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Revue du rhumatisme 78 (2011) 486–491 Lettres à la rédaction Myosite focale : un syndrome paranéoplasique info article Mots clés : Myosite focale Syndrome paranéoplasique Décrite pour la première fois par Heffner et al. en 1977 [1], la myosite focale (MF) est une maladie rare caractérisée par une pseudotumeur musculaire inflammatoire et localisée. Elle n’est pas habituellement associée à une néoplasie [2]. Nous rapportons ici l’observation d’une MF associée à un cancer, ce qui nous donne l’occasion de discuter l’origine paranéoplasique de la MF. Chez une femme âgée de 51 ans, une tuméfaction doulou- reuse du mollet droit est apparue en juin 2007. En mars 2006, cette patiente avait eu une laminectomie chirurgicale (L5-S1) pour une sténose lombosacrée. À l’examen physique, il existait une masse unique, localisée et douloureuse, du mollet droit (Fig. 1). Les examens biologiques montraient les résultats suivants : hémo- gramme normal, vitesse de sédimentation 3 mm/1 h, protéine C réactive 4 mg/l (normale < 5), CPK 1105 UI/l (normale : 26–140), fonction rénale normale, test hépatiques normaux, négativité des Fig. 1. Tuméfaction localisée du mollet droit. Ne pas utiliser, pour citation, la référence franc ¸ aise de cet article, mais la réfé- rence anglaise de Joint Bone Spine (doi:10.1016/j.jbspin.2011.02.023). recherches pour le facteur rhumatoïde, les anticorps antinucléaires et les sérologies virales. À l’électromyogramme, les vitesses de conduction étaient normales et il existait des anomalies myogènes et des potentiels de fibrillation localisés au muscle gastrocnémien médial droit, sans atteinte des autres muscles. Il n’y avait pas de complexes répétitifs ni d’anomalie neurogène dans le territoire S1 droit. L’IRM montrait un muscle gastrocnémien médial droit augmenté de volume, siège d’un hyposignal sur les séquences en T1 et d’hypersignaux sur les séquences en T2 avec une augmenta- tion du signal après injection de gadolinium (Fig. 2). La biopsie du muscle gastrocnémien médial mettait en évidence une inégalité de taille et une nécrose des fibres musculaires, sans infiltrat cellulaire intraparenchymateux ou périvasculaire. L’étude immunohistochi- mique montrait un marquage positif pour le CD3 (lymphocytes T) et le CD68 (macrophages). Les anomalies cliniques, IRM et histologiques étaient en faveur du diagnostic de MF. Un traitement par prednisone (1 mg/Kg/j) a Fig. 2. IRM montrant une hypertrophie localisée au muscle gastrocnémien médial. 1169-8330/$ – see front matter © 2011 Société Franc ¸ aise de Rhumatologie. Publié par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Myosite focale : un syndrome paranéoplasique

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Décrite pour la première fois par Heffner et al. en 1977 [1],a myosite focale (MF) est une maladie rare caractérisée par uneseudotumeur musculaire inflammatoire et localisée. Elle n’est pasabituellement associée à une néoplasie [2]. Nous rapportons ici

’observation d’une MF associée à un cancer, ce qui nous donne’occasion de discuter l’origine paranéoplasique de la MF.

Chez une femme âgée de 51 ans, une tuméfaction doulou-euse du mollet droit est apparue en juin 2007. En mars 2006,ette patiente avait eu une laminectomie chirurgicale (L5-S1) pourne sténose lombosacrée. À l’examen physique, il existait uneasse unique, localisée et douloureuse, du mollet droit (Fig. 1).

es examens biologiques montraient les résultats suivants : hémo-ramme normal, vitesse de sédimentation 3 mm/1◦h, protéine Céactive 4 mg/l (normale < 5), CPK 1105 UI/l (normale : 26–140),onction rénale normale, test hépatiques normaux, négativité des

Fig. 1. Tuméfaction localisée du mollet droit.

� Ne pas utiliser, pour citation, la référence francaise de cet article, mais la réfé-ence anglaise de Joint Bone Spine (doi:10.1016/j.jbspin.2011.02.023).

169-8330/$ – see front matter © 2011 Société Francaise de Rhumatologie. Publié par Els

recherches pour le facteur rhumatoïde, les anticorps antinucléaireset les sérologies virales. À l’électromyogramme, les vitesses deconduction étaient normales et il existait des anomalies myogèneset des potentiels de fibrillation localisés au muscle gastrocnémienmédial droit, sans atteinte des autres muscles. Il n’y avait pas decomplexes répétitifs ni d’anomalie neurogène dans le territoireS1 droit. L’IRM montrait un muscle gastrocnémien médial droitaugmenté de volume, siège d’un hyposignal sur les séquences enT1 et d’hypersignaux sur les séquences en T2 avec une augmenta-tion du signal après injection de gadolinium (Fig. 2). La biopsie dumuscle gastrocnémien médial mettait en évidence une inégalité detaille et une nécrose des fibres musculaires, sans infiltrat cellulaireintraparenchymateux ou périvasculaire. L’étude immunohistochi-

Fig. 2. IRM montrant une hypertrophie localisée au muscle gastrocnémien médial.

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durale commune (type II) [1].Les SCMs sont souvent localisés dans les régions lombaires

et dorsolombaires [2–4]. Sinha et al. [5] ont rapporté des tauxd’incidence pour les localisations cervicale, cervicodorsale, dorsale,

Lettres à la rédaction / Revue

lors été débuté. Les douleurs et la tuméfaction se sont amélio-ées rapidement mais récidivèrent avec la réduction de la posologiees corticoïdes, associées à une augmentation des CPK. En mars008, sous 20 mg/j de prednisone, la patiente fut à nouveau hospi-alisée, cette fois-ci pour des douleurs osseuses diffuses. On portalors le diagnostic de métastases osseuses d’un adénocarcinomeeu différencié de localisation primitive inconnue. Les symp-ômes s’aggravèrent rapidement et la patiente décéda en octobre008.

