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N° d’ordre : 1535 École Doctorale Mathématiques, Sciences de l'Information et de l'Ingénieur UdS – INSA – ENGEES THÈSE présentée pour obtenir le grade de Docteur de l’Université de Strasbourg Discipline : Mécanique et ingénierie des systèmes Spécialité Matériaux par Nicolas BUR Etude des caractéristiques physico-chimiques de nouveaux bétons éco-respectueux pour leur résistance à l’environnement dans le cadre du développement durable Soutenue publiquement le 5 septembre 2012 Membres du jury Directeur de thèse : Mme Françoise FEUGEAS, MdC, INSA Strasbourg Rapporteur externe : Mme Ginette ARLIGUIE, Pr., INSA Toulouse Rapporteur externe : M. Denis DAMIDOT, Pr., Mines de Douai Examinateur : M. Andre LECOMTE, Pr., IUT Nancy-brabois Examinateur : M. Yves GERAUD, MdC, UdS-IPGS Examinateur : M. Christophe FOND, Pr., IUT Illkirch IMFS FRE 3240

Nicolas BUR Etude des caractéristiques physico-chimiques de

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  • N dordre : 1535

    cole Doctorale Mathmatiques, Sciences de l'Information et de l'Ingnieur

    UdS INSA ENGEES

    THSE

    prsente pour obtenir le grade de

    Docteur de lUniversit de Strasbourg Discipline : Mcanique et ingnierie des systmes

    Spcialit Matriaux

    par

    Nicolas BUR

    Etude des caractristiques physico-chimiques de nouveaux btons co-respectueux pour leur rsistance lenvironnement dans le cadre du dveloppement durable

    Soutenue publiquement le 5 septembre 2012

    Membres du jury

    Directeur de thse : Mme Franoise FEUGEAS, MdC, INSA Strasbourg Rapporteur externe : Mme Ginette ARLIGUIE, Pr., INSA Toulouse Rapporteur externe : M. Denis DAMIDOT, Pr., Mines de Douai Examinateur : M. Andre LECOMTE, Pr., IUT Nancy-brabois Examinateur : M. Yves GERAUD, MdC, UdS-IPGS Examinateur : M. Christophe FOND, Pr., IUT Illkirch

    IMFS FRE 3240

  • Rsum

    La comprhension des mcanismes lorigine de la formation de la porosit et de ses proprits dans les matriaux cimentaires est un enjeu majeur pour lvaluation de leur durabilit. Lutilisation des laitiers de haut-fourneau comme liant hydraulique modifie les phases formes, leur proportion et la microstructure des mortiers et btons. Il reste un grand nombre de verrous scientifiques lever concernant les paramtres modifiant les valeurs de porosit, le rayon des capillaires et, par consquent, la permabilit. Des chantillons de mortiers ont t raliss avec diffrents mlanges de CEM I et de laitiers de haut-fourneau puis diffrentes cures ont t utilises afin dvaluer linfluence de la baisse de la temprature ou de lhygromtrie sur la gomtrie de leur porosit. Diffrentes techniques danalyses de porosit et de permabilit ont permis de mettre en vidence principalement une augmentation de la porosit totale et libre, des rayons des capillaires et de la permabilit avec laugmentation de la proportion de laitier et la diminution de lhygromtrie. Des observations au microscope lectronique balayage pression de vapeur deau contrle ont permis de montrer le lien entre louverture des capillaires et lhygromtrie. Ainsi les forces exerces par les pressions de disjonction et les pressions capillaires dforment les hydrates de manire fermer les capillaires avec laugmentation de lhygromtrie. La mise au point dune mthode originale de cartographie de la porosit partir de donnes de conductivit thermique a permis de confirmer la prsence dune peau et de dterminer son tendue. Grce cette technique, il est possible dvaluer la distribution des taux de porosit au travers des chantillons. De plus, une nouvelle approche danalyse a permis de cartographier partir du mme modle la distribution des proportions relatives de granulats.

    Abstract

    In order to evaluate the sustainability of cementitious materials, it is significant to understand the mechanisms linked to the formation of the porosity and to its properties. The use of ground granulated blast-furnace slag as an eco-friendly hydraulic binder influences the hydration processes therefore the phases formed, their proportion and their microstructure of mortar and concrete. Mortar samples were made to evaluate the influences of the blast-furnace slag, its grinding fineness and the influence of temperature or relative humidity of curing on the porosity. The analysis of the mortar samples with complementary measures of porosity allowed us to highlight the increase of the total and free porosity, of the threshold diameter and the absolute permeability with the increase of slag proportion used and the decrease of relative humidity. We also showed a gradual slowing down of capillary absorption kinetics called self-sealing effect and observed the relation between the relative humidity and the capillary aperture with a low vacuum scanning electron microscopy. Thus, the strength of disjunction and capillary pressures applied on the hydrates clog the capillaries with increasing humidity. The development of a novel method for mortar porosity mapping from thermal conductivity data allowed us to confirm the skin presence and its area. This method allows the evaluation of the porosity distribution and the relative proportion of aggregates through the sample.

  • Prambule

    Le travail de thse prsent travers ce document a t ralis lINSA de Strasbourg au sein de lquipe Mcanique et Environnement de LIMFS de Strasbourg. De nombreuses personnes ont contribu sa ralisation et je tiens les en remercier ici.

    Je tiens tout dabord exprimer mes plus sincres remerciements Mme Franoise Feugeas et M. Yves Graud de me lavoir prsent. Je lai rencontr suite mon Master en Sciences de la Terre, o je me suis spcialis dans ltude des proprits physiques et chimiques des roches et de leurs interactions avec les fluides : la ptrophysique. Mon envie dappliquer ces mthodes sur des matriaux cimentaires ma amen travailler sous sa bienveillance et son encadrement, son aide mais galement ses critiques, son soutien ainsi que sa confiance mont permis de mener bien cette tude.

    Je remercie Mme Ginette Arliguie, Professeur lINSA de Toulouse, ainsi que M. Damidot, Professeur lcole des Mines de Douai, davoir accept de rapporter de ce travail. Je remercie galement M. Andr Lecomte, Professeur lIUT de Nancy-Brabois ainsi que M. Christophe Fond, Professeur lIUT Robert Schuman dIllkirch, davoir accept dtre examinateur de mes travaux.

    Je souhaite remercier chaleureusement Karine Metzinger et Claude Geist pour leur soutien et leur aide lors des diffrentes exprimentations mais aussi pour leur bonne humeur quils savent partager gnreusement.

    Cette tude a t mene avec le soutien financier de la Rgion Alsace et je la remercie de mavoir donn les moyens financiers de mener ces travaux par le biais dune bourse de thse. Je souhaite galement remercier la socit Holcim et plus particulirement Messieurs Charron et Vuillemin davoir cofinanc et particip ce travail.

    Arnaud, merci pour tout le temps pass ces longues discussions autour dun caf. Trop de gens ne conoivent malheureusement pas le nombre dide ni mme le nombre de problme qui se rsolvent autour dun caf !

    Sbastien, ton incommensurable soutien et tes encouragements inflexibles mont permis de traverser divers preuves et de venir bout de ce travail. Merci !

    Fanny, merci de mavoir support pendant la rdaction de ce mmoire. Merci davoir support mes humeurs et mes absences. Merci pour ton soutien, tes encouragements et ton aide. Merci galement de mavoir fait comprendre qu Il ne faut pas attendre dtre parfait pour commencer quelque chose de bien , je noublierai pas cette rfrence lAbb Pierre (1912-2007), Servir, 2006.

    Enfin, ces remerciements ne seraient pas complets si je ne remerciais pas mes parents, ma soeur et mon frre ainsi quEvelyne et Claude pour leur accueille.

  • Avoir tort est faussement associ lchec, alors que, en fait, tre dtromp devrait tre clbr car il lve une personne un nouveau niveau de comprhension, favorisant ainsi une prise de conscience

  • Table des matires

    Introduction ..........................................................................................11

    I. Ciments de haut-fourneau et porosit .................................... I-17

    1. Dveloppement durable et impact environnemental des matriaux cimentaires ..................................................................... I-20

    2. Les ciments de haut-fourneau.......................................................... I-24 2.1. Le laitier de haut-fourneau ................................................................. I-24 2.2. Le clinker ................................................................................................. I-25 2.3. Spcificits des ciments de haut-fourneau : CEM III .................... I-27

    3. Porosit des matriaux cimentaires ............................................... I-29 3.1. Mcanismes dhydratation des ciments ........................................... I-30 3.2. Minralogie et microstructure de la matrice cimentaire ............ I-34 3.3. La structure poreuse des matriaux cimentaires.......................... I-39

    4. Proprits de transfert de fluides des mortiers........................... I-45 4.1. Proprits fluides/matriaux............................................................. I-45 4.2. Transferts de fluides Rle de la microstructure ........................ I-49

    5. Conclusions.......................................................................................... I-51

    II. Matriaux et outils de caractrisation de la porosit ...... II-53

    1. Fabrication des chantillons .......................................................... II-56 1.1. Caractrisation des ciments .............................................................. II-57 1.2. Caractristiques des mortiers ltat frais ................................... II-63 1.3. Cure.......................................................................................................... II-65 1.4. Schage des chantillons .................................................................... II-66

    2. Caractrisation de la gomtrie de la porosit .......................... II-67 2.1. Observations MEBE.............................................................................. II-67 2.2. Porosit accessible leau ................................................................. II-68 2.3. Porosimtrie par injection de mercure........................................... II-70 2.4. Imbibition capillaire ............................................................................ II-75 2.5. Permabilit .......................................................................................... II-77

    3. Conclusion ......................................................................................... II-85

  • III. Mise au point dune technique originale danalyse de la conductivit thermique des mortiers ............................. III-87

    1. Mise au point de la mthode ..........................................................III-90 1.1. La conductivit thermique ............................................................... III-90 1.2. Principe et limite de la technique de mesure sans contact ...... III-93 1.1. Porosit et conductivit thermique ............................................... III-96 1.2. Adaptation du protocole de mesure pour les mortiers ............. III-99 1.3. Validation du protocole................................................................... III-108

    2. Rsultats ......................................................................................... III-109 2.1. Une htrognit de la structure poreuse : la peau............... III-109 2.2. Analyse de la structure solide du matriau ............................... III-118 2.3. Conclusions ........................................................................................ III-125

    IV. Etude de la porosit des mortiers en fonction des cures, composition et finesse de mouture des ciments ........ IV-127

    1. Rsultats .......................................................................................... IV-129 1.1. Porosimtrie ...................................................................................... IV-129 1.2. Permabilit ....................................................................................... IV-137 1.3. Cintique dabsorption capillaire ................................................. IV-139 1.4. Conclusion .......................................................................................... IV-142

    2. Influence de la cure ....................................................................... IV-143 3. Influence de la proportion laitier............................................... IV-152 4. Influence de la finesse de mouture ............................................ IV-159 5. Relation entre porosit capillaire et hygromtrie .................. IV-163 6. Conclusion....................................................................................... IV-169

    Conclusions et perspectives ............................................................171

    Rfrences bibliographiques ..........................................................179

    Publications et communications lies aux travaux de thse ....191

    Publications et communications connexes...................................195

    Liste des figures .................................................................................199

    Liste des tableaux ..............................................................................207

    Annexes ...............................................................................................211

  • 11

    Introduction

  • Introduction

    13

    Parmi les nombreux matriaux de construction, les matriaux hydrauliques prsentent lavantage dtre modelables. Vers 2600 ans av. J.-C., les gyptiens ont commenc utiliser des mortiers pour les joints, parements et les fixations de cramique : il sagissait dun mlange de chaux, d'argile, de sable et d'eau. Il y a plus de deux mille ans, les Romains ont amlior la prise et le durcissement de ce liant en ajoutant de la terre volcanique de Pouzzoles de la chaux vive obtenue par cuisson du calcaire et ont ainsi invent le bton, mlange de granulats, sables, de liant hydrauliques et deau. Cette gnralisation de l opus caementicium , cest--dire de la construction en bton, a favoris les ralisations remarquables de larchitecture romaine en Europe et sur tout le pourtour mditerranen [Malier, 2007].

