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united nations educational, scientific and cultural organization organisation des nations unies pour l'éducation, la science et la culture Projet transdisciplinaire: Education et information en matière d'environnement et de population pour le développement (EPD) La Population et la Qualité de la Vie Synthèse pédagogique des papiers thématiques sollicités par la Commission Indépendante pour la Population et la Qualité de la Vie Novembre 1996 Paris EPD-96/WS/3

Population et la qualité de la vie: synthèse pédagogique ...unesdoc.unesco.org/images/0010/001056/105623fo.pdf · Sommaire Présentation 1. La croissance différentielle de la

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united nations educational, scientific and cultural organization organisation des nations unies pour l'éducation, la science et la culture

Projet transdisciplinaire: Education et information en matière d'environnement et de population pour le développement (EPD)

La Population et la Qualité de la Vie

Synthèse pédagogique des papiers thématiques sollicités par la Commission Indépendante pour la Population et la Qualité de la Vie

Novembre 1996 Paris

EPD-96/WS/3

Sommaire

Présentation

1. La croissance différentielle de la population et sa répartition dans l'espace

1.1. Les projections démographiques des Nations unies

1.2. Transition démographique et mutations en cours

1.3. Les phénomènes migratoires

2. La révolution urbaine

2.1. La croissance de la population urbaine

2.2. Exclusion sociale et ségrégation spatiale

3. La pression démographique, les ressources et l'environnement

3.1. L'approche globale des relations population-environnement

3.2. Les changements climatiques : causes et conséquences possibles

3.3. Gestion et répartition des ressources en eau

3.4. La terre et les hommes

4. La crise des modèles de développement

4.1. La mondialisation de l'économie et l'ajustement structurel

4.2. Conséquences pour l'emploi et les dépenses sociales

4.3. Croissance économique, disparités sociales et montée de la pauvreté

5. Les changements dans l'organisation et la vie familiales

5.1. Changements sociaux et mutations des structures familiales

5.2. Solidarités familiales et relations intergénérationnelles

5.3. La situation des femmes : avancées, régressions, nouveaux modèles familiaux

5.4. L'enfance face à l'aggravation et à la multiplication des risques sociaux

6. L'éducation, composante essentielle de la qualité de la vie

6.1. L'action éducative et ses effets induits

6.2. Avancées et disparités régionales en matière d'éducation

6.3. Inégalités entre les sexes et cumul des inégalités

7. La qualité de la vie : un concept en devenir

7.1. Problèmes de définition et de mesure

7.2. Mondialisation, démocratie et qualité de la vie

Présentation

La deuxième moitié du XXe siècle a été marquée par des changements profonds concernant la

croissance, la structure et la répartition de la population mondiale, la pression exercée sur les

ressources et l'environnement, l'organisation sociale et familiale, l'évolution du rôle et de la

condition de la femme. Ces changements ont abouti à l'émergence d'une crise majeure qui a

révélé la complexité des contextes socio-culturels et l'importance des interactions entre la

population, le milieu naturel, l'évolution des activités économiques et la répartition des biens et

des services. La globalisation de l'économie s'est accompagnée d'une aggravation des disparités

entre Etats, et de l'augmentation des inégalités entre habitants d'un même pays, soulignant, par là

même, la crise des modèles d'organisation des sociétés. La croissance démographique, la

pauvreté et la dégradation de l'environnement se renforcent mutuellement et posent, en termes

pressants, de formidables défis aux gouvernements, aux organisations internationales et aux

institutions privées, notamment quant aux stratégies à mettre en oeuvre pour assurer un

développement mondial socialement équitable et écologiquement durable.

C'est pourquoi plusieurs d'entre eux, préoccupés par la gravité et l'urgence de ces problèmes, ont

décidé de prendre une initiative d'importance dans ce domaine. Ils ont mis en place, en novembre

1992, une Commission Indépendante sur la Population et la Qualité de la Vie, composée de

vingt personnalités politiques ou scientifiques de notoriété internationale. Elle avait pour mission

de proposer une analyse novatrice des problèmes de population à l'échelle de la planète, tout en

contribuant à formuler des propositions mobilisatrices, affranchies des contraintes

institutionnelles et fondées sur un respect scrupuleux de la dignité humaine. '

La Commission a donc adopté une approche multidimensionnelle susceptible de prendre en

compte les nombreuses interactions entre les changements démographiques, les évolutions socio-

économiques et la transformation de l'environnement. Ce faisant, les travaux de la Commission

se sont inscrits dans le droit fil des recommandations de la Conférence des N.U. sur

l'environnement et le développement (Rio de Janeiro, 1992), ainsi que de celles de la Conférence

internationale sur la population et le développement (Le Caire, 1994). Ils rejoignent naturellement

les orientations de l'Unesco relatives à l'éducation en matière de population, d'environnement et

1 Voir le Rapport de la Commission publié sous le titre "Caring for the Future - Making the Next Decades Provide a Life Worth Living", Oxford University Press, Oxford, 1996.

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de développement durable, en assurant la maîtrise de la croissance démographique et la lutte

contre l'aggravation de la pauvreté.

