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Nanoparticules : une prévention est-elle possible ?

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Nanoparticules : une prévention est-elle possible ?

Nanoparticles : Is a prevention possible?

J. Boczkowski, S. Lanone *

Équipe 4, Inserm U955, faculté de médecine de Créteil, université Paris-Est, 8, rue du Général-Sarrail, 94000 Créteil, France

Disponible sur Internet le 4 mars 2010

Résumé

Une nanoparticule est une particule ayant au moins une dimension inférieure à 100 nm. On distingue trois types de nanoparticules : naturelles,produites par l’homme de façon non intentionnelle, ou produites par l’homme de façon intentionnelle (nanoparticules manufacturées). Cesnanoparticules sont produites dans le cadre des nanotechnologies, qui ont des champs d’application multiples et en plein essor. Face audéveloppement exponentiel des nanotechnologies, et malgré des bénéfices potentiels conséquents dans de nombreux domaines, des inquiétudessont émises quant à l’éventuelle toxicité humaine et environnementale des nanoparticules. Il est nécessaire de mettre en place une stratégie deprévention, qui passe par une maîtrise des facteurs conditionnant l’exposition, que ce soit en termes de nature de la source d’exposition, du typed’exposition ou encore des facteurs liés au cadre de l’exposition. Des stratégies de protection collective ou individuelle peuvent être mises en placedans le cadre des nanoparticules manufacturées, de même qu’une limitation de l’exposition.# 2010 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Mots clés : Nanoparticules ; Nanotechnologies ; Prévention ; Exposure ; Protection

Abstract

A nanoparticle is a particle with a dimension of at least 1 nm below 100 nm. There are three different types of nanoparticles: naturalnanoparticles, nanoparticles produced by humans non-intentionally, and nanoparticles produced intentionally by humans (manufacturednanoparticles). Manufactured nanoparticles are produced in the context of nanotechnologies, which have numerous and increasing fields ofapplication. Facing the exponential development of nanotechnologies, and in spite of potential benefits in many fields, there are concerns regardingthe eventual human and environmental toxicity of nanoparticles. It is therefore necessary to set up prevention strategies, including control of factorsdetermining exposure, whether in terms of the source, type, or context of exposure. Concerning manufactured nanoparticles, strategies for group orindividual protection, as well as for the limitation of exposure, must be put into practice.# 2010 Elsevier Masson SAS. All rights reserved.

Keywords: Nanoparticles; Nanotechnology; Exposure; Toxicity; Prevention

1. Introduction

Une nanoparticule est une particule ayant au moins une

� les nanoparticules produites par l’homme de façon nonintentionnelle (particules ultrafines de la pollution atmos-phérique, émissions diesel, nanoparticules contenues dans les

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dimension inférieure à 100 nm. On distingue trois sources denanoparticules :

� les nanoparticules naturelles, présentes dans l’environnement(poussières émises par combustion ou par les volcans,produites par érosion) ;

* Auteur correspondant.Adresse e-mail : [email protected] (S. Lanone).

1877-0320/$ – see front matter # 2010 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservdoi:10.1016/j.reval.2010.01.023

fumées de soudure. . .) ;� les nanoparticules produites par l’homme de façon

intentionnelle ; les nanoparticules manufacturées [1].

Ces nanoparticules sont produites dans le cadre desnanotechnologies, définies comme l’ensemble des technologiesvisant à concevoir, caractériser et produire des matériaux àl’échelle du nanomètre, c’est-à-dire du millionième de mètre.Les nanotechnologies sont actuellement considérées commel’étape la plus ultime de la miniaturisation, intégrant la

és.

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technologie, la biologie, la chimie et la physique. Les champsd’application des nanotechnologies sont multiples et en pleinessor, notamment dans les secteurs de la cosmétique, (écranssolaires, pâtes dentifrice. . .), l’industrie automobile (pneuma-tiques, peintures, lubrifiants. . .) ou encore le secteur de la santé(délivrance de médicaments, imagerie diagnostique, matérielsde prothèse. . .). L’enjeu économique et sociétal représenté parles nanotechnologies est donc extrêmement important, avec uneexposition potentielle très large et très variée.

