou-Charentes

Dépôt rugueux mis au pointau LMGP de Grenoble, àpartir d’un oxyde mixte àbase de métaux detransition et de terre rare.

Comparaison entre lesluminances spectralesnormales de l’émetteur, etl’émetteur avec revêtementet du corps noir.

Application des émetteurs“Infraline” lors de lacuissons des tuiles chezLafarge Couverture(Verberie, 60). En insert :module constitué de troisémetteurs infrarouges –P = 3kW

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> Energie

Le Laboratoire de Combustion et Systèmes Réactifs (LCSR - UPR 4211 du CNRS à Orléans) conduit depuis unevingtaine d’années des recherches sur les différents aspects de la propulsion aéronautique en étroite collaborationavec la Snecma (Société Nationale d’Etude et de Construction de Moteurs d’Aviation), l’AIRBUS, la DGA (DélégationGénérale pour l’Armement), la commission européenne, l’ONERA (Office National d’Etudes et de Recherches Aérospatiales) et le Ministère de la Recherche.

RReecchheerrcchheess ssuurr llaa pprrooppuullssiioonn aaéérroonnaauuttiiqquueeà Orléans

Le transport par avion est aujourd’hui soli-dement ancré dans les usages du mondemoderne et les enjeux économiques dudomaine de l’aéronautique sont évi-demment très importants. La vitesse, lasécurité, la capacité des avions et larecherche sont des éléments de com-pétitivité pour les avionneurs. Par exem-ple, les améliorations de la motorisationsont cruciales. Ces améliorations sontobtenues grâce à des efforts de recher-che soutenus et un partenariat accruentre les laboratoires et les industriels.

Sans le kérosène, pas d’avionLe kérosène est le fuel aéronautique àl’échelle mondiale. C’est un carburantcomplexe constitué de centaines d’hy-drocarbures qui se répartissent en troisgrandes familles chimiques (les paraf-fines ou alcanes, les naphtènes ou cycla-nes et les hydrocarbures aromatique). La

combustion incomplète de ce carburantest responsable de l’émission de polluants(la suie par exemple). Afin de réduire cesnuisances, il faut comprendre les pro-cessus chimiques responsables et lesmodéliser afin d’intégrer cette dimensiondans les modèles de combustion utili-sés dans l’industrie aéronautique. Lestechniques expérimentales disponiblesau LCSR (flamme stabilisée sur brûleur,réacteur auto-agité par jets gazeux, tubeà onde de choc) permettent de déve-lopper des modèles cinétiques complets

ou simplifiés afin de caractériser les per-formances énergétiques mais aussi lesémissions issues de la combustion dukérosène.

Attention à la suieDans des conditions idéales, les seuls pro-duits de combustion d’un mélange hydro-carbure-air devraient être la vapeur d’eauet le dioxyde de carbone (ou le CO2). Laquantité d’oxygène est alors suffisante pourconvertir totalement le carbone et l’hy-drogène. Mais dans les turbulences d’unmoteur d’avion, la composition localedu mélange kérosène-air peut s’écarterde cette valeur idéale et d’autres pro-duits sont alors formés. En particulier, unexcès de combustible conduit à la for-mation de particules de suie, dangereu-ses pour la santé car la formation desparticules est accompagnée de cellesd’hydrocarbures aromatiques polycy-cliques (HAP) dont certaines sont can-cérigènes. L’importance de ce problème a motivé de

Hors série > Microscoop / Numéro 14 – octobre 2005

En proportionstoéchiométrique d’un

mélange de kérosène etd’air, un front de flamme

très mince, de couleur bleueest observé. Une

augmentation progressivede la proportion de kérosène

fait apparaître une zonetrès étendue correspondant

à la formation desparticules de suie.

Airbus A380

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nombreux programmes de recherche quiont permis d’identifier les étapes prin-cipales du mécanisme de formation dessuies puis la nature des espèces impli-quées dans ces étapes (en collaborationavec la SNECMA, l’ONERA et la DGA).Les études effectuées en utilisant destubes à choc ont permis de fournir unebase de données expérimentales sur laformation des suies (délai de formation,vitesse de croissance, rendement… enfonction des conditions expérimentales).

La combustion turbulente du kérosèneLe laboratoire travaille également surun nouveau mode de combustion dukérosène dit “prévaporisé, prémélangé,pauvre” ou “3P”. Afin de réduire laconsommation du kérosène, il est eneffet nécessaire de travailler avec desmélanges kérosène-air pauvres en kéro-sène. Mais pour réguler la richesse d’unmélange, il faut que les combustiblessoient en phase gazeuse, alors que le kéro-sène est habituellement injecté à l’étatliquide dans la chambre de combus-tion. Dans le mode de combustion “3P”,il est question d’injecter la kérosènedans une préchambre dans laquelle il sevaporise et se mélange avec de l’air ; c’estdonc ce mélange pauvre qui est admisdans la chambre principale où la com-bustion est initiée et la flamme turbu-lente se stabilise. Cette flamme pauvreà température modérée, produit très peu

d’oxydes d’azote et de suies. Cette recher-che conduite au laboratoire, dans le cadrede programmes nationaux et européens,s’intéresse précisément à l’atomisation duspray de combustible, à la vaporisationdes gouttelettes formées, à la formationdu mélange et sa combustion turbulente.En parallèle, une nouvelle technique devisualisation du spray par rayonnement Xest développée par le GREMI.

De nouveaux matériaux pour les nouveaux moteursLa seule façon de réduire la productionde CO2 dans un moteur est de réduire laconsommation du kérosène, ce quiconsiste à améliorer son rendement partous les moyens disponibles (allégementdu moteur, amélioration du cycle thermo-dynamique et des rendements de sesdivers composants). Tous ces impéra-tifs impliquent d’optimiser la structuredes réacteurs et d’employer les matériauxles plus appropriés.L’utilisation de matériaux composites àmatrices céramiques (CMCs) constitue-rait une révolution technologique dansle domaine de l’aviation civile. Les avan-tages de ces matériaux proviennent deleur possibilité d’utilisation à plus hautetempérature (1400°C environ), de leurfaible densité (30 à 50% de la densitéd’un métal) et de leur coefficient dedilatation thermique plus faible. Cespropriétés permettent d’envisager desaméliorations importantes (besoin derefroidissement moindre, réduction dela masse des structures de support, ren-dement de moteur plus élevé, réduc-tion des émissions polluantes…). A l’extérieur du moteur, la tenue desmatériaux est aussi très importante. Encollaboration avec AIRBUS, le MoscouAviation Institute, l’ONERA et le CRMHT,le LCSR mène un programme de recher-che sur ce problème dans le cadre de lacertification des moteurs de l’Airbus380, qui combine l’étude numériqued’un jet supersonique à haute température(représentant l’éjection d’un jet de gazchauds qui serait issu d’une chambre decombustion fissurée) et la caractérisa-tion thermique des échantillons de

matériaux impactés en utilisant descaméras infrarouges et des techniquesmathématiques d’inversion.

Et l’atmosphère dans tout ça ?Les effets néfastes des oxydes d’azotesont aujourd’hui bien connus et les par-ticules de suie sont reconnues pour leurimpact potentiel sur le climat. Elles peu-vent être le siège de réactions hétérogènesde gaz traces atmosphériques et avoirainsi une influence sur la compositionchimique de l’atmosphère. Les travauxconduits au LCSR portent sur l’étudeexpérimentale de réactions hétérogènesd’oxydants gazeux atmosphériques,comme l’ozone (O3), le dioxyde d’azote(NO2) et les radicaux hydroperoxydes(HO2) avec la suie. Les résultats obtenusmontrent que les pertes par interactionsavec les particules de suie d’ozone et deNO2 ont un effet négligeable sur lesconcentrations de ces espèces dans l’at-mosphère. Par contre, il pourrait en êtredifféremment pour les radicaux HO2.

Les motoristes et les constructeurs d’a-vion se posent de plus en plus la ques-tion de “l’après kérosène”. En effet, lesperspectives de renchérissement dukérosène et à plus long terme son épui-sement comme tous les combustiblesd’origine fossile, ont mis à l’ordre dujour et à juste titre, la question des pro-duits de substitution au kérosène. Lelaboratoire participe à un programmede recherches coordonné par AIRBUS surce thème

Contacts : I. GÖKALP, C. CHAUVEAU, C. VOVELLE,J.L. DELFAU, N. CHAUMEIX, C. PAILLARD,L. VANDENBULCKE, Y. BEDJANIAN

Le journal du CNRS en délégation Centre-Poitou-Charentes

Image obtenue aumicroscope électroniqueà balayage d’une coupetransversale d’un matériaucomposite 2D à fibres decarbone et matricemulticouches

Le laboratoire est à l’origined’une rupture technologiquemajeure dans le domained’utilisation par la miseau point de matériauxmulticouches auto-cicatrisants en atmosphèreoxydante. Ces matériauxsont constitués de couchesen carbure de silicium(SiC), carbure de bore(BxC), système ternaire Si-B-C obtenus par dépôtchimique à partir de laphase gazeuse.

Tomographie d’un jetdiphasique d’hydrocarbure

© CNRS Photothèque/LCSR

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> Energie

DDee llaa TTeerrrree àà llaa LLuunnee…… grâce à l’électricitéIL y a deux ans, le lanceur européen Ariane 5G décollait de Kourou avec à son bord la petite sonde SMART-1 del’Agence Spatiale Européenne. Objectif : la Lune. Quarante ans après les célèbres missions américaines Apollo, ce vol vers notre satellite peut sembler tout droit sorti d’une autre époque : 8 mois de voyage et pas un seul astronauteà bord ! Malgré les apparences, nous sommes pourtant plus proche de l’épopée Star Wars que des romans de JulesVerne. Dans cette version high-tech du voyage Terre-Lune, la sonde spatiale était en effet propulsée par… un moteurélectrique ! Le succès de cette mission, basée sur l’emploi d’un propulseur à plasma alimenté grâce à l’énergiesolaire, ouvre désormais la voie aux voyages interplanétaires de longue durée.Ces “moteurs du futur” sont au coeur des recherches conduites par les scientifiques des laboratoires du Groupementde Recherche “Propulsion spatiale à plasma” (CNRS/CNES/Snecma/Université d’Orléans) sur le moyen d’essaisPIVOINE situé au Laboratoire d’Aérothermique (UPR9020 du CNRS) à Orléans.

Vue d’artiste de la sondeSMART-1 en route vers

la Lune grâce à son moteurà plasma.

Hors série > Microscoop / Numéro 14 – octobre 2005

©ESA - J. Huart

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La mission SMART-1Dans la nuit du 27 septembre 2003 à23h14, heure de Paris, le lanceur Ariane5G décolle avec succès du centre spa-tial de Kourou en emportant dans sacoiffe deux satellites de télécommuni-cation INSAT 3E et e-BIRDTM ainsi qu’unpassager auxiliaire original, la sondeSMART-1.En effet, malgré plus de quarante annéesd’études et l’alunissage de six modulesApollo de la NASA et trois capsulessoviétiques Soyouz, la connaissance dela Lune est très incomplète. La facecachée et les régions polaires sont lar-gement inexplorées. La formation dusystème Terre-Lune et le modelage denotre satellite ainsi que sa géologie res-tent mal compris.L’Europe a donc décidé de lancer lasonde SMART-1 en direction de la Lunepour cartographier précisément la topo-graphie lunaire et mesurer la distributionde minéraux et de certains élémentschimiques dont l’eau.SMART-1 est la première des missions

de type SMART (Small Missions forAdvanced Research in Technology) del’Agence Spatiale Européenne (ESA) quiont pour but la mise au point de cam-pagnes scientifiques à faible coût, lavalidation d’innovations technologiquesqui pourront être utilisées ultérieure-ment (propulsion, communication, minia-turisation des systèmes de contrôle…)et l’emploi de nouveaux matériels scien-tifiques. Certaines des technologies tes-tées avec SMART-1 pourraient êtreemployées pour la réalisation de la futuresonde BEPI-COLOMBO dédiée à l’ex-ploration de la planète Mercure.

SMART-1 est une sonde interplanétaireconstruite par la Swedish SpaceCorporation, de forme cubique de 1m decoté avec, à chaque sommet, un moteurchimique à hydrazine de 1 Newton (N)pour effectuer des contrôles de positions.D’une largeur totale de 14 m, en tenantcompte des panneaux solaires (10m2

pour 1900 W produit), la masse totalede la sonde au décollage était de 366,5 kg

Le journal du CNRS en délégation Centre-Poitou-Charentes

Intégration de la sondedans la coiffe du lanceureuropéen Ariane 5G.©ESA/Space - X, Space Exploration Institute

©ESA/CNRS/ARIANESPACE - Service optique CSG

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dont 82 kg de xénon, 8 kg d’hydrazine et19 kg d’appareils scientifiques.Pour la première fois, une sonde inter-planétaire était équipée d’un propul-seur à plasma à effet Hall. Développé parSnecma qui l’a dénommé PPS®1350-G,ce moteur a été utilisé avec succès toutau long de cette mission.

Le propulseur à PlasmaLes moteurs électriques dédiés à la pro-pulsion spatiale, qui sont basés sur lacréation d’un faisceau d’ions très éner-gétiques, offrent des atouts majeurs parrapport aux moteurs chimiques. Leurbesoin en carburant (actuellement duxénon) est relativement faible, ce quiaccroît la masse utile disponible. Ilspeuvent fonctionner pendant des milliersd’heures pour atteindre à terme, malgréla faible poussée délivrée, une grandevitesse de croisière. Ces moteurs ouvrentdonc la voie à l’exploration de l’espacelointain.

Il existe aujourd’hui deux types demoteurs électriques pour la propulsiondes sondes interplanétaires :• les propulseurs ioniques qui utilisent

des grilles polarisées pour accélérerdes ions (les missions d’explorationsaméricaines DeepSpace 1 et japonaiseMuses en sont pourvues).

