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Fait clinique
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��������Occlusion ileale recidivante par trichobezoarchez une enfant de 5 ans
Recurrent distal ileal obstruction by a trichobezoarin a 5-year-old child
E. Ceaux*, A. Binet, C. Francois-Fiquet, F. Lefebvre, M.-L. Poli-MerolDisponible en ligne sur
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Recu le :15 janvier 2014Accepte le :24 septembre 2014Disponible en ligne4 novembre 2014
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Service de chirurgie pediatrique, American Memorial Hospital, 47, rue Cognacq-Jay,51092 Reims cedex, France
ScienceDirectwww.sciencedirect.com
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SummaryThe diagnosis of trichobezoar can be difficult, due to its low pre-
valence in the pediatric population, limited knowledge of behavioral
disorders in children and their prevention, and the difficulty of the
clinical diagnosis. We report a case of intestinal occlusion in a 5-
year-old child, whose diagnosis was delayed and the trichobezoar,
revealed intraoperatively, confined 15 cm from the ileocecal valve.
Diverging management strategies are proposed in the literature
concerning the indication of CT for diagnostic and prognostic
purposes, and fibroscopy, still considered as the diagnostic refe-
rence. Surgical exploration can lead to the final diagnosis. Bowel
obstruction requires emergency surgery to avoid intestinal compli-
cations and must be followed by psychological therapy to limit
recurrence.
� 2014 Elsevier Masson SAS. All rights reserved.
ResumeLe diagnostic de trichobezoar est difficile du fait de sa faible
prevalence en pediatrie et de la meconnaissance des troubles
comportementaux de l’enfant. Nous rapportons un cas d’occlusion
intestinale basse chez une enfant de 5 ans diagnostiquee avec retard
et due a un trichobezoar revele en peroperatoire et situe a 15 cm de la
valvule de Bauhin. Les conduites proposees dans la litterature
divergent aussi bien concernant l’indication de la tomodensitometrie,
dont le role est diagnostique et pronostique, que la realisation d’une
fibroscopie, encore consideree comme reference diagnostique.
L’exploration chirurgicale peut etre le dernier recours, a la fois
diagnostique et therapeutique. Le traitement ne peut etre complet
sans une prise en charge psychologique au long cours, limitant ainsi
les risques de recidives.
� 2014 Elsevier Masson SAS. Tous droits reserves.
1. Introduction
Le trichobezoar correspond a la presence inhabituelle deconcretions de cheveux sous forme d’une masse solide dansle tube digestif. Principalement de localisation gastrique, ilexiste des formes rares d’extension duodenale ou a l’intestingrele, dont les symptomes sont peu specifiques et dont lediagnostic n’est souvent que chirurgical. Nous rapportons uncas de trichobezoar de localisation unique, revele par unsyndrome occlusif chez une fille de 5 ans.
* Auteur correspondant.e-mail : [email protected] (E. Ceaux).
http://dx.doi.org/10.1016/j.arcped.2014.09.016 Archives de Pediatrie 2014;21:1375-13790929-693X/� 2014 Elsevier Masson SAS. Tous droits reserves.
2. Cas clinique
Cette fillette agee de 5 ans, sans antecedent notable autrequ’une constipation, avait ete hospitalisee pour des vomisse-ments persistants depuis une semaine, avec arret des matie-res et des gaz depuis 48 h. A l’examen clinique, il existait unmeteorisme diffus, avec un abdomen indolore sans massepalpable. Le toucher rectal etait normal. Le bilan biologiqueavait objective une hyponatremie a 128 mmol/L sans altera-tion de la fonction renale ni perturbation du bilan hepatique,et une hyperleucocytose a polynucleaires neutrophiles. Laradiographie d’abdomen sans preparation (fig. 1) avaitconfirme le syndrome occlusif par de nombreux niveauxhydroaeriques du grele, et la tomodensitometrie avait revele
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Figure 1. Radiographie d’abdomen sans preparation : nombreux niveauxhydroaeriques du grele.