Face au développement exponentiel des nanotechnologies,et malgré des bénéfices potentiels conséquents dans denombreux domaines, des inquiétudes sont émises quant àl’éventuelle toxicité humaine et environnementale des nano-particules, leur biodégradabilité, ou encore leurs effetssecondaires à long terme [2]. Ces questions sont motivéespar la connaissance des effets toxiques sur la santé desparticules micrométriques de la pollution atmosphérique, et lacrainte de voir s’amplifier des réponses toxiques du fait de lananodimension mise en cause [3–6].

À l’heure actuelle, les effets des nanoparticules sur la santéhumaine ne sont que très peu ou pas documentés en termesépidémiologiques. Une étude récente [7] basée sur l’observa-tion de travailleurs exposés, dans une petite industrie chinoise, àdes particules d’esters polyacryliques de dimension nanomé-trique, a mis en évidence, chez sept de ces travailleurs, lasurvenue de pneumopathies diffuses associées à des épanche-ments pleuraux et péricardiques. La présence d’autresaérocontaminants professionnels ne permet pas d’établir unlien strict de cause à effet entre la présence de particulesnanométriques et les lésions respiratoires observées, mais poseclairement la question des conséquences sur la santé d’uneexposition à des nanoparticules, et de fait, de la mise en place demesures de prévention, qu’elles soient collective ou indivi-duelle.

2. Prévenir quelle exposition ?

La prévention est définie l’ensemble de mesures destinées àéviter un événement que l’on peut prévoir et dont on pense qu’ilentraînerait un dommage pour l’individu ou la collectivité. Laconnaissance fine de l’événement contre lequel se prévenir estla pierre angulaire à la réalisation d’une bonne prévention. Dansle contexte des nanoparticules, il s’agit de notamment demaîtriser les facteurs conditionnant l’exposition, que ce soit entermes de nature de la source d’exposition, du type d’expositionou encore des facteurs liés au cadre de l’exposition.

2.1. Sources d’exposition

Comme indiqué plus haut, la source des nanoparticules peutêtre multiple : naturelle, non naturelle-non intentionnelle, etnon naturelle-intentionnelle [1]. En fonction de la source, lesmesures de prévention vont être plus ou moins facilementapplicables. Ainsi, si la prévention contre les nanoparticulesnaturelles est impossible, celle contre les nanoparticulesmanufacturées semble pouvoir plus raisonnablement être miseen place.

2.2. Types d’exposition

Il est considéré classiquement que les nanoparticules peuventrentrer au contact direct de l’organisme par trois voies d’entréesprincipales : respiratoire, cutanée, et digestive [8]. En effet, cestrois systèmes sont en permanence exposés à l’environnement, etsont donc susceptibles d’être directement au contact desnanoparticules. Il faut noter de plus que les voies parentérales(intraveineuse, intramusculaire) sont aussi à considérer dans lecadre du développement de la nanomédecine, siège del’utilisation des nanoparticules dans un cadre thérapeutique ouà visée diagnostique par exemple [9–11].

2.3. Cadre de l’exposition

L’exposition aux nanoparticules peut avoir lieu dans uncadre professionnel ou privé. En effet, les travailleurs impliquésdans le secteur des nanotechnologies peuvent être exposés aumoment de la production même des nanoparticules, ou deleur transport ou encore de leur stockage. Ces travailleurs(impliqués dans la fabrication et l’utilisation des nanoparti-cules) sont actuellement autour de 20 000 au niveau mondial, etleur nombre est en augmentation constante. Selon uneestimation de la National Science Foundation, environdeux millions de travailleurs impliqués dans la fabricationou l’utilisation de matériaux nanométriques seront employésdans l’industrie des nanotechnologies dans les 15 prochainesannées (http://www.nano.gov/html/res/faqs/html). Les nano-particules manufacturées peuvent être libérées dans l’envi-ronnement, dans le cadre de leur cycle de vie, et de ce faitatteindre la population générale. La population générale peutaussi être exposée du fait de l’utilisation de produits contenantdes nanoparticules. Ces produits sont déjà disponibles sur lemarché. Le Woodrow Wilson International Center for Scholarsaux États-Unis (http://www.wilsoncenter.org/) s’est donné pourmission, depuis 2006, de faire un inventaire de tous les produitscontenant des nanomatériaux accessibles aux consommateurs.On en dénombre plus d’un millier actuellement, et cette listeaugmente continuellement. Par exemple, des nanoparticules dedioxyde de titane (TiO2) sont utilisées dans des crèmes solairesdans le but d’améliorer l’étalement de la crème sur la peau et defavoriser la protection contre les UV. On peut aussi citer desadditifs alimentaires utilisés pour améliorer la dispersion despoudres (sel, chocolat en poudre. . .), ou encore des vêtements,des équipements sportifs. . .