• les propulseurs à effet Hall qui utili-sent une barrière magnétique pourcréer puis accélérer un plasma. Cetype de moteur a été installé pour lapremière fois comme système de pro-pulsion sur une sonde interplanétaire.

La sonde SMART-1 est équipée du pro-pulseur à effet Hall baptisé PPS®1350-Get développé par Snecma. Il délivre70 mN de poussée pour une impulsionspécifique de 1600 s, c’est à dire unevitesse d’éjection des ions de xénon (Xe+)de 16 km/s. Le 30 septembre 2003 à12h25, le propulseur électrique est misen marche pour la première fois afin d’ac-croître progressivement la dimension de

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> Energie

Trajectoire de la sondeSMART-1 lors de son

voyage Terre-Lune.

Propulseur à effet HallPPS®1350-G développé

par Snecma et qui équipela sonde SMART-1.

Hors série > Microscoop / Numéro 14 – octobre 2005

©ESA - JL. Atteleyn

©ESA

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l’orbite parcourue autour de la Terre et s’enéloigner.Après 84 millions de km parcourus, le15 novembre 2004 à 17h48 la sondeatteint le point situé à 5000 km de lasurface de la Lune (point de LagrangeL1) et se place sur une orbite lunaire àune altitude comprise entre 300 km et10000 km avec deux mois d’avance surle calendrier prévu. Au cours de cette pre-mière phase de la mission, le propulseura battu deux records mondiaux : 240 hde tir continu et 4600 h de tir cumulé.De plus, la sonde a consommé seulement59 kg des 82 kg de xénon prévus pourcette phase, accroissant ainsi le poten-tiel de la mission.

Le propulseur électrique appeléPPS®1350-G a été étudié par leGroupement de recherche PropulsionSpatiale à Plasma sur le moyen d’es-sais national PIVOINE du laboratoired’Aérothermique. Les chercheurs ontpu démontrer la souplesse d’utilisationdes propulseurs à effet Hall en faisantfonctionner le PPS®1350-G à 3 kW depuissance et produisant ainsi 140 mNde poussée avec un rendement de 55%.Les études menées sur ce propulseursont indispensables pour le développe-ment de moteurs plus puissants capa-bles de fonctionner selon deux modes :forte poussée ou grande impulsionspécifique.

Exploration de la surface lunaireLa sonde SMART-1 emporte divers moyensde diagnostics pour l’étude de la sur-face de la Lune et de son atmosphère :caméra panchromatique (AMIE) pourl’imagerie lunaire, sondes de Langmuir(SPEDE), matériel d’expérience radio(RSIS), spectromètre proche visible etinfra-rouge (SIR), spectromètre X (D-CIXS).La sonde a pour mission de rechercherd’éventuelles traces d’eau sous formede glace, d’effectuer une cartographie pré-cise de certaines zones lunaires. Il s’a-git entre autres de tenter de répondre àla question de la formation de la Lune lorsd’une éventuelle collision de la Terre et

d’une petite planète il y a 4,5 milliardsd’années. D’ores et déjà des images de la surfacelunaire ont été transmises. La photo-graphie obtenue par la caméra AMIEprésente la première vue de la Lunetransmise par SMART-1 le 26 janvier2005. Cette mosaïque de photographiescorrespond à une zone de 240 000 km2

située à 85° de latitude nord. De nom-breux cratères sont visibles sur la photo-graphie notamment le grand cratère dePythagore.

SMART-1. Et après ?Après le succès du voyage Terre-Lune dela sonde SMART-1 et la mise en orbitegéostationnaire en juin 2004 du satel-lite de télécommunication INTELSAT10-02 (EADS Astrium) équipé d’un pro-pulseur PPS®1350-G, la propulsion parplasma à effet Hall devient maintenantune technologie validée et reconnue

comme prometteuse pour les futurs voya-ges interplanétaires.Le développement de ce mode com-plexe de propulsion spatiale repose surune collaboration étroite entre laboratoiresde recherche, industriels et agencesspatiales. Dans cette optique, les labo-ratoires d’Orléans (Aérothermique, Groupede Recherches sur l’Energétique desMilieux Ionisés – GREMI, UMR 6606CNRS-Université d’Orléans et le Centrede Recherches sur les Matériaux à HauteTempérature-CRMHT-UPR4212 duCNRS à Orléans) ont une capacité d’analyseet de tests expérimentaux uniques leurdonnant une place privilégiée dans ledomaine de la propulsion par plasma

Contacts :Michel DUDECK, [email protected]éphane MAZOUFFRE, [email protected]

Le journal du CNRS en délégation Centre-Poitou-Charentes

>> Pour en savoir plus :Site de l’Agence Spatiale Européenne :http://sci.esa.int

Mosaïque dephotographies de lasurface lunaire transmisepar SMART-1 le 26 janvier2005 (caméra AMIE).

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> Biologie

Drosophila melanogaster, la mouche à ventre noir qui aime la rosée, est un insecte devenu un des modèles animauxles plus utilisés en biologie du fait notamment de ses grandes facilités d’élevage. Son génome est constitué de4 paires de chromosomes, et sa taille (3.108 paires de bases) est seulement 10 fois plus petite que celle du génomehumain (3.109 paires de bases réparties sur 23 paires de chromosomes). L’ensemble du génome de la drosophilea été séquencé et le nombre de ses gènes est estimé à 13 500 contre 30 000 dans l’espèce humaine. Le Centre deBiophysique Moléculaire (CBM – UPR 4301 CNRS) à Orléans étudie notamment les nombreux gènes impliqués dansdes maladies chez l’homme (cancers, rétinite pigmentaire, leucémie, myopathie congénitale,…) qui trouvent leurshomologues chez la drosophile.

Chromosomes géants

Hors série > Microscoop / Numéro 14 – octobre 2005

LLaa mmoouucchhee dduu vviinnaaiiggrree DDrroossoopphhiillaa mmeellaannooggaasstteerr un modèle pour l’étude des maladieshumaines

© Thierry Cantalupo – CNRS

Drosophiliste

© Daniel Locker – CNRS

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La drosophile et les maladies neurodégénérativesDepuis quelques années, le modèle dro-sophile est de plus en plus utilisé dansl’étude des maladies neurodégénératives(Parkinson, Alzheimer…). En effet, cemodèle montre un système nerveux plei-nement fonctionnel avec une architec-ture séparant les différentes fonctionsspécialisées (vision, olfaction, appren-tissage et mémoire), proche de ce qui estobservé chez les mammifères. De plusce modèle permet l’identification trèsrapide des voies cellulaires impliquéesdans le développement de maladies tel-les que la chorée de Huntington (oudanse de St Guy) qui apparaît chezl’Homme avec une fréquence de 1 caspour 10.000 naissances. Elle se mani-feste à partir de l’âge mûr (entre 30 et50 ans) et se caractérise par des trou-bles neurologiques et psychiatriquesévoluant vers la démence puis, inexora-blement, vers la mort au bout de 15 à20 ans. Il n’existe actuellement aucuntraitement. Cette maladie est due à la pré-sence d’une protéine anormale appeléehuntingtine. L’expression dans l’œil dedrosophile de la protéine humaine hun-tingtine anormale induit une dégéné-rescence progressive des photorécepteurs(neurones) soit un phénotype compara-ble à celui observé chez l’homme. Desétudes génétiques chez ces drosophi-les ont permis de mettre en évidence denouvelles cibles pharmacologiques.

La drosophile et les myopathies Le développement de la patte de la dro-sophile est intimement associé à la for-mation des tendons, éléments quirattachent le corps musculaire aux os. Chezla drosophile, les seuls muscles attachésaux tendons sont appelés les musclesappendiculaires. La musculature de lapatte de la drosophile présente des simi-litudes intéressantes avec les muscles del’homme. La relation entre les structurestendineuses et les fibres musculaires aété étudiée en profondeur et grâce à desmarqueurs spécifiques, les chercheurs ontpu observer le déroulement de la myo-génèse appendiculaire chez la droso-phile. La compréhension des interactionsentre muscle et tendon est un problèmetrès important pour essayer de trouver desremèdes aux myopathies telles la myo-pathie de Duchenne.

La drosophile un modèle idéal ?Ainsi la drosophile devient-elle unmodèle pour l’étude fondamentale denombreuses pathologies humaines.L’insecte n’a évidemment pas toutes nosfonctions biologiques et ne représentepas le modèle idéal pour la recherchethérapeutique, mais plutôt un parmid’autres comme la souris. Cependant,l’abondance d’informations génétiquesde la petite mouche fait d’elle uneexcellente base pour la compréhen-sion des maladies humaines. Elle resteainsi depuis le début du siècle dernier

un des meilleurs outils pour compren-dre les maladies et ainsi envisager desthérapies

Contacts :Martine [email protected] [email protected]

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Patte de drosophile

Embryon de drosophile

Dégénérescencedes cellules nerveusesdans l’œil de drosophileexprimant la huntingtine

Drosophile adulte

Le journal du CNRS en délégation Centre-Poitou-Charentes

© Daniel Locker – CNRS

© Daniel Locker – CNRS

© Daniel Locker – CNRS

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Depuis 1959, avec les travaux de J.Lejeune, l’origine du Syndrome de Down(du nom du médecin ayant décrit pourla première fois cette maladie en 1866)est connue : elle résulte de la présenced’un chromosome, le 21, en copie sur-numéraire chez les patients. Cette mal-adie, appelée depuis plus communément“Trisomie 21” “demeure la premièrecause d’anomalie chromosomique chezl’homme. Elle est due à une erreur deségrégation des chromosomes au coursde la formation des gamètes pendantla méiose. Chacun possède deux copiesde chaque chromosome : l’un venantde notre père et l’autre de notre mère.Les patients trisomiques, eux, ont reçuune copie supplémentaire de leur mère,dans la majeure partie des cas. Lesgènes présents sur ce chromosome 21additionnel sont a priori normaux chezles parents des patients trisomiques,mais l’augmentation de leur nombre (oudose) de 2 à 3 va conduire à l’apparitiond’un ensemble d’altérations caractéris-tiques qui apparaissent dès le dévelop-pement embryonnaire. La plus connueest le retard mental mais les patients souf-frent également des conséquences surle développement du squelette des mem-

L’équipe dirigée par Yann Hérault du laboratoire Immunologie et Embryologie Moléculaire (IEM, FRE 2815 du CNRS)s’intéresse depuis plusieurs années à développer de nouveaux modèles souris trisomiques. Grâce à de nouvellesstratégies génétiques mises en place par le laboratoire, il est possible d’induire de manière contrôlée de grandréarrangement chromosomique dans le génome de la souris qui vont permettre de mimer l’état trisomique des patients.Ces nouveaux modèles, en cours d’études, seront des atouts non seulement pour mieux comprendre l’origine génétiqueet moléculaire de cette maladie mais également pour envisager de nouvelles démarches thérapeutiques dans l’espoird’améliorer les conditions de vie des patients.

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> Biologie

Hors série > Microscoop / Numéro 14 – octobre 2005

DDeess ssoouurriiss ppoouurr mmiieeuuxxccoommpprreennddrree les origines des altérationsobservées dans la Trisomie 21

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bres et de la face, ainsi que sur la fonc-tion de nombreux organes, comme lecœur, la respiration et certaines fonctionscomme la défense immunitaire contre lesinfections ou l’apparition de cancers dusang (leucémies).

Une maladie toujours d’actualitéMême si le dépistage prénatal a permisde diminuer l’incidence de cette maladiegénétique en passant d’une fréquencede 1 naissance sur 700 à 1 sur 1500,le vieillissement de l’âge maternel dansles populations des grands centresurbains, comme Paris, Londres ouBarcelone, entraîne une augmentationdramatique de la prévalence de laTrisomie. En effet l’incidence de cettemaladie évolue dramatiquement avecl’âge maternel. Elle passe de 1 nais-sance sur 1500 pour une femme devingt ans pour atteindre une fréquencede 1 sur 50 chez une femme de plus dequarante ans. Cette maladie est donc mal-heureusement toujours d’actualité.

Des avancées importantes pour mieuxcomprendre la maladieHeureusement de sérieux progrès ontpermis d’améliorer en moins d’un demisiècle la survie des patients par unemeilleure qualité des soins et une priseen charge plus adaptée : leur espérancede vie est passée d’une vingtaine d’an-née à une cinquantaine d’année, sou-levant de nouvelles questions surl’intégration de ces personnes et leur

autonomie dans la société. La compréhension de cette maladie a,elle aussi, beaucoup évolué. Moins decinquante ans, ont permis de passer dela description, au séquençage du chromo-some 21. Cette étape récente et pri-mordiale a conduit en 2001 à

l’identification de l’en-semble des gènes por-tés par ce chromosome.Néanmoins elle ne per-met pas encore deconnaître les mécanis-mes moléculaires et cel-lulaires qui sontperturbés chez lespatients. Les gènes sontconnus mais leur rôlereste encore à dévoiler.Pour des raisonséthiques évidentes, l’é-

tude de cette maladie chez l’homme estlimitée. Aussi de nombreux laboratoi-res ont décidé de passer de l’homme àun modèle animal et choisi de s’appuyersur la souris, pour essayer de mieux

comprendre la fonction des gènes duchromosome 21 au cours de cette maladiemais également dans le développementnormal.

