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SÉQUENCE 1 12 OBJECTIFS Textes documentaires sur Guy de Maupassant . . . . . . . . . . . . . . . . . 14 q Rédiger la fiche biographique d’un auteur Toine, EXTRAIT 1 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 16 q Étudier un incipit de nouvelle Toine, EXTRAIT 2 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 17 q Apprécier l’écriture de Maupassant La Folle TEXTE INTÉGRAL . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 20 q Étudier une nouvelle : un récit complexe un récit réaliste Contes de la Bécasse, Guy de Maupassant . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 24 q Étudier un recueil de nouvelles FICHE-MÉTHODE : Rendre compte d’une lecture sous forme d’interview Promenades et Intérieurs, François Coppée . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 26 Un auteur et son œuvre : Guy de Maupassant . . . . . . . . . . . . . 27 Maîtriser des outils de langue . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 28 Oral : Dire une nouvelle . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 30 Écrit : Réviser dialogue, narration, description . . . . . . . . . . . . . . . . . 31 Le Papa de Simon, Guy de Maupassant TEXTE INTÉGRAL . . . . . . . . . . . 32 Lectures personnelles : Biographies romancées d’écrivains . . . . . . . . . . 35 FLORILÈGE S’EXPRIMER FAIRE LE POINT L’ÉCHO DU POÈTE ŒUVRE INTÉGRALE TEXTES & IMAGES principaux points de langue Les différents narrateurs . . . . . . . 17 Les reprises nominales . . 22 Les paroles rapportées dans le récit . 19 L’accord sujet – verbe . . . 28 Le rythme du récit . . . . . . . . . . . 22 Le récit au passé . . . . . . 28 Nouvelles de Maupassant q Découvrir un auteur et son œuvre Entrer par l’image D’après ce montage d’images, dans quel siècle situez-vous Guy de Maupassant : XVI e , XIX e , XXI e siècle ?

Nouvelles de Maupassant Hachette

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Page 1: Nouvelles de Maupassant Hachette

S É Q U E N C E 1

12

OBJECT I FS• Textes documentaires sur Guy de Maupassant . . . . . . . . . . . . . . . . . 14 qRédiger la fiche biographique d’un auteur• Toine, EXTRAIT 1 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 16 q Étudier un incipit de nouvelle• Toine, EXTRAIT 2 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 17 qApprécier l’écriture de Maupassant• La Folle TEXTE INTÉGRAL . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 20 q Étudier une nouvelle : un récit complexe

un récit réaliste

• Contes de la Bécasse, Guy de Maupassant . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 24 q Étudier un recueil de nouvellesFICHE-MÉTHODE : Rendre compte d’une lecture sous forme d’interview

• Promenades et Intérieurs, François Coppée . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 26

Un auteur et son œuvre : Guy de Maupassant . . . . . . . . . . . . . 27

• Maîtriser des outils de langue . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 28

• Oral : Dire une nouvelle . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 30

• Écrit : Réviser dialogue, narration, description . . . . . . . . . . . . . . . . . 31

• Le Papa de Simon, Guy de Maupassant TEXTE INTÉGRAL . . . . . . . . . . . 32

• Lectures personnelles : Biographies romancées d’écrivains . . . . . . . . . . 35

FLORILÈGE

S’EXPRIMER

FAIRE LE POINT

L’ÉCHO DU POÈTE

ŒUVRE INTÉGRALE

TEXTES & IMAGES

➜ principaux points de langue

• Les différents narrateurs . . . . . . . 17 • Les reprises nominales . . 22

• Les paroles rapportées dans le récit . 19 • L’accord sujet – verbe . . . 28

• Le rythme du récit . . . . . . . . . . . 22 • Le récit au passé . . . . . . 28

Nouvelles de Maupassant qDécouvrir un auteur et son œuvre

Entrer par l’image

� D’après ce montage d’images,

dans quel siècle situez-vous

Guy de Maupassant :

XVIe, XIX

e, XXIe siècle ?

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13Séquence 1 u Nouvelles de Maupassant

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Page 3: Nouvelles de Maupassant Hachette

T E X T E S & I M A G E SPOUR ENTRER

DANS LA SÉQUENCE� Citez un auteur du XVIIe siècle, du XIXe siècle, du XXe siècle.

Pour chacun d’eux, indiquez le titre d’une de ses œuvres.

Guy de Maupassant

Avant de lire les documents1. Qu’est-ce qu’une biographie ?

2. Quand on vous demande d’établir la biographie d’un auteur, quel(s) type(s) de documents devez-vous consulter ?

14

Document 1Maupassant Guy de (chât. de Miromesnil, Tourville-sur-Arques, Seine-Maritime, 1850 - Paris,1893), écrivain français. Dirigé par Flaubert (ami d’enfance de sa mère), il exprima son pessimismedans ses 300 nouvelles naturalistes1, réunies dans des recueils : La Maison Tellier (1881),Mademoiselle Fifi (1882), Contes de la Bécasse (1883), Toine (1885), Le Horla (1887), Le Rosierde Mme Husson (1888). Boule-de-Suif parut dans le recueil collectif des Soirées de Médan(1880). Romans : Une vie (1881), Bel-Ami (1885), Pierre et Jean (1888). Il mourut de la syphilis2.

Dictionnaire Hachette 2007.

Document 2

GUY DE MAUPASSANT (1850-1893)

Il naît le 5 août 1850 au château de Miromesnilprès de Dieppe, en Normandie.

À Étretat, dans la campagne normande, le jeuneGuy, en pleine liberté, joue avec les petits paysans,et connaît leurs réactions rusées, leurs passions,leur patois. Son premier contact avec la nature estheureux et il ne l’oubliera jamais. Celui avec la sociétél’est moins : la vie d’un collège religieux convientmal à un adolescent habitué à une certaine libertéde mouvement et de pensée.

Au séminaire d’Yvetot, il s’ennuie mais il peutcompter sur les vacances à Étretat, les parties depêche au petit matin, les plaisirs de la natation, lamer qu’il aimera toute sa vie ; il sera renvoyé aprèsquatre ans à la suite d’écrits provocateurs.

Il termine ses études au lycée à Rouen. Il a vingtans quand la guerre de 1870 éclate et il est témoindes scènes de déroute et de résistance. Il n’accepterajamais les atrocités absurdes, les meurtres gratuitset impunis, la veulerie3 des uns et l’héroïsme desautres qui inspireront longtemps ses contes.

Pour gagner sa vie, il entre d’abord au ministèrede la Marine, puis à celui de l’Éducation nationale,mais il passe ses fins de semaine en canotant sur laSeine, le long des guinguettes fourmillantes si chèresaux impressionnistes4, ou bien il se rend chezFlaubert, ami d’enfance de sa mère. Et c’est grâceà Flaubert qu’il entre en relation avec les principauxécrivains de son temps, français et étrangers. C’estainsi qu’il participera à l’élaboration des Soirées de Médan, recueil de nouvelles publié en 1880

dont fait partie la longue nouvelle Boule-de-Suifqui obtiendra un éclatant succès.

Il abandonne son terne travail de fonctionnaireet il devient journaliste et écrivain. Il parvient àtrès bien vivre de sa plume : trois cents contes qu’il réunit dans une quinzaine de recueils commeLa Maison Tellier (1881), les Contes de la Bécasse etMiss Harriet (1884) ; deux cents chroniques quifont de lui un des plus importants journalistes littéraires de son temps ; six romans dont Une vie(1883), Bel-Ami (1886).

Son succès et sa richesse lui ouvrent les portesde la haute société ; ce ne sont plus alors les paysansnormands, les petits employés des ministères et lesjeunes filles rencontrées au bord de la Seine quil’inspirent, mais ce sont les gens du beau mondedont il traque, avec une sensibilité à vif, les passionssouterraines et les méandres sentimentaux5.

Depuis longtemps il a contracté la syphilis et ilsouffre d’atroces migraines, hallucinations, anxiétéet crises nerveuses, conséquences aussi d’une maladie mentale héréditaire.

Cependant, aussi précis observateur de lui-mêmeque des autres, il utilise les résultats de ses investi-gations dans ses contes fantastiques et cruels tel Le Horla, qui angoissent le lecteur et lui laissentune sensation de malaise, une fois le livre refermé.

Au moment où il se sent menacé par la stérilitécréative, il devient réellement fou et il meurt dansune clinique pour maladies mentales, à Passy (Paris),le 6 juillet 1893.

D’après le site http://maupassant.free.fr

1. Le naturalisme est un mouvement littéraire qui cherche à rendre la réalité telle qu’elle est.

2. La syphilis est unemaladie infectieuse quiperturbe le système nerveux.

3. lâcheté. 4. groupement de peintres du XIXe siècle. 5. complications amoureuses.

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Page 4: Nouvelles de Maupassant Hachette

Caricature de Guy de Maupassant parCOLL-TOC dans Les Hommes d’aujourd’hui.

Gustave Courbet (1819-1877), Falaise à Étretat, 1870, Musée du Louvre, Paris.

q Rédiger la fiche biographique d’un auteur

Quelles sources utiliser ?

1. D’où chacun des deux documents provient-il ?

Quelles informations retenir ?

La vie

2. Dans lequel des deux documents trouvez-vous

principalement des informations relatives à la vie

de Maupassant ?

3. En suivant la fiche-méthode ci-dessous, notez

au brouillon les informations qui, dans les deux

documents, correspondent à la rubrique « sa vie ».

L’œuvre

4. Dans les deux documents, comment repérez-

vous les titres des livres ? À quels genres littéraires

appartiennent-ils ?

5. Quel événement historique a marqué Maupassant?

6. Quels sont les quatre milieux sociaux qui ont

inspiré son œuvre ?

7. En vous servant des deux documents et d’un

dictionnaire, définissez le style de Maupassant

en choisissant, à chaque fois, l’une des deux

propositions :

– pessimisme ou optimisme ;

– peinture de la réalité ou appel à l’imagination ;

– fantastique ou merveilleux.

Faisons le point

• Quelles sont les deux grandes rubriques d’une

biographie ?

• À partir de plusieurs documents, comment sélec-

tionner les informations importantes ?

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15Séquence 1 u Nouvelles de Maupassant

Exercice d’écriture Rédiger une fiche biographique

Pour rédigez votre fiche au propre :

– repérez, puis recopiez les titres qui figurent en gras dans la fiche-

méthode ;

– employez des phrases simples ou des phrases nominales.

