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Nouveaux enjeux de l'ostéoporose pour le rhumatologue

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Page 1: Nouveaux enjeux de l'ostéoporose pour le rhumatologue

N ELSEVIER

Available online at www.sciencedirect.com

Revue du Rhumatisme 72 (2005) $4-$9

REVUE DU RHUMATISME

www.elsevier.eorrdloeateirevThu

Nouveaux enjeux de l' ost6oporose pour le rhumatologue

Novel issues about osteoporosis for the rheumatologist

Erick Legrand*

Service de rhumatologie et Inserm-EMl 0335, centre hospitalier universitaire d'Angers, 49033 Angers, France

R6sum6

L'ost6odensitomdtrie 6tait consid6r6e depuis 15 ans comme la pierre angulaire du diagnostic de l'ostdoporose. L'hormonoth6rapie substitutive 6tait le traitement de r6f6rence de l'ost6oporose post-mdnopausique et la femme rdcemment mdnopaus6e 6tait la cible principale des explorations et des traitements. Apr~s 75 ans, p~riode de haute incidence fracturaire, les traitements ~ vis6e 6tiologique n'6taient plus envisag6s. I1 en rdsultait que moins d'une femme fractur6e sur cinq recevait un traitement anti-ost6oporotique efficace. En ce d6but de XXI e siBcle, nous avons appris ~t mieux 6valuer le risque fracturaire, y compris chez l 'homme, en prenant en compte des crit6res cliniques (age, poids, contexte 6tiologique, tabagisme, corticoth6rapie, antdcddents de fracture...) radiographiques (fracture vertdbrale), biologiques (marqueurs du remodelage) et la mesure de densit6 osseuse. La fracture pr6valente et l'fige sont indiscutablement les facteurs de risque les plus importants. I1 est indispensable de dfivelopper et de diffuser darts la communaut6 mddicale et mSme dans le grand public des scores cliniques ais6s mettre en ~euvre, permettant d'identifier et de prendre en charge les populations ~ risque. Les nouvelles techniques d'imagerie osseuse non invasives apporteront dans l 'avenir des informations sur la qualit6 de l 'os et les recherches sur les marqueurs biologiques doivent se poursuivre. Ces recherches sont d'autant plus indispensables que des traitements tr~s efficaces pour rdduire le risque de fracture et bien tol6r6s sont maintenant g notre disposition. © 2005 Elsevier SAS. Tous droits r4servds.

Abstract

Until recently, dual photon densitometry was considered the gold standard for the diagnosis of osteoporosis. Hormonal replacement treatment was the standard therapy, and early postmenopausal women were the main target for the management of the disease. High-risk elderly women were considered non eligible and were withdrawn from efficient therapy. As a result, less than 25 % of fractured patients received appropriate treatment. By the beginning of the XXIst century, much has been learnt about the numerous risk factors for osteoporosis, including in men. A prevalent fracture is the most significant of these factors. In the future, clinically relevant and easy to administer questionnaires about risk factors should be developed and applied not only by physicians, but by patients themselves. New ultrasound-based or other imaging techniques could help to better evaluating bone quality. Biological markers could be developed. This research is all the more crucial as more and more efficient and well-tolerated drugs become available. © 2005 Elsevier SAS. All rights reserved.

Mots clds : Ost6oporose ; Historique ; Facteurs de risque ; Imagerie ; Marqueurs biologiques

Keywords: Osteoporosis; Historical survey; Risk factors; Imaging; Biological markers

La derni~re d6cennie a 6t6 marqu6e par des progr~s con-

siddrables ~ la fois darts la compr6hens ion de la physiologie

*Correspondance. Adresse e-mail .' [email protected] (Erick Legrand).

du tissu osseux et de la physiopathologie de la plus fr6quente

des maladies osseuses : l 'ost6oporose. Des progrbs majeurs

© 2005 Elsevier SAS. Tous droits r6serv6s.

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ont EtE accomplis dans le domaine de l'ostEologie fonda- mentale, de l'exploration biologique et des techniques dia- gnostiques d' imagerie et d'histologie. Les avancEes sont aussi et surtout thdrapeutiques, offrant aujourd'hui au rhu- matologue une palette Elargie de traitements actifs.

1. Du pass6 faisons table rase ?

Au debut des anndes 1990, trois concepts dominaient encore les esprits des cliniciens sur l'ostEoporose.

• L'Evaluation du risque fracturaire dtait fondde essen- tiellement sur la densitomEtrie osseuse, qui connaissait depuis quelques annEes un ddveloppement considEra- ble en pratique courante.

