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S E M A I N E D U 1 8 A U 2 3 D É C E M B R E 2 0 0 8 politis.fr 3:HIKNOG=VUXUUZ:?l@a@n@b@a; M 03461 - 1031 - F: 3,00 E Politis N° 1031 CHAQUE JEUDI PCF La fin de l’unanimisme GAUCHE Une nouvelle fédération LA POSTE La privatisation pour seul horizon FAMILLE Qui va garder les enfants? GRÈCE Le cri d’une génération CINÉMA « Les Plages d’Agnès », d’Agnès Varda ESSAI « Le Vrai Canard» , de Karl Laske et Laurent Valdiguié ÉDUCATION L’école en danger HORVAT/AFP Politis CROISSANCE VERTE Le mirage économique

Politis Croissance Verte

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Page 1: Politis Croissance Verte

SS EE MM AA II NN EE DD UU 11 88 AA UU 22 33 DD ÉÉ CC EE MM BB RR EE 22 00 00 88

politis.fr

3:HIKNOG=VUXUUZ:?l@a@n@b@a;M 03461 - 1031 - F: 3,00 E

Politis N° 1031

CCHHAAQQUUEE JJEEUUDDII

PCFLa fin de l’unanimisme

GAUCHEUne nouvellefédération

LA POSTELa privatisation pour seul horizon

FAMILLEQui va garder les enfants?

GRÈCELe cri d’une génération

CINÉMA« Les Plagesd’Agnès», d’Agnès Varda

ESSAI« Le Vrai Canard» ,de Karl Laske etLaurent Valdiguié

ÉDUCATIONL’école en danger

HORVAT/AFP

Politis

CROISSANCE VERTE

Le mirageéconomique

Page 2: Politis Croissance Verte

Sommaire

2 / POLITIS / JEUDI 18 DÉCEMBRE 2008

DDOOSSSSIIEERRCCRROOIISSSSAANNCCEE VVEERRTTEE..

Le mirage économique.

Pages 4 et 5

EENNTTRREETTIIEENN avec Pascal

Canfin: «La croissance

verte ne peut être

un but.»

Page 5

Le nouvel Eldorado

capitaliste.

La saga du mensonge

vert. Page 6

ÉÉCCOOLLOOGGIIEESSÉÉDDIIFF.. Santini gagne

à bulletins secrets.

Page 7

PPOOLLIITTIIQQUUEEPPCCFF.. La fin

de l’unanimisme.

Page 8

GGAAUUCCHHEE.. Une nouvelle

fédération. Page 9

ÉÉCCOONNOOMMIIEE//SSOOCCIIAALLLLAA PPOOSSTTEE.. La privatisation

pour seul horizon.

Page 12

ÀÀ CCOONNTTRREE--CCOOUURRAANNTT..

«Une crise toujours plus

profonde», par Gérard

Duménil.

Page 13

EENNTTRREETTIIEENN avec Bernard

Lietaer: «Les monnaies

régionales peuvent réduire

le chômage».

Page 14

SSOOCCIIÉÉTTÉÉFFAAMMIILLLLEE.. Qui va garder

les enfants?

Pages 16 et 17

MMOONNDDEEGGRRÈÈCCEE.. Le cri

d’une génération.

Page 18

CCUULLTTUURREECCIINNÉÉMMAA.. « Les Plages

d’Agnès », d’Agnès Varda.

Page 20

TTHHÉÉÂÂTTRREE.. «Le Repas»,

de Valère Novarina,

et « No Way, Veronika »,

d’Armando Llamas.

Page 21

RROOCCKK.. « Snowflake

Midnight », de Mercury

Rev. Page 21

JJAAZZZZ.. Redécouvrir Andy

Emler. Page 22

DDAANNSSEE.. ««Danses noires,

blanche Amérique»,

exposition au CND. Page 22

MMÉÉDDIIAASSTTÉÉLLÉÉVVIISSIIOONN.. «Pierre

Desproges, je ne suis pas

n’importe qui»,

d’Yves Riou et Philippe

Pouchain.

Page 23

IIDDÉÉEESSEESSSSAAIISS.. « Le Vrai Canard »,

de Karl Laske et Laurent

Valdiguié. Page 24

«Mourir pour

l’Afghanistan», de Jean-

Dominique Merchet.

Page 25

RRÉÉSSIISSTTAANNCCEESSÉÉDDUUCCAATTIIOONN.. «L’école est

en danger.» Reportage.

Page 26

CCOOUURRRRIIEERRPages 28 et 29

BBLLOOCC--NNOOTTEESSPages 30 et 31

Couverture : François DurandGetty Images/Photomontage

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Page 3: Politis Croissance Verte

JEUDI 18 DÉCEMBRE 2008 / POLITIS / 3

La machine à consensus tourneà plein régime ces jours-cipour nous faire avaler laleçon : la présidence françaisede l’Union européenne a été

un succès. L’art de la métonymie étantce qu’il est, les lauriers vontévidemment à un seul homme. LaFrance, c’est lui. Point de sherpas, deconseillers, de ministres, NicolasSarkozy, comme d’habitude, éclipseson petit personnel. Le tout rehausséde quelques anecdotes qui alimententla gloriole nationale : il a, dit-on,rabroué les autres chefs d’État, privéde micro le président polonais, et s’estvanté d’avoir bouclé son sommet à13 heures pétantes, à la hussarde !Mais cela suffit-il à faire un « succès » ?Il n’est pas inintéressant de confronterce bilan à quelques critères quisemblent échapper à la plupart descommentateurs : l’intérêt des peuples,leur bien-être social, voire ladémocratie. Que dire, par exemple, del’accord entériné par l’Unioneuropéenne ouvrant la voie à unnouveau référendum en Irlande sur letraité de Lisbonne ? Les Irlandais, ons’en souvient, avaient rejeté le traitéeuropéen lors d’une premièreconsultation, en juin dernier. Eh bien,qu’à cela ne tienne ! Ils revoterontjusqu’à ce que leur vote vire au positif.C’est d’ailleurs la deuxième fois qu’onleur fait le coup. En 2002 déjà, ilsavaient été sommés de dire « oui » autraité de Nice rejeté un an plus tôt.Vendredi dernier, à Bruxelles, sous laférule de Nicolas Sarkozy, le Premierministre irlandais, Brian Cowen, s’estengagé à reconvoquer les électeurs auxurnes avant fin novembre 2009. Pourjustifier ce tour de passe-passe, l’Unioneuropéenne a fait à l’Irlande uneconcession de taille : elle a accordé àDublin le maintien d’un commissaireirlandais au sein de la commission deBruxelles…

Non sans cynisme, le ministreluxembourgeois des Affairesétrangères, Jean Asselborn, a donnéson explication : « Je comprends, a-t-ildit, que les Irlandais aient besoin dequelque chose de palpable qui leur permetde dire : “Nous nous sommes battus et nousavons obtenu le commissaire.” »Onimagine aisément que ce pays qui estentré le premier dans la récession, dèsle mois de septembre, n’ait aujourd’huiqu’une obsession : son commissaire.On ne doute pas que ce peuple, frappéde plein fouet par la crise, et dont legouvernement vient d’allouer desmilliards aux banques en guise de« plan de relance », ait pour principale

revendication le siège d’un de sestechnocrates dans l’instancebruxelloise. Voilà donc ce qu’il estconvenu d’appeler un « succès » de laprésidence française et qui s’apparentebien davantage à une arnaqueconcoctée dans le dos des peuples.Encore les Irlandais auront-ils unechance que les Français n’ont pas eue :ils pourront revoter.Mais, pour rejoindre laplupart de nos confrères,osons cette conclusion :s’il s’agit de juger de laqualité de l’arnaque,c’est en effet unindéniable succès.

Mais revenons à notre bilande la présidencefrançaise. Le sommet deBruxelles a été marqué,quoique plusdiscrètement, parquelques déclarations defranche allégeance àl’Otan qui en disent longsur la nature de cetteUnion européenne.Selon une dialectiquetrès au point, NicolasSarkozy a vanté « unepolitique [européenne] dedéfense indépendante »tout en « coopérant avecl’Otan ». Mais, entre unedéfense européenne quin’existe pas et l’Otan quiexiste bel et bien, l’équilibre de laformule vacille. D’autant plus que leprésident français a profité de lacirconstance pour confirmer à mots àpeine couverts le retour de la Francedans le commandement intégré del’Otan en avril prochain. Son« arbitrage » cet été dans le conflitgeorgien était d’ailleurs fortementmarqué de l’empreinte américaine. On

a voulu voir un « succès » là où leprésident a dû finalement se résigner àentériner le rapport de forces sur leterrain. À propos du troisième point – et nonle moindre –, la crise économique, ilfaudrait une bonne dose de mauvaisefoi pour prétendre que l’Europe a agiunie. Les plans dits de relance sont

restés d’initiative nationale.Les uns orientés sur l’offre,et les autres sur lademande. L’apparentretour au volontarismepolitique, et àl’intervention de l’État, n’aservi, en Europe commeaux États-Unis, qu’àsauver le capitalisme et àrelancer la machinelibérale. C’est un « succès »si l’on veut pour lesbanques qui ont échappé àla faillite. Pas pour lespeuples.

Enfin, il y a le «plan climat».Nicolas Sarkozy, là aussi,est parvenu à un accordavec ses partenaires lesplus réticents :l’Allemagne, l’Italie et laPologne. Mais chaque foisau prix de concessions quirelativisent ce qu’on aqualifié un peu vite de« succès ». Plutôt qued’aider massivement les

pays de l’Est à se moderniser, on apréféré en rabattre sur les ambitionsécologistes. Vous avez dit « succès » ?Qu’importe ! Une habile campagne decommunication aura au moins servi àmasquer les échecs de la politiqueintérieure. Et à atténuer les effets d’unpremier recul sur la réforme des lycées.Mais, la présidence française del’Union européenne, c’est fini.

PAR DENIS SIEFFERTPPoolliittiiss,, 22,, iimmppaassssee DDeellaauunnaayy 7755001111 PPaarriissTTééll.. :: 0011 5555 2255 8866 8866 FFaaxx :: 0011 4433 4488 0044 0000wwwwww..ppoolliittiiss..ffrrrreeddaaccttiioonn@@ppoolliittiiss..ffrrFFoonnddaatteeuurr ::Bernard Langlois.

PPoolliittiiss eesstt ééddiittéé ppaarr PPoolliittiiss,, ssoocciiééttéé ppaarr aaccttiioonnss ssiimmpplliiffiiééee aauu ccaappiittaall ddee 994411 000000 eeuurrooss..AAccttiioonnnnaaiirreess ::Association Pour Politis,Christophe Kantcheff, Denis Sieffert, Pascal Boniface,Laurent Chemla, Jean-Louis Gueydon de Dives,Valentin Lacambre.PPrrééssiiddeenntt,, ddiirreecctteeuurrddee llaa ppuubblliiccaattiioonn ::Denis Sieffert.CCoonnsseeiill ddee ddiirreeccttiioonn ::Pascal Boniface, Laurent Chemla, Jean-Louis Gueydon de Dives, ChristopheKantcheff, Valentin Lacambre, Patrick Piro(président de l’association Pour Politis) etDenis Sieffert.

DDiirreecctteeuurr ddee llaa rrééddaaccttiioonn ::Denis Sieffert.RRééddaaccttiioonn eenn cchheeff ::Thierry Brun (87).Christophe Kantcheff (85).Michel Soudais (89).PPoolliittiiqquuee ::Michel Soudais (89), Patrick Piro(Verts) (75).ÉÉccoollooggiiee,, NNoorrdd--SSuudd ::Patrick Piro (75), Claude-Marie Vadrot.ÉÉccoonnoommiiee,, ssoocciiaall ::Thierry Brun (87).MMoonnddee ::Denis Sieffert.SSoocciiééttéé ::Ingrid Merckx (70), Olivier Doubre (91).CCuullttuurree ::Christophe Kantcheff (85), Ingrid Merckx (70), Gilles Costaz (théâtre), Marion Dumand (BD), Jean-Pierre Jeancolas (cinéma),Denis-Constant Martin (musiques), Jean-Claude Renard (photo), Jacques Vincent (rock).IIddééeess ::Olivier Doubre (91).MMééddiiaass ::Jean-Claude Renard.RRééssiissttaanncceess ::Xavier Frison (88), Christine Tréguier.RReessppoonnssaabbllee ééddiittoorriiaall wweebb ::Xavier Frison (88).AArrcchhiitteeccttuurree tteecchhnniiqquuee wweebb ::Grégory Fabre (Terra Economica) et Yanic Gornet.PPrreemmiieerr rrééddaacctteeuurr ggrraapphhiissttee ppaappiieerr eett wweebb ::Michel Ribay (82).RRééddaaccttrriiccee ggrraapphhiissttee ::Claire Le Scanff-Stora (84).RRééddaaccttrriiccee ccoorrrreeccttrriiccee ::Pascale Bonnardel (83).SSeeccrrééttaarriiaatt ddee rrééddaaccttiioonn ::Marie-Édith Alouf (73), Ingrid Merckx (70).

AAddmmiinniissttrraattiioonn--ccoommppttaabbiilliittéé ::Isabelle Péresse (76).

SSeeccrrééttaarriiaatt ::Brigitte Hautin (86).

PPuubblliicciittéé--pprroommoottiioonn ::Marion Biti (90)[email protected]

IImmpprreessssiioonn ::Rivet Presse ÉditionBP 1977, 87022 Limoges Cedex 9

DDIIPP,, SSeerrvviiccee aabboonnnneemmeenntt PPoolliittiiss,18-24, quai de la Marne, 75164 Paris Cedex 19Tél. : 0144848059.Fax : [email protected]. 1 an France : 147 eurosDDiiffffuussiioonn.. NMPP. Inspection des ventes et réassort : K.D. Éric Namont : 01 42 46 02 20Numéro de commission paritaire : 0112C88695, ISSN : 1290-5550

Politis

Vous avez dit «succès» ?

FEFERBERG/AFP

ÉÉDDIITTOORRIIAALL

Il n’est pasinintéressantde confronterce bilan àquelquescritères quisemblentéchapper à laplupart descommentateurs :l’intérêt despeuples, leurbien-êtresocial, voirela démocratie.

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D o s s i e r

«

L

4 / POLITIS / JEUDI 18 DÉCEMBRE 2008

Le mirage

économiqueMiser sur les industries propres pour résoudre les crises écologiques et

économiques : les illusions de la « croissance verte » ont volé en éclats

avec la récession, comme l’a montré le sommet de Poznan sur le climat.

’Union européenne est en route pour un “NewDeal vert”, fermement sur la voie d’une écono-mie durable à faible intensité carbone », a saluéStavros Dimas, commissaire européenchargé de l’Environnement, vendredi der-nier à Poznan (Pologne), alors que s’achevaitle sommet annuel des Nations unies sur leclimat (voir encadré). Un optimisme toutdiplomatique.Versant clair : l’Union s’engage à porter à20 % la part des renouvelables dans saconsommation d’énergie d’ici à 2020. Leconsensus a été acquis sans heurts : der-rière l’objectif, se profilent des taux de crois-sance à deux chiffres et des dizaines demilliers d’emplois, comme en Allemagneou en Espagne, qui connaissent une for-midable pénétration des énergies éolienneet solaire. C’est la fameuse « croissanceverte », aubaine sur laquelle misent désor-mais la plupart des gouvernements du Nordpour tirer leurs économies de l’ornière.Versant sombre : l’Union, qui s’affiche àla pointe du combat contre le dérèglementclimatique, a aussi accordé d’indécentesconcessions à ses industries très polluantes,incapable d’endiguer les égoïsmes natio-naux. « Une honte », affirment les Amis dela terre, Greenpeace, Réseau action cli-mat et le WWF dans un communiquécommun.

Toutes les études montrent qu’en l’absenced’un effort radical et prioritaire pour dimi-nuer les consommations d’énergie, mêmele plus volontariste des programmes enfaveur des renouvelables ne remplira qu’unepetite part du défi : d’ici à 2050, diviser pardeux les émissions de gaz à effet de serremondiales, et même par quatre dans lespays du Nord.Oui mais voilà, réduire les consomma-tions, ça ne fait pas miroiter de la « crois-sance verte » ! Depuis des mois, le minis-tre de l’Écologie, Jean-Louis Borloo, nejure que par elle ; une « révolution » pariantsur l’innovation technologique, qui ren-drait compatibles les défis écologiquesavec la prospérité économique retrouvée.Il attend 500 000 emplois du Grenelle de

l’environnement, qualifie de « nouveauconcept de keynésianisme vert » le saupou-drage des interventions de l’État – du timidebonus-malus auto au développement desénergies renouvelables. Quant à la récession,elle mettra « la croissance verte au cœur duredémarrage économique (1) ».

À peine énoncée, la prophétie s’est dissoute avecle plan de relance de Nicolas Sarkozy, uneinjection de 26milliards d’euros qui méprisetrès largement les engagements écologiquesdu gouvernement (voir p. 6), comme c’estle cas de la plupart des gigantesques opé-rations de sauvetage lancées dans le monde.« Maintenant que nous devons nous serrer laceinture, il faut supprimer le luxe environne-mental », expliquait à Poznan le présidenttchèque Vaclav Klaus pour justifier la défensede l’industrie charbonnière. Des proposcaricaturaux, tenus par un anti-écologistenotoire, mais qui traduisent finalementassez bien les priorités de gouvernementssubmergés par l’urgence.Et puis ce néo-keynésianisme vert reposesur des financements très volontaristes.Par exemple, le développement des éner-gies renouvelables dépend essentiellementde capitaux privés. Depuis que la récessiona repoussé le baril de pétrole au-dessousde 70 dollars, certains programmes éoliens,qui pâtissent déjà d’une moindre renta-bilité, marquent le pas. Un autre type depari sous-tend le financement de l’isolationthermique des bâtiments, chantier priori-taire : il tiendrait sur des prêts bancairesque rembourseraient les futures écono-mies d’énergies de chauffage, mais quidépendent de spéculations sur le prix del’énergie.Le cas de l’automobile est l’un des fauxnez les plus voyants de cette croissanceverte fétichisée, qui renvoie la résolutionde la crise climatique au rang de sous-pro-duit. Première intervention gouvernementalemarquante : le bonus-malus automobile,qui a « déplacé » en quelques mois 43% desventes de voitures neuves vers des modèlesmoins émetteurs de CO2. Mais, bien vite,le ministre du Budget, Éric Woerth, s’est ému

du coût de la mesure pour l’État– 200 millions d’euros.Critique des écologistes également : pourbénéficier du bonus, il suffit que la voi-ture émette moins de 130 grammes deCO2 au kilomètre. Performance trèsmoyenne : il ne fallait pas trop défavori-ser l’industrie automobile française, concur-rencée par des modèles étrangers moins pol-luants. Elle a d’ailleurs perdu 3 % dumarché national à la faveur du bonus-malus ! Il n’est bien sûr jamais question des’attaquer à l’inflation irrépressible deskilométrages parcourus par les voitures,mais de les convertir à l’électricité, thèmede recherche auquel d’importants subsidesont été octroyés par Nicolas Sarkozy. L’économiste Nicolas Baverez, qui en estplutôt proche, crache le morceau (2) :« L’EPR [le nouveau réacteur nucléaire]et la voiture électrique sont les deux mamellesdu développement durable. »Vérification du recadrage imposé à unecroissance verte sommée d’être économi-quement correcte : l’espoir mis par le gou-vernement dans l’isolation thermique mas-sive des bâtiments tient beaucoup au fait que

CCRROOIISSSSAANNCCEE VVEERRTTEE

Le bonus-malus a déplacé 43% des ventes de voitures vers des modèles moins émetteurs de CO2, mais le ministre du Budget s’est ému du coût de la mesure : 200 millions d’euros.

LIMA/AFP

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JEUDI 18 DÉCEMBRE 2008 / POLITIS / 5

La « croissance verte », nouveau slogan à la mode,ne tente-t-elle pas de faire cohabiter deux prin-cipes antagonistes – le productivisme et l’écolo-gie ?Pascal Canfin : La croissance verte ne peutpas être un objectif en elle-même. Le but,à nos yeux, c’est la décroissance de l’em-preinte écologique, la conversion écolo-gique de l’économie et une meilleure qua-lité de vie pour tous. Certaines me sures decette conversion écologique feront aug-menter le PIB, car elles créeront des acti-vités nouvelles, d’autres non. La croissancedu PIB pour des raisons écologiques serapeut-être une conséquence de la conver-sion de l’économie, mais ce n’est en aucuncas un but en tant que tel.Au contraire, faire de la croissance verteun objectif peut être très limitatif, car celarevient à confiner l’écologie dans une niche,et à en apprécier l’utilité au regard de cequ’elle peut apporter au PIB. Résultat, si l’é-cologie ne favorise pas la croissance, alorsil faudrait y renoncer.Or, on sait que certaines mesures écolo-giques auront un impact négatif sur lePIB. Prenons l’exemple des transportsaériens : dans le modèle de la « croissanceverte », on parle à la rigueur d’avionsmoins gourmands en carburant, mais iln’est dit nulle part que le trafic doit êtreréduit.

Le recours à la technologie et aux grands tra-vaux est le grand axe directeur de cette nouvelleapproche. Un non-sens ?Il faut bien sûr encourager une révolutiontechnologique verte pour inventer des pro-duits écoconçus, entièrement recyclables,économes en énergies. Mais il ne faut pass’en tenir à l’aspect technologique, sinoncette révolution se heurtera à ce que leséconomistes appellent l’effet rebond : on

aura des voitures plus sobres, mais s’il y atoujours plus de voitures qui parcourenttoujours plus de kilo mètres, et on ne réduirapas les émissions globales de gaz à effetde serre.C’est l’Agence internationale de l’énergieelle-même qui le dit : pour diviser nos émis-sions de gaz à effet de serre par quatre d’icià 2050, ce qui est la préconisation mini-male des scientifiques du Giec pour lespays riches, la moitié du chemin peut êtrefait grâce à la technologie, mais l’autre moi-tié implique une modification de nos com-portements et une mise à distance de notresociété de l’hyperconsommation. Cette par-tie, qui est la partie la plus radicale de l’é-cologie, est totalement absente des raison-nements sur la croissance verte.

Peut-on même encore parler de « croissanceverte » au regard du plan de relance de l’écono-mie présenté par Nicolas Sarkozy ?Le Grenelle de l’environnement, avec400 milliards d’euros d’investissements surles prochaines décennies environ, auraitpu constituer un cadre minimal pour la« relance verte » de l’économie. Le Prési-dent avait l’occasion de s’appuyer sur cesocle, il aurait pu décréter l’urgence surl’application des mesures du Grenelle. Maisla majeure partie du plan de relance, c’estla relance classique des traditionnels secteursporteurs de notre économie : le bâtiment,les routes et l’automobile. Le plan Sarkozy est même par endroits entotale contradiction avec les mesures récem-ment annoncées par le Grenelle. Par exem-ple, lorsqu’il renoue avec le programmeautoroutier ou avec l’affaiblissement de laréglementation contraignant les construc-teurs de grands équipements à procéder à devraies études d’impacts préliminaires surl’environnement. Au nom de l’urgence éco-

nomique, on va donner despasse-droits aux « béton-neurs ».Cela montre à quel point cegouvernement ne croit pasà l’urgence d’une révolutionécologique de la société ! L’a-doption des premières loisGrenelle est repoussée enpermanence, et Sarkozy nousdé montre qu’il n’a pas changéde perspective. Il ne s’estmême pas converti à cettecroissance verte minimaliste.On est vraiment loin de larupture !PROPOS RECUEILLIS PAR PATRICK PIRO

Pascal Canfin est notamment auteurde l’Économie verte expliquée àceux qui n’y croient pas (2007)et coauteur de C’est pollué près dechez vous (2008), éditions Les petitsmatins (14 et 17 euros).

«La croissance verte

ne peut être un but»

Pour PPaassccaall

CCaannffiinn,

responsable de

la commission

économie

des Verts,

la croissance

verte prônée

par le

gouvernement

est une

manière

d’inféoder

l’écologie à

une économie

de croissance

classique.

DR

EENNTTRREETTIIEENN

les bénéfices attendus, en termes d’emploiset de chiffres d’affaires, ne sont guère délo-calisables – les travaux seront effectués surdes maisons qui ne bougeront pas du ter-ritoire français. Au fond, de Poznan à Paris,de Washington à Londres en passant parBerlin, la lutte contre le dérèglement cli-matique n’attise l’intérêt des gouvernementsque si elle sert la compétitivité des entreprisesnationales. La croissance verte, selon Bor-loo, doit relancer l’économie française faceà une concurrence internationale où l’Inde,la Chine et le Brésil jouent des coudes pourgagner le peloton de tête.Sous les coups de boutoir de la crise éco-logique et désormais de la récession, ce quis’élude en permanence, c’est une interro-gation fondamentale : l’économie libérale,fondée sur la croissance et la concurrence,peut-elle mener à bien le défi planétaired’enrayer le dérèglement climatique ?

PATRICK PIRO(1)Les Échos, 1erdécembre 2008.(2) Le Point, 27 novembre 2008.