    Il existe de nombreux vestiges constitus de btons anciens tels que, par exemple, la coupole du panthon de Rome. Aprs plusieurs sicles de rupture, les ralisations douvrage en bton se sont multiplies la fin du XIXime aprs lapplication du bton arm au btiment Saint-Denis en 1852. Sen suit un sicle de trs fort dveloppement marqu par des constructions exceptionnelles et linvention de la prcontrainte en 1928. De nos jours, tout en tant utiliss pour la ralisation douvrages et dobjets courants (rseaux dassainissement, habitat individuel et collectif, infrastructures, mobilier de jardin, etc.), ces matriaux hydrauliques permettent la ralisation douvrages exceptionnels (Burj Khalifa, plus haute tour du monde avec 828 mtres Duba, barrage de Grand Coulee dans ltat de Washington, barrage des Trois Gorges en Chine) ainsi que de franchir dimportants obstacles naturels (pont Vasco de Gama Lisbonne, pont de lresund entre le Danemark et la Sude).

    De plus, de par leurs caractristiques ltat frais (plastique/fluide, aptitude tre mouls) comme ltat durci (rsistances mcaniques, etc.), les btons sont utiliss pour raliser des gomtries complexes qui refltent laudace architecturale permettant la fois la valorisation du paysage urbain et lintgration des structures dans le paysage naturel (viaduc de Millau, tunnel du Mont-Blanc, tunnel du Mont Saint-Gothard). Le bton est donc devenu le matriau de construction le plus utilis au monde avec prs dun mtre cube coul par an et par habitant.

    Depuis la fin du XXime sicle, la matrise des missions de gaz effet de serre est devenue un enjeu mondial majeur (sommet de Copenhague, dcembre 2009). Lutilisation de matriaux dorigine industrielle comme le laitier de haut-fourneau se substituant au clinker, principal constituant des ciments courants, permet dviter les missions de CO2 lies sa production. Elle a t dveloppe comme une alternative permettant la fois une rduction des rejets ainsi quune conomie dnergie primaire pour aboutir la fabrication de ciment co-respectueux. Cette substitution permet la ralisation de nombreuses nuances cimentaires et ainsi de diversifier les performances, la qualit et lutilisation du produit fini quest le ciment.

  • 14

    Le comportement des ciments au laitier de haut-fourneau ou GGBS (pour Ground Granulated Blast-furnace Slag) a fait lobjet de peu dtudes approfondies et la comprhension des phnomnes qui interviennent lors de leur mise en uvre est donc ncessaire afin de prvoir leur comportement long terme dans des environnements plus ou moins agressifs et ainsi les amliorer. Une modlisation pertinente de leur comportement implique la connaissance des caractristiques microstructurales et des proprits de transfert des btons labors avec ces ciments. Une des caractristiques les plus importantes est la texture, cest dire la faon dont sarrangent la matire et les vides qui composent le matriau. Elle influence la fois les proprits mcaniques et les changes avec le milieu environnant dfinis par les proprits de transfers de fluides. Ces dernires sont intimement lies la rsistance chimique du ciment dans de nombreux problmes de durabilit (transport de chlore, pigeage de matire radioactive,).

    Comme tous les matriaux, les btons et mortiers vieillissent. Ce vieillissement se manifeste par lvolution du matriau lie aux interactions avec le milieu auquel il est soumis et est influenc par des facteurs physiques, chimiques ou encore biologiques qui agissent gnralement en synergie. Vis--vis de la durabilit du matriau, la matrice cimentaire doit assurer la cohsion du matriau mais les interactions avec lenvironnement de service peuvent modifier sa chimie et donc ses proprits physiques. La structure poreuse des matriaux cimentaires est en partie constitue de pores dhydrates (matrice cimentaire) et de pores capillaires influencs, entre autres, par la prsence de granulats. Cest cette porosit capillaire qui influence, en fonction de son degr de connexion, les proprits de transfert de fluides et donc la pntration des agents agressifs dans les btons. La durabilit de ces btons co-respectueux est ainsi dpendante de la porosit de ceux-ci. Une caractrisation approfondie de leur rseau poreux est donc ncessaire car la pntration dagents agressifs comme les chlorures, les sulfates et les acides se fait via cette porosit.

    Les nombreux travaux sur la durabilit des btons cherchent mettre en cohrence leur formulation et la dure de vie attendue des ouvrages. Depuis la naissance de lindustrie cimentire vers 1850, de nombreuses tudes ont t menes afin damliorer la rsistance des btons aux diffrents types denvironnements auxquels ils sont exposs. Dans un environnement donn, la durabilit des btons est fonction de la composition initiale (ptrographie des granulats et chimie du ciment) ainsi que de la mise en uvre et de la cure qui influencent leurs caractristiques physiques telle que la porosit. Si les paramtres comme la chimie des ciments sont beaucoup tudis, les interactions entre chimie des ciments, paramtres de cures et finesses de mouture sont trs peu abordes. En effet, lintroduction de laitier de haut-fourneau dans la composition du ciment ainsi que la taille des grains de ciment et les conditions de temprature et dhygromtrie impliquent une modification dans la proportion et la nature des hydrates forms.

  • Introduction

    15

    Lobjectif de ce travail est ainsi dapprofondir les connaissances sur les volutions de la microstructure de mortiers (compos de pte de ciment et de sable) en fonction de la quantit de laitier de haut-fourneau introduite. Il se dcline en quatre parties :

    - Ciments de haut-fourneau et porosit ; - Matriaux et outils de caractrisation de la porosit ; - Mise au point dune technique originale danalyse de la conductivit

    thermique des mortiers ;

    - Etude de la porosit des mortiers en fonction des cures, composition et finesse de mouture des ciments.

    La premire partie commence par expliquer le choix du laitier de haut-fourneau comme substitut au clinker dans une dmarche de dveloppement durable. Elle explique ensuite les spcificits de ces ciments de haut-fourneau et leurs proprits reconnues. Les mcanismes dhydratations des ciments sont alors voqus pour expliquer pourquoi des diffrences dans la minralogie, la microstructure et donc dans la gomtrie de la porosit sont attendues. Enfin, le lien entre la microstructure et les proprits de transferts de fluides est tabli.

    La deuxime partie commence par dtailler les choix, guids par lanalyse faite dans la premire partie, pour la fabrication des chantillons, de la composition des ciments au schage des chantillons avant analyse. Puis sont dtailles les mthodes classiques danalyse de la porosit utilises dans ce travail.

    La troisime partie aborde le protocole adapt et la mthode danalyse cre pour donner une nouvelle dfinition de la peau. Pour cela, la mise au point de la mthode est explique dans un premier temps : aprs un rappel sur la conductivit thermique des matriaux solides et diffrentes mthodes permettant de la mesurer, une mthode originale jamais utilise pour les mortiers est prsente. La relation suppose permettant de dcrire le lien entre la porosit de nos mortiers et des mesures de conductivit thermiques dans diffrents tats de saturation est tablie puis le protocole donnant lieu une cartographie de la porosit est valid par des mesures prliminaires. Dans un deuxime temps, la peau des mortiers est mise en vidence laide de mesures dabsorption capillaire et la porosit de cette zone est confirme par les cartographies de la porosit tablies partir des mesures de conductivit thermique. Une nouvelle analyse de la relation entre les conductivits thermiques des diffrents tats de saturation permettant de mettre en vidence les proportions relatives de granulats travers les chantillons de mortier est dtaille.

    La quatrime et dernire partie dtaille les rsultats des analyses des diffrentes mthodes de porosimtrie obtenus. Ces rsultats sont croiss et discuts pour dfinir linfluence des diffrents paramtre de ltude. La relation entre les cintiques dabsorption capillaire et lvolution de lhumidit relative, appele self-sealing effect est montre. Enfin, les hypothses pour expliquer ce phnomne et ses consquences sur les proprits du matriaux sont discutes.

  • I-17

    I. Ciments de haut-fourneau et porosit

    1. Dveloppement durable et impact environnemental des matriaux cimentaires ..................................................................... I-20

    2. Les ciments de haut-fourneau.......................................................... I-24 2.1. Le laitier de haut-fourneau ................................................................. I-24 2.2. Le clinker ................................................................................................. I-25 2.3. Spcificits des ciments de haut-fourneau : CEM III .................... I-27

    3. Porosit des matriaux cimentaires ............................................... I-29 3.1. Mcanismes dhydratation des ciments ........................................... I-30 3.1.1. Hydratation du clinker ............................................................................ I-30 3.1.2. Hydratation des ciments au laitier de haut-fourneau ..................... I-32

    3.2. Minralogie et microstructure de la matrice cimentaire ............ I-34 3.2.1. Les diffrentes phases............................................................................. I-34 3.2.2. Structure des C-S-H.................................................................................. I-37

    3.3. La structure poreuse des matriaux cimentaires.......................... I-39 4. Proprits de transfert de fluides des mortiers........................... I-45

    4.1. Proprits fluides/matriaux............................................................. I-45 4.1.1. Tension interfaciale fluide/fluide, tension superficielle ................ I-45 4.1.2. Mouillabilit, tension interfaciale fluide-solide................................ I-45 4.1.3. Pression capillaire ................................................................................... I-46 4.1.4. Aspect dynamique de la capillarit ...................................................... I-47

    4.2. Transferts de fluides Rle de la microstructure ........................ I-49 4.2.1. Influence de la gomtrie des pores .................................................... I-49 4.2.2. Tortuosit................................................................................................... I-49

    5. Conclusions.......................................................................................... I-51

  • I. Ciments de haut-fourneau et porosit

    I-19

    Les mortiers comme les btons sont des systmes complexes dont les compositions chimiques, les structures cristallines et les morphologies des phases solides sont varies et dpendantes des conditions dhydratation et de la physico-chimie de leur environnement ainsi que de leurs volutions.