• Le traitement hormonal substitutif (THS) Etait large- ment prescrit aprEs la menopause et reprEsentait la pierre angulaire de la prevention de l 'ostEoporose ~t cette pdriode de la vie. ConsidErd comme un traitement logique de la carence estrogEnique, il Etait utilisE aussi bien en presence qu'en l 'absence de sympt6mes clima- tdriques (notamment de bouffEes de chaleur invalidan- tes), et sans Evaluation prEalable systdmatique du risque fracturaire , r isque dont les composan tes 6taient d'ailleurs incompl~tement connues.

• Apr~s 75 ans, il Etait gEnEralement acceptE que le THS n'avait plus d'indication et qu'il Etait << trop tard >> pour s'intdresser ~ l'ostEoporose. La supplementation en cal- cium et vitamine D Etait d~s lots considErEe comme la seule thdrapeutique raisonnable.

Les implications cliniques dEcoulant logiquement de ces conceptions n'Etaient pas sans consequences sErieuses. La plupart des investigations et des thErapeutiques dtaient pro- posEes aux femmes rEcemment m6nopausEes, entre 50 et 65 arts, age auquel le risque de fracture, en l 'absence de comorbiditE, est pourtant encore faible. La prescription du THS Etait largement admise par les mddecins et souvent rdclamEe par les patientes elles-mames, alors mame que cette attitude ne s'appuyait sur aucune Etude rmadomisEe de niveau de preuve satisfaisant ayant pu dEmontrer la rEalitE des bEnEfices thErapeutiques allEguEs. Les fractures vertE- brales ou pEriphEriques des femmes figEes, aprbs 75 et afor- tiori apr~s 80 arts, n'Etaient pas considErdes comme justi- fiant un traitement prEventif des rEcidives fracturaires. I1 en rEsulte que la population la plus exposEe au risque n'Etait pas correctement prise en charge et que moins de 20 % des femmes ayant une ostEoporose avErEe, attestEe par une pre- mitre fracture, Etaient traitEes.

2. l~valuer le risque fraeturfiire en 2005

La principale legon tirEe de l'expErience clinique et sur- tout des rdsultats dpidEmiologiques est que l'Evaluation du risque de fracture doit atre conduite fi partir d'un ensemble de crit~res, et non de la seule densitd osseuse. La mesure de

la densitE osseuse doit ~tre consid~rEe aujourd'hui comme un outil d'Evaluation tr~s utile... ~ condition d'etre con- front6 aux autres donnEes cliniques disponibles

Le risque de fracture comporte des facteurs quantitatifs mais aussi qualitatifs : qualitE du collagbne, degrd de minE- ralisation, niveau de remodelage et dquilibre entre ses com- posantes, qualitE de l'organisation micro-architecturale du rdseau trabEculaire.

A mesure que la densitE osseuse diminue, on sait que le risque de fracture augmente non pas de faqon linEaire, mais exponentielle. I1 ne s'agit cependant que d'un risque moyen dans une population donnEe. Les cliniciens ont constatE et les dpidEmiologistes ont confirmE 5 grande 6chelle que tou- tes les patientes dont la densitE osseuse est basse ne prEsen- tent pas nEcessairement de fractures et que bien des fractures surviennent chez des patientes dont la densitE osseuse n'entre pas dans les critEres d'ostdoporose de I 'OMS : plus de la moitiE des fractures de l'extrEmit6 supErieure du femur (ESF) surviennent chez des sujets dont le T-score est com- p r i s e n t r e - 2 , 5 et - 1 , c ' e s t - g - d i r e s i m p l e m e n t ostEopEniques [1].

Pour rendre compte de ces Evdnements fracturaires, force est d'admettre que le risque depend aussi de facteurs quali- tatifs que la densitomdtrie osseuse n 'apprdcie que tr~s imparfaitement.

2.1. L'~ge, composante essentielle du risque fracturaire

La qualitd osseuse ne peut actuellement ~tre apprEciEe de fagon aussi simple que la densitd. I1 existe cependant des ElEments cliniques, aisEs ~ recueillir, dont la correlation au risque fracturaire, ~ densitE osseuse Egale, a EtE bien Etablie.