Le surplace de PoznanBien maigres avancées au sommet dePoznan. Ce qui menace sérieusementl’indispensable réussite du prochain, fin2009 à Copenhague, où la communautéinternationale doit adopter un ambitieuxaccord pour relayer le protocole de Kyoto.C’est du quasi-surplace: si le fonds destiné àaider les pays du Sud à s’adapter audérèglement climatique a enfin pris corps,rien n’est décidé pour son alimentation, etaucun engagement global n’a été pris sur laréduction des gaz à effet de serre (GES).Attendait-on trop de l’Union européenne,autoproclamée en pointe? Son «paquetclimat-énergie» vise certes les «trois fois20% » en 2020: pour la réduction des GES,la consommation d’énergie et la part prisepar les énergies renouvelables. Mais la déception est forte au final,l’empilement des dérogations vidant unaccord que Greenpeace rebaptise «trois foisquatre» : pour la part des réductions de GESacquise sur le territoire européen (4%, lereste pouvant être obtenu en le finançant àl’étranger) ; pour les permis de polluer dusecteur industriel mis aux enchères dès 2013(4% au lieu de 100%) ; et 4°Cd’augmentation des températures moyenned’ici à 2100 si on continue sur cette lancée.

P. P.

Le bonus-malus a déplacé 43% des ventes de voitures vers des modèles moins émetteurs de CO2, mais le ministre du Budget s’est ému du coût de la mesure : 200 millions d’euros.

Page 6: Politis Croissance Verte

D o s s i e r

6 / POLITIS / JEUDI 18 DÉCEMBRE 2008

Tous les acteursdu Grenelleétaient tombésd’accord, avecbénédictionprésidentielle,pour arrêter laconstruction desautoroutes.En guise derelance, lePremier ministrea annoncé lamise en chantier,pour 800 millionsd’euros, de troisautoroutes…

«L’HORIZON DE NOS SOCIÉTÉS et celui de l’écologie sont longs. Or, la crise qui nousdévore risque de nous rendre aveugles sinous ne parvenons pas à sortir des enchaî-nements à court terme dans lesquels lesfinanciers nous ont égarés. Les urgences nedoivent rien effacer. » Cette belle phraseprononcée le 24 octobre est signéeNathalie Kosciusko-Morizet, secré-taire d’État à l’Écologie. Elle ne savaitpas encore que son président allait rapi-dement montrer qu’il est sourd et aveu-gle en jetant à bas le fragile édifice,péniblement repeint en vert, de la loiGrenelle 1 avec son plan de « relance ».Au moment où le chœur des écono-mistes entonne le refrain du «déve-loppement vert », qui succède au cou-plet dévalué du développement durable.La croissance verte a perdu sa couleurdans un plan relançant la seule crois-sance de quelques entreprises.La saga du mensonge vert commenceavec les voitures. Promis, pour toutevoiture de plus de dix ans envoyée à lacasse, les Français recevront 1 000 euros,à condition qu’ils achètent une voiture« propre ». Deux problèmes : d’abord,il n’existe pas de voiture à moteur ther-mique non polluante ; ensuite, l’heu-reux bénéficiaire de la prime pourraacheter un véhicule relâchant jusqu’à160 grammes de CO2 ! Niveau auquelil n’existe aucun bonus. L’essentiel est ailleurs : cet aspect dela relance vise à sauver l’industrieautomobile et ses bénéfices. Alorsqu’il faudrait aider l’emploi dans lesusines travaillant sur le montage desvéhicules de transport en commun.Et, comme disent ceux qui enterrentles projets, la taxe climat-énergie chèreà Nicolas Hulot et au Grenelle del’environnement « reste à l’étude ». Etles camions peuvent compter sur l’ou-bli de la taxe qui les menaçait.

Dans sa mouture de première lecture, la loiGrenelle 1, qui ne reviendra pas devantles parlementaires avant deux ou troismois, privilégie les « transports doux ».Tous les acteurs du Grenelle étaienttombés d’accord, avec bénédiction pré-sidentielle, pour arrêter la constructiondes autoroutes. En guise de relance, lePremier ministre a annoncé le 5 décem-bre, pour 800millions d’euros, la miseen chantier (il a dit déblocage…) de trois

autoroutes : la A63, la A150 et la A355.En marge de cette annonce, FrançoisFillon a signalé qu’il y aurait d’autresdécisions allant dans le même sens, afinde soutenir le secteur du BTP. Cela faitsans doute partie de ce que Jean-LouisBorloo, a récemment célébré commeun « miracle » en expliquant que les280 mesures du Grenelle sont finan-cées par la loi de finances à hauteur de19 milliards d’euros. En oubliant lesmésaventures de son programme debonus-malus (même si celui-ci était dis-cutable), abattu en plein vol avec d’au-tres projets par la ministre des Financeset le ministre du Budget.

Grenelle 1 prévoit que le consommateurdevra pouvoir « choisir en toute connais-sance de cause ». Problème : l’étiquetageenvironnemental destiné à indiquer lebilan carbone des produits aux ache-teurs sera remis à une date ultérieurecar il aurait risqué d’entraîner des dif-ficultés pour les producteurs et les dis-tributeurs « dans une période délicate ».Il faut y ajouter le projet d’ouverturedes grandes surfaces le dimanche, quiaura comme premier effet d’augmenterla circulation des voitures hors de laville une journée de plus. Pour les clientscomme pour les salariés.La loi en devenir prévoit une pro-portion d’énergies renouvelables de20 % d’ici à 2020, tout en rendantplus contraignant le développementdes éoliennes. Le chiffre n’est riend’autre que celui adopté par l’Unioneuropéenne dans son « paquet climat-énergie ». La loi stipule pour l’instantque les cultures destinées aux agro-carburants seront privées de leurs sub-ventions. Les publicités pour la « bet-terave-carburant » parues la semainedernière annoncent tout simplementun prochain recul sur ce point car « ilfaut soutenir un secteur important et géné-rant de nombreux emplois ».Mais, dans le fond, le rapporteur dela loi, Christian Jacob, avait fixé leslimites de l’exercice à la tribune del’Assemblée nationale en expliquantque « la croissance verte ne peut se fairequ’avec le monde économique, pas contrelui, et que l’environnement est le nouveauprétexte pour lever de nouveaux impôts ».La messe était dite.

CLAUDE-MARIE VADROT

Comment le gouvernement bafoue allégrement

les conclusions du Grenelle de l’environnement,

au bénéfice de son plan de « relance ».

La saga

du mensonge vert

DÉVELOPPEMENT ÉCOLOLe nouvel Eldorado capitaliste« Le vert vaut de l’or», titrait en 2007 lequotidien économique laTribune, dans unnuméro spécial sur le Grenelle del’environnement. On pouvait y découvrir un« Grenelle juteux pour les entreprises» et uncapitalisme contemporain qui a depuislongtemps endossé les habits dudéveloppement durable et s’est converti à la«croissance verte».En France, cette croissance tant de foispromise par le gouvernement devraitpermettre de maintenir ou de créer535000 emplois dans le bâtiment, lestransports et la protection de la nature, enfaisant appel aux grands opérateurs privés.Les chiffres mondiaux, eux, donnent levertige : on va vers un doublement dumarché des produits et servicesenvironnementaux d’ici à 2020, soit2740 milliards de dollars, estime le rapportTravail décent pour un développementdurable publié en octobre par le Programmedes Nations unies pour l’environnement etle Bureau international du travail.L’efficacité énergétique, les transportsdurables, l’approvisionnement en eau,l’assainissement et la gestion des déchetsseraient les principales activités bénéficiaires.Dans le seul secteur de l’énergie, les grandsindustriels se sont engouffrés dans lesénergies renouvelables, notamment attiréspar les subventions de l’État. En quelquesannées, le marché a connu une croissancephénoménale: « Son chiffre d’affaires a été de38milliards de dollars en 2006, soit 26% deplus que l’année précédente», indiquentGreenpeace et le Conseil européen desénergies renouvelables(Erec). EDF, GDF Suezou Poweo ont racheté des exploitants deparcs éoliens en France ou à l’étranger. Lefabricant de centrales nucléaires Areva s’estlancé depuis 2007 dans l’exploitation de labiomasse. Et Total a renforcé sesinvestissements dans le solairephotovoltaïque.

L’Erec prévoit que les investissementsgénéreront d’importants profits à long terme.Cette perspective attire déjà les fondsspéculatifs: Novethic, filiale de la Caisse desdépôts et centre d’informations et d’expertisesur la responsabilité sociale etenvironnementale des entreprises, adénombré 194 fonds d’investissementenvironnementaux en Europe, et leursencours cumulés a dépassé les 25 milliardsd’euros. Pas en reste, l’agrobusiness profitede cette croissance… et de la crisealimentaire. « Toutes les grandes banqueseuropéennes ont investi des milliards d’eurosces dernières années dans les entrepriseslucratives de production d’agrocarburants,comme Cargill, Bunge, ADM, Cosan et BrasilEcodiesel. Plusieurs de ces entreprises ontété impliquées et condamnées pour leursactivités illégales en Amérique latine», ontdénoncé les Amis de la Terre. On prend lesmêmes et on recommence?

THIERRY BRUN

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JEUDI 18 DÉCEMBRE 2008 / POLITIS / 7

ONDESTcherMobile en vue?Les téléphones mobiles sontdevenus courants dès lecollège. Les scientifiquesréitèrent leur inquiétudedevant leur utilisationprolongée par les enfants, etla ville de Lyon affiche surses panneaux: «Le portableavant 12 ans, c’est non!» Etle ministère de la Santé?C’est la grande muette, ouplutôt le coministère del’Industrie: l’an dernier, unvague avertissement sur lesrisques sanitaires des ondespour les jeunes cerveaux…début janvier, après la ruéede Noël. Cette année, dixassociations (1) ont décidé desuppléer le ministèredéfaillant avec une

campagne de sensibilisationaux risques sanitaires:«Portables, antennes relais,WiFi… Un nouveauTcherMobile». Et saluonsl’audace du secrétaire d’Étatau développementnumérique, qui promeut unecharte non contraignantevisant à interdire l’usage desmobiles aux enfants demoins de… 3 ans.(1) Voir notammentwww.agirpourlenvironnement.org, 0140310237

FAUNEEt le putois?La marte et la belette nesont plus «nuisibles» ! Unarrêté ministériel vient deles retirer de la liste desespèces autorisées à lachasse en raison de leurs«dégâts» – classementbien pratique pour desanimaux dont la fourrureest très appréciée. C’étaitdéjà le cas dans plusieursdépartements, sous lapression d’associationscomme l’Aspas, mais lamesure est désormaisnationale, rétablissant unedécision prise en 2002 parle Vert Yves Cochet maisdéfaite par l’UMP RoselyneBachelot à son arrivée auministère del’Environnement. L’Aspas salue la décision,qui passe outre lespressions des chasseurs,mais regrette que l’on ait«oublié» le putois danscette amnistie, «seulanimal de notre faunecapable de limiter lespopulations de ratsmusqués et de ratsd’égout», et qui se faitpourtant de plus en plusrare.

NUCLÉAIREAreva publi-informe la jeunesseIl est très en colère, leRéseau sortir du nucléaire(RSN), et il y a de quoi : leJury de déontologiepublicitaire (JDP), quivient de prendre la suited’un Bureau de vérificationde la publicité totalementdiscrédité, semble bienmal parti. Areva, notrepoids lourd mondial dunucléaire, se livre en effetdepuis des semaines à unecampagne de publicitécamouflée (jeux-concours,articles cosignés, «publi-infos» (!), etc.) dans despublications pour lajeunesse – Sciences et viejunior, Images doc, les Clésde l’actualité junior.Le premier aurait clarifiéla mention de ses encartspublicitaires, répondbenoîtement le JDP. C’estmanifestement faux,s’élève le RSN, copie dumagazine en main.

DR

É c o l o g i e

Victoire indienne!

Sur la photo, c’est encore l’anxiété quiprécède le verdict du Tribunal fédéralsuprême de Brasilia. Puis l’explosion de joiedans les villages pour les 19000 Macuxi,Wapichana, Ingariko, Taurepang etPatamona qui revendiquent la terre deRaposa Serra do Sol, dans l’État brésilien duRoraima, à la frontière vénézuélienne (1).Ça fait trente ans que leurs droits sur17000km2 de «réserve» sont violemmentcontestés par l’oligarchie locale, qui a faillien obtenir le démantèlement en menant labataille jusqu’au plus haut échelon de lajustice du pays. Par 8 voix sur 11, les jugesviennent finalement de conforter lesIndiens, épargnant au pays unejurisprudence catastrophique pour la surviede ces populations – un million d’individusau Brésil dans un état de grande précarité.

(1) Voir Politis n° 1012.

C’est assez peu courant pour être signalé : sur les écrans decinéma, cette semaine, la Terre des hommes rouges, film deMarco Bechis, relate sous l’argument d’une histoire d’amourla lutte de survie des Indiens guaranis pour leurs terres à lafrontière du Paraguay (voir Politis, hors-série n°48).

SA/AFP

SEDIFSantini gagne à bulletins secretsC’était gagnable(1), c’est largement perdu: par 88 voix contre 54,c’est un opérateur du privé qui distribuera l’eau aux quatre millions declients des 144communes du Syndicat des eaux d'Île-de-France(Sedif). Veolia, titulaire du contrat depuis 1923, et qui aurait surfacturéle Sedif de près de 50 millions d’euros, sera difficilement délogeable.Grosse déception du front des élus PS, Verts, PC et divers gauchefavorables à une régie publique, comme à Paris : 10 à 15 municipalitésde gauche auraient soutenu l’option adoptée, que défendait AndréSantini, président du Sedif (et du Nouveau Centre). Jean-PierrePernot, maire PS de Méry-sur-Oise, a reconnu en faire partie. Pour lesautres, mystère: alors qu’un vote public avait été demandé, c’est àbulletins secrets qu’il s’est effectué, à la demande des élus de droite.Le rapport de forces est même moins favorable qu’en mai dernier,quand Santini n’avait été réélu président du Sedif que par 77 voix. Sesopposants envisagent un recours juridique, mais ils doivent désormaisse préoccuper d’une autre bataille : un «Grand Paris de l’eau» est engestation pour rationaliser la production et l’assainissement. Santinitente déjà d’isoler Paris, accusé de manquer de démocratie et depréparer une hausse des prix. « À Paris, les citoyens ont voté, et l’eau,deux fois moins chère qu’au Sedif, n’augmentera pas», rétorque AnneLe Strat, future présidente de la nouvelle régie publique de Paris, quiaura fort à faire dans les mois prochains.

P. P.(1) Voir Politis n° 1030.

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es apparences sont sauves. Rien n’a man-qué en final du 34e congrès du PCF pourdonner l’image d’un parti heureux et réconci-lié. Ni les confettis lancés par les délégués àl’annonce des résultats – une tradition dansles congrès communistes –, ni les chantsentonnés a cappella pendant le dépouille-ment. Entamé avec « le P’tit Quinquin »,lancé par la fédération du Nord, poursuivipar « Bella Ciao », « la Jeune Garde » ou« la Butte rouge », le répertoire classiquerassemble toutes les sensibilités. De la fron-deuse Malika Zédiri à l’orthodoxe Paul Boc-cara, surprenant interprète de « Fanchon »(« Elle aime à rire elle aime à boire… »).Pourtant, contrastant avec cette joie bonenfant, c’est les traits tirés et la mine maus-sade que Marie-George Buffet a accueillil’annonce de sa réélection. La numéro uncommuniste, élue secrétaire nationale en2001 dans le cadre d’une direction bicéphaleavec Robert Hue, rempile pour un quatrièmemandat à la tête du Parti, qu’elle dirige seuledepuis 2002. Mais la « très large majorité »dont se félicite l’Humanité dans son compte-rendu, en net recul par rapport au 33econgrès,témoigne autant d’une défiance que de vuesdivergentes. En mars 2006, la direction queconduisait l’ancienne ministre des Sportsavait été reconduite dans ses fonctions par91,3 % des délégués. Dimanche, 67,72 %ont approuvé la liste de candidats au conseilnational qu’elle emmenait.

Dimanche, l’événement était moins cette réélec-tion sans surprise que la présentation detrois listes alternatives représentatives d’orientations politiques divergentes. Dansun parti qui refuse toujours le droit de ten-dances et va jusqu’à nier leur existence, cettesituation marque assurément un tournant.D’autant que les scores obtenus par ces lis-tes, auprès de délégués plus enclins que labase communiste à abonder les choix de ladirection, sont significatifs.Première de ces listes, celle des « transfor-mateurs », menée par Marie-Pierre Vieu,40 ans, secrétaire fédérale des Hautes-Pyré-nées, a obtenu 16,38 % des voix. Soutenuepar les « Communistes unitaires », commeles députés François Asensi et Patrick Braoue-zec, Gilles Alfonsi, Pierre Zarka ou RogerMartelli, mais aussi d’anciennes présiden-tes du conseil national comme DominiqueGrador ou Joëlle Greder, cette liste ras-semblait les partisans d’une « métamorphose

du PCF conduisant à l’émergence d’une nouvelleforce politique ». Très critique, tout au longdu congrès, sur l’« immobilisme », voire le« repli identitaire » de son parti, manifeste parle choix d’exclure du parlement commu-niste les partisans d’une évolution profondedu PCF, Marie-Pierre Vieu avait justifié laprésentation de sa liste par le fait que lecongrès avait plus « assumé des reculs » quedes avancées. Elle a accueilli le résultat desa liste, qui aura 29 élus au conseil natio-nal, comme un « signe d’espoir ». Et s’est féli-citée d’avoir fait mieux que l’addition des deuxautres listes alternatives, réticentes ou hos-tiles à des transformations du PCF.Le député-maire « orthodoxe » de Vénis-sieux (Rhône), André Gerin, partisan d’unerégénération du PCF qui tourne le dos aux« abandons de la mutation conduite par RobertHue » dans les années 1990, obtient en effet10,26%. Tandis que la dernière liste « iden-titaire », présentée par Nicolas Marchand,obtenait 5,62 %.

Dans un parti ultralégitimiste comme le PCF, oùla direction est systématiquement recon-duite, qu’un tiers des délégués au congrès votecontre cette dernière témoigne d’une criseprofonde et d’une certaine rébellion. Sansdoute y a-t-il dans ce vote une bonne part dedéfiance à l’égard de Marie-George Buffet.

Après son échec retentissant à l’élection pré-sidentielle (1,93%), la numéro un commu-niste avait annoncé vouloir quitter la direc-tion du parti. Avant de se raviser récemment,faute d’être parvenue à faire émerger unerelève incontestée. Ce week-end, Mme Buffeta annoncé que le parti sera géré par unedirection collégiale – elle devait être dési-gnée mercredi par le nouveau conseil natio-nal – coanimée par Pierre Laurent, direc-teur de la rédaction de l’Humanité, véritablenuméro 2 du parti. Elle a assuré qu’elle n’irait pas au bout de son mandat de trois ans,mais entendait travailler à une transition endouceur. Une promesse dont doutaient cer-tains délégués, rendus méfiants par les vire-voltes de leur dirigeante.Au congrès de 2006, Marie-George Buffetavait été l’avocate inlassable d’un rassem-blement antilibéral en vue des élections de2007. Pour ce faire, elle s’était appuyée surles « refondateurs » contre les « orthodoxes »et les défenseurs de l’identité du PCF quirefusaient de voir leur parti se diluer, sans allertoutefois jusqu’au bout de la démarche. Cequi faisait dire à Pierre Zarka que « l’ambi-guïté du texte [d’orientation s’était] faite contreles partisans de l’affirmation de l’identité com-muniste ». Cette fois, c’est sur les craintes deces derniers qu’elle s’est appuyée pour reje-ter toute « métamorphose » du PCF en

P o l i t i q u e

La fin de l’unanimisme

8 / POLITIS / JEUDI 18 DÉCEMBRE 2008

PPCCFF

Marie-George Buffet conserve la direction d’un PCF qui souhaite se

maintenir tout en se transformant. Une position d’équilibre mal assurée,

qui confirme toutefois la volonté de rassembler aux européennes.

FEDOUACH/AFP

L

Marie-George Buffet rempile pour un quatrième mandat à la tête du Parti.

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JEUDI 18 DÉCEMBRE 2008 / POLITIS / 9

P o l i t i q u e

ILS EN PARLAIENT depuis un certain tempsdéjà. Cette fois, c’est fait : la gauche detransformation sociale et écologistelance sa fédération. La naissance de lanouvelle structure devait être officialiséemercredi matin, dans un café parisienoù s’étaient donné rendez-vous MartineBillard, députée des Verts, animatrice ducourant Écologie solidaire ; lesAlternatifs, héritiers du PSU ; GillesAlfonsi, Patrick Braouezec, Pierre Zarkapour les Communistes unitaires ; YvesSalesse, Pierre Cours-Salies pour lesCollectifs antilibéraux ; la militanteféministe Clémentine Autain ; les amisde l’ancien ministre communiste MarcelRigout, et quelques autres, dont lesaltermondialistes de « Mai » et les AlterEkolos, de Francine Bavay, qui ont prisleur décision lundi après uneconsultation interne… L’énumérationsuffit à suggérer que nous avons affaire àune initiative originale par sa diversité etson pluralisme entre militants issusd’une tradition productiviste et desécologistes antiproductivistes. Mais cesclivages ne sont plus d’actualité depuislongtemps déjà, tant les Communistesunitaires ont intégré le paradigmeécologiste.

La nouvelle fédération s’adresse donc àtoutes les forces politiques de la gauchenon socialiste. Mais elle s’adresse aussiaux « citoyens » n’appartenant à aucunmouvement, ni à aucune organisation.Elle se veut « ouverte », et en devenir,prête à accueillir, selon l’expression deGilles Alfonsi, des « histoires et des culturesdifférentes ». Ses initiateurs serevendiquent aussi bien du mouvementouvrier, de la marche des Beurs de 1983,des grandes grèves dans les servicespublics de l’hiver 1995, del’altermondialisme, que du « non » auréférendum de 2005.Ils soulignent que leur fédération « n’estpas un parti ». Structure transversale, ellepermet la double appartenance. MartineBillard et Francine Bavay, notamment,sont toujours membres des Verts, et lesCommunistes unitaires, qui apportentdans la corbeille de mariage des effectifsnon négligeables, restent pour la plupartau sein du Parti communiste. Beaucoup

ont d’ailleurs mené bataille derrièreMarie-Pierre Vieu lors du congrès (voirci-contre l’article de Michel Soudais).Des communistes qui n’appartiennentpas au courant « unitaire » pourraientégalement faire le choix d’une doubleappartenance. Enfin, des militants ducourant Utopia restés au Parti socialiste,pendant que d’autres adhéraient au Partide gauche de Jean-Luc Mélenchon,pourraient rejoindre la jeune fédération.Au total, c’est, du côté écolo, la plupartdes protagonistes de la réunion deMiremont, du mois d’août dernier, quidevraient se retrouver là.L’entreprise est à la fois audacieuse etpassionnante. Audacieuse, en ce qu’ellefait le pari d’exister dans un universencore structuré par des partis auxformes plus traditionnelles – les« fédérés » souhaitent aussi faire porterleur réflexion sur les formesd’organisation les mieux adaptées ànotre époque –, et passionnante, parcequ’elle poursuit un travail deconvergence entre des cultures politiquesdifférentes. En cela, elle s’inscritpleinement dans l’esprit de l’Appel dePolitis. Un peu plus d’un mois avant lepremier congrès du Nouveau Partianticapitaliste, et trois semaines après lelancement du Parti de gauche de Jean-Luc Mélenchon, l’espace politique de lagauche sociale et écologiste s’enrichitd’une nouvelle création.

D. S.

Une nouvellefédération à gaucheLes Communistes unitaires, les Alternatifs, les

Collectifs antilibéraux et la gauche des Verts

lancent une organisation d’un type nouveau.

M. SOUDAIS

Réunion des Communistes unitaires le 13décembre.

direction d’une force politique nouvelle.Mais aussi défendre une conception moinspluraliste de la direction communiste, mino-rant ceux qui pouvaient être en désaccordavec l’orientation adoptée.Sitôt élue, Marie-George Buffet n’a d’ailleursrien cédé sur ce point : « Je mettrai toutes mesforces dans les mois qui viennent à faire en sorteque le conseil national, au lieu d’être un parlementoù on refait le congrès, soit une équipe au servicedu combat communiste », a-t-elle promis dansson discours de clôture. Un engagement quirisque d’être difficile à tenir. À cause dunombre d’élus issus des listes alternatives.À cause aussi des ambiguïtés du texte d’orientation adopté, samedi.

Olivier Dartigolles a beau dire que « ce n’est pasun texte auquel on peut faire dire différenteschoses », sur deux points au moins le débatn’est pas clos. En décidant de « poursuivrele parti communiste et le transformer », ce texteadopté à l’issue d’une longue bataille d’amendements (1) tente une délicate syn-thèse entre la tentation conservatrice et lesaspirations réformatrices qui tiraillent lePCF depuis la fin de l’ère Marchais. Syn-thèse dont l’Humanité reconnaît qu’ellen’est qu’« un début de réponse ». Car si letexte affirme que « la voie des transformationsdu PCF apparaît plus féconde que celle de larecherche de la constitution d’un autre parti auxcontours incertains », il ne dit rien de précissur la « profonde transformation » que le PCFveut engager. Laissant ainsi ouvert le débatet promettant une consultation des communistes à chaque étape.Même la perspective d’un « front progres-siste européen », inscrite dans le texte etapprouvée par un vote à près de 80%, mal-gré les réserves des inconditionnels des lis-tes communistes « rouge pur » (2), n’estpas définitivement acquise. Interpellé parun délégué qui demandait de supprimerun passage placé entre parenthèses quiassure que les communistes « décideront parleur vote, comme pour toutes les élections, deces candidatures », le rapporteur du texte,Pierre Laurent, s’y est refusé, ouvrant ainsila possibilité au refus d’une ou plusieurslistes d’union, puisque cette dispositiondonne aux militants communistes le pou-voir de désigner non pas seulement leurs can-didats mais ceux que présenteront d’autresforces politiques.Le maintien d’un semblant d’unité autourde Marie-George Buffet était sans doute àce prix. Il ne règle en rien la crise du PCF.