F I C H E - M É T H O D E

Fiche biographiqueAUTEUR (date de naissance - date de mort)

Sa vie

– lieux de naissance et de vie ;

– études, métiers, activités ;

– principaux événements personnels ;

– personnage(s) ou événements(s) ayant marqué l’auteur.

Son œuvre

• Les genres littéraires

Choisissez dans cette liste : roman, nouvelle, théâtre, poésie. Indiquez

un titre d’œuvre pour chaque genre littéraire abordé par l’auteur.

• Les sujets des œuvres

Quel(s) événement(s), personnage(s), milieu(x), sentiment(s) sont

évoqués dans l’œuvre de l’auteur ?

• Le style

Quelles sont les caractéristiques principales de l’art d’écrire de

l’auteur ?

Page 5: Nouvelles de Maupassant Hachette

1. mesure d’environ quatrekilomètres.

2. cafetier, aubergiste.

3. groupement de quelquesmaisons à la campagne.

4. arbuste à fleurs jaunes.

5. eau-de-vie flambée avec du sucre.

6. Il s’autorisait à boire aux fraisde ses clients.

7. région.

8. boisson distribuée.

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On le connaissait à dix lieues1 aux environs le père Toine, le gros Toine,Toine-ma-Fine, Antoine Mâcheblé, dit Brûlot, le cabaretier2 de Tournevent.

Il avait rendu célèbre le hameau3 enfoncé dans un pli du vallon qui descendaitvers la mer, pauvre hameau paysan composé de dix maisons normandes entouréesde fossés et d’arbres.

Elles étaient là, ces maisons, blotties dans ce ravin couvert d’herbe et d’ajonc4,derrière la courbe qui avait fait nommer ce lieu Tournevent. Elles semblaientavoir cherché un abri dans ce trou comme les oiseaux qui se cachent dans lessillons les jours d’ouragan, un abri contre le grand vent de mer, le vent du large,le vent dur et salé, qui ronge et brûle comme le feu, dessèche et détruit commeles gelées d’hiver.

Mais le hameau tout entier semblait être la propriété d’Antoine Mâcheblé,dit Brûlot, qu’on appelait d’ailleurs aussi souvent Toine et Toine-ma-Fine, parsuite d’une locution dont il se servait sans cesse :

– Ma Fine est la première de France.Sa Fine, c’était son cognac, bien entendu.Depuis vingt ans il abreuvait le pays de sa Fine et de ses Brûlots5, car chaque

fois qu’on lui demandait.– Qu’est-ce que j’allons bé, pé Toine ?Il répondait invariablement :

– Un brûlot, mon gendre, ça chauffe la tripe et ça nettoie la tête ; y a rien demeilleur pour le corps.

Il avait aussi cette coutume d’appeler tout le monde «mon gendre », bienqu’il n’eût jamais eu de fille mariée ou à marier.

Ah ! oui, on le connaissait Toine Brûlot, le plus gros homme du canton, etmême de l’arrondissement. Sa petite maison semblait dérisoirement trop étroiteet trop basse pour le contenir, et quand on le voyait debout sur sa porte où ilpassait des journées entières, on se demandait comment il pourrait entrer danssa demeure. Il y entrait chaque fois que se présentait un consommateur, carToine-ma-Fine était invité de droit à prélever son petit verre sur tout ce qu’onbuvait chez lui6.

Son café avait pour enseigne : «Au Rendez-vous des Amis », et il était bien,le pé Toine, l’ami de toute la contrée7. On venait de Fécamp et de Montivillierspour le voir et pour rigoler en l’écoutant, car il aurait fait rire une pierre detombe, ce gros homme. Il avait une manière de blaguer les gens sans les fâcher,de cligner de l’œil pour exprimer ce qu’il ne disait pas, de se taper sur la cuissedans ses accès de gaieté qui vous tirait le rire du ventre malgré vous, à tous lescoups. Et puis c’était une curiosité rien que de le regarder boire. Il buvait tantqu’on lui en offrait, et de tout, avec une joie dans son œil malin, une joie quivenait de son double plaisir, plaisir de se régaler d’abord et d’amasser des grossous, ensuite, pour sa régalade8.

Guy de Maupassant, Toine, 1885.

Toine

Couverture de Toine, 1930.

T E X T E S & I M A G E S

Avant de lire la nouvelle1. En latin, incipit signifie « il commence » : qu’est-ce qu’un incipit de récit ?

2. Cherchez le sens de l’adjectif éponyme.

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Extrait 1

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Page 6: Nouvelles de Maupassant Hachette

q Étudier un incipit de nouvelle

Le cadre

1. Où le village de Tournevent est-il situé ? À quoi Maupassant

le compare-t-il ?

2. Si vous étiez cameraman, quels éléments du décor filmeriez-

vous dans ce passage : « Sa petite maison […] Amis » (l. 26 à 32)?

Quels seraient les trois plans successifs ?

3. Dans quelle région de France l’action se situe-t-elle? Proposez

des éléments à l’appui de votre réponse.

Un héros dans son cadre

4. Relevez les différents noms du personnage. Quels sont ceux

qui correspondent à son métier ? Justifiez.

5. a. Qu’est-ce qui caractérise le personnage physiquement ?

b. Lignes 26 à 29 : quel effet Maupassant cherche-t-il à créer

pour son lecteur ?

c. L I R E L’ I M AG E Comment le dessinateur a-t-il créé ce

même effet ?

6. Quels sont les deux principaux traits de caractère du person-

nage? Appuyez votre réponse par des passages du texte.

7. Le diminutif Toine, choisi comme titre éponyme de la

nouvelle, correspond-il au portrait que brosse Maupassant

dans cet incipit ? Expliquez.

➜ Le nom – p. 294

Le point de vue et le narrateur

8. À qui le pronom « on » (l. 1, 13, 18 et 25) renvoie-t-il ?

9. Le narrateur est-il un personnage témoin de la scène ?

Justifiez à l’aide d’un pronom personnel relevé dans le

dernier paragraphe.

10. Le narrateur sait tout de la vie, du passé, de la réputation,

des occupations de Toine : comment ce type de narrateur se

nomme-t-il ?

11. Le narrateur dresse-t-il un portrait sympathique, antipa-

thique, amusé, complice de Toine ? Justifiez votre réponse.

➜ Les différents types de narrateurs – p. 368

Faisons le point

• Quels éléments du récit cet incipit présente-t-il ?

• Quels rapports Maupassant a-t-il créés entre le cadre et le

personnage de cette nouvelle ?

Exercice d’écriture À partir de cet incipit de nouvelle, imaginez en quelques lignes ce qui pourrait arriver à ce personnage.

Avant de lire la suitede la nouvelleQuelles farce(s) ou

comédie(s) avez-vous

lue(s) en cinquième ?

17Séquence 1 u Nouvelles de Maupassant

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Toine est marié à une femme qui a un caractère épouvantable et avec laquelle il se disputesans cesse. À force de boire, Toine, un jour, a une attaque et reste paralysé. On l’installedans une petite chambre derrière la cloison du café où ses amis, Célestin Maloisel, CésairePaumelle, Prosper Horslaville, ne tardent pas à venir lui tenir compagnie chaque après-midi autour de son lit.

Extrait 2

Mais la mère Toine devint bientôt insupportable. Elle ne pouvait tolérerque son gros faignant d’homme continuât à se distraire, en jouant aux dominosdans son lit ; et chaque fois qu’elle voyait une partie commencée, elle s’élançaitavec fureur, culbutait la planche, saisissait le jeu, le rapportait dans le café etdéclarait que c’était assez de nourrir ce gros suiffeux1 à ne rien faire sans le voirencore se divertir comme pour narguer2 le pauvre monde qui travaillait toute lajournée.

Célestin Maloisel et Césaire Paumelle courbaient la tête, mais Prosper Horslavilleexcitait la vieille, s’amusait de ses colères.

La voyant un jour plus exaspérée que de coutume, il lui dit :– Hé ! la mé, savez-vous c’que j’f ’rais, mé, si j’étais de vous ?

1. de nature graisseuse.

2. mépriser en se moquant.

Page 7: Nouvelles de Maupassant Hachette

3. la poule jaune.

4. égaré sous le coup d’uneémotion violente.

5. ragoût (familier).

6. retournements sur le lit.

7. son lit.

Elle attendit qu’il s’expliquât, fixant surlui son œil de chouette.

Il reprit :– Il est chaud comme un four, vot’-

homme, qui n’sort point d’son lit. Eh ben,mé, j’li f ’rais couver des œufs.Elle demeura stupéfaite, pensant qu’on semoquait d’elle, considérant la figuremince et rusée du paysan qui continua :

– J’y mettrais cinq sous un bras, cinqsous l’autre, l’même jour que je donneraisla couvée à une poule. Ça naîtrait d’même.Quand ils seraient éclos j’porterais à vot’poule les poussins de vot’homme pour qu’a les élève. Ça vous en f ’rait d’lavolaille, la mé !

La vieille interdite demanda :– Ça se peut-il ?L’homme reprit :– Si ça s’peut ? Pourqué que ça n’se

pourrait point ? Pisqu’on fait ben couverd’s œufs dans une boîte chaude, on peutben en mett’ couver dans un lit.

Elle fut frappée par ce raisonnement et s’en alla, songeuse et calmée.Huit jours plus tard elle entra dans la chambre de Toine avec son tablier plein

d’œufs. Et elle dit :– J’viens d’mett’ la jaune3 au nid avec dix œufs. En v’là dix pour té. Tâche de

n’point les casser.Toine éperdu4 demanda :– Qué que tu veux ?Elle répondit :– J’veux qu’tu les couves, propre à rien.Il rit d’abord ; puis, comme elle insistait, il se fâcha, il résista, il refusa

résolument de laisser mettre sous ses gros bras cette graine de volaille que sa chaleur ferait éclore. Mais la vieille, furieuse, déclara :

– Tu n’auras point d’fricot5 tant que tu n’les prendras point. J’verrons benc’qu’arrivera.

