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L’ hémoglobine (Hb) est une protéine tétra- mérique, constituée de deux chaînes alpha (α) et deux chaînes non alpha (bêta β ; delta δ ; gamma γ), les quatre protomères étant identiques deux à deux. Ainsi, chez l’adulte, les hémoglobines physiologiques sont constituées de 2 chaînes α associées à 2 chaînes β pour l’HbA ( α2β2), à 2 chaînes δ pour l’HbA 2 ( α2δ2) et à 2 chaî- nes γ pour l’HbF ( α2γ2). La fonction principale de l’Hb, le transport de l’oxygène, dépend des caractéristiques physico- chimiques de l’Hb (solubilité, stabilité, affinité pour l’oxygène). Toutefois, celles-ci peuvent être modifiées suite à des altérations génétiques pouvant concerner les différents gènes de globine. Les gènes concernés par ces altérations sont les gènes α, au nombre de deux ( α1 et α2) sur chaque chromosome 16 et les gènes β, δ, Gγ et Aγ sur les chromosomes 11. – L’HbF ( α 2 γ 2 ) représente environ 80 % de l’Hb totale du nouveau-né. Son taux diminue à 2 % un an après la naissance. Chez l’adulte, son taux varie de 0,5 à 1 %. – L’HbA ( α 2 β 2 ) représente environ 20 % de l’hémo- globine chez le nouveau-né, 50 % après 3 mois et 98 % après un an. – L’HbA 2 ( α 2 δ 2 ) est détectable 3 mois après la nais- sance. Elle représente alors 0,3 à 0,7 % de l’hémoglo- bine du nouveau-né et 2,0 à 3,0 % chez l’adulte. Les hémoglobinopathies Les hémoglobinopathies sont : – soit des anomalies qualitatives de l’Hb ou hémo- globinoses, lorsqu’il y a production d’une chaîne de globine anormale. Les plus fréquentes sont l’HbS, l’HbC et l’HbE ; – soit des anomalies quantitatives (thalassémies) lorsqu’il y a un déficit partiel ou complet de la production de β-globine (β-thalassémies) ou d’α-globine (α-thalassémies), sans altération de la protéine. Ces différentes anomalies peuvent être associées. Les principales hémoglobinopathies est la plus fréquente des hémoglobinopathies, notamment en Afrique sub- saharienne. Elle est due à une mutation ponctuelle sur le 6 e codon du gène β entraînant la synthèse d’une hémoglobine anormale où un acide gluta- mique est remplacé par une valine. Lorsque la mutation n’intéresse qu’un seul gène β (drépanocytose hétérozygote A/S), les hématies contiennent environ 40 % d’HbS anormale et au moins 50 % (jusqu’à 60 %) d’HbA normale, visuali- sées sur l’électrophorèse d’Hb (l’HbA 2 et l’HbF res- tent normales). Cette anomalie est généralement découverte à l’occasion d’une enquête familiale ou de l’exploration d’une anémie. Mais lorsque la muta- tion est homozygote (S/S), les hématies contiennent alors essentiellement de l’HbS ; la concentration en hémoglobine se situe entre 6 et 10 g/dL. L’HbC provient du remplacement d’un acide gluta- mique par une lysine en position 6 sur la chaîne β. Elle est très répandue au niveau du golfe du Bénin (centrée sur le Ghana) et aux Antilles françaises (environ 3 %). C’est le deuxième mutant le plus fréquent après l’HbS. Les sujets homozygotes ont des manifestations bénignes, apparaissant à l’âge adulte (spléno- mégalie, crises douloureuses abdominales et articulaires). La numération-formule sanguine (NFS) montre une discrète anémie hémolytique (9 à 12 g/dL), une discrète microcytose (75 à 85 fl – femto-litre = 10 -15 l) et une proportion importante d’hématies-cibles sur lame. La forme hétérozygote est cliniquement asymptomatique. Le diagnostic repose sur la mise en évidence d’HbC à l’électro- phorèse de l’Hb (30 à 45 %). Au plan clinique, cette anomalie relativement fréquente ressemble à la drépanocytose homo- zygote mais est de sévérité moindre. L’anémie hémolytique est plus modérée, avec une microcy- tose et une forte proportion d’hématies-cibles. L’électrophorèse d’Hb montre une proportion égale d’HbS et d’HbC (45 à 50 %), une légère augmenta- tion de l’HbF (5 %) et une absence totale d’HbA. Essentiellement observée en Asie du Sud-Est, elle résulte du remplacement d’un acide gluta- mique par une lysine en position 26 sur la chaîne bêta. Elle ne s’exprime cliniquement qu’à l’état homozygote par une discrète anémie hémolyti- que microcytaire et légèrement hypochrome. Le diagnostic repose sur la mise en évidence d’HbE et souvent un pourcentage élevé en HbF (10 à 15 %) sur l’électrophorèse. L’hétérozygotie A/E est asymptomatique. Les thalassémies (voir encadré), ces anomalies quantitatives de synthèse d’une chaîne de glo- bine alpha ou bêta, par mutation ou délétion, ont des conséquences en rapport avec le nombre de gènes atteints. Le défaut de production d’Hb normale entraîne une anémie, microcytaire et hypochrome. Le sujet hérite d’un trait thalassémique de l’un de ses parents et d’une anomalie responsable d’une hémoglobinose de l’autre. – L’association hémoglobinose S et α-thalassé- mie est fréquente ; les sujets ont moins de 35 % d’HbS et, souvent, une pseudo-polyglobulie, microcytaire, hypochrome. – L’association hétérozygotie S/β-thalassémie, assez fréquente, s’exprime selon deux modes : l’un plus sévère (S/β°), où l’HbA est absente ; l’autre, plus bénin (S/β + ), où le taux d’HbA peut atteindre 25 %. Diagnostic des hémoglobinopathies Circonstances Le plus souvent, une électrophorèse de l’Hb est demandée : – devant des signes cliniques (crises vaso-occlusi- ves...) ou biologiques (certaines anomalies de l’hémo- gramme : anémie, microcytose) évocateurs ; – au cours de la grossesse : un dépistage maternel est pratiqué chez les femmes originaires de pays à risque (Afrique du Nord, Afrique noire, Extrême- Orient, pourtour méditerranéen, Antilles...). Après enquête familiale complète et détermination du phénotype, voire du génotype de l’hémoglobino- pathie, un diagnostic anténatal peut être proposé pour les formes majeures ; Place de l’électrophorèse capillaire dans le diagnostic et le suivi des hémoglobinopathies Anomalies qualitatives ou quantitatives de l’hémoglobine (Hb), les hémoglobinopathies quelles qu’elles soient sont correctement détectées par électrophorèse capillaire. Cette technique permet aussi un suivi des patients. hématologie | pratique 17 OptionBio | Mardi 6 avril 2010 | n° 434