La souris est notre meilleur allier pouressayer de comprendre cette maladieLa souris partage avec l’homme de nom-breuses similitudes : tout d’abord, 80%des gènes humains ont un gène similairechez la souris. Ensuite sa physiologieet son développement embryonnairesont très ressemblants. De plus elle a l’a-vantage d’être un modèle dans lequel desmodifications génétiques peuvent êtreréalisées de manières définies et contrô-lées dans des populations homogènes.Certes il sera plus difficile d’abordercertaines anomalies comme celles affec-tant les capacités cognitives des patients,mais il sera plus aisé de comprendre, parexemple, les origines des déficiences aucours du développement de l’embryon

Contact : Yann [email protected]

0%

1%

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30 35 40 45

Incidence

Age maternel

22.1

1

21.1

21.2

21.3

22.2

22.311

.2

22.1

2

22.1

3

Chromosome 21243 genes

150 genes 23 genes 48 genes

Chromosome 16 souris

Stch App Runx1 Tmprss2

Chromosome 17 souris

Abcg1 U2af1 Hsf2bp

Chromosome 10 souris

PdxkCstbCol6a1Hrmt1l1

Incidence de la Trisomie 21 en fonction de l’âge maternel (d’après Hook and Lindsjo DownSyndrome in live births by single year maternal age)

Les régions similaires duchromosome 21 sontréparties sur 3chromosomes chez lasouris dans lesquelles lesgènes sont conservés etorganisés de la mêmemanière.

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Le journal du CNRS en délégation Centre-Poitou-Charentes

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La tuberculose représente, encore aujourd’hui, un des plusgraves problèmes de santé publique, actuellement ré-émergenten Europe, notamment à cause du sida qui compromet le sys-tème immunitaire des patients et crée un terrain favorableaux infections opportunistes. L’OMS estime qu’un tiers del’humanité est infecté par Mycobacterium tuberculosis, l’agentde la tuberculose. Cependant, seulement 10 % des personnesinfectées développent une tuberculose cliniquement active.L’infection est donc contrôlée, mais pas éradiquée, chez laplupart des individus. Pour développer un vaccin ou un trai-tement efficace contre la tuberculose latente, il est essentielde comprendre les interactions moléculaires entre la myco-bactérie et son hôte et les mécanismes immunitaires qui enrésultent.

Parmi les cellules du système immunitaire, les macrophagesprésents dans les voies respiratoires sont les premières cel-lules rencontrées par les mycobactéries, et les lymphocytesCD4+ sont indispensables au contrôle de l’infection. Ils sontpour cela aidés par différents médiateurs de type “hormones”,les cytokines, dont l’interféron gamma, l’interleukine-12 (IL-12), et le TNF (Tumor Necrosis Factor). Le rôle fondamen-tal de ces cytokines s’est révélé récemment chez des patientsgénétiquement déficients, ainsi qu’à la suite de nouveaux trai-tements neutralisant le TNF, qui font des miracles chez lespatients atteints d’arthrite rhumatoïde ou de la maladie deCrohn’s, mais peuvent réactiver la tuberculose latente. Le rôledu TNF dans la réponse à la tuberculose avait déjà été misen évidence chez la souris. Notamment, les équipes de

Internalisation d’unbacille de M.bovis BCG

marqué à la protéinefluorescente GFP (en vert)

dans un macrophage(réseau d’actine marqué

en rouge).

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> Biologie

Hors série > Microscoop / Numéro 14 – octobre 2005

RRééppoonnsseess iimmmmuunniittaaiirreess aauuxx iinnffeeccttiioonnss ::la tuberculose

A l’Institut de Transgénose, l’unité de recherche “Immunologie et Embryologie Moléculaire”(IEM – FRE 2815 du CNRS) se consacre à l’étude du développement, de l’évolution desvertébrés et aux réponses immunitaires aux infections. Les équipes “Immunologie desinfections” de V.Quesniaux et B.Ryffel s’intéressent depuis des années à la réponse de l’hôteà la tuberculose et s’appuient pour cela sur des modèles de souris génétiquement modifiées,et sur une série d’évaluations des paramètres “cliniques” digne d’un hôpital de la souris !

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B. Ryffel et V. Quesniaux ont montré que des souris “knock-out” déficientes pour le gène du TNF meurent 3 à 5 semai-nes après une infection par Mycobacterium tuberculosis oupar la souche vaccinale atténuée M. bovis BCG (bacille deCalmette-Guérin). L’implication respective des formes mem-branaires et solubles du TNF est actuellement examinéegrâce à des souris “knock-in” exprimant du TNF membranairenon clivable en lieu et place du gène sauvage. De plus, l’origine cellulaire du TNF impliqué dans la réponse à latuberculose est aussi étudiée grâce à des souris dont le gènedu TNF est supprimé spécifiquement dans des cellules detype macrophage, ou dans des lymphocytes T ou B. Au delàde leur aspect mécanistique fondamental, ces travaux per-mettent de raffiner les cibles thérapeutiques des médicamentsanti-TNF de 2ème génération, et plusieurs compagnies inter-nationales ont approché le laboratoire pour tester leurs nou-veaux principes dans les modèles de tuberculose murine(chez la souris).

Depuis la création du laboratoire en 2001, les équipes“Immunologie des infections” s’attachent aussi à compren-dre les événements en amont de l’expression du TNF, notam-ment les mécanismes moléculaires de la reconnaissance desstructures spécifiques aux mycobactéries par des récepteursde l’hôte. Les récepteurs “Toll-like” (TLR) découverts en1997, ont permis de comprendre des mécanismes essentielsde la reconnaissance des pathogènes. Le rôle de ces récep-teurs TLR dans la réponse à la tuberculose et la transmis-sion de leur signal ont été étudiés à Orléans.

Contrairement à l’extrême sensibilité des souris déficientesen TNF, les souris déficientes en récepteurs TLR2 ou TLR4ont montré un phénotype relativement limité à l’infection aiguëà Mycobacterium tuberculosis, ou à M. bovis BCG. Cependant,l’absence de TLR2 ou TLR4 semble conduire à un défaut ducontrôle à long terme de l’infection chronique à Mycobacteriumtuberculosis. Une certaine redondance des récepteurs TLRn’est pas exclue qui pourrait expliquer la résistance partiellede ces souris déficientes.

L’implication des voies de signalisation communes aux dif-férents TLR, telles que les voies MyD88 (myeloid differen-tiation protein 88), TIRAP ou TRIF, dans le contrôle del’infection sont maintenant à l’étude au laboratoire. MyD88est une protéine adaptatrice commune aux voies de signali-sation des récepteurs TLR (hormis TLR3) et des récepteursdes cytokines IL-1 et IL-18. Le laboratoire vient de montrerl’implication de kinases telles que MAPK p38 et FAK dans

les voies de signalisation MyD88-dépendantes. Les sourisdéficientes en MyD88 infectées par Mycobacterium tuber-culosis par voie aérosol ne contrôlent ni la croissance ni ladissémination des mycobactéries et ceci s’accompagne d’uneatteinte pulmonaire extrême, fatale en moins de quatresemaines. Cependant, l’activation et le recrutement des lym-phocytes T dans les poumons sont normaux, suggérant unemise en place normale de la réponse adaptative en l’absencede la voie MyD88. En effet, après vaccination au BCG, lessouris déficientes en MyD88 montent une réponse normaledes lymphocytes T, accompagnée d’une protection transitoirecontre l’infection à Mycobacterium tuberculosis et d’uneréduction de l’inflammation pulmonaire.

Au-delà des TLR, plusieurs autres récepteurs peuvent se lieraux mycobactéries et sont vraisemblablement à même d’initier ou de réguler des réponses innées et adaptatives, enparticulier DC-SIGN, et le récepteur du mannose (sucre).Certains de ces récepteurs sont actuellement à l’étude au labo-ratoire dans la réponse à la tuberculose ou à la listéria, uneautre bactérie intracellulaire, cause de la listériose chez lespersonnes immunodéprimées. L’analyse des pathologies pulmonaires a été étendue récem-ment à l’asthme allergique, le stress respiratoire aigu induitpar des composants microbiens, ou la fibrose pulmonaire, enpartenariat avec des compagnies de biotechnologie localesou internationales. Pour mesurer la fonction pulmonaire, lelaboratoire s’est doté de pléthysmographes, qui viennentcompléter les équipements du laboratoire en animalerie P2+,isolateur P3, histologie et microscopie confocale. Le laboratoireparticipe actuellement à la plateforme RIO animalerie etexploration fonctionnelle de l’Institut de Transgénose

Contacts : Valérie QUESNIAUX [email protected] RYFFEL [email protected]

Coupes histologiquesde poumon de sourisMyD88-déficientes oucontrôle infectées àM. tuberculosis, montrantla pathologie extrêmeet les amas de bactéries(coloration de Ziehl-Nielsen en violet), enabsence de MyD88.

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Le journal du CNRS en délégation Centre-Poitou-Charentes

MyD88-/- MyD88+/+

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La recherche biomédicale et la recherchefondamentale ont besoin de la souriscomme modèle car c’est le seul mam-mifère chez qui on peut muter spécifi-quement l’un de ses gènes L’introductionde mutations est pratiquée à grandeéchelle dans des laboratoires du mondeentier. En effet, comme l’Homme, la

souris possède environ 30000 gènes ;il faudrait donc au moins 30000 lignéespour seulement une seule mutation pargène. Or il en faudrait au moins deux :l’une pour supprimer l’expression dugène et voir l’effet de l’absence du pro-duit du gène et l’autre pour surexpri-mer cette expression et voir l’effet d’une

surabondance du produit du gène. Il estnécessaire de maintenir et d’élever cesanimaux non seulement pour conserverle patrimoine scientifique acquis maiségalement pour l’enrichir et le partager.

Le CDTA a pour mission de produire etd’archiver des souris mutantes utiliséescomme modèles biologiques. Cette unitéest constituée de deux services com-plémentaires l’un à Orléans (CDTA :Centre de Distribution, Typage etArchivage animal), l’autre à Villejuif(SEAT : Service d’ExpérimentationAnimale et de Transgénèse). Le CDTA quiregroupe une quarantaine d’agents duCNRS constitue le cœur de l’Institut deTransgénose sur le campus CNRSd’Orléans. Cet Institut regroupe égale-ment des équipes de recherche dont lesaxes de recherche (biologie du déve-loppement, évolution-développement etimmunité anti-infectieuse) s’appuientsur la puissance des modèles génétiquesde souris transgéniques.

En tant qu’unité de Service, le CDTAs’attache grâce au soutien constant duDépartement des Sciences de la Vie duCNRS, à faire bénéficier l’ensemble dela communauté des biologistes souhai-tant utiliser les modèles de souris trans-géniques.

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> Biologie

Hors série > Microscoop / Numéro 14 – octobre 2005

DDeess ssoouurriiss eett ddeess ggèènneessau CDTA-CNRS d’OrléansImplantée sur le campus du CNRS d’Orléans, une animalerie ultra moderne de plus de 1200 m2 offre à la communautéscientifique de très nombreux services. Le Centre de Distribution,Typage et Archivage Animal (CDTA) animé par Jean-Pierre Regnault appartient à l’Unité propre de Service UPS44 “Transgénèse et Archivage d’Animaux Modèles” (TAAM)dirigée par Yves Combarnous. Le CDTA héberge plus de 35 000 souris appartenant à près d’un millier de lignéesdifférentes. Il répond ainsi aux besoins sans cesse croissants de connaissances fondamentales sur les gènes desmammifères et de développement de modèles pertinents de pathologies humaines d’origine génétique.

Salle d’élevage des souris

©Yves Combarnous - CNRS

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Le journal du CNRS en délégation Centre-Poitou-Charentes

Elevage contrôléLes souris sont maintenues dans desconditions environnementales et sanitai-res définies par des normes très strictes.Tout d’abord les locaux et les conditionsd’élevage sont agréés périodiquement parles services vétérinaires compétents. Deplus, les agents ont suivi une formationspécialisée pour obtenir une autorisationde travailler avec les animaux.A Orléans, plusieurs statuts d’élevagesont disponibles. Tous les élevages sontstrictement contrôlés au niveau sanitaireet génétique et répondent aux besoins par-ticuliers des diverses lignées de souris.Par exemple, des souris mutantes avecdes déficiences partielles ou totales dusystème immunitaire sont modèles depathologies d’immunodéficience et néces-sitent des conditions d’élevage extrême-ment strictes sans aucun agent pathogène.

Contrôles sanitairesLa conservation des souris “respirantes”(c’est-à-dire en élevage), qu’elles pro-viennent de laboratoires extérieurs oudu site, impose un contrôle sanitairepermettant de veiller au maintien dustatut EOPS (Exempts d’OrganismesPathogènes Spécifiés dans une liste offi-cielle FELASA). Le CDTA soumet donc les souris à destests bactériologiques et parasitologiquessystématiques tandis que les examensvirologiques sont réalisés en collabora-tion avec le Centre de Références del’ICLAS (International Council forLaboratory Animal Science) aux Pays-Bas.

Contrôles génétiquesLe laboratoire s’attache également àveiller à la conservation des fonds géné-tiques différents de ses animaux car ilsinfluencent souvent grandement l’ex-pression des phénotypes induits par lasurexpression ou l’invalidation (KO) degènes spécifiques. C’est à ce stade qu’in-terviennent des tests de plus en pluspuissants de biologie moléculaire (PCR,microsatellites, ELISA, Speed-Congenic..).

Décontamination – cryoconservationLe CDTA procède aussi à la décontami-nation des souris transgéniques ou mutan-tes par transfert d’embryons et parcésarienne.Après décontamination, ces lignées desouris sont élevées dans des animaleriesà deux niveaux : en isolateurs, en cagesventilées ou/et en salles EOPS.Pour préserver la diversité génétique, lacryoconservation permet de conserverà long terme, dans l’azote liquide, desembryons de différentes lignées trans-géniques ou mutantes. Aujourd’hui lelaboratoire détient une banque de plusde 300 lignées d’embryons congelés.La cryoconservation de sperme de sou-ris, en vue de la fécondation in vitro(FIV) dans cette espèce, a été mise enplace au CDTA pour faliciter la conser-vation des lignées mutantes.Le CDTA, grâce à des financements duBRG (Bureau des Ressources Génétiques)et, depuis 1996 et de la CommunautéEuropéenne effectue la cryoconserva-tion de lignées sélectionnées.