Toine, inquiet, ne répondit rien. Quand il entendit sonner midi, il appela :– Hé ! la mé, la soupe est-il cuite ?La vieille cria de sa cuisine :– Y a point de soupe pour té, gros faignant.Il crut qu’elle plaisantait et attendit, puis il pria, supplia, jura, fit des

« va-t-au nord » et des « va-t-au sud6 » désespérés, tapa la muraille à coups depoing, mais il dut se résigner à laisser introduire dans sa couche7 cinq œufscontre son flanc gauche. Après quoi il eut sa soupe. Quand ses amis arrivèrent,ils le crurent tout à fait mal, tant il paraissait drôle et gêné.

Guy de Maupassant, Toine, 1885.

Toine de Guy de Maupassant, gravure de V. Rottenbourg, 1903,colorisation J.-P. Jauzenque.

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Page 8: Nouvelles de Maupassant Hachette

q Apprécier l’écriture de Maupassant

Des dialogues construits et réalistes

1. Repérez dans le texte les passages de dialogue. Quels sont

les interlocuteurs du premier dialogue ? du second ?

2. Résumez en deux phrases distinctes le contenu du premier

dialogue, puis du second.

3. Repérez, dans les paroles des trois personnages, deux types

de déformation des mots qui donnent à entendre le patois

normand.

Le pouvoir des mots

4. a. Quel participe passé employé comme adjectif qualifie

la mère Toine avant son échange avec Prosper Horslaville ?

b. Quels adjectifs la qualifient à la fin de l’échange ?

c. Comment cette évolution s’explique-t-elle ?

5. a. Dans le second dialogue (l. 79 à 93), quel est le type de

phrases employées par Toine, par sa femme ? Qu’est-ce que

cela révèle du rapport de forces en présence ?

b. Quel argument la mère Toine utilise-t-elle pour faire

pression sur son mari ?

c. Qui sort gagnant de l’échange ? Citez un passage à l’appui

de votre réponse.

➜ Les paroles rapportées dans le récit – p. 378

Le ton du texte

6. a. La proposition de Prosper Horslaville vous paraît-elle

sérieuse ? Expliquez.

b. Pourquoi, selon vous, fait-il cette proposition à la mère

Toine ?

7. À quoi Toine est-il assimilé dans la fonction que lui impose

sa femme ? En quoi est-ce comique ?

8. L. 84 à 93 : relevez deux apostrophes par lesquelles la mère

Toine s’adresse à son mari. Quel en est le niveau de langue ?

9. L. 85 à 87 et l. 94 à 97, observez les verbes : le narrateur

cherche-t-il à amuser ou à apitoyer le lecteur ? Justifiez.

Faisons le point

• Comment Maupassant rend-il ces deux dialogues vivants et

réalistes ?

• Quel est le ton de ce texte : humoristique? tragique? sérieux?

Toine de Guy de Maupassant, illustration Pierre Falké, 1938.

19Séquence 1 u Nouvelles de Maupassant

Exercices d’écriture 1. Choisissez, parmi les mots et groupes de mots, ceux qui

peuvent désigner l’animal représenté sur l’image : bestiole,

bête à plumes, boule de duvet, boule de poils, caneton, coq,

oisillon, poulet, poussin, tout juste éclos, volatile.

2. En vous aidant de l’image, racontez en un paragraphe la fin

de la nouvelle. Vous insérerez deux phrases de dialogue en

patois normand et vous utiliserez plusieurs des expressions

que vous aurez retenues dans l’exercice précédent.

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Page 9: Nouvelles de Maupassant Hachette

1. oiseaux échassiers migrateurs à long bec.

2. village normand.

3. détruite.

4. sans mouvement.

5. maladie inflammatoire.

6. L’armée d’occupation oblige les habitants à loger ses soldats.

7. soldats grossiers et brutaux.

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Le narrateur s’adresse à des chasseurs, à la fin d’un repas.

à Robert de Bonnières

Tenez, dit M. Mathieu d’Endolin, les bécasses1 me rappellent une biensinistre anecdote de la guerre.

Vous connaissez ma propriété dans le faubourg de Cormeil2. Je l’habitais aumoment de l’arrivée des Prussiens.

J’avais alors pour voisine une espèce de folle, dont l’esprit s’était égaré sousles coups du malheur. Jadis, à l’âge de vingt-cinq ans, elle avait perdu, en un seulmois, son père, son mari et son enfant nouveau-né.

Quand la mort est entrée une fois dans une maison, elle y revient presquetoujours immédiatement, comme si elle connaissait la porte.

La pauvre jeune femme, foudroyée par le chagrin, prit le lit, délira pendantsix semaines. Puis, une sorte de lassitude calme succédant à cette crise violente,elle resta sans mouvement, mangeant à peine, remuant seulement les yeux.Chaque fois qu’on voulait la faire lever, elle criait comme si on l’eût tuée. On lalaissa donc toujours couchée, ne la tirant de ses draps que pour les soins de satoilette et pour retourner ses matelas.

Une vieille bonne restait près d’elle, la faisant boire de temps en temps oumâcher un peu de viande froide. Que se passait-il dans cette âme désespérée ?On ne le sut jamais ; car elle ne parla plus. Songeait-elle aux morts ? Rêvassait-elle tristement, sans souvenir précis ? Ou bien sa pensée anéantie3 restait-elleimmobile comme de l’eau sans courant ?

Pendant quinze années, elle demeura ainsi fermée et inerte4. La guerre vint ;et, dans les premiers jours de décembre, les Prussiens pénétrèrent à Cormeil.

Je me rappelle cela comme d’hier. Il gelait à fendre les pierres ; et j’étaisétendu moi-même dans un fauteuil, immobilisé par la goutte5, quand j’entendisle battement lourd et rythmé de leurs pas. De ma fenêtre, je les vis passer.

Ils défilaient interminablement, tous pareils, avec ce mouvement de pantinsqui leur est particulier. Puis les chefs distribuèrent leurs hommes aux habitants6.J’en eus dix-sept. La voisine, la folle, en avait douze, dont un commandant, vraisoudard7, violent, bourru.

Pendant les premiers jours, tout se passa normalement. On avait dit à l’officierd’à côté que la dame était malade ; et il ne s’en inquiéta guère. Mais bientôt cettefemme qu’on ne voyait jamais l’irrita, il s’informa de la maladie ; on réponditque son hôtesse était couchée depuis quinze ans par suite d’un violent chagrin.Il n’en crut rien sans doute, et s’imagina que la pauvre insensée ne quittait passon lit par fierté, pour ne pas voir les Prussiens, et ne leur point parler, et ne lespoint frôler.

Il exigea qu’elle le reçut ; on le fit entrer dans sa chambre. Il demanda d’un ton brusque.– Je vous prierai, Matame, de fous lever et de tescentre pour qu’on fous foie.

La folle

T E X T E S & I M A G E S

Avant de lire la nouvelleCherchez dans votre manuel d’histoire des renseignements sur la guerre de 1870.

Quelles étaient les forces en présence ? Quelle fut l’issue de la guerre ?

20

texteintégral

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Page 10: Nouvelles de Maupassant Hachette

8. rendue comme folle parl’émotion.

9. toile dont on enveloppe un mort.

10. abondante et serrée.

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Elle tourna vers lui ses yeux vagues, ses yeux vides, et ne répondit pas.Il reprit :– Che ne tolérerai bas d’insolence. Si fous ne fous levez pas de ponne volonté,

che trouverai pien un moyen de fous faire bromener toute seule.Elle ne fit pas un geste, toujours immobile comme si elle ne l’eût pas vu. Il rageait,

prenant ce silence calme pour une marque de mépris suprême. Et il ajouta :– Si vous n’êtes pas tescentue temain…Puis, il sortit.Le lendemain, la vieille bonne, éperdue8 la voulut habiller ; mais la folle se

mit à hurler en se débattant. L’officier monta bien vite ; et la servante, se jetantà ses genoux, cria :

– Elle ne veut pas, Monsieur, elle ne veut pas. Pardonnez-lui ; elle est si mal-heureuse.

Le soldat restait embarrassé, n’osant, malgré sa colère, la faire tirer du lit parses hommes. Mais soudain il se mit à rire et donna des ordres en allemand.

Et bientôt on vit sortir un détachement qui soutenait un matelas comme onporte un blessé. Dans ce lit qu’on n’avait point défait, la folle, toujours silen-cieuse, restait tranquille, indifférente aux événements, tant qu’on la laissait cou-chée. Un homme par derrière portait un paquet de vêtements féminins.

Et l’officier prononça en se frottant les mains :– Nous ferrons pien si vous poufez bas vous hapiller toute seule et faire une

bétite bromenate.Puis on vit s’éloigner le cortège dans la direction de la forêt d’Imauville.Deux heures plus tard les soldats revinrent tout seuls.On ne revit plus la folle. Qu’en avaient-ils fait ? Où l’avaient-ils portée? On ne

le sut jamais. La neige tombait maintenant jour et nuit, ensevelissant la plaine et lesbois sous un linceul9 de mousse glacée. Les loups venaient hurler jusqu’à nos portes.

La pensée de cette femme perdue me hantait ; et je fis plusieurs démarches auprès de l’autoritéprussienne, afin d’obtenir des renseignements. Je faillis être fusillé.

Le printemps revint. L’armée d’occupations’éloigna. La maison de ma voisine restait fermée ;l’herbe drue10 poussait dans les allées.

La vieille bonne était morte pendant l’hiver.Personne ne s’occupait plus de cette aventure ; moiseul y songeais sans cesse.

Qu’avaient-ils fait de cette femme? S’était-elleenfuie à travers les bois ! L’avait-on recueillie quelquepart, et gardée dans un hôpital sans pouvoir obtenir d’elle aucun renseignement ?

Rien ne venait alléger mes doutes ; mais, peu àpeu, le temps apaisa le souci de mon cœur. Or, àl’automne suivant, les bécasses passèrent en masse ;et, comme ma goutte me laissait un peu de répit, jeme traînai jusqu’à la forêt. J’avais déjà tué quatreou cinq oiseaux à long bec, quand j’en abattis un qui disparut dans un fossé plein de branches. Je fus obligé d’y descendre pour y ramasser ma bête.Je la trouvai tombée auprès d’une tête de mort. Et brusquement le souvenir de la folle m’arriva

21Séquence 1 u Nouvelles de Maupassant

La Folle de Guy deMaupassant, illustration de La Vie populaire, 1883.