Place de l’électrophorèse capillaire dans le diagnostic et le suivi des hémoglobinopathies

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Page 1: Place de l’électrophorèse capillaire dans le diagnostic et le suivi des hémoglobinopathies

L’hémoglobine (Hb) est une protéine tétra-mérique, constituée de deux chaînes alpha (α) et deux chaînes non alpha (bêta

β ; delta δ ; gamma γ), les quatre protomères étant identiques deux à deux. Ainsi, chez l’adulte, les hémoglobines physiologiques sont constituées de 2 chaînes α associées à 2 chaînes β pour l’HbA (α2β2), à 2 chaînes δ pour l’HbA2 (α2δ2) et à 2 chaî-nes γ pour l’HbF (α2γ2).

La fonction principale de l’Hb, le transport de l’oxygène, dépend des caractéristiques physico-chimiques de l’Hb (solubilité, stabilité, affinité pour l’oxygène). Toutefois, celles-ci peuvent être modifiées suite à des altérations génétiques pouvant concerner les différents gènes de globine. Les gènes concernés par ces altérations sont les gènes α, au nombre de deux (α1 et α2) sur chaque chromosome 16 et les gènes β, δ, Gγ et Aγ sur les chromosomes 11.

– L’HbF (α2γ2) représente environ 80 % de l’Hb totale du nouveau-né. Son taux diminue à 2 % un an après la naissance. Chez l’adulte, son taux varie de 0,5 à 1 %.– L’HbA (α2β2) représente environ 20 % de l’hémo-globine chez le nouveau-né, 50 % après 3 mois et 98 % après un an.– L’HbA2 (α2δ2) est détectable 3 mois après la nais-sance. Elle représente alors 0,3 à 0,7 % de l’hémoglo-bine du nouveau-né et 2,0 à 3,0 % chez l’adulte.

Les hémoglobinopathiesLes hémoglobinopathies sont :– soit des anomalies qualitatives de l’Hb ou hémo-globinoses, lorsqu’il y a production d’une chaîne de globine anormale. Les plus fréquentes sont l’HbS, l’HbC et l’HbE ;– soit des anomalies quantitatives (thalassémies) lorsqu’il y a un déficit partiel ou complet de la production de β-globine (β-thalassémies) ou d’α-globine (α-thalassémies), sans altération de la protéine.Ces différentes anomalies peuvent être associées.

Les principales hémoglobinopathies est la plus fréquente des

hémoglobinopathies, notamment en Afrique sub-

saharienne. Elle est due à une mutation ponctuelle sur le 6e codon du gène β entraînant la synthèse d’une hémoglobine anormale où un acide gluta-mique est remplacé par une valine.Lorsque la mutation n’intéresse qu’un seul gène β (drépanocytose hétérozygote A/S), les hématies contiennent environ 40 % d’HbS anormale et au moins 50 % (jusqu’à 60 %) d’HbA normale, visuali-sées sur l’électrophorèse d’Hb (l’HbA2 et l’HbF res-tent normales). Cette anomalie est généralement découverte à l’occasion d’une enquête familiale ou de l’exploration d’une anémie. Mais lorsque la muta-tion est homozygote (S/S), les hématies contiennent alors essentiellement de l’HbS ; la concentration en hémoglobine se situe entre 6 et 10 g/dL.

L’HbC provient du remplacement d’un acide gluta-mique par une lysine en position 6 sur la chaîne β. Elle est très répandue au niveau du golfe du Bénin (centrée sur le Ghana) et aux Antilles françaises (environ 3 %). C’est le deuxième mutant le plus fréquent après l’HbS.Les sujets homozygotes ont des manifestations bénignes, apparaissant à l’âge adulte (spléno-mégalie, crises douloureuses abdominales et articulaires). La numération-formule sanguine (NFS) montre une discrète anémie hémolytique (9 à 12 g/dL), une discrète microcytose (75 à 85 fl – femto-litre = 10-15 l) et une proportion importante d’hématies-cibles sur lame. La forme hétérozygote est cliniquement asymptomatique. Le diagnostic repose sur la mise en évidence d’HbC à l’électro-phorèse de l’Hb (30 à 45 %).

Au plan clinique, cette anomalie relativement fréquente ressemble à la drépanocytose homo-zygote mais est de sévérité moindre. L’anémie hémolytique est plus modérée, avec une microcy-tose et une forte proportion d’hématies-cibles. L’électrophorèse d’Hb montre une proportion égale d’HbS et d’HbC (45 à 50 %), une légère augmenta-tion de l’HbF (5 %) et une absence totale d’HbA.

Essentiellement observée en Asie du Sud-Est, elle résulte du remplacement d’un acide gluta-

mique par une lysine en position 26 sur la chaîne bêta. Elle ne s’exprime cliniquement qu’à l’état homozygote par une discrète anémie hémolyti-que microcytaire et légèrement hypochrome. Le diagnostic repose sur la mise en évidence d’HbE et souvent un pourcentage élevé en HbF (10 à 15 %) sur l’électrophorèse.L’hétérozygotie A/E est asymptomatique.