    Dans un premier temps, nous allons nous intresser lco-bilan dun mtre cube de bton qui montre que son impact environnemental, en terme dmission de gaz effet de serre, est essentiellement d la fabrication du clinker, principal constituant des ciments courants.

    Nous verrons ensuite que le remplacement de ce constituant par un sous-produit dorigine industriel tel que le laitier de haut-fourneau apparat comme une alternative intressante pour intgrer le ciment dans une dmarche de dveloppement durable, ce pourquoi nous lavons choisi pour notre tude.

    Les mortiers sont des matriaux composites associant une phase liante, la matrice cimentaire et une phase granulaire (en principe le squelette inerte du bton), agglomre par le liant pour former une roche artificielle dont la structure poreuse dpend de larrangement granulaire et de la structuration de la phase liante : la matrice cimentaire reprsente dans un bton ordinaire 25 40 % du volume ou 15 30 % de la masse du bton durci.

    Dans un second temps, nous verrons donc rapidement les diffrences apportes par lintroduction du laitier dans un ciment dans la composition des phases hydrates produites lors de lhydratation. En effet, la microstructure est le point d'intersection entre la conception (formulation, mise en oeuvre, ajout de nouveaux constituants dont des dchets industriels) et les performances (proprits mcaniques, proprits de transport et interactions avec l'environnement pour la durabilit et limpact environnemental) du matriaux. Nous prciserons donc que ces diffrences minralogiques peuvent conduire des diffrences microstructurales et nous dtaillerons la complexe organistion de la porosit des matriaux cimentaires. Ceci nous amnera ensuite expliciter les proprits de transfert fluides de ces matriaux qui peuvent alors tre affectes par ces diffrences microstructurales.

  • I-1. Dveloppement durable et impact environnemental des matriaux cimentaires

    I-20

    1. D E V E L O P P E M E N T D U R A B L E E T I M P A C T E N V I R O N N E M E N T A L D E S M A T E R I A U X C I M E N T A I R E S

    Depuis la fin du XXime sicle, les consquences dorigine anthropique sur lenvironnement ont t observes une chelle globale, plantaire. La principale consquence retenue en est le rchauffement de la plante li aux missions de gaz effet de serre comme le dioxyde de carbone (CO2) ou les oxydes dazote. Des tudes ont permis de quantifier ces missions et den valuer les impacts, permettant ainsi une prise de conscience collective et amenant la ratification du protocole de Kyto en dcembre 1997. La matrise des missions de gaz effet de serre est donc devenue un enjeu mondial majeur (sommet de Copenhague, dcembre 2009) impliquant tous les secteurs dactivits et plus particulirement ceux concernant la gestion de lnergie, des ressources naturelles, des matires premires et des transports.

    Le dveloppement durable a t dfini comme une nouvelle conception de lintrt public menant une politique de dveloppement qui s'efforce de concilier la protection de l'environnement, l'efficience conomique et la justice sociale (Figure I-1), en vue de rpondre aux besoins des gnrations prsentes sans compromettre la capacit des gnrations futures satisfaire les leurs [Dictionnaire, -].

    Figure I-1: Schma du dveloppement durable : la confluence de trois proccupations, les trois piliers du dveloppement durable .

  • I. Ciments de haut-fourneau et porosit

    I-21

    Dans le gnie civil, la prise en compte des exigences lies au dveloppement durable induit la rduction des impacts environnementaux tout au long du cycle de vie des ouvrages tout en conservant leur qualit dusage (fonctionnalits et performances).

    Lanalyse de cycle de vie du bton (production de matires premires, transports, chantier mise en uvre, vie de louvrage, dconstruction, recyclage) montre que les impacts environnementaux des matires premires utilises pour sa fabrication et sa mise en uvre sont importants alors que ceux lis la dure de service sont minimes et que ce matriau offre, en fin de vie, une excellente recyclabilit [Montens, 2009].

    Le bton est compos de matires premires naturelles (granulats, eau) et transformes (ciment, adjuvants). Parmi ces composants, le ciment est celui dont la production est non seulement consommatrice de calcaires, dargiles, de marnes et de combustibles, mais est galement lorigine de la majeure partie des missions de gaz effet de serre, dont [Montens, 2009] :

    plus de 80% sont lis la phase de production entre 10 et 15 % sont dus la mise en uvre entre 2 et 5 % sont attribus au transport.

    En 2008, 2,857 milliards de tonnes de ciment ont t produites dans le monde. Au regard de leur valeur ajoute, la rentabilit des ciments nest assure que pour des courtes distances de transport : la consommation des ciments courants correspond la production locale. La production franaise quant elle reprsente 21,7.106 t, soit 2,6 % du total des missions de CO2 en France et 11,7 % du total des missions industrielles.

    La part principale de la production de gaz effet de serre de lindustrie cimentire provient du processus chimique de transformation inhrent la fabrication du clinker (mlange de calcaire et dargile cuit et broy) : partir de 550C, la formation de la chaux lie la dcarbonatation du calcaire engendre la libration du dioxyde de carbone. Cette raction chimique reprsente plus de 60 % des missions de CO2 dues la fabrication des ciments, les 40 % restants sont dus aux transports et aux besoins en nergie des procds de clinkrisation (combustible) et de broyage. Lindustrie cimentire simplique ainsi fortement dans diffrentes stratgies permettant de limiter ces missions de gaz : bien que la production de clinker ncessite de grandes quantits dnergie (de lordre de 4 GJ/t), des diminutions des missions de dioxyde de carbone (CO2) et dhmioxyde nitreux (N2O) reconnus comme gaz effet de serre ont dj t obtenues grce loptimisation des procds de production et la modernisation des fours de cimenteries. Le remplacement des traditionnelles nergies fossiles utilises pour lalimentation des fours par des combustibles de substitution est une alternative intressante : la haute temprature ncessaire la clinkrisation dans les fours de cimenteries (environ 1450C) est obtenue laide de la combustion totale et sans rsidus de ces combustibles alternatifs. Le remplacement de ces combustibles

  • I-1. Dveloppement durable et impact environnemental des matriaux cimentaires

    I-22

    permet lconomie de matires premires naturelles dorigine ptrolire et la rduction des missions de CO2 fossile au profit de matires renouvelables, de dchets ultimes ou de sous produits industriels tels que les cosses de cafs, les balles de riz, les pneumatiques et huiles usages, les farines animales, etc. De plus, le recyclage de sous-produits et dchets comme combustible pour la fabrication du clinker en constitue une valorisation qui dcharge la collectivit de leur traitement et limination. La mise en uvre de ces solutions, entre autres, a permis lindustrie cimentire de rduire de 20% ses missions de CO2 la tonne de ciment pour la priode 1990-2000.

    Une autre stratgie permettant de limiter les missions de CO2 est lutilisation dautres liants hydrauliques que le clinker. Lutilisation de matriaux de substitution, notamment dorigine industrielle, permet dviter les missions de CO2 lies la dcarbonatation du calcaire lors de la production de clinker. Cette alternative au clinker permet la fois une rduction des rejets et une conomie dnergie primaire. Les produits les plus couramment utiliss et norms sont :

    les cendres volantes silico-alumineuse ou sulfo-calcique, recueillies lors du dpoussirage des gaz rsultant de la combustion du charbon dans les centrales thermiques. Elles peuvent tre valorises comme matire premire dans le cru (mlange sec ou humide qui sera introduit dans les fours des cimenteries) ou comme ajout au ciment ;

    les fumes de silice, issues de la rduction du quartz dans des fours arc lectriques ;

    les laitiers de haut-fourneau, sous-produit de lindustrie sidrurgique qui peut tre valoris soit comme granulat ou agrgat lorsquil est cristallis, soit comme ajout/substitut au ciment (proprits hydrauliques latentes) lorsquil est vitrifi et granul dans des proportions maximales de 95% en masse du ciment [197-1, 2012]. A ce niveau de substitution, la valorisation, en termes de limitations dmissions directes de CO2, est maximale.

    Dautres produits sont galement tudis pour :

    sulfoalumine mtakaolin ash de cosse de riz, canne sucre etc.

    Cette substitution permet la ralisation de nombreuses nuances cimentaires et ainsi de diversifier les performances, la qualit et lutilisation du produit fini quest le ciment. Les nuances cimentaires sont dfinies par la norme NF EN 197-1 [197-1, 2012] et classes en 5 catgories (annexe A) :

    Le ciment Portland : CEM I (au moins 95 % de clinker) ; Le ciment Portland compos : CEM II (65 % 94% de clinker) ; Le ciment de haut-founeau : CEM III (5 64 % de clinker) ; Le ciment pouzzolanique : CEM IV (45 89 % de clinker) ; Le ciment compos : CEM V (20 64 % de clinker).

  • I. Ciments de haut-fourneau et porosit

    I-23

    La production franaise de CEM I reprsente plus dun quart de la production de ciment nationale totale, celle du CEM II prs de la moiti et celle des ciments contenant le plus fort taux de substitution du clinker, le CEM III et le CEM V, reprsente 28,1 %. La production et lutilisation de CEM IV sont quasi inexistantes en France compar aux autres catgories.

    Pour les ciments autres que CEM I, la substitution du clinker se traduit par une diminution de lempreinte environnementale des ciments, lie au CO2 imput leur fabrication : lorsque lon compare les diffrentes missions de CO2 thoriques mises lors de la fabrication des diffrents types de ciments, on remarque que la rduction de lmission directe de CO2 varie entre 28% et 90% avec lajout de laitier (Figure I-2). Considr aujourdhui comme un sous-produit industriel issu de la fabrication de la fonte, aucune mission de CO2 nest impute au laitier de haut-fourneau car les missions de CO2 sont imputes la fonte considre comme le principal produit issu du process.

    Figure I-2 : Emission directe de CO2 par tonne de ciment [kg.t-1] [Rompaey, 2006].

    Bien que la rpartition des missions de CO2 imputables au laitier fasse encore lobjet de dbats entre sidrurgistes et cimentiers, son exploitation nengendre pas daugmentation des missions de lensemble du process dlaboration conjointe de la fonte et du laitier. Quelle que soit cette rpartition, lutilisation du laitier dans les ciments contribue optimiser les dgagements de dioxyde de carbone, ce qui justifie leur utilisation.