La stratégie d'action de la Commission s'est caractérisée par un échange intensif d'idées,

d'opinions, de savoirs - selon un processus interactif - dans le cadre de consultations

publiques organisées dans les grandes régions du monde, ainsi que dans le cadre de panels

thématiques d'experts. La Commission s'est attachée à recueillir tout particulièrement les vues

des femmes et des jeunes pour mieux comprendre les besoins des publics auxquels s'adressent les

programmes de population et de santé.

Enfin, elle a sollicité l'avis de quelques soixante dix spécialistes en sciences de la population et

disciplines connexes, originaires de différentes parties du monde, sur une série de thèmes

spécifiques ayant trait à la population et à l'amélioration de la qualité de la vie. Il a paru

opportun et utile d'analyser les principaux papiers thématiques préparés par ces

spécialistes afín d'en dégager les informations les plus significatives, les idées nouvelles,

pour les rendre accessibles à celles et à ceux qui travaillent dans le champ de l'éducation et

de l'information en matière de population .

Cette synthèse pédagogique des travaux des spécialistes consultés par la Commission

Indépendante, dont l'objectif premier est de fournir des informations scientifiques mises à jour,

selon une approche multi-dimensionnelle, s'adresse, en priorité, aux Conseillers Régionaux des

Equipes FNUAP de Soutien Technique, aux responsables nationaux de projets, aux formateurs

chargés de présenter les questions de population . Elle devrait également intéresser les

« décideurs » qui sont amenés, à leur niveau, à trouver de nouvelles approches des problèmes

sociaux et démographiques, ainsi que les « acteurs », responsables locaux, associatifs,

groupements féminins qui ont à informer, à convaincre et à mobiliser activement des hommes et

des femmes pour trouver des solutions originales et adaptées à leurs besoins.

L'élaboration de cette synthèse a été assurée par Léon GANI, démographe - sociologue, et la

coordination de sa mise en oeuvre par M.L. Samman, démographe - géographe, spécialiste

principale du programme, EPD . Elle est disponible dans les deux langues, le français et l'anglais.

Les opinions exprimées dans cette synthèse sont celles des auteurs et ne reflètent par

nécessairement les vues officielles de l'UNESCO.

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1. La croissance différentielle de la population et sa répartition dans l'espace

1.1. Les projections démographiques des Nations unies

Les processus démographiques, enjeux des réflexions et des politiques de population concernent,

en dernière analyse, la vie et la mort des êtres humains. Cependant, les conditions dans

lesquelles les êtres humains naissent, vivent et meurent, comme le sens qu'ils donnent à leur

existence, sont infiniment variés. L'exploration de la problématique de la population utilise

des projections démographiques fondées sur une série d'hypothèses ; ces calculs permettent

d'anticiper des situations, de construire des scénarios, de prévoir les multiples conséquences qui

peuvent en résulter.

• La croissance démographique est bien mesurée à peu près partout dans le monde et des

projections à très long terme sont périodiquement effectuées par les Nations unies. Les derniers

calculs des Nations unies portent sur une très longue durée puisqu'ils vont, pour la première fois,

jusqu'en 2150, par grandes régions. L'hypothèse fondamentale est que les populations tendent,

l'une après l'autre, vers une situation dite « stationnaire » ; cependant, cette hypothèse commune

à toutes les populations, ne repose sur aucun argument théorique ou même historique, mais c'est

la seule que l'on puisse retenir actuellement. C'est dire que ces efforts de prospective en matière

de population sont certes indispensables, tout en étant, par nature, spéculatifs.

• Des différents scénarios qui ont été établis, on retient généralement deux variantes

intermédiaires, dites «moyenne» et «moyenne haute». La première donne 11,5 milliards

d'habitants en 2150 et la seconde 20,8 milliards. Les deux scénarios diffèrent assez peu dans les

hypothèses d'évolution de la fécondité : en moyenne, cette différence est d'environ 10% ;

néanmoins, cet écart relativement faible conduit à des résultats très divergents car la durée de la

projection est très longue. Mais cela montre, de manière évidente, l'extrême sensibilité de

l'évolution démographique future aux changements de fécondité et l'importance qu'il convient

d'attacher aux programmes de santé publique et de planification des naissances.

• C'est dans les pays en développement que la croissance a été la plus forte depuis 1950

et qui le restera encore selon les deux variantes retenues (« moyenne » et « moyenne haute »).

Ainsi, la population de l'Afrique, qui était de 222 millions en 1950, était estimée à 642 millions

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en 1990. Selon la variante « moyenne », elle s'élèverait à 2265 millions en 2050 et à 3090

millions en 2150, ou à 5640 millions selon la variante « moyenne haute ». La densité moyenne,

actuellement de 25 habitants au kilomètre carré, grimperait à 102 en 2150. Quelles que soient la

variante choisie et la durée de la projection, on ne pourra bientôt plus parler d'espace vide sur le

continent africain comme on l'a souvent fait dans le passé.

L'accroissement de la population de l'Inde serait presque aussi spectaculaire que celle de la

population africaine. Selon la variante « moyenne », la population indienne passerait de 853

millions en 1990 à 1699 millions en 2050, la densité variant de 275 à 520 habitants au km2. Le

gigantisme de plusieurs pays asiatiques ira en s'accentuant, entraînant un déplacement du centre

de gravité mondial vers la région Asie-Pacifique pour des raisons à la fois économiques - avec

un rythme de croissance élevé - et démographiques. La population de l'Asie, selon la projection

« moyenne » des Nations unies, continuera de représenter près de la moitié de la population

mondiale pendant encore 150 ans, constituant ainsi un énorme bassin de producteurs et de

consommateurs. Ce sera une des données essentielles des XXIe et XXIIe siècles, avec des

conséquences dans tous les domaines.