Les thalassémies (voir encadré), ces anomalies quantitatives de synthèse d’une chaîne de glo-bine alpha ou bêta, par mutation ou délétion, ont des conséquences en rapport avec le nombre de gènes atteints. Le défaut de production d’Hb normale entraîne une anémie, microcytaire et hypochrome.

Le sujet hérite d’un trait thalassémique de l’un de ses parents et d’une anomalie responsable d’une hémoglobinose de l’autre.– L’association hémoglobinose S et α-thalassé-mie est fréquente ; les sujets ont moins de 35 % d’HbS et, souvent, une pseudo-polyglobulie, microcytaire, hypochrome.– L’association hétérozygotie S/β-thalassémie, assez fréquente, s’exprime selon deux modes : l’un plus sévère (S/β°), où l’HbA est absente ; l’autre, plus bénin (S/β+), où le taux d’HbA peut atteindre 25 %.

Diagnostic des hémoglobinopathiesCirconstancesLe plus souvent, une électrophorèse de l’Hb est demandée :– devant des signes cliniques (crises vaso-occlusi-ves...) ou biologiques (certaines anomalies de l’hémo-gramme : anémie, microcytose) évocateurs ;– au cours de la grossesse : un dépistage maternel est pratiqué chez les femmes originaires de pays à risque (Afrique du Nord, Afrique noire, Extrême-Orient, pourtour méditerranéen, Antilles...). Après enquête familiale complète et détermination du phénotype, voire du génotype de l’hémoglobino-pathie, un diagnostic anténatal peut être proposé pour les formes majeures ;

Place de l’électrophorèse capillaire dans le diagnostic et le suivi des hémoglobinopathies

Anomalies qualitatives ou quantitatives de l’hémoglobine (Hb), les hémoglobinopathies quelles qu’elles soient sont correctement détectées par électrophorèse capillaire. Cette technique permet aussi un suivi des patients.

hématologie | pratique

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– chez tous les nouveau-nés à risque : un dépis-tage néonatal systématique de la drépanocytose est réalisé.Les éléments nécessaires à l’interprétation d’une analyse de l’hémoglobine sont des renseigne-ments cliniques (âge, origine géographique, anté-cédents familiaux, antécédents de transfusion), une numération sanguine avec réticulocytes et analyse de la morphologie des hématies, un bilan martial et d’hémolyse.

L’électrophorèse de l’hémoglobineL’électrophorèse de l’hémoglobine s’effectue sur un prélèvement de sang réalisé sur tube EDTA (tube à bouchon violet) ou héparine.La nomenclature précise (réf 1120) que la “recher-che d’une anomalie de l’hémoglobine” doit être effectuée « par au moins une technique d’élec-trophorèse et deux autres tests adaptés selon les besoins ».

Il s’agit d’une technique de séparation électrociné-tique effectuée dans un tube de diamètre interne inférieur à 100 μm, rempli d’un tampon composé

d’électrolytes. Elle s’est développée car elle offre l’avantage d’une automatisation complète de l’analyse, de séparations rapides et d’une bonne résolution.Le système Capillarys® (Sebia) utilise le prin-cipe de l’électrophorèse capillaire en solution libre, qui représente la forme la plus courante de l’électrophorèse capillaire. Il permet la sépa-ration de molécules chargées en fonction de leur mobilité électrophorétique propre, dans un tampon de pH donné, et, selon le pH de l’électro-lyte, d’un flux électro-osmotique plus ou moins important.Sur ce système, sept analyses peuvent être réa-lisées simultanément sur sang frais : injection dans les capillaires de l’échantillon dilué dans la solution hémolysante, séparation par application d’une différence de potentiel de plusieurs milliers de volts aux bornes de chaque capillaire, détec-tion directe des hémoglobines à 415 nm.Dès la fin de l’analyse, la quantification relative des fractions est automatiquement effectuée et les profils peuvent être interprétés visuellement pour détecter les anomalies.