  • I-2. Les ciments de haut-fourneau

    I-24

    2. L E S C I M E N T S D E H A U T- F O U R N E A U

    Les ciments de haut-fourneau ou CEM III sont constitus de laitier de haut-fourneau et de clinker. Les proportions relatives de ces deux lments permet de dfinir les :

    CEM III/A, 36 65 % de laitier et 35 64 % de clinker ; CEM III/B, 66 80 % de laitier et 34 20 % de clinker ; CEM III/C, 81 95 % de laitier et 5 19 % de clinker.

    Les proprits de ces ciments vont tre dpendantes des proprits intrinsques de ses deux constituants que nous allons dtailler.

    2.1. Le laitier de haut-fourneau

    Le laitier de haut-fourneau est un sous-produit de lindustrie sidrurgique constitu par la partie non-ferreuse du minerai, la gangue, fondue lors de llaboration de la fonte dans les hauts-fourneaux. Cest un matriau minral form essentiellement de silicates et alumino-silicates de calcium.

    Une des premires utilisation du laitier de haut-fourneau comme liant hydraulique remonte 1774, lorsque Loriot en a utilis avec de la chaux pour faire du mortier [ACI, 2003]. En 1862, Emil Langen propose un procd de granulation du laitier permettant daboutir au dveloppement de la production industrielle de laitier de haut-fourneau moulu et activit la chaux en Allemagne en 1865. Lassociation du laitier au ciment Portland correspond la naissance du ciment mtallurgique en 1880. La construction du mtropolitain de Paris en 1889 est un vnement qui marque le secteur de la construction : le bton utilis pour ce chantier audacieux comporte du laitier de haut-fourneau moulu. En Allemagne, le ciment au laitier de haut-fourneau obtient son homologation officielle en 1909 [Bensted, 2002] : le laitier est ainsi exploit comme composant du ciment de fer contenant jusqu 30 % de laitier. Ds le dbut du XXime sicle en Europe, les nombreux hauts-fourneaux dune industrie sidrurgique en plein essor contribuent garantir lapprovisionnement en continu de laitier : lindustrie cimentire est alors un partenaire prcieux qui limine un sous-produit considr lpoque par lindustrie sidrurgique sans valeur ajoute . La valorisation rcente des laitiers de hauts-fourneaux sexplique par le faible impact environnemental qui leur est attribu en plus de leurs proprits physico-chimiques. Le laitier de haut-fourneau prsente donc de multiples intrts dorigines historiques, environnementales et techniques [Bensted, 2002].

    Selon le traitement thermique que le laitier subit lors de son refroidissement, diffrentes voies de valorisation sont possibles, il peut devenir [Goto et al., 1985] :

  • I. Ciments de haut-fourneau et porosit

    I-25

    un agrgat, matriau cristallin gris pierreux ; de la laine de laitier, matriau isolant pour la construction ; du laitier pour ciments, dit laitier granul de haut-fourneau

    Pour pouvoir tre utilis comme substitut au clinker, le laitier de haut-fourneau doit tre tremp, cest--dire refroidi trs rapidement, pour obtenir ses proprits hydrauliques latentes lies sa structure vitreuse dcouvertes par Langen en 1862. Afin dobtenir cet tat vitreux, le laitier est granul la sortie du haut-fourneau : il est pulvris en gouttelettes (de 3 5 mm) et tremp. Actuellement, ce processus de granulation est semi-sec : le laitier est refroidi avec de leau et de lair laide dun systme de tambour rotatif permettant la fois de rduire la consommation deau du procd et de limiter lhumidit rsiduelle [Taylor, 1997]. La composition chimique des laitiers varie selon la nature du minerai, la composition du calcaire, la consommation de coke et le type de fonte fabrique [Rompaey, 2006]. Les laitiers prsentent des proportions de phases cristallises faibles (5 10 %) dont la majeure partie se compose de melilite (solution solide dakermanite Ca2MgSi2O7 et de gehlnite Ca2Al(Al,Si)O7) et de merwinite (Ca3Mg(SiO4)2) [Nurse and Midgley, 1981]. Ils ne renferment jamais doxydes libres tels que FeO, CaO ou MgO [Gourdin, 1980].

    Le laitier en fusion a une nergie interne importante (1700 kJ/kg) qui nest pas dissipe lors dun refroidissement rapide. Le trs bas niveau dnergie de ltat cristallis nest pas atteint et le laitier ainsi vitrifi possde une nergie interne plus leve qu ltat cristallin, ce qui le rend plus ractif chimiquement [Rompaey, 2006]. Les proprits hydrauliques des laitiers sont dites latentes, il est donc ncessaire dactiver ces laitiers pour les rendre ractifs vis--vis de leau. Cette ractivit dpend de plusieurs facteurs fortement corrls entre eux [Hewlett, 2004] :

    la composition chimique ; la structure du verre. Le verre possde un ordre local fig par la

    trempe (chelle atomique), mais ne possde pas de structure ordonne grande distance comme les cristaux ;

    la finesse de mouture du laitier. Pour amorcer ses ractions dhydratation, le laitier a besoin dun activateur

    permettant dlever le pH de la solution avec laquelle il est en contact, ce rle est gnralement jou par la portlandite (Ca(OH)2) issue du clinker [Hewlett, 2004].

    2.2. Le clinker

    Rsultant de la cuisson dun mlange compos denviron 80 % de calcaire et de 20 % dargiles (clinkrisation), le clinker prend la forme de granules durs avant dtre finement broy pour entrer dans la composition dun ciment. Le clinker possde des proprits hydrauliques : il ragit avec leau pour former des hydrates stables et insolubles.

  • I-2. Les ciments de haut-fourneau

    I-26

    Le clinker est principalement compos de quatre types doxydes CaO (C), SiO2 (S), Al2O3 (A) et Fe2O3 (F) qui se combinent pour former quatre phases cristallises principales :

    l'alite C3S, silicate tricalcique Ca3SiO5 (35-65 % en masse) ; la blite C2S, silicate dicalcique -Ca2SiO5 (10-40 %) ; la clite C3A : aluminate tricalcique Ca3Al2O6 (0-15 %) ; l'alumino-ferrite ttracalcique C4AF : Ca4Al2Fe2O10 (5-15 %).

    Des oxydes mineurs comme MgO, TiO2, MnO, K2O, Na2O et P2O5, conditionnent en partie les proprits physicochimiques et mcaniques du ciment. Ils jouent un rle notable dans le processus de cuisson du clinker, les ions mtalliques de ces oxydes sinsrent dans le rseau des silicates, aluminates et alumino-ferrites, soit en remplacement des quatre oxydes principaux, soit en sites interstitiels, soit dans les lacunes du rseau.

    A l i t e o u C 3S

    Lalite, ou hatrurite pour son quivalent naturel, est le principal constituant du clinker avec une proportion dpassant gnralement les 60 65%. Ce silicate tricalcique (Ca3SiO5) est un nsosilicate, il est compos de ttradres de silice (SiO4)4- isols et lis aux ions Ca2+ coordins octadriquement. Seuls trois octadres sont lis aux ions Si4+.

    En fonction de la temprature et des ions de substitutions du Ca2+, il existe plusieurs polymorphes de structures cristallines diffrentes : une rhombodrique de haute temprature (suprieure 1070 C), trois monocliniques de moyenne temprature (de 980 C 1070 C) que lon retrouve dans le clinker et trois tricliniques de basse temprature (infrieure 980 C) [Rompaey, 2006].

    B l i t e o u C 2S

    Ce silicate dicalcique (Ca2SiO4) est la deuxime phase en importance dans les clinkers. Comme lalite, il possde un polymorphisme trs compliqu et encore mal connu. La blite, ou larnite pour son homologue naturel, est aussi un nsosilicate de systme cristallin monoclinique.

    La concentration en ions se substituant au Ca2+ est plus importante que dans le silicate tricalcique. Les plus communs sont : K+, Na+, Fe2+, Ba2+, Sr2+ et Mg2+.

    C l i t e o u C 3 A e t F e r r i t e o u C 4 A F

    Aux tempratures de clinkrisation, les cristaux de silicates de calcium sont entours par un liquide interstitiel. Ce liquide, aprs solidification, se compose globalement dun mlange intime dune phase riche en Al2O3, la clite ou aluminate tricalcique (Ca3Al2O6) et dune phase riche en Fe2O3, la ferrite, ou brownmillrite pour son quivalent naturel, qui est un alumino-ferrite ttracalcique (solution solide de Ca2(Alx,Fe1-x)2O5 pour x 0,7).

  • I. Ciments de haut-fourneau et porosit

    I-27

    Laluminate tricalcique, qui a un systme cristallin cubique, nest pas polymorphe et ne possde pas dquivalent naturel. Cest un cyclo-aluminate compos de ttradres dalumine (AlO4

    5-) disposs en anneaux constitus de six (AlO)4-(Al6O18)

    18- [Rompaey, 2006]. Il peut incorporer des ions Na+ en substitution des ions Ca2+.

    2.3. Spcificits des ciments de haut-fourneau : CEM III

    Selon la norme europenne EN 197-1, le ciment de haut-fourneau est compos de deux constituants principaux le clinker et le laitier de haut-fourneau et dun maximum de 5 % de constituants secondaires. Un rgulateur de prise comme lanhydrite (sulfate de calcium, CaSO4) peut tre ajout lors de la mouture. La dnomination normalise des ciments de haut-fourneau tient compte de leur teneur en laitier, elle se dcline en trois catgories : A, B et C.

    Cette dnomination tient galement compte des proprits mcaniques et chimiques spcifiques des ptes quils permettent dobtenir. Par exemple, le ciment CEM III/C 32,5 N LH PM-ES est un ciment de haut de fourneau (CEM III) contenant entre 81 et 95 % de laitier (C), ayant une rsistance caractristique dau moins 32,5 MPa 28 jours avec une monte en rsistance de la pte Normale (N), il dgage une faible chaleur dhydratation (LH), convient aux environnements marins (PM pour prise mer) et aux environnements riche en sulfates (ES pour eaux hautes teneur en sulfates).

    Les ciments de haut-fourneau possdent des proprits physico-chimiques permettant leur utilisation pour diffrentes applications spcifiques. Par comparaison avec les CEM I, ils prsentent :

    des particularits esthtiques, la couleur du bton est plus claire, plus lisse et plus homogne et les efflorescences se font moins frquentes ;

    une bonne rsistance aux agents agressifs chimiques tels que les eaux sulfates, leau de mer, les eaux rsiduaires (station dpuration) ;

    la rsistance la raction alcali-granulats ; une faible chaleur dhydratation permettant la construction

    dlments massifs ; une faible, voire trs faible, permabilit ; un bon comportement face un traitement la chaleur et la

    vapeur ; une bonne rsistance au gel ; un rapport rsistance la flexion / rsistance la compression

    lev ; un durcissement lent mais donnant long terme des rsistances

    mcaniques plus leves que les CEM I de mme classe de rsistance.

