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pratique | allergologie 18 OptionBio | Lundi 23 novembre 2009 | n° 427 Place de la biologie dans l’exploration et le suivi de l’enfant allergique L’allergie est l’une des maladies infantiles les plus fréquentes. La suspicion d’allergie est confirmée ou écartée par les dosages d’IgE spécifiques multiallergéniques. Les nouveaux tests, par dosages d’IgE spécifiques de composants allergéniques particuliers obtenus par génie génétique, permettent de mieux cibler les allergènes en cause pour optimiser le traitement par désensibilisation. L’ allergie est l’une des maladies infanti- les les plus fréquentes et son incidence augmente : un enfant sur quatre est aller- gique. Aujourd’hui, un seul facteur prédictif est reconnu : l’existence d’antécédents familiaux. Des mesures préventives sont possibles : régime pendant la grossesse ou l’allaitement, diversifica- tion de l’alimentation plus tardive, diminution de l’exposition aux allergènes. En l’absence d’effet prouvé ou de consensus sur ces mesures, mieux vaut suivre les enfants à risque. La marathon de l’allergie L’allergie peut se manifester dès le plus jeune âge. Elle évolue au fur et à mesure que l’enfant gran- dit : nouveaux symptômes potentiellement plus graves, nouveaux allergènes en cause. Une cam- pagne européenne a été mise en place en 2003 pour sensibiliser les médecins à l’importance du dépistage précoce de l’allergie, avec des recom- mandations portant notamment sur le diagnostic et les tests biologiques. La prise en charge précoce passe par un bilan dia- gnostique dès l’apparition des premiers symptô- mes, pour identifier la cause et mettre en place un traitement spécifique (éviction, immunothérapie) afin d’éviter la récidive, voire l’aggravation des symptômes et prévenir leur évolution. Dernières avancées en biologie de l’allergie Les dernières avancées en biologie de l’allergie sont principalement l’éta- blissement du lien entre concen- tration en IgE spécifiques (valeur quantitative) et risque d’allergie, la mesure de taux bas (à par- tir de 0,1 kU/L), en particulier chez les enfants, et la mesure des IgE spécifiques au niveau moléculaire grâce aux “allergènes recombinants”. Taux d’IgE versus allergie L’établissement de courbes standard par allergène liant le taux d’IgE spécifiques au risque d’allergie serait d’une grande utilité à l’allergologue, notam- ment en allergie alimentaire, pour éviter le recours systématique aux tests de provocation orale. Cette relation est bien établie pour l’arachide : au-delà d’un certain seuil en IgE spécifiques, le diagnostic est porté et il n’est plus nécessaire de faire de test de provocation orale. Mais chaque centre doit éta- blir ses propres valeurs normales. D’une manière générale, plus le taux d’IgE spécifiques est élevé, plus le risque d’allergie est important. Apport de la biologie Une étude SFRL (Syndicat de l’industrie du dia- gnostic in vitro) a montré que 60 à 70 % des décisions médicales s’appuyaient sur les tests in vitro et que ceux-ci avaient une place à tous les stades de la maladie allergique : en prédiction, pour la détection précoce d’une sensibilisation ; en diagnostic, pour la différenciation allergie/autre étiologie et l’identification de la cause réelle des symptômes (sensibilisation différente de l’allergie) et pour le suivi de l’efficacité thérapeutique. Diagnostic différentiel de première intention Les symptômes évocateurs d’une allergie sont variés et non spécifiques : en réalité, 30 à 40 % des symptômes chroniques de type allergie sont dus à une allergie. Les dosages d’IgE spécifiques multiallergéniques permettent de confirmer ou d’écarter l’origine allergique : Phadiatop ® (aéroal- lergènes), Trophatop ® enfant (aliments), ou Pha- diatop ® Nourrissons (aliments et aéroallergènes en cause de 0 à 2 ans). Confirmation de diagnostic La présence d’IgE spécifiques unitaires révèle une sensibilisation à une source allergénique donnée. Une sensibilisation n’est pas toujours associée à une allergie, le résultat doit être interprété dans un contexte clinique. Cependant, les valeurs quanti- tatives d’IgE spécifiques aident à différencier une sensibilisation d’une allergie (plus le taux d’IgE spécifique est élevé, plus le risque d’allergie est fort) et à définir des seuils au-delà desquels il est possible d’éviter la réalisation des tests de provocation orale. Une fois le diagnostic posé, un traitement spécifique peut être instauré (immu- nothérapie, éviction). Suivi Les taux d’IgE spécifiques évoluent en fonction du “statut allergique” du patient. Ils permettent de suivre la dis- parition/apparition d’une sensibilisation, et les effets de l’immunothérapie. Les taux d’IgE spécifiques évoluent en fonction du degré d’exposition. Ils permettent d’estimer les effets et le respect des mesures d’éviction et ont un effet motivationnel. Si leur taux ne baisse pas, il convient de rechercher un autre allergène poten- tiellement en cause. Pronostic La mesure des IgE spécifiques aide à anticiper l’évolution d’une allergie chez l’enfant. Elle a un © 007/Fotolia.com