une masse de localisation abdominale basse, associee a unestase stercorale du colon sigmoıde et du colon droit (fig. 2). Lelavement opaque n’avait pas identifie d’obstacle au niveau ducadre colique. L’evolution rapide du tableau d’occlusion aiguede l’intestin grele, avec degradation de l’etat general malgrela mise en aspiration digestive, avait conduit a poser l’indica-tion operatoire. L’examen sous anesthesie generale avait
Figure 2. Scanner abdominal : distension du grele avec masse peri-ombilicale
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permis la palpation d’une masse mobile dans la fosse iliaquedroite. Etant donnee la distension abdominale majeure contre-indiquant une laparoscopie, le choix d’un abord de la fosseiliaque droite avait ete fait. L’exploration avait permis d’iden-tifier un obstacle endoluminal enclave dans la derniere anseileale avec distension d’amont. La masse ne franchissant pas lavalvule ileo-cæcale par manœuvre externe, une enterotomietransversale a 15 cm de la valvule de Bauhin avait ete realisee,permettant d’extraire en totalite un trichobezoar de 60 g etmesurant 9 � 3,5 � 3 cm (fig. 3). L’exploration peroperatoire dugrele et de l’estomac ne revelait pas d’autre trichobezoar. Labonne vitalite parietale avait permis une suture simple del’enterotomie et les suites operatoires avaient ete simples.L’examen du cuir chevelu avait montre une chevelure abon-dante avec des cassures capillaires au niveau des regionsfronto-parietales. Une prise en charge psychologique de cettetrichophagie avait alors ete instauree. Huit mois apres cettehospitalisation, la fillette avait de nouveau ete admise dansun contexte clinique identique. L’echographie abdominaleavait montre une masse de meme localisation et une nouvelleextraction chirurgicale avait ete realisee. L’enfant et sa familleavaient de nouveau ete confies a un pedopsychiatre, le suiviinitial ayant ete interrompu.
3. Discussion
Le trichobezoard represente 0,15 % des corps etrangers gastro-intestinaux avec une forte predominance feminine et un picd’incidence entre 10 et 19 ans [1]. Des troubles psychiatriquessont associes dans seulement 9 % des cas. Le premier cas chezl’homme a ete decrit en 1779 [2]. Habituellement de localisa-tion gastrique, le trichobezoard est de couleur noire quelleque soit la couleur des cheveux, en raison de l’action chimiquede l’acidite gastrique. Il est rarement confine a l’intestin grele
.
Trichobezoard occlusif
sans origine gastrique primaire [3] et reste rare chez le petitenfant. Certaines formes rares d’extension duodenale etjejunale, appelees syndrome de Rapunzel ont ete decrites[2]. Il est interessant de rappeler que Rapunzel est le nomallemand d’une plante potagere, appelee « Raiponce » enfrancais. L’appellation de ce syndrome, utilisee depuis 1986,est tiree du conte des freres Grimm, dans lequel une princessereclame cette plante pour etre enceinte. Une fille naıtra,appelee pour cela Rapunzel, et dont les tres longs cheveuxpermettront a son prince charmant de venir la delivrer. En2010, les studios Disney ont produit un film a partir de ceconte appele « Raiponce » largement diffuse.Le diagnostic de trichobezoar n’est pas standardise, ce quiexplique les retards de prise en charge et les frequentescomplications. Longtemps infraclinique, parfois palpable,notamment en position gastrique, sa symptomatologie estsouvent peu specifique et progressive a type de gene epigas-trique, de douleurs abdominales, de vomissements, d’anore-xie, ou d’amaigrissement [4,5]. Il est souvent revele par unecomplication a type d’hemorragie digestive haute par ulce-rations parietales, de perforation digestive avec peritonite,d’occlusion intestinale aigue, voire parfois de pancreatiteaigue ou de cholestase par obstruction de l’ampoule de Vatersur œdeme reactionnel. Dans certains cas, la connaissanced’une alopecie ou d’une trichophagie fait evoquer le diag-nostic. Il ne semble pas exister de correlation entre le volumedu trichobezoard et les complications digestives [3]. Unehyperleucocytose, une anemie microcytaire ferriprive parmalabsorption du fer ou deficit en vitamine B12 sont souventassociees [3].Dans la localisation gastrique ou intestinale proximale, lafibroscopie œsogastroduodenale est l’examen diagnostiquede reference permettant la visualisation des