TrangénèsePour les chercheurs du site, le CDTAréalise par trangénèse la création denouvelles mutations chez la souris. Pourles autres chercheurs, la transgénèseest réalisée en association avec le SEAT(Service d’Expérimentation Animale etde Trangénèse) à Villejuif.

Imagerie du petit animalSous la direction d’Alain LE PAPE,Directeur de recherche au CNRS, un ser-vice d’imagerie a été implanté au CDTAen 2003 avec pour mission d’assurerles besoins des chercheurs pour l’analysefonctionnelle des souris mutantes dansles conditions sanitaires strictes

Contact : Yves [email protected]

Petit lexique

Mutation : Modification de la séquence d’ADN d’un gènepouvant, éventuellement, conduire à une altération du phé-notype*.Génotype : Ensemble des gènes d’un individu. Phénotype : Caractéristiques morphologiques et physio-logiques d’un individu.Phénotypage : Mise en évidence d’une caractéristiquephénotypique particulière d’une lignée suite à une muta-tion naturelle ou induite.Transgénèse : Introduction d’un gène exogène dans legénome d’un individu.Fond génétique : Génotype d’une lignée de souris influen-çant la fonction de chacun de ses gènes (endogènes ouexogènes).Invalidation génique (KO) : Mutation spécifique d’un gènepour étudier, in vivo, les conséquences de son inactivation.Recombinaison : “Copier/Coller” de segments d’ADN per-mettant l’introduction ou l’élimination de gènes dans legénome. Cage ventilée : Cage hermétique dont l’air est filtré pourprotéger les souris des microorganismes.

Isolateurs

>> Pour en savoir plus : http://cdta.cnrs-orleans.fr/site/index2.htm

©Yves Combarnous - CNRS

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> Physique / Biologie

Hors série > Microscoop / Numéro 14 – octobre 2005

Dans le cadre de l’approche technologique émergente, appelée bionique,l’Institut de Recherche sur la Biologie de l’Insecte (IRBI, UMR 6035 CNRS-Université François Rabelais de Tours) développe actuellement un projetd’étude appelé CICADA (Cricket Inspired Perception and Autonomous DecisionAutomata) sur la physique de la perception des mouvements d’air chez lesinsectes. Ce projet qui regroupe des biologistes, des biomécaniciens ainsique des ingénieurs spécialistes des nanotechnologies et des interfacescellule vivante-puce électronique, a pour objectif de s’inspirer desinnovations sensorielles chez les insectes pour proposer des solutionstechnologiques dans la perception de notre environnement.

QQuuaanndd llaa pphhyyssiiqquuee aaiiddee àà ccoommpprreennddrree les inventions de la nature et s’en inspire

Le grillon réagit aux moindres mouvements d’airémis par le prédateur.

Organes sensoriels du grillon, constitués deplusieurs centaines de poils.

S’il existe une longue histoire d’inte-ractions entre écologie et mathématique,l’étude des relations physiques entre lesorganismes vivants et leur environne-ment reste à l’heure actuelle encoremarginale et ne constitue pas une thé-matique de recherche à part entière.Pourtant, les études récentes en bio-mécanique et en écologie physique desorganismes ont montré le formidablepotentiel de la combinaison des deuxapproches. D’une part cette combinai-son permet d’expliquer des mécanis-mes biologiques jusque là incompris,comme l’adhésion des pattes des gec-kos (reptile saurien des régions chaudes,aux doigts munis de lamelles adhési-ves) où le mimétisme de couleur desaraignées-crabes. D’autre part elle per-met de s’inspirer des inventions du vivantpour développer des solutions techno-logiques comme c’est le cas de l’étudede la soie des araignées pour la concep-tion de câbles, ou de l’aérodynamiquedu vol des insectes pour celle des MicroAir Vehicles (MAV).

Le grillon pour modèleLes grillons, insectes choisis pour ceprojet, possèdent des organes senso-riels parmi les plus performants du règneanimal. Localisés sur des appendicesabdominaux de l’insecte, ces senseurssont constitués de plusieurs centainesde poils de longueur variable qui réagis-sent aux moindres mouvements d’airémis par l’approche de leurs prédateurs,tels que les araignées. Les propriétésmorphologiques de cette forêt de poilspermettent au grillon à la fois de carac-tériser le signal émis par le prédateur(notamment en terme de longueur d’onde)et d’évaluer la direction de sa prove-nance afin d’échapper efficacement auprédateur. Le problème ici posé à l’éco-logue, la compréhension d’une interac-tion proie-prédateur, nécessite les apportsthéoriques et méthodologiques de laphysique, principalement de la dyna-mique des fluides. Il est d’abord nécessaire de caractériserla nature des signaux émis par les pré-dateurs et de tester leur influence sur la

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Le journal du CNRS en délégation Centre-Poitou-Charentes

réponse comportementale des grillons.Pour cela le laboratoire a développé unsimulateur artificiel de déplacementd’araignée sous la forme d’un pistonmécanique au mouvement transversallaminaire. Ce dispositif a permis dequantifier par vélocimétrie par imageriede particules (PIV) les champs de vec-teur composant le signal et cela pour dif-férentes vitesse de déplacement duprédateur. Les seuils de vitesse aux-quels réagissent les grillons ainsi que lestactiques d’approche les plus efficacespour l’araignée ont ainsi pu être mis enévidence : l’approche peut être trèsrapide afin de prendre de vitesse saproie, ou très lente pour ne pas êtredétectée.

L’étude des poilsIl apparaît ensuite important de com-prendre le mouvement des poils sousl’influence de différents types de signaux.La dynamique de chaque poil est gran-dement influencée par l’existence d’unecouche limite autour de l’individu dontl’épaisseur dépend de la nature (notam-ment de la fréquence) du signal. Lespoils se trouvent totalement ou partiel-lement dans la couche limite en fonc-tion de leur longueur.Par une approche couplée de modéli-sation (empruntée aux équations deNaviers et Stockes) et de mesures en PIV,

le laboratoire a pu caractériser les pro-priétés de cette couche limite autourdu senseur et cette approche a permisensuite de connaître les forces de fric-tion de l’air qui engendrent le déplace-ment de poils de différentes longueurs.

La dynamique des fluides, outil dubiologisteEnfin, la compréhension de la dyna-mique des fluides autour des senseursdes grillons a été transposée dans uneperspective technologique de recréerdes micro-senseurs artificiels grâce auxtechnologies MEMS (Micro-Electro-Mechanical-Systems). En partenariatavec l’Université de Twente (MESA+, NL),le projet s’est inspiré de la structure etdu fonctionnement des poils de grillonpour créer des nanosenseurs à mouve-ment d’air. Au-delà de l’avancée tech-

nologique, l’étude de la dynamique desfluides autour de ces structures, dont onpeut faire varier les propriétés structu-rales et mécaniques, peut s’avérer un outilintéressant pour le biologiste afin decomprendre les contraintes physiques etbiologiques qui sont à l’origine de l’évo-lution des formes et des senseurs chezles insectes.

A l’image du projet CICADA, les scien-ces de la vie, et notamment l’écologie,ont donc beaucoup à gagner d’une inter-action forte avec les sciences physiques.Au-delà des verrous conceptuels et tech-nologiques qu’elle permet de casser, laphysique est une opportunité réelle pourle biologiste de compléter et de diversi-fier sa façon d’étudier le vivant. Nuldoute qu’en retour, les physiciens res-sortent également gagnant d’une telleinteraction, l’étude des phénomènes etmécanismes du vivant étant à leur toursource d’étonnement et d’inspiration

Contacts :Olivier [email protected]érôme [email protected]

>> Pour en savoir plus : http://www.bionics-cicada.org

Nanosenseurs àmouvement d’air

Quantification, parvélocismétrie en imageriede particules, les champscomposant le signal

Caractérisation despropriétés de la couchelimite autour du senseur,une approche couplée dela modélisation et demesures en PIV.

©MESA+, Research Institute

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> Physique / biologie

DDIISSCCOOune ligne de lumière de la Région Centre sur le synchrotron SOLEIL

Le synchrotron SOLEIL, fournira des photons pour des lignes de lumière accueillant des expériences de physique.Sous l’impulsion de Jean-Claude Maurizot, Directeur adjoint du Centre de Biophysique Moléculaire (CBM, UPR 4301du CNRS), une équipe de la Région Centre (Jean-Claude Maurizot, Matthieu Réfrégiers), de SOLEIL (François Polack, Jean-Luc Giorgetta, Frank Wien), et d’une post-doctorante financée par la Région Centre (Simona Miron) s’estconstituée afin de réaliser une ligne de lumière pour la biologie DISCO (Dichroïsme, Imageries, Spectrométriede masse pour des systèmes Chimiques et biologiques) qui ouvrira en 2007.

à gauche :Changement d’échantillon

sur la manipulation dedichroïsme circulaire.

à droiteLors de la construction :

intérieur du centre derayonnement , à la sortie

des photos (Accèsaujourd’hui interdit)

Mise en place d’uneprotéine dans un porte

échantillon.

Hors série > Microscoop / Numéro 14 – octobre 2005

La physique au service de la biologieLa ligne de lumière comporte trois sta-tions expérimentales regroupées au seind’une même unité de lieu ; une stationde dichroïsme circulaire dans l’ultra-violet (UV) et l’ultraviolet sous vide (VUV),une station d’imagerie confocale avecdétection spectrale et temporelle, une sta-tion de spectrométrie de masse MS/MSaprès photoionisation VUV. Ces troisexpériences ont en commun d’utiliser lamême région spectrale du rayonnementsynchrotron allant du visible au VUV (entre50 et 700 nm de longueur d’onde).

Pourquoi choisir de travailler dans ledomaine VUV – visible sur un synchrotron ?La majorité des expériences conduitesjusqu’à présent utilisaient soit les rayonsX, qui donnent des informations sur lesatomes et sur les arrangements de lamaille cristalline (biocristallographie),soit le rayonnement infrarouge, qui

donne des informations sur les vibrationsdes molécules. En choisissant de seplacer dans le domaine VUV – visible,on se trouve dans un domaine d’éner-gie compatible avec les énergies électro-niques des biomolécules, permettantd’obtenir des informations sur les arran-gements et l’environnement de ces molé-cules, que ce soit par absorption,dichroïsme circulaire, fluorescence ouraman résonant. Dans certaines expé-riences, l’énergie du rayonne-ment VUV est suffisante pourpermettre une photoionisationdes molécules biologiques.

Dichroïsme circulaire pour la struc-ture des protéines membranairesLe dichroïsme circulaire VUVmesurera la différence d’ab-sorption entre la lumière pola-risée circulairement gauche etdroite. La grande brillance du

rayonnement synchrotron produit parSOLEIL dans le domaine des ultravioletspermettra de gagner plusieurs décadesd’intensité par rapport aux instrumentsde laboratoire et de mesurer le dichroïsmecirculaire de chromophores non obser-vables classiquement. Le dichroïsmecirculaire (différence d’absorption entredes lumières polarisées circulairementdroite et gauche) donne des informa-tions sur la géométrie des molécules.

©Matthieu Refregiers

©Matthieu Refregiers

©Frank Wien

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Soleil est une source dont l’intensitélumineuse dans l’UV peut être jusqu’àun million de fois plus intense que celledes instruments de laboratoire. De plusce n’est qu’avec le rayonnement syn-chrotron qu’elle peut être utilisée dansle VUV ouvrant la porte à l’analyse de nou-velles molécules.

Deux grands domaines d’applicationconcernent le suivi de la structure de pro-téines en solution et la structure de poly-mères comportant des sucres.Par rapport aux mesures classiquesconventionnelles, de plus faibles quan-tités de produits seront utilisées, lesspectres seront acquis bien plus rapi-dement et de véritables études en ciné-tique rapide pourront être envisagées(suivi de changement de conformations) ;le haut flux et la réduction du trajet optiquepermettront d’utiliser des solvants absor-bants pour, par exemple, étudier le com-portement de protéines membranaires.

Imagerie et spectrométrie de masse pourle diagnostic moléculaire et tissulaireL’imagerie confocale utilisera d’abord latrès grande accordabilité de la sourcesynchrotron et sa microfocalisation pourexciter sous microscope les moléculeschromophores (marqueurs fluorescentsou espèces naturellement fluorescen-tes, molécules réémettant de la lumièreà plus faible énergie), la possibilité deréaliser des images d’excitation de fluo-rescence sera ouverte. Il en résultera lapossibilité de réaliser des images d’ex-citation de fluorescence.L’étude de l’autofluorescence, tant au

niveau des cellules et tissus de mam-mifères qu’au niveau des cellules végé-tales (fluorescence bleue verte) dans lecadre du diagnostic pourra être appro-fondie.Une autre forme d’imagerie pourra êtreréalisée à l’aide de la composante tem-porelle naturelle du rayonnement syn-chrotron, l’imagerie de phase. Le détecteur(une caméra CCD) verra son gain varieravec les pulsations de l’excitation four-nie par SOLEIL ; le déphasage et ladémodulation induites par les molécu-

les chromophores permettant de remon-ter à leur durée de vie de fluorescence,on obtiendra des images de durées de viesde fluorescence (FLIM) très rapidement.La spectrométrie de masse après photo-ionisation VUV utilisera la grande brillancede la source et son accordabilité dans ledomaine VUV pour ioniser de manièresélective les biomolécules d’un mélangeavant leur analyse par MS/MS. Cetteforme d’ionisation permettra d’obtenir desspectres de masse de protéines hydro-phobes dans un solvant complexe, plusproche des conditions physiologiquesque les milieux utilisés dans des modesd’analyse classiques. De plus, la photo-ionisation tolérant une très large gammede solvants, des molécules extrêmementvariées pourront être analysées. Enfin,puisque la photoionisation VUV se pro-duit au sein d’un brouillard moléculaire(nébulisat) à pression atmosphérique, ladétection par spectrométrie de masse per-mettra de suivre des réactions chimiquescomplexes, notamment d’intérêt envi-ronnemental.

