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Organisation de l’alimentation de l’enfant hospitalisé (réglementation, sécurité sanitaire, logistique) Organization of feeding of the hospitalized child (regulations, food safety, logistics) Dominique Turck Unité de gastroentérologie, hépatologie et nutrition, clinique de pédiatrie, hôpital Jeanne-de-Flandre et faculté de médecine, université de Lille-II, 2, avenue Oscar-Lambret, 59037 Lille cedex, France Disponible sur internet le 18 octobre 2005 Résumé L’hygiène et la sécurité alimentaire à l’hôpital sont régies par l’arrêté ministériel du 29 septembre 1997 puis, à partir du 1 er janvier 2006, par le règlement 852/2004/CE du parlement et du conseil européens du 29 avril 2004 relatif à l’hygiène des denrées alimentaires. Ces deux textes se fondent sur le système HACCP (Hazard analysis and control of critical points), considéré au niveau international comme le système de référence en matière de prévention des risques liés à l’alimentation. L’Afssa a publié en octobre 2005 des recommandations d’hygiène pour la préparation et la conservation des biberons. Institués en 2002, les comités de liaison alimentation–nutrition constituent dans chaque éta- blissement de santé, une structure consultative participant à une triple mission de conseils pour l’amélioration de la prise en charge nutrition- nelle des malades et de la qualité de l’ensemble de la prestation alimentation–nutrition, d’impulsions d’actions adaptées à l’établissement destinées à résoudre des problèmes concernant l’alimentation ou la nutrition, et de formation des personnels. © 2005 Elsevier SAS. Tous droits réservés. Abstract Hygiene and food safety in hospital are regulated under the Directive of the French Ministry of Health of September 29 th , 1997, and, as of January 1 st , 2006, under the European Regulation 852/2004/EC of the European Parliament and Council, related to food hygiene. These two regulations have endorsed the HACCP system, which is nowadays considered at the international level as the best reference system for prevention of food borne risks. The French Food Safety Agency published in October 2005 recommendations for preparation and handling of powdered infant formulae. Launched in 2002, the Committees on Diet and Nutrition are devoted to improve in every hospital the nutritional management of patients and the quality of diet and nutrition, to answer properly unresolved questions related to diet or nutrition, and to improve continuing education of staff. © 2005 Elsevier SAS. Tous droits réservés. Mots clés : Pédiatrie ; Réglementation ; HACCP ; CLAN ; Hôpital ; Hygiène Keywords: Children; Hospital; Regulations; HACCP; Hygiene 1. Introduction La sécurité sanitaire des aliments est devenue depuis une dizaine d’années un enjeu important de la politique de santé et une exigence légitime du consommateur, dont témoigne la création de l’agence française de sécurité sanitaire des ali- ments (Afssa) en 1999 puis de l’autorité européenne de sécu- rité des aliments (Aesa) [European Food Safety Authority (Efsa)] en 2003. L’enfant hospitalisé doit bénéficier d’une alimentation de qualité, qui contribue au succès du projet thérapeutique et à la prévention de troubles nutritionnels ou au traitement d’une Adresse e-mail : [email protected] (D. Turck). Nutrition clinique et métabolisme 19 (2005) 260–264 / Numéro hors série Archives de pédiatrie, vol. 12, n° 4 http://france.elsevier.com/direct/NUTCLI/ 0985-0562/$ - see front matter © 2005 Elsevier SAS. Tous droits réservés. doi:10.1016/j.nupar.2005.09.015

Organisation de l'alimentation de l'enfant hospitalisé (réglementation, sécurité sanitaire, logistique)

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Organisation de l’alimentation de l’enfant hospitalisé(réglementation, sécurité sanitaire, logistique)

Organization of feeding of the hospitalized child(regulations, food safety, logistics)

Dominique Turck

Unité de gastroentérologie, hépatologie et nutrition, clinique de pédiatrie, hôpital Jeanne-de-Flandre et faculté de médecine, université de Lille-II,2, avenue Oscar-Lambret, 59037 Lille cedex, France