L'~ge est un ElEment essentiel (Fig. 1) [1--4]. Pour un T- score de -2,5, le risque de fracture est deux fois plus ElevE 80 qu'~ 60 ans. De m~me, la probabilitE d'atre victime d'une fracture dans un dElai de 10 ans est multipliEe par deux ou plus, ~ T-score dgal, entre 50 et 75 ans (Fig. 2) [1]. Or, l'accroissement de la longEvitE donne aux femmes qui ont atteint l'~ge de 75 ans une espErance de vie d'environ une dEcennie, la longEvitE rEelle pouvant largement ddpasser cette espErance statistique. Chez l 'homme, l 'influence de l'~ge sur le risque fracturaire est encore plus forte, bien que le risque absolu soit plus faible [1]. ,~ 75 ans, le risque de fracture de I 'ESF dEpasse 20 % dans les 10 ans lorsque le T- score atteint -3. I1 est multiplid en moyenne par 2,2 entre 50 et 75 ans (Fig. 3).

2.2. Les antdcidents fracturaires sont le premier facteur de risque

Plus important encore que l'fige, le facteur de risque majeur de nouvelle fracture vertEbrale est la presence d'un antEcEdent fracturaire, ce que l 'on traduit par l 'aphorisme : les fractures prdvalentes sont le principal facteur de risque des fractures incidentes. Le risque de survenue d'une nou-

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Risque de

fracture

70arts

60 ar~

! 50 ans~s

0 ~1 ~2,5 T-score

Fig. 1. A densit6 osseuse ~gale, le risque de fracture d~pend fortement de 1' fige.

T - ~ ESP

* i 0 -2 -3

50 ons 2.4 % 3,8 % 9.2' % [ 14.1%

65 oe, s 4 % 6,3 % 15,6 % I 23,9 %

75 ens 4,2 % 7 % 19,4 % $0,8 %

R~sq~ x par 2 Fig. 2. Probabilit6 de fracture dans les dix ans qui suivent chez les femmes en fonction de l'ftge et du T-score de l 'extrdmit6 supdrieure du fdmur (d'apr~s Kanis et al. [1]).

2.3. Les facteurs de risque se potentialisent

Si l'~ge 61ev6 s'ajoute ~t un antdc6dent de fracture, c'est une v6ritable << explosion >> du risque que l 'on assiste [2]. Au-delh de 75 arts, le risque de premiere fracture vert6brale est de 5,9 % chez l'homme et de 11,2 % chez la femme. En cas de fracture pr6valente, le risque de nouvelle fracture est multipli6 par 6 chez l 'homme (36,4 %) et par 9 chez la femme (92,4 %), soit une quasi-indluctabilit6 de la r6cidive fracturaire en l'absence de traitement [2].

2.4. Risque fracturaire et ostdoporose secondaire

Le contexte 6tiologique peut 6galement influer sur le ris- que de fracture. Selon une m6ta-analyse de 23 publications r e l a t i v e s aux c o m p l i c a t i o n s f r a c t u r a i r e s de la corticoth6rapie [5], il existe une forte corr61ation entre le ris- que de fracture et la dose journali~re de cortico'fdes, 5 partir d'un seuil de 5 mg d'6quivalent prednisone par jour. I1 aug- mente de faqon pr6coce, d~s les trois ~t six premiers mois de traitement, et diminue plus lentement aprbs son interruption. Le risque de fracture serait plus 61ev6, ~ 6galit6 des autres facteurs de risque, dans l'ost6oporose cortisonique que dans l'ost6oporose post-m~nopausique (Tableau 1). Ceci pourrait s'expliquer par des anomalies structurelles osseuses suppl6- mentaires induites par la corticoth6rapie. L'importance du risque justifie en tout cas le recours pr6coce ~t des mesures de pr6vention.

Des constatations analogues pourraient sans doute ~tre faites dans d'autres contextes 6tiologiques : insuffisance r6nale chronique, malabsorption, endocrinopathies...

T-score ES/=

+ 1 0 ~2 ~3

50 ans 1,8 % 2,7 % 6,3 %

65 ans 3 % 4,3 % 8,8 %

75 ans 4 ,1% 6, 3 % 14,4 %

9,4 %

12,4 %

21,2 %

Risque x par 2, 2 Fig. 3. Probabilit~ de fracture dans les dix ans qui suivent chez les hommes en fonction de l '~ge et du T-score de l 'extr6mit6 sup6rieure du f6mur (d'aprbs Kanis et al. [1]).

velle fracture vertdbrale est ainsi multipli6 par 3 ?a 5 aprbs une premi6re fracture [4].