MICHEL SOUDAIS

(1) Intitulé « vouloir un monde nouveau, le construireau quotidien », il a été adopté par 68,7 % desdélégués. Il y a eu 24,06 % de votes contre et 7,23 %d’abstentions.(2) André Gérin se méfie de la volonté qu’il prête àJean-Luc Mélenchon de créer « un PS-bis » ; NicolasMarchand appelle à considérer le Parti de gauchecomme un « rival » ; les fédérations du Nord-Pas-de-Calais entendent bien présenter une liste clairementcommuniste.

Dimanche,l’événement étaitmoins cetteréélection sanssurprise que laprésentation detrois listesalternativesreprésentatives d’orientationspolitiquesdivergentes.Dans un parti quirefuse toujours ledroit detendances et vajusqu’à nier leurexistence, cettesituation marqueassurément untournant.

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APPEL POUR UNE AUTRE EUROPE

D éjà deux mille signataires ontassocié leurs noms à l’appel«Pour une autre Europe» lancé ily a une semaine. Tout aussiintéressante que le nombre, la

qualité. Toutes les forces politiques sontmassivement représentées. Ycompriscelles dont les directions n’ont pas pourl’instant manifesté le souhait de signercet appel pour la constitution de listesunitaires représentant tout l’arc du «non»de gauche au référendum de mai2005.C’est le cas notamment à la LCR et auNPA, où le débat se poursuit, mais dont denombreux militants ont signé sansattendre. Par ailleurs, de nombreuxresponsables syndicaux et associatifs, desintellectuels et des citoyens, qui nerevendiquent aucune appartenance, sesont engagés dans la bataille. L’enjeu,rappelons-le, n’est pas mineur. Il s’agit decréer les conditions pour qu’un maximumde députés européens soient élus en juinprochain en rupture avec le traité deLisbonne. Semaine après semaine, nousvous tiendrons au courant du sort decette pétition qui découle directement del’Appel de Politis, même s’il n’estévidemment pas nécessaire d’avoir signécelui-ci pour s’engager dans la batailleeuropéenne. Le texte intégral figure surnotre site, www.politis.fr, où il est possiblede joindre sa signature. Nous publions iciune liste de 220 noms qui rendent mieuxcompte de la diversité des signataires queles 60 publiés la semaine dernière et laquinzaine repris par leMonde dans sonédition datée du 11décembre.

PARMI LES PREMIERS SIGNATAIRES :Dominique Abeille, présidente d’association parents d’élèves (17) ;Étienne Adam, CNCU, Caen(14) ; Abd-El-Kader Ait Mohamed,militant pour l’égalité, CNCU, Tours(37) ; Lysiane Alezard,conseillère régionale Île-de-France; Gilles Alfonsi, Association descommunistes unitaires (ACU); Pierre Allard, maire ADS de Saint-Junien et vice-président du conseil général de la Haute-Vienne;Marie-Hélène Amiable, députée maire de Bagneux; MouloudAounit, militant antiraciste et conseiller régional ; El-MadaniArdjoune, conseiller régional, Tremblay(93) ; Ariane Ascaride,comédienne; François Asensi, député PCF; Clémentine Autain,militante féministe; Gérard Badeyan, Collectif antilibéral etunitaire de Malakoff ; Bailly Bagayoko, maire-adjoint de Saint-Denis, vice-président du conseil général de Seine-Saint-Denis;Gérard Beck, militant associatif (38) ; Romain Bellamy, Gauchealternative(17) ; Alain Belviso, président de la communautéd’agglomération du Pays d’Aubagne et de l’Étoile ; Tarek Ben Hiba,conseiller régional Île-de-France, Essonne; Pierre Bergounioux,écrivain; Bruno Bessière, ACU; Jacques Bidet, philosophe Paris-X-Nanterre; Gérard Bohner, NPA Clermont-Ferrand; Jean-JacquesBoislaroussie, Alternatifs ; Magali Bonet Giovannangeli, 1readjointe au maire d’Aubagne; Louis Bonnassi, militant syndicalistede la sidérurgie; Jean-Marc Borel, militant politique, LCR(38) ;Béatrice Bossé, militante féministe(26) ; Paul Bouffartigues,directeur de recherche CNRS Aix/Marseille ; Jacques Boulesteix,astrophysicien, directeur de recherches au CNRS; conseillermunicipal de Marseille ; Lounis Bourad, militant altermondialiste,Lot ; Jacques Bourgoin, maire de Gennevilliers, conseiller général ;Dominique Boutin, géographe, Alternatifs, Indre-et-Loire; MagaliBraconnot, les Alternatifs13, conseillère municipale, comédienne;

Jean Brafman, conseiller régional d’Île-de-France; PatrickBraouezec, député, Seine-Saint-Denis ; Gérard Bras, professeur dephilosophie; Robert Bret, ancien sénateur des Bouches-du-Rhône,conseiller municipal de Marseille ; Simone Brigando, responsableMNLE Marseille ; Michel Buisson, agroéconomiste(69) ; MarylèneCahouet, syndicaliste enseignante; Bernard Calabuig,responsable national du PCF; François Calaret, courant Unir de laLCR, Saint-Denis ; Bernard Camboulives, CNCU, Territoire deBelfort ; Bernard Cavanna, compositeur; Christophe Cavard,conseiller général du Gard; Eve Chambrot responsable d’uneassociation culturelle, Gauche alternative54 ; Thérèse Chapelet,graphiste; Patricia Chapuis, syndicaliste, militante NPA; PatrickCharles, maire-adjoint ADS de Limoges; Maurice Charrier, mairede Vaulx-en-Velin, vice-président de LaCourly; Lionel Chassaing,cadre territorial ; Armelle Chevassu, CNCU, Marseille(13) ; MarcChovin, militant d’Attac-63, enseignant, CNCU, PG; Arlette Clerc,enseignante, Territoire de Belfort ; Marie-Agnès Combesque,écrivaine; Éric Coquerel, PG; Alexis Corbière, 1eradjoint au mairedu XIIearrondissement de Paris, Parti de gauche(PG); JeanCordillot, ancien maire de Sens, PCF, ACU; Emmanuelle Cosse,ancienne présidente Act Up, Paris, rédactrice en chef deRegards; Pierre Cours-Salies, CNCU, Montreuil, 93; ThomasCoutrot, économiste; Veronika Daee, enseignante,Alternatifs(31) ; Daniel Dalbéra, ancien député; Claude Debons,PG; Bernard Defaix, président du Collectif de défense desservices publics ; François Delapierre, PG; Christian Delarue,militant altermondialiste et antiraciste; Marc Delgrange,Villeneuve-d’Ascq, ancien conseiller municipal de la Communautéurbaine de Lille ; Bruno Della Sudda, ancien conseiller municipalde Nice (06); Michèle Dessenne, porte-parole du M’PEP;Catherine Destom, professeur Morbihan; Richard Dethyre,sociologue; Hayat Dhalfa, PG; Daniel Dizet, syndicaliste etmilitant associatif (17) ; Marc Dolez, député, PG; Annie Ernaux,écrivain; Michelle Ernis, conseillère municipale 100% à gauche,Saint-Étienne-du-Rouvray; Jean-Claude Eyraud, syndicaliste,mutualiste, conseiller municipal d’opposition de Gap, Hautes-Alpes; Laurent Eyraud, comédien et directeur artistique; JeanFalco, conseiller municipal d’Auch(32) ; Mireille Fanon-Mendès-France, Fondation Frantz-Fanon; Alain Faradji, courant Unir de laLCR; Jean-Louis Fiole, conseiller municipal d’Alès(30) ; RégineFlament, syndicaliste, mutualiste, Hautes-Pyrénées; BernardFloris, maître de conférences, Grenoble; Michèle Foulquier-Claveau, syndicaliste, écologiste; Michel Fourgeaud, militantaltermondialiste et antiraciste; Ginette Francequin, maître deconférences au Cnam; Jacqueline Fraysse, députée des Hauts-de-Seine; Gilles Fromonteil, plasticien; Marie-Noëlle Gagnepain,militante syndicale, politique, féministe(38) ; Raquel Garrido, PG;Bertrand Geay, sociologue, professeur université de Poitiers;Catherine Gégout, ex-conseillèrede Paris, PCF; JacquesGénéreux, professeur à Sciences-Po, PG; Karine Gentric,syndicaliste enseignante, altermondialiste (17) ; Susan George,essayiste; Liberto Gimenez, militant alternatif, syndical,antiraciste, responsable d’associations culturelles; JacquesGirault, professeur émérite d’histoire contemporaine, Paris-XIII ;Roselyne Gispert, cadre infirmière retraitée, animatrice du CualMontpellier, ACU; François Gody, PCF, conseiller municipal deTournefeuille(31) ; Serge Goldberg, militant syndical et associatif ;Bénédicte Goussault, sociologue, coordination de l’Omos,Alternative citoyenne; Jean-Louis Griveau, Alternatifs, Finistère;Jean-Louis Griveau, animateur des Alternatifs Bretagne(29) ;Robert Guédiguian, cinéaste; Moustapha Gueye, responsableassociatif ; Birgit Hilpert, syndicaliste CGT; Christophe Hodé,militant parents d’élèves; Yannick Humbert, militantaltermondialiste(17) ; Michel Husson, économiste; Louis Iorio,militant associatif services publics ; Nordine Iznani, militantassociatif, Nanterre; Pierre Jacquemain, journaliste etsympathisant NPA; Bernard Jacquin, conducteur de travaux,Blagnac; Florence Jardin, maire de Migné-Auxances, vice-présidente de la communauté d’agglomération de Poitiers, diversgauche; Patrick Jarry, maire de Nanterre; Rémy Jean, conseillermunicipal, CNCU, Aix-en-Provence(13) ; Catherine Jouanneau,enseignante, militante NPA; Jean-Jacques Joucla Montreuil (93) ;Michèle Kiintz-Tailleur, retraitée université, communisteunitaire(35) ; Alain Lacombe, ancien maire de Fosses(95) ; AlainLadrange, conseiller général, PCF, ACU; Alain Laffont, conseillermunicipal LCR 100% à gauche à Clermont-Ferrand; Yves LaigleMilitant altermondialiste (17) ; Marie-Pierre Lambert militante desDroits de l’homme, Gauche alternative54 ; Pierre Laporte,conseiller général ; Sylvie Larue, communiste unitaire; Nadine

Lavigne, syndicaliste(17) ; Jean-Louis LeBourhis, syndicalisteLaPoste(92) ; Frédéric Lebaron, sociologue; Patrice Leclerc,conseiller général des Hauts-de-Seine; Philippe Leclercq,conseiller régional Lorraine, ancien secrétaire des Verts, Gauchealternative54 ; Guy Lecouvette, membre ACU, LaRochelle ; SophieLemoine, conseillère régionale de Bretagne; JacquesLerichomme, syndicaliste; Dominique Leseigneur, syndicalistetélécoms; Bruno Leveder, Courant Unir de la LCR, Rennes;Jacqueline Lhomme-Léoment, conseillère régionale ADS duLimousin; Claire Loubignac, écologiste, présidente de la Gauchealternative17 ; Hélène Lunetta, adjointe au maire d’Aubagne;Olivier Madaule, ACU; Céline Malaisé, courant Unir de la LCR;Pierre Mansat, maire-adjoint de Paris ; Roger Martelli, historien,communiste unitaire; Gérard Mauger, sociologue; Isabelle Métral,Alternative à gauche38 ; Daniel Metraud, altermondialiste, porte-parole de la Gauche alternative17 ; François Meyroune, maire deMigennes(89) ; Dominique Mezzi, journaliste; Noufissa Mikou,enseignante, Dijon, militante Attac; Daniel Mino, retraité EDF,collectif Cap à gauche74 ; Étienne Miossec, Saint-Brieuc; GillesMonsillon, conseiller municipal d’opposition, AlterEkolos, Val-d’Oise; Ricardo Montserrat, écrivain, metteur en scène; CorinneMorel Darleux, PG; Agathe Morin, militante syndicaliste etassociative; Frédéric Morin, militant associatif (17) ; RégisMoulard, militant des Alternatifs de Savoie; Henri Moulinier,ACU17 ; René Moustard, dirigeant sportif ; Marianne Mugnier,courant Unir de la LCR; Françoise Nay, médecin, militanteassociative; Gérard Nepveu, chercheur, ancien membre du PCF,Gauche alternative54 ; Richard Neuville, militantaltermondialiste(07) ; Jacques Nikonoff, porte-parole du M’PEP;Michel Onfray, philosophe; Chantal Pacteau, chercheuse; AntoineParzy, enseignant en philosophie; Jean-François Pellissier,membre de l’exécutif des Alternatifs, responsable associatif (75) ;Roland de Penanros, universitaire, CNCU, Finistère; GérardPerreau-Bezouille, maire adjoint de Nanterre; Jacques Perreux,vice-président du conseil général du Val-de-Marne; ÉvelynePerrin, Gauche alternative Champigny, militante d’AC! Stopprécarité; Daniel Picq, ancien secrétaire Fédération du PCF del’Yonne; Thierry Picq, vidéaste, Verts; Christian Picquet, courantUnir de la LCR; Sylvie Pille, altermondialiste Aubagne; Pierre-YvesPira, syndicaliste enseignant(59) ; Dominique Plihon, économiste;David Proult, adjoint au maire de Saint-Denis ; Andréa Queraud,conseiller municipal de Cahors(46), salarié du privé (associationFJT); Yves Quintal, enseignant, président association égalitéToulouse et comité paix en Algérie; Christophe Ramaux,économiste; Annette Rameau, enseignante, Verts; Annie Rayne,PCF, ancienne conseillère municipale de Tournefeuille(31) ;Frédérique Riedlin, courant Unir de la LCR, Strasbourg; MarcelRigout, ancien ministre, député honoraire, ADS; Jacques Rioual,militant d’associations de solidarité internationale; Marie-ClaireRobin, enseignante, Verts AlterEkolos, Indre-et-Loire; DanielRome, secrétaire national du Réseau école du PCF; CécileRopiteaux, Dijon, militante syndicaliste et altermondialiste;Michel Rousseau, militant associatif ; Jean-Marie Roux,syndicaliste; Jean-Michel Ruiz, secrétaire départemental du PCF-Val-d’Oise; Catherine Sackur, militante féministe(06) ; Jean-LouisSagot-Duvauroux, philosophe et dramaturge; Yves Salesse, CNCU,Paris ; Georges Samson, CUAL Saint-Brieuc; René Santraine,ancien conseiller régional d’Île-de-France; Lucien Sève,philosophe; Denis Sieffert, directeur de l’hebdomadaire Politis ;Marcel Siguret, militant associatif Marseille ; Patrick Silberstein,éditeur; Cécile Silhouette, institutrice Rased, militante LCR etNPA Pari-XI ; Danielle Simonnet, conseillère de Paris, PG; FrancisSitel, courant Unir de la LCR; Boualem Snaoui, syndicaliste,militant associatif, Sarcelles (95); Philippe Soulier, archéologue;Philippe Stierlin, ingénieur environnement, Paris ; Lars Steinau,courant Unir de la LCR; Nadine Stoll, ACU, Toulouse; StéphanieTreillet, économiste; Renzo Sulli, maire PCF d’Échirolles; JacquesThomas, retraité, Beaune, Les Alternatifs ; Rémy Toulouse,éditeur; José Tovar, syndicaliste enseignant, président del’Université populaire de Seine-Saint-Denis ; Anne Tuaillon,enseignante, militante syndicale et politique (38); Monique Vidal,militante des collectifs unitaires, ancienne responsable syndicaleà l’Éducation nationale; Nicole Vieillard-Baron; Claire Villiers,conseillère régionale d’Île-de-France, Hauts-de-Seine; Karel Yon,chercheur en sciences politiques, Lille ; Pierre Zarka, membre duconseil national du PCF, ancien directeur de l’Humanité.

Signatures sur le site www.politis.fr

EUROPÉENNES Pour des listes unitaires

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oilà un rapport sur mesure pour préparerla privatisation de La Poste. Clos le11 décembre, les travaux de la commis-sion voulue par Nicolas Sarkozy et pilo-tée par François Ailleret, ancien dirigeantd’EDF, ont livré un verdict qui s’alignesur la volonté du Président et celle desdirigeants de La Poste de créer un opéra-teur postal privé. Reste la remise officielledu rapport au gouvernement avant quecelui-ci ne décide du sort du service publicd’ici à la fin de l’année.Transmis dès le 9 décembre aux membresde la commission chargée d’étudier l’avenirde La Poste, le rapport a provoqué quelquesremous. Les syndicats ont claqué la porteau motif que « la commission Ailleret, crééepour répondre à la mobilisation contre la pri-vatisation de La Poste, pour un débat et unréférendum, a été largement instrumentaliséepar l’État », souligne un communiqué dela CFTC, FO-COM et SUD-PTT. Autreraison invoquée : le texte comporte nom-bre d’affirmations orientées vers des exi-gences de rentabilité financière, dans laseule perspective d’un changement de sta-tut et de l’ouverture de capital de l’entre-prise publique.Contrairement à ce qu’affirme FrançoisAilleret, « les débats n’ont pas été sereins au seinde la commission, sous la pression constante

d’une campagne de promotion du projet de pri-vatisation de LaPoste par ses dirigeants ». Aucundes sujets du dossier n’a été mis aux voix,affirment les syndicats. Le président de lacommission, qui a organisé 16 réunionsentre le 26 septembre et le 11 décembre, apourtant estimé, dans une belle langue debois, que « le travail s’est déroulé dans uneambiance sereine et constructive » et que « lesdébats ont été libres et ouverts ». Sans autrecommentaire, François Ailleret conclutque « la majorité des membres de la commission[se sont prononcés] pour une transformationdu statut de l’entreprise en société anonyme ».

Pour couper l’herbe sous le pied aux opposantsau changement de statut de l’entreprisepublique, la commission assure que LaPostesera « détenue à sa création à 100 % par desinvestisseurs publics (État, FSI ou Caisse desdépôts et consignations) ». Et affirme : « Entoute hypothèse, la privatisation est exclue, etdes garanties d’ordre législatif devraient êtreapportées sur le caractère public de l’entreprise ».Cet argument, avec celui de la dette de l’en-treprise (sans aucune explication sur sonorigine), est loin de convaincre puisque,dans le passé, les mêmes avaient prévalupour aboutir à la privatisation de FranceTélécom, de GDF et d’EDF.La commission Ailleret admet que « l’hy-pothèse d’un appel à des investisseurs privés n’estni souhaitable ni crédible » en période de crisefinancière et économique… pour se contre-dire quelques pages plus loin. La créationd’une société anonyme présenterait « plu-sieurs avantages stratégiques, notamment dansla perspective de l’ouverture du marché [euro-péen] du courrier en 2011 ». Ce changementde statut s’impose parce que l’établisse-ment public « n’a pas d’actionnariat, et lesinvestisseurs qui lui apporteraient des fonds pro-pres n’auraient droit ni au versement d’un divi-dende, ni à une représentation au conseil d’ad-ministration ». Et le texte indique que LaPostepourra, le moment venu, « solliciter ulté-rieurement d’autres investisseurs que l’État pourmener à bien ses projets ».

« La satisfaction des besoins des usagers deLa Poste ne fait pas partie des objectifs du pro-jet retenu, orienté sur la vision d’un “business”postal basé sur la productivité au détriment dela solidarité et de l’égalité de traitement de la

population », estiment la CFTC, FO-COMet SUD-PTT. La commission ne défendque les objectifs de « croissance », de « confor-tement d’une dimension européenne sur les cré-neaux pertinents » et de « recherche constantede la compétitivité ». En guise d’argument,le rapport explique que la « réduction duhandicap concurrentiel qui affectait La Postelui a permis de multiplier sa rentabilité par dixen cinq ans ».Pourtant, « le développement des opérateurspostaux ne passe pas obligatoirement par desopérations de fusions et d’acquisitions à l’inter-national, estiment la CFTC, FO-COM etSUD-PTT dans leurs propositions pour lefinancement du service public postal.L’ac-tualité récente démontre même plutôt le contraire.Le président de LaPoste allemande vient d’ailleursd’annoncer un recentrage de son activité sur leterritoire national ». Dans un mémorandumde 27 pages présenté à la commission Aille-ret, la CGT rappelle notamment le bilan« désastreux » du processus de libéralisationdans le cadre du grand marché européenamorcé en 1997 et 2002. « L’ouverture à laconcurrence et les privatisations ont en effetconduit les opérateurs postaux à orienter leurschoix d’investissement et de tarification en fonc-tion des objectifs de rentabilité financière et deconquête de parts de marché au détriment des mis-sions de service public », rappelle-t-elle encitant l’échec de l’ouverture à la concur-rence en Suède et au Royaume-Uni.Le rapport Ailleret garantit les missionsde service public « et de service universeldans toutes leurs dimensions », obligatoiresdans une loi de 2005, mais sans préciserleur financement. Celui-ci, « déjà fortementsupporté par les collectivités locales et donc lescontribuables, ne serait plus assuré, comme entémoigne le contrat de service public pour 2008-2012 signé récemment entre La Poste et l’État »,rappelle la CGT. Les organisations syn-dicales se rencontreront vendredi19 décembre pour « examiner les conditionsde la poursuite » du mouvement social, àl’occasion de la tenue d’une commissiond’échanges stratégiques sur la situationde La Poste. Le rapport Ailleret confirmeen tout cas que le sort de celle-ci est scellé.Reste à faire avaler la pilule aux usagers,élus et syndicats.

THIERRY BRUN

É c o n o m i e / S o c i a lLLAA PPOOSSTTEE

La privatisation

pour seul horizon

V

La commission Ailleret sur le développement de La Poste a suivi la voie de

la rentabilité financière pour exiger le changement de statut et l’ouverture

du capital de cette entreprise publique.

DANIAU/AFP

Selon les syndicats, la commission ne défend que des objectifs de croissance.

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Du fond de leur marasme, les boursesmontent un jour, chutent un autre,mais l’économie, la vraie, ne cessede s’enfoncer. On ne sauraitreprocher aux institutions états-

uniennes leur passivité. Au mois d’août 2007,la banque centrale de ce pays, la Réservefédérale, initiait une série de baisses de sontaux d’intérêt. Les journaux assommaientleurs lecteurs des sommes prétendumentfaramineuses que celle-ci injectait dansl’économie pour soutenir le système financieren crise: un saut de 30milliards de dollars(moyenne janvier-juillet 2007) à 45 (pour lereste de l’année). Puis 115milliards début2008 (janvier-mars). Pourtant, les montantsdéversés jusqu’à cette date apparaissentdésormais bien modestes. En mars2008, seproduisait le premier bond en avant dans lamasse des crédits, accompagné d’unediversification des modes d’interventionvisant à leur élargissement: unemultiplication par un facteurd’environ 4 du soutien totaljusqu’à 454milliards (avril-septembre 2008). Enfin dusérieux. Ce premier cataplasmefut appliqué pendant unsemestre. Un an de crise, déjà,mais la fièvre ne tombait pas.Voilà que la Réserve fédéraleétend de nouveau le volume deson soutien. Encore unemultiplication par 4 :1 882 milliards en novembre!

Trois phénomènes nouveauxsont intervenus autour deseptembre2008. Ils ont pournoms faillites, récession etglobalisation de la crise.– La vague de faillites dessociétés financières prend desproportions alarmantes. Lesinstitutions de refinancement des créditsimmobiliers Fannie Mae et Freddie Mac(privatisées dans les années 1970 mais dites«sponsorisées» par le gouvernement) sontreprises en main par l’État. Le monde voitdéfiler les plus grands noms de la finance aubord de la faillite ou sauvés de justesse:Lehmann Brothers, AIG, Wahington Mutual,Merryl Lynch, Citigroup…– L’économie des États-Unis se précipite dansla récession. Les prévisions pour 2009laissaient entrevoir des chutes de laproduction de 0,1%, vite réajustées à 1%,mais de vrais chiffres catastrophiques sontavancés à mots couverts. Si le sauvetage dela finance reste une préoccupation majeure,ce qui inquiète le plus maintenant est lachute de la demande intérieure. Aux États-Unis, on peut parler d’un effondrement desventes «de détail». Les conjoncturistes ontles yeux rivés sur le nombre de véhiculesvendus, une diminution de 24% en un an. Lesgéants de l’automobile sont au bord dugouffre. L’ombre de la crise de 1929 plane.

