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L’idée de nation est elle compatible avec l’existence de la diversité culturelle, l’exemple de la France est il à cet égard intéressant ? Oswald SPENGLER, philosophe et historien allemand décédé en 1936 a écrit « le Déclin de l’Occident » où il défend la nécessité pour la nation allemande de se préserver de toute contamination étrangère. Ce sujet de la nation, malheureusement, a connu ces dernières années une actualité redoutable, si l’on veut se rappeler des évènements comme les tensions dans les Balkans ou au Kosovo. C’est ce que A MINC appelait la « revanche des nations ». On a pu assister depuis un certain temps à la montée d’un phénomène nationaliste qui s’explique par un certain nombre de causes, mais qui est sans doute largement mu par cette peur que nos sociétés éprouvent face à la dissolution de l’idée même de nation, notamment en ce qui concerne les pays européens. Sans doute, ce sujet trouve sa compatibilité avec la diversité culturelle. Une nation peut se définir de plusieurs manières. Basiquement, c’est une communauté humaine qui possède une unité historique, mais également linguistique, culturelle et économique sur un territoire donné. Evidemment, on se demande comment cette nation va se comporter avec la diversité culturelle qui sous-entend la différence. Au plan étymologique, le terme de nation vient du latin « nascor », naître. Donc la nation rassemble ceux qui naissent ensemble, dans une même culture, même langue et sur un même territoire. Historiquement et « idéologiquement », il y 2 visions qui s’opposent. Il y a une vision objective allemande qui repose sur l’ethnie défendue par FICHTE et HERDER, puis la vision subjective française qui est une vision politique et civique qui est basée sur ce « désir de vivre ensemble » dont nous parle E RENAN. Evidemment ces 2 approches n’appréhendent pas de la même manière la diversité culturelle. En ce qui concerne la France, cette conciliation est d’autant plus difficile que la nation est indissociable de tous les principes républicains qui le fondent, c’est à dire ce socle d’un projet commun qui risque d’être heurté par des particularismes culturels internes à notre nation. Le mot de « nation » a une origine ancienne. Il n’a pas toujours eu la même signification que celle communément admise. Au début de l’ère chrétienne, le terme « natio » correspondait à toute espèce du monde vivant, et lorsqu’il était au pluriel « nationes », il désignait les peuples non chrétiens, les païens. Sous Louis XIV,

nation et diversité culturelle

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M. Boulanger par Cécile Martin

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Page 1: nation et diversité culturelle

L’idée de nation est elle compatible avec   l’existence de la diversité culturelle, l’exemple de la France est il à cet égard intéressant   ?

Oswald SPENGLER, philosophe et historien allemand décédé en 1936 a écrit « le Déclin de l’Occident » où il défend la nécessité pour la nation allemande de se préserver de toute contamination étrangère. Ce sujet de la nation, malheureusement, a connu ces dernières années une actualité redoutable, si l’on veut se rappeler des évènements comme les tensions dans les Balkans ou au Kosovo. C’est ce que A MINC appelait la « revanche des nations ». On a pu assister depuis un certain temps à la montée d’un phénomène nationaliste qui s’explique par un certain nombre de causes, mais qui est sans doute largement mu par cette peur que nos sociétés éprouvent face à la dissolution de l’idée même de nation, notamment en ce qui concerne les pays européens. Sans doute, ce sujet trouve sa compatibilité avec la diversité culturelle.

Une nation peut se définir de plusieurs manières. Basiquement, c’est une communauté humaine qui possède une unité historique, mais également linguistique, culturelle et économique sur un territoire donné. Evidemment, on se demande comment cette nation va se comporter avec la diversité culturelle qui sous-entend la différence. Au plan étymologique, le terme de nation vient du latin « nascor », naître. Donc la nation rassemble ceux qui naissent ensemble, dans une même culture, même langue et sur un même territoire. Historiquement et « idéologiquement », il y 2 visions qui s’opposent. Il y a une vision objective allemande qui repose sur l’ethnie défendue par FICHTE et HERDER, puis la vision subjective française qui est une vision politique et civique qui est basée sur ce « désir de vivre ensemble » dont nous parle E RENAN. Evidemment ces 2 approches n’appréhendent pas de la même manière la diversité culturelle.