  • I-2. Les ciments de haut-fourneau

    I-28

    Les CEM I et CEM III prsentent des diffrences dvolution gnrale du dveloppement de leur rsistance mcanique. A 20C, entre un mortier base CEM III et un mortier base de ciment Portland (CEM I), reprsente en Figure I-3, le retard de dveloppement des rsistances mcaniques des ciments au laitier peut tre observ court terme, jusqu 28 jours dhydratation. A trs long terme, le dveloppement des rsistances mcaniques des ciments au laitier pourra atteindre 180% des rsistances mcaniques 28 jours, alors que celui des ciments Portland (CEM I) se limitera 120% des rsistances mcaniques 28 jours. Un des intrts de lutilisation des ciments de haut-fourneau rside en une rserve de rsistance mcanique par rapport au ciment Portland (CEM I).

    Figure I-3 : Evolution des rsistances la compression des ciments CEM III et des CEM I au cours de lhydratation [Rompaey, 2006].

    Par rapport au CEM I, il est reconnu que les CEM III sont plus sensibles la carbonatation, qui consiste en laction du dioxyde de carbone de latmosphre qui diffuse dans les pores du bton et se dissout au contact de la solution interstitielle pour former un acide carbonique dont lespce dominante est lion carbonate (CO3

    2-) lorsque le pH est suprieur 10,4. Cette acidification du milieu dstabilise les hydrates, notamment la portlandite qui joue un rle de tampon sur le pH en formant de la calcite [Thierry, 2005]. Cette calcite forme obture partiellement les pores du bton et augmente la rsistance la diffusion du CO2. Mais, lorsque la portlandite accessible a t entirement consomme, le pH chute une valeur infrieure 9 et la corrosion des aciers darmatures devient possible. Or, dans certaines conditions, la prsence de laitier de haut-fourneau acclre la carbonatation du matriau [Behim and Clastres, 2009] et peut, le cas chant, permettre la corrosion des armatures. Cet aspect constitue un frein notable au dveloppement de lutilisation de tels ciments.

  • I. Ciments de haut-fourneau et porosit

    I-29

    3. P O R O S I T E D E S M A T E R I A U X C I M E N T A I R E S

    La durabilit des matriaux cimentaires est la fois lie aux proprits intrinsques du matriau et celles de son environnement de service, cest--dire aux conditions physiques et chimiques auxquelles il est expos.

    Le bton est un matriau volutif qui est le sige de ractions physico-chimiques lies des quilibres chimiques qui se mettent en place sur des chelles de temps importantes et qui sont influences par la composition chimique et minralogique du ciment. Dans des conditions favorables de temprature et dhumidit, ces volutions contribuent la prennit du matriau car elles constituent une avance de lhydratation qui engendre la diminution de la porosit accessible et la formation dhydrates impliqus dans les rsistances mcaniques. Toutefois, ces quilibres chimiques qui stablissent long terme peuvent tre perturbs par le milieu extrieur, cest--dire par laction dagents agressifs exognes.

    Dans toutes les ractions de dgradation chimique des btons, leau joue un rle majeur : un apport deau extrieur peut tre lorigine dune dgradation. En effet, bien quelle renouvelle partiellement la solution interstitielle normalement prsente dans le bton et qui est en quilibre chimique avec les hydrates et permette ainsi aux ractions chimiques de dissolution/prcipitation de perdurer, cette eau permet galement la pntration dlments agressifs. Ce transport dions agressifs dans les btons se fait suivant deux processus principaux concomitants :

    la diffusion sous gradient de concentration (rgie par les lois de Fick compltes par la relation de Nernst-Planck [Chatterji, 1994]) ;

    la permation (rgie par la loi de Darcy [Koster et al., 2006]). Le transport des ions dans le bton est un transport ractif : les changes

    ioniques entre les espces diffusantes, la solution interstitielle et les hydrates provoquent des perturbations du systme chimique qui se traduisent par des phnomnes de dissolution et de prcipitation. Ce sont les raisons pour lesquelles la permabilit et la diffusivit, qui dpendent de la gomtrie et de la connectivit des diffrents pores du bton, sont deux indicateurs pertinents et ncessaires de la durabilit des btons.

    Vis--vis, entre autres, des dgradations chimiques, la durabilit des matriaux cimentaires est donc lie leurs capacits dchanges avec le milieu extrieur conditionnes :

    par la nature des phases en prsence ; par la difficult quont les agents agressifs pntrer dans leur

    rseau poreux dtermine par les proprits de transfert, elles-mmes lies la permabilit et la diffusivit [J.P. Ollivier and Vichot, 2008].

  • I-3. Porosit des matriaux cimentaires

    I-30

    Les proprits du matriau mises en jeu dans sa durabilit lors de sa mise en contact avec un lment chimique agressif sont donc la stabilit chimiques de ses diffrents constituants et les voies de pntration vers le cur du matriau et les surfaces de ractions.

    3.1. Mcanismes dhydratation des ciments

    Les ciments sont des matriaux dits "hydrauliques", cest dire quils ragissent avec leau pour former un solide cohsif constitu de phases insolubles. Ils conduisent en prsence deau la formation dhydrates organiss en une structure mcaniquement rsistante. Lhydratation est lensemble des ractions chimiques qui se produisent entre le ciment et leau. Lors de ltape initiale appele gchage, leau et les grains anhydres sont mis en contact. On obtient alors une pte forme des grains disperss dans la phase aqueuse.

    Pour le ciment Portland comme pour le ciment de haut-fourneau, le principe est identique : de nouvelles phases appeles hydrates se forment partir de solutions sursatures rsultant de la dissolution des grains anhydres (Le Chatelier). Cet tat mtastable rsulte de limportante diffrence de solubilit existant entre le produit anhydre et les sels hydrats. La raction se poursuit jusqu puisement des ractifs car, lorsque les hydrates sont en quilibre avec la solution, elle devient sous-sature par rapport aux ractifs anhydres dont la dissolution peut alors se poursuivre. La vitesse et lintensit de la raction dhydratation constituent une diffrence entre lhydratation du ciment Portland et celle du ciment au laitier.

    3.1.1. H y d r a t a t i o n d u c l i n k e r

    Le clinker se dissout par attaque hydrolytique, de la mme manire que le chlorure de sodium, cest--dire par raction avec des molcules deau. Les quatre phases principales du ciment ragissent avec des cintiques diffrentes, pour former des phases qui assureront la cohsion du matriau :

    les silicates de calcium hydrats (C-S-H), portlandite (Ca(OH)2) ; lettringite ; les monosulfoaluminates.

    Le terme C-S-H, est le nom gnrique donn pour tous les silicates de calcium hydrats amorphes ou faiblement cristalliss. Les traits sparant les lments signifient quaucune composition chimique particulire ne lui est attribue.

  • I. Ciments de haut-fourneau et porosit

    I-31

    Hy d r a t a t i o n d e l a l i t e e t d e l a b l i t e :

    Les mthodes usuelles de suivi de lhydratation que sont la calorimtrie et la conductimtrie mettent en vidence les diffrentes tapes de lhydratation [Taylor, 1997], qui, pour lalite, sont les suivantes :

    1. Pendant la priode de gchage a lieu le passage en solution des ions, principalement Ca2+ et H2SiO

    2-. Cette dissolution trs rapide et exothermique rend la solution (eau de gchage) sursature par rapport aux C-S-H.

    2. partir du moment o la solution est sursature par rapport aux C-S-H, ces derniers commencent se former.

    3. Puis vient la priode dite dinduction, qui est en fait une priode de faible flux thermique. Llvation rapide du pH associe la teneur en calcium et en OH- de leau de gchage conduit un contrle de la raction par la formation de C-S-H, ce qui ralentit la dissolution de lalite. La prcipitation de C-S-H se poursuit lentement et la phase aqueuse devient sursature en portlandite (Ca(OH)2).

    4. Au bout de quelques heures survient la prcipitation en masse des hydrates, cest la priode de prise (ou dacclration). Le dgagement de chaleur associ la formation des hydrates augmente. La formation rapide de portlandite acclre la dissolution de la blite et donc la formation de C-S-H. Ceci se traduit par un pic exothermique. Cest ce moment que la prise a lieu par formation dun squelette cohsif. Cest le dbut de la priode de durcissement.

    5. Enfin, vient la priode de ralentissement. Les grains se recouvrent dune couche dhydrates de plus en plus paisse, ce qui ralentit la diffusion des espces ractionnelles.

    Lalite et la blite shydrolysent suivant les ractions suivantes :

    Eq. I-1

    Eq. I-2

    Ces ractions, Eq. I-1 et Eq. I-2, entranent la formation dhydrates tels que les silicates de calcium hydrats (C-S-H) et la portlandite (Ca(OH)2). La stchiomtrie de ces silicates de calcium est variable et dpend de la concentration en ions Ca2+ et [H3SiO4]

    - ou [H2SiO4]2- de la solution interstitielle

    partir de laquelle ils prcipitent. Cette concentration, qui varie au cours de lhydratation, implique la formation de plusieurs types de silicates de calcium hydrats caractriss par des rapports Ca/Si diffrent.

    !

    2Ca3SiO5 + 6H2O"Ca3SiO7 OH( )3 + 3Ca OH( )2

    !

    2Ca2SiO4 + 4H2O"Ca3Si2O7 OH( )3 +Ca OH( )2

  • I-3. Porosit des matriaux cimentaires

    I-32

    La raction impliquant la blite (Eq. I-2) est plus lente que celle de lalite. A plus long terme, lhydratation des phases du clinker induit la prcipitation de la portlandite dans les pores de la pte de ciment. De mme, elle cre des anneaux de CSH se propageant vers le centre du grain de clinker partir de la surface originelle du grain anhydre.

    H y d r a t a t i o n d e l a c l i t e e t d e l a f e r r i t e

    La raction de la clite avec leau est trs rapide et trs exothermique. Elle produit des C-A-H, des aluminates de calcium hexagonaux hydrats instables temprature ambiante responsable de la prise dite instantane du ciment qui se produit en absence de rgulateur de prise. Lorsquun sulfate de calcium tel que le gypse ou lanhydrite est ajout pour rguler la prise, la dissolution de la clite entrane la formation de lettringite ( Ca6Al2(SO4)3(OH)1226H20 ), un trisulfoaluminate de calcium hydrat, qui, aprs puisement de ce rgulateur peut se transformer en monosulfoaluminate de calcium hydrat.

