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Névralgie du trijumeau et neurochirurgie Trigeminal neuralgia and neurosurgery M. Sindou (Professeur, chef de service) a, *, Y. Keravel (Professeur, chef de service) b a Service de neurochirurgie A, Hôpital neurologique universitaire P. Wertheimer, 59, boulevard Pinel, 69003 Lyon, France b Centre hospitalo-universitaire Henri Mondor, 51, avenue du Maréchal-de-Lattre-de-Tassigny, 94010 Créteil, France MOTS CLÉS Névralgie du trijumeau ; Trijumeau ; Conflit vasculonerveux ; Décompression vasculaire microchirurgicale ; Thermocoagulation ; Compression par ballon ; Neurolyse au glycérol ; Radiochirurgie ; Neurochirurgie fonctionnelle ; Microchirurgie KEYWORDS Trigeminal neuralgia; Trigeminal nerve; Neuro-vascular conflict; Microvascular decompression; Thermorhizotomy; Balloon compression; Glycerol neurolysis; Radiosurgery; Functional neurosurgery; Microsurgery Résumé La neurochirurgie moderne permet de contrôler dans presque tous les cas la névralgie trigéminale essentielle pharmacorésistante. L’on peut avoir recours à deux grands types de méthodes. Les premières correspondent à l’interruption des voies nociceptives. Elles sont, soit percutanées : il en est ainsi de la thermocoagulation rétrogassérienne, de la compression par ballonnet gonflable et de la neurolyse par injection de glycérol dans le cavum de Meckel, soit par radiochirurgie au moyen du gamma-knife qui est très précis. Le second type de méthodes est la décompression vasculaire microchirurgicale qui lève le conflit vasculonerveux de la racine trigéminale. Cette méthode qui est conservatrice et curative nécessite un abord direct et une anesthésie générale ; elle s’adresse aux patients de moins de 70 - 75 ans, en bon état général. Lorsque les patients sont très âgés et/ou en état général précaire, les méthodes percutanées ou la radiochirurgie sont préférables, mais la durée de leur efficacité est proportionnelle au degré d’hypoesthésie séquellaire, avec ses conséquences. © 2004 Elsevier SAS. Tous droits réservés. Abstract Control of primary trigeminal neuralgias, when becoming pharmaco-resistant, is almost always possible by modern neurosurgery. Two types of methods are available: 1°) percutaneous techniques interrupting the pain pathways, such as the retrogasserian thermorhizotomy at the triangu- lar plexus, the balloon compression of the gasserian ganglion in Meckel’s cave, the glycerol injection within the trigeminal cistern, and the stereotactic radiosurgery of the trigeminus using the Gamma- Knife which may be an alternative of those; 2°) the microvascular decompression of the trigeminal root at the cerebello-pontine angle. This technique consists of dissecting free the root from the cross- compressing offending vessel(s) and needs a direct approach and general anaesthesia; it must be reserved to patients under 70-75 years of age, with good general conditions. For elderly patients and/or patients with precarious general conditions, a percutaneous technique or radiosurgery is preferable, which duration of efficacy is proportional to degree of post-operative residual hypoesthesia. © 2004 Elsevier SAS. Tous droits réservés. * Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (M. Sindou). EMC-Neurologie 2 (2005) 17–25 http://france.elsevier.com/direct/EMCN/ 1762-4231/$ - see front matter © 2004 Elsevier SAS. Tous droits réservés. doi: 10.1016/j.emcn.2004.10.002

Névralgie du trijumeau et neurochirurgie

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Névralgie du trijumeau et neurochirurgie

Trigeminal neuralgia and neurosurgeryM. Sindou (Professeur, chef de service) a,*, Y. Keravel (Professeur,chef de service) b

a Service de neurochirurgie A, Hôpital neurologique universitaire P. Wertheimer, 59, boulevard Pinel,69003 Lyon, Franceb Centre hospitalo-universitaire Henri Mondor, 51, avenue du Maréchal-de-Lattre-de-Tassigny,94010 Créteil, France

MOTS CLÉSNévralgie du trijumeau ;Trijumeau ;Conflit vasculonerveux ;Décompression vasculairemicrochirurgicale ;Thermocoagulation ;Compression par ballon ;Neurolyse au glycérol ;Radiochirurgie ;Neurochirurgiefonctionnelle ;Microchirurgie

KEYWORDSTrigeminal neuralgia;Trigeminal nerve;Neuro-vascular conflict;Microvasculardecompression;Thermorhizotomy;Balloon compression;Glycerol neurolysis;Radiosurgery;Functional neurosurgery;Microsurgery

Résumé La neurochirurgie moderne permet de contrôler dans presque tous les cas lanévralgie trigéminale essentielle pharmacorésistante. L’on peut avoir recours à deuxgrands types de méthodes. Les premières correspondent à l’interruption des voiesnociceptives. Elles sont, soit percutanées : il en est ainsi de la thermocoagulationrétrogassérienne, de la compression par ballonnet gonflable et de la neurolyse parinjection de glycérol dans le cavum de Meckel, soit par radiochirurgie au moyen dugamma-knife qui est très précis. Le second type de méthodes est la décompressionvasculaire microchirurgicale qui lève le conflit vasculonerveux de la racine trigéminale.Cette méthode qui est conservatrice et curative nécessite un abord direct et uneanesthésie générale ; elle s’adresse aux patients de moins de 70 - 75 ans, en bon étatgénéral. Lorsque les patients sont très âgés et/ou en état général précaire, les méthodespercutanées ou la radiochirurgie sont préférables, mais la durée de leur efficacité estproportionnelle au degré d’hypoesthésie séquellaire, avec ses conséquences.© 2004 Elsevier SAS. Tous droits réservés.