Disponible sur internet le 18 octobre 2005

Résumé

L’hygiène et la sécurité alimentaire à l’hôpital sont régies par l’arrêté ministériel du 29 septembre 1997 puis, à partir du 1er janvier 2006,par le règlement 852/2004/CE du parlement et du conseil européens du 29 avril 2004 relatif à l’hygiène des denrées alimentaires. Ces deuxtextes se fondent sur le système HACCP (Hazard analysis and control of critical points), considéré au niveau international comme le systèmede référence en matière de prévention des risques liés à l’alimentation. L’Afssa a publié en octobre 2005 des recommandations d’hygiène pourla préparation et la conservation des biberons. Institués en 2002, les comités de liaison alimentation–nutrition constituent dans chaque éta-blissement de santé, une structure consultative participant à une triple mission de conseils pour l’amélioration de la prise en charge nutrition-nelle des malades et de la qualité de l’ensemble de la prestation alimentation–nutrition, d’impulsions d’actions adaptées à l’établissementdestinées à résoudre des problèmes concernant l’alimentation ou la nutrition, et de formation des personnels.© 2005 Elsevier SAS. Tous droits réservés.

Abstract

Hygiene and food safety in hospital are regulated under the Directive of the French Ministry of Health of September 29th, 1997, and, as ofJanuary 1st, 2006, under the European Regulation 852/2004/EC of the European Parliament and Council, related to food hygiene. These tworegulations have endorsed the HACCP system, which is nowadays considered at the international level as the best reference system forprevention of food borne risks. The French Food Safety Agency published in October 2005 recommendations for preparation and handling ofpowdered infant formulae. Launched in 2002, the Committees on Diet and Nutrition are devoted to improve in every hospital the nutritionalmanagement of patients and the quality of diet and nutrition, to answer properly unresolved questions related to diet or nutrition, and toimprove continuing education of staff.© 2005 Elsevier SAS. Tous droits réservés.

Mots clés : Pédiatrie ; Réglementation ; HACCP ; CLAN ; Hôpital ; Hygiène

Keywords: Children; Hospital; Regulations; HACCP; Hygiene

1. Introduction

La sécurité sanitaire des aliments est devenue depuis unedizaine d’années un enjeu important de la politique de santéet une exigence légitime du consommateur, dont témoigne la

création de l’agence française de sécurité sanitaire des ali-ments (Afssa) en 1999 puis de l’autorité européenne de sécu-rité des aliments (Aesa) [European Food Safety Authority(Efsa)] en 2003.

L’enfant hospitalisé doit bénéficier d’une alimentation dequalité, qui contribue au succès du projet thérapeutique et àla prévention de troubles nutritionnels ou au traitement d’uneAdresse e-mail : [email protected] (D. Turck).

Nutrition clinique et métabolisme 19 (2005) 260–264 /Numéro hors série Archives de pédiatrie, vol. 12, n° 4

http://france.elsevier.com/direct/NUTCLI/

0985-0562/$ - see front matter © 2005 Elsevier SAS. Tous droits réservés.doi:10.1016/j.nupar.2005.09.015

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dénutrition, dont on connaît la forte prévalence et les consé-quences délétères en milieu pédiatrique [1]. Une des pistesstratégiques du Programme national nutrition santé, présentéen 2001 par le secrétariat d’état à la santé et à l’action sociale,a d’ailleurs pour objectif de prévenir, dépister et prendre encharge les troubles nutritionnels dans les établissements desanté. La fragilité des enfants hospitalisés, qu’il s’agisse desnouveau-nés — en particulier des prématurés, et des jeunesnourrissons — justifie une maîtrise complète des risques,dominés par l’exposition aux micro-organismes pathogèneset aux toxines d’origine microbienne [2]. S’il en était besoin,le décès en unité de néonatologie de deux nouveau-nés infec-tés par une entérobactérie présente dans des préparations lac-tées en poudre, Enterobacter sakazakii, survenu au cours dudernier trimestre de l’année 2004, rappelle que le risque zéron’existe pas.

Un strict respect des règles d’hygiène s’impose donc toutau long de la chaîne alimentaire à l’hôpital. Ce droit à la sécu-rité alimentaire, revendiqué par les associations d’usagers etde malades, s’inscrit dans l’obligation générale de sécuritévis-à-vis du patient en milieu hospitalier. Schématiquement,l’analyse des risques permet d’identifier cinq groupes de fac-teurs participant au risque alimentaire :• matière première ;• matériel ;• milieu (locaux et équipements) ;• méthode ;• main d’œuvre [2].