3. Facteurs de risque de l'ost~oporose masculine

Nous avons montr6 pr6c6demment que la connectivit6 du tissu osseux trab6culaire 6tait un d6terminant qualitatif majeur du risque de fracture vert6brale chez l'homme ostdo- porotique [6]. Pour examiner les corr61ations possibles entre les facteurs de risque cliniques et la micro-architecture tra- bdculaire, nous avons entrepris une 6tude 6pid6miologique et morphom6trique prospective chez 152 sujets ostdoporoti- ques de sexe masculin, d6finis par un T-score lombaire ou

Tableau 1 Risque fracturaire dans l'ostdoporose cortisonique (d'apr~s Van Staa et al.[51)

M6ta-analyse (23 articles) : corticoth~rapie et factures

Site Perte osseuse RR attendu RR observ6

Rachis -0,5 % 1,04 2,4 -4,7 % 1,48 3,05

ESF -0,7 % 1,04 1,54 - 6 , 1 % 1,41 2,34

Le risque de fracture est plus 61ev6 au cours de la cortieoth6rapie que lors de l'ost6oporose post-m6nopausique. RR : risque relatif ; ESF : extr6mit6 supdrieure du f6mur.

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f6moral < -2,5 [7]. Les facteurs de risque recherch6s 6taient l 'fige (> 60 ans), le poids (indice de masse corporelle < 25 kg/m~), le tabagisme (> 20 paquets-ann6es), la con- sommation de boissons alcoolisdes (> 50 g par jour pendant 10 arts ou plus), la corticoth6rapie (> 10 mg par jour d'6qui- valent prednisone pendant plus d'un an), l 'hypogonadisme, les maladies chroniques.

Les patients qui pr6sentaient au moins trois facteurs de risque cliniques d'ost6oporose (n = 56) avaient des alt6ra- tions significatives de la micro-architecture trab6culaire, avec notamment une diminution des interconnexions osseu- ses trab6culaires, une r6duction du nombre de trav6es, une augmentation du star volume et une diminution du nombre d'extrdmit6s libres (Fig. 4).

I1 existe une corr61ation entre le nombre de facteurs de risque et la pr6valence des fractures, significative statisti- quement pour deux facteurs de risque et plus (Fig. 5). Avec deux facteurs de risque, 59 % des patients sont fractur6s et le nombre moyen de fractures vertdbrales par patient est de 1,8. Les valeurs respectives pour au moins 3 facteurs de ris- que sont de 61% et 1,7.

En r6sum6, plus le nombre de facteurs de risque cliniques est 61ev6 chez un patient donn6, plus la micro-architecture trab6culaire est d6grad6e et plus le risque de fracture vert6- brale est 61ev6.

4. Importance d'une 6valuation plurifactorielle du risque ost6oporotique

La mesure de la densit6 min6rale osseuse reste irrempla- ~able pour le diagnostic de l'ost6oporose. Elle ne doit pas faire oublier la n6cessit6 de recueillir l 'ensemble des infor- mations pertinentes qui vont permettre de moduler l'6valua- tion densitom6trique : ~ge, poids, tabagisme, corticoth6ra- pie, ant6c6dents familiaux de fractures, mais aussi et surtout

Patients ZCZ 4 ~r~p~

0 f~+teurn ~ r~sq~e 2,4 ± 1,0

(n= ~z)

I faeteur de r i ~ e ~,9 ± 1,5

[n= ~1

Z fi~arn de r~lUe 3,3 ± Z,1

(n ~ 49)

Au enoins 3 f~=ct'eurs de ri~ue 3,7 ± 2,6

(n ~ 50)

12,9 ~ 5,1t

Z0,1 t 20,2

17,5 ± 15,7

25,9 ± 17,5

lil~..s

15,8 ± 10,7

20,0 ~ 13.0

22,1 ± 14,1

23,2 ±15.4

Fig. 4. Correlation entre les facteurs de risque d'ost6oporose masculine et les parambtres morphom6triques de perforation trab6culaire (d'apr~s Legrand et al. [7]). ICI : indice d'interconnexion trab6culaire (interconnectivity index) Star volume : volume-~toile.