Abstract Control of primary trigeminal neuralgias, when becoming pharmaco-resistant, is almostalways possible by modern neurosurgery. Two types of methods are available: 1°) percutaneoustechniques interrupting the pain pathways, such as the retrogasserian thermorhizotomy at the triangu-lar plexus, the balloon compression of the gasserian ganglion in Meckel’s cave, the glycerol injectionwithin the trigeminal cistern, and the stereotactic radiosurgery of the trigeminus using the Gamma-Knife which may be an alternative of those; 2°) the microvascular decompression of the trigeminal rootat the cerebello-pontine angle. This technique consists of dissecting free the root from the cross-compressing offending vessel(s) and needs a direct approach and general anaesthesia; it must bereserved to patients under 70-75 years of age, with good general conditions. For elderly patients and/orpatients with precarious general conditions, a percutaneous technique or radiosurgery is preferable,which duration of efficacy is proportional to degree of post-operative residual hypoesthesia.© 2004 Elsevier SAS. Tous droits réservés.

* Auteur correspondant.Adresse e-mail : [email protected] (M. Sindou).

EMC-Neurologie 2 (2005) 17–25

http://france.elsevier.com/direct/EMCN/

1762-4231/$ - see front matter © 2004 Elsevier SAS. Tous droits réservés.doi: 10.1016/j.emcn.2004.10.002

Introduction

La prise en charge chirurgicale de la névralgietrigéminale fut l’une des premières préoccupationsdes neurochirurgiens. En effet, dès le début du XXe

siècle furent développées des techniques effica-ces : neurotomie rétrogassérienne et radicotomiejuxtaprotubérantielle, bien avant l’introduction dela diphénylhydantoïne par Bergouignan en 1941 etde la carbamazépine par Blom en 1962. Depuis, denouvelles techniques chirurgicales se sont dévelop-pées. Certaines « lésionnelles » - interrompent lesvoies conduisant la douleur névralgique – ; ellessont relativement sélectives et peu invasives ; ils’agit des interventions percutanées et de la radio-chirurgie. D’autres « conservatrices » visent à sup-primer les agents responsables de la névralgie, àsavoir les conflits vasculonerveux : il s’agit de ladécompression microchirurgicale. C’est la place dela neurochirurgie dans l’arsenal thérapeutique dela névralgie essentielle du trijumeau que ce textese propose d’envisager. Celui-ci vient compléter unarticle antérieur de l’Encyclopédie Médico-Chirurgicale sur les « Aspects cliniques et thérapeu-tiques des névralgies essentielles du trijumeau etdu glossopharyngien ».1

Préalables à la décision chirurgicale

La discussion du passage au traitement chirurgicalse doit d’être précédée des trois démarches suivan-tes.

• Il faut tout d’abord s’assurer que la douleurfaciale soit bien une névralgie du trijumeau.Cela est facile si les caractéristiques cliniquessont (restées) typiques, mais plus difficile s’ilexistait des atypies d’emblée ou si la névralgieest devenue atypique en vieillissant. Il est alorscapital de rechercher par l’interrogatoire si lesantalgiques de type anticonvulsivant (carbama-zépine, clonazépam, gabapentine, ...) ont étéefficaces, au moins au début.

• Il faut ensuite vérifier que tous les traitementsmédicamenteux classiques aient été conduitscorrectement, c’est-à-dire avec des doses im-portantes, pendant une durée prolongée, etsans interruptions intempestives par le patient.

• Il faut enfin que toutes les causes de névralgiessymptomatiques aient bien été éliminées par lesbilans – ophtalmologique, otorhinolaryngologi-que, odontostomatologique et neurologique– appropriés. Une imagerie par résonance ma-gnétique (IRM) encéphalique de principe est unesage précaution.

Il est prudent de demander que l’IRM soit réali-sée de telle sorte qu’elle puisse mettre en évi-dence :

• une malformation de la base du crâne et/ou dela charnière occipitocervicale, en particulierune malformation d’Arnold-Chiari ;

• une sclérose multiloculaire, de même que toutelésion du tronc cérébral, qu’elle soit vasculaire,tumorale ou ischémique ;

• une néoformation tumorale, une malformationartérioveineuse ou un anévrisme géant de l’an-gle pontocérébelleux ;

• une tumeur du cavum de Meckel et/ou de la logeparasellaire c’est-à-dire du sinus caverneux ;

• une pathologie de la fosse cérébrale moyenneet/ou de l’apex orbitaire...À titre d’illustration, les névralgies symptomati-

ques représentaient 3,6 % du total de nos 2 478 pa-tients adressés au cours des 28 années passées pourtraitement neurochirurgical, en raison d’une né-vralgie en apparence essentielle et rebelle auxtraitements médicamenteux.Il faut également demander que l’IRM comporte

des modalités spéciales aptes à la recherche desconflits vasculonerveux, dont l’identification peutfaciliter la prise de décision chirurgicale et le choixde la technique la plus appropriée.