    Lhydratation de la ferrite conduit la formation de nouveaux hydrates en consommant des silicates de calcium hydrats [Rompaey, 2006] :

    Eq. I-3

    3.1.2. H y d r a t a t i o n d e s c i m e n t s a u l a i t i e r d e h a u t - f o u r n e a u

    Les ractions dhydratation du laitier sont des ractions de dissolution du verre par attaque hydroxylique, cest dire par raction avec des ions OH- se trouvant dans la solution interstitielle (eau de gchage). Cest une diffrence fondamentale par rapport lhydratation du clinker : lhydratation du laitier ncessite un milieu basique pour tre initie, leffet est notable lorsque le pH est suprieur 12. De ce fait, ils ragissent moins rapidement avec leau.

    Lhydratation du laitier ncessite donc la prsence dun activateur qui peut tre soit une base forte (chaux, soude), soit un sel dalcalin dacide faible (carbonate, aluminate ou mtasilicate de sodium) ou encore un sulfate tel que le gypse ou lanhydrite. Aprs consommation de lactivateur, la raction de dissolution du laitier peut tout de mme se poursuivre grce lquilibre de dissolution prcipitation de lhydroxyde de calcium maintenant un pH de lordre de 12.5 12.6 [Taylor, 1997]. La portlandite et le sulfate de calcium sont ainsi les activateurs les plus typiques de lhydratation du laitier [Taylor, 1997]. Ils ont un rle de catalyseur de lattaque du verre mais galement de ractif dans les ractions de formation des hydrates.

    Lquation de la raction dhydratation du laitier correspond :

    Eq. I-4

    !

    C4AF +12CSH2 +110H2O"4 C6 A,F( )SH32[ ] + 2 A,F[ ]H3

    !

    Laitier +Ca OH( )2 "C # S #H

  • I. Ciments de haut-fourneau et porosit

    I-33

    Dans les CEM III, ce sont les ions Ca2+ et OH- provenant de lhydratation du clinker qui activent la dissolution du laitier et permettent de former des silicates de calcium hydrats (Eq. I-4). Cest ce que lon appelle la raction pouzzolanique. Cest une raction secondaire qui se produit entre la chaux libre par la raction principale (produit hydraulique : dans notre cas le clinker) et les produits silicoalumineux (laitier, cendres volantes, pouzzolanes artificielles et naturelles). Proportionnellement la quantit de laitier, cette raction consomme la chaux et diminue la proportion de portlandite pour former une quantit plus importante de C-S-H de type hydrotalcite et de types jennite ou tobermorite (Figure I-4) [Lothenbach et al., 2011]. Avec laugmentation de la proportion de laitier dans le mlange, on remarque galement la diminution de la portlandite qui disparat au-del de 50 % de laitier, la diminution de la quantit dettringite, lapparition de la strtlingite aux alentours de 75-80 % de laitier et laugmentation de la proportion de laitier nayant pas ragi.

    Figure I-4 : Volumes des diffrents hydrates forms aprs hydratation complte du ciment Portland dans un mlange de ciment Portland et de lait ier de haut-fourneau en fonction de la proportion de laitier de haut-fourneau, selon le modle propos par B. Lothenbach [Lothenbach et al., 2011].

    Les diffrentes espces issues de lattaque de la matrice vitreuse du laitier par les ions OH- et autres ions alcalins sont prsent dans leau sous la forme dions Ca2+, [H2SiO4]

    2-, [H3SiO4]- et [H4AlO4]

    -. Les liaisons Ca O tant plus faibles que les liaisons Si O et Al O, les concentrations en ions Ca2+ dans la solution interstitielle sont plus leves que celles des espces [H2SiO4]

    2- et [H4AlO4]

    -. Ainsi, une couche dhydrates (gel de C-S-H) se forme immdiatement la surface des grains de laitier et limite trs fortement le droulement ultrieur de lhydratation : cette couche inhibe la pntration de leau vers le laitier anhydre et

  • I-3. Porosit des matriaux cimentaires

    I-34

    retarde sa dissolution [Rompaey, 2006]. Les ciments au laitier shydratent donc plus lentement que ceux au clinker et encore plus difficilement aux basses tempratures (T

  • I. Ciments de haut-fourneau et porosit

    I-35

    rsistance mcanique des ciments aux jeunes ges. Mais, en plus grande proportion, elle peut fragiliser la structure de la pte de ciment en raison de sa taille relativement importante qui augmente la permabilit du bton [Rompaey, 2006]. Elle est plus abondante dans les ciments riches en alite comme les ciments Portland et une fraction significative de cet hydroxyde de calcium peut tre incorpore dans les silicates de calcium hydrats forms lors de lhydratation du laitier [De Schutter and Taerwe, 1995].

    T r i s u l f o a l u m i n a t e e t m o n o s u l f o a l u m i n a t e d e c a l c i u m

    La phase majeure des trisulfoaluminates de calcium hydrats lettringite ainsi que les monosulfoaluminates et les aluminates de calcium ou de magnsium hydrats font galement partie des principaux hydrates forms lors de lhydratation des ciments au laitier.

    Lettringite cristallise dans la solution sur-sature, gnralement sous la forme daiguilles distribues de manire individuelle et alatoire. Sa cristallisation est un processus qui consomme de la chaux et abaisse lalcalinit de la solution interstitielle. Selon Clark et Brown, la formation de cette phase serait termine aprs 7 jours dhydratation [Clark and Brown, 1999]. Lorsque le rgulateur de prise est puis, du monosulfoaluminate cristallise et une solution solide se forme entre le monosulfoaluminate et laluminate hydrat.

    En contact avec du dioxyde de carbone et dans un ciment de faible alcalinit (pH infrieur 10-11), lettringite peut tre dcompose au bout de 7 jours en aragonite, gibbsite et en gypse provoquant la formation dune couche de poussire la surface du matriau durci [Gabrisova et al., 1991].

    Si lettringite est une importante phase cristalline des ciments Portland et participe la prise du ciment, cest galement un produit de dtrioration des ciments lorsquelle se forme dans la pte durcie. On peut alors distinguer deux types dettringite :

    1. l'ettringite dite d'hydratation prcoce, non nocive, indispensable pour rguler la prise du ciment et se formant au plus jeune ge de l'hydratation du ciment par action des sulfates du gypse sur l'aluminate tricalcique.

    2. l'ettringite dite tardive ou diffre, nocive car provoquant un gonflement et terme, une dsagrgation du matriau durci. Elle se forme par raction avec des sulfates dorigine interne ou externe ou une augmentation trop forte de la temprature du bton aux jeunes ges qui peut amener sa formation lors de la baisse de temprature plus long terme.

    Les monosulfoaluminates de calcium hydrats se prsentent gnralement sous la forme de cristaux hexagonaux mais peuvent galement tre mal cristalliss ou sinsrer dans la structure des C-S-H (incorporation lchelle du nanomtre) [Rompaey, 2006]. Ces phases prsentent une structure en couches drive de celle

  • I-3. Porosit des matriaux cimentaires

    I-36

    de la portlandite dans laquelle un ion Ca2+ est remplac par trois ions Al3+ ou Fe3+. Ces phases subissent galement dimportantes substitutions anioniques tels que la substitution dions OH- par des ions CO3

    2- ou SO42- [Taylor, 1997]. Parmi ces

    phases, la strtlingite ou gehlnite hydrate (Ca2Al2(SiO2)(OH)102,5(H2O)) peut caractriser lhydratation des ciments contenant plus de 75 % laitiers [Rompaey, 2006].

    L e s s i l i c a t e s d e c a l c i u m h y d r a t s o u C -S -H

    Les C-S-H constituent la principale phase hydrate des ciments. Elle possde un faible degr de cristallinit qui tend augmenter avec la dure de la cure. Il est tabli que cette phase a une structure en feuillets bien quelle ne possde pas dordre longue distance, spcialement dans la direction perpendiculaire aux feuillets [Richardson, 2008].

    Les silicates de calcium hydrats sont responsables des proprits liantes du ciment et donc du dveloppement des rsistances mcaniques des mortiers et btons. Puisquils forment principalement la phase liante du matriau, ils influencent galement les proprits de transferts de matire. Leur composition dpend fortement de la composition de la solution interstitielle. Ce sont des matriaux poreux et vitreux, contenant une quantit deau variable et en quilibre chimique avec la phase aqueuse [Rompaey, 2006].

    Selon la rgle des phases (Gibbs), temprature et pression donnes, le systme simplifi trois composants CaO SiO2 H2O qui possde une phase solide (C-S-H) et une phase liquide (phase aqueuse) en quilibre, se caractrise par un degr de libert. Ainsi, lorsque la concentration en Ca2+ varie dans la phase aqueuse, la concentration en silice de la mme phase aqueuse et les concentrations en calcium et silicium dans le solide doivent varier de telle manire que les potentiels chimiques des composants dans les deux phases soient gaux. Ce processus rduit lnergie libre du systme qui tend vers un minimum si un quilibre vrai est atteint. Mais, dans les systmes rels o les cintiques et les barrires nergtiques des ractions interviennent, le systme atteint le plus souvent un minimum local mtastable.

    Les C-S-H amorphes qui se forment temprature ambiante et pression atmosphrique reprsentent un exemple de phases mtastables : ils subsistent indfiniment bien que leurs homologues cristallins possdent des nergies libres plus faibles. Il faut donc prendre en compte la possibilit que les concentrations en solution soient limites par la cintique (diffusion) plutt quimposes par la thermodynamique [Rompaey, 2006].

    La formation des C-S-H rsulte de la raction de prcipitation suivante [Greenberg et al., 1960] :

    Eq. I-5

    !

    xCa2+ +H2SiO42" + 2 x "1( )OH " + y " x( )H2O# CaO( )x SiO2( )y H2O( )z

  • I. Ciments de haut-fourneau et porosit

    I-37

    Eq. I-6

    Avec x comme paramtre variable, il existe une infinit de valeurs pour le produit de solubilit de ces phases Ks. Ces C-S-H possdent un niveau de complexit structurale remarquable. Plus de 30 phases cristallises de silicates de calcium hydrats sont connues et leur synthse peut engendrer des structures semi-cristallines quasi-amorphes (cest--dire prsentant moins de 3 raies caractristiques dans leur diagramme de diffraction des rayons X) [Taylor, 1997].

    Labsence dordre cristallin longues distances en fait des matriaux particulirement difficiles tudier, notamment par les mthodes conventionnelles de diffraction de rayons X. Or, les C-S-H forms par lhydratation de lalite et de la blite, qui constituent plus de 70% en masse dun ciment Portland, constituent une varit particulirement dsordonne des silicates de calcium hydrats [Rompaey, 2006]. Ceux-ci sont usuellement appels gel C-S-H afin de les distinguer des phases C-S-H synthtises en laboratoire.