Patients % de patients hombre de

ev ~ e n t

Pas de foeteur de risque 36,3 %

Cn= 22)

1 fact±uP de eisq~ 52 %

{n= 25)

Z focteur's de r ~ e 59 % *

(n: ,*9)

Au er~ins 3 f~eurs de risque 6 1 % "

(n= 56)

0,7

1,1

1,7 ++

Fig. 5. Corr61ation entre le nombre de facteurs de risque d'ostdoporose mas- culine et la pr6valence des fractures vert6brales (d'apr~s Legrand et al. [7]).

ant6c6dents personnels de fracture. Ce dernier critbre dolt aujourd'hui atre consid6r6 comme l'616ment-cl6 de la d6ci- sion thdrapeutique, ce qui justifie une attention toute parti- culi~re 5 son identification. I1 faut prendre le temps d'un interrogatoire minutieux et effectuer des radiographies du rachis au moindre doute, et no tamment dans les cas suivants :

• devant toute douleur vertdbrale, m~me si elle est d'apparence banale et rattach6e par le patient ~ un effort ou un traumatisme ;

• en cas de perte de taille de plus de 3 cm ; • si le T-score est < -2,5 chez un sujet de plus de 65 ans.

5. Perspectives d'avenir

5.1. Evaluation multicrit~re du risque de fracture

Pour rendre plus rationnelle l'6valuation du risque fractu- raire, harmoniser les pratiques, mieux Stayer les recomman- dations th6rapeutiques et am61iorer la qualit6 des essais cli- niques, l ' aveni r appartient au d6veloppement d 'out i ls d'6valuation du risque faciles ~t mettre en ~uvre, fi la fois sensibles et sp6cifiques.

Un index composite a 6t6 propos6 r6cemment par Black et al. [8]. ,~ partir des donn6es cliniques et densitom6triques de 7 782 femmes fig6es de 65 ans et plus, 6valudes dans le cadre de la SOF (Study of Osteoporotic Fractures), les auteurs se sont attach6s ~ ddgager des 616ments cliniques trbs simples, applicables par des non-sp6cialistes ou par les patientes elles-m~mes, compl6t6s par la mesure de la DMO. Six crit6res cliniques pertinents ont ainsi 6t6 d6finis (Tableau 2). Le critbre densitom6trique permet d'affiner la pr6diction, mais l'index est 6galement utilisable sur les seuls 616ments cliniques (Fig. 6). Baptis6 Fracture Index, il a 6t6 valid6 darts le cadre de l'6tude EPIDOS et permet de pr6dire avec une prdcision raisonnable le risque de fracture ~ 5 ans.

D'autres scores sont en cours de d6veloppement ou de validation, pouvant inclure l 'autonomie, l'acuit6 visuelle,

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Tableau 2 Index composite d'6valuation du risque fracturaire propos6 par Black et al. (Fracture Index) (d'apr~s Black et al. [8])

Age* 0 g 5 Fracture apr~s 50 ans 0 ou 1 Fracture maternelle aprbs 50 ans 0 ou 1 Poids < 57 kg 0 ou 1 Tabagisme 0 ou 1 Aide des bras pour se relever d'un si6ge 0 ou 2 T-score f6moral 0 ~t 4 Total 0 ~t 15

* 1 point par tranche de 5 ans au-dessus de 65 ans.

les capacitds cognitives, la force musculaire ou la coordina- tion des mouvements [9-11].

5.2. Ddvelopper l'imagerie osseuse non invasive qualitative

Traiter efficacement l 'ostdoporose, c 'es t am61iorer les propridtds m6caniques de rdsistance de l 'os. Or, le contenu mindral osseux n 'est qu 'une des composantes de la r6sis- tance osseuse. Les propri6t6s structurelles de l 'os qui con- courent h sa r6sistance peuvent ~tre appr6ci6es grace l ' 6 tude h i s to log ique et aux techniques sophis t iqu6es aujourd 'hui applicables aux 6chantillons biopsiques. I1 s' agit cependant de techniques invasives, r6serv6es aux 6tu- des fondamentales ou aux essais cliniques.

Diverses techniques d'imagerie ont 6t6 r6cemment d6ve- lopp6es pour 6valuer la qualit6 de 1' architecture osseuse [ 12, 13]. Elles s 'appuient sur les rayons X, les ultrasons ou la r~sonance magn6tique. Pour l '6tude de l 'os trab6culaire, plusieurs travaux plaident pour l'int6r~t de l ' imagerie du calcandum, qu'elle soit ultrasonique [14, 15] ou magn6tique [16, 17].

Les efforts doivent se poursuivre pour d6velopper les m6thodes non invasives d'6valuation de la qualit6 osseuse, qui pourraient avoir des applications majeures aussi bien pour l ' 6p id6miologie que pour le d6pistage ou la sur- veillance des traitements.