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Page 11: Nouvelles de Maupassant Hachette

11. étaient morts.

12. triste, malheureuse.

13. personne atteinte d’une obsession.

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dans la poitrine comme un coup de poing. Bien d’autres avaient expiré11 dansces bois peut-être en cette année sinistre12 ; mais je ne sais pas pourquoi, j’étaissûr, sûr vous dis-je, que je rencontrais la tête de cette misérable maniaque13.

Et soudain je compris, je devinai tout. Ils l’avaient abandonnée sur ce matelas,dans la forêt froide et déserte ; et, fidèle à son idée fixe, elle s’était laissée mourirsous l’épais et léger duvet des neiges et sans remuer le bras ou la jambe.

Puis les loups l’avaient dévorée.Et les oiseaux avaient fait leur nid avec la laine de son lit déchiré.J’ai gardé ce triste ossement. Et je fais des vœux pour que nos fils ne voient

plus jamais de guerre.

Guy de Maupassant, «La Folle », Contes de la Bécasse, 1883.

q Étudier une nouvelle : un récit complexe

La situation d’énonciation

1. a. Relevez les pronoms personnels des deux premières

phrases.

b. Définissez la situation d’énonciation : qui raconte cette

histoire ? à qui ?

2. À quel temps les verbes sont-ils conjugués dans ces deux

premières phrases ? Quelle est la valeur de ce temps ?

3. Au début du texte, par quelle expression le narrateur qualifie-

t-il son récit ? Que signifie cette expression ?

➜ Énoncés et situation d’énonciation – p. 364

Le récit et son rythme

4. Le narrateur est-il un personnage du récit ? Justifiez en citant

une phrase du texte.

5. À partir de la troisième phrase, quels sont les deux temps

principalement employés, l’un pour la description, l’autre pour

le récit ? Donnez un exemple pour chacun d’eux.

6. Par rapport à la situation d’énonciation, ce récit est-il

antérieur, simultané ou postérieur ?

7. Pour chacun de ces deux passages, dites si le récit résume

ou détaille l’histoire :

– l. 5 à 7 ;

– l. 37 à 47.

8. L. 55 à 63, le récit informe-t-il le lecteur sur ce qu’ont fait

les soldats ? Pourquoi le narrateur a-t-il fait ce choix ?

➜ Le rythme du récit – p. 371

Les personnages

9. Relevez les reprises nominales qui correspondent au

personnage principal. Quelles sont celles qui reprennent le

titre éponyme de la nouvelle ?

10.a. Quelles sont les raisons de la folie du personnage ?

b. Citez les expressions du texte qui expriment la manifestation

de cette folie.

11. LIRE L’IMAGE

Décrivez le personnage de la folle dans l’image p. 21 en réuti-

lisant des expressions du texte.

12.a. À partir de la ligne 28, quel nouveau personnage entre

en scène ? Dans quel contexte historique ?

b. Par quels qualificatifs le narrateur le décrit-il ?

13.L’arrivée de ce nouveau personnage aggrave-t-elle ou

allège-t-elle le sort de la folle ? Expliquez.

➜ Les reprises nominales – p. 362

Un récit enchâssé

14.a. Dans les deux dernières phrases du texte, à quel temps

les verbes sont-ils conjugués ?

b. À quel passage de la nouvelle ces deux phrases renvoient-

elles ?

15. « Enchâssé » signifie, au sens littéraire, « emboîté » : en

quoi peut-on dire que cette nouvelle se présente sous la forme

d’un récit enchâssé ?

Faisons le point

• Indiquez quelques éléments qui font de cette nouvelle un

récit complexe.

Exercices d’écriture 1. Classez ces indicateurs de temps par groupes de synonymes :

après cela, au commencement, enfin, en premier lieu, ensuite,

finalement, tout d’abord, ultérieurement.

2. Rédigez un paragraphe racontant l’expédition des soldats

et de la folle pendant les deux heures. Vous respecterez les

éléments du texte. Vous emploierez des indicateurs de temps.

T E X T E S & I M A G E S

22

vers le brevet

Page 12: Nouvelles de Maupassant Hachette

q Étudier une nouvelle : un récit réaliste

L’occupation prussienne

1. Par lequel des cinq sens le narrateur perçoit-il l’arrivée des

Prussiens ? Justifiez.

2. a. L. 38 à 46 : peut-on parler d’un dialogue entre l’officier et

la folle ? Expliquez.

b. Prononcez à voix haute les paroles de l’officier : que

Maupassant cherche-t-il à traduire ?

3. L. 30 à 61 : quelles réactions successives la folle provoque-

t-elle chez l’officier?

Le regard du narrateur

4. a. Relevez le sujet des verbes voir et revoir (l. 55, 62 et 64).

b. À travers les yeux de qui la scène du cortège est-elle donnée

à voir ?

c. Si vous filmiez cette scène, quels seraient les plans successifs?

d. Le narrateur connaît-il les projets de l’officier ? Citez des

phrases à l’appui de votre réponse.

5. L. 64 et 77 à 80 :

a. Par quel type de phrases le narrateur souligne-t-il l’atmos-

phère de mystère autour de la folle ?

b. Quel sentiment la folle inspire-t-elle au narrateur? Justifiez.

6. À partir de la ligne 84, à quelle personne le récit est-il

écrit ? En quoi cela est-il important pour le lecteur ?

7. L. 94 à 98 : Qui explique la mort de la folle ? Quel effet ces

explications visent-elles à produire sur le lecteur ? Expliquez.

➜ Les différents types de narrateurs – p. 368

Faisons le point

• Pour vous, quels passages de la nouvelle donnent une

impression de réalité ? Justifiez.

• Quel aspect de l’occupation Maupassant dénonce-t-il dans

ce texte ?

Exercices d’écriture 1. Développez les lignes 62 à 63 en adoptant le point de vue

des Prussiens.

2. Résumez la « bien sinistre anecdote » racontée par M. Mathieu

d’Endolin.

Critères de réussite

– Votre résumé n’excédera pas dix lignes.

– Vous le rédigerez à la première personne.

– Vous respecterez la chronologie du récit.

– Vous ne rendrez compte que des éléments essentiels :

• la folie de la voisine ;

• l’arrivée des Prussiens ;

• les exigences du commandant ;

• la disparition de la folle ;

• la découverte du cadavre.

23Séquence 1 u Nouvelles de Maupassant

I. Rollin, Forêt enneigée, 1890, Brescia, Italie.

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Page 13: Nouvelles de Maupassant Hachette

Œ U V R E I N T É G R A L E

Étudier un recueil de nouvelles

Contes de la Bécasse Maupassant, 1883

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24

> Lire l’ensemble des contes.

Mise en jambes

1. Pour tester votre lecture, répondez aux trois questions

suivantes :

a. Dans quelle nouvelle est-il question d’un chien ? 1 point.

b. Quelle nouvelle l’iconographie de la première de couverture

illustre-t-elle ? 2 points.

c. Dans quelle nouvelle trouve-t-on un personnage qui s’appelle

le Père Malandain ? 3 points.

Réaliser un défi-lectureB Préparation

2. À votre tour, par groupes de cinq élèves, préparez :

– deux questions à 1 point ;

– deux questions à 2 points ;

– deux questions à 3 points.

Les points varient selon la difficulté des questions. Chaque

groupe remet ses questions au professeur qui les valide.

Réalisation

3. En un temps limité, chaque groupe doit répondre aux ques-

tions des autres groupes et remettre ses réponses au profes-

seur qui comptabilisera les points acquis.

Le titre du recueil

> Lire le texte introducteur : « La Bécasse ».

1. a. En quoi consiste la coutume appelée le « conte de la

Bécasse » ?

b. Comment l’auteur regroupe-t-il les récits du recueil ?

2. a. Relevez, à la fin du texte, l’homonyme de « compter ».

b. Proposez un synonyme de ce verbe.

c. Qu’est-ce qu’un « conte » pour vous ?

d. D’après la biographie de Maupassant pp. 183 à 187 dans

votre recueil, faut-il s’attendre à lire des contes merveilleux ?

La table des matières

> Consulter la table des matières.

3. Quels sont les titres qui désignent un héros éponyme (qui

donne son nom à la nouvelle) ?

4. Quels sont les titres qui évoquent la Normandie ?

5. Cherchez dans un dictionnaire les mots des titres dont vous

ne savez pas le sens.

Prendre connaissance de l’œuvreA

J.-J. Audubon (1780-1851), «Bécasses », Les Oiseaux d’Amérique, 1827-38, Musée national d’histoire naturelle, Paris.

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Page 14: Nouvelles de Maupassant Hachette

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H. Perron et Briggs, Portrait de William Wells, coll. particulière.

25Séquence 1 u Nouvelles de Maupassant

F I C H E - M É T H O D E

Rendre compte d’une lecture sous forme d’interview Préparation

1. Repérer dans les textes étudiés ou lus des thèmes

importants et des caractéristiques de l’écriture de l’auteur.

2. Choisir dans les textes des passages représentatifs des

thèmes et / ou de l’écriture de l’auteur.

3. S’entraîner à lire ou à réciter ces textes avec expres-

sivité.

4. Élaborer une série de questions et de réponses qui

permettent de présenter les éléments retenus dans les

deux premières questions.

Présentation

5. Présenter cette interview à deux voix : le journaliste et

l’auteur.

6. Ne pas lire ses notes mais donner l’impression d’un

dialogue en direct.

7. Prévoir un accueil rapide de l’auteur par le journaliste.

8. Prévoir une phrase de conclusion formulée par le

journaliste.

1. Reproduisez le tableau ci-dessous et complétez-le.

Attention ! Certains contes peuvent correspondre à plusieurs

critères.

2. Utilisez votre tableau pour répondre aux questions suivantes :

a. Où l’histoire des contes se situe-t-elle ?

b. Quelles visions de la guerre de 1870 Maupassant propose-

t-il ?

c. Quels sont les thèmes que Maupassant développe le plus ?

d. Dans quel conte chacun des thèmes vous paraît-il le mieux

exprimé ? Justifiez.

e. Citez un conte à tonalité humoristique, un à tonalité pessi-

miste.

Mener une étude thématiqueC

Sujet

Par deux, vous allez présenter à la classe une nouvelle du

recueil Contes de la Bécasse.