Imagerie par résonance magnétique

L’IRM conventionnelle permet de déceler de façonfiable les pathologies malformatives, inflammatoi-res et néoplasiques, et donc de dépister la plupartdes névralgies trigéminales symptomatiques. Ellepermet en outre d’étudier la morphologie de lafosse cérébrale postérieure et de la base du crânedont les anomalies peuvent jouer un rôle dans lagenèse de certaines névralgies. Mais l’IRM conven-tionnelle, même si elle comporte des incidencesobliques selon l’axe du trijumeau, n’est pas suffi-samment performante pour identifier les conflitsvasculonerveux.Pour avoir le maximum de chances de visualiser

ces conflits, il faut faire appel aux trois typesd’exploration IRM suivants.

• L’angio-RM, en séquence fast field echo (FFE),plan axial, avec coupes de 0,6 mm jointives,fournit des images bien contrastées entre lesvaisseaux (y compris de petit calibre, c’est-à-dire d’ordre millimétrique), le tissu nerveux etle liquide cérébrospinal de la citerne de l’anglepontocérébelleux. Dans l’étude récente de Pa-tel et al.,2 l’angio-IRM montrait des images deconflits vasculonerveux en accord avec les don-nées opératoires chez 76 des 92 patients explo-

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rés. Elle ne décelait aucune anomalie particu-lière chez les 16 autres patients, correspondantà une exploration négative à l’intervention danshuit cas, mais constituant un faux-négatif dansles huit autres cas où existait un conflit vasculo-nerveux à l’intervention. En d’autres termes,l’angio-IRM avait un taux de sensibilité de 91 %.Dans cette même étude, l’angio-RM montraitdes images compatibles avec un conflit vasculo-nerveux de façon bilatérale chez 17 patientsporteurs d’une névralgie strictement unilaté-rale, ce qui en d’autres termes correspondait àun taux de faux-positifs de 18,5 %.

• Les IRM 3D, en plan axial, de type fast inflowwith steady-state precession (FISP) ou de typemagnetization-prepared rapid acquisitiongradient-echo (MP-RAGE) se sont révélées plusdémonstratives que l’IRM conventionnelle pourla mise en évidence des relations vaisseaux-nerfs.

• L’IRM constructive interference steady-state(CISS de chez Siemens) ou DRIVE (de chez Phi-lips) permet d’obtenir les images anatomiquesles plus fines des nerfs et des vaisseaux, et doncune mise en évidence plus fiable des conflitsvasculonerveux.Si certaines équipes se fient de façon préféren-

tielle à l’IRM pour poser l’indication opératoire dedécompression vasculaire, d’autres, dont les nô-tres, tout en tenant compte de l’imagerie préopé-ratoire, préfèrent prendre la décision chirurgicaleessentiellement sur les données cliniques.

Données anatomopathologiques

La plupart des publications rapportant les consta-tations opératoires faites chez les patients ayant euun abord de la racine trigéminale pour décompres-sion microchirurgicale font état d’un fort pourcen-tage de cas avec compression vasculaire de la ra-cine, au voisinage de son entrée dans le tronccérébral (en moyenne : 93 %).Dans notre série de 579 patients opérés et rap-

portés récemment,3 96,7 % avaient un vaisseau enposition conflictuelle, allant du stade de simplecontact (grade I) à celui d’incrustation (grade III),en passant par celui de déplacement de la racine(grade II). En d’autres termes, seulement 3,3 % despatients de la série ne présentaient aucun conflitvasculonerveux visible à l’exploration minutieusesous fort grossissement du microscope opératoire.L’agent vasculaire responsable était une artère cé-rébelleuse supérieure (seule ou en association avecun autre, ou plusieurs autres, vaisseaux conflic-tuels) dans 88 % des cas, une artère cérébelleuse

antéro-inférieure (seule ou en association) dans25,1 % des cas, une veine enchâssée dans la racine(isolément ou en association) dans 27,6 % des cas,une artère vertébrobasilaire (seule ou en associa-tion) dans 3,5 % des cas. Fait capital, et expliquantces pourcentages (dont la somme est supérieure à100 %), il existait plusieurs vaisseaux conflictuels enassociation chez le même patient, dans 37,8 % descas. Le fait de ne pas les reconnaître tous, et doncde les traiter tous, pourrait aboutir à un échec ouune récidive de la névralgie. Le degré d’importancedu conflit était un simple contact entre vaisseau etnerf (grade I) dans 17,6 % des cas, une distorsion dunerf (grade II) dans 49,2 % des cas, et une indenta-tion marquée sur le trijumeau (grade III) dans33,2 % des cas.En association aux conflits vasculonerveux ont

été observées, souvent, d’importantes altérationsde la racine. Chez 42 % des patients, existait uneatrophie globale de la racine, correspondant vrai-semblablement à une neuropathie coexistant avecle ou les conflits vasculonerveux. Chez 18,2 % despatients, existait un épaississement de l’arach-noïde, adhérant à la racine. Chez 12,6 % des pa-tients, la racine faisait une angulation marquée àson passage sur le bord supérieur du rocher, à sasortie du cavum de Meckel. Enfin, 3,9 % des pa-tients avaient une racine comprimée entre le pontet la surface de la pyramide pétreuse du fait de lapetitesse de la fosse postérieure, responsabled’une absence de citerne. Toutes ces associationspathologiques doivent être prises en considérationlors de la décompression chirurgicale du nerf.