L’hygiène des denrées alimentaires correspond aux mesu-res et conditions nécessaires pour maîtriser les dangers etgarantir le caractère propre à la consommation d’une denréealimentaire compte tenu de l’utilisation prévue. Quant à lasécurité des aliments, elle peut être définie dans les pays indus-trialisés comme la propriété d’une denrée alimentaire résul-tant à la fois de son innocuité (absence de risque à l’égard dela santé publique), de son intégrité (absence de défaut oud’altération) et de sa loyauté (absence de fraude ou de falsi-fication) [2].

2. Réglementation portant sur l’hygiène, la préparationet la distribution des repas en collectivités

L’hygiène et la sécurité alimentaire à l’hôpital ne répon-dent pas à une réglementation spécifique. Elles sont régiespar l’arrêté ministériel (AM) du 29 septembre 1997, qui fixeles conditions sanitaires et d’hygiène auxquelles sont soumisles établissements publics ou privés assurant un service derestauration collective à caractère social, à titre gracieux ouonéreux, et dont au moins une partie de la clientèle est cons-tituée d’une collectivité de consommateurs réguliers [3]. Sontdonc concernés les restaurants des hôpitaux et des cliniques,les établissements à caractère sanitaire et social, et les restau-rants de toute structure d’accueil de la petite enfance (crè-ches). Les cuisines approvisionnant ces restaurants sont éga-lement visées par ce texte.

Un guide élaboré en 1998 sous l’égide de la direction del’hospitalisation et de l’organisation des soins (DHOS) duministère de la Santé précise l’approche méthodologique dela fonction restauration à l’hôpital, et le manuel d’accrédita-tion publié par l’Anaes en 1999 en souligne l’importance [4].L’AM de 1997 est en cours de réévaluation dans le cadre dela prochaine mise en œuvre du règlement (CE) 852/2004/CEdu parlement européen et du conseil de l’union européennedu 29 avril 2004 relatif à l’hygiène des denrées alimentaires,qui prend effet à partir du 1er janvier 2006 [5].

2.1. Principales dispositions de l’AMdu 29 septembre 1997

L’AM se fonde sur les principes utilisés pour développerle système dit HACCP, qui correspond à « Hazard analysisand control of critical points » ou « Système d’analyse desdangers –– points critiques pour leur maîtrise » [6]. Ceconcept, reconnu par le Codex alimentarius [organisme éta-blissant des normes internationales dans le domaine alimen-taire, dépendant de l’Organisation mondiale de la santé (OMS)et de l’Organisation des nations unies pour l’alimentation etl’agriculture (FAO)] comme le système de référence enmatière de prévention des risques liés à l’alimentation [7], ad’abord été développé il y a maintenant plus de 30 ans dansl’industrie agroalimentaire aux États-Unis. Les aliments sonten effet des vecteurs importants de dangers qu’il faut savoiridentifier. C’est pourquoi les professionnels, dont les gestion-naires hospitaliers, doivent mettre en place, appliquer et main-tenir une ou plusieurs procédures permanentes fondées surles principes du concept HACCP.

Ces principes, au nombre de sept, sont les suivants :• identifier tout danger (biologique, physique ou chimique)

qu’il y a lieu de prévenir, d’éliminer ou de ramener à unniveau acceptable ;

• identifier les points critiques au niveau desquels une maî-trise est indispensable pour prévenir ou éliminer un dan-ger ou pour le ramener à un niveau acceptable ;

• établir, aux points critiques de maîtrise, les limites criti-ques qui différencient l’acceptabilité de l’inacceptabilitépour la prévention, l’élimination ou la réduction des dan-gers identifiés ;

• établir et appliquer des procédures de surveillance effi-cace des points critiques de maîtrise ;

• établir les actions correctives à mettre en œuvre lorsque lasurveillance révèle qu’un point critique de contrôle n’estpas maîtrisé ;

• établir des procédures exécutées périodiquement pour véri-fier l’efficacité des mesures visées aux points un à cinq ;

• établir des documents et des dossiers en fonction de lanature et de la taille de l’établissement pour prouver l’appli-cation effective des mesures visées aux points 1 à 6.Ce concept HACCP marque le passage d’une obligation

de moyens à une obligation de résultats, et confie au gestion-naire la responsabilité de mettre au point des systèmes d’auto-contrôles de qualité adaptés à la structure dont il a la respon-sabilité.