Les trois stations expérimentales deDISCO constituent un ensemble cohé-rent permettant des études biophysiquesdes molécules du vivant qui s’intègrerontavec l’ensemble des autres lignes bio-logiques de SOLEIL. Par son intermédiairele campus orléanais bénéficiera d’unaccès privilégié à Soleil, permettant derenforcer les liens scientifiques entreles chercheurs de la Région Centre et lacommunauté de Soleil ........

Contacts :Matthieu [email protected] [email protected] [email protected]

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SOLEIL : Source Optimisée de Lumière d’Energie Intermédiaire de Lure

A Saclay (Essonne), le centre de rayonnement synchrotron SOLEIL, est un très grandéquipement scientifique français, financé par le CNRS, le CEA et des collectivités ter-ritoriales (Région Ile-de-France, Conseil Général de l’Essonne et Région Centre) quipermet l’exploration de la structure microscopique des matériaux inertes ou de la matièrevivante, l’étude de leurs propriétés physiques, mécaniques, chimiques ou biologiques.Les caractéristiques de cet outil pluridisciplinaire de 354 m de circonférence ont été défi-nies pour mener une très large gamme d’activités de recherche fondamentale et derecherche appliquée ou industrielle.SOLEIL sera, à compter de 2006, largement dédié aux activités de recherche appli-quée et de développement, de contrôle qualité (des matières premières, des produitsintermédiaires et finis, des process) et de fabrication, dans des secteurs variés.

Le journal du CNRS en délégation Centre-Poitou-Charentes

à gauche :Spectre CD de la galactosemutarotase d’E. coli (enjaune) : le rayonnementsynchrotron permetd’obtenir de nouvellesinformations structuralespour la résolution destructure (en vert).

au-dessus :Structure de galactosemutarotase humaine,homologue de celle d’E.coli.

©Atelier d’architecture Chaix & Morel et associés

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> Chimie

Hors série > Microscoop / Numéro 14 – octobre 2005

CCaattaallyyssee hhééttéérrooggèènnee eett cchhiimmiiee ffiinneenouveaux développements de composés d’originevégétale pour des applications non-alimentaires

Question aujourd’hui posée : pourquoile développement de composés d’ori-gine végétale pour des applications nonalimentaires ? En effet, la dégradation des végétauxconduit après des millions d’années auxréserves de carbone d’origine fossile(pétrole, charbon, gaz), le pétrole étantla principale source de matières pre-mières pour l’industrie chimique. Entre1965 (1,4 milliards de t/an) et 2003 (3,4 milliards de t/an), sa consommationa augmenté de 250% (à titre de com-paraison, 1125% en chine) soit uneconsommation 10000 fois supérieure aurenouvellement du pétrole. Avec de telschiffres, l’épuisement des réserves pétro-lières aura lieu en 2060 alors que l’es-sentiel de la production sera le fait duMoyen Orient dès 2020. L’utilisation deces réserves fossiles n’est pas sans consé-quences sur notre environnement : avant

l’ère industrielle, la production de CO2

était compensée par son adsorption(photosynthèse entre autre). Depuis ledéveloppement de l’industrie, destransports… et la déforestation, il y a uneaccumulation du CO2 dans l’atmosphèrequi entraîne l’effet de serre (le CO2

empêche la chaleur de se dissiper) d’oùune élévation de la température à la sur-face du globe (0,6°C en un siècle). Dessolutions doivent donc être trouvées pourles produits de consommation et besoinsénergétiques (électricité, chauffage, car-burants…) et cela sans augmenter laproduction de CO2. L’idée est d’exami-ner les potentialités des énergies renou-velables : vent (éolien), soleil (panneauxsolaires), géothermie (chaleur terrestre)et de rechercher de nouvelles sources decarbone à partir de la biomasse doncdes agro ressources.

Des applications industrielles et énergétiquesLes agro ressources sont renouvelables :elles contiennent, en grande quantité,des molécules carbonées, le plus sou-vent non toxiques, biodégradables, poly-fonctionnelles qui permettent d’envisagerdes transformations nombreuses. Enoutre leur utilisation limite l’effet deserre : l’émission de CO2 au moment del’utilisation des produits (ex. biomasse)est égale au CO2 consommé lors de laphotosynthèse des réactifs ayant conduitaux dits produits. Il n’y a donc pas dedéstockage de CO2 comme cela est le casà partir du carbone fossile. A ce jour lesplantes (palme, coprah, olives, arachi-des, colza, tournesol, soja coton…),conduisent à des huiles végétales (80millions de t/an, 1,5 t/ha) : 80% sont des-tinés à l’alimentation humaine, 7% àl’alimentation animale et 13 % à des

Différents produits issus de la biomasse : huiles végétales, composés mineurs, sucres, polyols,… peuvent maintenantêtre utilisés comme matières premières (renouvelables) pour la chimie fine en mettant en œuvre des procédés decatalyse hétérogène développés au Laboratoire de Catalyse en Chimie Organique (LACCO, UMR 6503 CNRS-Universitéde Poitiers).

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applications industrielles. En outre, despolysaccharides sont également pro-duits (1,2 milliards de t/an, 5 t/ha) dont48% pour l’alimentation, 32% pour desapplications industrielles et 20% pourla fermentation industrielle (productiond’éthanol). Si ces productions ont desapplications industrielles majeures (lesadditifs alimentaires, les lubrifiants etdétergents, les cosmétiques et la phar-macie), des développements supplé-mentaires peuvent être attendus dans ledomaine des solvants, des emballages(carton, plastique) et des polymères. Pour des applications énergétiques, desbiocarburants ont obtenus par transfor-mation chimique : le colza, le tournesolconduisent aux EMHV (esters méthy-liques d’huile végétales – diester), labetterave ou le blé, à l’éthanol (utilisécomme carburant ou comme additif).Cependant l’utilisation énergétique desagro ressources ne peut représenterqu’une contribution au problème posé :en effet, si les véhicules présents sur laplanète en 2010 (estimation : 1 milliard)utilisaient des esters, cela nécessiteraitla mise en culture d’environ 20% des ter-res émergées de la planète, ce qui n’estabsolument pas envisageable. Les agro ressources peuvent donc répon-dre aux besoins non énergétiques etalimentaires mais ne permettront pasde faire face à la totalité des besoinsénergétiques.

Objectifs de la Chimie Fine (obtention demolécules à haute valeur ajoutée)Aujourd’hui la catalyse est une voie pri-vilégiée d’accès à une chimie fine pro-pre et performante. Sans être consommé,un catalyseur est un moyen d’accéderà de nouvelles structures, d’améliorer laproductivité des installations, de dimi-nuer les consommations de matièrespremières et d’énergie, de diminuer l’im-pact des procédés sur l’environnement,en minimisant les sous-produits ou entraitant les émissions et rejets divers. Dans le domaine de la chimie fine, quiinclut les réa ctions au départ de la bio-masse, les spécialistes du domaine pré-voient pour les prochaines années :

une attention particulière pour lesréactions économes en réactifs eten énergie qui aboutiraient à desprocédés totalement sélectifs sansformation de déchets, un développement plus important dela catalyse et de la biocatalyse, l’intégration significative de la cata-lyse chirale dans les procédés indus-triels pour l’obtention d’énantiomères.

Encore récemment, les catalyseurs (soli-des en particulier), résultats des connais-sances acquises dans le domaine de lapétrochimie, ne pouvaient pas être uti-lisés pour de telles réactions en raison deleur faible sélectivité. La prise en comptedu développement de la chimie fine, lerenouveau de la synthèse organique,

l’association de la chimie de coordina-tion, de la modélisation, de la chimiesupramoléculaire voire plus récemmentde la chimie combinatoire permettentmaintenant d’envisager la synthèse denouveaux catalyseurs bien plus perfor-mants et une sélectivité fortement accrue

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Le journal du CNRS en délégation Centre-Poitou-Charentes

Réacteur en pyrexpour expériencesde chimie fine.

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dans beaucoup de ces réactions com-plexes. Les progrès réalisés en biologieet en agriculture (sélection des planteset modification par génie génétique)laissent prévoir d’importants change-ments dans l’industrie chimique grâceà l’introduction de matières premièresissues du monde végétal. Il apparaîtpossible d’obtenir maintenant des molé-cules à haute valeur ajoutée à partir dematières premières telles que l’amidon,les sucres naturels, la cellulose ou encoreles huiles végétales. La valorisation deces agroressources serait une alternativeintéressante à la voie pétrochimique.L’épuisement inéluctable des réserves decarbone fossile et la prise en compte denombreux problèmes liés à la protec-tion de l’environnement ont conduit à unregain d’intérêt pour les matières pre-mières renouvelables d’autant qu’ellescontiennent déjà des “motifs” com-plexes fort importants dont la synthèsetotale reste encore coûteuse.Actuellement, moins de 10% de la pro-duction d’huiles végétales sont utilisésà des fins non alimentaires. Des étudesréalisées au laboratoire, à partir d’huilesvégétales extraites de nombreuses

plantes facilement cultivables (soja,colza, tournesol, palme, olive…), de pro-duits dits minoritaires résultant de leurextraction et de sucres, montrent l’intérêtd’associer catalyse, en particulier lacatalyse hétérogène, et chimie fine.L’utilisation de ces composés commeréactifs pour l’obtention sélective d’in-termédiaires de synthèse ou de produitsfinis (amines, amides, alcools, éthers,esters, …) nécessite la conception decatalyseurs, souvent multifonctionnelset de porosité contrôlée, permettantd’orienter la sélectivité de la réaction. Deplus, les catalyseurs doivent être sta-bles dans ces milieux polaires et en pré-sence de réactifs plutôt inhabituels encatalyse hétérogène.

Exemples d’études réalisées au laboratoirePréparation d’amines grasses substituées :Les amines aliphatiques appelées “ami-nes grasses” regroupent toutes les ami-nes où l’un des groupements fixés surl’atome d’azote possède une chaînehydrocarbonée de 8 à 22 atomes decarbone. Elles sont essentiellement uti-lisées comme intermédiaires dans la

préparation d’agents tensioactifs. Parmicelles-ci, les méthylalkylamines sontparticulièrement importantes et obte-nues en présence de catalyseurs à basede cuivre ou de nickel avec des rende-ments de l’ordre de 80%, quelle quesoit l’amine souhaitée.

Préparation d’alcools gras insaturés :L’hydrogénation sélective d’esters méthy-liques insaturés en alcools insaturés cor-respondant nécessite la maîtrise de lachimiosélectivité car les liaisons oléfi-niques sont thermodynamiquement plusfaciles à hydrogéner. Dans le cas desesters gras tel que l’oléate de méthyleil a été montré que la sélectivité enalcool insaturé était obtenue en pré-sence de catalyseurs Ru (Co)-Sn sup-portés (rendement 80%).

Réactivité d’esters gras en présence d’al-kanolamines : Cette réaction est parti-culièrement intéressante. Elle permetd’envisager la synthèse d’esteramines(qui peuvent être des substituants àcertains tensioactifs reconnus commenocifs pour l’environnement) ou d’amides

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> Chimie

Hors série > Microscoop / Numéro 14 – octobre 2005

Montages expérimentauxdans le hall sous pression.

Support de catalyse type “nidd’abeille” devant l’oeil

interrogateur du chercheur.

De la recherchefondamentale au produit

fini : SERENACTIV®

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fonctionnalisés (pour des applicationsdans les domaines pharmaceutique, cos-métique et alimentaire). La conceptionet la préparation de catalyseurs solidesappropriés permet d’orienter très sélec-tivement la réaction et d’obtenir le ou lesproduits désirés, voire des produits àpriori inattendus comme des oxazolines,qui entrent dans la composition d’uncosmétique récemment mis sur le marchépar un de nos partenaires industriels(EXPANSCIENCE) : SERENACTIV®.

Synthèse d’esters de phytostérols : Desétudes de plus en plus poussées sur la frac-tion insaponifiable d’une huile végétale ontmontré que les phytostérols possédaientdes propriétés hypocholestérolémianteset anti-inflammatoires. Il est donc inté-ressant de transformer ces substances(insolubles dans les graisses une foisextraites des huiles végétales) en com-posés susceptibles de pouvoir être uti-lisés comme actif ou excipient dans lesproduits cosmétiques, de forme galé-nique variable ainsi que dans les ali-ments fonctionnels ou complémentsalimentaires. Pour réaliser cette trans-formation, un procédé catalytique a étémis au point, permettant d’obtenir en uneseule étape un ester de stérol.

Estérification et éthérification sélectivedu glycérol : Le glycérol, coproduit résul-tant de l’hydrolyse ou de la méthanolysedes huiles, peut être source de compo-sés aux nombreuses applications dansles industries agroalimentaires, des cos-métiques, des détergents,…. La trans-formation sélective du glycérol parestérification, transestérification ou éthé-rification montre qu’il est possible de sub-stituer les catalyseurs classiques acidesou basiques par des catalyseurs solides.

Synthèse de sucroéthers et de sucroesters :L’essor de l’utilisation du saccharosecomme matière première pour la pré-paration de dérivés tensioactifs est limitéessentiellement par les problèmes de

sélectivité chimique de ses transforma-tions et de faible choix de solvants,conduisant à des coûts de purificationélevés. Des méthodes de synthèse plussélectives ont pu être mises au point,basées sur la conception et l’utilisationde nouveaux catalyseurs hétérogènes

qui privilégient la formation de dérivésfaiblement substitués, stables en milieubasique, dont les propriétés ont été évaluéesdans le domaine de la détergence

Contact : Gilles COURTOIS [email protected]

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Le journal du CNRS en délégation Centre-Poitou-Charentes

Réacteur en inox pourla réalisation, souspression, d’expériencesen chimie fine.