En ce qui concerne la France, cette conciliation est d’autant plus difficile que la nation est indissociable de tous les principes républicains qui le fondent, c’est à dire ce socle d’un projet commun qui risque d’être heurté par des particularismes culturels internes à notre nation.

Le mot de « nation » a une origine ancienne. Il n’a pas toujours eu la même signification que celle communément admise. Au début de l’ère chrétienne, le terme « natio » correspondait à toute espèce du monde vivant, et lorsqu’il était au pluriel « nationes », il désignait les peuples non chrétiens, les païens. Sous Louis XIV, le terme de nation est employé pour désigner la partie supérieure de la société. Nation et peuple s’opposaient à cette époque. La nation acquiert un sens politique. Elle existe car elle a un lien avec la puissance monarchique. Le nationalisme ne va acquérir son sens moderne qu’au XVIIIe s.. C’est à ce moment là qu’il va se trouver associé au peuple, au corps politique. Et donc, la nation va être investie d’un idéal fort, comme une communauté soudée par une histoire commune renforcée par un certain nombre de liens. La nation devient ce creusent d’une réalisation collective. Cette idée est importante car c’est durant tout le XIXe s. que ce sentiment va être pris par les mouvements des peuples à disposer d’eux même comme en Serbie, Pologne, Hongrie, Grèce…

La conception française de la nation est définie par E RENAN, dans son fameux discours de la Sorbonne en 1882 intitulé « Qu’est ce que la nation ? » comme une conception très ouverte fondée sur l’adhésion : « la nation, c’est un âme, un principe spirituel, c’est la volonté de vivre ensemble, c’est un plébiscite de tous les jours ». On se situe dans un contexte de l’appartenance de l’Alsace Lorraine à la France. La nation n’existe que par le consentement des individus. La conception française de la nation se veut universelle. C’est une conception qui n’a pas été partagée par tous et notamment par le courant nationaliste français conduits par M BARRES et C MAURRAS qui prônent un nationalisme intégral qui rejette évidemment la diversité culturelle. On y oppose traditionnellement la conception allemande de la nation de FICHTE et HERDER « le discours à la nation allemande » qui s’inspire largement du romantisme. HERDER la considère comme une communauté d’hommes, un peuple « Volk » qui est uni par des liens culturels. Ainsi pour appartenir à la nation, il faut une même origine ethnique, nationale, linguistique. Et c’est à ce moment là qu’apparaît le « Volkgeist ».

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On va considérer qu’il existe une relative forte résistance au « brassage des populations », ainsi qu’une contradiction entre l’existence d’Etats nation et d’ensembles culturels au sein même de ces Etats nations. On va donc pouvoir constater les tensions diverses que ceci peut entraîner. Finalement, notre pays s’est construit justement sur ces différences, grâce à des apports successifs de populations venues d’autres pays, mais toujours dans le respect d’un certain nombre de principes qui sont sans doute spécifiques à notre république.

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Si l’existence d’une contradiction entre l’idée de nation et l’apparition en son sein d’ensembles culturels différents est à l’origine de tensions qui se traduisent par la tentation d’aller vers une exclusion des minorités. Le cas particulier de le France et la lecture de son passé ne semble pas laisser la possibilité voire la nécessité de choisir la voie d’une coexistence et d’un enrichissement mutuels dans le respect des grands principes de la nation.

Si l’existence d’une contradiction entre l’idée de nation et l’apparition en son sein d’ensembles culturels différents est à l’origine de tensions qui se traduisent par la tentation d’aller vers une exclusion des minorités

La nation qui fait appel à l’idée d’unité semble plutôt hostile à l’existence d’une diversité culturelle. L’histoire nous rappelle que la création des nations a été marquée par une certaine ambiguïté, ce qui rend ces nations souvent fragiles et parfois pas très ouvertes à la notion même de différences de cultures.

Les conceptions de la nation sont diverses et contradictoiresOn peut schématiquement distinguer 3 types de conceptions de la nation qui sont touts

génératrices de tensions.On peut déterminer un nation centralisatrice. A partir du moment où les conscrits vont

partir au combat en criant « vive la nation » et non plus « vive le roi ». Ils reconnaissent leur appartenance à celle de l’ensemble des citoyens. Or cette nation centralisatrice va connaître des tensions. C’est pendant cette période révolutionnaire que va avoir lieu la guerre civile en Vendée. Selon A DE TOQUEVILLE, « c’est ce centralisme qui transcendait la révolution ».