Cette technique est parfaitement adaptée à la quantification des HbF, A2, Bart et H. Elle donne une très bonne individualisation des HbS et D, ainsi que des HbE, A2 et C.

Cette technique, complémentaire de la précé-dente, est utilisée pour confirmer l’identification de variants de l’hémoglobine de migration anor-male lors de l’électrophorèse en tampon alcalin. Il est ainsi possible de différencier l’HbC de l’HbE et l’Hb O’Arab, et l’HbS de l’HbD.

Test d’ItanoLe test d’Itano permet de caractériser rapide-ment in vitro l’HbS. Cette hémoglobine à l’état réduit, désoxygénée, précipite par action d’un agent réducteur en solution saline concentrée. Ce traitement entraîne aussi la précipitation possible d’Hb anormales plus rares, telles que HbC Harlem, HbH, Hb Bart, HbC Zinguinchor, HbS Travis.

Les thalassémiesLes thalassémiesé

Les alpha-thalassémies sont

fréquentes en Afrique et en Asie

du Sud-Est (Thaïlande, Birmanie,

Cambodge, Chine du Sud,

Malaisie), mais se rencontrent

aussi en Italie, en Grèce, en

Sardaigne et dans la population

noire américaine.

Selon l’étendue de la délétion

et le nombre de gènes délétés,

quatre phénotypes, de sévérité

variable, sont distingués.

– L’α-thalassémie homozygote

(- - /- -) : aucun gène n’est

fonctionnel (ni HbA, ni HbF ne

sont produites). Cette forme est

responsable d’une perte fœtale

dans un tableau d’anasarque

fœto-placentaire.

– L’hémoglobinose H (-α/- -) : un

gène sur quatre est fonctionnel.

À la naissance, l’anomalie est

asymptomatique en dehors de

la présence d’un taux élevé (25

à 30 %) d’Hb Bart (γ4), qui sera

progressivement remplacée par

de l’HbH (β4). Puis se développe

une anémie hémolytique

chronique hypochrome,

microcytaire, avec splénomégalie,

ictère et parfois lithiase biliaire

pigmentaire.

– L’α-thalassémie mineure, pour

laquelle deux gènes α sur quatre

sont fonctionnels, peut être de

génotype (-α/-α) ou (- -/αα) selon

la localisation chromosomique

de l’altération génétique. Elle est

cliniquement asymptomatique.

À la naissance, le taux

d’Hb Bart (γ4) est compris entre

5 et 10 % ; il se normalise dans

les premiers mois et ne persiste

qu’une pseudo-polyglobulie avec

hypochromie et microcytose,

voire une anémie modérée, avec

parfois une légère diminution

d’HbA2.

– L’α-thalassémie silencieuse

(α/-α) : trois gènes sur quatre

sont fonctionnels. Elle est

cliniquement et biologiquement

asymptomatique (ou s’exprime

seulement par une discrète

microcytose). À la naissance,

peuvent être observés 1 à 2 %

d’Hb Bart, avec normalisation

secondaire.

Les β-thalassémies sont

caractérisées par une diminution

de l’expression de la chaîne β

par le gène muté, totale β°-thal)

ou partielle (β+-thal), non ou

incomplètement compensée

par la synthèse de la chaîne

homologue γ.

Plusieurs formes sont

distinguées.

– La β-thalassémie majeure ou

anémie de Cooley (génotype

β°/β°) avec absence totale

de chaînes β. Dès l’enfance,

est constatée une anémie

hémolytique très sévère

associée à des anomalies

morphologiques. Par la suite,

elle se manifeste par une anémie

hypochrome microcytaire avec

anisopoïkylocytose.

L’électrophorèse de l’Hb montre

habituellement un pourcentage

d’HbF allant de 60 à 98 %

selon la synthèse résiduelle de

la chaîne β. Le taux d’HbA2 est

variable.