cheveux enche-vetres. Elle peut avoir un interet therapeutique pour lesextractions de bezoards gastriques de petite taille maisn’est pas adaptee aux bezoards de grande taille [4,6]. Encas de migration distale du bezoard, la radiographie del’abdomen sans preparation et l’echographie sont peu speci-fiques, montrant des signes d’occlusion intestinale, l’echo-graphie permettant de visualiser un obstacle endoluminal.L’une comme l’autre peuvent etre normales. La tomo-densitometrie est un examen important, a visee a la foisdiagnostique et pronostique [7]. Elle permet la visualisationd’une masse intraluminale, ovoıde, mobile et heterogene sansaucune attache a la paroi intestinale, avec la presence patho-gnomonique de minuscules bulles d’air dispersees au sein dela masse, ainsi qu’une dilatation des anses en amont. Leseventuels signes de souffrance intestino-mesenteriques [8]sont apprecies, tout comme la localisation de l’obstacle, per-mettant de guider la voie d’abord chirurgicale. Il existe unegrande reproductibilite de la semeiologie scanographique du,notamment la visualisation des signes de souffrance intesti-nale necessitant une chirurgie d’urgence. Pourtant, certainsauteurs ne considerent pas que la tomodensitometrie soit
indispensable [4,5,9]. Billaud et al. ont recommande, en cas dediagnostic clinique d’obstruction complete de l’intestin chezl’enfant, le scanner helicoıdal qui aurait une sensibilite de100 %, diminuant le retard de prise en charge chirurgicale etl’augmentation de la morbi-mortalite [8]. Dans le cas notreobservation, un scanner avait ete realise dans un but diag-nostique. La visualisation d’une masse de localisation abdo-minale basse avait conduit a l’abord chirurgical, mais n’avaitpas permis le diagnostic preoperatoire de trichobezoard,notamment du fait de la meconnaissance de la trichophagiede cette enfant. Le transit du grele n’est plus que rarementrealise. Il peut objectiver dans les formes gastriques unelacune intraluminale gastrique mobile a bord convexes asso-ciee a un defaut de remplissage inhomogene de l’estomac,mais n’est pas specifique en cas de localisation dans le grele etest irradiant. Le diagnostic de trichobezoard doit etre evoqueen cas d’obstruction intestinale progressive, au meme titrequ’une pathologie infectieuse ou tumorale [10]. L’anamnese,l’age, l’existence d’une trichophagie connue ou la presence decheveux dans la sonde d’aspiration peuvent guider le diag-nostic.En raison du risque de perforation et de lesions œsophagien-nes lors des manœuvres repetees d’extraction endoscopiquepar fragmentation [6], le traitement habituel requiert unegastrotomie ou enterotomie, preferentiellement par voielaparoscopique si le volume du trichobezoard le permet. Danscertains cas publies, un trichobezoar proche de la valvule ileo-cæcale a pu etre fragmente et evacue manuellement jusqu’apasser dans le cæcum [11], contrairement a notre observationou la fragmentation n’avait pas ete realisable. L’obstructionde l’intestin grele est rare et il est indispensable de rechercherune autre localisation dans le tube digestif [8,11]. Il est etablique le recours a la dissolution par le sirop de papaıne estinefficace et risque de retarder l’extraction chirurgicale [5].Une recente etude multicentrique regroupant 19 cas de tri-chobezoard chez l’enfant avec trichophagie connue 73 % descas a souligne le risque de complications digestives etl’urgence a realiser une exploration chirurgicale, devantl’echec systematique des tentatives d’extractions par voieendoscopique [12]. Le suivi a montre 2 recidives de trichobe-zoard et 1 recidive de trichophagie sans trichobezoard. Dansnotre observation, une recidive avait ete constatee 8 moisapres la cure chirurgicale initiale.S C. Fallon et al. ont suggere dans une serie retrospective quele diagnostic pouvait etre etabli grace une anamnesecomplete combinee a l’imagerie, dont les multiples moda-lites permettent un diagnostic preoperatoire sans evalua-tion endoscopique [13]. La prise en charge doit etre unecombinaison de la laparoscopie ou laparotomie exploratrice,associee a une consultation psychiatrique systematiquepour un traitement definitif. Le syndrome de Rapunzel,extension post-pylorique du trichobezoar, est une compli-cation trop frequente pour etre negligee lors de l’explora-tion chirurgicale.