Il y a aussi la « nation culturelle ». On retrouve là toutes les revendications nationalistes d’Europe et d’Amérique latine au milieu du XIXe s. Ces revendications se fondent sur une communauté culturelle. C’est les petits Etats d’Italie réunis, ou ceux de l’Allemagne réunis par Bismarck. Cette nation culturelle va être encore plus « allergique » à la différence de cultures.

La nation artificielle a connu de beaux jours. Depuis 1945, la décolonisation a rendu son actualité à l’Etat nation à fondement territorial, mais on s’en tenait très souvent aux frontières arbitraires et artificielles qui avaient été construites justement par la colonisation. On a retrouvé des Etats qui avaient accédés à l’indépendance après la guerre, mais dont les frontières dataient de la colonisation comme au Rwanda, Libéria ou Ex Union Soviétique.

Dans tous ces schémas de nations naît toujours un certain nombre de nations. Partout où ne coïncide pas une division politique des Etats et celle des groupes culturels, se discerne un certain nombre de germes de déséquilibres comme au Liban ou en Irlande du Nord. Donc, bien souvent, on s’aperçoit que s’affrontent la conception de la minorité qui revendique un foyer national pour se culture, et celle de la majorité qui va définir plus ou moins largement cet Etat nation unitaire.

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On assiste à une fragilité qui aboutit parfois à un dangereux rejet de toute différenceLa tentation du rejet officieux ou plus radical existe, ce rejet des différences va souvent

nourrir ces différences.Dans certains contextes, souvent la tentation est grande de vouloir se prémunir en écartant

d’emblée les causes éventuelles de conflit, c’est à dire en préservant une certaine « pureté culturelle », alors que l’on sait qu’elle est très souvent facteur d’appauvrissement. Le rejet est parfois institutionnalisé. Cela est illustré par le cas des USA qui en 1986, constatant un afflux croissant des immigrants hispaniques, de proclamer que l’anglais était la langue officielle du pays, or, c’est un pays d’immigration forte, notamment hispanophone. D’autres pays ont éprouvé ce besoin, comme le Québec où la loi oblige à l’usage de la langue française, ou encore le débat en France portant sur les quotas de production culturelle face à l’omniprésence anglophone. Ce rejet est parfois dans la rue, ou dans le vote. On rappelle que partout dans le monde émerge des sentiments nationalistes. On constate que finalement tout se passe comme si l’incompatibilité entre la notion d’unité nationale et de développement de cultures plurielles était insurmontable. Cela semble l’être d’autant plus que l’on se situe dans un contexte de crise économique où la tentation de rechercher le bouc émissaire est évidente.

Ce rejet va avoir un effet involontaire, c’est qu’il va entraîner une accentuation du phénomène de particularismes culturels. On s’oppose parce qu’on refuse notre différence, donc on va la marquer encore plus. Plus on la marque, plus elle apparaît comme le rejet d’un certain modèle d’unité nationale. Cela est d’autant plus marqué qu’on se situe dans le contexte de la mondialisation, c’est à dire le développement d’une espère de culture universelle due à la multiplication des échanges qui, associés à la montée en puissance des phénomènes européens par exemple, accentue cette peur de la dissolution de l’Etat nation.

L’idée que la nation est diverse dans la théorie et dans la pratique, est actuellement fragile car elle est forcément hostile à la diversité. Pour autant, il nous semble que notre pays peut être un bon exemple de réussite de l’intégration d’un certain nombre de cultures différentes dans cet ensemble unitaire qu’est une nation. Néanmoins, il ne faut pas perdre de vue un certain nombre de principes qui ont gouverné l’évolution de notre nation et qui restent indispensables à son fonctionnement.

Le cas particulier de le France et la lecture de son passé ne semble pas laisser la possibilité voire la nécessité de choisir la voie d’une coexistence et d’un enrichissement mutuels dans le respect des grands principes de la nation.

La France s’est en grande partie fondée sur et grâce à la diversité culturelle. Notre passé prouve que les idées de nation et de diversité culturelle sont conciliables à condition que soit respecté le pacte républicain qui est à la base de notre société.