Préparation

– Organisez-vous par groupes de deux élèves : un journaliste

et Maupassant.

Prévoyez une prestation de cinq minutes.

– Pour réaliser l’interview, suivez les indications de la fiche-

méthode.

– Pour vous aider à bien lire, vous pouvez écouter au CDI les

cassettes : Deux nouvelles de Maupassant (La Martine, Petit

Soldat), CRDP, 1997, nouvelles lues • Aux champs, série L’ami

Maupassant, éditions Mélicerte, 1986, adaptation filmique.

Présenter des nouvellessous forme d’interview

D

Titre du conte Lieu Période Thèmes

Normandie Ailleurs 1870 Avarice Boisson Amour Femme

malheureuse

La Folle

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Page 15: Nouvelles de Maupassant Hachette

L’ É C H O D U P O È T E

1. employé de magasin.

2. petite construction en tressagede bois ou de métal, couvertede végétation et formant abri.

3. prenant de la liberté avec les femmes.

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Vous êtes dans le vrai, canotiers, calicots1 !Pour voir des boutons d’or et des coquelicots,Vous partez, le dimanche, et remplissez les garesDe femmes, de chansons, de joie et de cigares,Et, pour être charmants et faire votre cour,Vous savez imiter les cris de basse-cour.Vous avez la gaîté peinte sur la figure.Pour vous, le soir qui vient, c’est la tonnelle2 obscureOù, bruyants et grivois3, vous prenez le repas ;Et le soleil couchant ne vous attriste pas.

François Coppée, Promenades et Intérieurs, 1872.

Vous êtes dans le vrai, canotiers, calicots !…

Auguste Renoir

(1841-1919), Rameurs à Chatou, 1879,National Gallery of Art,Washington, DC.

Un poème en écho

1. À quel élément de la biographie de Maupassant ce poème

et ce tableau renvoient-ils ?

Un poème à réciter

2. Adoptez un ton très gai et un rythme entraînant.

François Coppée(1842-1908). Poète, dramaturge etromancier français.

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26

Page 16: Nouvelles de Maupassant Hachette

FA I R E L E P O I N T

Pour connaître un auteur, il faut :

• savoir le situer dans une époque et dans un lieu ;

• savoir quel(s) est (sont) le(s) genre(s) littéraire(s) qui le caractérise(nt) : roman, nouvelle,

théâtre, poésie… ;

• repérer au fil des lectures des thèmes (sujets) chers à l’auteur et des caractéristiques de son

écriture.

Pour cela, on compare des biographies de sources différentes, dans des articles de dictionnaire,

des manuels, des encyclopédies, des notices accompagnant des œuvres de l’auteur, des

rubriques dans un journal.

Le genre de la nouvelle s’impose au XIXe siècle ; elle est alors souvent appelée « conte ».

Il existe différentes sortes de nouvelles : réalistes, fantastiques, policières.

Une nouvelle se caractérise par sa brièveté, un nombre restreint de personnages, l’ancrage

dans le réel, une action relativement simple, souvent unique, une force du récit qui lui

confère de l’intensité.

En général, les nouvelles sont regroupées dans un recueil choisi par l’auteur ou par un éditeur.

Guy de Maupassant est un auteur français du XIXe siècle, il a vécu en Normandie et a connu la

guerre de 1870.

Il a regroupé certaines de ses nouvelles en recueil, c’est le cas des Contes de la Bécasse.

Les 300 nouvelles de Maupassant se reconnaissent à un certain nombre de critères :

• des sujets récurrents (qui se répètent) : le monde rural normand, les plaisirs champêtres

(dont la chasse) et en bord de Seine, la mer, les bureaux parisiens, la guerre de 1870, mais

aussi l’avarice, les amours déçues, la femme malheureuse, la bêtise, la boisson ;

• des nouvelles tantôt réalistes, tantôt fantastiques (voir l’Atelier d’écriture p. 64) ;

• un ton soit humoristique, soit pessimiste, par exemple à travers la peinture de la cruauté

de la vie, la caricature de la bêtise et des défauts humains ou la fin tragique de certaines

nouvelles.

Un auteur et son œuvre :Guy de Maupassant

Une manière d’écrire

L’auteur Guy de Maupassant

est celui qui écrit des

nouvelles. Dans ses récits,

il fait intervenir un narrateur

à la 1re ou à la 3e personne

qui raconte l’histoire d’un

ou de plusieurs personnages.

Un souci de réalisme

dans les descriptions

et dans les dialogues

(patois normand).

Une variété des sujets

abordés et des tons

employés.

De nombreux dialogues

dans des scènes quasi

théâtrales, d’où de

nombreuses adaptations

au théâtre, au cinéma et

en bande dessinée.

Une aptitude à varier

le rythme des récits

et celui des phrases.

1. Connaître un auteur

2. Le genrelittéraire de la nouvelle

3. Maupassant

27Séquence 1 u Nouvelles de Maupassant

Page 17: Nouvelles de Maupassant Hachette

Alfred Stevens (1823-1906), Hiver.

qMaîtriser des outils de langue

➜ ORTHOGRAPHE� Bien préparer la dictée

Avant d’aller au bal au Ministère, Mme Loisel serend chez une amie afin de lui emprunter desbijoux…Tout à coup, elle découvrit, dans une boîtede satin noir, une superbe rivière de diamants ;et son cœur se mit à battre d’un désir immo-déré. Ses mains tremblaient en la prenant.Elle l’attacha autour de sa gorge, sur sa robemontante, et demeura en extase devant elle-même.Puis, elle demanda, hésitante, pleine d’an-goisse :– Peux-tu me prêter cela, rien que cela ?– Mais oui, bien certainement.Elle sauta au cou de son amie, l’embrassaavec emportement, puis s’enfuit avec le trésor.

Guy de Maupassant, La Parure, 1885.

1. Relever tous les verbes conjugués au passé simple, en les

classant par groupes et en soulignant la désinence (terminaison).

2. Sur quel adjectif l’adverbe « certainement » est-il formé ?

Quel est son suffixe ?

� Accorder les participes passésemployés comme adjectifs

Accordez les participes passés des verbes entre parenthèses

en précisant, pour chacun, le nom auquel il se rapporte.

Elles marchaient d’un pas plus court et plus vif queleurs hommes, la taille sèche, droite et (draper) dans unpetit châle (étriquer), (épingler) sur leur poitrine plate,la tête (envelopper) d’un linge blanc (coller) sur les che-veux et (surmonter) d’un bonnet.

Guy de Maupassant, La Ficelle, 1884.

➜ CONJUGAISON� Conjuguer au passé simple

Conjuguez au passé simple les verbes entre parenthèses.

Il (sortir) de sa cour, (se glisser) dans le bois, (gagner) lefour à plâtre, (pénétrer) au fond de la longue galerie et,ayant retrouvé par terre les vêtements du mort, il (s’envêtir). Alors, il (se mettre) à rôder par les champs, ram-pant, suivant les talus pour se cacher, écoutant lesmoindres bruits, inquiet comme un braconnier.Lorsqu’il (croire) l’heure arrivée, il (se rapprocher) de laroute et (se cacher) dans une broussaille. Il (attendre)encore. Enfin, vers minuit, un galop de cheval (sonner)sur la terre dure du chemin. L’homme (mettre) l’oreilleà terre pour s’assurer qu’un seul cavalier s’approchait,puis il (s’apprêter).

Guy de Maupassant, Le Père Milon, 1883.

➜ GRAMMAIRE� Employer correctement

les temps dans un récit au passé

Maître Hautecorne, de Bréauté, (venir) d’arriver àGoderville, et il (se diriger) vers la place, quand il(apercevoir) par terre un petit bout de ficelle. MaîtreHautecorne, économe, en vrai Normand, (penser) quetout (être) bon à ramasser qui peut servir, et il (se baisser)péniblement car il (souffrir) de rhumatismes. Il (prendre)par terre le morceau de corde mince, et il (se disposer)à le rouler avec soin, quand il (remarquer) sur le seuilde sa porte maître Malandrin qui le (regarder).

Guy de Maupassant, La Ficelle, 1884.

1. Recopiez ce texte en employant les temps du passé (passé

simple ou imparfait) qui conviennent.

2. Recopiez le texte en remplaçant « Maître Hautecorne » par

« Maître Hautecorne et son fils » ; faites toutes les modifica-

tions nécessaires.

� Analyser les expansions du nom

Relevez les expansions des noms en gras en les classant :

– adjectifs qualificatifs ou participes passés employés comme

adjectifs ;

– propositions subordonnées relatives ;

– GN compléments du nom.

Le ciel humide et gris semblait peser sur la vasteplaine brune. L’odeur de l’automne, odeur triste desterres nues et mouillées, des feuilles tombées, del’herbe morte, rendait plus épais et plus lourd l’air sta-gnant du soir. Les paysans travaillaient encore, éparsdans les champs, en attendant l’heure de l’Angélus quiles rappellerait aux fermes dont on apercevait, çà et là,les toits de chaume à travers les branches des arbresdépouillés qui garantissaient contre le vent les clos despommiers.

Guy de Maupassant, Le Père Amable, 1886.

� Reconstituer un dialogue et sa ponctuation

En observant les pronoms personnels, les types de phrases, les

interjections, les verbes de parole, recopiez le texte de façon à

reconstituer le dialogue. Rétablissez la ponctuation du dialogue.

Mme Loisel quitte le bal du Ministère et rentre chez elleavec son mari... Mais soudain elle poussa un cri. Elle n’avait plus sa rivièreautour du cou ! Son mari, à moitié dévêtu déjà, luidemanda. Qu’est-ce que tu as? Elle se tourna, affolée.J’ai…, j’ai…, je n’ai plus la rivière de Mme Forestier.Il se dressa, éperdu. Quoi !… Comment !… Ce n’estpas possible ! Et ils cherchèrent dans les plis de la robe,dans les plis du manteau, dans les poches, partout. Ilsne la trouvèrent point. Il demandait. Es-tu sûre que tul’avais encore en quittant le bal ? Oui, je l’ai touchéedans le vestibule du ministère. Mais, si tu l’avais

vers le brevet

28

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Page 18: Nouvelles de Maupassant Hachette

perdue dans la rue, nous l’aurions entendue tomber.Elle doit être dans le fiacre.

Guy de Maupassant, La Parure, 1885.

