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CAS CLINIQUE/CASE REPORT Mucormycose cutanée primaire : à propos d’un cas chez une femme enceinte Primary cutaneous mucormycosis: About a case occurring in a pregnant woman H. Chahdi a , M. Oukabli a, * , A. Damiri a , J. Elbenay b , O. Qamouss a , M. Ghfir b , A. Albouzidi a , O. Sedrati b a Service d’anatomie pathologique, ho ˆ pital militaire d’instruction Mohamed V, Hay Riad, BP 10000, Rabat, Maroc b Service de dermatologie, ho ˆ pital militaire d’instruction Mohamed V, Hay Riad, BP 10000, Rabat, Maroc Rec¸u le 14 mai 2009 ; accepte´ le 25 septembre 2009 Disponible sur Internet le 18 novembre 2009 MOTS CLÉS Mucormycose ; Forme cutanée ; Zygomycètes Résumé La mucormycose est une infection fongique rare, rapidement progressive et de diagnostic souvent difficile et tardif. C’est une infection opportuniste, due à des champignons du groupe des mucorales présents dans l’environnement. Il existe différentes formes cliniques de la maladie ; elle survient en général sur un terrain prédisposé déficient. Le diagnostic repose sur l’examen mycologique et anatomopathologique. L’approche thérapeutique doit être multi- disciplinaire et de la précocité du traitement dépend le pronostic vital et fonctionnel. Nous en rapportons un cas chez une patiente enceinte âgée de 36 ans. # 2009 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. KEYWORDS Mucormycosis; Cutaneous form; Zygomycetes Summary Mucormycosis is a rare fungal infection which is usually hard and late to diagnose. It is an opportunist infection due to a fungus of the group of the mucorales present in the environment. There are various clinical forms of the disease which generally occurs on a defective predisposed ground. Diagnosis is based on a mycologic and anatomopathologic examination. The therapeutic approach must be multidisciplinary; the vital and functional forecast depends on the precocity of treatment. We report a case of mucormycosis in a 36-year-old pregnant woman. # 2009 Elsevier Masson SAS. All rights reserved. Introduction La mucormycose est une infection fongique rare, oppor- tuniste, dont le diagnostic est souvent tardif avec, de ce fait, une morbidité élevée et un taux de mortalité avoi- sinant les 50 %. Elle touche essentiellement le diabétique mal équilibré, notamment en acidocétose, le sujet immu- nodéprimé et le sujet après traumatisme [9,10]. Les agents responsables sont des champignons appartenant à la classe des zygomycètes du groupe des mucorales. Cette affection est de diagnostic difficile, il repose sur l’examen anatomopathologique et mycologique. Non ou Journal de Mycologie Médicale (2009) 19, 294296 * Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (M. Oukabli). 1156-5233/$ see front matter # 2009 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. doi:10.1016/j.mycmed.2009.09.006

Mucormycose cutanée primaire : à propos d’un cas chez une femme enceinte

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CAS CLINIQUE/CASE REPORT

Mucormycose cutanée primaire : à propos d’un caschez une femme enceintePrimary cutaneous mucormycosis: About a case occurring in a pregnant woman

H. Chahdi a, M. Oukabli a,*, A. Damiri a, J. Elbenay b, O. Qamouss a, M. Ghfir b,A. Albouzidi a, O. Sedrati b

a Service d’anatomie pathologique, hopital militaire d’instruction Mohamed V, Hay Riad, BP 10000, Rabat, Marocb Service de dermatologie, hopital militaire d’instruction Mohamed V, Hay Riad, BP 10000, Rabat, Maroc

Recu le 14 mai 2009 ; accepte le 25 septembre 2009Disponible sur Internet le 18 novembre 2009

MOTS CLÉSMucormycose ;Forme cutanée ;Zygomycètes

Résumé La mucormycose est une infection fongique rare, rapidement progressive et dediagnostic souvent difficile et tardif. C’est une infection opportuniste, due à des champignons dugroupe des mucorales présents dans l’environnement. Il existe différentes formes cliniques de lamaladie ; elle survient en général sur un terrain prédisposé déficient. Le diagnostic repose surl’examen mycologique et anatomopathologique. L’approche thérapeutique doit être multi-disciplinaire et de la précocité du traitement dépend le pronostic vital et fonctionnel. Nous enrapportons un cas chez une patiente enceinte âgée de 36 ans.# 2009 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

KEYWORDSMucormycosis;Cutaneous form;Zygomycetes

Summary Mucormycosis is a rare fungal infection which is usually hard and late to diagnose. It isan opportunist infection due to a fungus of the group of the mucorales present in the environment.There are various clinical forms of the disease which generally occurs on a defective predisposedground. Diagnosis is based on a mycologic and anatomopathologic examination. The therapeuticapproach must be multidisciplinary; the vital and functional forecast depends on the precocity oftreatment. We report a case of mucormycosis in a 36-year-old pregnant woman.# 2009 Elsevier Masson SAS. All rights reserved.

Journal de Mycologie Médicale (2009) 19, 294—296

Introduction

La mucormycose est une infection fongique rare, oppor-tuniste, dont le diagnostic est souvent tardif avec, de ce

* Auteur correspondant.Adresse e-mail : [email protected] (M. Oukabli).

1156-5233/$ — see front matter # 2009 Elsevier Masson SAS. Tous droidoi:10.1016/j.mycmed.2009.09.006

fait, une morbidité élevée et un taux de mortalité avoi-sinant les 50 %. Elle touche essentiellement le diabétiquemal équilibré, notamment en acidocétose, le sujet immu-nodéprimé et le sujet après traumatisme [9,10]. Lesagents responsables sont des champignons appartenant àla classe des zygomycètes du groupe des mucorales.Cette affection est de diagnostic difficile, il repose surl’examen anatomopathologique et mycologique. Non ou

ts réservés.

