Oncle Petros et la conjecture de Goldbach,de Apostolos Doxiadis

Auteur : Apostolos DoxiadisTitre : Oncle Petros et la conjecture de GoldbachEdition : Christian Bourgeois editeur205 p., Paris (2000)ISBN 2-267-01554-4

Cet epatant petit bouquin, dont l’edition originale, en anglais, date de 1999, enchantera le mathematiciena plus d’un titre. Il a en effet ete ecrit par quelqu’un qui connaıt manifestement tres bien le milieu de larecherche en mathematiques.

Il raconte l’histoire d’un chercheur (fictif)extremement precoce, brillant et pugnace, commeil se doit, qui repond au doux nom de Petros Papa-christos, qui a choisi d’affronter seul et plus ou moins

clandestinement (parce que la recherche est une lutteet qu’il convient de se mefier des collegues, qui sontaussi de redoutables concurrents) une des conjecturesles plus celebres des mathematiques : la conjecture deGoldbach, que nous nous sentons obliges d’enoncer :tout nombre entier au moins egal a 2 est la sommede deux nombres premiers.Le choix de cette conjecture est tres astucieux caril permet au romancier de presenter un problemeouvert (non resolu) de mathematiques dont tout lemonde peut comprendre l’enonce (qui est de toutefacon explique). Il cite de-ci de-la d’autres problemesouverts de theorie des nombres qui sont tout aussiaccessibles a l’entendement commun et tout aussietonnants.Ce livre est donc vraiment un livre grand public. Ony decouvre la vie de recherche de Petros Papachris-tos, qui a tout sacrifie a son travail. Il commenceplein d’espoir et aboutit, croit-il, apres des anneesd’effort et avant qu’une ultime verification ne vienneruiner ses espoirs, puis repart sur des bases nouvelles,mais hante cette fois par la Grande Menace reveleepar Kurt Godel. Il pense triompher enfin, dans sesderniers instants. Rien ne prouve que ce succes inextremis, n’est pas une illusion, Petros Papachristosn’ayant pas eu le temps de rediger ses demonstrationset etant peut-etre mort fou, rien n’est sur.

Cette histoire de recherche est extremement vi-vante, avec des moments de grande intensite drama-tique, d’autres pleins d’humour. Notre heros est vrai-semblable, profondement vraisemblable, touchant.De plus, l’auteur nous amene a faire connaissanceavec ses rares relations professionnelles, qui sontevidemment des monstres sacres de la theorie des

nombres et de la logique : Ramanujan, Hardy, Little-wood, Turing, Godel. Un certain nombre des grandsproblemes de mathematiques de la premiere moitiedu XXeme siecle sont presentes de maniere claire etcomprehensible par tout un chacun. On peut mainte-nant repondre, au cafe du Commerce ou sur la plage,a l’angoissante question : que peut-on bien encore

chercher en mathematiques ?Cet ouvrage presente aussi un certain danger et al’heure ou le principe de precaution s’impose commeregle de vie, nous conseillons au lecteur de maıtriserl’envie qui lui viendra certainement de tenter de

demontrer la conjecture de Goldbach. Rappelons quece n’est qu’une conjecture. Elle est peut-etre fausseet si elle est vraie, elle est peut-etre indemontrable :cette situation est possible en mathematiques, commel’explique precisement ce livre.

L’auteur a peut-etre aussidonne dans la facilite et le folk-lore en s’appesantissant sur lafrequence de la folie chez les grandsmathematiciens. En fait, on a dejarencontre, meme parmi les plusgrands, des mathematiciens quietaient normaux, parfaitementnormaux, a part bien sur qu’ils

faisaient des mathematiques.La traduction n’est pas toujoursa la hauteur. Il y a des fautesd’orthographe et de syntaxe. Destermes mathematiques sont maltraduits (par exemple integralesau lieu de entiers, serie au lieu desuite), si bien que les pages 85, 86

et 87 sont tres irritantes (d’unemaniere generale, il y a de plus enplus de fautes d’orthographe dansles livres : s’agissant de vices defabrication, on devrait pouvoir lesechanger contre des versions sansfaute).

Mais ces considerations d’ethique commerciale ne concernent pas le seraphique oncle Petros, dont nousvous conseillons vivement de faire la connaissance.

Raymond Moche, IREM de Lille, septembre 2003.

2