➜ VOCABULAIRE� Repérer des reprises nominales

Maître Chiquet, exaspéré, se précipitant sur le marau-deur, le roua de coups, tapant comme un forcené,comme tape un paysan volé, avec le poing et avec legenou par tout le corps de l’infirme, qui ne pouvait sedéfendre. Les gens de la ferme arrivaient à leur tour quise mirent avec le patron à assommer le mendiant. […]Cloche, à moitié mort, saignant et crevant de faim,demeura couché sur le sol. Le soir vint, puis la nuit,puis l’aurore. Il n’avait toujours pas mangé. Vers midi,les gendarmes parurent et ouvrirent la porte avec pré-caution, s’attendant à une résistance, car maîtreChiquet prétendait avoir été attaqué par le gueux et nes’être défendu qu’à grand-peine.

Guy de Maupassant, Le Gueux, 1884.

1. Dans le texte, relevez les noms et groupes nominaux qui

désignent : a. maître Chiquet ; b. le maraudeur.

2. Donnez le sens des mots que vous avez relevés.

3. En vous appuyant sur ces deux relevés, dites à qui va la

sympathie du narrateur.

� Repérer et utiliser des verbes de parole

Les deux amis, livides, côte à côte, les mains agitéesd’un léger tremblement nerveux, se taisaient.L’officier reprit : « Personne ne le saura jamais, vousrentrerez paisiblement. Le secret disparaîtra avec vous.Si vous refusez, c’est la mort, et tout de suite, choisissez.»

Ils demeuraient immobiles sans ouvrir la bouche.Le Prussien, toujours calme, reprit en étendant la mainvers la rivière : « Songez que dans cinq minutes vousserez au fond de cette eau. […]»Les deux pêcheurs restaient debout et silencieux.L’Allemand donna des ordres dans sa langue. […] Etdouze hommes vinrent se placer à vingt pas, le fusil aupied.L’officier reprit :« Je vous donne une minute, pas deux secondes deplus. » Puis il se leva brusquement, s’approcha des deuxFrançais, prit Morissot sous le bras, l’entraîna plusloin, lui dit à voix basse : «Vite, ce mot d’ordre, votrecamarade ne saura rien, j’aurai l’air de m’attendrir. »Morissot ne répondit rien.Le Prussien entraîna alors M. Sauvage et lui posa lamême question. M. Sauvage ne répondit pas.

Guy de Maupassant, Deux amis, 1883.

1. Relevez dans le texte les verbes et groupes verbaux intro-

duisant le dialogue.

2. Quels sont ceux que vous pourriez remplacer par : souffler,

enchaîner, murmurer, ordonner ?

3. Dans la liste, quels sont les verbes que vous pourriez utili-

ser pour faire parler les deux amis :

a. en mettant en valeur leur peur ?

b. en soulignant leur volonté de rébellion ?

Liste : balbutier, rétorquer, marmonner, répliquer, affirmer,

susurrer, bégayer, tonner, s’insurger.

Repérer et utiliser des connecteurstemporels

J’avais alors pour voisine une espèce de folle, dontl’esprit s’était égaré sous les coups du malheur. Jadis, àl’âge de vingt-cinq ans, elle avait perdu, en un seulmois, son père, son mari et son enfant nouveau-né.Quand la mort est entrée une fois dans une maison,elle y revient presque toujours immédiatement,comme si elle connaissait la porte.La pauvre femme, foudroyée par le chagrin, prit le lit,délira pendant six semaines. Puis, une sorte de lassi-tude calme succédant à cette crise violente, elle restasans mouvement.

Guy de Maupassant, La Folle, 1883.

1. Relevez dans cet extrait tous les adverbes, conjonctions de

subordination, GN exprimant le temps.

2. Proposez, chaque fois que c’est possible, un mot ou un

groupe de mots synonyme.

Leçons de langue :

• Le passé simple – p. 282

• L’accord sujet – verbe – p. 340

• Les accords du participe passé – p. 344

• Les reprises nominales – p. 362

• Le récit au passé – p. 373

André Raffray (né en 1925), Illustration pour La Ficelle, 1965.

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29Séquence 1 u Nouvelles de Maupassant

Page 19: Nouvelles de Maupassant Hachette

qDire une nouvelle S ’ E X P R I M E R À L’ O R A L

1 Travailler le rythme

SUJET A : Lisez cet extrait de La Folle en tenant compte

des pauses liées à la ponctuation (deux barres obliques)

et des pauses secondaires (une barre oblique), et

en insistant sur les groupes de mots soulignés.

SUJET B : Apprenez par cœur cette phrase et exercez-vous

à la dire selon les pauses et les insistances indiquées.

30

Tenez, // dit M. Mathieu d’Endolin //, les bécasses me rappellent une bien sinistre anecdote de la guerre. //Vous connaissez ma propriété / dans le faubourg de Cormeil. // Je l’habitais / au moment de l’arrivée des Prussiens. //J’avais alors / pour voisine / une espèce de folledont l’esprit s’était égaré sous les coups du malheur. //Jadis, // à l’âge de vingt-cinq ans, // elle avait perdu, //en un seul mois, // son père, / son mari / et son enfantnouveau-né.

On le connaissait à dix lieues aux environs / le pèreToine, // le gros Toine, // Toine-ma-Fine, // AntoineMâcheblé, // dit Brûlot, // le cabaretier de Tournevent.

3 Oraliser récit et dialogue

SUJET : Vous allez par groupes de trois

improviser un dialogue à partir de ces

vignettes de BD.

Méthode à suivre• Se répartir les rôles : un narrateur et les deux

personnages.

• Inventer un scénario possible en tenant

compte du décor et des deux personnages.

• Prévoir une dizaine de répliques échangées

entre les deux personnages.

2 Lire avec expressivité

SUJET : Choisissez dix lignes de La Folle p. 20 pour

les dire devant la classe.

Méthode à suivre• Entraînez-vous à les lire de la même façon que dans l’activité 1.

• Veillez à varier vos intonations si l’extrait choisi présente :

– des passages de dialogue ;

– une alternance de récit et de description ;

– des passages exprimant les pensées du narrateur.

4 Mettre en scène un passage de Toine

SUJET : Vous allez jouer devant vos camarades ce passage de Toine, p. 18 (l. 77 à 93).

Méthode à suivre• Repérez les passages de récit que vous jouerez et les passages de

dialogue que vous direz.

• Observez les verbes de parole qui vous donnent des indications

sur l’intonation.

• Imaginez la position des personnages, leurs déplacements éven-

tuels.

• Préparez les accessoires utiles à la mise en scène.

Critères de réussite • Traduire le comique de la scène.

• Faire ressortir le caractère opposé des deux

personnages.

• Bien exprimer le patois normand.

• Rendre l’aspect vivant de la scène par les

gestes, l’occupation de l’espace scénique.

• Traduire le caractère des deux personnages

par l’expression du visage.

Muriel Sevestre, «La Parure », Contes de Maupassanten bandes dessinées.

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Critères de réussite • Alterner récit et dialogue.

• Bien enchaîner les interventions du narrateur

et des deux personnages.

• Faire ressortir le caractère des deux person-

nages à travers les dialogues.

• Trouver un ton adapté à la situation.

Page 20: Nouvelles de Maupassant Hachette

q Réviser dialogue, narration, description S ’ E X P R I M E R À L’ É C R I T

5 Développer un dialogue dans un récit

SUJET : Récrivez ce passage de Toine, en développant

le dialogue entre Toine et sa femme.

6 Rédiger la suite d’un récit

SUJET : Rédigez la suite de l’incipit de cette nouvelle.

7 Rédiger un paragraphe de description

SUJET : À la manière de Maupassant,

décrivez un lieu de votre choix en

ménageant un effet de zoom.

Méthode à suivre• Repérez dans le texte des informations concernant le narrateur,

le lieu, l’époque.

• Observez les temps des verbes.

Quand j’entrai dans la salle des voyageurs de la gare deLoubain, mon premier regard fut pour l’horloge. J’avais àattendre deux heures dix minutes l’express de Paris.Je me sentis las soudain comme après dix lieues à pieds ; puisje regardai autour de moi comme si j’allais découvrir sur les murs un moyen de tuer le temps ; puis je ressortis et m’arrêtai devant la porte de la gare, l’esprit travaillé par le désir d’inventer quelque chose à faire.

Guy de Maupassant, Madame Baptiste, 1882.

Elles étaient là, ces maisons, blottiesdans ce ravin couvert d’herbe et d’ajonc, derrière la courbe qui avaitfait nommer ce lieu Tournevent. […]La petite maison [de Toine] semblaitdérisoirement trop étroite et tropbasse pour le contenir. […] Son caféavait pour enseigne «Au Rendez-vous des Amis ».

Guy de Maupassant, Toine, 1885.

Critères de réussite• Rédiger trois phrases :

– la première évoque une vision

d’ensemble du lieu choisi ;

– la deuxième décrit un élément de

ce lieu ;

– la troisième décrit un détail de cet

élément.

• Vous écrirez votre description à l’im-

parfait de l’indicatif.

31Séquence 1 u Nouvelles de Maupassant

Il crut qu’elle plaisantait et attendit, puis il pria, supplia, jura,fit des «va-t-au nord» et des «va-t-au sud» désespérés, tapa lamuraille à coups de poing, mais il dut se résigner à laisserintroduire dans sa couche cinq œufs contre son flanc gauche.Après quoi il eut sa soupe.

Critères de réussite • Respecter la situation, les rapports entre les personnages.

• Faire alterner récit et dialogue.

• Utiliser la ponctuation qui convient pour insérer un dialogue

dans un récit.

• Utiliser les verbes de parole du texte et en ajouter d’autres.

• Varier les reprises nominales.

• Employer un niveau de langue courant.

• Réutiliser une ou deux expressions normandes.

Critères de réussite • Imaginer une ou deux péripéties ainsi qu’une situation finale.

• Choisir un narrateur masculin qui s’exprime à la première

personne.

• Respecter l’époque du texte ainsi que le lieu.

• Construire des paragraphes cohérents.

• Rédiger le récit au passé simple.

• Respecter une conjugaison et une orthographe correctes (au-

delà de dix erreurs, l’orthographe sera pénalisée de 1 à 2 points).