La MF est une pathologie musculaire inflammatoire localiséeare et d’origine inconnue. Elle a pour siège principal les membresnférieurs. Dans la littérature médicale, quelques cas ont été rap-ortés en association avec une sciatique S1 accompagnée d’uneénervation chronique [3,4]. Cette hypothèse fut discutée chezotre patiente mais écartée du fait de l’absence d’anomalie élec-rique neurogène dans le territoire S1 droit. L’évolution naturellee la MF est habituellement bénigne [5]. En conséquence, un sup-lément d’investigations complémentaires et un suivi rapprochéont souvent inutiles. Même si la MF est considérée par cer-ains auteurs comme une forme localisée de polymyosite [6], ilxiste très peu de données concernant des formes paranéopla-iques de cette entité. Chez notre patiente, la proximité temporellentre les deux maladies suggère une relation causale, mêmei l’on ne peut pas exclure une coïncidence fortuite. Deux cas’association entre une MF et un cancer ont déjà été publiés7,8].

Même si la MF est habituellement considérée comme une patho-ogie bénigne, notre observation suggère que la recherche d’unancer associé pourrait être indiquée, cela même en l’absence’évolution vers une polymyosite.

éclaration d’intérêts

Les auteurs déclarent ne pas avoir de conflits d’intérêts en rela-ion avec cet article.

éférences

1] Heffner RR, Armbrustmacher VW, Earle KM. Focal myositis. Cancer1977;40:301–6.

2] Gordon Smith A, Urbanits S, Blaivas M, et al. Clinical and pathologic features offocal myositis. Muscle Nerve 2000;23:1569–75.

3] Streichenberger N, Meyronet D, Fiere V, et al. Focal myositis associa-ted with S1 radiculopathy: report of two cases. Muscle Nerve 2004;29:443–6.

4] Gross R, Degive C, Dernis E, et al. Focal myositis of the calf followingS1 radiculopathy. Semin Arthritis Rheum 2008;38:20–7.

5] Noël E, Tebib J, Walch G, et al. Focal myositis: a pseudotumoral form of poly-myositis. Clin Rheumatol 1991;10:333–8.

6] Flaisler F, Blin D, Asencio G, et al. Focal myositis: a localized form of polymyositis?J Rheumatol 1993;20:1414–6.

7] Naschitz JE, Yeshurun D, Dreyfuss U, et al. Localized nodular myositis: a para-neoplastic phenomenon. Clin Rheumatol 1992;11:427–31.

8] Terrier B, Lavie F, Miceli-Richard C, et al. Focal myositis with fasciitis andvasculitis revealing chronic lymphocytic leukaemia. Rheumatology 2005;44:1324–6.

Thierry Zenone a,∗

Rawan Ghabdan a

Céline Leveque-Michaud a

Victor Chan b

a Service de médecine interne et rhumatologie, centre

hospitalier, 179, boulevard du Maréchal-Juin, 26953

Valence cedex 9, Franceb Service de neurologie, centre hospitalier, 26953

Valence, France

matisme 78 (2011) 486–491 487

∗ Auteur correspondant.Adresse e-mail : [email protected]

(T. Zenone)

24 fevrier 2011

Disponible sur Internet le 28 juin 2011doi:10.1016/j.rhum.2011.05.001

Forme adulte de diastématomyélie : cas clinique�

i n f o a r t i c l e

Mots clés :DiastématomyélieSyndrome de dédoublement médullaire « Split cord malformation »Forme adulte

1. Introduction

La diastématomyélie ou syndrome de dédoublement médullaire« split cord malformation » (SCM) est une anomalie spinale congé-nitale avec un dédoublement partiel de la moelle épinière dans leplan sagittal. Elle touche habituellement les enfants et sa forme àl’âge adulte est extrêmement rare.

2. Observation clinique

Une femme âgée de 33 ans présentait un historique de lombos-ciatalgie gauche depuis dix ans. Il n’existait pas d’antécédent desymptômes urinaires. Un examen physique a mis en évidence untest de Schober à 13 cm. L’examen neurologique était normal. Desradiographies standard ont montré une fusion des corps vertébrauxde L4 et L5 avec un septum osseux au niveau de L4-L5 clairementmis en évidence par tomodensitométrie (Fig. 1). L’IRM a révélédeux hémi-moelles de L2-L3 à L4-L5 séparées par un éperon osseuxavec une cavité syringomyélique thoracolombaire au dessus del’anomalie décrite : SCM de type I (Fig. 2). La patiente ne présentaitpas de troubles neurologiques, en conséquence aucun traitementchirurgical ultérieur n’a été envisagé et un traitement symptoma-tique de la douleur a été prescrit.

3. Discussion

La diastématomyélie ou syndrome de dédoublement médullaire(SCMs) est un dysraphisme spinal caractérisé par la présence d’unecloison osseuse, cartilagineuse ou fibreuse qui scinde la moelleépinière en deux hémi-moelles distinctes. Une classification a étéétablie : dans la première variété, chaque hémi-moelle est conte-nue dans son propre sac dural (type I), dans la seconde variété, lesdeux hémi-moelles sont contenues à l’intérieur d’une unique gaine

� Ne pas utiliser, pour citation, la référence francaise de cet article, mais la réfé-rence anglaise de Joint Bone Spine (doi:10.1016/j.jbspin.2011.03.025).