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> Chimie Pharmaceutique

Hors série > Microscoop / Numéro 14 – octobre 2005

Les enzymes sont les usines chimiquesdes êtres vivants. Ces molécules géan-tes composées de plusieurs milliersd’atomes ont pour fonction d’accélérer

et de faciliter les réactions chimiquesindispensables au fonctionnement de lavie. Une enzyme agit en “attirant” dansson site actif une ou plusieurs molécu-les afin de les faire réagir entre elles, deles modifier ou de les couper. Chaqueenzyme correspond à une réaction pré-cise et à des molécules données. La maladie de Gaucher est une maladiehéréditaire rare due au dysfonctionne-ment d’une enzyme, la ß-glucocérébro-sidase, chargée de couper la liaisonchimique reliant la partie glucose et lapartie lipidique d’un glycolipide. Cette

déficience entraîne l’accumulation patho-logique de ce glycolipide non hydrolysédans divers tissus (foie, rate, reins…) pro-voquant des complications sévères pou-vant entraîner dans certains cas la mortavant l’âge adulte. La stratégie thérapeutique la plus utili-sée contre la maladie de Gaucher consisteen l’injection par voie intraveineused’une enzyme de secours, la Cérédase®,afin de pallier le dysfonctionnement del’enzyme déficiente. Ce traitement,appelé “le médicament le plus cher dumonde” (150 000 Euros par an et par

““OOnn aa ttoouujjoouurrss bbeessooiinn dd’’uunn pplluuss ppeettiitt qquuee ssooii””ou comment combattre une maladie orpheline

Structure en 3 dimensionsde la ß-glucocérébrosidaseet de son site actif avec le

glycolipide (en vert).(Reprinted by permission

from EMBO reports,copyright 2003, MacMillan

Publisher Ltd.)

Mode d’action del’iminosucre comme

chaperon de l’enzymedéficiente chez un patient

atteint de la maladie deGaucher.

Des chimistes de l’Institut de Chimie Organique et Analytique (ICOA – UMR 6005 CNRS- Université d’Orléans)conçoivent et synthétisent des mimes de sucres naturels comme agents thérapeutiques potentiels contre une maladiegénétique orpheline, la maladie de Gaucher.

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patient), ne permet pas de soigner lesformes neurologiques de la maladie eta peu d’effets sur les patients atteintsau niveau des os et des poumons. Laseconde stratégie utilise un mime desucre, le Zavesca®, qui agit en bloquantla biosynthèse du glycolipide impliquédans la maladie de Gaucher.Malheureusement, ce traitement oralpossède de nombreux effets secondaires(perte de poids, douleurs abdominales)et n’est indiqué que dans le cas où laCérédase® ne peut être utilisée. De plus,les doses nécessaires sont relativementélevées (300 mg par jour).

Vers une nouvelle stratégie thérapeutiqueUne équipe de chimistes de l’ICOAcherche actuellement à mettre au pointune stratégie thérapeutique innovanteutilisant des petites molécules comme“chaperons chimiques” de l’enzymedéficiente. Les composés utilisés sontdes molécules mimant la structure dessucres appelés iminosucres dans les-quels l’atome d’oxygène endocycliquedes sucres naturels a été remplacé parun atome d’azote. Cette substitutionleur confère une très grande affinité

avec le site actif de la ß-glucocérébro-sidase. Chez les patients atteints de lamaladie de Gaucher, l’enzyme défi-ciente mal repliée est détruite à la finde sa fabrication par des mécanismesnaturels de contrôle qualité. La grandeaffinité de l’iminosucre pour le site actifde la ß-glucocérébrosidase va entraî-ner une modification et une stabilisa-tion de la structure tri-dimensionnellede l’enzyme. Celle-ci passe avec succèsles tests de contrôle qualité de l’orga-nisme sans être détruite et peut alors

transformer le glycolipide en glucoseet en lipide. Ce mécanisme de chape-ron chimique est tout à fait remarqua-ble compte tenu du fait que l’enzymeà une taille environ 200 fois supérieu-re à son “sauveur”, l’iminosucre, et quecelle-ci possède 150 fois plus d’atomes.A l’échelle moléculaire, tout se passecomme si Gulliver pouvait être secourupar un lilliputien ! Après un important travail de synthèse,nous avons pu mettre en évidence unemolécule extrêmement efficace qui faitactuellement l’objet d’un dépôt de bre-vet. En collaboration avec des biochi-mistes japonais (Hokuriku University,Kanazawa), des tests cellulaires réali-sés sur des cellules de patients atteintsde la maladie de Gaucher ont montré quel’utilisation de ce composé permettaitde doubler l’activité enzymatique rési-duelle de la ß-glucocérébrosidase. Lesdoses utilisées sont extrêmement faibles(concentration de l’ordre du micro-gramme par litre, soit un millionième degramme par litre !). De plus, contraire-ment à la plupart des iminosucres,comme le Zavesca®, le composé mis enévidence est très sélectif et ne bloquepas l’action d’autres enzymes de lamême famille. Il est donc possible d’en-visager un traitement oral qui diminue-rait l’accumulation du glycolipideimpliqué dans la maladie de Gaucher endoublant l’activité résiduelle de la ß-glucocérébrosidase. Cette thérapiepourrait présenter de nombreux avan-tages : absence d’effets secondaires et

doses d’utilisation très faibles. L’objectifest maintenant de continuer le dévelop-pement de cette molécule prometteuseafin de franchir avec succès les nom-breuses étapes qui mènent à la com-mercialisation d’un nouveau médicament. Ces recherches démontrent clairementqu’à l’échelle moléculaire aussi “on a tou-jours besoin d’un plus petit que soi” !

Contacts : Philippe COMPAIN [email protected] R. MARTIN [email protected])

>> Pour en savoir plus : http://www.univ-orleans.fr/icoa/

Représentation d’unemolécule de glucose etd’un iminosucre, leZavesca®

La vocation première de l’Institut de Chimie Organique et Analytique réside dans laconception, la synthèse, l’analyse et l’isolement de molécules bioactives. Une grandepartie des chercheurs de l’ICOA travaille à l’élaboration de nouvelles stratégies et métho-des dirigées vers la découverte de médicaments. Les cibles pharmacologiques sontdiverses : traitement de différentes affections cardio-vasculaires (hypertension, athé-rosclérose, thrombose), de maladies du système nerveux central (anxiété, dépression),des pathologies métaboliques (diabètes) et mise au point d’antitumoraux de structu-res chimiques variées. L’ICOA développe également des antiviraux (Sida, hépatite Cet B) et des glycomimétiques (mimes de sucre) à fort potentiel thérapeutique.

L’Institut de Chimie Organique et Analytique

©Laurent ROBIN - CNRS Photothèque

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Stopper la destruction des tissus sains lors des chimiothérapiesActuellement, le problème majeur de la chimiothérapie résidedans la faible sélectivité des médicaments antitumoraux vis-à-vis des tumeurs. En effet, il existe peu de différences physico-chimiques entre les cellules cancéreuses et les cellulessaines. Ainsi, la plupart des molécules utilisées cliniquementen chimiothérapie anticancéreuse détruisent une quantitéimportante de tissus sains ce qui engendre de sévères effetssecondaires (vomissements, perte des cheveux, toxicitécardiaque etc…). En outre, lorsqu’un organe essentiel à lasurvie du patient est atteint, le traitement devient inefficaceet doit être stoppé. La recherche de nouvelles molécules

anticancéreuses plus sélectives, capables de détruire rapi-dement les tumeurs sans affecter les organes sains, est deve-nue l’une des priorités en cancérologie.

Les peptides : anticancéreux prometteursDans ce contexte, l’utilisation de peptides comme substancesanticancéreuses est apparue comme une piste très promet-teuse. Les peptides sont des biopolymères constitués d’unenchaînement d’acides aminés et sont présents chez tous lesêtres vivants. Un bon nombre d’entre eux ont récemment mon-tré d’importantes activités biologiques in vitro. Cependant,ces peptides ne peuvent généralement pas être utilisés comme

Récemment, le Professeur Jean-Pierre Gesson, Président de l’Université de Poitiers et responsable de l’équipeSynthèse de biomolécules du laboratoire Synthèse et Réactivité des Substances Naturelles (UMR 6514CNRS/Université de Poitiers) et deux de ses collaborateurs, Isabelle Tranoy-Opalinski et Sébastien Papot, ont été leslauréats de la première bourse Franco-Ecossaise. Intitulée “Joint PhD”, cette bourse co-financée par la Royal Societyof Edinburgh et l’ambassade de France au Royaume Uni va permettre le financement de deux thèses dans le cadre d’unprojet commun avec le Professeur David Leigh de l’Université d’Edimbourg. Classé à la première place parmi les42 dossiers examinés par un jury composé d’experts français et écossais, le projet consiste à élaborer de nouveauxmédicaments “intelligents” pour les chimiothérapies du futur.

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> Chimie Pharmaceutique

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VVeerrss ddeess mmééddiiccaammeennttss ““iinntteelllliiggeennttss””pour vaincre le cancer…

De gauche à droite :Sébastien Papot,

Isabelle Tranoy-Opalinski,Jean-Pierre Gesson

et André Amblès (directeur du laboratoire).

Professeur David Leigh

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médicaments compte tenu de leur mauvaise biodisponibilité :ils se dégradent rapidement in vivo et, dans la plupart des cas,ne peuvent traverser les membranes cellulaires.

Un nano-objet organique “cheval de Troie”Afin de limiter ces problèmes, les Professeurs Gesson etLeigh proposent de combiner leurs expertises respectivespour créer un nano-objet organique qui pourra véhiculer unpeptide, de son administration dans l’organisme jusqu’à sacible au sein des cellules cancéreuses. Ce composé serainoffensif vis-à-vis des tissus sains et capable de déclencherune action antitumorale uniquement au niveau de la tumeur.Pour être efficace cette nouvelle molécule devra posséder uneautonomie suffisante pour assurer seule dans l’organisme larecherche, la détection et la destruction de la masse tumo-rale. Ainsi, pour répondre à cet objectif ce nano-objet orga-nique sera constitué de quatre unités distinctes, chacuneprogrammée pour jouer un rôle particulier. La première deces unités est le peptide actif responsable de l’activité anti-tumorale. La seconde unité, sorte “d’ange gardien” moléculaire,

assure l’innocuité et la stabilité du peptide anticancéreux lorsde son transport dans l’organisme. En outre, à l’image du che-val de Troie, elle permet également d’assister la pénétrationde la molécule active à travers la membrane des cellules can-céreuses. La troisième unité représente la “tête chercheuse”de la molécule permettant la détection de la tumeur. Ces troisparties s’articulent autour d’un “cerveau” central chargé dedéclencher l’activité antitumorale uniquement lorsque laproximité des cellules cancéreuses aura été détectée.

Ce concept représente un nouvel espoir dans la lutte contrele cancer et son succès devrait conduire à des chimiothérapiessélectives, plus efficaces et plus confortables

Contacts :Jean-Pierre GESSON [email protected] [email protected]ébastien [email protected]

Ange gardien

Cellule cancéreuse

PeptideCerveau

Tête chercheuse

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Mode d’action d’un nano-objet

1/ la tumeur est détectée, le nano-objet perd sa tête chercheuse

2/ pénétration dans la cellulecancéreuse

3/ le cerveau déclenche la libération du peptide et ainsi l’activité anti-tumorale

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Mais quelle est donc la cause de cettealtération ? Dès que la pierre est extraitede la carrière et soumise au milieuatmosphérique, elle subit plusieursactions qui entraînent des dégradationsqui peuvent aboutir à terme à sa des-

truction. Les agressions (d’origines phy-sique, chimique et biologique) subies parla pierre sont aussi diverses que com-plexes. Bien entendu, l’altération dépenddu type de pierre mais aussi de son envi-ronnement : selon le lieu, les conditions

climatiques et l’orientation, la pierrepeut être plus ou moins soumise auxintempéries et à la pollution.

Le tuffeau, pris comme modèle, est unepierre calcaire très utilisée dans la vallée

Monuments historiques, statues et autres constructions en pierres accusent le poids des années et apparaissentdégradées, voire parfois fortement endommagées. Ces ouvrages sont des parties intégrantes de notre patrimoine etsont donc des œuvres d’art irremplaçables qu’il convient de protéger, entretenir et réparer. De plus, ils sont au cœurd’un colossal enjeu économique : le tourisme. C’est pour cela que de nombreux architectes, restaurateurs etscientifiques mettent en commun leurs efforts pour tenter de préserver ce patrimoine. L’équipe de recherche“Systèmes Minéraux : Texture et Réactivité” de l’Institut des Sciences de la Terre d’Orléans (ISTO, UMR 6113 CNRS-Université d’Orléans) a parmi ses objectifs de comprendre les mécanismes d’altération des pierres afin d’identifier desmoyens pour l’éviter ou du moins la ralentir, mais aussi trouver des solutions techniques de restauration durable

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> Environnement

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LLee rraayyoonnnneemmeenntt ssyynncchhrroottrroonnau secours des pierres des monuments

La cathédraled’Orléans

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de la Loire en aval d’Orléans. Les travaux,commencés par Michel Rautureau etson équipe au Centre de Recherche surla Matière Divisée (CRMD, UMR 6619CNRS-Université d’Orléans) se pour-suivent aujourd’hui à l’ISTO par la carac-térisation des pierres, suivie dans unsecond temps par l’étude des propriétésde transfert d’eau. La caractérisationest à la fois minéralogique, chimique etphysique et le travail en équipe entre géo-logues et physiciens est un atout très pré-cieux. L’étude d’un milieu poreux ne secantonne cependant pas à l’analyse dela matière qui le constitue, mais égale-ment à la détermination du réseau poreuxresponsable des propriétés de transfert.Toutefois, les propriétés de transfertss’effectuant dans tout l’espace, il convientabsolument caractériser le réseau poreuxen trois dimensions en ayant recours àla tomographie X. Cette approche néces-site, pour les objets étudiés, l’utilisa-tion du rayonnement synchrotron. Ontainsi pu être imagés en 3D un tuffeau

sain extrait d’une carrière, mais aussi lasurface d’une pierre altérée. Toutefois,la simple visualisation des objets recons-truits n’est pas suffisante pour quanti-fier le réseau poreux. Ainsi, sur de tellesimages, le calcul des différentes gran-deurs (porosité, surface spécifique, nom-bre d’Euler-Poincaré, distributions decordes, fonctions d’autocorrélation demasse et de surface …) permet unecaractérisation fine de la pierre. Cesgrandeurs sont représentatives d’un étatet peuvent être comparées avec cellesd’autres pierres. Cependant pour arriverà cette étape d’analyse quantitative del’image, il faut au préalable pouvoir sépa-rer la phase poreuse de la phase solideet réaliser une telle opération sur uneimage tridimensionnelle aussi complexen’est pas une chose aisée. Grâce à unfinancement de la Région Centre dansle cadre du projet SOLEIL, le laboratoireaccueille depuis avril 2005 une post-doctorante, spécialiste en traitement del’image pour cette réalisation.