– Les β-thalassémies

intermédiaires (génotype β°/β+

ou β+/β+) entraînent une anémie

dont le taux d’Hb se maintient

entre 6 et 9 g/dL.

– Les β-thalassémies mineures

(génotype β°/β) entraînent une

pseudo-polyglobulie associée

à une discrète anémie,

microcytaire, hypochrome.

Le pourcentage d’HbA2 sur

l’électrophorèse de l’Hb est

supérieur à 3,5.

– Les β-thalassémies

silencieuses (génotype β+/β) sont

asymptomatiques, même au plan

hématologique.

pratique | hématologie

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Diagnostic et suivi de patients : quelques exemplesProfil normal

Contexte cliniqueUne femme rwandaise dans le cadre d’une asthé-nie, de dyspnée d’effort et de ménorragies (10-30 j/mois) présente un fibrome sous-muqueux de 5 cm de diamètre.

Bilan biologique initialHématologie :– leucocytes 4,22 G/L (4-10) ;– hématies 3,57 T/L (4,1-5,1) ;– hémoglobine 4,5 g/dL (12-16) ;– hématocrite 17,5 % (36-46) ;– VGM 49 fl (80-98).Biochimie :– fer 2 μmol/L (13-25) ;– transferrine 3,49 g/L (1,8-2,8) ;– saturation 2 % ;– ferritine 3 μg/L (20-150) ;– bilirubine totale 11 μmol/L (<17) ;– LDH 4,82 μKat/L (1,65-5,8) ;– vitamine B12 433 pg/mL (200-980) ;– folates 4,6 ng/mL (3-10).

– Anémie microcytaire sévère (transfusion de 3 CG) ;– absence d’anomalie de l’hémoglobine ;– carence martiale profonde ;– renouveler l’analyse de l’hémoglobine si per-sistance d’une microcytose après normalisation du bilan martial ;– traitement par Tardyféron® (normalisation de la numération à 1 an).

Profils pathologiquesCas 1 : drépanocytose homozygote

Un petit garçon camerounais de 10 mois, drépano-cytaire homozygote (père et mère drépanocytaires hétérozygotes AS), est hospitalisé en réanimation pédiatrique pour syndrome thoracique aigu. Les jours précédents, il présentait : altération de l’état général, asthénie, vomissements et diarrhées ; il

est compliant au traitement (Oracilline® 125 000 2 x j, Fumafer®, Spéciafoldine®).

Bilan biologique initialHématologie :– leucocytes 14,81 G/L (4-10) ;– hématies 3,29 T/L (3,7-5,2) ;– hémoglobine 8,1 g/dL (10,5-13,5) ;– hématocrite 23,6 % (33-40) ;– VGM 71,7 fl (70-90).Biochimie :– fer 12 μmol/L (13-25) ;– transferrine 3,12 g/L (2,1-3,5) ;– ferritine 215 μg/L (15-80) ;– test d’Itano positif.

Interprétation, conséquences– Syndrome thoracique aigu dans le cadre d’une drépanocytose homozygote ;– profil électrophorétique de drépanocytose homozygote ;– traitement par oxygénothérapie, hyperhydrata-tion et antalgique, bi-antibiothérapie pour pneu-mopathie éventuelle ;– pas d’exanguino-transfusion ;– sort après 24 heures d’hospitalisation.

Cas 2 : drépanocytose homozygote

Une jeune femme de 19 ans est suivie depuis sa naissance pour syndrome drépanocytaire. Elle est compliante au traitement (Oracilline® 1 MU 2 x j, Spéciafoldine® 1 cp/j, Hydréa® 3 cp/j instauré depuis 18 mois après plusieurs phénomènes vaso-occlusifs).