Techniques neurochirurgicales

Évolution des techniques - historique 1,4,5

La première intervention proposée fut la gassérec-tomie ; imaginée par Ewing Wears (1885), elle futexécutée peu après par Roos (1890) puis Hartley,Horsley et Cushing. Mais elle fut rapidement aban-donnée du fait de la survenue fréquente de kérati-tes et d’anesthésie douloureuse de la face.C’est Frazier (1901) qui, à l’instigation de

Spiller, mit au point la neurotomie rétrogassé-rienne par voie sous-temporale extradurale. PuisDandy (1920) développa la radicotomie juxtaprotu-bérantielle par voie sous-occipitale latérocérébel-leuse ; limitée à la pars major, elle permet d’obte-nir une analgésie sans anesthésie complète del’hémiface.En 1938, Sjoqvist réalisa la tractotomie trigémi-

nale, intervention qui sectionne au niveau dubulbe, le tractus descendant spinal du trijumeau,

19Névralgie du trijumeau et neurochirurgie

vecteur des fibres de la sensibilité thermoalgésiquefaciale. Celle-ci fut ensuite affinée et populariséepar Kunc (1970).En 1952, Taarnhoj, estimant que la névralgie

faciale pouvait être due à une compression duganglion de Gasser par une sclérose des parois ducavum de Meckel, proposa d’effectuer une décom-pression du ganglion par ouverture du toit du ca-vum. Cette technique, dont l’intérêt était d’êtreconservatrice, fut abandonnée en raison de nom-breuses récidives. Peu de temps après (1955), in-terprétant les bons résultats immédiats obtenus parla méthode de Taarnhoj comme dus au trauma-tisme opératoire des fibres nerveuses, Shelden mitau point une intervention de compression ménagéedu ganglion par abord direct.Dans le même temps, en raison des échecs et des

risques des interventions neurochirurgicales parabord direct, se développèrent des techniques per-cutanées d’alcoolisation des branches périphéri-ques et du ganglion de Gasser. Cette dernière futproposée dès 1906 par Taptas. Harris (1912) endécrivit la voie d’abord latérale, et Hartel (1913) lavoie par le foramen ovale. Au lieu d’alcool, Jaegerproposa, en 1957, l’injection d’eau chaude au ni-veau du ganglion, et Jefferson, en 1963, de phénol(1/20e dans la glycérine). En 1941, Kirschner déve-loppa l’électrocoagulation du ganglion par appro-che stéréotaxique du foramen ovale, qui ne connutpas de grande expansion du fait de ses fréquentescomplications. Cette technique fut améliorée, enparticulier par Thiry (1962) qui utilisa un courant demoindre intensité de façon à éviter la perte totalede la sensibilité tactile, puis par Schürmann (1972)qui remplaça l’anesthésie générale par une neuro-leptanalgésie pour contrôler en peropératoire leseffets de la coagulation.Sweet (1969) la raffina encore pour en faire

l’actuelle thermocoagulation différentielle contrô-lée du trijumeau, en lui adjoignant l’utilisationd’un générateur à haute fréquence comme sourcede chaleur, d’une thermistance pour mesurer avecprécision la température délivrée en bout d’élec-trode, et d’une anesthésie lors des temps doulou-reux de l’intervention, de très brève durée pourpermettre la coopération du malade. Cette der-nière méthode permet d’obtenir une analgésie sansanesthésie complète et du seul territoire doulou-reux. Toujours dans le cadre des techniques percu-tanées, Hakanson introduisit en 1981 la neurolysechimique du ganglion de Gasser par injection deglycérol dans la citerne trigéminale par la voie duforamen ovale. Également par la même voie, Mul-lan développa en 1979 la méthode de compressionpercutanée du ganglion de Gasser par ballon gon-flable.

Leksell (1951) appliqua la technique de radiochi-rurgie stéréotaxique par gamma-knife à la névral-gie du trijumeau, en prenant pour cible le ganglionde Gasser. Cette méthode ne perdit son caractèreanecdotique qu’à l’avènement de l’IRM fine quirendit possible le guidage du rayonnement.Parallèlement à ces méthodes destructrices se

développa, par étapes successives, la méthodeconservatrice de décompression vasculaire micro-chirurgicale. Cette méthode repose sur la constata-tion (fréquente) faite par Dandy en 1934, puisLazorthes en 1964, de conflits vasculaires chez lesmalades opérés dans l’angle pontocérébelleux pournévralgie essentielle (de façon à l’époque à y réa-liser une radicotomie juxtaprotubérantielle). Ladécompression vasculaire, réalisée pour la pre-mière fois par Gardner en 1959, fut ensuite popula-risée par voie sous-temporale extradurale transten-torielle par Jannetta dès 1966, puis par Hardy etProvost par voie rétromastoïdienne en 1970. C’estcette dernière voie qui est maintenant pratiquée,particulièrement depuis que Jannetta l’a codifiéeen y adaptant les techniques microchirurgicales.