«Dépression» ? On ose à peine prononcer lemot, mais on y songe. Le chômage de masse,la misère…

– Globalisation de la crise. Le derniertrimestre 2008 signale l’extension de la criseà l’ensemble de la planète. Jusqu’alors, onpouvait penser que la vente de titres douteuxau reste du monde avait propagé la gangrèneaux pays qui financent l’économie états-unienne par leurs placements. Mais leschoses sont plus sérieuses. La Grande-Bretagne, petite sœur des États-Unis dans lacourse à la financiarisation, estprofondément ébranlée. Certains s’alarment:peut-on encore sauver Londres dans son rôlede plate-forme financière mondiale? Le beaurêve de Margaret Thatcher tournerait-il aucauchemar? À la confusion financières’ajoute le chaos monétaire. La tempête desmouvements de capitaux souffle sur les taux

de change. Le yen s’envole vis-à-vis du dollar, alors que tousprévoyaient l’effondrement dubillet vert, et la plupart desautres monnaies (l’euro, la livre,mais aussi le réal brésilien)décrochent par rapport audollar. En quatre mois, le yens’est apprécié de 16% ; le réala perdu 37% (1). Certains paysdits émergents sontconfrontés à la fonte de leursréserves en devises. Peu aprèsseptembre2008, et pas parhasard, la Banque centraleeuropéenne sort de sa torpeuret déverse à son tour sescrédits sur le systèmefinancier. Le FMI intervient à lahauteur de ses moyens mais,surtout, la Réserve fédéraleinonde la planète de dollarspar le biais de gigantesques

opérations d’échange de monnaie (dites deswap). Une charité bien ordonnée quicommence par le désir de préserver laprééminence internationale du dollar.

« Disposés à tout», au moins «àbeaucoup» : l’extension des soutiens depuisseptembre2008 en fait la preuve. Mais tousles indicateurs sont désormais au rouge etsignalent que la détermination à agir ne suffitpas à arrêter la glissade. Comment souteniralors l’activité? Côté offre de crédit, lesbanques sont au plancher. Côté demande decrédit, les ménages ont crevé le plafond.Reste l’État, le budget cette fois. Tout vareposer sur lui. La mécanique est déjà enmarche aux États-Unis: un déficit qui atteint6% de la production du pays. L’équipe deBarack Obama annonce un plan de 1000milliards de dollars. De l’autre côté del’Atlantique, risquons un pronostic: le seuileuropéen des 3% ne résistera pas à la crise.(1) Par rapport au dollar, entre le 1er août et le 4 décembre.* Directeur de recherche au CNRS.

Une crise toujours plus profonde

Troisphénomènesnouveaux sontintervenusautour deseptembre2008 : faillites,récession etglobalisationde la crise.

ÀÀ CCOONNTTRREE--CCOOUURRAANNTT

GÉRARD DUMÉNIL*

RETRAITESLes mères trop avantagées ?Après l’âge limite de départ en retraite fixéà 70 ans et validé par le Conseilconstitutionnel, après la suppressionenvisagée (mais repoussée) de la demi-partfiscale à vie pour les personnes ayant élevéseules un enfant, un nouveau coup seprépare. Il concerne cette fois-ci les mèresde famille salariées du privé qui bénéficientd’une compensation familiale résultant dela charge d’enfant. Un rapport du Conseild’orientation des retraites (COR) consacréaux « droits familiaux et conjugaux », quidoit être rendu public ce jeudi 18 décembre,préconise de réduire de deux ans à un an lamajoration de cotisation dont bénéficientles mères. L’instance réunissantparlementaires, représentants despartenaires sociaux, experts etreprésentants de l’État estime que cesdeux années « offertes » ne sont pas« l’instrument le plus adapté » et proposede les compenser par une augmentation dela pension de 100 à 500 euros par an et parenfant. Ces compensations ont étéinstituées, rappelle la Caisse nationaled’allocations familiales, pour « corriger lesdéséquilibres liés à l’existence de chargesde famille, compenser les interruptionsd’activité, pallier le défaut d’épargnerésultant de la charge d’enfant » ou encore« encourager la natalité ». La HauteAutorité de lutte contre les discriminationset pour l’égalité (Halde) a cependant mis encause ces compensations, et demandé augouvernement d’accorder aux pères lesmêmes droits qu’aux mères. La Halde juge« discriminatoire » que les hommes nepuissent bénéficier de la bonification quiexiste déjà dans le secteur public.

Au-delà de la « discrimination » liée àl’évolution sociologique des familles,l’aspect financier semble motiver lesmembres du COR, qui ont chiffré cettemesure entre 3,5 et 4 milliards d’euros paran, à ajouter aux 3,5 milliards versés autitre de l’assurance-vieillesse des parentsau foyer et aux 6 milliards versés au titrede la bonification pour les assurés ayantélevé au moins trois enfants. Le CORsuggère des évolutions à « enveloppesbudgétaires constantes », mais lesassociations familiales y voient un marchéde dupes. François Fondard, président del’Union nationale des associationsfamiliales, a rappelé que « les deux annéesde majoration par enfant sont essentiellesen matière de revalorisation des retraitesdes femmes, qui sont inférieures de 40 %à celles des hommes, surtout parcequ’elles ont arrêté de travailler ». Or, cesinégalités persistent, et la législationeuropéenne précise que le principed’égalité n’empêche pas le maintien oul’adoption de mesures en faveur du sexedésavantagé. Comment ne pas voir dansles propositions du COR la préparation denouvelles mesures de réduction desretraites ?

T. B.

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La crise financière est pour vous l’occasion deprésenter dans un livre, Monnaies régionales, denouvelles voies vers une prospérité durable, uneproposition peu orthodoxe : il s’agit d’encoura-ger l’introduction de monnaies régionales commecomplément nécessaire à l’euro. Pourquoi avoirrecours à de telles devises ?Bernard Lietaer : Quand on parle de déve-loppement régional avec une monnaiecentralisée, il y a une contradiction sys-témique. Une monnaie centrale a commeeffet de concentrer les décisions et les res-sources. Le cas français est assez clair.Paris est devenu incontournable. Unemonnaie régionale couvre un territoiregéographique donné, auquel les gens s’identifient. Aussi, ces derniers sont dispo-sés à faire des efforts pour le développe-ment de cette région. Sur le plan social, lamonnaie régionale permet une cohésionlocale renforcée. Sur le plan commercial,les entreprises locales utilisent la mon-naie régionale comme outil de fidélisa-tion, ce qui leur permet de mieux survivreaux assauts des grandes chaînes com-merciales. Les monnaies régionales detype crédit mutuel sont créées par les gensou les entreprises lors de l’échange : levendeur reçoit un crédit, l’acheteur le débitcorrespondant. Dès qu’il y a accord pourfaire un échange, cette monnaie est doncpar définition disponible en quantité suf-fisante. Au contraire des euros, que l’acheteur doit obtenir de sa banque. Si labanque ne veut pas ou ne peut pas four-nir le crédit, tout s’arrête.

De nouvelles monnaies sont-elles expérimentéesen Europe ?En Allemagne, il y a 28 monnaies régionalesen circulation. Un des systèmes les plusmûrs doit avoir 7 ou 8 ans, c’est le Chiem-gauer, en Bavière. Un Chiemgauer vaut uneuro. Les associations locales peuvent enacheter 100 à 97 euros et les vendre auxconsommateurs à 100 euros, gagnant ainsi3 euros pour leurs propres activités. Lesconsommateurs achètent des Chiemgauerà l’association qu’ils veulent appuyer, leurdonnant des revenus supplémentaires sansqu’ils aient besoin de faire une donation.Puis ils dépensent cette monnaie dans desmagasins locaux, soutenant aussi bien lesassociations que les commerçants. Les bou-tiques acceptent 100 Chiemgauer commeéquivalents de 100 euros et les dépensentpour leurs propres achats, ou les rem-boursent 95 euros. Elles attirent ainsi desconsommateurs additionnels. Elles peuventensuite soit utiliser les Chiemgauer pour

payer leurs fournisseurs, soit encaisser les100 Chiemgauer pour 95 euros. Cela leurcoûte donc 5 % de commission, ce qui leurdonne une bonne motivation pour fairecirculer la monnaie locale plutôt que del’encaisser en euros. En 2007, ce systèmereprésentait cinq millions d’euros pour l’économie régionale. On a récemment faitune enquête auprès des entreprises parti-cipantes et des citoyens, et les gens en sonttrès contents. Notez que ce type de mon-naie n’est pas rare : il y en a, entre autres,au Japon et en Suisse. La monnaie régio-nale permet de diversifier les modèles dedéveloppement, et aujourd’hui de faire faceaux défis de la crise.

Comment une monnaie régionale pourrait-elleêtre une solution à la crise économique actuelle ?Tout ce que les gouvernements sont entrain de faire pour sortir de la crise relèvede décisions nationales : on sauve lesbanques et les entreprises clés avec des cen-taines de milliards d’euros. Les solutions quel’on propose sont celles que le Japon a tes-tées pendant dix-huit ans sans résultat :renflouer les banques, faire tomber les tauxd’intérêts jusqu’à zéro, commencer desgrands projets de construction pour unerelance économique keynésienne… Je pense que ces mesures échoueront

chez nous aussi car le problème est structurel, non conjoncturel. Même si lacrise bancaire semble résolue, les banquesne pourront pas fournir des crédits auxentreprises comme avant. L’économieva ralentir. Aujourd’hui, 5 500 emploisdisparaissent en Europe chaque jour !En France, ne mentionnons que la fer-meture d’Amora à Dijon ou le dépôt debilan de la Camif.Les monnaies régionales ne permettrontpas d’éviter la crise, mais je suis certainqu’elles pourront en réduire la longueuret la profondeur. Avec une monnaie régio-nale, les entreprises pourront se prêter del’argent entre elles et garder les personnesdans l’emploi. Un tel système a démon-tré son efficacité en Suisse. Il est utilisédepuis soixante-quinze ans par65 000 entreprises du pays. Il s’appelle leWIR. La WIR banque fonctionne en deuxmonnaies : le franc suisse et le WIR. Lesentreprises s’échangent des crédits enWIR. Si les entreprises françaises intègrentce système et s’échangent des activités del’ordre de 10 % de leur chiffre d’affaires,c’est une bonne partie de la crise qui seraévitée. Dans la mesure où la crise estsérieuse, on a intérêt à mettre en placedes systèmes de monnaies régionales dansun avenir proche.

É c o n o m i e s o l i d a i r eEENNTTRREETTIIEENN

«Les monnaies régionales

peuvent réduire le chômage»

L’économiste

belge BBeerrnnaarrdd

LLiieettaaeerr est

spécialiste

des systèmes

monétaires

et a participé

à la création

de l’euro.

Il préconise

la création

de monnaies

régionales pour

sortir de la crise

économique

actuelle.La plupart des gens continuent à penser que l’euro est la seule monnaie possible.

DR

MEYER/AFP

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JEUDI 18 DÉCEMBRE 2008 / POLITIS / 15

É c o n o m i e s o l i d a i r e

UNIVERSITÉ POPULAIREAu service des territoiresLa sixième rencontre del’Université populaire etcitoyenne de Paris aura lieule 13 janvier sur le thème :« De nouvelles politiquespour une économie auservice des territoireset des populations ».Organisée par le Cnam,Social Polis et l’institutCDC (Caisse des dépôts)pour la recherche,en partenariat avecAlternatives économiques,Politis, l’Institut Polanyi etI’Institut européen pourl’économie solidaire(Inees), cette rencontreprésentera « les politiquespubliques qui se mettent enplace pour soutenir desformes et logiqueséconomiques au servicedes territoires et des

populations », regroupéessous l’appellationd’économie sociale etsolidaire. L’entrée estgratuite, mais le nombre deplaces est limité. Il estdonc recommandé deréserver dès à présentsa place.Inscriptions : Nadine da Rocha,tél. : 01 58 80 88 29,01 40 25 10 85,[email protected]

ÎLE-DE-FRANCEDe nouveauxfinancementsFrancine Bavay, vice-présidente du conseilrégional d’Île-de-France,chargée de l’économiesociale et solidaire (ESS),a obtenu de nouvellessubventions pour cesecteur, à hauteur de1,3 million d’euros.Présentées le 27 novembreà la commissionpermanente du conseil

régional, une série demesures de soutien à l’ESSont été adoptées. Parmi les organisationssubventionnées, figurel’Association pour le droit àl’initiative économique(Adie), les couveuses etcoopératives d’activités etd’emploi, Fair Planet,créateur de la marque TudoBom. Des conventionstriennales ont été adoptéesavec, notamment,l’association Chantier Écoleet l’association Pades,programmed’autoproduction et dedéveloppement social. Les rencontres « Produitintérieur doux » (2008-2009), projet porté par la coopérative ouvrièrede production (scop)Direction humaine des ressources (DHR), ontaussi obtenu l’appui du conseil régional.

Est-il possible de mettre en place ce système enFrance ?Bien sûr. Vous avez déjà décentralisé lepouvoir aux régions d’un point de vue admi-nistratif de façon impressionnante. Mais,vous n’avez pas donné l’outil principal auxrégions pour se développer : la monnaie.Mon objectif est de déployer un dispositifde monnaies régionales qui couvriraient lazone euro, et qui seraient compatibles entreelles. Cette monnaie pourrait s’appelereurocom, « com » comme complémentaireou commercial. Un eurocom vaudrait uneuro. Cette monnaie permettrait de réduirel’impact de la crise pour les petites et moyen-nes entreprises. Elle aurait pour rôle deconnecter des besoins non satisfaits en eurosavec les ressources sous-utilisées d’unerégion, de réduire le chômage dans unelocalité ciblée et de renforcer le pouvoird’achat. Chaque région utiliserait l’euro-com en fonction de ses propres priorités.

Dans votre livre, vous insistez sur la fonctionsociale des monnaies régionales. Serait-ce unmoyen de résoudre certains problèmes sociaux ?Effectivement, en plus d’une monnaierégionale pour les affaires économiques detype WIR, on a déjà introduit dans cinqrégions de France le système SOL, porteurde plusieurs monnaies à fonction socialessur une seule carte à puce. Ce systèmecomprend, entre autres, une monnaie-temps pour des échanges de services etde connaissances. La plupart des gens continuent de pen-ser que l’euro est la seule monnaie possible.Pourtant, historiquement, en France, lesmonnaies régionales étaient partout. Ona connu plus de mille ans d’histoire avecdes monnaies régionales en France. C’estseulement à partir de Napoléon que les der-niers vestiges de monnaies régionales ontcomplètement disparu.

La crise économique remet en cause le sys-tème capitaliste et mondialisé dans lequelnous vivons. Les monnaies régionales pour-raient-elles pallier les effets négatifs de lamondialisation ?Une stratégie de monnaies régionalesest un outil efficace pour contrebalan-cer la mondialisation. En effet, la mobi-lité globale du capital, qui a transforméle monde en un espace économiqueunique, n’est pas neutre : elle fait partiedes mécanismes qui accentuent l’inéga-lité dans les revenus et dans l’accès auxressources de la planète. Une monnaierégionale évite la perte d’identité, recréeles communautés et relocalise l’écono-mie. Elle permet aux entreprises localesde se défendre contre les multinatio nales.Les Français seront en meilleure condi-tion pour se sortir de la crise avec l’euroet des monnaies régionales.

PROPOS RECUEILLIS PAR MANON LOUBET

Changer notre regard sur l’économie

Quand Bernard Lietaer etMargrit Kennedy proposent dedévelopper des monnaiesrégionales, dites aussicomplémentaires, ils changentnotre regard sur les processuséconomiques locaux etinternationaux. Et tententd’apporter une réponse à unecrise financière puiséconomique qui est loin d’êtreachevée. Pour eux, unemonnaie régionale « a commerôle de connecter des besoinsnon satisfaits en euros avec lesressources sous-utilisées de larégion». Leur préoccupationest sociale et écologique, etleur expérience est précieuse.Margrit Kennedy, professeurd’architecture et d’urbanismeen Allemagne, spécialisée dansles techniques de constructionécologique, a inspiré avecBernard Lietear le lancement de63projets de monnaiesrégionales en paysgermanophone. Cetuniversitaire classique,professeur de financeinternationale, a fait carrière àla Banque centrale de Belgiqueoù il a été notammentresponsable de la conception etde la mise en œuvre de l’ECU, lesystème de convergence qui aabouti à l’euro. Le message queveut faire passer ce spécialistedes systèmes monétairessuppose une révision drastiquedes théories en vigueur. Unillustre prédécesseur avait déjàemprunté cette voie enimaginant des monnaies duales.Il se nommait Keynes.

T. B.Monnaies régionales, de nouvellesvoies vers une prospérité durable,Bernard Lietaer et MargritKennedy, éditions Charles-LéopoldMayer, 256 p., 20 euros.

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es parents en savent quelque chose. Pourceux qui, par désir ou nécessité, doiventconcilier vie professionnelle et vie fami-liale, la recherche d’une place en crècheou d’une assistante maternelle pour lestout-petits est un moment crucial, voireune source d’angoisse. D’autant qu’enmatière de garde d’enfants, tout le monden’est pas logé à la même enseigne. La Francepossède l’un des meilleurs systèmes aumonde pour les moins de 3 ans : crèches(municipales, associatives, parentales), haltes-garderies, jardins d’enfants, assis-tantes maternelles, assistants familiaux.Mais si la diversité existe, le modèle fran-çais souffre de disparités importantes :pénurie de places, inégalités géographiques,incompatibilité avec les horaires de travail.Comment adapter les modes de garde auxrythmes de travail actuels ? Un dossier detaille pour les politiques publiques.

La France a adopté une politique volontaristedans les années 1980 : développement descrèches et autres modes de garde, aidesfinancières pour la famille, reconnaissancedu métier d’assistante maternelle, etc. « C’estle résultat d’un mouvement des femmes pourconcilier vie familiale et professionnelle, expliqueDanielle Boyer, sociologue à la Caissenationale d’allocations familiales (CAF).Mais aussi d’une préoccupation forte pour main-tenir un taux de natalité élevé. » Avec l’Ir-lande, la France détient le plus fort taux denatalité d’Europe (près de deux enfantspar femme), et 82 % des Françaises de 25à 49 ans travaillent. Un record. Pour pro-mouvoir l’accès des femmes à l’emploi,mais aussi faire face au vieillissement dela population, l’Union européenne a fixédes objectifs aux États membres : ils doi-vent prévoir des structures d’accueil pourau moins un tiers des enfants n’ayant pasl’âge d’être scolarisés.La France est bonne élève puisque 30 %des 2,4millions d’enfants de moins de 3 ansbénéficient d’un mode de garde. Ce qui nerègle qu’une partie du problème : quellesolution pour les autres ? Bien souvent, iln’y en a qu’une : la famille. C’est-à-dire lamère, pour l’immense majorité. 98 % desbénéficiaires du congé parental, qui inter-rompent donc leur carrière pour un tempsplus ou moins long afin d’assurer la garde

de leurs enfants, sont des mères. « En France,rien n’est fait pour inciter les pères à prendre uncongé parental, déplore Danielle Boyer. Laquestion de l’égalité entre hommes et femmes,notamment dans le monde professionnel, n’estpas au centre des dispositifs. Tant que les inéga-lités se maintiendront dans l’emploi, elles semaintiendront dans la vie privée. »Et tant queles femmes seront globalement moins payéesque les hommes, le choix de celui qui s’ar-rête de travailler pour s’occuper des enfantscontinuera à se porter sur elles. Érigé en modèle, le dispositif suédois pri-vilégie la coparentalité : le congé parentaly est de 16 mois, rémunéré à 80 %, dont30 jours non transférables, obligatoirementréservés au père. « La plupart ne vont pas au-delà des 30 jours. Donc c’est la femme qui resteà la maison, nuance Danielle Boyer. EnFrance, la ségrégation exercée au travail enversles femmes est verticale. Mais, en Suède, la dis-crimination est d’une autre nature : elles sontcantonnées dans des sphères professionnelles par-ticulières, et surreprésentées dans les servicespublics. Tandis qu’en France elles ont investi àpeu près tous les champs professionnels. Nousn’avons pas la même histoire. »

Reste qu’en termes d’accueil la France a encorede gros efforts à fournir. Il faudrait

300 000 à 500 000 places supplémentairestous modes de garde confondus. Le sys-tème accuse également des disparités entermes de coût : malgré le versement à lafamille d’aides directes de la CAF via laPrestation d’accueil du jeune enfant, lecoût restant à la charge des familles dépendlargement du mode de garde. La crèche estle moins onéreux : 230 euros par mois enmoyenne, le tarif étant indexé sur les reve-nus déclarés, contre plus de 300 euros parmois pour une assistante maternelle. Lescrèches, qui sont financées par les collec-tivités et subventionnées par les CAF, n’ac-cueillent que 9 % des enfants gardés à l’ex-térieur. Le recours à une assistantematernelle concerne plus de 18 % d’en-tre eux. Si 11 000 places de crèches sontcréées chaque année, le rythme est loind’être suffisant, et la demande ne cessed’augmenter.Autre enjeu pour la politique de la petiteenfance : répondre à la mutation de lastructure familiale. La multiplication desfamilles recomposées, homoparentales oumonoparentales oblige aussi à repenserle système des modes de garde. Le nom-bre de familles monoparentales explose.Fragiles économiquement, celles-ci n’ontd’autre alternative que de se maintenir

S o c i é t éFFAAMMIILLLLEE

Qui va garder

les enfants?

LCrèches, haltes-garderies, assistantes maternelles… Les systèmes de garde

français sont divers mais s’adaptent encore mal à l’évolution des familles

et des rythmes de travail, malgré quelques initiatives associatives.

16 / POLITIS / JEUDI 18 DÉCEMBRE 2008

DANIAU/AFP

Les crèches n’accueillent que 9 % des enfants gardés à l’extérieur.

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S o c i é t éSANTÉPsychiatrieLe 2décembre, Nicolas Sarkozy a annoncé«un plan de sécurisation des hôpitaux» quifait bondir la profession. Création de 200chambres d’isolement, contrôle despermissions de sortie, systématisation dessoins sous contrainte, utilisation de braceletsélectroniques…Une fois de plus, le chef del’État répond par la sécurité à l’émotionengendrée par un fait divers. Ici, l’agressionmortelle d’un étudiant grenoblois par unpatient. « Relance d’une politique de lapeur», s’insurgent 39soignants dans un appelpublié par Libération le 15décembre. « Enamalgamant la folie à une pure dangerositésociale, en assimilant la maladie mentale à dela délinquance, est justifié un plan demesures sécuritaires inacceptables.»

AFFAIRES DE MARCIAC ET PAVIEGendarmes contre profsLes versions divergent. Le récit par lesenseignants de l’intervention de gendarmesdans des établissements scolaires deMarciac et Pavie, mi-novembre, a étédémenti par le major Jeannyck Tribout,commandant de la brigade territorialeautonome d’Auch. « Le chien n’a agressépersonne et n’a démoli aucun ordinateur ouvêtement. Il y a eu des fouilles/palpationsde personnes qui ont été “marquées” par lechien, avec leur accord. Aucune personne nes’est retrouvée en caleçon», a-t-il préciséentre autres choses. Les personnels duCentre de formation et d’apprentissage dePavie, choqués, réaffirment l’irrespect desforces d’intervention ce jour-là, et ladégradation de matériel. La polémique n’enfinit pas de rebondir.

UNIVERSITÉSAppel du 12 décembreLes enseignants-chercheurs de Paris-Imontent au front. Afin de protester contre« la menace de dégradation des savoirs àl’université induite par les réformes encours», ils ont lancé le 12décembre unappel pour réclamer la suppression du projetde décret sur le statut des enseignants-chercheurs et la suspension des projets deréforme sur la masterisation et le concoursde recrutement des enseignants. Ils se disentprêts à organiser manifestations et/ourétention de copies et de maquettes demasters s’ils ne sont pas [email protected]

IMMIGRATIONDirective de la honte

Votée par leParlementeuropéen le18juin, la directiveRetourinstitutionnalisantl’expulsion desétrangers a étéadoptée le

9décembre sans débat au Conseil desministres «Transports, télécommunicationset énergie» de l’Union. « Contrairement à cequi a été indiqué à l’issue du Conseil, ce textea une incidence sur le droit d’asile, il nerespecte pas les droits des personnes ensituation irrégulière, et il n’offre pas dedisposition spéciale pour les personnesvulnérables», rappelle un collectifd’associations de défense des migrants quidemande au président en exercice de l’Union,au président de la Commission et auprésident du Parlement de saisir la Cour dejustice des communautés européennes.