    3.2.2. S t r u c t u r e d e s C -S -H

    La plupart des connaissances sur la nanostructure des C-S-H ont t obtenues partir danalogies structurales avec des silicates de calcium hydrats naturels. La tobermorite 14 (Ca4H4Si6O18.8H2O, avec Ca/Si=0.66) et la jennite (Ca8H4Si6O18(OH)8.6H2O, Ca/Si=1.33) possdent les structures cristallines les plus appropries et les plus proches des C-S-H [Jennings, 2000]. Certains auteurs considrent quil existe plusieurs "phases" C-S-H diffrencies par leur rapport C/S [Damidot and Glasser, 1995; Taylor, 1997].

    La tobermorite 14 , qui semble tre la plus proche de la structure des C-S-H, contient dans linterfeuillet plus de molcules deau quune tobermorite classique (11 ), et par consquent le paramtre de maille c/2 augmente de 11 14 (1,1 1,4 nm) [Terrisse, 2000].

    La tobermorite et la jennite se caractrisent par une structure en feuillets comme pour les C-S-H. Ces deux silicates se composent dune succession de plans constitus de chanes silicates linaires dfinissant un enchanement rptitif de trois units ttradriques nommes drierketten et dun interfeuillet constitus datomes de calcium.

    Ces units drierketten signifient que deux ttradres sur trois partagent leurs deux atomes doxygne restants avec un calcium du plan principal. Le dernier ttradre, dit ttradre pontant, possde quant lui deux oxygnes non partags, dont la charge est compense par des protons ou des ions calcium prsents dans linterfeuillet.

    !

    Ks = Ca2+( )x H2SiO42"( ) OH "( )x"1

  • I-3. Porosit des matriaux cimentaires

    I-38

    Figure I-6 : Schma simplifi de la structure d'un C-S-H avec les trois types de ttradres daprs [Terrisse, 2000].

    Par rapport aux analogues cristallins, les C-S-H peuvent tre visualiss comme une tobermorite possdant des imperfections et des irrgularits de telles manires que cette dernire soit presque amorphe et intimement mlange, lchelle nanomtrique, avec une forme similaire la jennite [Jennings, 2000].

    Par rapport certains phyllosilicates 2 : 1 comme la smectite qui montre une analogie structurelle et une analogie de ractivit de surface avec les C-S-H [Terrisse, 2000], ces derniers, mme sils peuvent accommoder un nombre variable de molcules deau, ne sont pas gonflants et leurs cations compensateurs ne sont que partiellement changeables [Rompaey, 2006].

    Le remplacement partiel du clinker par du laitier abaisse le rapport moyen Ca/Si des C-S-H dans la pte. Pour des remplacements situs entre 40 et 60%, les valeurs moyennes typiques correspondent un rapport Ca/Si = 1.5 1.6. Les espces silicates des C-S-H sont moins polymrises lorsque le laitier est prsent dans le ciment et ceci peut tre d, entre autres, la substitution du silicium par laluminium dans les ttradres [Taylor and Aldrige, 1993].

    La chimie des surfaces des C-S-H est probablement aussi importante que leur structure. Elle contrle les interactions avec les cations et les anions, llectrolyte et les autres molcules et est lorigine des forces de cohsion entre les particules menant la prise du ciment [Lesko et al., 2001].

  • I. Ciments de haut-fourneau et porosit

    I-39

    3.3. La structure poreuse des matriaux cimentaires

    Leau est un des lments essentiels du bton qui intervient toutes les tapes de la vie du matriau. Introduite dans le bton lors de sa fabrication, leau confre au bton frais ses proprits rhologiques (permettant son coulement et son moulage) et participe au dveloppement de la raction dhydratation et donc des rsistances mcaniques. Cependant lexcdant deau de gchage prsente un caractre nfaste car elle induit une porosit capillaire plus importante et est responsable du ressuage, du retrait de dessiccation, de dgradations en cas de gel et peut permettre le transport des agents agressifs. Il faut donc trouver un quilibre entre la quantit deau ncessaire aux mcanismes dhydratation et celle ncessaire la plasticit du matriau frais. Les plastifiants rducteurs deau et les superplastifiants ont t labors pour permettre de napporter lors du mlange que la quantit deau ncessaire lhydratation des phases anhydre du ciment, tout en assurant une bonne ouvrabilit du matriau frais et une bonne compacit du matriau durci.

    Aprs diffrentes tapes dhydratation, linteraction de leau et du ciment anhydre mne la formation dune pte durcie dont le liant est un amalgame de silicates de calcium hydrats, les C-S-H. lchelle la plus fine, molculaire, ces C-S-H sont constitus de feuillets, association doctadres calciques et de ttradre de silice. lassemblage successif des feuillets en nanocristallites lamellaires, de ces nanocristallites en particules puis de ces particules elles-mmes en agrgats plus ou moins denses, peut tre associ un autre espace : la porosit.

    Les caractristiques microstructurales se traduisent lchelle macroscopique par des coefficients de transfert comme la permabilit et la diffusivit qui ont une influence directe sur la durabilit des structures : la rsistance du matriau vis--vis de la carbonatation, la diffusion des ions (comme les chlorures responsables de la corrosion des armatures), la rsistance aux cycles gel/dgel dpendent de la texture et de la rpartition hydrique. La connaissance de la microstructure et des interactions eau/solide est donc une des cls des problmes de durabilit des structures en bton.

    Comme tout milieu poreux, les matriaux cimentaires sont constitus de phase(s) solide(s) et de pores, vides gnralement occups par un fluide (air, eau, etc.). La porosit est la fraction de volume total occupe par les vides [Monicart, 1975]. Avec Vt le volume total ou apparent de lchantillon, Vp le volume des vides ou volume poreux et Vm le volume rel de la matrice solide, la porosit [%] est donne par la formule suivante :

    Eq. I-7

    !

    " =VpVt

    #100

  • I-3. Porosit des matriaux cimentaires

    I-40

    avec : Eq. I-8

    La porosit dun matriau poreux peut tre compose de deux types de vide dfinis en fonction de leur position par rapport au milieu extrieur (Tableau I-1 et Figure I-7), on distingue ainsi :

    les vides ouverts : ces pores communiquent avec lextrieur ; les vides ferms : ces pores sont isols, non accessibles, ne

    communiquent pas avec le milieu extrieur.

    P o r o s i t D f i n i t i o n

    totale ensemble des vides ferms et ouverts

    rsiduelle ensemble des vides ferms

    accessible ensemble des vides ouverts

    libre partie de la porosit accessible o les fluides peuvent librement circuler

    pige partie de la porosit accessible ne permettant pas la rcupration des fluides

    primaire ensemble des vides prsents ds la mise en place du matriau (air occlus)

    secondaire ensemble des vides forms aprs la mise en place du matriau

    Tableau I-1 : Dfinition des diffrents types de porosit dun matriau.

    Les vides ferms nintervenant pas dans les proprits de transferts, nous ne nous intresserons dans cette tude quaux vides ouverts. La porosit primaire se forme au moment de la mise en place de la pte : ce sont des vides quasi-sphriques dus lair occlus, cest dire lair entrain dans la pte au moment du malaxage. La porosit secondaire se forme lors de la dshydratation du matriau, avec lvaporation de leau interstitielle et lapparition de fissures [Rougelot et al., 2010].

    Figure I-7 : Organisation dans le matriau des diffrents types de porosit (daprs [J.P. Ollivier and Vichot, 2008])

    !

    Vt =Vp +Vm

  • I. Ciments de haut-fourneau et porosit

    I-41

    La porosit dans le matriau studie diffrentes chelles en fonction de lorigine de la formation des vides qui la composent (Figure I-8) [Rouquerol et al., 1994] :

    les macropores (>50nm) les msopores (50nm> taille > 2 nm) les micropores (< 2 nm)

    Figure I-8 : Echelle des diffrentes gammes de pores dans un mortier [Daprs [Delmas, 2006] et [Baroghel-Bouny, 1994]].

    Les macropores

    Dans cette famille de pores, on y trouve des cavits plus ou moins sphriques de diamtre suprieur 50 m environ [480-11, 2006]. Ces cavits sont dues la prsence de bulles dair entranes lors de la mise en uvre dans le matriau frais ltat de pte, galement appel air occlus. Ces bulles dair, considres comme sphriques tant que leur diamtre reste infrieur 500 m, ont parfois t qualifies de granulats de masse nulle [Diamond, 1999]. On y trouve galement les fissures qui forment ce quon appelle la porosit capillaire. Les fissures ont une largeur variable qui stend de plusieurs nanomtres plusieurs

  • I-3. Porosit des matriaux cimentaires

    I-42

    dizaines de microns. La morphologie de ces vides est trs diffrente des prcdents, puisquils ont une longueur gnralement cent mille fois plus importante que leur largeur qui est du mme ordre de grandeur que leur hauteur.

    Les msopores

    Ils constituent principalement les pores intergranulaires. Alors que les fissures forment des capillaires intrinsques la pte de ciment observe dshydrate, des caractristiques particulires ont t observes ds 1956 par Farran [Delmas, 2006; Otis, 2000] dans la zone situe prs de linterface entre les granulats et la pte de ciment. La microstructure et les proprits du matriau y sont diffrentes de celles du reste de la pte (Figure I-9). On appelle cette zone, qui stend sur 50 m environ [Diamond and Huang, 2001], la zone de transition interfaciale (ZTI) et parfois aurole de transition . Chaque fois qu'un agrgat est incorpor dans une pte de ciment, que ce soit une plaque de verre lisse, une armature d'acier, une fibre, un grain de sable ou une roche, une zone de transition interfaciale est forme.

    Figure I-9 : Reprsentation schmatique de la Zone de Transition Interfaciale [daprs [van Breugel et al., 2004]].

    Au voisinage de l'agrgat, un film duplex de 1 2 m d'paisseur est gnralement observ. Ce film est constitu d'une portion d'hydroxydes de calcium et d'une portion de gel de CSH. Puis apparat la zone de transition interfaciale proprement dite. La portlandite et l'ettringite (pour les ciments contenant moins de 20 % de laitier) s'y retrouvent en concentration plus leve que dans la pte de ciment [J. P. Ollivier et al., 1995]. La plupart des cristaux de portlandite et dettringite sont larges et bien dvelopps. La portlandite adopte une orientation prfrentielle dans cette zone [Diamond, 2001].

    Les grains de ciment non hydrats ne sont pas frquents dans la zone de transition interfaciale, leur prsence augmente au fur et mesure que lon sloigne

  • I. Ciments de haut-fourneau et porosit

    I-43

    du granulat [Diamond, 2001; Diamond and Huang, 2001]. La porosit y est plus leve que dans le reste de la pte, elle augmente au fur et mesure que lon se rapproche du granulat [Diamond and Huang, 2001].

    mesure que l'on s'loigne du granulat, la microstructure se rapproche de plus en plus de celle de la pte. La zone de transition interfaciale se termine lorsqu'il n'y a plus de changements. Ainsi, les concentrations de portlandite et d'ettringite diminuent, la porosit diminue et les grains non hydrats se font plus frquents jusqu' ce qu'on atteigne la masse de la pte de ciment. La prsence de grains de Hadley, observs plus souvent dans cette zone particulire, contribue la porosit. Ces grains sont constitus d'une coquille de CSH laisse vide par le ciment qui a diffus au dehors.