Place de la biologie dans l’exploration et le suivi de l’enfant allergique

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pratique | allergologie

18 OptionBio | Lundi 23 novembre 2009 | n° 427

Place de la biologie dans l’exploration et le suivi de l’enfant allergique

L’allergie est l’une des maladies infantiles les plus fréquentes. La suspicion d’allergie est confirmée ou écartée par les dosages d’IgE spécifiques multiallergéniques. Les nouveaux tests, par dosages d’IgE spécifiques de composants allergéniques particuliers obtenus par génie génétique, permettent de mieux cibler les allergènes en cause pour optimiser le traitement par désensibilisation.

L’allergie est l’une des maladies infanti-les les plus fréquentes et son incidence augmente : un enfant sur quatre est aller-

gique. Aujourd’hui, un seul facteur prédictif est reconnu : l’existence d’antécédents familiaux. Des mesures préventives sont possibles : régime pendant la grossesse ou l’allaitement, diversifica-tion de l’alimentation plus tardive, diminution de l’exposition aux allergènes. En l’absence d’effet prouvé ou de consensus sur ces mesures, mieux vaut suivre les enfants à risque.

La marathon de l’allergieL’allergie peut se manifester dès le plus jeune âge. Elle évolue au fur et à mesure que l’enfant gran-dit : nouveaux symptômes potentiellement plus graves, nouveaux allergènes en cause. Une cam-pagne européenne a été mise en place en 2003 pour sensibiliser les médecins à l’importance du dépistage précoce de l’allergie, avec des recom-mandations portant notamment sur le diagnostic et les tests biologiques.La prise en charge précoce passe par un bilan dia-gnostique dès l’apparition des premiers symptô-mes, pour identifier la cause et mettre en place un traitement spécifique (éviction, immunothérapie) afin d’éviter la récidive, voire l’aggravation des symptômes et prévenir leur évolution.

Dernières avancées en biologie de l’allergieLes dernières avancées en biologie de l’allergie sont principalement l’éta-blissement du lien entre concen-tration en IgE spécifiques (valeur quantitative) et risque d’allergie, la mesure de taux bas (à par-tir de 0,1 kU/L), en particulier chez les enfants, et la mesure des IgE spécifiques au niveau moléculaire grâce aux “allergènes recombinants”.

Taux d’IgE versus allergieL’établissement de courbes standard par allergène liant le taux d’IgE spécifiques au risque d’allergie serait d’une grande utilité à l’allergologue, notam-ment en allergie alimentaire, pour éviter le recours systématique aux tests de provocation orale. Cette relation est bien établie pour l’arachide : au-delà d’un certain seuil en IgE spécifiques, le diagnostic est porté et il n’est plus nécessaire de faire de test de provocation orale. Mais chaque centre doit éta-blir ses propres valeurs normales. D’une manière générale, plus le taux d’IgE spécifiques est élevé, plus le risque d’allergie est important.