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Figure 2 Filaments mycéliens de grande taille, non septés,ramifiés à angle droit, dans le cytoplasme de cellules géantes ouenvahissant par endroits les lumières vasculairesMycelium large-sized in the cytoplasm of giant cells or invadingby places the vascular lights.

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mal traitée, une infection de ce type est pratiquementtoujours fatale.

Observation

Une femme de 36 ans, sans antécédent pathologique parti-culier notamment sans diabète, enceinte de 4 mois déve-loppait depuis trois mois une ulcération unique irrégulièreindolore de la jambe droite (Fig. 1) sans fièvre ni signeextracutané (notamment pulmonaire ou neurologique), avecune notion de traumatisme au niveau de cette région. Lebilan biologique était normal. Une biopsie cutanée a étépratiquée.

L’étude histologique mettait en évidence une dermo-hypodermite lobulaire granulomateuse avec des foyers denécrose. La coloration par le PAS et hématéine éosine (HE)révélait la présence de filaments mycéliens de grande taille,libres dans le cytoplasme des cellules géantes ou envahissantpar endroits les lumières vasculaires (Fig. 2).

En microbiologie, l’examen direct confirmait l’infectionmycotique et la culture sur milieu de sabouraud après48 heures permettait l’identification d’un champignon dugenre Mucor : filaments d’aspect hyalin, non septés, ramifiésà angle droit et possédant des sporanges.

Le diagnostic de mucormycose cutanée était posé. Lapatiente a été traitée par l’amphotéricine B (forme liposo-luble non disponible au Maroc) arrêtée après quatre mois(vers le terme) du fait d’une insuffisance rénale. Aprèsl’accouchement, une exérèse chirurgicale de la lésion aété alors réalisée dont l’examen anatomopathologique etla culture montraient les mêmes résultats que sur la biopsieavec intégrité des marges chirurgicales. La patiente estactuellement en rémission complète. Le recul est de dixmois.

Discussion

La mucormycose est une infection fongique rare, existe sousdifférentes formes cliniques. La forme la plus commune est

Figure 1 Ulcération unique irrégulière indolore de la jambedroiteIrregular painless ulceration of the right leg.

la forme rhinocérébrale dans 39 % des cas par inhalation desspores par les voies aériennes supérieures, suivie par laforme pulmonaire dans 22 % de cas, la forme cutanée dans16 % des cas, les formes disséminées également dans 16 % descas et la forme gastro-intestinale dans 4 % des cas [6,7]. Lesagents responsables sont des champignons appartenant à laclasse des zygomycètes du groupe mucorales (Rhizopus,Mucor, Absidia, Rhizomucor). Ils sont omniprésents dansl’environnement sous forme de spores dans l’air, la terre,les végétaux en décomposition et les produits d’origineanimale [4,6]. Habituellement saprophytes chez l’homme,ils deviennent pathogènes chez les patients fragilisés etimmunodéprimés. La mucormycose est rare, voire excep-tionnelle chez l’immunocompétent, survenant quasimenttoujours des suites d’une plaie [1,2]. Cette infection fon-gique a pour particularité le tropisme vasculaire élevé deséléments mycéliens du champignon. Ces derniers envahis-sent la paroi des vaisseaux, avec une prédilection pour lalame élastique interne artérielle entraînant dissection etthrombose. L’envahissement de cette lame élastique internepar les filaments mycéliens forme des mycothrombi pouvantentraîner des nécroses tissulaires [4] Cette pathologie est dediagnostic difficile et souvent tardif car les signes cliniquessont peu spécifiques.

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Le diagnostic de mucormycose, à condition d’y penser etde bien orienter les prélèvements en mycologie (biopsiecutanée) peut être suspecté dès l’examen direct, aprèsétalement sur lame et coloration (larges filaments non septésdont les ramifications se font à angle droit). Il sera confirmépar la culture (en 24 à 48 heures) sur milieu de sabouraud.L’examen anatomopathologique permet de retrouver lesfilaments mycéliens dont le tropisme est avant tout vascu-laire et de déterminer la qualité de l’exérèse chirurgicale quidoit être en zone saine [4,7].

L’évolution decettepathologieest rapidementprogressiveavec un taux de mortalité avoisinant les 50 % et un taux demorbidité élevé [3,5,8]. Le traitement, qui est médicochirur-gical, est d’autant plus efficace qu’il est instauré précoce-ment. Ses grandes bases sont l’amélioration du terrain, leparage chirurgical large de toutes les lésions nécrotiques, letraitement antifongique systémique par amphotéricine B quireste le traitementde référence.Par ailleurs, l’amphotéricineB liposomale, moins toxique que la forme conventionnelle etautorisant des posologies plus élevées, serait probablementplus efficace. Il en est de même du posaconazole dont l’acti-vité sur les zygomycètes, tant in vitro qu’in vivo, a étédémontrée et qui a donné des résultats prometteurs chezdes patients non améliorés par l’amphotéricine B [9,10].

Conclusion

La mucormycose est une affection rare, avec un polymor-phisme clinique, survenant généralement sur un terrainprédisposé, dont le diagnostic repose sur l’anatomopatho-logie et l’examen mycologique [6,7]. Cette infection

fongique grave nécessite une approche multidisciplinaire.Le pronostic fonctionnel et vital est lié à la rapidité dudiagnostic, il faut savoir l’évoquer devant des lésions nonspécifiques, afin d’instaurer un traitement adapté.

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