JEUDI 18 DÉCEMBRE 2008 / POLITIS / 17

sur le marché du travail ou de s’en éloignerle moins longtemps possible. Plus géné-ralement, l’évolution du marché du tra-vail, qui impose de plus en plus de « flexi-bilité », rend inadéquats les horairespratiqués par les crèches classiques (7 h-18 h 30). Nombreux cumulent donc crècheet baby-sitter, avec le coût supplémentaireque cela implique. Les crèches d’entre-prises proposent plus aisément des ho -raires élargis, mais rares sont les sociétésqui en possèdent (environ 2 %). « En France,la participation des employeurs dans la vie pri-vée est socialement mal acceptée, note DanielleBoyer. Les entreprises restent réticentes. »

Les initiatives qui se multiplient pour répon-dre à certaines contraintes horaires sontprincipalement associatives : crèches paren-tales, crèches à horaires élargis, etc. À Paris,l’association la Maison des bout’chou a,depuis 1994, ouvert deux crèches collec-tives « à horaires décalés » dans les XIIIeet XIVe arrondissements. Elles offrent uneamplitude horaire inédite : 5 h 30-22 h etaccueillent en priorité les enfants dont lesparents ont des horaires atypiques. « Lematin, ce sont surtout ceux qui travaillent dansles centres de tri de La Poste, sur les marchés,dans des sociétés de ménage ou dans la res-tauration collective, et le soir, les intermittentsdu spectacle, les professions libérales et les parentstravaillant dans la vente », explique OdileParis, chargée de la coordination au seindes deux établissements. Si les horairessont extensibles, chaque enfant ne peutrester plus de dix heures par jour dans cescrèches. Odile Paris estime néanmoinsque ce type de structure ne doit pas deve-nir la règle. « L’important est de respecter lerythme de l’enfant. Un enfant qui arrive à5 h 30, c’est un enfant qui est réveillé très tôt.Il s’agit de répondre à un besoin et non d’en créerde nouveaux. Alors, quand on entend parlerdu travail le dimanche… »

Augmenter l’offre. Nadine Morano, secré-taire d’État à la famille, l’a bien compris :le 26 novembre dernier, elle a assuré vou-loir créer 200 000 à 400 000 places, tousmodes de garde confondus, d’ici à 2012.Mais elle a aussi affirmé ne pas pouvoir« couvrir la France de crèches », déficit de laSécurité sociale oblige. Comment compte-elle donc s’y prendre ? « En assouplissant lesnormes et en optimisant l’existant », assure-t-elle. C’est-à-dire en diminuant le tauxd’encadrement, qui est actuellement d’unadulte pour cinq enfants ne marchant pas,d’un adulte pour huit enfants en âge demarcher au sein des crèches, et de troisenfants par assistante maternelle. Cetteannonce inquiète le personnel de la petiteenfance qui redoute de devoir sacrifier laqualité aux impératifs numériques. Et,par là même, de voir les conditions de tra-vail et d’accueil se dégrader.

MATHILDE AZEROT

L’évolution du marché du travail, quiimpose de plusen plus de« flexibilité »,rend inadéquatsles horairespratiqués par les crèchesclassiques.Nombreuxcumulent donc crècheet baby-sitter, avec le coûtsupplémentaireque celaimplique.

IMMIGRATIONDroit au travail pour les RomsEn France, sans travail, on n’a droit àrien. C’est le contrat de travail quiconditionne le droit à un titre de séjour,à un logement, à l’assurance-maladie…Mais le droit de bosser n’est pas donnéà tout le monde: les procédures menantau permis de travail sont interminablespour les demandeurs étrangers etcoûteuses pour les employeurs, quidoivent verser une redevance minimumde 893euros à l’Agence nationale del’accueil des étrangers et desmigrations (Anaem). Un véritable frein.En outre, pour bénéficier d’un titre deséjour, il faut faire valoir un certainniveau de ressources, ce qui exclut defait les emplois à temps partiel. En bref,rien n’incite à l’embauche d’étrangers.Même quand ils proviennent d’un desnouveaux entrants dans l’Union. Eneffet, contrairement à d’autres paysmembres, la France a décidé deprolonger jusqu’en 2011 la périodetransitoire restreignant l’accès autravail des ressortissants roumains etbulgares. Conséquence : «Sur lesquelque 3000 Roms vivant en Île-de-France [une estimation, NDLR], seuleune poignée travaille légalement»,explique Chloé Faouzi, coordinatrice ducollectif Romeurop. Et ce, par le biais dela fameuse liste de 150 «métiers soustension» ouverts aux ressortissantsdes pays tiers. Soit des postes peuqualifiés représentant 40% des offresANPE et couvrant presque tous lessecteurs, d’après le collectif. La plupartdes Roms sont donc contraints à laprécarité ou à l’illégalité. C’est pourquoiune partie d’entre eux a pris l’initiatived’un rassemblement le 10décembre, àParis, pour réclamer le droit detravailler.

Ils étaient plus de 300Roms, arrivésnotamment des bidonvilles de Seine-Saint-Denis et du Val-d’Oise, dans 7busaffrétés par Romeurop, et environ150militants associatifs à se retrouverà l’intersection du ministère du Travailet de la Délégation européenne placeÉdouard-Herriot dans leVIIearrondissement. Si le ministère n’a pas daigné lesrecevoir, les manifestants ont reçumeilleur accueil de la part desinstances communautaires, qui leur onttémoigné « plus que de la courtoisie :de l’intérêt», se félicite Chloé Faouzi. Ilfaudra néanmoins un vrai poidspolitique pour lever le fameux «régimetransitoire». Principal argumentavancé par les pouvoirs publics : lechômage. Mais, d’une part, rien neprouve que les travailleurs roumains etbulgares déséquilibreraient le marchédu travail. Et, d’autre part, commentexpliquer ce barrage contre certainscitoyens européens en particulier?

I. M.

GOULIAMAKI/AFP

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É c h o s d e l a s e m a i n e

LE CHIFFRE

ICI…

2299 jjaannvviieerr2009, c’est la date retenuepar l’ensemble des syndicats (CFDT, CFE-CGC, CFTC, CGT,FO, FSU, Solidaires et Unsa) pour une journée nationalede grève et de manifestations. « La crise économiqueamplifiée par la crise financière internationale touchedurement une grande partie des salariés dans leursemplois et leurs revenus. Alors qu’ils ne sont en rienresponsables, les salariés, demandeurs d’emploi etretraités en sont les premières victimes», soulignentles syndicats, qui n’ont pas manqué de voir dans lereport de la réforme du lycée « un résultat desmobilisations» dans l’éducation. Une nouvelleintersyndicale aura lieu le 5 janvier pour, notamment,« amplifier et construire un rapport de forces». Onn’avait pas entendu cela depuis longtemps.

Recyclage de fondsÉco-emballage, qui collecte les cotisations des entreprisespour organiser des circuits de tri sélectif et de recyclagedes déchets d’emballages, plaçait aussi sélectivement unepartie de sa trésorerie: aux Îles Caïman, paradis fiscalnotoire, où l’on recycle beaucoup d’argent sale. Mais, avecla crise financière, l’organisme aurait perdu au moins15 millions d’euros. Une goutte d’eau face aux milliardsaspirés par la tourmente internationale. Sauf qu’Éco-emballage est agréé par les pouvoirs publics: Borloo ademandé la tête du directeur, obtenue lundi dernier,24 heures avant l’échéance du contrat avec l’État.

Union sacréeGaëtan Gorce a« remercié» samediJean-Pierre Jouyet, lesecrétaire d’État auxAffaires européennes,« pour les servicesqu’il a rendus –dansun contexte politiquedifficile– à la causeeuropéenne». Etsalué «l’éléganceintellectuelle et lacompétence» de sonsuccesseur, BrunoLe Maire, ex-directeur

de cabinet de Villepin. Le député socialiste de la Nièvre atenu à préciser qu’il s’exprimait « à titre personnel etcomme militant de l’Europe». Une précision bien inutile auregard de l’union sacrée en vigueur au PS sur ce dossier:« Quand nos engagements européens sont en cause, il n’y aplus de clivages politiques qui demeurent», déclaraitFrançois Hollande, le 21octobre, sur RTL.

Réforme, mode d’emploi !Il circule depuis peu sous le manteau. Le Livre blanc deTF 1 est un petit rapport concocté par la maison Bouygues.Il contient les éléments essentiels de la réforme del’audiovisuel public imposée par Sarkozy. Ce rapport lui aété remis juste avant la décision du 8 janvier. Il dénonceles contraintes de programmation, l’impossibilité deposséder en même temps une chaîne, une radio et unepresse, suggère une seconde pub dans les fictions, unallongement des pubs par heure et surtout la suppressiondes recettes publicitaires pour le service public.Libéralisation, dérégulation. Y avait qu’à demander !Bouygues en rêvait, Sarkozy l’a fait.

18 / POLITIS / JEUDI 18 DÉCEMBRE 2008

M o n d eGGRRÈÈCCEE

VITRINE DE GRANDES ENSEIGNES BRISÉES, banques van-dalisées, rixes quotidiennes entre jeunes émeutierset forces de l’ordre, mises à sac de commissariats,à Athènes et dans le reste de la Grèce. Le pays n’avait pas connu un tel chaos depuis la révolutionde 1974 et la chute de la dictature des colonels. Ledétonateur : la mort d’Alexis Grigoropoulos, 15 ans,sous le feu d’un policier le 6 décembre dernier. Aux avant-postes de la fronde, de jeunes anarchisteset des mouvements d’extrême gauche. Mais aussides novices qui lancent leurs premiers projectilescontre la brigade anti-émeute grecque. Constantin,18 ans, fait partie de ceux-là. Étudiant en droit,sympathisant d’extrême gau-che mais affilié à aucun mou-vement politique, il endécoud presque chaque soiravec la police dans les ave-nues du centre-ville ou à proximité de l’Universitépolytechnique d’Athènes,occupée par des étudiantsanarchistes. « Il y a une colèreaccumulée depuis tant detemps, lâche-t-il. Les mani-festations pacifistes n’ont jus-qu’ici rien donné. Ces émeu-tes ont un sens politique.Détruire une banque a un senspolitique également, c’est s’enprendre à ceux qui se font del’argent sur notre dos. »L’action des casseurs trouvemême grâce aux yeux de cer-tains manifestants, qui restentà distance des échauffouréesdans les cortèges. « Je n’ap-prouve pas les actes de vanda-lisme commis ces derniers jours,explique Néphélie, 20 ans,venue assister à un rassem-blement pacifiste de lycéens et d’étudiants devant leParlement. Mais ici, si on veut se faire entendre, on n’a pasle choix, malheureusement. »

Très rapidement, le mouvement devient l’expressiond’un ras-le-bol de la « génération 700 euros ». Cettesomme est le salaire moyen que peut espérer gagnerun jeune de 20 à 30 ans pour un premier emploi àtemps plein. Une classe d’âge qui semble ne pas avoirgoûté à une croissance économique que beaucoupde pays européens envieraient (3,9 % en 2007). Eneffet, le chômage chez les jeunes de 15 à 24 ansatteint 22,9 %, le taux le plus élevé dans l’Unioneuropéenne. Pour eux, peu de chances de quitterle nid familial avant 30 ans, à moins de cumuler deux,voire trois emplois à temps plein. « Comment vou-lez-vous faire avec un salaire de 700 euros et payer unloyer de 300 euros pour un petit studio dans les quar-tiers populaires d’Athènes ? », s’interroge Metexia,

33 ans, avocate, qui a quitté le foyer parental il y aseulement deux ans.Dans le flot des manifestations quotidiennes à tra-vers le pays, les revendications fusent : une meilleurecouverture sociale, l’accès à la création de richesseset, surtout, un meilleur système éducatif. En effet, lebudget consacré par l’État grec à l’éducation est endessous de la moyenne européenne, selon le Fondssocial européen. « Si je veux avoir mon bac, les coursdispensés au lycée ne suffisent pas », assure Alexandra,17 ans, inscrite dans une école privée allemande àAthènes. La lycéenne reçoit ainsi des cours particu-liers de grec ancien, d’histoire, de littérature, d’an-

glais et d’allemand. « Je ne suispas la seule, tout le monde faitça. » Et d’ajouter, résignée :« Partir à l’étranger pour y trou-ver un emploi ? Je ne le veux pas,mais il le faudra bien. »

« C’est un malaise social qui neconcerne pas les classes popu -laires mais les classes moyennes,estime Panayis Panagioto-poulos, socio logue à l’Uni-versité d’Athènes. Ces jeunesmanifestent une angoisse de per-dition sociale. »Une angoissecomprise par le reste de lapopulation : professeurs,commerçants vandalisés etparents. « Pour la première fois,les parents vont voir leurs enfantsgagner moins qu’eux. L’écono-mie ne parvient pas à assurer lamobilité sociale », poursuit lesociologue.À l’heure de la crise, la peurdu déclassement social touche donc en priorité lesclasses moyennes. Pour les

manifestants, le départ de Costas Caramanlis, à latête du gouvernement réélu en 2007, devient urgent.« Nous avons connu trop de scandales politiques ces der-niers mois… Ça devait péter, je m’y attendais, affirmeAlex, la trentaine. Caramanlis doit s’en aller. »Démission ou élections anticipées, le Premier mi -nistre a exclu ces deux hypothèses vendredi. Unmalaise social qui fait aussi écho à un malaise poli-tique au sein de la société grecque. « Cela fait aumoins vingt ans que les gens en ont marre de la politique.Aujourd’hui, le gouvernement est devenu illégitime »,constate Panayis Panagiotopoulos. « Optimiste ? Je me dois de l’être, souffle Kyriaki, étu-diante en sociologie, venue manifester pacifiquementdevant le Parlement à Athènes. Mais, si j’étais réaliste,je dirais que rien ne va changer. Après tout, nos pro blèmessont ceux de toute une génération européenne. »

ARIANE ET STÉPHANE PUCCINI (YOUPRESS.FR)

Le cri d’une générationLa révolte de la jeunesse grecque est loin d’être seulement

l’affaire de mouvements anarchistes. Toute une classe d’âge

est concernée. RReeppoorrttaaggee..

La «génération 700 euros» crie son ras-le-bol.

LABAN-MATTEI/AFP

FEDOUACH/AFP

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…ET AILLEURSL’Europe cède à IsraëlLes ministres des Affaires étrangères de l’Union européenneont adopté les 8 et 9 décembre, sous l’impulsion de laprésidence française, un texte destiné à « rehausser » lesrelations entre Israël et l’Union. Terrible ironie : ce texte a étéentériné le jour même où l’expert de l’ONU sur les droitshumains dans les territoires palestiniens, Richard Falk,demandait la mise en œuvre de « la norme reconnue de la“responsabilité de protéger” une population civile puniecollectivement par des politiques qui s’assimilent à un crimecontre l’humanité ».

Une pointure de hérosLe journaliste irakien qui a lancé une paire de chaussures endirection de George Bush est un «héros». C’est l’opinion duHezbollah libanais, exprimée lundi dans un communiqué. « C’estle baiser d’adieu au nom des veuves, des orphelins et despersonnes que vous avez tuées en Irak», a déclaré laformation chiite à l’adresse du président américain. Journalisted’une chaîne de télévision irakienne, Mountazer al-Zaïdi avaitlancé ses chaussures sur George Bush, qui les avait esquivéesde justesse, lors d’une conférence de presse à Bagdad.

Le capitalisme de MadoffBernard Madoff, ex-patron du Nasdaq, homme auxnombreux amis dans la finance et dans les clubshuppés new-yorkais, est désormais affublé dutitre de roi de l’escroquerie. Le prestigieux fondsspéculatif de ce ponte de la finance américaines’est écroulé comme un château de cartes. Lespertes s’élèveraient à 50milliards de dollars. Lamoitié des investisseurs étaient des fondsspéculatifs, le reste de la clientèle étant constituéde banques et de fortunes privées qui ne se sontpas encore fait connaître.

L’affaire Madoff devient ainsi le scandalefinancier le plus important du moment, reposantsur une technique bien connue : promettre desrendements rapides et juteux à des clients tout enpuisant dans les dépôts de nouveaux clients pourverser ces rendements. La fraude de BernardMadoff n’a rien à envier à celle imaginée parCharles Ponzi dans les années 1920. Elle ad’ailleurs été baptisée «chaîne de Ponzi» ou«pyramide de Ponzi» et est devenue un casd’école qui a suscité de nombreux imitateurs.L’économiste Thomas Coutrot rappelle dansPolitis (n°996, du 3avril) avec une certaineprémonition que « le parallèle est évident entre lachaîne de Ponzi et le système financier actuel»,et souligne que, dans les salles de marché desgrandes banques, « exactement la mêmetechnique est largement utilisée sous le nomd’“arbitrage”» pour des titres ou des devises.« Comment les Bourses ont-elles pu depuisvingtans garantir aux investisseurs desrendements moyens aussi élevés? », s’interroge-t-il. D’où le développement démentiel dessubprimes.

Madoff aurait finalement pris plus de risques enpromettant la Lune, et son escroquerie aurait pucontinuer et passer inaperçue s’il n’y avait eu lekrach boursier. Rien n’empêche un systèmefinancier totalement libéralisé de recommenceravec un autre Madoff…

THIERRY BRUN

Benoît Hamon resterait-il àson poste si Martine Aubrychoisissait une lignepolitique trop éloignée dece qu’il défendait dans samotion? À cette questiond’un journaliste dans«Questions degénération», sur France4,lundi, le nouveau porte-parole s’en tient à uneposition de principe: « Iln’est pas question que jesois l’interprète d’une lignepolitique que je ne partagepas.» Démissionnera-t-il ?relance notre confrère.« Oui, tranche Hamon, maisj’espère qu’on n’en arriverapas là.» Voilà la premièresecrétaire prévenue. Etnous aussi : tant qu’ilrestera, il sera d’accord.

HachettetoujoursXavier Darcos a choisiEurope1, lundi midi, pours’expliquer sur le report dela réforme de la classe deseconde: « C’est unedécision que j’ai prise moi-même, que j’ai mûrementconcertée [sic] pendant leweek-end, mais évidemmentj’ai consulté plusieurs fois leprésident de la Républiquelui-même, avec qui j’ai euplusieurs entretiens pourqu’il me donne son accord.»Les concertations étaienttelles que, la veille, leministre révélait « enexclusivité» sa réformedans un entretien au Journaldu dimanche (du mêmegroupe). « Il est tempsd’agir», déclarait-il, avantd’estimer lundi que « leclimat ne se prête pas àavancer sereinement». SousSarkoIer, les ministres ontfait leur la devise du Bossu:« Si tu ne vas pas àLagardère, Lagardère iraà toi.»

Vu !

Entendu !

Lu !

Le gouvernement va faireexaminer par lesdéputés un projet de loi permettant augouvernement de limiter le temps dontdisposent les députés pour examiner les projets de lois. Le gouvernement a-t-ilpris le temps de la réflexion?

OLIVIER BRISSON

EN DEUX MOTS…

COUP DE CRAYON…

EMMERT/AFP

Procèsd’intentionDans l’hebdomadaireActualité juive, lejournaliste très engagéClément Weill-Raynalsuggère que PascalBoniface, directeur del’Iris, a « dérapé lorsd’une conférence àAlger», où il aurait,d’après « le quotidienarabophone El Khabar»,prôné la constitution enFrance d’un « lobbymusulman […] à l’instardu lobby juif ».Problème : Boniface niecatégoriquement avoirtenu les propos que luiprête le journalalgérien. Mais cetteminuscule imperfectionne dérange absolumentpas Clément Weill-Raynal, qui sembleconsidérer cettepublication comme unesource particulièrementfiable, et qui assène,malgré son démenti,que Pascal Bonifaceaurait dû « faire preuved’une plus grandeprudence». Lejournalisme, parfois,c’est simple comme unprocès d’intention.

Salauds defonctionnairesAlain Minc voit dans lestemps difficiles desraisons d’espérer : « Il ya une partie de laFrance qui estcomplètement horscrise», explique-t-ildans le Parisien delundi. Qui sont cesmiraculés ? Lesbénéficiaires du paquetfiscal ? Les banquiers àqui le gouvernementvient de voter unsecours de10,5 milliards d’euros ?Le président d’A(lain)M(inc) Conseil ?Nullement : les heureuxgagnants sont « ceuxqui sont sous statut »– comprendre : les« fonctionnaires», dontl’opulente « épargne estrémunérée à 4% à laBanque postale». Desprofiteurs, en somme…

JEUDI 18 DÉCEMBRE 2008 / POLITIS / 19

BONAVENTURE/AFP

Notre ami Aurel vient de recevoir le «prix spécial de la parolelibre» pour le dessin ci-dessus paru dans leNouvel Obs. Un«prix spécial» pour un «conseiller spécial» qui ressembleévidemment beaucoup à Henri Guaino, auteur du pathétiquediscours de Dakar prononcé par Nicolas Sarkozy le 26juillet2007. Voir sur le sujet, dans Politis n°1030, notre article«Leçon d’Afrique pour Sarkozy».www.club-presse-provence.comwww.cartooningforpeace.org

É c h o s d e l a s e m a i n e

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est quoi, une vieille dame ? À la fin deson nouveau film, les Plages d’Agnès, lesamis d’Agnès Varda lui fêtent son anni-versaire, apportant en guise de cadeau desbalais. En tout, 80 balais, en incluant lesquatre petits et adorables balais de chiottesqu’Agnès Varda a installés dans un potde fleur, et celui qu’on lui a envoyé parInternet. Varda, une vieille dame ? Cepetit bout de femme n’a que 80 ans. Autantdire une gamine, une gamine espiègle, ori-ginale et tendre, qui a déjà un long passé,en particulier de cinéma. Tel est le sujet desPlages d’Agnès, autobiographie filmée, auto-portrait par cinéVarda interposé, un film« à reculons » qui remonte le temps, et,comme souvent dans ce film, la cinéasteprolonge le mot par le geste et se filmemarchant à contresens. « Faire le clown meconvient et m’a permis de prendre du recul »,dit-elle a posteriori.

Aux antipodes de la nostalgie sépia, les Plagesd’Agnès ressemble à un collier de perles d’images ramassées sur les plages qui ontjalonné la vie de la cinéaste, qui y retournepour l’occasion : celles de Sète, de Cali-fornie, de Noirmoutier… De son enfancesétoise à son travail de photographe auTNP de Jean Vilar, de son premier film,la Pointe courte (1955, montage Alain Res-nais), à ses années de vie commune avecJacques Demy, en passant par son mili-tantisme féministe ou sa dernière expo à laFondation Cartier pour l’art contemporain(2006), la grande Varda multiplie les cou-leurs, les sons, les impressions, les anec-dotes. Ne s’appesantit jamais, dévale lapente de ses souvenirs avec un sourire atten-dri, parfois franchement triste, plus sou-vent amusé, mais jamais narcissique.Agnès Varda est indécrottablement docu-mentariste. L’intéressent avant tout : lesautres. Elle avoue qu’elle ne savait pas sielle aimerait faire ce film sur elle. Mêmequand sa caméra la filme, Agnès Vardaagit comme un miroir où proches, amis,pairs ou collaborateurs viennent se reflé-ter. Pas étonnant que la cinéaste com-mence son film en installant quelquesmiroirs sur une plage du Nord (elle estnée à Bruxelles). Le dispositif lui res-semble. Il diffracte la réalité en plusieursreprésentations, et interroge, mine derien, le statut de l’image montrée– directe ? Indirecte ?

Les Plages d’Agnès est un film d’une libertéincroyable. Pas de quant à soi, pas de « çane se fait pas » – ainsi, Agnès Varda tourneune scène où elle pleure à chaudes larmesdevant la caméra ses chers disparus qu’ellea photographiés jadis, Seyrig, Gérard Phi-lipe, Noiret, qui joua son premier rôle dansla Pointe courte, mais aussi Sabine Mamou,la monteuse de Jacques Demy qui fut l’ac-trice d’un de ses films, d’autres encore, et biensûr le réalisateur des Parapluies de Cher-bourg… Elle préfère les correspondances etles résonances au respect des frontières et desallées bien taillées. Pour dire sa vérité, ellemêle images documentaires, archives, rêve-ries et images de fiction, celles de ses films,Cléo de 5 à 7, L’une chante l’autre pas, Murs murs,Sans toit ni loi, les Glaneurs et la glaneuse…

Les Plages d’Agnès est un objet à part, unefantaisie mélancolique aux allures de col-lage surréaliste. Ici, la cinéaste reconstituela silhouette d’une baleine à l’intérieur delaquelle elle repose sur un lit d’étoffes auxcouleurs chaudes, pour dire que, jeune fille,les hommes l’impressionnaient et qu’elleavait tendance à vouloir rester à l’abri de leurpouvoir de séduction. Là, elle fait sortir deleur tableau les Amoureux de Magritte, qui,tout en gardant leur drap sur le visage,deviennent un couple de chair et de sang,aux attributs sexuels prêts à s’exprimer…

Il y a une poésie Varda, qui a les mêmes sono-rités que les Gymnopédies de Satie, ou lesmêmes lignes que les mobiles de Calder,ténues, cocasses et précises. Pour parlerde sa vie à Paris, et de sa maison de pro-duction, Ciné-Tamaris, qu’elle a créée enmême temps qu’elle devenait cinéaste, ellea fait déverser des monceaux de sable dans« sa » rue, la rue Daguerre (où elle a déjàtourné une chronique, Daguerréotypes),créant ainsi « son » Paris-plage. Toute l’équipe de Ciné-Tamaris, entièrementféminine, y est en légère tenue d’été et yréinvente une activité ordinaire de bureau.Agnès V. ou la fée du cinéma.Bien sûr, il y a aussi de la gravité. On est par-ticulièrement ému d’entendre Agnès Vardaparler de la maladie qui a tué JacquesDemy : non pas un cancer, contrairementà ce que la cinéaste, très « gardienne dutemple » en l’occurrence, a longtemps pré-tendu, mais le sida. Et c’est avec une dou-ceur infinie qu’elle évoque le tournage deJacquot de Nantes, film d’Agnès sur la jeu-nesse de Jacques, dont la fin alors étaitimminente, chacun le savait, lui le premier.Les Plages d’Agnès est un cadeau. Un cadeaude jeunesse. Un enchantement qui dispensela culture du bonheur. Et puisqu’il n’y aaucune raison de ne pas vous le dire, MelleVarda : nous vous aimons pour ça !