Les immigrations successives ont fait la FranceL’intégration des différentes immigrations a été une réussite. Il appartient à notre pays de

réunir désormais l’intégration de cultures plus lointaines dans un contexte cependant plus difficile.Placée au carrefour de l’Europe, la population de la France s’est formée par stratifications

de peuples aux cultures différentes que BRAUDEL a illustré dans son ouvrage « L’identité de la France ». Cette assimilation a parfois emprunté des voies autoritaires. Certains régime sont du abandonner leurs langues régionales comme la Bretagne ou l’Occitanie. Il faut rappeler que notre pays a été confronté à un problème de natalité important. On a donc anticipé ce qui s’est passé par la suite en Europe. On a du recourir à l’immigration assez tôt pour assurer les besoins en main d’œuvre.

On y ajoutera l’idée que le développement même de la démocratie a eu des conséquences sur l’immigration. A partir du moment où les français ont eu le droit de vote, les gouvernements ont compris l’intérêt de recourir à l’immigration pour assurer les besoins dans des secteurs d’activité que les français ne voulaient pas occuper, comme les mines. Au lieu d’accélérer l’exode rural, on a préféré l’immigration.

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L’intégration de ces populations n’a pas été immédiate, mais a fini par se réaliser en respectant plus ou moins les particularismes.

Il faut relativiser l’importance en pourcentage de l’immigration, qui est estimée entre 8-10% de la population. C’est un chiffre qui est quasiment stable depuis le début du siècle. Il semble qu’en réalité, on peut prétendre qu’au delà des différences de cultures qui sont sans doute plus marquées qu’autrefois, ces nouvelles immigrations en provenance du Maghreb, d’Asie et maintenant d’Europe de l’Est. Ces immigrations ont pour principal handicap d’être récentes et surtout elles se situent dans un contexte économique et politique nouveau. Les crises économiques et cette intégration dans l’ensemble européen compliquent singulièrement cette nécessaire intégration par l’effet d’amplification des difficultés quotidiennes. Surtout, on ne peut pas contester que le modèle républicain qui, pendant longtemps a permis cette intégration, va sans doute souffler un certain discrédit.

Il s’agit de défendre l’idée que les 2 notions peuvent coexister si elles se respectent mutuellement

On va reconnaître que le multiculturalisme est un besoin que l’on peut comprendre. Cela peut être un piège si cette volonté devient une source d’enfermement et si est perdue de vue ce que doit représenter la nation pour chaque citoyen.

B STASI disait que l’immigration a toujours été une chance pour la France. Elle y a trouvé ses forces vives et peut être demain une partie de la solution à son problème de natalité. Forcément en découle un certain multiculturalisme qui est nécessaire. On en peut pas prétendre que ce sentiment d’appartenance à la nation soit exclusif de ce besoin de racine que chacun ressent. Ce multiculturalisme doit être raisonnable. Il ne doit pas tendre vers un modèle de non assimilation et de stratification comme aux USA. Il nous semble qu’il faut sans doute s’écarter assez nettement d’un certain nombre d’illusions qui ont été véhiculées par un certain nombre de groupements racistes afin d’essayer d’éviter une ghettoïsation d’une partie de plus en plus importance de la population qui s’enfermerait dans ses particularismes sans adhérer aux valeurs de la république. Mais parallèlement, il faut que la république cesse d’être égoïste et exclusive, voire d’exclure. Il est nécessaire que ces principes qui ont fait notre histoire, doivent être réaffirmés et appliqués. Ce qui, on le sait bien, n’est aujourd’hui qu’un vœu pieux.

C’est justement le défi majeur d’une nation que d’être par l’image et la valeur qu’elle véhicule et qu’elle doit faire respecter, que d’être un élément fédérateur de toutes les différentes sensibilités de cultures qui la traversent naturellement. Donc ces notions de nation et de diversité culturelle ne sont pas facilement conciliables, mais justement noter pays a été pendant longtemps un exemple de l’osmose qui peut exister entre ces 2 notions. On doit d’autant plus le défendre que l’one st dans un contexte économique défavorable.

On peut s’interroger sur cet autre défi que constitue l’union européenne : va t on pouvoir créer une nation européenne qui sera nécessairement riche de ces multiples cultures.

A DIECKOFF « la nation dans tous ses états, les identités nationales en mouvement » Flammarion.