Techniques actuelles

Ne sont actuellement utilisées couramment que lestechniques suivantes.

Thermocoagulation, percutanée,rétrogassérienneCette technique mise au point par Sweet6 reposesur deux bases anatomophysiologiques. Des tempé-ratures de 60 à 70° sont capables de détruire lesfibres responsables de la névralgie en laissant per-sister des fibres de la sensibilité tactile, ce quiaboutit à obtenir une analgésie sans anesthésiecomplète du territoire opéré. La somatotopie desfibres rétrogassériennes permet de placer l’élec-trode de telle sorte que la thermocoagulation n’at-teigne que les fibres correspondant au territoiredouloureux.L’électrode est introduite à travers la joue et le

foramen ovale (voie de Hartel), puis poussée posté-rieurement jusqu’au bord supérieur du rocher, souscontrôle radiologique et brève anesthésie généraleintraveineuse de quelques minutes. Dans cette lo-calisation radiologique l’extrémité de l’électrode,est en principe au niveau rétrogassérien, en l’occu-rence le plexus triangulaire. La vérification de laposition de l’extrémité de l’électrode au niveau desfibres correspondant à la zone-gâchette est faitepar électrostimulation. Dans notre procédure,7 uncourant de 5 Hz (à l’intensité – seuil de 0,2 ± 0,1 V)est utilisé pour provoquer non seulement des pares-thésies perçues par le patient mais aussi des répon-

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ses cloniques musculaires (à type de réflexes trigé-minofaciaux) au niveau de la face observées parl’opérateur. Les fibres du V3 (mandibulaires) sonten position inférolatérale, celles du V2 (maxillai-res) intermédiaire et celles du V1 (ophtalmiques)supéromédiane, au niveau du plexus triangulaire.C’est en effet à ce niveau – portion jonctionnelleentre ganglion de Gasser et racine trigéminale – quese trouve la meilleure cible pour réaliser la thermo-lésion.8 La survenue de réponses musculaires mas-ticatrices pour une stimulation électrique à inten-sité faible (< 0,5 V) indiquerait que l’électrodeserait située trop près des fibres de la racine mo-trice. Une fois l’électrode vérifiée en bonne place,la thermolésion est faite sous brève anesthésiegénérale intraveineuse (généralement propofol),suffisamment légère pour vérifier le réflexe cor-néen durant les 30 à 60 secondes de la coagulation.Le critère d’efficacité de la thermocoagulation estl’obtention d’une analgésie à la piqûre sans pertecomplète de la sensibilité tactile et cornéenne,bien centrée sur la zone-gâchette et couvrant latotalité du territoire névralgique.Pour ce texte, les principales publications de la

littérature comportant des reculs postopératoiresimportants ont été revues. Ces publications totali-sent 6 572 patients opérés et suivis pendant 5 à8 ans en moyenne selon les séries, avec des extrê-mes de 1 à 10 ans pour celles aux reculs les pluscourts et de 1 à 25 ans pour celles aux reculs les pluslongs. Une sédation initiale complète était obtenuedans 98 % ± 1 % des cas selon les séries. Le taux derécidives était de 13 à 37 % ; ce taux était d’autantmoins élevé que le degré d’hypoesthésie postopé-ratoire était plus important. La mortalité s’élevaità approximativement 1/1000. 5,9

Dans notre série de 1 752 cas opérés et suivisavec un recul de 1 à 26 ans,10 le taux de sédationcomplète de la douleur était de 99 % et le taux derécidives de 7 %. Ce taux relativement faible a étéobtenu au prix d’une hypoesthésie marquée duterritoire névralgique dans la plupart des cas. Cettehypoesthésie était gênante dans 5 % des cas seule-ment.Les complications d’une thermocoagulation

(lorsqu’elle est exagérée) sont : l’anesthésie dou-loureuse (1 %), l’anesthésie cornéenne avec kéra-tite rebelle (1,5 %), l’atteinte déficitaire du nerftrochléaire (0,5 %), une paralysie masticatrice : leplus souvent temporaire (20 %) mais parfois persis-tante et gênante (2 %).10

Délicate à réaliser, la thermocoagulation rétro-gassérienne, lorsqu’elle est faite avec précision,permet une analgésie durable de la seule zonedouloureuse. Elle n’a pas de contre-indicationd’âge ; nombre de séries comportent plusieurs pa-tients nonagénaires.