• L'étude des changements démographiques montre que la division traditionnelle entre

pays développés et pays en voie de développement ne correspond plus aux réalités actuelles,

ni aux répartitions prévisibles dans l'avenir. Si l'on classe les différents pays du monde selon

leur situation dans le processus de transition démographique, c'est-à-dire, de manière simplifiée,

le passage d'un régime démographique « ancien », de forte mortalité et de forte fécondité, à un

régime démographique « moderne », de faible mortalité et de faible fécondité, on obtient les

quatre groupes suivants :

Groupe 1 : Pays actuellement développés parvenus au-delà du terme de la transition

démographique : Europe, Amérique du Nord, Océanie, ancienne U.R.S.S.. Ces pays se

caractérisent par le vieillissement marqué de leur population. Celle-ci serait estimée à 1237

millions d'habitants en 2025 et à 1191 millions en 2100.

Groupe 2 : Pays nettement entrés dans la transition démographique avec une forte baisse de

leur fécondité mais qui conservent encore un taux de croissance positif. C'est avant tout, à

part quelques pays de faible importance démographique (Maurice, Barbade, République de

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Corée), le cas de la Chine, dont la population en 2025 serait de 1513 millions et

s'abaisserait à 1405 en 2100, selon la variante « moyenne ».

Groupe 3 : Pays qui seraient en 2025 sur le point de parvenir à l'achèvement de la

transition démographique. On y trouve la plupart des pays d'Amérique latine (573 millions

en 2025) et surtout d'Asie, hors la Chine (3043 millions en 2025). Au total, la population de

ce groupe s'élèverait à 5860 millions de personnes en 2100.

Groupe 4 : Pays dont la fécondité serait encore relativement élevée en 2025, et donc encore

loin d'achever leur transition démographique. Dans ce groupe, qui comprend quelques pays

d'Amérique Centrale, de la Caraïbe et d'Afrique du Nord, l'Afrique sub-saharienne y tient

une part dominante, avec 2730 millions d'habitants en 2100.

1.2. Transition démographique et mutations en cours

• Dans les pays industrialisés, la transition démographique a eu lieu pendant le XIXe siècle et la

première partie du XXe siècle. Elle a commencé au cours des années 1940-1950 dans la plupart

des pays en voie de développement. Il semble que partout, l'élément déterminant de la

transition démographique ait été la baisse de la mortalité infantile et la baisse de la

mortalité maternelle et adulte. A titre d'exemple, la plupart des pays d'Amérique latine ont

commencé à mettre en oeuvre, depuis les années 30, des programmes de santé publique ayant

notamment pour objectifs la mise en place de centres de santé urbains et ruraux, l'organisation de

campagnes de vaccination et de prévention des maladies infectieuses, la lutte pour l'éradication

du paludisme et de la variole, la construction de réseaux d'eau potable et d'égouts. Dans ces

conditions, l'espérance de vie à la naissance a doublé dans la plupart des pays d'Amérique latine,

atteignant 60 ans en moyenne.

• La baisse rapide de la mortalité est généralement associée à une hausse temporaire de la

fécondité. Ainsi, en 1950, dans un grand nombre de pays d'Amérique latine, l'indice synthétique

(ou conjoncturel) de fécondité se situait entre 6 et 7,5 enfants par femme, et s'est maintenu à un

niveau assez élevé pendant plusieurs années. Entre 1950 et 1990, cet indice a diminué de moitié,

voire plus, passant de 6,8 à 2,7 enfants par femme en Colombie, de 6,9 à 3,6 au Pérou, de 7,4 à

3,3 en République Dominicaine.

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• Plusieurs causes ont été avancées pour tenter d'expliquer le déclin de la fécondité dans les

différents contextes sociaux, économiques et culturels, qu'il s'agisse de l'évolution de la valeur

que l'on attache à l'enfant qui augmente en cours de transition (Ariès, 1980), des modifications

relatives à la condition féminine (Boserup, 1985) ou de la sécularisation en matière de religion

(Lestaeghe et Wilson, 1982).

Selon J.-C. Caldwell (1978, 1982), le niveau de la fécondité serait fonction de la direction des

échanges intergénérationnels de richesses : dans les sociétés « traditionnelles », les flux de

richesse favorisent les parents qui bénéficient très vite du travail de leurs nombreux enfants.

Lorsque le mouvement s'inverse et que les parents doivent assumer le coût des dépenses sociales

des enfants, on constate un déclin de la fécondité. Ainsi, selon Caldwell, la transition

démographique accompagnerait le passage de la production familiale à la production capitaliste.

• Suivant les travaux de L. Tabah (1983), M.-E. Cosio-Zavala (1988) considère qu'il existe

aujourd'hui deux modèles de transition démographique dans les pays en développement. Le

premier concerne les couches sociales privilégiées qui intègrent les valeurs de la modernité et

participent aux progrès économiques et sociaux. Dans ces couches sociales, la baisse de la

fécondité résulte notamment de l'élévation du niveau d'éducation, de l'amélioration du statut de

la femme, d'une large utilisation des moyens contraceptifs modernes, d'un habitat urbain et de

bonnes conditions de vie et de travail.