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Figure 3. Vue chirurgicale : extraction du trichobezoar.
La prise en charge psychiatrique doit etre systematique. Ellerepose principalement sur la therapie comportementale etl’education parentale en se fondant sur la « reversiond’habitudes » de l’enfant habituellement en deni. La tricho-phagie est une dependance comportementale similaire auxrituels observes dans les troubles obsessionnels compulsifs,et alterant de maniere significative la vie sociale, familiale ouprofessionnelle. Elle se caracterise par un comportementincluant l’ingestion de cheveux ou de leurs racines, mais aussileur mise en bouche meme si les cheveux ne sont pas ingeres.Toute tentative d’interruption de ce comportement est res-ponsable d’une anxiete [14]. Sa mise en evidence ne concernequ’un tiers des cas, avec la coexistence principalement d’unedepression, d’une anxiete generalisee et de phobies. Certainesetudes revelent l’existence de facteurs environnementaux etpsychologiques pouvant constituer un terrain predisposantau developpement d’un trichobezoar [9] : personnalite fragile,inadaptation relationnelle, non-desir d’enfants des parents.Etant associee dans un tiers des cas, la trichotillomanie,decrite pour la premiere fois par Hallopeau en 1889, corres-pond a l’arrachage repete de ses propres cheveux. Elle n’estdiagnostiquee que si ce comportement provoque une souf-france, en raison d’un deni preponderant chez l’enfant.La trichophagie a recu peu d’attention dans la recherche medi-cale, sauf en tant que rare symptome de la trichotillomanie.Pourtant, selon Grant et Odlaug, il s’agit d’un facteur pronos-tique important, a considerer dans l’evaluation et le traitementde la trichotillomanie [15]. En effet, ces auteurs ont constate queles sujets atteints de trichotillomanie associee a une tricho-phagie etaient plus gravement malades que les sujets sanstrichophagie. Des recherches plus poussees explorant la rela-tion entre la trichotillomanie et la trichophagie seraient neces-saires pour clarifier la mesure dans laquelle la trichophagiecontribue a l’entretien ou l’exacerbation de la trichotillomanie,et permettraient une optimisation des strategies de preventionet de traitement. La frequence des troubles comportementauxaugmente au fil du temps, majorant aussi le risque pour ces
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patients de developper un trichobezoar. Certaines recidives detrichobezoar rendent compte de la difficulte de prise en chargepsychologique et du suivi a long terme, comme l’illustre notreobservation.
4. Conclusion
Cette observation illustre la possibilite d’une occlusion del’intestin grele par un trichobezoar de decouverte peropera-toire chez un enfant de 5 ans, des cas chez des enfants plusjeunes ayant deja ete rapportees [5]. Elle a ete marquee parune recidive a huit mois rappelant que, outre l’extractionchirurgicale, la preoccupation principale reste la prise encharge psychologique.
Declaration d’interets
Les auteurs declarent ne pas avoir de conflits d’interets enrelation avec cet article.
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