5.3l Marqueurs biologiques du risque fracturaire

La place possible des marqueurs du remodelage osseux dans le diagnostic et la prise en charge de 1' ost6oporose fait depuis longtemps d6j~ l 'objet de d6bats et de controverses non encore r6solues.

ce jour, aucun dosage biologique ne permet de pr6dire le risque fracturaire ~t l '6chelon individuel. L'6tude prospec- tive multicentrique EPIDOS conduite en France chez la femme ag6e de plus de 80 ans a d6montr6 l 'existence d 'une association entre 1' augmentation de certains marqueurs de la r6sorption (CTX, d6soxy-pyridinoline libre) et la survenue dans les deux ann6es suivantes d 'une fracture du col du fdmur, mais l ' information pronostique ne semble pas sup6- rieure ~t celle obtenue par la mesure de la DMO [18-20].

L'importance de la carence estrogdnique dans la pathog6- nie de 1' ost6oporose post-m6nopausique est bien 6tablie. Le

I--~ Index di~que N Avec la ~.nsi~ ESF

RtWtJ & 5 ~ a

de f r ~ a ~ de rE.~:

Rtsq~ x 22 8~2%

1 t ~ x 14 3,2% 3,9% !

o,6~ o,4~ 1,4% O,g4~ [~

8.7~

Total point i 2 3 4 5-9

Fig. 6. Risque fracturaire de l'extr6mit6 sup6rieure du f6mur (ESF) en fonc- tion du Fracture Index (d'apr~s Black et al. [8]).

dosage de certains st6ro'/des sexuels biodisponibles, au pre- mier rang desquels l'estradiol, semble avoir une valeur pr6- dictive ind6pendante vis-a-vis du risque fracturaire chez l 'homme et chez la femme [21-25].

Enfin, plus sp6cifiquement chez la femme ag6e, des mar- queurs nutritionnels simples ~ recueillir, comme le taux de l 'albumine s6rique, semblent bien corr616s au risque fractu- raire [26].

6. Conclusion

Nous sommes pass6s progressivement du concept 6troit d 'une maladie mono-factorielle (l 'ost6oporose d6finie par une densit6 osseuse basse) b l'idde, plus conforme ~t la r6a- lit6 clinique et ~ la d6finition d 'une politique de pr6vention efficace, que le risque de fracture ost6oporotique devait ~tre appr6hend6 dans une perspect ive plus globale. I1 doit aujourd'hui ~tre 6valu6 en tenant compte de toutes les infor- mations disponibles : non seulement la densit6 osseuse, mais aussi l 'age, le statut fracturaire personnel et familial, le poids, le tabagisme, les ant6c6dents de corticothdrapie, les comorbidit6s endocriniennes, digestives ou m6taboliques.

Nous avons 6galement appris que le traitement hormonal substitutif, en ddpit de ses effets osseux b6n6fiques, ne pou- vait ~tre propos6 de fa~on uniforme et syst6matique aux femmes m6nopaus6es, ne serait-ce qu 'en raison de ses effets inddsirables oncologiques, d6montr6s notamment dans la W o m e n ' s Health Initiative. Heureusement pour la sant6 osseuse de nos patientes, de nouvel les th6rapeutiques ddnu6es des effets inddsirables du traitement hormonal ont fait la preuve de leur efficacit6 antifracturaire franche et rapide : raloxif~ne, bisphosphonates, parathormone et ran6- late de strontium. Ce spectre th6rapeutique d6sormais 61argi permet de proposer fi chaque patiente, en fonction de son statut clinique, densitom6trique et fracturaire, une th6rapeu- tique individualis6e, de 50 ~t 90 ans, voire au-del~t. Les fem- mes ag6es, apr~s 75 ans, d6j~ fractur6es, ne doivent plus ~tre oubli6es mais au contraire trait6es en priorit6. Des r6sultats rdcents suggbrent que le ran61ate de strontium est efficace

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d a n s t ou t e s les t r a n c h e s d ' a g e y c o m p r i s ce l l e d e s f e m m e s de

p l u s d e 80 arts , g r o u p e h t r~s h a u t r i s q u e d ' o s t 6 o p o r o s e

s6v~re e t i n v a l i d a n t e , p o u r r 6du i r e le r i s q u e d e f r a c t u r e s ve r -

t 6b r a l e s e t p 6 r i p h d r i q u e s . C e t t e d 6 m o n s t r a t i o n n e p e u t q u e

r e n f o r c e r la c o n v i c t i o n des c l i n i c i e n s : ~t 60, 70 ou 80 ans , la

f e m m e f r ac tu r6e do l t Otre n o t r e pr ior i t6 t h 6 r a p e u t i q u e a b s o -

lue.

R6f6rences

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