En revanche, le deuxième modèle prend en compte les groupes défavorisés qui réduiraient leur

fécondité par suite de la précarité et de l'insécurité de leurs conditions de vie. Cette

« contraception de pauvreté » serait facilitée par la diffusion intensive de la propagande en faveur

de la limitation des naissances et par une offre abondante de moyens anticonceptionnels. En tout

état de cause, les experts s'accordent sur le fait qu'il n'existe pas un modèle unique de transition

démographique, les conditions dans laquelle celle-ci se produit étant sous l'influence de variables

temporelles et spatiales, des valeurs et des normes de chaque société, de son organisation

économique et sociale.

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1.3. Les phénomènes migratoires

• Les mouvements migratoires des campagnes vers les villes ainsi que les migrations

internationales ont pris une grande ampleur au cours des dernières décennies. Cependant, il

n'est pas toujours facile de mesurer ces mouvements et de distinguer, parmi les migrants, ceux

qui ont quitté leur pays ou leur région d'origine pour une période limitée ou de manière définitive

ainsi que les causes de ces migrations, économiques ou politiques.

On prévoit aussi que le nombre des « réfugiés écologiques » augmentera sensiblement dans

les prochaines années, en particulier si les prévisions se confirment sur le réchauffement de la

planète et sur l'épuisement des nappes phréatiques de certaines régions. Ces phénomènes ne

peuvent être dissociés des processus de croissance démographique, bien que les disparités socio-

économiques entre pays et régions, la dégradation de l'environnement, les conflits civils et les

guerres aient beaucoup favorisé ces migrations.

• Dans la plupart des pays africains, les mouvements migratoires des campagnes vers les

villes sont utilisés comme des « stratégies de survie » par toutes les familles des milieux

menacés, où l'équilibre entre population et ressources est marqué du signe de la précarité. En

effet, les solidarités très fortes qui s'imposent, par l'éducation et les croyances, à tous les

membres d'une famille et d'un lignage, font que les revenus acquis par un migrant vont, au moins

en partie, revenir à la famille qui l'a « envoyé » (Mahieu, 1993). A l'inverse, la famille de

« départ» peut continuer à aider le migrant parti en ville ; au Kenya, par exemple, 25% des

migrants reçoivent une aide de leur famille restée au village (Oucho, 1990). D'une manière

générale, les mouvements migratoires accroissent les risques de déstructuration de la cellule

matrimoniale. Ainsi, en Afrique sub-saharienne, la polygamie est souvent une solution pour les

maris partis seuls. Ils prennent une nouvelle épouse à leur lieu d'arrivée : on assiste à la formation

de nouvelles familles à structure multipolaire, avec des « noyaux » ruraux et d'autres à la ville.

• Les mouvements migratoires n'ont pas que des aspects négatifs pour les familles. Ainsi, dans

certains pays arabes comme l'Egypte, l'émigration masculine a permis l'émergence d'un

phénomène nouveau : les familles gérées par une femme. Il est de plus en plus fréquent que

l'épouse de l'émigré jouisse d'une liberté plus grande et d'une capacité décisionnelle accrue dans

des domaines normalement laissés au mari.

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Ce phénomène a même touché le milieu rural. Il est en train de modifier, de façon significative,

les coutumes et les traditions concernant le rôle et le statut des femmes. Si une certaine division

du travail se réinstalle au retour du mari, les compétences acquises par la femme lui permettent

néanmoins de jouer un nouveau rôle, ce qui constitue un acquis pour le couple. En tout état de

cause, ce phénomène favorise, au sein du couple et de la famille, l'établissement de relations

différentes de celles qui existaient avant l'émigration du mari (Geadah, 1990). Les conséquences

négatives existent toutefois : surcharge de travail pour la femme, stress provoqué par des

responsabilités auxquelles, souvent, elle n'a pas été préparée, absence du père pour les enfants,

conflits éventuels avec d'autres mâles de la famille.

• S'agissant plus particulièrement des migrations internationales, un peu moins de 100

millions de personnes ont été dénombrées dans les recensements récents comme vivant hors de

leur pays d'origine, ce qui représente environ 2% de la population mondiale. Les données sur les

migrations internationales doivent être considérées avec une grande prudence car elles constituent

l'un des points faibles de l'information démographique. On constate cependant, parmi les

caractéristiques principales des migrations depuis 40 ans, une progression sensible du nombre des

migrantes : les femmes entrent maintenant à peu près pour moitié dans les mouvements

migratoires internationaux.

C'est notamment le cas en Asie ; dans certains pays comme l'Indonésie et le Sri-Lanka, les

femmes constituent la majorité des partantes. Aux Philippines, l'émigration annuelle, tournée en

particulier vers les pays du Moyen-Orient dans les années 70, a pris un essor considérable,

passant de plus de 350 000 emigrants en 1984 à près de 687 000 en 1992. Cette émigration, qui

résulte avant tout de la pression démographique, de la pauvreté et du chômage est constituée,

pour moitié, de femmes ; elle a été encouragée par le gouvernement, soucieux de redresser la

balance des paiements par les envois d'argent des émigrés vers les Philippines. Ces migrants sont,

le plus souvent, durement traités : déqualification, bas salaires, travail clandestin, habitat précaire,

exploitation sexuelle des femmes sont fréquents. Ces problèmes se posent notamment dans les

grands ensembles urbains où les immigrés subissent de plein fouet les nombreuses difficultés et

les tensions sociales liées à la crise économique et à la montée de la pauvreté.