Hématologie :– leucocytes 5,32 G/L (4-10) ;– hématies 2,65 T/L (4,1-5,1) ;– hémoglobine 11,2 g/dL (12-16) ;– hématocrite 30,7 % (36-46) ;– VGM 115,8 fl (80-98).Biochimie :– ferritine 59 μg/L (20-150) ;– test d’Itano positif.

– Macrocytose témoignant de la compliance à l’Hydréa® ;– profil de drépanocytose homozygote SS chez une patiente traitée par Hydrea® (hydroxyurée).NB : le traitement par Hydréa® permet d’augmen-ter l’expression de l’HbF et de diminuer l’adhésion des hématies à l’endothélium.

Cas 3 : hémoglobinose hétérozygote AC

Une Togolaise de 61 ans, diabétique, présente une anomalie (fraction supplémentaire) détectée lors d’un dosage de l’HbA1c (HPLC Tosoh).

Hématologie :– leucocytes 4,20 G/L (4-10) ;– hématies 4,10 T/L (4,1-5,1) ;– hémoglobine 11,6 g/dL (12-16) ;– hématocrite 34,8 % (36-46) ;– VGM 85 fl (80-98).Biochimie : test d’Itano négatif.

– Légère anémie normocytaire ;– profil électrophorétique d’une hémoglobinosehétérozygote AC ;– suivi de son diabète par dosage des fructosamines.Cette femme est totalement asymptomatique. La seule conséquence pour elle sera le suivi de son diabète par les fructosamines.

hématologie | pratique

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Cas 4 : bêtathalassémie hétérozygote

Une femme tunisienne de 67 ans nécessite une exploration complémentaire d’une anémie microcytaire.

Hématologie :– leucocytes 7,4 G/L (4-10) ;– hématies 4,49 T/L (4,1-5,1) ;– hémoglobine 9,1 g/dL (12-16) ;– hématocrite 28 % (36-46) ;– VGM 62 fl (80-98).Biochimie : ferritine 59 μg/L (20-150).

– Anémie microcytaire ;– bilan martial normal ;– profil de bêtathalassémie hétérozygote ;– une enquête familiale est souhaitable chez ses enfants.

Cas 5 : hémoglobinose AC

Un bilan biologique complémentaire est réalisé chez un enfant de 9 ans d’origine laotienne.

Aucun antécédent familial n’est noté ; il présente un bon état général.

Hématologie :– leucocytes 5,62 G/L (4-10) ;– hématies 5,16 T/L (4,5-5,3) ;– hémoglobine 8 g/dL (11,5-15,5) ;– hématocrite 27,9 % (37-49) ;– VGM 54,1 fl (77-95).Les cellules cibles sont nombreuses.Biochimie : test d’Itano négatif.

– Anémie microcytaire (microcytose profonde) ;– profil électrophorétique de l’hémoglobine anor-mal, présence d’une fraction H (4 %) ;– étude moléculaire du locus globine.L’enfant est porteur hétérozygote composite d’une délétion du locus-globine de type -3,7 et d’une délétion de type SEA.

Cas 6 : drépanocytose + alphathalassémie

Une enquête familiale est menée suite à un dépistage néonatal positif de drépanocytose

dans la famille d’un homme congolais de 37 ans asymptomatique.

Hématologie :– leucocytes 7,81 G/L (4-10) ;– hématies 5,9 T/L (4,5-5,9) ;– hémoglobine 15,3 g/dL (13,5-17,5) ;– hématocrite 43,3 % (41-52) ;– VGM 73,4 fl (80-98).Biochimie :– ferritine 239 μg/L (30-300) ;– test d’Itano positif.

– Pseudo-polyglobulie microcytaire ;– profil de drépanocytose hétérozygote A/S ;– association probable à une alphathalassémie ;– analyse génétique des gènes alpha souhaitable après signature du consentement du patient. |

LUCILE JEANNE Biologiste, Angers (49)

SourceAtelier animé par D. Masson (laboratoire de biochimie, CHU de Nantes), lors de la Corata, Marne-la-Vallée (77), juin 2009.

pratique | hématologie

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