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L’AM du 29 septembre 1997 décrit également les objec-tifs à atteindre pour l’implantation et l’aménagement deslocaux ainsi que pour leur utilisation et leur entretien. Il estinterdit d’utiliser les locaux de préparation des denrées àd’autres fins que celles prévues. Il doit exister un plan de net-toyage et de désinfection : fréquence, mode opératoire, nomdu responsable, moyens de vérification de l’efficacité du plan[3].

En ce qui concerne le refroidissement des denrées alimen-taires, la température à cœur de la denrée doit être abaisséeen moins de deux heures à moins de 10 °C, sauf si l’analysedes risques a prouvé qu’un refroidissement moins rapide restesuffisant pour garantir la salubrité des denrées. Après refroi-dissement, ces denrées sont conservées dans une enceinteréfrigérée dont la température est comprise entre 0 et +3 °C.

La remise en température des préparations culinaires à ser-vir chaudes est opérée de telle manière que leur températurene demeure pas pendant plus d’une heure à des valeurs com-prises entre +10 °C et la température de remise au consom-mateur. En tout état de cause, cette température ne peut êtreinférieure à +63 °C, sauf si l’analyse des risques a montréqu’une température inférieure n’entraîne pas de risque pourla santé du consommateur. Ces préparations culinaires doi-vent être consommées le jour de leur première remise en tem-pérature. Si la denrée est destinée à être consommée froide,elle peut alors être retirée de l’enceinte réfrigérée dans undélai maximal de deux heures avant la consommation et àcondition d’être maintenue à une température inférieure à+10 °C.

L’AM comporte également des dispositions spécifiquesrelatives aux toxi-infections alimentaires collectives, notam-ment la mise en place obligatoire d’échantillons de platstémoins, à la disposition exclusive des services officiels decontrôle. Ces échantillons sont prélevés en quantité suffi-sante pour permettre leur analyse microbiologique et, le caséchéant, chimique, dans les meilleures conditions possibles.Ils doivent être conservés pendant au moins cinq jours aprèsla dernière présentation au consommateur, dans des condi-tions non susceptibles de modifier leur qualité microbiologi-que [3].

Plusieurs articles de l’AM relatifs au personnel insistentsur la tenue vestimentaire et l’état de santé du personnel com-patible avec la manipulation des denrées. Si le port de la char-lotte est obligatoire, le port du masque oronasal est laissé àl’appréciation du professionnel.

L’article 29 précise que les personnels appelés à travaillerdans les locaux dans lesquels circulent les denrées alimen-taires suivent une formation continue à l’hygiène alimentaireadaptée aux besoins de chaque catégorie de personnel et auxcontraintes spécifiques des installations [3].

2.2. Cas particulier de la préparationet de la conservation des biberons

Dans un établissement de santé, le fonctionnement de labiberonnerie s’apparente à celui d’une cuisine hospitalière.

La biberonnerie est donc une unité fonctionnelle spécifique,exclusivement dédiée à la reconstitution de préparations lac-tées ou de produits nutritionnels spécifiques ; son activités’articule autour des unités de soins pédiatriques et de mater-nité. Elle nécessite une organisation rigoureuse pour délivrerles préparations nutritionnelles 24 heures sur 24, sept jourssur sept. Le code de la santé publique impose aux établisse-ments de santé de disposer d’une biberonnerie spécifiquedepuis 1997 lorsqu’ils sont dotés d’un service de pédiatrie, etdepuis octobre 1998 lorsqu’ils comportent un service de néo-natologie [8]. Selon la classification des locaux hospitaliers,ce secteur à risque infectieux nécessite une organisation archi-tecturale de type secteur protégé. Il comporte un sas régle-mentant les entrées et permettant l’accès aux zones propreset sales. Tout comme l’ensemble des locaux hospitaliers dévo-lus au stockage et à la transformation des denrées alimen-taires, les locaux de la biberonnerie répondent à une logiqueorganisationnelle selon :• le concept de la « marche en avant », qui permet le chemi-

nement des denrées, du matériel, et les déplacements depersonnel afin de respecter les principes d’hygiène de fabri-cation ;

• le concept de séparation du secteur sale du secteur propre,qui vise à séparer physiquement au fur et à mesure les dif-férents flux (personnels, matériels, denrées alimentaires).Lorsque les locaux ne permettent pas la mise en œuvre du

concept de la « marche en avant » dans l’espace, ce conceptse transforme en une organisation conduisant à une réparti-tion des tâches par zone selon le moment de la journée.