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2. La révolution urbaine

Parallèlement à d'autres changements démographiques majeurs, l'urbanisation s'est accélérée

dans le monde entier depuis 1950, conséquence de la forte croissance de la population et de

l'exode rural, avec une intensité qui varie selon les pays et les régions.

2.1. La croissance de la population urbaine

• L'Asie et l'Afrique sont beaucoup moins urbanisées que le reste du monde, mais elles

enregistrent actuellement des taux plus rapides de développement urbain. On prévoit

qu'entre 1980 et l'an 2000, l'accroissement de la population urbaine mondiale se fera à raison de

85% en Afrique avec des indices d'accroissement urbain qui dépassent 5% par an en Afrique

orientale, centrale et occidentale, où les niveaux actuels d'urbanisation sont les plus bas. En 2025,

selon les prévisions des Nations unies, près de 60% de la population africaine devraient vivre

dans les agglomérations.

Le mouvement de concentration urbaine engagé au début du XXe siècle en Amérique latine a été

rapide, à la suite des transformations démographiques, économiques et sociales. Vers le milieu

des années 70, les niveaux d'urbanisation, de l'ordre de 70%, approchaient ceux de l'Amérique

du Nord et de l'Europe. En dépit d'une baisse sensible des taux d'accroissement urbain,

l'augmentation de la population des villes se poursuit encore à une cadence plus rapide que celle

de la population totale. A l'horizon de l'an 2025, la population urbaine de l'Amérique latine

devrait avoisiner les niveaux prévus pour l'Europe et l'Amérique du Nord, soit environ cinq

sixièmes du total des habitants.

De même que pour d'autres aspects de l'évolution démographique, l'Asie se distingue par son

hétérogénéité ; un peu plus du quart des populations de l'Asie du Sud, du Sud-Est et de la Chine

sont urbaines. Dans la majorité de ces pays, il faudra attendre deux décennies environ pour que le

taux d'urbanisation atteigne 50%. D'autres pays d'Asie, notamment en Asie occidentale, ont des

taux d'urbanisation plus élevés, dépassant le plus souvent 60%.

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• Au total, dans les pays en développement, 3 milliards de nouveaux citadins viendront

s'ajouter, d'ici 2025, au milliard décompté en 1980 (U.N., 1993). Ainsi, à l'échelle de la planète,

s'annonce une nouvelle ère : celle des villes.

S'interroger sur les enjeux de la croissance démographique revient désormais à

s'interroger, en priorité, sur les enjeux de la croissance urbaine. Même s'il convient de ne pas

considérer uniquement les mégavilles dont la population dépasse parfois largement les 10

millions d'habitants, l'ampleur du processus d'urbanisation, à une échelle inconnue jusqu'alors,

montre l'impossibilité d'y faire face en transposant dans les pays en développement, les modèles

de civilisation urbaine des pays industrialisés. Ces modèles sont d'autant moins convaincants

dans la mesure où ils peuvent conduire à des situations explosives dans les pays les plus riches de

la planète. En d'autres termes, à l'aube du XXIe siècle, la « gouvernabilité » des villes

pourrait bien être au carrefour de tous les défis et contradictions que pose la problématique

de la population et de la qualité de la vie.

2.2. Exclusion sociale et ségrégation spatiale

• Dans la plupart des grands ensembles urbains, se sont développés des « bidonvilles » où

se concentre une part grandissante de la population pauvre, qui se caractérise aussi par sa

jeunesse. Aujourd'hui, le tiers de la population des quartiers et zones défavorisées des grandes

agglomérations a moins de 14 ans et l'on prévoit que vers l'an 2000, 60% des nouveau-nés des

pays en développement naîtront dans les villes. Celles-ci apparaissent comme des lieux de

contrastes et d'inégalités ; ainsi, au Brésil, Sao Paulo, principal foyer industriel du pays avec

plus de 15 millions d'habitants, est la ville où la plus grande richesse s'accompagne d'une forte

montée de la pauvreté. Dans cette ville, la production de logements accessibles à la population à

bas revenus continue à se faire pour les trois quarts en dehors des normes légales, techniques et

administratives, dans une sorte de « ville illégale » faite de favelas et de taudis. Ici comme dans

d'autres métropoles, se posent les problèmes d'approvisionnement en eau, en électricité et en

nourriture, mais aussi ceux qui ont trait à la pollution, aux déchets, à l'insécurité et à la

« marginalisation » d'une part croissante de la population.

• L'exode rural contribue de manière importante à l'accroissement de la population

urbaine démunie. Ainsi, en Inde, les grandes villes comme Calcutta, Bombay, Delhi ou Madras

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attirent traditionnellement des hommes seuls et des familles issues du milieu rural qui trouvent le

plus souvent des emplois marginaux, mal rémunérés, dans le secteur « informel » ; on les appelle

les « villageois urbains » (urban villagers). Cependant, un nouveau groupe de migrants, constitué

par les enfants - contraints d'émigrer vers les villes sous la pression de leurs parents - apparaît

désormais comme une composante majeure de la population citadine en Inde.