CHRISTOPHE KANTCHEFF

20 / POLITIS / JEUDI 18 DÉCEMBRE 2008

C u l t u r eCCIINNÉÉMMAA

La grande Varda

C’2008-CINE TAMARIS

« Les Plages d’Agnès» est un objet à part, une fantaisie mélancolique aux allures de collage surréaliste.

Avec « les Plages d’Agnès », la cinéaste de 80 ans revient sur sa vie, plus

jeune et libre que jamais. Un film enchanteur aux allures de fantaisie

parfois mélancolique et souvent drolatique.

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IL Y EUT UN TEMPS où le théâtre, taraudé par l’ab-surde, ne croyait plus au langage et cherchait à enmontrer le vide ou le mensonge. À présent, tous lesauteurs contemporains cherchent à le reconstruire.Dans cette tentative, Valère Novarina est en premièreligne. Son œuvre est une danse verbale autour dumystère de la vie. Jusqu’à maintenant, Novarina avait le plus sou-vent mis lui-même ses œuvres en scène dans unethéâtralité mythologique. Peu d’artistes avaientaffront son écriture géniale et difficile, sauf ClaudeBuchvald, qui lui avait donné une nouvelle libertélargement liée à un rôle plus important donné à lamusique. Un jeune metteur en scène, ThomasQuillardet, l’aborde à son tour en montant le Repasà la Maison de la poésie. Il réussit son pari avecl’insolence de la jeunesse, en se souciant fort peude ce qui s’est fait avant lui.« Mangeons et écoutons nos bruits », dit l’un des per-sonnages. Autour d’une table en arrière-plan etdevant elle, les personnages vont vêtus banalementou drôlement. Ils sont tantôt nous-mêmes, tantôtdes êtres de fantaisie. Les acteurs, Olivier Achard,Aurélien Chaussade, Maloue Fourdrinier, Chris topheGarcia, Julie Kpéré et Claire Lapeyre Mazerat,jouent d’abord dans un registre de fausse querellethéologique, avant d’être plus dans la drôlerie ducabaret puis, en fin de soirée, de nous bouleverserd’émotion. Ce Thomas Quillardet et son équipeont su mettre à nu le cœur de Novarina.

Avec Armando Llamas, dont Jean Boillot met en scèneà Villejuif No Way, Veronica, le langage est une

éternelle parodie. Tout n’est que moquerie et dénon-ciation des clichés sociaux par le verbe traité dansson deuxième degré. Llamas est mort trop tôt,après avoir eu le temps de voir certaines de sespièces montées par Lavelli ou Adrien. Celle-ci estun faux film hollywoodien qui nous conte la viede chercheurs météo sur une île subantarctiqueoù une bombe sexuelle vient perturber un universpurement masculin. C’est à la fois le scénario etsa réalisation, puisque l’auteur décrit les stars, typeWilliam Holden et Gina Lollobrigida, en train des’emparer des rôles.

Jean Boillot monte No Way, Veronica comme si l’onassistait à un enregistrement dans un studio radio-phonique. À droite, un récitant et pianiste, Jean-Chris-tophe Quenon ; au centre, une actrice, Katia Lew-kowicz, qui fait toutes les voix en usant d’un charmetrès cinématographique (elle est ébouriffante) ; et,à droite, un bruiteur, David Maisse, dont le jeu etles sons ajoutent une autre dimension à cette recons-titution comique. Aiguisée par une musique deDavid Jisse et Christophe Hauser, cette très sti-mulante soirée amplifie la force des mots en mul-tipliant brillamment les langages – sans jamaisreprésenter ce dont il est question !

GILLES COSTAZ

Le Repas, Maison de la poésie, Paris, 01 44 54 53 00. Jusqu’au21 décembre. À voir aussi : Devant la parole, de Novarina, mis en scène par LouisCastel, à 19 h.No Way, Veronica, théâtre Romain-Rolland, Villejuif, 01 49 58 17 00.Jusqu’au 20 décembre.

C u l t u r e

À SES DÉBUTS, Mercury Rev produisait une musiqueformidable faite de longs morceaux foisonnants ettotalement imprévisibles, un univers sonore luxu-riant composé d’un enchevêtrement incroyable delignes musicales toujours en mouvement prove-nant d’innombrables instruments en tous genres.C’était comme une jungle sonore truffée de mélo-dies virevoltantes.Petit à petit, une pop plus grandiloquente a pris laplace de cette exubérance. Cette évolution, malgréquelques magnifiques réussites qui ont d’ailleursdonné au groupe son heure de gloire, a aussi mar-qué une baisse dans l’originalité de la musique.À force d’axer sa pratique sur des arrangementssemblables à de lourdes tentures, Mercury Rev afini par gommer un aspect essentiel de ses compo-sitions : le fourmillement sonore. Devenues plus sta-tiques, elles étaient aussi moins passionnantes.Heureusement, ce nouvel album renoue avec l’espritdes débuts, sans revenir pour autant au style despremiers albums mais en retrouvant un certain nom-bre de leurs caractéristiques. La première, et la plusimportante, est un sens du mouvement et de la dyna-mique, à travers les relances perpétuelles parfoisassez spectaculaires, ces attaques massives, bom-bardements sonores produits par les machines omni -présentes qui font exploser les passages flottants etles nombreuses séquences répétitives. La secondeest d’être redevenue inventive.

Le résultat est une matière sonore dense et mouvantequi, combinée à la voix irréelle et hypnotisante deJonathan Donahue, absorbe totalement l’auditeur.C’est une musique impressionniste faite d’une palettede sons très étendue qui mêle les sons classiques,les sons électroniques, les samples (voix d’enfants,bruit de pluie) et les voix, et joue fréquemment surles contrastes, faisant se côtoyer par exemple per-cussions cristallines et basses profondes. L’ensem-ble engendre un monde onirique qui rappelle lesmeilleures productions de ce que l’on appelait rockprogressif dans les années 1970.

JACQUES VINCENTSnowflake Midnight, Mercury Rev, Coopérative Music.

La musique de Mercury Rev se

remet en mouvement et retrouve

grâce, mystère et inventivité.

La vie des motsLes textes de Valère Novarina et d’Armando Llamas manifestent

une grande liberté de langage. Deux pièces jouées actuellement,

« Le Repas » et «No Way, Veronica », en témoignent.

TTHHÉÉÂÂTTRREE

Retrouvailles

JEUDI 18 DÉCEMBRE 2008 / POLITIS / 21

ARTHUR PÉQUIN

« No Way, Veronica», d’Armando Llamas, mis en scène par Jean Boillot.

DR

RROOCCKK

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SAISON AFRICAINE au Centre national de la danse.Après une exposition de photos consacrée auxdanseurs d’Afrique et un week-end avec la com-pagnie Salia nï Seydou, point de départ d’uneréflexion sur la danse contemporaine en Afrique,la thématique « Soleils noirs, continents parta-gés ? » fait escale aux États-Unis. « Danses noires,blanche Amérique » : tel est le titre de l’expositionet du catalogue concoctés par Susan Manning (1).Une manière de poser, avec cette première étudehistorique en français sur le sujet, les danses noiresaméricaines au centre de questionnements iden-titaires, chorégraphiques et, forcément, socio -politiques. De 1900 à nos jours, du jazz à Bill TJones, Susan Manning retrace un siècle de for-mes mêlant bantam twist (pas de danse), break-dance, charleston, capoeira, ragtime, suzie Q,gumboot (danse des mineurs), fanfare, music-hall, swing, claquette, Negro Dance, Black Dance,

danse «afro-américaine »… Tout un glossaire reliantle geste à une signification, visuels à l’appui.

« Qu’est-ce que la danse noire ? », interroge la critiqueZita Allen. Des œuvres reflétant la singularité de l’ex-périence afro-américaine ou des créations plusabstraites de chorégraphes afro-américains ? Uneexpression vide de sens inventée par des critiquesblancs ou une culture chorégraphique venant influen-cer la « danse blanche » ? Ces questions traversenten filigrane une étude richement documentée oùSusan Manning s’attelle pourtant moins à y répon-dre qu’à évoquer les artistes s’y rattachant. Ellessont en revanche bien davantage au cœur du travailde Salia Sanou dansAfrique, danse contemporaine (2).Ouvrage où le danseur et chorégraphe burkinabéretrace son parcours en même temps que l’ascen-sion de la danse africaine sur la scène internationaleces vingt dernières années. « Doit-on parler de “danse

contemporaine africaine”, de “danseafricaine contemporaine” ou de “dansede création africaine” ? », lance-t-il.« Chorégraphes et danseurs africainsne peuvent éviter de témoigner et deposer un regard sur les corps malades,sur les corps immigrants, sur les corpsméprisés, sur les corps en quête de bonnegouvernance… »La danse contemporaine en Afriqueest au centre de controverses,explique Salia Sanou. « Le mode deséchanges entre les artistes occidentauxet leurs pairs africains oscille entre fas-cination et incompréhension tandis queles créateurs africains eux-mêmes sesoupçonnent les uns les autres de dévia-tions “traditionalistes” ou “occidenta-listes”, voire “universalistes” ». Il ensait quelque chose : lui qui a tra-vaillé avec la chorégraphe MathildeMonnier se serait vu reprocher d’avoir « blanchi » sa danse. Mon-dialisation oblige ? « Le propre de ladanse contemporaine est de ne pas avoirun vocabulaire figé, estime Salia Sanou.Si, pour les uns, il s’agit de partir d’unegestuelle qui s’inspire de l’héritage desdanses sous toutes ses formes (danse afri-caine de répertoire traditionnel, danseclassique et contemporaine), pour lesautres, il s’agit sans arrêt d’inventer,d’explorer de nouvelles pistes… »

INGRID MERCKX(1) Danses noires, blanche Amérique,exposition et catalogue (CND, collection« expositions », 124 p., 25 euros), du 15 janvierau 7 avril, CND, 1 rue Victor-Hugo, 93507Pantin. Tél. : 01 41 83 27 27. Site : www.cnd.fr(2) Afrique, danse contemporaine, textes deSalia Sanou, photographies d’Antoine Tempé,éditions Cercle d’art, CND, 112 p. 27 euros.

En solo, en trio ou en orchestre,

plusieurs occasions de

(re)découvrir Andy Emler.

C u l t u r e

DDAANNSSEE

Reprise et surprise

Un hiver africainLe Centre national de la danse consacre toute une saison aux

différents visages de la danse noire. Une thématique aux enjeux

identitaires, chorégraphiques et, forcément, sociopolitiques.JEANNE DAVY

Le MégaOctet rassemble de remarquables solistes.

ANDY EMLER EST SANS DOUTE un des artistes les plusreprésentatifs de la génération des musiciens de jazzarrivée à maturité dans les années 1980. Sa culture musi-cale n’est pas réduite au jazz, mais s’étend de lamusique classique européenne au rock, au punk et auxsons extra-occidentaux. Andy Emler a découvert lejazz lors de son passage au Conservatoire national supé-rieur de Paris (où il a obtenu un prix de contrepoint),grâce à la rencontre avec des condisciples le prati-quant déjà, alors que lui jouait plutôt dans des orchestresde rock. L’apprentissage informel du jazz modernes’est donc greffé sur une solide formation au piano età la composition, qui l’aidera à mettre au point un styletrès personnel lorsqu’il décidera de se consacrer au jazz.Dès la fin des années 1980, il accompagne des impro-visateurs réputés et ne tarde pas à organiser des for-mations dont l’aboutissement sera le MégaOctet desannées 2000.

Rassemblant huit remarquables solistes, ce petit orchestresonne comme un grand. Mais les qualités de com-positeur et d’orchestrateur d’Andy Emler ne se limitentpas à cela. Il organise ses pièces autour de modulesrépétitifs, qu’il enchaîne et développe de manière à créerun climat d’audition où la mémoire de ce qui a étérepris est sans cesse confrontée à ce qui est en trainde changer. L’énoncé par son piano, dans une sym-biose parfaite avec la basse (Claude Tchamitchian)et la batterie (Éric Echampard), des phrases répétées,sur lesquelles se placent d’autres boucles jouées parles instrumentistes, ouvre des espaces de liberté où s’en-gouffrent, notamment, le saxophoniste Laurent Dehorset le trompettiste-vocaliste Médéric Collignon. Lorsquele piano vient au premier plan, il laisse percer des traces de romantisme, mais retrouve une formulesimilaire dans laquelle la main gauche coule des fon-dations mouvantes, cependant que la droite peutinventer des lignes inattendues. Ainsi, de la reprise sur-git toujours la surprise.

DENIS-CONSTANT MARTINTrio Emler, Tchamichian, Echampard, 18 décembre, université de Toulouse.MégaOctet : 20 décembre, 21 h, Le Triton, Les Lilas (93),01 49 72 83 13, www.letriton.comCD : For Better Times (piano solo), La Buissonne/Harmonia Mundi.DVD : On Air (trio, MégaOctet), In Circum Girum/Socadisc.

JJAAZZZZ

Janet Collins dans «Spirituals».

WALTER OWEN

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JEUDI 18 DÉCEMBRE 2008 / POLITIS / 23

M é d i a sTTÉÉLLÉÉVVIISSIIOONN

ON A DÉJÀ BEAUCOUP ÉCRIT sur PierreDesproges. On l’a beaucoup vu aussi.Chaque nouveau documentaire ren-verrait presque à ses propres mots, surscène : « Il y a une coutume du spectaclequi me gonfle singulièrement, et ça tombetrès bien que je vous en parle aujourd’hui,c’est le rappel ! C’est complètement absurde.Dans la vie courante, quand un type finitson boulot… qu’est-ce qu’il fait ? Il dit aurevoir et il s’en va ! Il ne revient pas ! Onn’imagine pas un plombier ressonnant àla porte après avoir réparé une fuite, justepour refiler un coup de clé de douze ! »Bon, va pour un rappel. Et ce nouveaudocu signé Yves Riou et Philippe Pou-chain, Je ne suis pas n’importe qui. Où l’onretrouve le Desproges sale gosse, instable turbulent, canuleur déconnantavec la conscience de l’éphémère, taqui-nant tôt le vin rouge, amateur de Bras-sens (qui n’avale rien le jour de la mortde ce dernier mais reprend deux foisdes moules à la disparition de TinoRossi). Un Desproges à rebours desidées reçues, pas vraiment carpette.

Agrémentant leur documentaire d’imagesd’archives familiales tournées enSuper 8, retraçant le parcours, de laguerre d’Algérie à l’Aurore, du « PetitRapporteur » à la scène, s’appuyant surles entretiens avec sa femme, les réali-sateurs insistent sur le phrasé deDesproges. Surtout, ils disent le sabor-deur, le bon vivant pessimiste. Qui ritde tout. Mais pas avec n’importe qui,selon son expression au « Tribunaldes flagrants délires », quand il s’agitde Le Pen. Pas méchant, Desproges,et provocateur. Qui se moque des

musulmans ne consommantpas de porc mais observe com-bien « les rues de Paris ne sontplus sûres le soir, les Arabes n’osentplus sortir seuls ». Ou se dégui-sant en Hitler. Dans cet exer-cice, les réalisateurs repren-nent évidemment le fameuxdiscours sur scène : « On medit que des Juifs se seraient glissésdans la salle… Vous pouvez res-ter. N’empêche qu’on ne m’ôterapas l’idée que durant la dernièreguerre mondiale de nombreuxJuifs ont eu une attitude carré-ment hostile à l’égard du règnenazi […]. Arborant une étoile àsa veste pour montrer qu’on n’estpas n’importe qui ! »Décapant,et sans contrainte. Sans ambi-guïté aussi, déboutonnant leracisme et l’antisémitisme.

Hasard de la programmation ou pas(quoique les chaînes s’efforcent depousser du côté du rire en période defêtes, comme une sempiternelle dindede Noël gavée de marrons), France 5diffuse cette même semaine un docu-mentaire consacré à « l’humour et lapolitique ». D’emblée, s’inscrit de partet d’autre une entente cordiale. Lespolitiques ont besoin d’humoristes. Etréciproquement. « Ça fait partie du métier »(ce que réfutait Desproges). Santini, Charasse, Douste-Blazy, Bou-tin, Balkany, Raffarin. Tous pourvusde bonnes intentions face aux humo-ristes. Livrant ici une série de lieuxcommuns. De l’autre côté, des humo -ristes qui se plaignent de personnalitésaseptisées, de la langue de bois (celle,à vrai dire, qu’ils pratiquent eux-mêmes). De Roumanoff à Mabille(tous deux travaillent ensemble), deGustin à Roucas, de Gérald Dahan àFlorence Foresti. Qui jouent le rôle defou du roi. Des humoristes qui ont aumieux le sens de la bonne formule.Mais sans musique, sans phrasé. Nimiracle alors. Une même platitude,trempée dans l’eau tiède. Tout lecontraire de Desproges.

JEAN-CLAUDE RENARD

Pierre Desproges, je ne suis pas n’importe qui,lundi 22 décembre, 20 h 35, France 5, (rediffusion lejeudi 1er janvier à 15 h). L’humour et la politique, vendredi 26 décembre,20 h 35, France 5.À voir également, le coffret DVD Comiques detoujours (avec notamment des morceauxhilarants de Robert Lamoureux, Coluche, qui abeaucoup emprunté à ce dernier, Desproges etJean Yanne), éd. Du Montparnasse.

RADIOSAMEDI20 DÉCEMBRE

Terre à terreFrance Culture, de 7 h à 8 hAu programme de RuthStégassy, l’urbanismeet le développementdurable en Scandinavie.

HigelinFrance Inter, de 17 h 05 à 18 hSur le plateau de la « Librairiefrancophone », JacquesHigelin et l’éditriceClémentine Deroudille,pour la parution dulivre Jacques Higelin encavale (éd. Textuel).

LUNDI 22 DÉCEMBRE

Un condéFrance Culture, de 9 h 05 à 10 hPar Anaïs Kien etCharlotte Roux, retoursur la sortie sulfureuse,en 1970, du film d’YvesBoisset, Un condé,brossant les collusionsobscures entre la haute

pègre et le pouvoirpolitique, dont RaymondMarcellin (notre photo),alors ministre del’Intérieur, avait tentéd’empêcher la diffusionen salle. Balle peau, ilen assurait ainsi lameilleure promotion.

MERCREDI24 DÉCEMBRE

Contes africainsFrance Inter, de 21 h 30 à 23 hVladimir Cagnolari etSoro Solo, qui animentchaque dimanche« L’Afrique enchantée »(de 18 h à 19 h),reviennent en directpour narrer une sériede contes africains.

TÉLÉVISIONSAMEDI 20 DÉCEMBRE

MetropolisArte, 20 h 15Dans le magazine culturel de Rebecca Manzoni, un sujetsur les huit décennies des studios de la RKO. Du grandsuccès King Kong, en 1933, à Citizen Kane. Uneproduction aujourd’hui disponible aux éditionsMontparnasse.

DIMANCHE 21 DÉCEMBRE

Michel GuérardFrance 5, 8 h 50

Il est accolé à une image : lepère de la cuisine minceur.L’image est juste, elle demeureréductrice. Il est l’un des chefsde file de cette générationsoixante-huitarde. Une bandede potes. Les frères Troisgros,Delaveyne, Chapel, Senderens.Cette flopée de casseroleurspar qui le glas de la cuisined’Escoffier a dérouillé. Michel

Guérard est filmé ici par Jean-Pierre Devillers, retraçantun parcours qui remet loin. Au Lido, orchestrant lesdesserts. Parallèlement, il réalise des extras chez desparticuliers huppés. De quoi se débrider un peu, imaginerdavantage. À l’intérieur, ça bouillonne, frémit demodernité. Parce qu’à cette orée des années 1960, leconstat est accablant. Selle de veau Orloff, volailles demi-deuil, homard Thermidor. La gastronomie pionce en fondde casserole. Guérard ouvre un caboulot derrière lepériph’ enveloppant Paris comme une raviole. Un cadremodeste. Son laboratoire intime. Où il déboulonne lestraditions. Foin des nappages et glaçages, mais unejuxtaposition des saveurs. Les trucages disparaissent, lesprésentations se simplifient pour viser à l’essentiel.Terminé le foie gras servi en grande pompe. Une cuisinefraîche et spontanée sitôt rentrée du marché. C’est unerévolution sans prétention, dans l’art des cuissons, etcelui, émotionnel, des assaisonnements. Plus tard,installé dans les Landes, il déculpabilise le gourmand,joue sur le fil de la diététique, gavant ponctuellement lagastronomie d’un nouvel opus.

MARDI 23 DÉCEMBRE

Lucky Luke, Daisy TownFrance 5, 20 h 40Une petite ville de l’Ouest américain faisant appel aucow-boy solitaire pour ramener la paix. Un dessin animérarement diffusé, réalisé en 1971.

MARDI 23 DÉCEMBRE

L’île au trésorArte, 21 hSoirée « Théma» consacrée à Stevenson et coup deprojecteur sur son énigmatique île au trésor. Avec, pourcommencer, son adaptation au cinéma, réalisée en 1972par Andrew White, portée par la personnalité d’OrsonWelles. À suivre par un portrait de l’écrivain dans sonultime adresse, aux îles Samoa.

JEUDI 25 DÉCEMBRE

Victor VictoriaArte, 21 hPar Blake Edwards, une comédie virevoltante, burlesqueet glamour. Déguisements, quiproquos et ambiguïtés.

ÀÀ VV OO SS PP OO SS TT EE SS

Le sabordeur

COLL PRIVÉE H. DESPROGES

On retrouve le Desproges sale gosse et canuleur.

Un documentaire consacré à Pierre Desproges,

soulignant sa différence avec les humoristes actuels.

AFP

MARCOU/AFP

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eux mots de présentation personnelle, pourque les lecteurs sachent « d’où je parle »,comme on disait un peu avant et un peuaprès 68. Je ne suis pas journaliste maishistorien. J’ai écrit une thèse sur l’histoiredu Canard enchaîné, partiellement publiéeen 2001 et rééditée quelques années plustard (1). Par la suite, j’ai travaillé briève-ment au Canard et suis resté en contact ami-cal et professionnel avec le journal, quej’apprécie globalement.Cette mise au point me semble d’autantplus nécessaire que mon nom apparaît àde nombreuses reprises dans ce nouveaulivre sur le Canard, soit au titre du travailque j’avais réalisé, et que les auteurs uti-lisent abondamment, soit comme témoininterviewé par Karl Laske au cours de sonenquête. Je suis rangé dès l’avant-proposparmi les historiens « bienveillants » duCanard, dénués d’esprit critique, à l’instarde l’hagiographe Jean Egen, dont je m’étaispourtant soigneusement démarqué. C’estde bonne guerre : il importe de montrer quevos prédécesseurs n’ont pas fait le boulotpour mieux valoriser le vôtre. En l’oc-currence, les citations produites par KarlLaske et Laurent Valdiguié, que ce soitdes propos que j’ai tenus à l’égard duCanard ou des informations que j’avaisfournies dans mon travail, démentent cetteaccusation de bienveillance.

Il est vrai que j’avais, dans mon travail commedans l’interview, formulé d’autres opinions,émis d’autres hypothèses, avancé d’autresexplications, plus favorables que cellesqu’ont retenues les deux auteurs. Proba-ble que ça ne rentrait pas dans le cadre a prioride leur jugement. C’est là, à mon sens, unedifférence essentielle entre nos deux entre-prises : la mienne s’efforçait de restituer lacomplexité des choses ; la leur sacrifie toutenuance à la démonstration d’une thèse.Laquelle ? Que le Canard n’est pas celuique vous croyez, qu’il manipule, qu’il estmanipulé. Avec ce genre de parti pris, il nefaut pas s’étonner que les gens hésitent à vousrépondre et, lorsqu’ils le font, qu’ils exi-gent de le faire par écrit. Cela dit, la réponsequ’a faite le directeur du Canard à la « une »de son journal n’en est pas une : il est unpeu facile, pour éviter de répondre sur lefond, d’invoquer un complot ourdi par legrand capital. La vérité est sans doute plusprosaïque : Laske et Valdiguié avaient pourprojet de faire pour le Canard ce que PierrePéan et Philippe Cohen ont fait pourle Monde : en révéler la face cachée.

Y parviennent-ils ? En partie, oui. Ils sontbeaucoup plus complets et précis que monlivre sur les plantages et les dérapages duCanard ; je les trouve assez convaincantsen ce qui concerne l’indulgence envers Mit-terrand ou Dumas. Certes, cette indulgenceest relative et à géométrie variable ; elleexplique quand même – avec la sociologieélectorale du lectorat, à peine mentionnéepar les auteurs – beaucoup du flottement quia saisi le Canard au début des années 1980,les loupés à propos de la cellule de l’Élysée– des Irlandais de Vincennes aux écoutes –ou du Rainbow Warrior, ou encore des liensentre Mitterrand et Bousquet. Ce n’est pasque le Canard n’ait pas critiqué Mitterrandet son entourage, il l’a fait, et souvent ; maistout est dans le ton, le timing, les circons-tances atténuantes, le contraste avec le trai-tement infligé à des personnages que lejournal n’avait pas intérêt à ménager – unLéotard, un Chirac.