3. Comment prévenir ?

La prévention passe avant tout par une limitation del’exposition. Comme il n’existe, à l’heure actuelle, aucunevaleur limite professionnelle d’exposition spécifique auxnanoparticules, cela complique la mise en œuvre de mesuresde prévention. Cependant, il est nécessaire d’adopter uneattitude prudente, de façon à limiter au maximum uneexposition aux nanoparticules.

Dans le cadre privé, la population générale peut être exposéesoit directement du fait de la présence de nanoparticules dans

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des produits de consommation courante (hygiène corporelle,emballages alimentaires, textiles. . .), soit indirectement, enprenant en considération le cycle de vie des nanoparticules.Ainsi, les nanoparticules peuvent être présentes dans l’envi-ronnement suite à l’usure, la dégradation, la fin de vie desmatériaux les intégrants (pneumatiques, carburants. . .). Ilconvient alors, dans le cadre d’une prévention, d’intégrer lesnotions d’émission, transport, accumulation dans l’environne-ment des nanoparticules.

Dans le cadre professionnel, plusieurs points d’attaque sontenvisageables pour permettre une limitation de l’exposition auxnanoparticules manufacturées, avec la mise en œuvre demesures de bonnes pratiques de travail, et de protectioncollective et individuelle, de façon à limiter au maximum lesrisques de contamination, que ce soit au niveau de lafabrication, du chargement, ou de la récupération desnanoparticules, ou encore du nettoyage, de l’entretien ou dela maintenance des installations [12]. Ainsi, il convient auminimum :

� de mettre en place des procédés de travail optimisés pouravoir le moins d’émission de poussières possible, enpréférant par exemple la mise en suspension des nanoparti-cules dans un milieu liquide plutôt que la fabrication sousforme de poudre, ou encore en adoptant des procédés desynthèse et d’utilisation isolés en vase clos, privilégiantl’automatisation ;� d’éduquer les travailleurs à une manipulation sûre des

nanoparticules et des matériaux en contenant ;� d’appliquer à la source de l’émission des mesures de

protection collective, telles que la mise en œuvre d’une bonneventilation, ou la récupération des déchets dans descontainers scellés ;� de mettre en place des installations permettant la prise de

douches en fin de période de travail, le changement devêtements, de façon à limiter la contamination potentielle dumilieu extérieur au site de production (qu’il soit au sein del’entreprise ou dans la sphère privée) ;� de mettre en application la protection individuelle des

travailleurs, par le moyen de protections respiratoires(masques filtrants ou appareil isolant avec adduction d’aircomprimé), protections cutanées (combinaison, gants),lunettes, couvre-chaussures [13].

En résumé, la prévention vis-à-vis des nanoparticulesmanufacturées passe par une limitation des expositionsprofessionnelles, avec l’instauration d’une protection collectiveintégrée au procédé de fabrication (automatisation, isolement

des équipements, filtration de l’air. . .), en plus des mesures deprotection individuelle usuelles.

4. Conclusion

La prévention contre une exposition aux nanoparticules estun enjeu majeur dans le contexte du développement desnanotechnologies. Elle ne sera possible qu’en améliorant l’étatdes connaissances sur le risque présenté par les nanoparticules,tant en termes d’exposition qu’en termes de donnéesépidémiologiques concernant les conséquences d’une exposi-tion humaine.

5. Conflits d’intérêts

Aucun.

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