Ainsi, en 1991, sur les 69 millions de jeunes (0-14 ans) recensés en milieu urbain, 17 à 20

millions vivaient dans des taudis et dans les 23 villes indiennes, 5 à 6 millions d'enfants vivaient

dans des conditions de grand dénuement ou de « misère absolue ». Une large majorité de ces

enfants est analphabète, travaille 7 à 12 heures par jour dans de mauvaises conditions et reçoit de

faibles rémunérations. Des phénomènes analogues sont observés dans les villes du Pakistan, du

Bangladesh, du Sri-Lanka. L'exploitation économique se double souvent d'une exploitation

sexuelle, notamment pour les filles, ainsi que de la prévalence croissance des M.S.T., du sida

et de l'abus de drogues. En Asie, comme en Afrique ou en Amérique latine, la misère rurale des

années 60 est progressivement devenue une misère urbaine à partir des années 80.

• Le processus de marginalisation et de paupérisation n'épargne pas les grandes villes des

pays industrialisés. Les émeutes de Los Angeles ont secoué les Etats-Unis en 1992 ; en France,

la crise des banlieues a mis en évidence la « fracture sociale » et le malaise de civilisation.

L'urbanisme a joué un rôle d'amplificateur et de révélateur d'une société de plus en plus duale,

fabricant de plus en plus d'inégalité sociale, de ségrégation, de précarité économique,

psychologique et culturelle. Dans toute l'Europe, la ville « à deux vitesses » est devenue une

réalité avec des quartiers et des banlieues où se concentrent les groupes les plus démunis de la

population, cumulant les handicaps : le pourcentage de chômeurs y oscille entre 20 et 40%,

l'échec scolaire est élevé, la toxicomanie et l'alcoolisme connaissent une diffusion croissante.

En tout état de cause, le modèle « occidental » ne saurait être généralisé sans graves

atteintes à l'environnement. Ainsi, un demi milliard d'automobiles sont actuellement

enregistrées dans le monde, contribuant à augmenter « l'effet de serre ». Imagine-t-on ce qu'il en

serait avec plusieurs milliards de véhicules circulant sur les routes et les villes de la planète ? En

1992, le « Sommet de la Terre » a lancé le défi de concilier le « développement durable » et le

« développement humain » avec le futur des villes, afin d'en faire des « villes durables »

(« sustainable cities »). Relever ce défi implique d'immenses efforts d'imagination et de solidarité

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pour rompre le cercle vicieux de la pauvreté, de l'exclusion et de la destruction de

l'environnement. Ainsi, la question urbaine, à l'instar des théories du développement, peut être

perçue à la fois comme « la conquête de nouveaux territoires et la construction d'un territoire ».

3. La pression démographique, les ressources et l'environnement

3.1. L'approche globale des relations population-environnement

Contrairement à ce que l'on observe dans les débats politiques, il n'existe pas de vues

fondamentalement divergentes dans la communauté scientifique internationale à propos des

interactions entre la population, les ressources et l'environnement. Certes, les incertitudes et les

doutes ne manquent pas dès lors que l'on aborde ces problèmes fondamentaux qui, aujourd'hui,

sont étudiés dans leur dimension planétaire. En effet, le monde contemporain est confronté à des

défis majeurs dont l'issue ne peut être trouvée dans le cadre d'un Etat ou d'une population

particulière. On le voit bien avec les nuages transportant des pluies acides par-delà les frontières,

la pollution des océans, la perte de biodiversité, la déchirure de la couche d'ozone, l'effet de serre.

Toute perturbation globale finit par se répercuter localement, selon un processus de va-et-

vient, qui affecte tous les êtres vivants et leur environnement. Le possible réchauffement de la

planète peut paraître comme étant un phénomène abstrait au petit paysan ou à l'habitant pauvre

d'une grande métropole. Il y a conflit entre une conscience à l'échelle macro et une conscience à

l'échelle micro des questions relatives à l'environnement. Or, les problèmes vitaux sont tous

des problèmes d'équilibre : dans tous les systèmes vitaux et les cycles, dans le corps humain,

dans les océans, les forêts, les espèces, rien ne croît indéfiniment sans qu'émerge un phénomène

d'autorégulation spontané d'adaptation et d'ajustement des écosystèmes. Dans les circonstances

actuelles, on ne voit pas comment cet équilibre se formera si une prise de conscience des

problèmes n'est pas suivie d'une action efficace pour enrayer une évolution que chacun redoute.

3.2. Les changements climatiques : causes et conséquences possibles

Les scientifiques du monde entier s'accordent largement pour considérer que le défi principal du

prochain millénaire est, s'il se confirme, le réchauffement qui menace l'atmosphère, bien

commun des riches comme des pauvres. On connaît, pour l'essentiel, les causes de ce

14

dérèglement généralisé : il s'agit des émanations de gaz qui renforcent l'effet de serre, en

particulier le gaz carbonique et le méthane. Le déséquilibre climatique vient exacerber les

multiples déséquilibres, en particulier la deforestation et la surexploitation agricole auxquels la

pression humaine et le mode de développement soumettent la planète.