Page 21: Nouvelles de Maupassant Hachette

F L O R I L È G E

1er décembre 1879

Midi finissait de sonner. La porte de l’école s’ouvrit,et les gamins se précipitèrent en se bousculant pour sortir plus vite. Mais au lieu de se disperser rapidement etde rentrer dîner, comme ils le faisaient chaque jour, ils s’arrêtèrent à quelques pas, se réunirent par groupes etse mirent à chuchoter.

C’est que, ce matin-là, Simon, le fils de la Blanchotte,était venu à la classe pour la première fois.

Tous avaient entendu parler de la Blanchotte dansleurs familles ; et quoiqu’on lui fît bon accueil en public,les mères la traitaient entre elles avec une sorte de com-passion un peu méprisante qui avait gagné les enfantssans qu’ils sussent1 du tout pourquoi.

Quant à Simon, ils ne le connaissaient pas, car il nesortait jamais et il ne galopinait point avec eux dans les rues du village ou sur les bords de la rivière. Aussi nel’aimaient-ils guère ; et c’était avec une certaine joie,mêlée d’un étonnement considérable, qu’ils avaientaccueilli et qu’ils s’étaient répété l’un à l’autre cette paroledite par un gars de quatorze ou quinze ans qui paraissaiten savoir long tant il clignait finement des yeux :

Vous savez… Simon… eh bien, il n’a pas de papa. Le fils de la Blanchotte parut à son tour sur le seuil de

l’école.Il avait sept ou huit ans. Il était un peu pâlot, très

propre, avec l’air timide, presque gauche. Il s’en retournait chez sa mère quand les groupes de

ses camarades, chuchotant toujours et le regardant avecles yeux malins et cruels des enfants qui méditent unmauvais coup, l’entourèrent peu à peu et finirent par l’enfermer tout à fait. Il restait là, planté au milieu d’eux,surpris et embarrassé, sans comprendre ce qu’on allait lui faire. Mais le gars qui avait apporté la nouvelle, enorgueilli du succès obtenu déjà, lui demanda :

– Comment t’appelles-tu, toi ? Il répondit : « Simon. »– Simon quoi ? reprit l’autre. L’enfant répéta tout confus : « Simon. » Le gars lui cria : «On s’appelle Simon quelque chose…

c’est pas un nom ça… Simon. » Et lui, prêt à pleurer, répondit pour la troisième fois : – Je m’appelle Simon. Les galopins se mirent à rire. Le gars triomphant éleva

la voix : «Vous voyez bien qu’il n’a pas de papa. » Un grand silence se fit. Les enfants étaient stupéfaits

par cette chose extraordinaire, impossible, monstrueuse –un garçon qui n’a pas de papa – ils le regardaient commeun phénomène, un être hors de la nature, et ils sentaientgrandir en eux ce mépris, inexpliqué jusque-là, de leurs

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mères pour la Blanchotte. Quand à Simon, il s’était appuyé contre un arbre pour

ne pas tomber ; et il restait comme atterré par un désastreirréparable. Il cherchait à s’expliquer. Mais il ne pouvaitrien trouver pour leur répondre, et démentir cette choseaffreuse qu’il n’avait pas de papa. Enfin, livide, il leur criaà tout hasard : « Si, j’en ai un. »

– Où est-il ? demanda le gars. Simon se tut ; il ne savait pas. Les enfants riaient, très

excités ; et ces fils des champs, plus proches des bêtes,éprouvaient ce besoin cruel qui pousse les poules d’unebasse-cour à achever l’une d’entre elles aussitôt qu’elle estblessée. Simon avisa tout à coup un petit voisin, le filsd’une veuve, qu’il avait toujours vu, comme lui-même,tout seul avec sa mère.

– Et toi non plus, dit-il, tu n’as pas de papa. – Si, répondit l’autre, j’en ai un. – Où est-il ? riposta Simon. – Il est mort, déclara l’enfant avec une fierté superbe,

il est au cimetière, mon papa. Un murmure d’approbation courut parmi les garne-

ments, comme si ce fait d’avoir son père mort au cimetière eût grandi leur camarade pour écraser cet autrequi n’en avait point du tout. Et ces polissons, dont lespères étaient, pour la plupart, méchants, ivrognes, voleurset durs à leurs femmes, se bousculaient en se serrant de plus en plus, comme si eux, les légitimes, eussent vouluétouffer dans une pression celui qui était hors la loi.

L’un, tout à coup, qui se trouvait contre Simon, luitira la langue d’un air narquois et lui cria :

– Pas de papa ! pas de papa ! Simon le saisit à deux mains aux cheveux et se mit à

lui cribler les jambes de coups de pieds, pendant qu’il luimordait la joue cruellement. Il se fit une bousculadeénorme. Les deux combattants furent séparés, et Simonse trouva frappé, déchiré, meurtri, roulé par terre, aumilieu du cercle des galopins qui applaudissaient.Comme il se relevait, en nettoyant machinalement avecsa main sa petite blouse toute sale de poussière, quelqu’unlui cria :

– Va le dire à ton papa. Alors il sentit dans son cœur un grand écroulement.

Ils étaient plus forts que lui, ils l’avaient battu, et il nepouvait point leur répondre, car il sentait bien que c’étaitvrai qu’il n’avait pas de papa. Plein d’orgueil, il essayapendant quelques secondes de lutter contre les larmes quil’étranglaient. Il eut une suffocation, puis, sans cris, il semit à pleurer par grands sanglots qui le secouaient préci-pitamment.

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Le papa de Simontexte

intégral

Pour le bilan de séquence

1. sachent.

Page 22: Nouvelles de Maupassant Hachette

Alors une joie féroce éclata chez ses ennemis, et natu-rellement, ainsi que les sauvages dans leurs gaietés terri-bles, ils se prirent par la main et se mirent à danser enrond autour de lui, en répétant comme un refrain : «Pasde papa ! pas de papa ! »

Mais Simon tout à coup cessa de sangloter. Une ragel’affola. Il y avait des pierres sous ses pieds ; il les ramassaet, de toutes ses forces, les lança contre ses bourreaux.Deux ou trois furent atteints et se sauvèrent en criant ; et ilavait l’air tellement formidable qu’une panique eut lieu parmiles autres. Lâches, comme l’est toujours la foule devant unhomme exaspéré, ils se débandèrent et s’enfuirent.

Resté seul, le petit enfant sans père se mit à courir versles champs, car un souvenir lui était venu qui avait amenédans son esprit une grande résolution. Il voulait se noyerdans la rivière.

Il se rappelait en effet que, huit jours auparavant, unpauvre diable qui mendiait sa vie s’était jeté dans l’eauparce qu’il n’avait plus d’argent. Simon était là lorsqu’onle repêchait ; et le triste bonhomme, qui lui semblait ordi-nairement lamentable, malpropre et laid, l’avait alorsfrappé par son air tranquille, avec ses joues pâles, sa lon-gue barbe mouillée et ses yeux ouverts, très calmes. Onavait dit alentour : « Il est mort. » Quelqu’un avait ajouté :« Il est bien heureux maintenant. » – Et Simon voulaitaussi se noyer parce qu’il n’avait pas de père, comme cemisérable qui n’avait pas d’argent.

Il arriva tout près de l’eau et la regarda couler.Quelques poissons folâtraient, rapides, dans le courantclair, et, par moments, faisaient un petit bond et hap-paient des mouches voltigeant à la surface. Il cessa depleurer pour les voir, car leur manège l’intéressait beau-coup. Mais, parfois, comme dans les accalmies d’unetempête passent tout à coup de grandes rafales de ventqui font craquer les arbres et se perdent à l’horizon, cettepensée lui revenait avec une douleur aiguë : – « Je vais menoyer parce que je n’ai point de papa. »

Il faisait très chaud, très bon. Le doux soleil chauffaitl’herbe. L’eau brillait comme un miroir. Et Simon avaitdes minutes de béatitude, de cet alanguissement qui suitles larmes, où il lui venait de grandes envies de s’endor-mir là, sur l’herbe, dans la chaleur.

Une petite grenouille verte sauta sous ses pieds. Ilessaya de la prendre. Elle lui échappa. Il la poursuivit etla manqua trois fois de suite. Enfin il la saisit par l’extré-mité de ses pattes de derrière et il se mit à rire en voyantles efforts que faisait la bête pour s’échapper. Elle seramassait sur ses grandes jambes, puis, d’une détentebrusque, les allongeait subitement, roides comme deuxbarres ; tandis que, l’œil tout rond avec son cercle d’or,elle battait l’air de ses pattes de devant qui s’agitaientcomme des mains. Cela lui rappela un joujou fait avecd’étroites planchettes de bois clouées en zigzag les unessur les autres, qui, par un mouvement semblable, condui-saient l’exercice de petits soldats piqués dessus. Alors, ilpensa à sa maison, puis à sa mère, et, pris d’une grandetristesse, il recommença à pleurer. Des frissons lui passaient

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dans les membres ; il se mit à genoux et récita sa prièrecomme avant de s’endormir. Mais il ne put l’achever, cardes sanglots lui revinrent si pressés, si tumultueux, qu’ilsl’envahirent tout entier. Il ne pensait plus ; il ne voyaitplus rien autour de lui et il n’était occupé qu’à pleurer.

Soudain, une lourde main s’appuya sur son épaule etune grosse voix lui demanda : «Qu’est-ce qui te fait donctant de chagrin, mon bonhomme? »

Simon se retourna. Un grand ouvrier qui avait unebarbe et des cheveux noirs tout frisés le regardait d’un airbon. Il répondit avec des larmes plein les yeux et plein lagorge :

– Ils m’ont battu… parce que… je… je… n’ai pas…de papa… pas de papa…

– Comment, dit l’homme en souriant, mais tout lemonde en a un.

L’enfant reprit péniblement au milieu des spasmes de son chagrin : «Moi… moi… je n’en ai pas. »

Alors l’ouvrier devint grave ; il avait reconnu le fils dela Blanchotte, et, quoique nouveau dans le pays, il savaitvaguement son histoire.

– Allons, dit-il, console-toi, mon garçon, et viens-t-enavec moi chez ta maman. On t’en donnera… un papa.