À titre indicatif, des éléments d’informations complémen-taires relatifs aux matériaux et à l’architecture des locaux enétablissements de soins peuvent être consultés dans le guideCoterehos édité par la direction régionale des affaires sani-taires et sociales (Drass) de Rhône-Alpes « Hygiène et archi-tecture dans les établissements de santé. Aide à la conceptionet à la rénovation des unités de soins » [9].

Diverses recommandations pour la préparation et la conser-vation des biberons ont été publiées, par exemple en Francepar le C-CLIN Paris-Nord [10] ou aux États-Unis par l’asso-ciation américaine de diététique [11]. À notre connaissance,il n’existe pas de document validé par des autorités officiel-les, que ce soit au niveau national ou international. L’Afssa apublié en octobre 2005 des recommandations d’hygiène pourla préparation et la conservation des biberons, qu’il n’est paspossible de résumer dans le présent article [12]. Les princi-pales recommandations de ce rapport en matière organisa-tionnelle sont de :• veiller à la présence d’unités centrales de préparation des

biberons dans les hôpitaux ;• promouvoir la formation du personnel aux bonnes prati-

ques d’hygiène alimentaire ;• veiller à la connaissance par le personnel d’encadrement

du règlement 852/2004/CE, notamment concernant la tra-çabilité.La traçabilité des denrées et des ingrédients alimentaires

dans la chaîne alimentaire, qui fait partie intégrante des sys-

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tèmes d’assurance qualité, est en effet un élément fondamen-tal pour garantir la sécurité alimentaire. Le règlement (CE)no 178/2002 contient des règles destinées à garantir la traça-bilité des denrées et des ingrédients alimentaires ainsi qu’uneprocédure pour l’adoption de dispositions visant à appliquerces principes dans les secteurs spécifiques [13].

Quant au fonctionnement des 18 lactariums français, quicollectent chaque année environ 50 000 l de lait humain, ilest régi par l’arrêté du 10 février 1995 du ministère de laSanté [14].

2.3. Principales dispositions du règlement européen852/2004/CE [5]

La mise en œuvre au 1er janvier 2006 du règlement852/2004/CE qui établit les règles générales en matièred’hygiène des denrées alimentaires à l’intention des exploi-tants du secteur alimentaire, tous secteurs confondus, etnotamment des collectivités de restauration, renforce la res-ponsabilité première du professionnel en matière de sécuritéalimentaire.

Ce règlement impose la mise en œuvre de procédures fon-dées sur les principes HACCP ou, le cas échéant, établies pardes guides de bonnes pratiques d’hygiène et d’application desprincipes HACCP. Réalisés par les organismes profession-nels ou interprofessionnels, ces guides permettent aux diffé-rentes structures concernées de mettre en œuvre des procé-dures simplifiées mais éprouvées de maîtrise des dangers.Toutefois, seuls les guides validés par les autorités compéten-tes après avis de l’Afssa représentent un consensus entrel’administration et les professionnels, et sont donc opposa-bles.

La mise en œuvre d’un plan HACCP ne peut s’exonérerdes autocontrôles qui permettent de vérifier le respect desvaleurs limites–critiques. Ainsi, les surfaces de l’environne-ment de préparation, le matériel, les matières premières doi-vent être régulièrement contrôlées, mais aussi le personnel,selon des procédures établies. Le règlement 852/2004/CE pré-cise que toute personne travaillant dans une zone de manu-tention de denrées alimentaires doit respecter un niveau élevéde propreté personnelle et porter des tenues adaptées et pro-pres assurant, si cela est nécessaire, sa protection.

Les personnels des établissements dans lesquels des den-rées d’origine animale sont préparées, traitées et transfor-mées, en vue de la consommation collective des entreprises,des administrations, des institutions à caractère social et desétablissements scolaires et universitaires, doivent se soumet-tre à un dépistage relatif à leur état de santé et d’hygiène selonles modalités de l’arrêté du 10 mars 1977 [15].