Les calculs effectués par le Comité Intergouvernemental sur le Changement de Climat

(Intergovernmental Panel on Climate Change, I.P.C.C.) et ceux de l'Agence Américaine pour la

Protection de l'Environnement (E.P.A.) sont exprimés en tonnes de gaz carbonique émis. Sur les

5,15 milliards de tonnes émises en 1985, 3,83 furent le fait des pays industrialisés et 1,33 des

pays en développement. Entre 1985 et 2025, la quantité de gaz carbonique devrait plus que

doubler, dépassant les 12 milliards de tonnes. On assisterait ainsi à un « rattrapage » des pays en

développement par rapport aux pays riches en matière de pollution. J. Bongaarts est parvenu à la

conclusion que l'accroissement démographique contribuerait pour un tiers à l'émission de gaz

carbonique dans l'atmosphère entre 1985 et 2100. La part des pays en développement dans

l'émission totale passerait de 36% en 1985 à 44% en 2025 et à 54% en 2100.

Partant de ces estimations, les modèles élaborés par l'I.P.C.C. et l'E.P.A. prévoient un

réchauffement de la planète d'ici à 2100 de 2,5 degrés centigrades si les émissions sont

stabilisées au niveau de 1990, et de 4,2 degrés si la stabilisation est reportée jusqu'en 2075. Les

conséquences de l'élévation du niveau global de température pourraient être d'une extrême

gravité : hausse du niveau des mers menaçant directement des millions d'habitants vivant près

des côtes (60% de la population mondiale vit à moins de 80 kilomètres des côtes), extension des

épidémies et des maladies à transmission vectorielle comme le paludisme, pénuries alimentaires

et désertification accrue, mouvements migratoires massifs de « réfugiés dus à l'environnement » (

« environmental refugees » ).

Avec la mondialisation du risque climatique, la nécessité de décisions à caractère international,

suivies d'effets, s'impose de manière pressante car les évolutions démographiques et écologiques

sont rapides à l'échelle de l'histoire de la biosphère.

15

3.3. Gestion et répartition des ressources en eau

L'humanité est confrontée à un autre défi, lié au problème des changements climatiques : celui

des ressources en eau douce qui ne représentent que 2,5% du total de la masse aquatique de la

planète.

• L'eau douce est loin d'être une ressource inépuisable : ainsi, l'eau totale consommée par

plus de la moitié de la population mondiale est issue de nappes aquatiques souterraines dont la

reconstitution est si lente qu'il convient de les considérer comme étant des ressources non

renouvelables. Or, la consommation d'eau douce a augmenté de manière considérable : entre

l'année 1900 et l'an 2000, elle aura été multipliée par 10 sous l'influence de deux facteurs

étroitement liés, le premier d'entre eux étant incontestablement l'accroissement de la

population qui, partant de 1,6 milliards en 1900 devrait atteindre 6,2 milliards un siècle plus tard.

Par ailleurs, la consommation moyenne par habitant ne cesse de croître, passant de 400 m3 par

personne et par an en 1940 à 800 m3 en 1990. On estime que cette consommation moyenne va

encore doubler avant la fin du siècle selon des répartitions inégales : 1200 m3 d'eau douce en

moyenne pour un habitant des pays riches, alors que ce niveau atteindra les 523 m3 dans les pays

en développement. Les différences de consommation peuvent être extrêmement fortes : un

habitant des Etats-Unis consomme 24 fois plus d'eau pour ses besoins domestiques qu'un

habitant du Sénégal. Actuellement, la répartition de la consommation mondiale en eau est la

suivante :

- Agriculture : 69% (% en baisse depuis 1900 et devant atteindre 62,6% en l'an 2000)

- Industrie et énergie : 23% (% en hausse devant se situer à 24,7% en l'an 2000)

- Eau de boisson et usage domestique : 8%

L'augmentation de la consommation d'eau conduit à une surexploitation de cette ressource

dans certains pays, bien au-delà des capacités de reconstitution des nappes phréatiques. C'est le

cas par exemple, de la Tunisie et de la Belgique qui auraient un taux d'extraction de 50% en

excès par rapport à leurs réserves aquifères. Ce taux s'élèverait à hauteur de 90% en Israël, de

97% en Egypte, de 164% en Arabie Saoudite et de 299% dans les Emirats Arabes Unis. Le

maximum serait atteint par la Libye où les réserves aquifères fossiles sont surexploitées à un

16

rythme de 404% supérieur à la limite de reconstitution de la ressource, ce qui risquerait de

compromettre le « capital en eau » qui sera transmis aux générations futures.

L'Afrique est particulièrement concernée par la crise de l'eau, comme en témoignent les grandes

sécheresses qui frappent ce continent depuis 1968 ; on prévoit qu'au siècle prochain, les deux

tiers de la population africaine vivront dans des régions manquant d'eau. De ce fait, leur

développement pourra être sérieusement compromis, ce phénomène ne pouvant qu'accentuer les

pressions qu'exercent les populations sur l'environnement.

• Le problème de l'eau n'est pas seulement quantitatif : il se pose aussi en termes de qualité

de la ressource. Par suite des ponctions excessives effectuées sur les nappes phréatiques, la

salinisation affecte près de 40% de la capacité mondiale d'irrigation. La pollution de l'eau est à

l'origine du développement de nombreuses maladies comme le choléra, la bilharziose, les

hépatites, etc. Selon l'O.M.S., 80% des maladies dont souffrent les populations des pays en

développement résultent de la pollution de l'eau ; 14 millions d'enfants de moins de cinq ans en

meurent chaque année. Ces dangers risquent de s'aggraver avec l'accroissement massif de la

population urbaine : de grandes villes comme Mexico, Bombay, Calcutta, Sao Paulo, le Caire

sont déjà confrontées aux problèmes d'insuffisance d'eau potable.