Compression par ballon, percutanée,du ganglion de GasserCette technique mise au point par Mullan11 est unevariante de celle proposée par Shelden12 qui consis-tait en une compression à ciel ouvert du ganglion deGasser abordé par une craniotomie sous-tempo-rale. L’intervention percutanée est réalisée sousanesthésie générale de brève durée en raison deson caractère douloureux et sous contrôle radiosco-pique. Le premier temps consiste en l’introductiond’un trocart de grand diamètre par le foramenovale (voie de Hartel) jusqu’au niveau du cavum deMeckel. Par le trocart est introduite une sonde deFogarty n° 4 de telle sorte que seule l’extrémitégonflable dépasse de l’aiguille d’environ 15 mm. Oninjecte ensuite 1 ml d’un produit de contraste(Iopamiron® par exemple) dans la sonde de Fogartyet l’on en contrôle les effets sur les clichés radio-graphiques de profil, en particulier sa déformationen « poire » dont la queue correspond au porus ducavum de Meckel vers la citerne de l’angle ponto-cérébelleux. La durée préconisée de la microcom-pression est de l’ordre de 1 minute seulement, defaçon à ce que le risque de dysesthésies invalidan-tes ne dépasse pas 5 %.La revue que nous avons faite des principales

séries de la littérature qui comportent une étudedes résultats à distance regroupe 806 cas. Le pour-centage de sédation complète et immédiate étaitde 62,5 % à 100 %, selon les séries. Le taux d’échecou de récidive était de 10 à 58 % selon les séries, làencore d’autant moins important qu’existait unehypoesthésie nette laissée par la chirurgie. En cequi concerne les complications, il est fait mentiond’un cas de décès par hémorragie sous-arachnoï-dienne massive, vraisemblablement liée à une ef-fraction de la carotide. Le pourcentage de dyses-thésie était de 4 à 20 %, celui de parésiemasticatrice de 3 à 13 %. En revanche, aucunepublication ne faisait mention de kératite oud’anesthésie douloureuse proprement dite.Moins précise que la technique précédente et

nécessitant une anesthésie générale, la compres-sion par ballon a l’avantage d’exposer à un risquemoindre d’anesthésie cornéenne durable et doncde kératite ; mais elle a l’inconvénient d’être suivied’un taux d’échec ou de récidive plus important.

Injection de glycérol, percutanée, dansla citerne trigéminaleLe traitement de la névralgie du trijumeau parneurolyse au glycérol du ganglion de Gasser est néd’une découverte fortuite. Depuis les années 1950,Leksell et al. traitaient la névralgie faciale parl’irradiation stéréotaxique du ganglion de Gasserpar un rayonnement gamma ; pour faciliter le repé-

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rage radiologique de la cible, était injecté dans laciterne trigéminale un produit opaque dilué dans duglycérol. Il fut alors observé que cette seule injec-tion pouvait faire céder les crises douloureusesparoxystiques. Aussi, Hakanson13 proposa-t-il detraiter la névralgie du trijumeau par une injectionde glycérol dans la citerne trigéminale. La procé-dure est la suivante : le malade est installé enposition assise, tête fléchie ; un trocart est intro-duit sous anesthésie locale dans le foramen ovale,puis poussé sous contrôle radiographique jusquedans la citerne trigéminale. Dès que l’extrémité dutrocart est en place, ce qui se traduit par uneémission de liquide céphalorachidien, on injecte duproduit de contraste (métrizamide). Après cettecisternographie, le produit de contraste est vi-dangé, puis du glycérol est injecté par petites dosesjusqu’à obtention d’une hypoesthésie satisfaisantedans le territoire douloureux (la dose totale deglycérol est en règle de 0,2-0,4 ml).D’après la revue des grandes séries de la littéra-

ture, totalisant 1 310 cas, avec des reculs de 1 à10 ans, la neurolyse au glycérol s’est soldée par unesédation immédiate de 72 % à 95 %, et le taux derécidive était de 13 % à 56 %, selon les séries. Lespourcentages moyens des principales complicationsétaient les suivants : diminution de la sensibilitéfaciale avec dysesthésies : 30 %, kératites rebelles :5 %, éruptions herpétiformes : 50 %.Cette technique à l’avantage de ne pas être

coûteuse ; mais la diffusion du glycérol aux espacessous-arachnoïdiens ne peut être aisément contrô-lée, exposant à des effets quelque peu aléatoires.

Traitement stéréotaxique, radiochirurgical,du trijumeauLeksell fut le premier à avoir traité la névralgie dutrijumeau par des rayons gamma dirigés sur leganglion de Gasser.14 Les difficultés de repérage dela cible, l’absence de consensus quant aux doses àutiliser, et le succès des autres traitements chirur-gicaux ont fait que cette méthode est restée long-temps anecdotique. Un nouvel intérêt est apparuau début des années 1990, lorsque la résolution del’IRM a permis de localiser avec précision la racinepostérieure du trijumeau, et lorsqu’il est apparuque la radiochirurgie pouvait être utile en cas derécidive après traitements traditionnels, au traversd’une étude multicentrique.15 Cette étude a portésur 50 patients, dont 32 (64 %) avaient déjà subi uneou plusieurs autres interventions chirurgicales. Lesauteurs avaient choisi de faire porter l’irradiationsur la partie juxtapontique de la racine posté-rieure, où la myéline est de type « central » (oligo-dendrocytaire) et donc a priori plus sensible auxeffets des radiations, et où existe un regroupement