Apport de la biologieUne étude SFRL (Syndicat de l’industrie du dia-gnostic in vitro) a montré que 60 à 70 % des décisions médicales s’appuyaient sur les tests in vitro et que ceux-ci avaient une place à tous les stades de la maladie allergique : en prédiction, pour la détection précoce d’une sensibilisation ; en diagnostic, pour la différenciation allergie/autre étiologie et l’identification de la cause réelle des symptômes (sensibilisation différente de l’allergie) et pour le suivi de l’efficacité thérapeutique.

Diagnostic différentiel de première intentionLes symptômes évocateurs d’une allergie sont variés et non spécifiques : en réalité, 30 à 40 % des symptômes chroniques de type allergie sont dus à une allergie. Les dosages d’IgE spécifiques multiallergéniques permettent de confirmer ou d’écarter l’origine allergique : Phadiatop® (aéroal-lergènes), Trophatop® enfant (aliments), ou Pha-diatop® Nourrissons (aliments et aéroallergènes en cause de 0 à 2 ans).

Confirmation de diagnosticLa présence d’IgE spécifiques unitaires révèle une sensibilisation à une source allergénique donnée. Une sensibilisation n’est pas toujours associée à une allergie, le résultat doit être interprété dans un contexte clinique. Cependant, les valeurs quanti-tatives d’IgE spécifiques aident à différencier une sensibilisation d’une allergie (plus le taux d’IgE spécifique est élevé, plus le risque d’allergie est fort) et à définir des seuils au-delà desquels il est possible d’éviter la réalisation des tests de provocation orale. Une fois le diagnostic posé, un traitement spécifique peut être instauré (immu-nothérapie, éviction).

SuiviLes taux d’IgE spécifiques évoluent en fonction du “statut allergique” du patient. Ils permettent de suivre la dis-

parition/apparition d’une sensibilisation, et les effets de l’immunothérapie. Les taux

d’IgE spécifiques évoluent en fonction du degré d’exposition. Ils permettent d’estimer les effets et le respect des mesures d’éviction et ont un effet motivationnel. Si leur taux ne baisse pas, il convient de rechercher un autre allergène poten-tiellement en cause.

PronosticLa mesure des IgE spécifiques aide à anticiper l’évolution d’une allergie chez l’enfant. Elle a un ©

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intérêt en prédiction du développement d’une allergie (la présence d’IgE spécifiques d’aliments dans l’enfance est associée à un plus grand risque d’allergie aux aéroallergènes plus tard) et pour l’évaluation du risque de persistance/guérison d’une allergie.

Les tests de nouvelle génération : les composants allergéniquesLes tests de nouvelle génération reposent sur la mesure d’IgE spécifiques de composants allergéniques particuliers, obtenus par génie génétique.Les IgE spécifiques s’interprètent en fonction de la protéine reconnue et/ou de la famille molécu-

laire à laquelle appartient la protéine, permettant de distinguer une véritable allergie (par exemple, Bet v1 : bouleau) d’une réactivité croisée (par exemple, Ara h8, PR-10 : profiline) et allant même jusqu’à prédire le degré de sévérité des symptô-mes (par exemple, Tri a19, oméga 5 gliadine).Au final, elles permettent de mieux cibler les allergènes en cause pour optimiser le traitement par désensibilisation. Les perspectives sont l’utilisation de biopuces sur lesquelles pourront être fixées au moins 150 protéines permettant la quantification d’autant d’IgE spécifiques à partir d’un très faible volume de sérum. Ainsi pourra être établi un profil complet de sensibilisation du patient.

ConclusionGrâce aux dernières avancées en biologie de l’al-lergie, les dosages d’IgE spécifiques se sont faits une place à toutes les étapes de la prise en charge de l’enfant allergique. Ils ont fait la preuve de leur intérêt pour optimiser le traitement et prévenir l’évolution naturelle de l’allergie. |

CAROLE ÉMILE

Biologiste, CH de Montfermeil (93)

[email protected]

SourceCommunication de Colette Mavier lors des Journées internationales de biologie, novembre 2008, Paris.