Disposition réglementaire selon l’arrêté du 29 septembre1997, l’échantillonnage doit permettre d’identifier la sourced’une contamination accidentelle. Cette obligation de moyensparfois lourde à mettre en œuvre ne doit pas occulter l’objec-tif de résultat : identifier l’origine de la contamination. C’estpourquoi il est absolument nécessaire, si la structure ne peutmettre en place un échantillonnage pertinent, d’élaborer un

système de traçabilité et d’identification des produits etd’enregistrement des paramètres des procédés mis en œuvreen cas de toxi-infection alimentaire collective. À ce propos,la traçabilité de tous les produits alimentaires à toutes les éta-pes de la production n’est pas encore disponible dans l’ensem-ble des établissements de santé français et doit donc devenirun de leurs objectifs prioritaires à court terme en termes desécurité alimentaire.

3. Rôle des comités de liaison alimentation–nutrition

Le rapport sur l’alimentation en milieu hospitalier publiépar le professeur Bernard Guy-Grand en 1997 soulignait unemédicalisation insuffisante des problèmes nutritionnelsnotamment face à la dénutrition fréquente des patients hos-pitalisés, des failles dans la qualité de l’alimentation hospita-lière, une insuffisance dans la formation initiale et continuedes personnels hospitaliers, et une insuffisance dans le nom-bre des diététiciens hospitaliers. Ce rapport préconisait lacréation dans chaque hôpital d’un comité de liaison alimen-tation–nutrition (CLAN) afin de remédier au déficit de com-munication entre les différents acteurs impliqués dans le pro-cessus d’alimentation–nutrition des patients. Le rapport duprofesseur Claude Ricour sur la mise en place d’une politi-que nutritionnelle dans les établissements de santé publié en2003 recommandait la mise en place d’un CLAN dans cha-que établissement de santé afin de constituer, en lien avec lacommission médicale d’établissement (CME), une structureconsultative participant par ses avis ou propositions à une tri-ple mission :• de conseils pour l’amélioration de la prise en charge nutri-

tionnelle des malades et de la qualité de l’ensemble de laprestation alimentation–nutrition ;

• d’impulsions d’actions adaptées à l’établissement desti-nées à résoudre des problèmes concernant l’alimentationou la nutrition ;

• de formation des personnels impliqués [16].À défaut, dans les plus petites structures, la fonction ali-

mentation et nutrition doit faire l’objet d’une organisationadaptée et spécifique. La circulaire DHOS du 29 mars2002 précise ces différents points [17]. La composition duCLAN reflète ses objectifs multi- et interdisciplinaires : repré-sentants de l’administration hospitalière, du service des soinsinfirmiers, des responsables de nutrition clinique, de la qua-lité, de l’activité diététique, de la restauration, des usagers...Pour son fonctionnement, le CLAN propose un règlementintérieur ; chaque année, le président du CLAN prépare unrapport d’activité soumis à l’approbation des membres duCLAN, adressé au directeur et au président de la CME avantprésentation à la CME.

Une coopération entre les différentes structures CLANconstituées peut être organisée (inter-CLAN). Au niveaurégional, des comités techniques régionaux de nutrition ontété mis en place par les Drass. Enfin, à l’échelon national,l’arrêté du 29 mars 2002 a créé le CNANES ou comité natio-

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nal de l’alimentation et de la nutrition des établissements desanté, structure ressource destinée à mettre en place une basenationale de données épidémiologiques, de pratiques profes-sionnelles (référentiels et protocoles), et de contenu pédago-gique des formations [18]. L’arrêté du 28 avril 2003 a modi-fié la composition du CNANES [19].

Voici, uniquement à titre d’exemple, quelques actions pos-sibles du CLAN : s’assurer que les moyens requis pour peseret mesurer les patients sont présents dans les unités de soins ;impulser des actions de dépistage de la dénutrition, de l’obé-sité ou des troubles du comportement alimentaire ; participerà la mise en place d’outils de surveillance de l’alimentationet de prescription diététique, de protocoles sur la nutritionentérale et parentérale ; garantir la coordination et la cohé-rence des actions alimentation–nutrition au sein de l’hôpitalavec d’autres structures comme le comité de lutte contre lesinfections nosocomiales, le comité du médicament, le comitévigilance et gestion des risques...

Un outil d’évaluation de la qualité de l’alimentation et dela nutrition dans un établissement de santé, a récemment étéproposé à l’intention du CLAN, sous la forme d’une grilleélaborée par un groupe de travail [20].