compact des fibres permettant l’irradiation globaledu nerf avec un petit volume-cible. Dans cette sérieoù les doses utilisées variaient entre 60 et 90 Gy, lesdouleurs avaient totalement disparu dans 29 cas(58 %) ; elles avaient diminué d’environ 50 % entermes de fréquence et d’intensité dans 18 autrescas (36 %) ; finalement, seuls trois patients (6 %)n’avaient pas eu d’efficacité.Un premier point important est que les effets de

la radiochirurgie sont généralement retardés, de1 mois à 6 mois selon les patients. Le deuxièmepoint est qu’il existe une dose seuil de 70 Gy ; eneffet, 72 % des patients ayant reçu une dose égaleou supérieure à 70 Gy avaient eu une sédationtotale de leurs douleurs, tandis que ceux quiavaient reçu une dose inférieure avaient eu unéchec. D’après Régis (communication personnelle),la dose de 80 Gy est celle qui permet d’espérer lesmeilleurs résultats. En revanche, ni l’âge, ni lesexe, ni les antécédents chirurgicaux ne semblentavoir d’influence pronostique.Une étude à long-terme des résultats s’avère

nécessaire pour statuer sur l’efficacité réelle decette méthode.

Décompression vasculaire microchirurgicaleL’intervention est fondée sur le fait d’observationque dans 95 % des névralgies essentielles existe unconflit vasculonerveux entre le nerf trijumeau etun vaisseau de voisinage :16–18 rarement une veine,le plus souvent une artère cérébelleuse devenueune mégadolichoartère sous l’effet de l’âge(comme cela est décrit dans le paragraphe : Don-nées anatomopathologiques).La compression vasculaire entraîne une

distorsion-compression du nerf. En outre, les pulsa-tions du vaisseau provoquent des lésions chroniquesdes fibres nerveuses, en particulier au niveau de lazone d’entrée de la racine dans le tronc cérébral, àl’origine de véritables « court-circuits » entre lesfibres, par démyélinisation segmentaire (éphap-ses).Le principe de l’intervention de décompression

de Gardner-Jannetta, qui est « conservatrice »,consiste à libérer la racine du trijumeau de lacompression vasculaire, par une séparation minu-tieuse du nerf et du vaisseau, et à maintenir levaisseau conflictuel à distance par une prothèseconçue à cet effet.Cette intervention,19 d’une durée de 2 heures

environ, est faite sous anesthésie générale et àl’aide des techniques microchirurgicales. Elleconsiste en une petite ouverture de 15 mm dediamètre en arrière de la mastoïde, un abord mi-crochirurgical du trijumeau à la partie supérieurede l’angle pontocérébelleux, une séparation des

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éléments du conflit vasculonerveux, un écartementdu vaisseau conflictuel. Lorsqu’il s’agit d’une ar-tère, elle est maintenue à distance par un petitécran de Téflon®, si possible sans contact avec lenerf pour éviter toute néocompression.20 Lorsquele conflit est une veine, celle-ci, généralement unebranche de la veine pétreuse supérieure, est coa-gulée puis sectionnée.19

La revue des grandes séries de décompressionvasculaire microchirurgicale de la littérature faitapparaître des résultats similaires entre les sé-ries.1,10,25 Dans 90 à 95 % des cas étudiés(2 344 cas), il existait une disparition immédiate etcomplète des douleurs. Le taux de récidives variaitde 10 à 25 % selon les séries ; le plus souvent, ellesavaient eu lieu dans les 3 premières années suivantl’opération. Dans notre série de 579 cas suivis avecun recul de 3 à 20 ans (9 ans en moyenne),10 le tauxde succès est de 76,1 %. La mortalité est de 0,3 % etles complications sévères (accident vasculaire cé-rébelleux secondaire aux manipulations artérielles)également de 0,3 %. Les voies microchirurgicales,mini-invasives, rendent les complications neurolo-giques sur les nerfs crâniens de voisinage (IV, VII,VIII, ...) exceptionnelles. Conservatrice, la décom-pression vasculaire microchirurgicale n’entraîneque très rarement d’hypoesthésie ou deparesthésies-dysesthésies du trijumeau.En cas d’échec ou de récidive, la réintroduction

d’un traitement médical à type d’anticonvulsivantset/ou d’imipraminiques peut de nouveau contrôlerla névralgie. Si le traitement médical s’avère ino-pérant, on peut alors avoir recours à une techniquepercutanée de destruction sélective, ou à la radio-chirurgie.