Pour le reste, je suis partagé entre un tenacesentiment de déjà-lu (notamment dansmon propre ouvrage, par exemple, à pro-pos des quelques journalistes du Canardayant travaillé dans la presse de la colla-boration ou d’anciens journalistes com-promis durant cette période et accueillis

ensuite par l’hebdoma-daire satirique), une curio-sité insatisfaite (quel estl’intérêt des développe-ments sur Alain Guédé,sur Robert Gaillard ?) etune franche incrédulité(le Canard téléguidé parl’entourage de Sarkozy).La question de fond quicourt tout au long de l’ou-vrage mérite d’être posée :quelle est la bonne dis-tance entre le journalisteet le monde qu’il obs-erve ? Trop loin, et il perdle contact, c’est-à-dire lapossibilité de rapporterune information intéres-sante. Trop près, et il courtle risque d’être instru-mentalisé. Mais laréflexion est évacuée auprofit d’anecdotes sansgrand intérêt. Les jour-nalistes du Canard n’ontjamais nié que leurs infospouvaient servir la stra-tégie ou les petites tac-

tiques de tel ou tel ; ils ont estimé que la seulequestion qui valait était celle de la véracitéde l’information, qui suppose vérificationet recoupement. À quelques reprises, commedans l’affaire Yann Piat, cette règle n’a pasété respectée ; les auteurs du livre peinentà démontrer que cette exception ait à sontour constitué la règle cachée du Canard.

Quant au fonctionnement interne du journal,ses clivages, sa richesse improductive, samisogynie – en voie de guérison –, l’opa-cité des rémunérations ou du capital (maisles auteurs oublient de dire que le Canardest l’un des seuls journaux français à seconformer à l’ordonnance du 26 août 1944qui fait obligation aux journaux de rendrepublics leurs bilans et comptes d’exploita-tion), l’impression de déjà-lu, là encore,domine. Cela ne fait pas du livre de Laskeet Valdiguié un tissu de mensonges, commele dit de façon à peine voilée la direction duCanard ; mais cela n’en fait pas non plusl’ouvrage explosif que ses auteurs auraientsouhaité qu’il fût.

L. M.Le Vrai Canard, Karl Laske, Laurent Valdiguié, Stock,485 p., 22 euros.

(1) Le Canard enchaîné : histoire d'un journalsatirique 1915-2005, rééd. Nouveau Monde, 2005.

I d é e sEESSSSAAIISS

24 / POLITIS / JEUDI 18 DÉCEMBRE 2008

Exagérément canardéPour Laurent Martin, historien, « Le Vrai Canard » de Karl Laske et

Laurent Valdiguié est un livre à thèse, systématiquement à charge

contre l’hebdomadaire satirique, ce qui en réduit l’intérêt.

D

FAGET/AFP

Téléguidé par l’entourage de Sarkozy, le «Canard»? Allons donc !

Page 25: Politis Croissance Verte

I d é e s

ON NE VA TOUT DE MÊME PAS ABANDONNER l’Afghanistanà ses démons, à ses talibans, à ses tribus, à ses chefsde guerre? Sous toutes ses formes, depuis sept ans, laquestion est déclinée comme unerhétorique de l’évidence par leschefs d’État occidentaux. Tousinscrits dans le sillage de GeorgeW. Bush, lui-même lancé à lapoursuite de Ben Laden au len-demain des attentats du 11 sep-tembre 2001. Le grand mérite de Jean-Domi-nique Merchet est de reformulerla question sous une forme quiinduit naturellement une autreréponse: ne faut-il pas abandon-ner l’Afghanistan aux Afghans?Avant de suggérer fortement à laFrance qu’elle rapatrie ses sol-dats, le journaliste de Libération selivre à une description minutieusede ce pays, de sa géographie, desa diversité ethnique. Cette « anti-nation », selon l’expression dugéographe Xavier de Planhol, est« le puzzle le plus extraordinaire quisoit ». Le même concluait de tou-tes ses études que l’Afghanistan

avait besoin d’être « peu gouverné » pendant « au moinsdeux générations ». Et Merchet traduit : « Dit brutale-ment : que l’on fiche la paix à ce pays et à ses habitants. »

Or, le moins que l’on puisse dire,c’est que de la colonisation bri-tannique aux troupes de l’Otanen passant par la désastreuseaventure soviétique, l’Afgha-nistan attire les convoitises.

Avec toujours le même constat: l’in-capacité à maîtriser ce pays. Ledestin des envahisseurs est de seperdre dans des jeux d’alliancesavec les différentes tribus avantde découvrir qu’ils sont les dupesde ce jeu trop compliqué pourune tradition politique façonnéepar le centralisme et une longuehistoire nationale. Le propos deMerchet, solidement argumenté,a le mérite de la clarté : « Il fauttrouver la porte de sortie. Et vite. »On ne saurait mieux dire.

DENIS SIEFFERTMourir pour l’Afghanistan, Jean-Dominique Merchet, éditions Jacob-Duvernet, 185 p., 19,90 euros.

JEUDI 18 DÉCEMBRE 2008 / POLITIS / 25

Peut-on maîtriser par la puissance du feu un pays auquel

on ne comprend rien? Non, répond Jean-Dominique Merchet

dans un essai efficace et lucide.

Quitter l’Afghanistan

BONNE OU MAUVAISE ÉCOLE ? Les différences, de plusen plus marquées, sont de mieux en mieux connues,du fait de la multiplication des « palmarès » des éta-blissements régulièrement publiés par les médias.Demandes de dérogations, d’options « rares », voirefausses adresses sont quelques-unes des techniquesemployées pour fuir l’établissement le plus prochede chez soi et envoyer sa progéniture dans un éta-blissement plus prestigieux, généralement en cen-tre-ville. La question a de nouveau occupé le débat public àla suite de la promesse, au cours de la dernière cam-pagne présidentielle, de la suppression de la cartescolaire. En dépit de l’argument avancé par le gou-vernement, on s’aperçoit vite, à étudier la question,que ce ne sont pas les familles les plus défavoriséesqui cherchent à s’éloigner des écoles les plus prochesde chez elles, mais, à une écrasante majorité, lesplus favorisées en termes de capital économique etde capital culturel, qui ont tendance à recourir à desstratégies d’« évitement » des établissements du secteurdont ils relèvent pour « placer » leurs enfants dans

ceux dotés d’une bonne réputation. C’est ce quedémontre, cartes à l’appui, le travail sur la régionÎle-de-France de Franck Poupeau et Jean-ChristopheFrançois, sociologue et géographe, qui mettent enlumière les « processus ségrégatifs » à l’œuvre, selon ladistribution des lieux de résidence et des établisse-ments. Des processus qui se trouvent aujourd’hui« accentués » par l’assouplissement de la carte sco-laire. Non seulement les familles les plus favorisées(et les plus proches des milieux scolaires, notam-ment les enseignants) sont les plus à même de dispo-ser de stratégies pour choisir leur école, mais ce phé-nomène est plus développé dans les zones socialementhétérogènes, ayant donc pour effet un « renforcementglobal des contrastes sociospatiaux » dans ces quartiers.La mixité sociale autrefois garantie par l’école répu-blicaine risque donc de plus en plus d’être un vieuxsouvenir.

OLIVIER DOUBRELe Sens du placement. Ségrégation résidentielle et ségrégationscolaire, Franck Poupeau et Jean-Christophe François, Raisons d’agir,« Cours et travaux », 240 p., 17 euros.

Un sociologue et un géographe mettent en lumière les processus

de ségrégation dans le choix des établissements scolaires.

Le désir d’être à bonne école

PARUTIONSLivre ou agenda ?La petite équipe des éditions du Jeu de larègle, Marie-Liesse Clavreul et ThierryKerserho, renouvelle l’aventure initiée en 2008avec la parution d’une version 2009 de leurétonnant livre-agenda intitulé l’Imprévisible.De belle facture, à la fois ludique, engagé etdécalé, l’ouvrage recense pour chaque jour del’année les innombrables journées mondialesou nationales en tout genre, signale lesanniversaires d’événements d’une année en 9,mais surtout « proclame» une journée « dececi» ou « sans cela», en se jouant avecbonheur du langage quotidien et desexpressions à la mode. Exemple du ton de cevéritable tour de force sur 365 occurrences : àla date du 29mars 2009, à côté de la mention«Retour à l’heure d’été», les auteurs ontfièrement décrété la « journée de la France quise lève tôt»… Un petit volume qui peut aussibien se lire que se remplir tout au long del’année comme un vrai agenda.LL’’IImmpprréévviissiibbllee 22000099, éditions Le Jeu de la règle(11, rue des Cordeliers, 14000 Caen,www.lejeudelaregle.fr), 384 p., 20,09 euros.

Le monde selon Claude Lévi-StraussLes cent ans de l’anthropologue français, pèredu structuralisme, ont été l’occasion de trèsnombreuses publications. Parmi celles-ci,notons l’ouvrage particulièrement complet deWiktor Stoczkowski, professeur d’anthropologieà l’EHESS, qui revisite la pensée du maître ens’intéressant notamment à l’itinéraireintellectuel du jeune Lévi-Strauss dans lesannées 1920, époque de son engagementsocialiste. Àpartir de l’œuvre de Claude Lévi-Strauss, non sans relever certainescontradictions apparentes en son sein, WiktorStoczkowski esquisse une présentationoriginale de la vision complexe du monde del’auteur de Tristes Tropiques.Anthropologies rédemptrices. Le monde selon Lévi-Strauss, Wiktor Stoczkowski, Éditions Hermann,« Société et pensées », 344 p., 32 euros.Signalons également la parution de l’Anthropologiede Lévi-Strauss et la psychanalyse. D’une structureà l’autre, Marcel Drach et Bernard Toboul,La Découverte, « Recherches », 336 p., 30 euros.

Les cartes des civilisationsChaque civilisation a produit, selon lesépoques, sa représentation du monde. Celle-ciest particulièrement observable dans lesmanières dont les explorateurs, commerçants,

géographes ou scientifiques ont, au fil dessiècles, « dessiné le monde». Dans un livrerichement illustré, Caroline et Martine Laffon,respectivement réalisatrice de documentaireset philosophe, ont étudié l’évolution descartes géographiques produites sous lesdifférentes latitudes, depuis lesreprésentations des mondes premiersjusqu’aux cartes satellites d’aujourd’hui. Leurouvrage propose ainsi une réflexion sur laplace accordée à chaque peuple dans le mondeet interroge finalement nos propresreprésentations. Un superbe ouvrage.DDeessssiinneerr llee mmoonnddee.. HHiissttooiirreess ddee ggééooggrraapphhiiee, Carolineet Martine Laffon, Seuil, 192 p., 45 euros.

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ur les murs de la rue Bretonneau, dans leXXe arrondissement, de gigantesques ban-deroles scandent les slogans «École occu-pée», «De la maternelle à la fac, l’école esten danger». Deux tableaux sont accrochésau mur : un pour les actualités du mouve-ment et un autre pour organiser les relaisdes parents d’élèves qui occupent l’écoleélémentaire Bretonneau. « Nous avons décidéd’occuper l’établissement le lundi 8 décembre.Cette occupation a été décrétée à la suite d’uneréunion organisée par les enseignants quelquesjours avant », précise Sandrine Balleux,parent d’élève et vice-présidente de la Fédé-ration des conseils de parents d'élèves(FCPE) de l’école. Tous les jours, de 8 h à18 h, une trentaine de parents viennent àtour de rôle, par petits groupes de quatre oucinq, dans le bureau de la directrice. « Nousn’empêchons pas les cours. Nous faisons uneoccupation administrative, c’est-à-dire que nousutilisons le téléphone de l’école, l’adresse mailet le fax », explique Jean-Pierre Gryson, unpère d’une quarantaine d’années.Sur le parvis de l’école, en plein milieu d’après-midi, quelques parents mobilisésparce qu’ils sont inquiets pour l’avenir deleurs enfants s’activent. Il fait froid et ilssont tous équipés de gants et de bonnets.

Certains accrochent sur la porte et sur lesmurs des banderoles, des tracts ou des cou-pures de journaux. D’autres discutent entreeux. L’occupation est symbolique et paci-fique. Pourtant, dès le premier jour, l’inspec-teur d’académie est venu rencontrer lesparents pour faire le point sur leurs reven-dications et leurs actions. Le lendemain,les parents d’élèves ont reçu une lettre mena-çant de les évacuer s’ils refusaient de quit-ter l’école. « C’était de l’intimidation. Mais,maintenant, nous sommes obligés d’émargersur un cahier à chaque fois que l’on entre dansl’école », souligne Sandrine Balleux.

De nombreux tracts circulent sur lesquels sontscrupuleusement inscrites les revendica-tions des parents d’élèves. Ils rejettent lasuppression des heures du samedi matin,transformées en heures supplémentairespour les enfants en difficulté. « Ça fait troissemaines de moins dans une année », regretteJean-Pierre Gryson. De plus, ces heuresd’aide individualisée assurées par les ensei-gnants sont censées remplacer les Réseauxd’aides spécialisées aux élèves en difficulté(Rased). « Les Rased fournissent un travail delongue haleine de psychologie, de pédagogie etde réinsertion pour les enfants qui ont de gros pro-

blèmes, insiste Sandrine Bal-leux. Ce sont des enseignants spé-cialisés, qui ont une formationspécifique. Les instituteurs ne pour-ront pas assurer ce travail en deuxheures d’aides par semaine. »Cesnouvelles mesures creuserontles inégalités sociales déjà exis-tantes et auront des consé-quences sociales démesurées :« Les gamins en détresse psycholo-gique sont de plus en plus nombreuxet les Rased vont êtres supprimés.Je ne sais pas si le gouvernement cal-cule l’ampleur des dégâts », sedésole Agnès Gour, psycho -logue en Rased.

Les parents sont notamment pré-occupés par l’avenir de l’écolematernelle. Déjà, depuisjuin 2008, la petite section(réservée aux élèves de 2 à3 ans) a disparu. Et toutes lessections sont menacées. « Legouvernement veut instaurer desjardins d’éveil à la place des classes

maternelles, qui dépendront des mairies et pour-ront être payants ! », s’inquiète Jean-PierreGryson. Sandrine Balleux, petit bout defemme aux cheveux très sombres, s’énerve :« Ça veut dire quoi ? Ça veut dire que quand onne pourra pas payer le jardin d’enfants, c’estencore maman qui va s’arrêter de travailler pourgarder les petits ? »Les parents d’élèves reprochent au minis-tère de l’Éducation nationale d’imposer denouveaux programmes sans concertationavec les enseignants et les mouvementspédagogiques. Quand ils en parlent, le tonmonte rapidement : « C’est un retour aux pro-grammes de 1923. Tout est fondé sur le par cœur,il n’y a plus de réflexion, se révolte PatrickBrousse, un parent d’élève. On veut faire denos enfants des robots. » Issus de milieux plu-tôt aisés, les occupants de l’école Bretonneause sentent également concernés par la fra-gilité des enfants les plus démunis : « Lesparents formés et fortunés pourront donner unebonne éducation à leurs enfants, mais les autresne le pourront pas, fait remarquer Jean-PierreGryson. Notre système éducatif se résumera àune production d’élite. »

Jean-Pierre Gryson et ses collègues de lutteproposent une autre forme de protestation,en occupant les écoles : « Les grèves ponc-tuelles des instituteurs, le jeudi, sont sans len-demain, et c’est à chaque fois une journée desalaire en moins. Il faut trouver d’autres modesd’action pour soutenir les enseignants. Noussavons bien que ce n’est pas l’école Bretonneauqui va changer les choses, mais cette mobilisationest un bon début. » D’après les parents d’élèves, une trentained’écoles du XXe arrondissement sont actuel-lement occupées ou sont en passe de l’être.Les actions sont très localisées mais lesparents espèrent une coordination entreles différents établissements : « Le mouve-ment s’étend dans le XVIIIe et le XIXe, dans l’Es-sonne, dans le Val-de-Marne… Les gens sonttrès mobilisés, il ne faut pas qu’on relâche »,précise Jean-Pierre Gryson. Si le mi nistrede l’Éducation nationale campe sur sespositions, les parents d’élèves occuperontl’école jusqu’aux vacances de Noël etreprendront le mouvement en janvier.« C’est toute l’éducation qui va mal, de la mater-nelle à l’université, conclut Jean-Pierre Gryson, Si on lutte tous ensemble, je pensequ’on peut gagner. »

MANON LOUBET

R é s i s t a n c e sÉÉDDUUCCAATTIIOONN

«L’école est en danger»

26 / POLITIS / JEUDI 18 DÉCEMBRE 2008

Des parents d’élèves se relaient pour occuper l’école Bretonneau, à Paris.

MANON LOUBET

Depuis le lundi 8 décembre, des parents d’élèves occupent l’école

Bretonneau dans le XXearrondissement. Ils protestent contre les réformes

de Xavier Darcos et s’inquiètent pour l’avenir de leurs enfants. RReeppoorrttaaggee..

S

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JEUDI 18 DÉCEMBRE 2008 / POLITIS / 27

R é s i s t a n c e s

ANTIPUBUbuesqueLe tribunal de Charenton-le-Pont (94) a assignéAlexandre Baret, membredu réseau Résistance àl’agression publicitaire, quirefuse de payer uneamende pour avoir apposéun autocollant contre lapublicité dans une voituredu RER D, le 8octobredernier. Pour cetteinfraction de «publicité nonautorisée» (!), le procureura requis 300 eurosd’amende. Quant à la SNCF,un peu gênée auxentournures dans cetteaffaire, elle demande uneuro de dommages etintérêts et 500 euros pourles frais de justice. Lejugement sera rendu le12février. Alexandre Baretréplique que le réseau SNCFest constellé de 57000affiches publicitaires, tandisque des centaines d’écransplasma devraient bientôtêtre installés à des finspromotionnelles.www.antipub.org

SOLIDARITÉSoutenirl’Observatoiredes inégalitésL’Observatoire desinégalités, créé il y a cinqans, s’est imposé comme unacteur central dansl’analyse des formesd’inégalités touchant lasociété française. Mais« diffuser des informationsde qualité a un coût», etl’Observatoire « dispose deressources très limitées».L’association aimpérativement besoin dusoutien de donateurs privéspour poursuivre son étatdes lieux des inégalités,particulièrement en cettepériode de crise, qui aurades conséquences gravespour les plus défavorisés.Les dons (déductibles desimpôts) sont possiblesdepuis le site del’Observatoire.www.inegalites.fr

SANS-PAPIERSLa mobilisationcontinueLa mobilisation s’amplifiepour les 88 travailleurssans-papiers intérimaires

de Man BTP, une agence detravail temporaireparisienne spécialisée dansle bâtiment et les travauxpublics. Le 12décembre, un meeting a réuni300 personnes, selon lesorganisateurs, dont 88travailleurs de Man BTP, desmilitants de Droits devant!!,Solidaires, et leur comité desoutien, à la mairie duXearrondissement de Paris.Les mêmes devaient semobiliser devant la mairiede Paris et le Sénat,respectivement les 16 et18décembre. En grèvedepuis le 3 juillet, les 88 deMan BTP, avec d’autrestravailleurs sans papiers

des agences Adecco,Perfect Service etManpower, « ont arraché augouvernement des critèresde régularisation quiprofiteront à des milliersd’autres subissant depuisdes dizaines d’années lasurexploitation, la flexibilitéet la précarité», seréjouissent leurs soutiens.Mais cette victoire « nesaurait néanmoins fairel’impasse sur l’insuffisancedes critères derégularisation que veutimposer le gouvernement».Au moins deux de cescritères font tache:l’obligation de cinq ans deprésence en France etl’exclusion des travailleurssans papiers algériens.www.droitsdevant.org

LOGEMENTContribution utileLa toute nouvelleassociation Agencesolidarité logement vise àfédérer des agencesimmobilières dans toute laFrance autour d’unengagement commun enfaveur du logement. Lastructure regroupe desagences immobilièress’engageant à donner 1 %de leur chiffre d’affaires

annuel (hors taxe) sur lesventes à la FondationAbbé-Pierre. Le pécule sera attribué à la réalisation duprogramme de la Fondation«2 000 toits pour2 000 familles» en faveur des personnesdéfavorisées. Un label, collé sur lesvitrines de toutes lesagences partenaires,donne l’assurance auxparticuliers de s’adresser à un réseau deprofessionnels dulogement engagés auprèsdes mal-logés, etpermettra aux acquéreurset aux vendeurs de faireacte de solidarité.www.agencesolidaritelogement.fr

PRESSEBienvenue àAlp’ternativesUn nouveau magazined’informations locales estné du côté de Gap. Letrimestriel Alp’ternativesest édité par l’associationPour une alternativecitoyenne à gauche, àl’origine de la liste«Gauche: Gap alternative

unitaire citoyennehumaniste écologiste», quia obtenu 11,8% des voix et2 élus dans l’opposition àGap, aux dernièresmunicipales. Le premiernuméro, imprimé commeses prochains camaradessur papier recyclé etdistribué sur les marchésou sur les lieux de travail,s’attarde sur le décryptagede l’expression «gauche dela gauche», le contrat de laville de Gap avec Véolia,La Poste et le servicepublic, la réforme de l’écoleou encore l’éducation augoût et à la biodiversité.Bref, on est entre amis.Bonne chance àAlp’ternatives.Alp’ternatives, trimestriel,12 p., 1 euro. Abonnements :04 92 21 37 65.http://jceyraud.blogspirit.com

DR

KOVARIK/AFP

ÉDUCATIONDarcos reculeLa mobilisation citoyenne, des lycéensdans la rue aux parents dans les écoles(lire ci-contre), aura eu raison de laréforme des lycées voulue par XavierDarcos. Du moins pour le moment.Lundi 15décembre, le ministre del’Éducation nationale a annoncé lereport de la réforme de la classe deseconde, dont l’entrée en vigueur étaitprévue pour la rentrée 2009, tout en souhaitant « prolonger lesdiscussions». Optimiste, François Fillonmaintient que « la réforme du lycéesera conduite». Sauf que les lycéens nesont pas prêts à avaler n’importe quoi,comme le montrent les manifestationsorganisées en France, DOM-TOM inclus,depuis plusieurs semaines. Dénonçantune « réforme économique» « faitepour gagner de l’argent», à coups demilliers de postes supprimés, leslycéens ne veulent pas subir lechangement mais en être acteurs. Un«détail» que Xavier Darcos avait sansdoute mésestimé.

Les syndicats n’ont pas tardé à réagirau report annoncé par le ministre. LaFIDL, deuxième organisation lycéenne,espère que la suspension de la réformen’est pas « une simple manœuvrepoliticienne». Pour le syndicatenseignant SE-Unsa, qui n’a cessé dedénoncer « une réforme au pas decharge, hypothéquée par les économiesbudgétaires et concentrée sur la seuleseconde», d’autres sujets de tensionpersistent, comme la menace sur l’aidespécialisée aux enfants en difficulté.Les étudiants de l’Unef donnent euxrendez-vous « en janvier à XavierDarcos et à Valérie Pécresse pour leverles craintes des lycéens et desétudiants, et répondre à leursattentes». Sur le front politique, enfin,Bruno Julliard, tout frais secrétairenational du PS à l’Éducation et ex-président de l’Unef, estime que laréforme oublie d’aborder « lesméthodes pédagogiques, la primautédes filières générales sur les filièresprofessionnelles et les métiers del’éducation». En attendant la prochaineétape, les lycéens ont décidé demaintenir les manifestations prévuesles 16 et 18décembre, et promettent decontinuer la mobilisation après lesvacances de fin d’année.

XAVIER FRISONwww.fidl.org, www.se-unsa.org, www.unef.fr

FAGET/AFP

LOGEMENTRetour sur le trottoirUn an après, les mal logés de la rue de laBanque sont de retour sur le trottoir (1).« Pour ne pas être oubliées par l’État, lesfamilles ont décidé de recommencer leurmouvement», précise l’association Droit aulogement, après avoir passé le week-end àmanifester contre la loi «mobilisation pourle logement» de Christine Boutin. Pour leDAL, « les engagements de l’État de relogerdans un délai d’un an les 374 familles de larue de la Banque, en échange du démontagedu campement, n’ont pas été tenus». Selonle décompte de l’association, 70 des 374familles ont été effectivement relogées parl’État, 71 par d’autres moyens, et 233restent sans habitation. « Les propositionsde relogement deviennent plus rares: 19 cestrois derniers mois», dénonce en outrel’association, qui en profite pour rappeler sacondamnation à 12000 euros d’amendepour le campement de l’an dernier. Le DALdemande le relogement des familles, leretrait de la loi Boutin et l’abandon detoutes les poursuites engagées contre desassociations.

X. F.(1) Voir Politis n° 973 ou sur Politis.fr, « Salariés, en règle,mais mal logés ». DAL, www.dalfr.org, 01 42 78 22 00.

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28 / POLITIS / JEUDI 18 DÉCEMBRE 2008

C o u r r i e r

Faire front

Je remercie Politis de relayer lesarguments de Jean-Luc

Mélenchon, expliquant son départd’un parti, le PS, qui n’a plus desocialiste que le nom. Mais, plusencore, sa participation à laconstruction d’une alternative aulibéralisme est une boufféed’oxygène dans cette France et cemonde broyés par la dictaturelibérale. C’est pourquoi je remercieégalement Politis de relayer lesarguments de celles et ceux quiœuvrent dans ce sens, célèbres ouanonymes. Il faut reconstruire unfront antilibéral comme en 2005 faceà la Constitution européenne,aujourd’hui face au rouleaucompresseur de cette idéologie quin’assume même pas son nom. Cetarc contre la dictature des marchéset des fortunes privées devra,comme le font d’autres groupes enEurope (par exemple Die Linke) oudans le monde, réfléchir à despropositions pour répondre à la criseactuelle, inédite dans l’histoire

humaine du fait de sa complexité.Car, si la crise financière etéconomique est aussi gravequ’en 1930, la criseenvironnementale présente elleaussi […] des menaces pour la paixdans notre monde, doté, faut-il lerappeler, d’armes capables dedétruire toute l’humanité. De toutefaçon, rien qu’avec les guerresactuelles et leurs contributions àdégrader l’environnement, noussommes tous perdants. Voilà pour cetriste constat, mais les notes d’espoirsont nombreuses, que ce soit du côtéde nombreux États en Amériquelatine et/ou de mouvements sociauxun peu partout dans le monde. Etpuis, en France, des foyers derésistance se développent, que cesoit aux côtés des sans-papiers ou,plus récemment, du côté de larésistance pédagogique face auxmesures iniques du ministre Darcos.Le blog accessible avec les mots-clés« résistance pédagogique » surn’importe quel moteur de rechercheweb fourmille d’informationsrenouvelées quotidiennement.