La seconde étape du travail de l’équipeconcerne l’étude à proprement parlerdes transferts de fluides (eau liquide etgazeuse). Des expériences de labora-toire relativement simples permettentde caractériser macroscopiquement cespropriétés. La difficulté intervient lorsquel’on essaye de relier les caractéristiquesmicroscopiques déterminées lors de lapremière étape avec ces propriétés macro-scopiques. Un moyen de le faire est desimuler numériquement le transfert defluide à partir des reconstructions tomo-graphiques et ainsi passer d’une échellemicroscopique à une échelle macro-scopique (ce que l’on appelle l’homo-généisation). Cette dernière étape desimulation commence et devra intégrer,à terme, les principaux processus chi-miques constatés expérimentalementau sein des pierres

Contact : Olivier [email protected]

Un synchrotron est un anneau de plusieurs centaines de mètresde circonférence dans lequel des électrons sont accélérés jus-qu’à une vitesse proche de celle de la lumière. Les électrons émet-tent alors un rayonnement électromagnétique très puissant quicouvre une très large gamme spectrale : micro-ondes, infra-rouge, visible, ultra violet, et rayons X. Ces rayonnements d’unetrès grande intensité permettent de réaliser des expériencesqui mettraient énormément de temps ou tout simplement quiseraient infaisables en laboratoire.Le principe de la tomographie X est assez proche de la radio-graphie osseuse pratiquée en médecine. Une source de rayon

X éclaire un objet (un patient en médecine) et l’image de la pro-jection est récupérée sur un plaque photographique. En tomo-graphie X, cette opération est réalisée, mais à chaque prisephotographique l’objet est légèrement tourné sur lui-même. Enfaisant tourner l’objet de 180° au total, on obtient ainsi desséries de projections de l’objet étudié. Leur traitement mathé-matique et informatique permet de reconstruire en trois dimen-sions l’objet de départ. En d’autres termes, l’objet est numériséen 3D. L’inconvénient de cette technique est la taille des don-nées obtenues : plusieurs Go pour la plus grande résolutionactuellement disponible (0.25 µm).

Visualisationtridimensionnelle d’unéchantillon de tuffeau. Les niveaux de grispermettent de distinguer les différentsconstituants : gris clair : calcite ; gris foncé : silice ; noir : porosité. (Photo ESRF, Rozenbaum,Djaoui)

Différents typesd’altérations que l’onrencontre sur des pierrescalcaires, chacuncorrespondant àun mécanismed’altération différent

Rayonnement synchrotron et tomographie X

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> Environnement

Hors série > Microscoop / Numéro 14 – octobre 2005

Tube néon (rouge)et enseignes lumineuses

à base de mercure.

A la chasse au mercureEn effet tout le problème vient du mer-cure, composé toxique pour l’hommepar contact direct ou par la pollution del’eau et ses conséquences désastreusessur les chaînes alimentaires. En termede quantité annuelle, il s’agit d’éviter lerecyclage d’environ une tonne de mer-cure et de 250 tonnes de poudres fluo-rescentes empoisonnées par le mercureen fin de vie des lampes. L’objectif desrecherches consiste à proposer des sys-tèmes avec des performances les plusproches de celles obtenues avec le mer-cure mais respectueuses de l’environ-nement.

Dispositifs d’éclairage ou de signalisation fluorescentLes tubes lumineux et les enseignespublicitaires, souvent désignés néons,sont des systèmes d’éclairage fluorescent.La lumière blanche ou les différentes cou-leurs sont produites par l’excitation d’unepoudre fluorescente appelée phosphore.En fonction de la nature du phosphore,la lumière est émise sur l’ensemble ouune partie du spectre visible entre 400et 800 nm. L’absorption d’énergie parle phosphore se produit pour sa partdans le domaine ultraviolet, domainecompris entre 100 et 400 nm. Le rayon-nement ultraviolet est issu d’une décharge

électrique dans un milieu gazeux à fai-ble pression, quelques mbar, constituéd’un mélange de néon, d’argon et demercure. Le mélange de gaz rares per-met l’établissement d’une décharge élec-trique homogène, c’est à dire un plasma,dans des longueurs de tubes importan-tes, tandis que le mercure joue le rôleprimordial d’émetteur de rayonnementultraviolet, principalement à la longueurd’onde de 254 nm. Le terme “néon”lié à la découverte du principe de fonc-tionnement de tubes luminescents parl’ingénieur Claude au siècle dernier pour-rait être plus justement remplacé parcelui de tube fluorescent au mercure,

Les systèmes d’éclairage appelés“néons” fonctionnent très bien,longtemps et offrent desperformances uniques à bien deségards. Pourtant le Groupe deRecherche sur l’Energétique desMilieux Ionisés (GREMI - UMR 6606CNRS -Université d’Orléans) encollaboration avec la société AUPEMSEFLI, à l’instar des nombreuxlaboratoires et grands groupes del’éclairage (Philips, OSRAM, GeneralElectrics…), travaille à trouver unealternative à ces tubes quicontiennent du mercure.

NNoouuvveeaauuxx ddiissppoossiittiiffssdd’’ééccllaaiirraaggee fflluuoorreesscceenntt ::le xénon sera-t-il à la hauteur du mercure ?

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pour désigner les dispositifs actuels. Eneffet, à l’exception des enseignes decouleur rouge, seules les décharges élec-triques à base de mercure offrent une effi-cacité énergétique remarquable, unedurée de vie considérable (jusqu’à 20000heures) et permettent d’obtenir unepalette de couleur couvrant l’ensembledu domaine visible. Le dernier déve-loppement des tubes à base de mercureen plein essor ces dernières années estconnu sous l’appellation de lampes fluo-compactes ou à économie d’énergie.

Travaux du GREMILes expériences sont menées dans desmélanges de gaz rares (Ar, He, Ne, Kr etXe) où l’on cherche à produire le maxi-mum de rayonnement à très courte lon-gueurs d’onde. Le dispositif expérimentalpermet le remplissage de tubes à despressions globales et partielles contrô-lées. Les plasmas de décharge sont ali-mentés soit à l’aide de ballastsélectroniques dédiés aux enseignes lumi-neuses mercurées soit par un générateurdéveloppé au laboratoire délivrant desimpulsions électriques rapides à hautefréquence, domaine kHz. Trois types demesures sont réalisés :

le spectre résolu en temps de ladécharge électrique et des phospho-res du VUV (110 nm) au proche infra-rouge (900 nm),la luminance exprimée en Lux et lescoordonnées chromatiques (couleurperçue par l’oeil humain),le courant et la tension appliqués auxélectrodes.

Les meilleures performances sont obte-nues dans des mélanges Ne/Xe. Le xénon

émet entre autre une raie à 147 nm quijoue le rôle de celle du mercure à 254 nmdans l’excitation des phosphores. Il arécemment été vérifié que l’emploi d’im-pulsions électriques permet d’augmen-ter jusqu’à 400 % l’efficacité énergétiquedes tubes à base de gaz rares par rapportaux systèmes d’alimentation classiques.Une thèse cofinancée par la RégionCentre et l’ADEME va débuter au GREMIpour améliorer encore les performancesdes décharges sans mercure. Les influen-ces propres et croisées de la largeur etdu taux de répétition des impulsions,du mélange de gaz rares, des pressionsglobale et partielles, etc… sur les trans-

ferts énergétiques (cinétique réactionnelleau sein des plasmas), les propriétésphotométriques et le rendement élec-trique seront l’objet essentiel de ces tra-vaux financés par la société AUPEMSEFLI.

Contact : Eric [email protected]

Dispositif expérimentalde production etcaractérisationd’enseignes lumineusesà base de gaz raresau GREMI

Une enseigne sansmercure

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Clipperton est un site de reproduction d’oi-seaux marins d’importance mondialepuisqu’elle héberge la plus importantecolonie au monde de fous masqués (plusde 100 000 individus) en plus d’autresespèces très abondantes comme le foubrun. La présence d’une grande com-munauté d’oiseaux marins, ainsi qued’une importante pêcherie aux thonsdans les environs de l’île, laissait supposerl’existence d’une forte concentration deprédateurs supérieurs (thons, requins,et autres poissons du large) dans cesecteur très mal connu du Pacifique.

Dans ce contexte, la mission ornitholo-gique menée à Clipperton avait plusieursobjectifs :

faire l’inventaire des espèces d’oiseauxet estimer la taille des différentespopulations présentes sur l’île. réaliser une étude sur les relationsentre les oiseaux marins et le milieumarin : en particulier la place desoiseaux dans le réseau trophique del’écosystème marin du Pacifique équa-torial Est. Pour ces raisons nous vou-lions suivre le comportement et lesdéplacements en mer des espèces les

plus importantes, en particulier le foumasqué (par télémétrie), et étudierleurs régimes alimentaires. établir une liste des menaces potentiellespour l’avifaune en particulier dans cetterégion, zone de pêche majeure pour lethon albacore. Ces recherches avaientaussi un objectif appliqué, celui d’es-timer l’impact d’une telle pêcherie surles populations d’oiseaux.

L’inventaire ornithologique de l’îleL’inventaire ornithologique de l’île n’a pudébuter qu’après la réalisation d’une

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> Environnement

Hors série > Microscoop / Numéro 14 – octobre 2005

LLeess ooiisseeaauuxx ddee CClliippppeerrttoonnstatut, études et menacesDe mi décembre 2004 à mars 2005 le Médecin-Explorateur Jean-Louis Etienne a organiséune expédition sur l’île de Clipperton. Il avait fixé comme objectif à l’expédition d’habiterl’île pendant plusieurs mois afin de réaliser un inventaire exhaustif de la faune et de laflore de l’atoll et des eaux environnantes en collaboration notamment avec, pour la partieornithologique, l’équipe “oiseaux et mammifères marins” (dirigée par Henri Weimerskirch)du Centre d’Etudes Biologique de Chizé, unité propre du CNRS mais également delaboratoires du Muséum National d’Histoire Naturelle, de l’IRD, et de l’INRA.

De gauche à droite :atoll de Clipperton,

Sternes fuligineuses,Fou masqué marqué et son

poussin approchés pour unepesée,

Capture de sternesfuligineuses à l’épuisette.

©C.Fesser ©Henri Weimerskirch - CNRS

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cartographie de l’île par GPS. Aucunecarte géoréférencée n’était disponiblejusqu’alors. Trente six espèces ont étéidentifiées, dont 12 nicheuses, essen-tiellement des oiseaux marins ainsi quedeux espèces terrestres, la foulque et lapoule d’eau dont la survie n’est possibleque grâce à la présence d’eau douce dansle lagon fermé. Le très grand nombre devisiteurs rencontrés (24 espèces) en unepériode aussi courte est remarquable. Ils’agit essentiellement d’espèces d’ori-gine nord américaine, vraisemblable-ment des individus ou groupes d’individus

égarés lors de migrations ou de dépla-cement le long des côtes d’Amériquecentrale. Ce grand nombre de visiteursdémontre à quel point une île aussi iso-lée est potentiellement visitée, et que lespossibilités de colonisation (par les espè-ces d’Amérique du nord principalement)sont très importantes. En janvier plusieurs jours ont été consa-crés à dénombrer la population de fousmasqués et de fous bruns de l’île, en réali-sant un comptage direct double (deuxobservateurs) et en utilisant des GPSpour cartographier les colonies et éviterdes doubles comptages dans les sec-teurs denses. A cette même période, enpleine reproduction, un minimum de19.686 (18.391-21.461) couples repro-ducteurs (incluant couveurs, poussinsgardés et seuls) ont été recensés, soit unepopulation totale de 120.000 indivi-dus. Ce chiffre confirme que la popula-tion est toujours en phase de croissanceexponentielle, reconstituant ses effectifsà partir de quelques centaines d’indivi-dus en 1958 au moment de l’éradica-tion des cochons qui avaient déciméles oiseaux sur l’île.

L’écologie alimentaire des oiseaux marinsLe programme de recherche s’est foca-lisé sur l’écologie alimentaire des oiseauxmarins, en particulier sur les fous mas-qués. Toutes les études ont été réaliséesà terre à partir des colonies de repro-duction. Le comportement de pêchedes oiseaux a été étudié par trois appa-reils électroniques différents :

des GPS miniaturisés pour suivre trèsprécisément les déplacements enmer (à quelques mètres près, pourune localisation toutes les secondes),des balises Argos pour des suivismoins précis mais sur des périodesplus longues.des profondimètres – accéléromètrespour la mesure des profondeurs deplongée ainsi que le comportement desoiseaux (temps passé en vol battu ouen vol plané, posé sur l’eau, accélé-ration horizontale et verticale.