Ils se mirent en route, le grand tenant le petit par lamain, et l’homme souriait de nouveau, car il n’était pasfâché de voir cette Blanchotte, qui était, contait-on, unedes plus belles filles du pays ; et il se disait peut-être, au fond de sa pensée, qu’une jeunesse2 qui avait failli3

pouvait bien faillir encore. Ils arrivèrent devant une petite maison blanche, très

propre. – C’est là, dit l’enfant, et il cria : «Maman ! » Une femme se montra, et l’ouvrier cessa brusquement

de sourire, car il comprit tout de suite qu’on ne badinait4

plus avec cette grande fille pâle qui restait sévère sur saporte, comme pour défendre à un homme le seuil de cette

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33Séquence 1 u Nouvelles de Maupassant

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Henri Jules Jean Geoffroy, (1853-1924) En retenue, Bibliothèque des Arts décoratifs, Paris.

2. jeune femme. 3. qui avait eu un amant. 4. plaisantait.

Page 23: Nouvelles de Maupassant Hachette

F L O R I L È G E

34

maison où elle avait été déjà trahie par un autre. Intimidéet sa casquette à la main, il balbutia :

– Tenez, madame, je vous ramène votre petit garçonqui s’était perdu près de la rivière.

Mais Simon sauta au cou de sa mère et lui dit en seremettant à pleurer :

– Non, maman, j’ai voulu me noyer, parce que lesautres m’ont battu… m’ont battu… parce que je n’ai pasde papa.

Une rougeur cuisante couvrit les joues de la jeunefemme, et, meurtrie jusqu’au fond de sa chair, elleembrassa son enfant avec violence pendant que des larmes rapides lui coulaient sur la figure. L’homme émurestait là, ne sachant comment partir. Mais Simon soudain courut vers lui et lui dit :

– Voulez-vous être mon papa ? Un grand silence se fit. La Blanchotte, muette et tor-

turée de honte, s’appuyait contre le mur, les deux mainssur son cœur. L’enfant, voyant qu’on ne lui répondaitpoint, reprit :

– Si vous ne voulez pas, je retournerai me noyer. L’ouvrier prit la chose en plaisanterie et répondit en

riant : – Mais oui, je veux bien. – Comment est-ce que tu t’appelles, demanda alors

l’enfant, pour que je réponde aux autres quand ils vou-dront savoir ton nom?

– Philippe, répondit l’homme. Simon se tut une seconde pour bien faire entrer ce

nom-là dans sa tête, puis il tendit les bras, tout consolé,en disant :

– Eh bien ! Philippe, tu es mon papa. L’ouvrier, l’enlevant de terre, l’embrassa brusquement

sur les deux joues, puis il s’enfuit très vite à grandesenjambées.

Quand l’enfant entra dans l’école, le lendemain, unrire méchant l’accueillit ; et à la sortie, lorsque le gars voulut recommencer, Simon lui jeta ces mots à la tête,comme il aurait fait d’une pierre : « Il s’appelle Philippe,mon papa. »

Des hurlements de joie jaillirent de tous les côtés : – Philippe qui ?… Philippe quoi ?… Qu’est-ce que

c’est que ça, Philippe ?… Où l’as-tu pris ton Philippe ? Simon ne répondit rien ; et, inébranlable dans sa foi,

il les défiait de l’œil, prêt à se laisser martyriser plutôt quede fuir devant eux. Le maître d’école le délivra et ilretourna chez sa mère.

Pendant trois mois, le grand ouvrier Philippe passasouvent auprès de la maison de la Blanchotte et, quelquefois,il s’enhardissait à lui parler lorsqu’il la voyait cousantauprès de sa fenêtre. Elle lui répondait poliment, toujoursgrave, sans rire jamais avec lui, et sans le laisser entrer chezelle. Cependant, un peu fat, comme tous les hommes, il s’imagina qu’elle était souvent plus rouge que de coutume lorsqu’elle causait avec lui.

Mais une réputation tombée est si pénible à refaire etdemeure toujours si fragile, que, malgré la réserve ombra-geuse de la Blanchotte, on jasait déjà dans le pays.

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Quant à Simon, il aimait beaucoup son nouveau papaet se promenait avec lui presque tous les soirs, la journéefinie. Il allait assidûment à l’école et passait au milieu deses camarades fort digne, sans leur répondre jamais.

Un jour, pourtant, le gars qui l’avait attaqué le pre-mier lui dit :

– Tu as menti, tu n’as pas un papa qui s’appellePhilippe.

– Pourquoi ça ? demanda Simon très ému. Le gars se frottait les mains. Il reprit : – Parce que si tu en avais un, il serait le mari de ta

maman. Simon se troubla devant la justesse de ce raisonne-

ment, néanmoins il répondit : «C’est mon papa tout demême. »

– Ça se peut bien, dit le gars en ricanant, mais ce n’estpas ton papa tout à fait.

Le petit à la Blanchotte courba la tête et s’en allarêveur du côté de la forge au père Loizon, où travaillaitPhilippe.

Cette forge était comme ensevelie sous des arbres. Il y faisait très sombre ; seule, la lueur rouge d’un foyerformidable éclairait par grands reflets cinq forgerons aux bras nus qui frappaient sur leurs enclumes avec unterrible fracas. Ils se tenaient debout, enflammés commedes démons, les yeux fixés sur le fer ardent qu’ils torturaient ; et leur lourde pensée montait et retombaitavec leurs marteaux.

Simon entra sans être vu et alla tout doucement tirerson ami par la manche. Celui-ci se retourna. Soudain le travail s’interrompit, et tous les hommes regardèrent,très attentifs. Alors, au milieu de ce silence inaccoutumé,monta la petite voix frêle de Simon.

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François Bonvin (1817-1887), Les Forgerons, souvenir du Tréport, 1857, Musée des Augustins, Toulouse.

Page 24: Nouvelles de Maupassant Hachette

Lectures personnelles

Évelyne Morin-Rotureau,George Sand,

coll. «Histoires d’elles »,© Pemf.

Si vous deviez sélectionner

trois éléments majeurs dans

la vie de l’écrivain dont

vous avez lu la biographie,

que retiendriez-vous ?

Pierre Lepère,La Jeunesse de Molière,

Folio Junior,© Gallimard Jeunesse.

Sarah Cohen-Scali,Arthur Rimbaud, le voleur de feu, © Livre de PocheJeunesse.

Marie-Aude Murail,Dickens,coll. Belles Vies,© École des Loisirs.

Lectures personnelles� Biographies romancées

d’écrivains

35Séquence 1 u Nouvelles de Maupassant

– Dis donc, Philippe, le gars à la Michaude m’a conté tout à l’heure quetu n’étais pas mon papa tout à fait.

– Pourquoi ça ? demanda l’ouvrier. L’enfant répondit avec toute sa naïveté : – Parce que tu n’es pas le mari de maman. Personne ne rit. Philippe resta debout, appuyant son front sur le dos

de ses grosses mains que supportait le manche de son marteau dressé surl’enclume. Il rêvait. Ses quatre compagnons le regardaient et, tout petitentre ces géants, Simon, anxieux, attendait. Tout à coup, un des forgerons,répondant à la pensée de tous, dit à Philippe :

– C’est tout de même une bonne et brave fille que la Blanchotte, etvaillante et rangée malgré son malheur, et qui serait une digne femme pourun honnête homme.

– Ça, c’est vrai, dirent les trois autres. L’ouvrier continua : – Est-ce sa faute, à cette fille, si elle a failli ? On lui avait promis

mariage, et j’en connais plus d’une qu’on respecte bien aujourd’hui et quien a fait tout autant.

– Ça, c’est vrai, répondirent en chœur les trois hommes.Il reprit : «Ce qu’elle a peiné, la pauvre, pour élever son gars toute

seule, et ce qu’elle a pleuré depuis qu’elle ne sort plus que pour aller à l’église, il n’y a que le bon Dieu qui le sait. »

– C’est encore vrai, dirent les autres. Alors on n’entendit plus que le soufflet qui activait le feu du foyer.

Philippe, brusquement, se pencha vers Simon : «Va dire à ta maman que j’irai lui parler ce soir. »Puis il poussa l’enfant dehors par les épaules. Il revint à son travail et, d’un seul coup, les cinq marteaux retombèrent

ensemble sur les enclumes. Ils battirent ainsi le fer jusqu’à la nuit, forts,puissants, joyeux comme des marteaux satisfaits. Mais, de même que lebourdon5 d’une cathédrale résonne dans les jours de fête au-dessus du tintement des autres cloches, ainsi le marteau de Philippe, dominant le fracasdes autres, s’abattait de seconde en seconde avec un vacarme assourdissant.Et lui, l’œil allumé, forgeait passionnément, debout dans les étincelles.

Le ciel était plein d’étoiles quand il vint frapper à la porte de laBlanchotte. Il avait sa blouse des dimanches, une chemise fraîche et labarbe faite. La jeune femme se montra sur le seuil et lui dit d’un air peiné :«C’est mal de venir ainsi la nuit tombée, monsieur Philippe. »

Il voulut répondre, balbutia et resta confus devant elle.Elle reprit : «Vous comprenez bien pourtant qu’il ne faut plus que l’on

parle de moi. »Alors, lui, tout à coup : – Qu’est-ce que ça fait, dit-il, si vous voulez être ma femme ! Aucune voix ne lui répondit, mais il crut entendre dans l’ombre de la

chambre le bruit d’un corps qui s’affaissait. Il entra bien vite ; et Simon,qui était couché dans son lit, distingua le son d’un baiser et quelques motsque sa mère murmurait bien bas. Puis, tout à coup, il se sentit enlevé dans lesmains de son ami, et celui-ci, le tenant au bout de ses bras d’hercule, lui cria :

– Tu leur diras, à tes camarades, que ton papa c’est Philippe Remy, le forgeron, et qu’il ira tirer les oreilles à tous ceux qui te feront du mal.

Le lendemain, comme l’école était pleine et que la classe allait commencer,le petit Simon se leva, tout pâle et les lèvres tremblantes : «Mon papa, dit-il d’une voix claire, c’est Philippe Remy, le forgeron, et il a promis qu’il tirerait les oreilles à tous ceux qui me feraient du mal. »

Cette fois, personne ne rit plus, car on le connaissait bien ce PhilippeRemy, le forgeron, et c’était un papa, celui-là, dont tout le monde eût été fier.

Guy de Maupassant, Le Papa de Simon, 1879.5. grosse cloche.

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