Références

[1] Hendrikse WH, Reilly J, Weaver LT. Malnutrition in a UK children’shospital. Clin Nutr 1997;16:13–8.

[2] Cosson C, Bolnot F-H, Tronchon P. « Sécurité alimentaire » en milieuhospitalier : de la logique de crise à la logique de progrès. Nutr ClinMetab 2003;17:242–51.

[3] Arrêté du 29 septembre 1997 fixant les conditions d’hygiène appli-cables dans les établissements de restauration collective. JournalOffıciel de la République française du 23 octobre 1997; ministère del’agriculture et de la pêche.

[4] Manuel d’accréditation des établissements de santé. Paris: Anaes;février 1999.

[5] Règlement (CE) N°852/2004 du parlement européen et duconseil de l’union européenne du 29 avril 2004 relatif à l’hygiène desdenrées alimentaires. Journal offıciel de l’Union européenne du30 avril 2004, L139/1. Disponible à l’adresse électronique : http://europa.eu.int/eur-lex/fr/archive/2004/l_13920040430fr.html.

[6] Démarche HACCP en restauration. Guide pour l’analyse des dangers.CPRC, Éditions BPI; 1998, 71 p.

[7] Principes généraux d’hygiène alimentaire du Codex alimentarius,révision 4, 2003.

[8] Décret no°98–899 du 9 octobre 1998 modifiant le titre Ier du livre VIIdu code de la santé publique et relatif aux établissements de santépublics et privés pratiquant l’obstétrique, la néonatalogie ou la réani-mation néonatale.

[9] Guide hygiène et architecture dans les établissements de santé. Aide à laconception des unités de soins. Coterehos ; 1997. Disponible à l’adresseélectronique : http://nosobase.chu-lyon.fr/ et http://nosobase.chu-lyon.fr/recommandations/Architecture/architecture.htm.

[10] Alimentation du nourrisson en collectivité pédiatrique –– conditionsde préparation et circuit des biberons. Inter-CLIN pédiatrique – CCLIN Paris-Nord ; 1999.

[11] Guidelines for preparation of formula and breast milk in health carefacilities,American DieteticAssociation, 2005. Disponible à l’adresseélectronique : http://www.eatright.org/Public/NutritionInformation/92_17242.cfm.

[12] Afssa (agence française de sécurité sanitaire des aliments). Rapportdu groupe de travail « Recommandations pour la préparation et laconservation des biberons », octobre 2005. Disponible à l’adresseélectronique: http://www.afssa.fr.

[13] Règlement (CE) no 178/2002 du parlement européen et du conseil du28 janvier 2002 établissant les principes généraux et les prescriptionsgénérales de la législation alimentaire, instituant l’autoritéeuropéenne de sécurité des aliments et fixant des procédures à lasécurité des denrées alimentaires (JO L31 du 1.2.2002, p .1).

[14] Arrêté du 10 février 1995 du ministre délégué à la santé, relatif auxconditions techniques de fonctionnement des lactariums.

[15] Arrêté du 10 mars 1977 relatif à l’état de santé et l’hygiène dupersonnel appelé à manipuler les denrées animales ou d’origine ani-male.

[16] Ricour C. Mise en place d’une politique nutritionnelle dans les étab-lissements de santé. Rapport; 2003.

[17] Circulaire DHOS/E 1 n° 2002-186 du 29 mars 2002 relative àl’alimentation et à la nutrition dans les établissements de santé (NOR :MESH0230162C).

[18] Arrêté du 29 mars 2002 portant création du Comité national del’alimentation et de la nutrition des établissements de santé (NOR :SANH0221212A). Journal Offıciel de la République française du18 avril 2002.

[19] Arrêté du 28 avril 2003 modifiant l’arrêté du 29 mars 2002 portantcréation du comité national de l’alimentation et de la nutrition desétablissements de santé (NOR : SANH0321918A). Journal Offıcielde la République française du 4 juin 2003.

[20] Poisson-Salomon A-S, de Chambine S, Puissant M-C, et al. Mettre enœuvre la qualité de l’alimentation et de la nutrition dans un établisse-ment de santé : un outil d’évaluation à la disposition du CLAN. NutrClin Metab 2003;17:130–54.

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