Les suivis GPS ont montré que les fousmasqués pouvaient aller jusqu’à plus de200 km de Clipperton pour se nourrir.Reconstitué à partir de GPS et d’accé-léromètres, le voyage est divisé en troisphases :

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Le journal du CNRS en délégation Centre-Poitou-Charentes

©Henri Weimerskirch - CNRS ©Henri Weimerskirch - CNRS

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une phase aller, assez directe dès ledépart, durant laquelle l’oiseau voleà une vitesse régulière de 40-60 km/h,sans se poser, une phase de pêche intensive durantlaquelle l’oiseau alterne des posés etdes périodes de vol et de plongée : latrajectoire de l’oiseau est beaucoupplus sinueuse.une phase de retour durant laquellel’oiseau revient rapidement en lignedroite vers la colonie.

Pendant la phase de pêche les oiseauxont un comportement très actif, avec

des plongées régulières, mais ne dépas-sant pas 6 mètres de profondeur, aussibien chez les mâles que les femelles. Lesfous se nourrissent essentiellement depoissons volants appartenant à plusieursfamilles, ainsi que de calmars de lafamille des Ommastrephidae, de dora-des coryphènes et de petits thons. Lessecteurs où les fous ont un comportementde plongée actif et des posés successifsnous indiquent où les oiseaux se nour-rissent. Ces secteurs d’alimentation nesont pas précisément localisés, maisdisséminés tout autour de Clipperton.Dans le secteur de l’île, les oiseauxmarins comme les fous s’alimententessentiellement en association étroiteavec les dauphins et les thons qui fontremonter à la surface les proies quideviennent accessibles aux oiseauxmarins aux capacités de plongée réduite(fous) ou inexistantes (sternes, fréga-tes). La localisation des bancs de thonspourrait être une de ces clés : attirés parles rassemblements de leurs congénè-res pêchant autour des thons, les oiseauxse dirigeraient ainsi vers des directionsassez similaires au cours d’une mêmejournée.

La sur-exploitation des ressources marinesmenace l’écosystèmeLa présence au large de l’île de nomb-reux senneurs mexicains nous a rappeléquotidiennement que les eaux autourde Clipperton, et plus largement le sec-teur est de Pacifique équatorial faisaitl’objet d’une exploitation massive deses ressources marines. En plus durisque de surexploitation des stocks etde leurs effets en cascade sur l’écosys-tème dont dépendent les oiseaux marins,la diminution des populations de thons,et de dauphins qui ont subi des morta-lités énormes dans la pêcherie (jusqu’à150000 dauphins tués par an) risque d’a-voir des répercussions importantes pourles oiseaux. En effet ces prédateurs desub-surface jouent un rôle facilitateuressentiel pour les oiseaux en faisantremonter les proies à la surface : si lesthons disparaissent, les oiseaux ne pour-ront plus se nourrir.

La mission ornithologique sur Clippertona été un succès complet. Outre l’inven-taire ornithologique, une étude très com-plète de l’écologie en mer des fous dansun secteur très peu connu a pu être

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> Environnement

Hors série > Microscoop / Numéro 14 – octobre 2005

Un poussin Fou masquéde deux mois avale

un poisson volant apportépar la femelle.

Fou masqué etson poussin.

©Henri Weimerskirch - CNRS

©Henri Weimerskirch - CNRS

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réalisée et les résultats analysés au coursdes prochains mois, feront l’objet deplusieurs publications scientifiques dansdes revues internationales. Ces résul-tats permettront également de préciserle rôle des oiseaux dans le réseau tro-phique de l’océan pacifique équatorialet également l’impact potentiel despêcheries sur l’écosystème. Espéronsque dans l’avenir la protection de cetteîle et des eaux environnantes pourra êtremise en place : l’éradication des rats

introduits récemment, la limitation del’accès de l’île, une meilleure protectiondes eaux poissonneuses contre le pillageactuel. Ces souhaits risquent malheu-reusement de rester des vœux pieux, carClipperton reste un site malheureuse-ment trop isolé de la métropole françaisepour pouvoir atteindre ces objectifs, etmettre en place à l’heure actuelle desmesures effectives. Jusqu’à une époquerécente, son isolement a été sa meilleureprotection, mais aujourd’hui les progrès

technologiques et la demande croissantedes sociétés modernes en poissons risquede mettre en péril ce site exceptionnel etson environnement marin

Contacts : Henri [email protected]

Charly [email protected] - CNRS 97360 Beauvoir-sur-Niort (Deux-Sèvres)

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Le journal du CNRS en délégation Centre-Poitou-Charentes

Clipperton est une possession française située dansl’est du Pacifique équatorial à 1280 km des côtesmexicaines, terres les plus proches. L’île s’étend sur4 km de longueur. C’est un atoll dont le lagon a laparticularité d’être fermé, c’est à dire qu’il ne reçoitpas d’apports marins mis à part lors des cyclonesfréquents dans la région. Très isolé et inhabitéel’île est d’accès difficile en bateau en raison d’unehoule permanente et de l’absence d’abris et depasse pour les accostages. A terre, mis à part lesquelques bosquets de cocotiers mis en place au débutdu vingtième siècle par des exploitants de phospha-tes, l’aspect de l’île est austère, constitué d’unaffleurement corallien sans végétation. Elle est parcontre littéralement couverte de colonie d’oiseaux

marins. L’accès à l’île s’est fait à partir d’Acapulcoau Mexique avec trois jours de navigation à bord duRara Avis, un des voiliers de l’association du PèreJaouen. Malgré l’isolement de l’île et les difficultésd’accès, la mission à terre s’est déroulée dans desconditions idéales, tant du point de vue scienti-fique que du point de vue de l’expérience humaine.Elle disposait de moyens logistiques importants (unlaboratoire avec électricité en permanence, d’un accèsinternet, le transport à bon port des cantines dematériel, une restauration digne d’un grand restau-rant). Ces conditions optimales ont permis d’at-teindre les objectifs fixés au départ, dans une trèsbonne ambiance et un esprit d’équipe exemplaire.

Laboratoire installésous la tente.

Frégatedu Pacifique(femelle)

Clipperton

©Henri Weimerskirch - CNRS

©Henri Weimerskirch - CNRS

©Henri Weimerskirch - CNRS

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Les instruments à bord de DEMETERLa charge utile scientifique de DEMETERcomprend de nombreux instruments :

un ensemble triaxial de capteursmagnétiques IMSC (Search Coil),un système de 4 capteurs électriques(ICE) et un analyseur plasma (IAP)sous la responsabilité du CETP,un ensemble de 2 sondes de Langmuir(ISL), fourni par le laboratoireSSD/ESTECun détecteur de particules (IDP) fournipar le CESR

associés à un boîtier d’électronique(BANT, Boîtier Analogique et Numériquede Traitement).D’autres éléments sont fournis par le LPCE,également responsable de l’intégrationde l’ensemble. Un co-investigateur decette expérience se trouve au LESIA.Pour stocker et transmettre les donnéesrecueillies à bord, DEMETER disposed’une mémoire de grande capacité

(8 Gbits) et d’une télémesure haut débit(16.8 Mbits/s) dédiées à la CU scienti-fique, qui font partie de la charge utiletechnologique.

Le LPCE, Centre de Mission Scientifique(CMS)Le début de l’année 2004 a été consa-cré aux tests finaux avec le satellite ainsiqu’aux tests concernant le Centre deMission Scientifique, chargé du traite-ment des données, installé au LPCE.Les expérimentateurs des autres labo-ratoires français (CETP, CESR, LESIA)ont accès à leurs données par l’inter-médiaire d’un serveur web du CMS. Parailleurs l’IPGP et l’OPGC (Observatoirede Physique du Globe de Clermont-Ferrand) participent activement à la mis-sion DEMETER en fournissantrégulièrement des informations sur :

les séismes (les positions des séismessont corrélées avec l’orbite de DEME-

TER et les résultats sont mis dans labase de données du CMS),les mesures effectuées au sol dansdes régions sismiques (pour pouvoirles comparer avec les donnéesrecueillies par DEMETER au dessusde la même région),l’état de l’ionosphère au dessus decertaines régions sismiques comme laCalifornie ou le Japon (des cartes deContenu Electronique Total sont pro-duites avec une grande résolutiontemporelle et spatiale).

Ces informations sont d’une très grandeutilité pour la compréhension des méca-nismes de génération des phénomènesobservés dans l’ionosphère.

Les opérationsTout de suite après le lancement, lesbras supportant les capteurs ont étédéployés et la charge utile scientifiquea ensuite été mise progressivement sous

A l’origine du projet DEMETER, le Laboratoire dePhysique et Chimie de l’Environnement (LPCE – UMR 6115CNRS/Université d’Orléans), recueille depuis lelancement le 29 juin 2004, les informations transmisespar ce micro-satellite de 130 kg (masse totale dusatellite, incluant charges utiles scientifique ettechnologique) conçu pour la détection et lacaractérisation des signaux électromagnétiquesassociés à des phénomènes naturels (tels que lestremblements de Terre, éruptions volcaniques, tsunamis)ou à l’activité anthropique. DEMETER, placé sur uneorbite polaire, héliosynchrone, circulaire à 710 kmd’altitude, est équipé de capteurs destinés à la mesuredes 6 composantes du champ électromagnétique dansune large gamme de fréquence et de capteurs pourl’analyse du milieu ionisé.

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> Environnement

LLee ssaatteelllliittee DDEEMMEETTEERRun an en orbite

DEMETER etles instruments construits

par les laboratoires.Vue d’artiste

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tension, expérience par expérience. Laphase de recette en vol s’est terminée pardes essais de compatibilité entre les sys-tèmes du satellite et les expériences etentre les expériences elles-mêmes. La récupération des données se fait parl’intermédiaire de la station de téléme-sure situé au CNES à Toulouse. Tous lesprocessus de cheminement des don-nées entre le satellite et les machines duCMS à Orléans sont automatiques.Malheureusement il n’y a pas de sur-veillance la nuit et pendant les week-endsà la station de réception ce qui entraînedes pertes de fichiers. Le pourcentagedes données récupérées au CMS parrapport aux possibilités nominales estde 74%.

Le fonctionnement du CMSLe CMS reçoit les données de DEMETERet les met à la disposition des expéri-mentateurs et des investigateurs invitésassociés à la mission. Plusieurs niveauxd’accès aux données sont disponibles :

le quick-look qui présente une synthèsedes résultats de toutes les expérien-ces par demi-orbite,les données de niveau 0 (donnéesbrutes)les données de niveau 1 (donnéescalibrées en grandeur physique)les données de niveau 2 qui offrent auxscientifiques la possibilité de tracersimultanément des résultats de plu-sieurs expériences à la carte par l’in-termédiaire du serveur web.

Le CMS met aussi à la disposition desutilisateurs de nombreux autres fichierscomme l’orbitographie du satellite ainsique des outils pour traiter ces fichiers.Pendant la durée de la mission, le CMSgénère les plans contenant les télécom-mandes pour la charge utile scientifique.

Les résultatsLes données ionosphériques acquisespar DEMETER depuis le début de lamission sont d’une grande qualité etdes événements importants ont déjà étéenregistrés sur les principaux aspectsdes objectifs scientifiques de DEMETER :

la surveillance de l’environnementélectromagnétique de la Terre,les émissions liées à l’activité humaine,

Il est beaucoup trop tôt pour faire l’analysestatistique de ces nombreux événementspour déterminer les principales carac-téristiques des effets seismo-électro-magnétiques dans l’ionosphère, maisune étude de cas permet de déterminerles paramètres les plus sensibles qu’ilfaudra particulièrement traiter dans cetteanalyse statistique

Contacts :Michel [email protected] [email protected]

DEMETER (Detection of Electro-Magnetic Emissions Transmittedfrom Earthquake Regions) est le premier des micro-satellitesdéveloppés par le CNES (Centre National d’Etudes Spatiales) surun projet proposé par le Laboratoire de Physique et Chimie del’Environnement à Orléans. D’autres laboratoires scientifiques yparticipent : le CETP (Centre d’Etudes des EnvironnementsTerrestre et Planétaires, Saint Maur des Fossés, France), le CESR(Centre d’Etude Spatiale des Rayonnements, Toulouse, France),

le SSD de l’ESA (Département Science Spatiale de l’AgenceSpatiale Européenne) à L’ESTEC (Centre Européen de Rechercheet Technologie Spatiale, Noordwijk, Pays-Bas), l’IPGP (Institutde Physique du Globe de Paris, France), l’OPGC (Observatoirede Physique du Globe de Clermont-Ferrand), la Station deRadioastronomie de Nançay (France) et le CBK (Institut derecherche spatiale, Varsovie, Pologne).

DEMETER (Detection of Electro-Magnetic Emissions Transmitted from Earthquake Regions)

Ondes électromagnétiques recueillies par DEMETER le 10 Novembre 2004lors du plus important orage magnétique solaire de l’année. Panneau du haut : spectrogramme du champ électrique.Panneau du bas : spectrogramme du champ magnétique dans la gamme EBF. Les données correspondent à une demi-orbite complète. De chaque coté, à hautes latitudes : des émissions intenses de type“souffle”. Tout le long de l’orbite les émissions de type “souffle” sontlimitées par une fréquence de coupure qui correspond à la gyrofréquence des protons. Au milieu, centrées sur l’équateur magnétique : émissions quasi-périodiques en forme d’entonnoir.

Spectrogramme d’une antenne électrique enregistré par DEMETER le 23Juillet 2004 pendant la période de recette en vol. Ces raies horizontales,appelées MLR (Magnetospheric Line Radiation), sont limitées par lafréquence de coupure des ondes naturelles (à la gyrofréquence des protons).Elles subissent une intensification importante au niveau de l’équateurmagnétique, région privilégiée pour les interactions ondes – particules.Ces MLR pourraient être générées par les radiations émises par les lignesélectriques.

Le journal du CNRS en délégation Centre-Poitou-Charentes

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