    Remarques : Lutilisation de superplastifiant rduit la macroporosit de la ZTI et lorsque du laitier de haut fourneau est utilis dans la composition du ciment, la microstructure de cette ZTI se densifie avec laugmentation de la finesse de mouture du laitier [Gao et al., 2005; J.P. Ollivier and Vichot, 2008]. En effet, la prsence de laitier implique des cristaux de portlandite plus petits et moins frquents, ce qui rduit la porosit associe cette phase dans cette zone de transition interfaciale.

    Les micropores

    Les structures concernes sont limites au gel de C-S-H. Par analogie avec les C-S-H de laboratoire, ayant une structure cristalline, les gels de C-S-H qui ont un faible degr de cristallinit sont modliss par une structure en feuillets. Trois types de porosit leur sont associs (Figure I-8) :

    les pores intra cristallites (espaces inter-feuillets), espaces de quelques diximes de nanomtres de largeur situs lintrieur des particules de gel (r < 0,6 nm) ;

    les pores inter cristallites (espaces inter lamellaires) situs entre les lamelles de C-S-H (0,6 < r < 1,6 nm) ;

    les pores inter-particulaires (1,6 < r) Il rsulte de lorganisation interne des ptes de ciment que les surfaces

    spcifiques sont trs importantes, de 200 1000 m2.g-1 suivant la technique employe pour la mesure et le mode de prparation de lchantillon [Jennings, 2000].

    Une caractristique du systme poreux des matriaux cimentaires est ltendue de la distribution en tailles, de quelques diximes de nanomtres plusieurs micromtres. Dans la littrature, on trouve diffrents modles de microstructures. Le modle de Feldman-Sereda [H M Jennings et al., 2007] est gnralement admis pour dcrire la porosit lchelle nanomtrique : les cristallites de C-S-H en lamelle, constituent les "briques lmentaires" dont lempilement provoque lapparition des pores les plus petits. Pour les chelles suprieures, beaucoup de modles proposent lexistence de deux gels de C-S-H distincts, nomms inner et outer products, avec des densits et des temps

  • I-3. Porosit des matriaux cimentaires

    I-44

    dapparition au cours de lhydratation diffrents. Linner product dapparence massive et presque sans structure est form in situ sur les grains de ciment alors que louter product sous forme de colonnes ou de fibres radiales la surface des grains est form dans lespace rempli deau.

    Plus rcemment, une reprsentation simplifie schmatise la microstructure du gel de C-S-H entre 1 et 100 nm [Jennings, 2000; Tennis and Jennings, 2000]. Le but de ce modle est dunifier et de rendre cohrentes les mesures de surfaces spcifiques obtenues par diffrentes mthodes, notamment ladsorption deau et dazote. Les units de base de ce modle sont reprsentes par des sphres uniformes de 2 nm de rayon et de 1000 m2.g-1 de surface spcifique. Elles rsultent de lagrgation de cristallites de C-S-H.

    Ces sphres sagrgent pour former des entits plus volumineuses. Lide essentielle est quune pte vieillie est constitue de deux sortes de C-S-H, les C-S-H de haute et basse densit (resp. HD et LD C-S-H), rsultats de deux possibilits de floculation : les LD C-S-H sont forms essentiellement aux jeunes ges, alors que les HD C-S-H prdominent dans les derniers stades dvolution.

    La reprsentation schmatique de ces deux structures est donne en Figure I-10. Les diffrences de mesures de surface spcifiques proviendraient alors du fait que les mthodes par intrusion ne "voient" pas la mme porosit (elles nont pas la mme accessibilit suivant le type de C-S-H).

    Figure I-10 : Schmas de microstructure daprs Jennings [Jennings, 2000]. Laggrgation des particules de C-S-H de quelques nanomtres et de surface spcifique leve seffectue de deux faons et

    forme a) un LD C-S-H et b) un HD C-S-H.

  • I. Ciments de haut-fourneau et porosit

    I-45

    4. P R O P R I E T E S D E T R A N S F E R T D E F L U I D E S D E S M O R T I E R S

    4.1. Proprits fluides/matriaux

    Selon le fluide en contact avec le bton, les interactions fluide / solide diffrent, car lies notamment la chimie du fluide et sa tension superficielle, aux tailles relatives des molcules des fluides et des accs aux pores.

    4.1.1. T en s i o n i n t e r f a c i a l e f l u i d e / f l u i d e , t e n s i o n s u p e r f i c i e l l e

    Lorsque deux fluides non miscibles sont en contact lun avec lautre, la surface de contact entre ces deux phases, ou interface, se comporte comme une membrane lastique tendue de manire uniforme. La tension applique sur linterface est appele tension de surface ou tension interfaciale exprime en N.m-1 ou en J.m-2 correspondant lnergie quil faut pour produire une interface [Rousset-Tournier, 2001]. La tension interfaciale par rapport lair est gnralement appele tension superficielle.

    A lintrieur dun fluide, les molcules minimisent leur nergie en interagissant avec les molcules environnantes. A linterface, ces interactions se limitent dans la direction du fluide, do une nergie molculaire plus leve et une attraction vers le fluide. Cette force dattraction soppose toute augmentation de la surface.

    4.1.2. Mou i l l a b i l i t , t e n s i o n i n t e r f a c i a l e f l u i d e - s o l i d e

    Lorsque ces deux fluides non miscibles, lair et leau dans notre cas, sont en contact avec une surface solide, il se forme un angle entre le liquide et le solide au point triple liquide/solide/gaz (Figure I-11). A lquilibre, cette configuration dpend des valeurs relatives des tensions de surface des trois phases. Langle de contact entre la surface du liquide et la surface du solide quantifie le mouillage :

    le liquide est dit mouillant si < 90 (cos() > 0 ; la tension interfaciale solide/gaz sg est suprieure la tension interfaciale solide liquide sl) ;

    le liquide est dit non mouillant si > 90 (cos() < 0 ; sg < sl).

    Figure I-11 : Reprsentation schmatique des forces de tension interfaciale sexerant sur la priphrie dune goutte de liquide dpose sur un solide plan.

  • I-4. Proprits de transfert de fluides des mortiers

    I-46

    Lquation de Young (1805) [Shikhmurzaev, 2008], ou Young-Dupr [Dupr, 1869], traduit, en projection plane sur le solide, lquilibre entre les forces de tension interfaciale :

    Eq. I-9

    La somme vectorielle de ces trois forces comporte donc une composante nulle dans le plan de la surface solide et une composante perpendiculaire au plan de la surface solide. Cette composante perpendiculaire est compense par une traction exerce par le solide.

    Comme la fonction trigonomtrique cosinus est comprise entre (-1) et (+1), lquation de Young sapplique quand :

    Eq. I-10

    Lorsque cette condition nest pas respecte, il ne peut se former un angle de contact, il y a alors mouillage totale du liquide sur le solide ou du gaz sur le solide.

    Langle de contact entre une goutte et une surface plane et lisse est constant dans des conditions donnes, mais varie avec la rugosit du solide ou lorsque le front de la goutte avance/recule sur le solide : cest lhystrse de langle de contact. On appelle angle davance la valeur la plus grande de langle de contact et angle de recule la plus petite.

    Dans un milieu poreux, comme les btons ou les mortiers, la surface des capillaires et des pores nest pas lisse, la solubilit de certaines phases modifie les proprits chimiques de leau y circulant et les interactions entre les hydrates du ciment et leau peuvent galement modifier langle de contact liquide-solide.

    4.1.3. P r e s s i o n c a p i l l a i r e

    Dans un capillaire de rayon r < 10 m (Figure I-12), la tension superficielle de leau cre pression atmosphrique un mnisque dallure sphrique [At-Mokhtar et al., 2004]. La pression capillaire est la diffrence de pression existant de part et dautre de cette surface. Lors dune imbibition, la pression dans leau Pl , la partie convexe du mnisque, est infrieure la pression dans lair Pg , la partie concave du mnisque (Figure I-12). Soit :

    Eq. I-11

    !

    " lg cos #( ) = " sg $" sl

    !

    " lg #" sg $" sl # $"lg

    !

    Pc = Pg + Pl

  • I. Ciments de haut-fourneau et porosit

    I-47

    Figure I-12 : Reprsentation schmatique des forces appliques de part et dautre dun mnisque dans un capillaire.

    Cette pression capillaire est aussi gale au poids de la colonne deau lquilibre dans le tube :

    Eq. I-12

    Lquation de Laplace (aprs les travaux de Francis Hanksbee publi dans Philosophical Transactions en 1709) permet de relier la pression capillaire aux rayons de courbures du mnisque form linterface liquide/gaz. Dans un capillaire (r < 10 m), les effets de la gravits sont considrs ngligeables sur le mnisque form, son rayon de courbure R a une allure sphrique (Figure I-12) et lquation de Laplace peut sexprimer de la manire suivante :

    Eq. I-13

    En combinant les quations Eq. I-12 et Eq. I-13 on obtient lquation de Jurin (1718) qui montre que la hauteur dquilibre h atteinte par le mnisque est inversement proportionnelle au rayon du capillaire :

    Eq. I-14

    4.1.4. A sp e c t d y n a m i q u e d e l a c a p i l l a r i t

    Limbibition capillaire est le rsultat de la prfrence du solide pour un fluide, ou mouillabilit prfrentielle, sans quune pression extrieure ne soit applique. Elle a pour consquence le dplacement du fluide le moins mouillant, ici lair, au profit du fluide le plus mouillant, ici leau.

    : Reprsentation schmatique des forces appliques de part et dautre dun mnisque dans

    !

    Pc = "#gh

    !

    h = 2" cos #( )$%gr

  • I-4. Proprits de transfert de fluides des mortiers

    I-48

    La pression lintrieur du liquide dans un capillaire au niveau de linterface est infrieure la pression atmosphrique. Entre le moment o lchantillon est mis en contact avec le fluide et le moment o lquilibre est atteint, la pression qui sapplique linterface diminue. Le gradient de pression entre ltat initial et lquilibre correspond lascension de leau lintrieur de lchantillon.

    Soit x le dplacement vertical dun mnisque dans un capillaire. Au fur et mesure que leau pntre dans le capillaire, x augmente et le gradient de pression diminue. La vitesse dcoulement de leau est inversement proportionnelle la viscosit dynamique du fluide [Pa.s] et proportionnelle ce gradient de pression et tend dcrot