Indications chirurgicales

Décision de chirurgie

Certains chirurgiens considèrent, depuis la recon-naissance des conflits vasculonerveux à l’origine dela plupart des névralgies dites essentielles, que ladécompression vasculaire, traitement conserva-teur, doit être proposée d’emblée. Pour notre part,comme pour beaucoup d’autres équipes neurochi-rurgicales, nous considérons qu’il est préférableque la névralgie soit soumise en premier lieu à untraitement médical, complet et prolongé, mêmes’il s’agit d’ une affection de cause “chirurgicale”.Pour la plupart des chirurgiens, les critères d’in-

dication chirurgicale sont les suivants.• névralgie trigéminale dont le caractère essen-tiel a été vérifié ;

• durée d’évolution suffisante pour être assuréqu’il s’agit d’une névralgie invalidante, c’est-à-dire à crises fréquentes et avec peu de tendanceà des périodes de rémission prolongées ;

• échec du traitement médicamenteux bienconduit et/ou intolérance à celui-ci. Nous consi-dérons comme intolérance, non seulement lescomplications et les effets secondaires néfastesayant conduit à arrêter le (ou les) médicament(s) en cause, mais aussi l’asthénie et le ralentis-sement intellectuel. La chirurgie est maintenantsuffisamment efficace pour qu’il ne soit plusjustifié de prolonger exagérément un traite-ment médical devenu peu efficace malgré l’aug-mentation des doses, et/ou asthéniant, reten-tissant sur la qualité de vie du patient.

Choix de la technique neurochirurgicale

Le choix du traitement neurochirurgical est difficileet encore controversé.Avant d’en débattre, il est important de prendre

en considération les préliminaires suivants.Le recul est désormais suffisant pour juger l’effi-

cacité à long terme de la décompression vasculairemicrochirurgicale. Deux publications rapportent lacourbe actuarielle des résultats à plus de10 ans.20,21 En bref, le pourcentage de guérison estde 78,2 % à 10 ans et reste à peu près stableensuite.L’étude des résultats obtenus par les techniques

« lésionnelles », c’est-à-dire d’interruption des fi-bres radiculaires du trijumeau, montre qu’il existeune proportionnalité nette entre la durée d’effica-cité de la chirurgie et le degré de l’hypoesthésielaissée par l’intervention, et cela quelle que soit lamodalité technique de la chirurgie utilisée. C’estainsi que pour la thermocoagulation, dans la sériede Sweet6 où le taux de récidives s’élevait à 37 % à6 ans, le degré d’hypoesthésie était mineur (+),tandis que dans notre série10 où le taux de récidivesétait de 7 % à 12 ans, le degré d’hypoesthésie étaitmarqué (+++). Pour la compression par ballon, dansla série où les récidives n’étaient que de 10 %, ilexistait une hypoesthésie marquée dans 40 % descas (Lobato, 1990), alors que dans celle où lesrécidives s’élevaient à 38,5 %, il y avait une hypoes-thésie marquée dans 11 % des cas seulement (Ab-dennebi, 1997). Pour la neurolyse par glycérol,dans la série où le taux de récidives était modéré,13 %, le pourcentage de cas avec hypoesthésiemarquée était de 20 % (Dieckmann, 1987), alors quedans celle où le taux de récidives était de 56 % il n’yavait pas de cas avec hypoesthésie (Fraioli, 1969).Des constatations similaires ont été faites en ce quiconcerne les résultats à long terme de la radiochi-rurgie.22–24

23Névralgie du trijumeau et neurochirurgie

Dans les centres qui peuvent avoir recours auxdifférentes variétés de techniques chirurgicales, leconsensus est le suivant :

• décompression vasculaire microchirurgicale enpremière option ;10,18,25

• si la décompression vasculaire microchirurgicalene paraît pas souhaitable, ou si elle n’est pasinvestie favorablement par le patient, une mé-thode d’interruption percutanée, ou la radiochi-rurgie, peut être indiquée, en sachant que :« pas d’hypoesthésie = récidive, versus, effet delongue durée = un certain degré hypoesthésie ».Le choix (Fig. 1) entre thermorhizotomie, com-

pression par ballon, injection de glycérol, est af-faire de préférence et d’expérience de l’équipe

chirurgicale. La place particulière de la radiochi-rurgie est encore difficile à préciser, les résultatsétant assez différents selon les publications ;22–24 iln’y a pas encore de consensus sur la cible et lesdoses à utiliser.L’algorithme en cas d’échec de la chirurgie est

donné dans la Figure 2.

Conclusion

En pratique, il existe trois types de situationsconcrètes. La première est représentée par lespatients de moins de 70-75 ans, en bon état géné-ral, leur permettant de supporter une anesthésie

Figure 1 DVMC : décompression vasculaire microchirurgicale. Arbre décisionnel : choix de la technique.

Figure 2 Algorithme en cas d’insuccès chirurgical.

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générale de 2 à 3 heures environ. Le choix de ladécompression vasculaire, conservatrice et cura-tive, se justifie, surtout s’il s’agit d’une névralgiedu V1 et/ou du V2. La deuxième est celle despatients très âgés et/ou en état général précaire.Une méthode percutanée est préférable. Le choixde la variété technique est affaire d’école. Quelleque soit la technique choisie, la durée d’efficacitésera proportionnelle au degré d’hypoesthésie sé-quellaire, avec ses conséquences. La radiochirurgiepar gamma-knife peut être une alternative auxméthodes percutanées. Des situations intermédiai-res sont fréquentes. La décision est alors influencéepar les convictions et les compétences de l’opéra-teur. Elle est aussi selon la préférence des patients,lesquels ont bien souvent rencontré, dans leurquête de la guérison, d’autres patients ; ceux-ciporteurs de la même affection et ayant eu recours àla chirurgie, leur ont prodigué des « conseils ».

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25Névralgie du trijumeau et neurochirurgie