Mais ces notes d’espoir appellent,encore une fois, la formation d’unarc antilibéral en France. Un telfront est souhaité par de nombreuxconcitoyens, et peut faire de grosscores aux prochaines élections, s’ilest uni comme en 2005. Il faut qu’ilrespecte les identités de chaque partide gauche antilibérale,leurs spécificités et idéologies. Maisil faut bien que chacun de ces partiscomprenne qu’il n’a pas réponse àtout, étant donné la complexité descrises de notre époque […].Tournons la page de 2007, nousavons tous fait des erreurs ; moiaussi, qui ai fait la campagne deBové, dont la compromissionaujourd’hui avec un vrai libéral chezles Verts (et un faux libertaire) melaisse sans voix. Je veux bienl’avouer, tout en tournant la page,afin que nous avancions de nouveauvers ce front antilibéral. À l’heure oùdes arcs antilibéraux, parfoispuissants (je pense en particulier à« Die Linke » en Allemagne), seforment dans différents pays denotre monde, reprenons rendez-vousavec l’histoire.

CHRISTIAN DAVID

De la précautionlangagière à laprovocation

Comme chaque jeudi, je reçoisavec jubilation mon Politis, et […]

je commence par lire l’édito (hum !),puis le bloc-notes (re-hum !). Jereviens sur l’édito, lis le dossier sur« le poison sécuritaire ». Et là, j’aienvie de réagir. Pour dire à DenisSieffert qu’avec une infinie prudenceil tourne autour du pot pour ne pasnommer la bête immonde que, pourma part, je n’hésite pas une secondeà baptiser de son vrai nom : lefascisme. Même si « nous ne sommespas à la veille d’un coup d’Étatmilitaire », même s’il est rampant oularvé, le monstre est là, et bien là, enattendant des jours meilleurs pourlui. Peut-on encore parler de bavuresisolées lorsque policiers, gendarmeset juges bafouent ainsi la dignité despersonnes, tout en étant couverts parleur hiérarchie et leur ministre detutelle ?Citons, entre autres : les membresdu groupe de Tarnac, simplementsoupçonnés, coffrés comme desbandits de grand chemin, sansaucune preuve à l’appui de leurculpabilité ; Vittorio de Filippismenotté, fouillé au corps, humiliétel un dangereux criminel ; la rafle

des enfants de Grenoble dans leurécole, envoyés en centre de rétentionavec leurs parents et expulsés deFrance illico presto, car sanspapiers ; les descentes policières et lecomportement scandaleux desforces de l’ordre dans desétablissements scolaires du Gers,dans le but de terroriser les jeunes,avec l’assentiment, ou à tout lemoins la passivité des principaux decollège ; le cafouillagegouvernemental sur la question dela prison pour les enfants de 12 ans ;un président de la République (unmonarque devrait-on dire) quis’arroge des droits divins, insulte quibon lui semble, mais ne supporte pasqu’on en fasse autant à sa personne,nomme qui bon lui semble à la têtede l’audiovisuel public, pour mieuxcontrôler l’information. Et jepourrais continuer la litanieindéfiniment.Alors oui, comme l’écrit IngridMerckx dans l’entretien avec Jean-Pierre Dubois, « certains font un lienentre le climat actuel et des heuressombres de l’histoire de France ». Et cesheures sombres, pourquoi ne pas lesnommer ? Pour moi, ce sont cellesde Vichy, de l’Occupation, de laCollaboration, donc celles dufascisme d’État. Et si nous n’yprenons garde, si nous restonspassifs, si nous ne réagissons pas, cegouvernement ira encore plus loin,et peut-être sera-t-il trop tard !Le bloc-notes maintenant. L’amiLanglois y va un peu fort dans laprovocation (mais il l’assume), je

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* montant de la cotisation 2009 : 10 euros (chèques à l’ordre de Pour Politis).

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Page 29: Politis Croissance Verte

trouve, en défendant Éric Zemmour,qui ne sait plus quoi dire ni quoiécrire pour montrer qu’il existe.Et qui bénéficie dans le milieumédiatique de suffisammentd’appuis pour l’aider à se défendre.Quant à la notion de « race », ehoui, elle n’existe pas,scientifiquement parlant. On peutparler de la race humaine ouchevaline ou canine. Il vaut mieuxeffectivement dire, « ethnie »,

« type », je n’irai pas jusqu’àemployer « gamme chromatique ».Car, bien sûr, s’il n’y a qu’une racehumaine, il existe des différences (etheureusement, sinon quelle tristesse)cutanées, morphologiques,culturelles… Le tout étantd’accepter ces différences dans legenre humain, mais aussi d’êtreconscient qu’il n’existe pas dedéterminisme en fonction de telle outelle ethnie. Les propos deM. Zemmour incitaient plutôt àpenser le contraire. Mais bon, luiaussi assume en se revendiquant « dedroite et réactionnaire ». Je n’ai pasenvie de le défendre et je condamneson affirmation sur l’existence desraces. Décidément, je préfèreBernard Langlois en critique delivres, j’en ai acheté plusieurs par lui

conseillés et je n’ai pas eu à leregretter, bien au contraire. Allez, onn’achète pas un journal pour y lireexactement ce que l’on pense, làaussi ce serait triste. Mais il est bonaussi que les lecteurs réagissent à desarticles qui les titillent, ou qu’ilsinforment les autres lecteurs, tels lescourriers de Politis du 11 décembre,sur « Des enfants raflés à l’école »,« N’oubliez pas les Roms »,« Nucléaire », « École à vendre ». Etpuis qui aime bien châtie bien.Allez, là-dessus, je m’en vaispoursuivre la lecture de mon hebdopréféré.JEAN-YVES VLAHOVIC, SAINT-LÉGER-LES-VIGNES

(LOIRE-ATLANTIQUE)

Entrer en résistanceAprès avoir pris connaissance de

l’histoire de Zoé au collège deMarciac, nous nous posonsquelques questions. Cetteopération policière n’est-elle pasune nouvelle alerte sur lesconséquences des choix de sociétéque Nicolas Sarkozy et sonentourage nous imposent ? Gérerles rapports humains par larépression, la « terrorisation » et lepassage par les tribunaux…À partir de quand pouvons-nousdire qu’une société est sous unrégime policier ? En sommes-nousencore très loin ? En effet, endehors de ce qui est arrivé à Zoé, a priori les membres de lacommunauté éducative du collègen’ont pas réagi lors de« l’opération ». Cela peuts’expliquer par le fait qu’ils étaientd’accord avec les auteurs ou qu’ilsétaient eux aussi terrorisés etavaient peur d’être poursuivis pouroutrage et de subir une garde àvue… Que penser quand leshonnêtes citoyens ont peur de leurpolice ? En quoi l’humiliation,l’intimidation sont éducatifs ? Enquoi le mensonge est-il formateur ?Visiblement, les enfantss’attendaient à une action deprévention avec les gendarmes, etils ont vécu un traumatisme. Aprèscela, comment pourront-ils avoirconfiance dans la parole desgendarmes et des policiers, voiredans celle des adultes, enparticulier dans celle du CPE etdes enseignants qui ont participéet/ou laissé faire ?Faire circuler l’information, c’estdéjà entrer en résistance… Il n’estjamais trop tard pour entrer enrésistance quand les libertés descitoyens sont en danger. […]

JEAN-PHILIPPE ET MARIE-FRANÇOISE LE NOA

JEUDI 18 DÉCEMBRE 2008 / POLITIS / 29

Politis, courrier des lecteurs, 2, impasse Delaunay, 75011 Paris.Fax : 01 43 48 04 00. E-mail : [email protected]

Grenoble : du 9 au 19décembre,l’association «Drugi Most, un autrepont vers les Balkans» organise lahuitième édition du festival Du mondeaux Balkans. Au programme, desconcerts-spectacles issus d’unerésidence artistique, des projectionsde films suivies de discussions, desconcerts, des expositions et unerencontre avec des animateurs deFrance et de Bosnie-Herzégovineengagés dans un projet socioculturelà Mostar.04 38 49 02 78, http://drugimost.free.fr

Le Thor (84) : les 13 et 14décembre,les associations D3P et Fruits oubliésPaca organisent la Fête de labiodiversité paysanne et des variétésanciennes.Salle des fêtes et jardins. [email protected]

Paris VIIe : du 17 au 19décembre, ATDQuart Monde, le Cevipof et Sciences-Po Paris organisent un colloqueinternational sur « La démocratie àl’épreuve de l’exclusion». Enprésence notamment de PaulBouchet, Leandro Despouy, NonnaMayer, et Serge Paugam, enpartenariat avec France Culture.27, rue Saint-Guillaume. www.atd-quartmonde.fr

Paris Ve : le 18décembre, à 17h30, lesphilosophes Étienne Balibar, SidiMohammed Barkat et Alain Brossatprésentent la revue franco-italiennede philosophie la Rose depersonne/la Rosa di nessuno. Troisans après, « les révoltes françaises del’automne 2005 n’ont pas cessé dereprésenter une énigme politique etthéorique de première importance».Librairie Vrin, 71, rue Saint-Jacques.

Aix-en-Provence (13) : tous lesjeudis, de 19 h à 21 h, l’Universitépopulaire et citoyenne du Pays d’Aix,« projet associatif et bénévole», vouspropose ses cours : philosophiepolitique (avec André Koulberg,professeur de philosophie), économie(André-Jacques Holbecq, éco-sociétaliste), constitution (ÉtienneChouard, professeur d’éco-gestion),sociologie (à partir de janvier2009).La Maison des associations, Lou Ligourès,place Romée-de-Villeneuve. 06 73 34 85 30,[email protected]

Paris XIIIe : le 21décembre, à 17 h, lapièce de théâtre Zorro el Zapato. Lesacteurs, amateurs, ont revu et corrigéune création de la compagnieTamérantong (dont les piècessont jouées par et pour des enfants).Un mystérieux personnage masquésème le trouble, tandis qu’un curieuxGringo McDollar s’intéresse de prèsau maïs bleu…Le Barbizon, 175 bis, rue de Tolbiac. Tarifd’entrée libre. www.lebarbizon.org

A g e n d a

Roland Veuillet en dangerJe me permets de vous envoyer ce mail afin de relayer uneinformation qui passe, pour le moment, inaperçue dans la

sphère médiatique.On a parlé, il y a quelque temps déjà, de l’appel d’offres qu’auraitlancé le ministère de l’Éducation nationale afin de «dépister» lesenseignants susceptibles d’avoir une influence syndicale ouidéologiqueauprès de leurs collègues via Internet. Il sembleraitque de tels agissements antidémocratiques aient déjà lieu sur leterrain.En effet, depuis le 6novembre 2008, Roland Veuillet, conseillerprincipal d’éducation, est en grève de la faim devant le rectorat deLyon. Il y passe non seulement ses journées mais également sesnuits (froides, il va sans dire) ! Pourquoi une telle action, siviolente, si dangereuse pour sa santé et si anxiogène pour safamille ?Tout simplement parce que Roland Veuillet a subi une mutationdisciplinaire en 2003 pour avoir refusé de faire remplacer lessurveillants de son lycée, alors en grève pour la sauvegarde deleur statut, par des élèves majeurs, ce qui aurait étépour lemoinsdangereux pour les élèves et révélateur d’une certaineinconscience professionnelle !Roland Veuillet se retrouve donc en banlieue lyonnaise, àVilleurbanne, loin de sa femme et de ses enfants, restés à Nîmes.Le plus risible, si l’on peut dire, réside dans le fait que le Conseilsupérieur de la Fonction publique a rendu un rapport qui exonéraitRoland Veuillet de toute faute professionnelle, révélant ainsi undossier «vierge» d’une quelconque action répréhensible.Malheureusement, cet organisme, malgré une dénomination assezflatteuse, ne revêt qu’un rôle consultatif auprès du cabinet deM. Darcos, ministre de l’Éducation nationale.Roland Veuillet risque sa vie pour un simple vœu : que sa situationsoit réexaminée par l’administration de l’Éducation nationale etqu’il puisse enfin rentrer chez lui après cette longue et harassanteparenthèse pour le moins inquiétante pour notre démocratie etnotre liberté de penser ! Les personnels de son établissementviennent de lancer une opération «collège occupé : dossier ferméégale livres fermés ! ». La nuit, plusieurs personnes dorment dansl’établissement, et certains se relaient pour rendre visite à notrecollègue devant le rectorat en lui apportant du thé, du café, desbouillottes…

COLLÈGE DES GRATTE-CIEL MORICE-LEROUX, VILLEURBANNE (RHÔNE)

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Pensez-y !

Page 30: Politis Croissance Verte

DU KOUCHNERISMEOn passera rapidement sur l’aspect le moinsragoûtant de la récente sortie de BernardKouchner sur l’inutilité supposée d’un secré-tariat aux Droits de l’homme (« je regretted’en avoir demandé la création ») : ce côté coupde pied de l’âne à une collègue en semi-dis-grâce (1) qui se trouve être, de surcroît, sa sub-ordonnée – à qui donc il devrait, en prin-cipe, sa protection de suzerain. Mais lui-mêmeest vassal… Telle est la Cour, telles sont sesmœurs, sous Nicolas Ier. Comme elle fut etcomme elles furent, rien de nouveau sous lesoleil, sous ses prédécesseurs.Le Prince actuel est seulement un peu plusmégalo que la moyenne, et ceux qui le servent enclins à une servilité plus grande.

Sur le fond, l’affirmation selon laquelle « onne peut pas diriger la politique extérieure d’un paysuniquement en fonction de cette question [desdroits de l’homme] » est une évidence.Qu’elle sorte de la bouche d’un hommequi a bâti toute sa carrière sur le refus de lareal politic, à laquelle il opposait « le droitd’ingérence », lui donne une saveur particu-lière. D’autant que la polémique tombe à ladate anniversaire, le soixantième, de laDéclaration universelle. Autant le travailde terrain du Kouchner première époque,quand, avec l’embryon des MSF, il soignait,pieds dans le sang et la merde, les blessés desguerres lointaines, me semblait digne derespect ; autant le Kouchner politicard, don-neur de leçons, emphatique, déclamant lachanson des droits de l’homme en touteoccasion et hors de propos, m’a toujoursgonflé. C’est ainsi : le « kouchnerisme »,variante du « droit de l’hommisme », est uneescroquerie intellectuelle consistant à fairecroire aux braves gens que les relations inter-nationales peuvent se régler avec de bons sen-timents, un sac de riz sur l’épaule et indé-pendamment de la dure réalité des intérêtset rivalités nationales, et du cynisme sansborne des États, à commencer par ceux quidominent le monde. Un leurre.Et tout ça pour en arriver là : être le mi nistreétranger aux affaires d’un Sarkozy qui leconsidère comme une prise de guerre (surla gauche) et l’utilise comme un bouffon (ilparaît que Nanard connaît tout plein dechansons qui distraient notre Souverain lorsde ses longs périples aériens.) Pitoyable !

L’UNIVERS ONUSIENLe hasard fait que j’assistais récemment àun exposé public d’un homme qui a beau-coup bourlingué au service de la diplo-matie française, en Amérique latine notam-ment. Mais pas seulement : il fut aussi,durant plusieurs années, le directeur géné-ral de l’ONU, n° 2 de l’organisation, nomméà ce poste par Pérez de Cuéllar. Et c’estsur l’ONU, son rôle, son fonctionnementque portait sa conférence.À 72 ans, Antoine Blanca, fils d’un répu-

blicain espagnol exilé en Algérie après lavictoire de Franco, professeur, militantsocialiste de toujours (proche de PierreMauroy), longtemps dirigeant de la fédé-ration nationale des clubs Léo-Lagrange,n’est pas très conforme à l’archétype dudiplomate classique : de préférence aristo,formaté ENA, révisé Quai d’Orsay (Mit-terrand s’était plu à nommer quelquesambassadeurs atypiques, dont Rouleau estun autre exemple ; et Sarkozy fait de même,en envoyant Rufin à Dakar). Déjà, lors-qu’il était en fonction, son franc-parler fai-sait grincer quelques dents – dont celles deBoutros Boutros-Ghali, qu’il ne semblepas tenir en très haute estime (c’est lui quil’a viré, en supprimant son poste, pourcomplaire aux États-Unis, « qui ne lui en ontmême pas été reconnaissants, puisqu’ils lui ontrefusé un second mandat » !). Mais même sanspratiquer la langue de bois, le métier obligeà une certaine réserve.Aujourd’hui retraité, Blanca ne se retientguère de dire tout le mal qu’il pense de« l’univers onusien ».

SANS COMPLAISANCELe mal, c’est peut-être trop dire, car l’hommereste attaché à ces valeurs humanistes quiont présidé à la création de ce grand forumdes nations, comme à cette Déclaration de1948, que l’on célèbre d’autant plus qu’onla respecte moins. Il apprécie en outre le côtémelting-pot de l’immeuble de verre new-yorkais et juge au final que « ce serait encorepire si l’ONU n’existait pas ».Disons qu’il en pointe sans complaisanceles insuffisances et les dysfonctionnements.Et que, au poste qui était le sien, dans son« grand bureau avec vue sur l’Hudson Riverjuste en dessous de celui du secrétaire général »,en charge notamment des problèmes dedéveloppement, obligé de fréquenter defranches crapules en ayant à l’esprit lesmassacres et sévices par elles infligés à leurspeuples (au Darfour, par exemple), sansparler des prévarications, détournement etgabegies de toutes sortes, confronté à lapolitique indigne d’un FMI voué au seul pro-fit des marchands au détriment des popu-lations les moins bien loties, ou encore auxquerelles de préséance et de compétencedes « organismes associés » (la FAO et le Pro-gramme alimentaire mondial se tirant labourre), Antoine Blanca le dit sans détour :« Il faut savoir cuirasser son cœur. »La réalité de l’ONU, ce sont l’individualismeet la volonté de puissance des États, USAen tête, leur arrogance envers le reste dumonde, qui ne permettent à l’organisationde survivre qu’à l’état de « croupion ».

FAIRE SEMBLANTReste alors à faire comme si. Comme siles ambassades au bout du monde, les inces-sants allers et retours, les conciliabules,suppliques ou objurgations pour tenter de

dénouer d’indénouables fils et trancher, enl’absence de glaive, les nœuds gordiens desituations inextricables servaient à quelquechose. L’orateur prend l’exemple de cettemission au Maroc pour mettre en place leréférendum sur l’autodétermination duSahara occidental, sans cesse renvoyé auxcalendes : « Chacun savait que cette consulta-tion n’avait aucune chance de se tenir avant quele roi du Maroc ne soit assuré de l’emporter. Jerappelais au secrétaire général cette évidence,qu’il connaissait du reste aussi bien que moi. »« “Allez-y quand même, me répondit Pérez deCuéllar, je ne vous demande pas de réussir,juste de faire semblant.” »

L’EXEMPLE RWANDAISTelle est la politique internationale, et ce n’estpas près de changer. Les États sont desmonstres froids, qui défendent tous et enpriorité leur bout de gras (comme on levoit encore ces jours-ci en Europe face à lacrise ou aux périls climatiques : ne pas selaisser prendre aux déclarations triom-phales de rigueur).Un lecteur apparemment atteint de psitta-cisme et se prenant pour le regretté Vers-chave (2), sans en avoir ni la hauteur de vueni les méthodes – pugnaces mais toujoursempreintes de respect envers ses interlocu-teurs –, nous bombarde ces temps-ci dans nosboîtes personnelles de messages électro-niques nous reprochant de ne pas parlerassez du génocide rwandais, et plus préci-sément des complicités françaises dans cesmassacres de masse, et encore plus préci-sément des responsabilités socialistes, et sin-gulièrement de celles d’Hubert Védrine, surqui il fait une véritable fixation. Je pense,personnellement, qu’il y a des complicitésfrançaises (droite comme gauche) qui sesont traduites par le soutien au Hutu Power,clairement responsable des massacres ; etj’ai signé à l’époque la pétition demandantque la justice ait à connaître de ces compli-cités. On sait qu’il y a par ailleurs des accu-sations assez précises portées envers Kagameet le camp tutsi (notamment celles du jugeBruguières, reprises dans le livre de Péan).Cela pour dire que les choses sont rarementsimples. Incontestable qu’il y a eu génocide,mais le FPR de Kagame a sa part de respon-sabilités. Incontestable aussi qu’au-delà desaccointances du fils Mitterrand (Jean-Chris-tophe, alias Papamadit) avec la familleHabyarimana, le gouvernement français (à l’époque, 1994, sous la cohabitation Mit-terrand/Balladur) a réagi sous l’emprise du« syndrome de Fachoda », soutenant sans plusd’examen les francophones contre l’avan-cée des anglophones, qui se poursuit dureste aujourd’hui dans le richissime Congoex-belge. Cette politique de la France (maisaussi de la Belgique) dans l’affaire rwan-daise est, je crois, un assez bon exemple dece qu’on appelle real politic, et qui a, en effet,peu à voir avec les droits de l’homme.

L e b l o c - n o t e s

30 / POLITIS / JEUDI 18 DÉCEMBRE 2008

BERNARD LANGLOIS

Page 31: Politis Croissance Verte

Quant à Politis, on peut lui reprocher peut-être de ne pas traiter suffisamment tel sujetpar rapport à tel autre, personne ne prétendque nous faisons un journal exhaustif etquasi parfait. Mais je n’ai jamais encorerencontré d’accusation aussi grotesque quecelle que nous fait ce lecteur : de ménagerles socialistes et d’avoir des « relations à pré-server » avec Hubert Védrine.

LA FIN DU VETO ?L’impuissance de l’ONU, si souvent dénon-cée, a longtemps tenu au système du « veto »des membres permanents du Conseil desécurité, tout au long de la guerre froide.L’impasse tragique du conflit de la Pales-tine suffit à en illustrer les effets.Dans un ouvrage récent (3), assez révéla-teur de ce qu’est la diplomatie américaine,j’ai relevé ceci : « Sur le moment, la chute dumur de Berlin ne m’est pas apparue comme lafin d’une époque. Pour moi, la donne a changéle jour où Jim Baker et Edouard Chevardnadzeont condamné d’une seule voix l’invasion duKoweït par l’Irak. Je vois là la fin réelle de la guerrefroide. » C’est Brent Scowcroft qui parle,l’ancien conseiller à la Sécurité nationalede Bush père, dans un livre de dialogueavec Zbigniew Brzezinski, son alter egodans l’Administration Carter. Les deuxhommes, le républicain et le démocrate,ont apparemment plus de choses en com-mun que de réelles divergences : à com-mencer par la condamnation de la poli-tique de Bush fils et de la guerre en Irak. Ilsreviennent sur le passé, leurs expériencesdans le premier cercle du pouvoir américain ;ils s’interrogent aussi sur l’avenir, celui del’après-guerre froide, de l’après-11 Sep-tembre, de la nouvelle donne mondiale, dela crise, de la victoire d’Obama, etc.Avec cet autre point commun (les Ricainssont d’incorrigibles optimistes !) : l’Amé-rique saura se sortir du marasme où elle estplongée, conserver son leadership et vaincrecette « haine » (4) que lui voue le reste dumonde, ce qui fait dire à Ignatius, avec l’ac-quiescement des deux diplomates : « Le nou-veau président va entrer en fonction dans unmonde singulièrement hostile aux États-Unis. Jene me souviens pas d’une seule période où la terreentière ait été aussi remontée contre nous. »Remettre, peut-être, une pincée de droitsde l’homme dans le sombre brouet de lareal politic ?

B. L.(1) Rama Yade qui se défend plutôt bien (paranticipation !) dans Les Droits de l’homme expliquésaux enfants de 7 à 77 ans, Seuil, 120 p., 7 euros.(2) François-Xavier Verschave, membre fondateur deSurvie, l’association de référence dans la dénonciationdu néocolonialisme, notamment français et en Afrique,http://survie.org.(3) L’Amérique face au monde, Pearson, 310 p.,24 euros, échange arbitré par l’éditorialiste duWashington Post David Ignatius, préface de P. Boniface.(4) La Haine de l’Occident, Jean Ziegler, Albin Michel.

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JEUDI 18 DÉCEMBRE 2008 / POLITIS / 31

L e b l o c - n o t e s

C’est ainsi : le« kouchnerisme »,variante du« droit del’hommisme »,est uneescroquerieintellectuelleconsistant à fairecroire aux bravesgens que lesrelationsinternationalespeuvent serégler avec debons sentiments,indépendammentdu cynisme sansborne des États.

Page 32: Politis Croissance Verte