Dans ces conditions, l'eau est déjà considérée comme une « ressource stratégique » au moins

aussi importante que le pétrole, sinon plus. Elle constitue déjà un facteur de tensions entre des

pays qui doivent se répartir les ressources en eau de fleuves qui les traversent. Ce problème se

pose, par exemple, entre la Turquie, l'Irak et la Syrie pour le partage des eaux du Tigre et de

l'Euphrate. Il constitue une dimension importante des négociations visant à établir la paix entre

les Israéliens et les Palestiniens. Le même problème se retrouve à propos des eaux du Nil entre

l'Ethiopie, le Soudan et l'Egypte, alors que l'accroissement démographique rapide de la

population de ces Etats est un facteur déterminant de l'élévation du taux d'exploitation de ces

eaux fluviales. En 1992, le sommet de Rio a consacré le plus long chapitre de son programme

d'action (« Agenda 21 ») à l'eau. Une série de recommandations a été émise visant à évaluer cette

précieuse richesse ainsi qu'à la préserver et en organiser l'usage.

17

3.4. La terre et les hommes

• La pression démographique s'exerce enfin sur les sols du fait de la hausse de la demande de

subsistances, entraînant différentes sortes de conséquences liées entre elles. La première forme de

dégradation des sols résulte du déboisement en vue d'une exploitation agricole ou pastorale

des terres défrichées ou pour obtenir du bois de chauffe. Ainsi, la forêt aurait disparu dans une

proportion de 43% au Guatemala, de 74% au Soudan (R. Bilsborrow, 1991).

En Thaïlande, la forêt couvrait 55% des superficies en 1961 et seulement 28% en 1989 (M.

Barberis, 1993). C'est au Salvador que la deforestation et l'érosion des sols ont été les plus

poussées, passant de 90% à 3% des superficies, au point que la presque totalité du bois est

aujourd'hui importée. Selon la FAO et la Banque mondiale, la destruction des forêts, estimée par

images satellitaires, atteindrait de 17 à 20 millions d'hectares par an, dont environ la moitié en

Amérique latine. Pour l'ensemble des pays en développement, le taux de deforestation serait de

l'ordre de 1 à 1,5% par an.

S'agissant de ces pays, la plupart des auteurs s'accordent sur le fait que l'augmentation des

bouches à nourrir et la pauvreté poussent souvent les paysans à déboiser, à cultiver plus

intensément des terres marginales, à diminuer les périodes de jachère, à faire du surpâturage, à

répéter les cultures sur brûlis. Toutes ces pratiques, qui entrent dans ce que R. Bilsborrow qualifie

de « stratégie de survie du ménage » (« household survival strategy »), contribuent à l'altération

des sols et notamment à une diminution des teneurs en éléments nutritifs et en matière organique.

Cette dégradation se traduit aussi par une baisse de la capacité de pénétration et de rétention

de l'eau résultant d'une altération chimique et physique des sols et d'une disparition des

particules fines de surface due à l'érosion hydrique et/ou éolienne.

• L'érosion des sols est, toutefois, le seul phénomène dont le caractère irréversible, à l'échelle

humaine, ne prête pas à discussion. En revanche, on ne sait pas si la désertification, phénomène

complexe et dont l'ampleur est mal connue, peut avoir ou non un caractère réversible. L'un des

objectifs du plan d'action de lutte contre la désertification fut précisément d'en évaluer les risques

dans les zones arides et semi-arides (à l'exclusion des déserts, qualifiés de zones hyper-arides).

18

Le PNUE publia les estimations suivantes des surfaces effectivement touchées par la

désertification :

- 1984 : 3 475 millions d'hectares ;

- 1992 : 3 592 millions d'hectares.

Ces estimations ont fait l'objet de débats dans la communauté scientifique (R. Jaubert, 1994) du

fait que la notion de désertification a évolué : en 1977, elle s'appliquait à des phénomènes

pouvant conduire à l'apparition de conditions désertiques alors qu'en 1992, le même terme est

utilisé pour caractériser un « fléchissement » du potentiel productif.

En tout état de cause, le plan de lutte contre la désertification, mis en place à la fin des années

70, n'a donné que très peu de résultats, tant pour la connaissance scientifique des régions sèches

que pour l'organisation d'actions concrètes visant à enrayer la dégradation des ressources. Ces

incertitudes n'empêchent pas la montée des tensions entre les populations qui bénéficient des

investissements dans ce domaine, notamment les agriculteurs, et celles qui sont laissées pour

compte, à savoir les nomades. Si le phénomène est particulièrement sensible en Afrique

(affrontements entre agriculteurs sénégalais et éleveurs mauritaniens à la fin des années 80), l'on

observe depuis une dizaine d'années, une multiplication des conflits dans les régions sèches,

directement liés à un problème de contrôle des ressources (Bächler, 1994).

4. La crise des modèles de développement

4.1. La mondialisation de l'économie et l'ajustement structurel

• Dans un monde qui semblait s'orienter de plus en plus vers le progrès, le couple

développement et croissance économique était perçu comme inséparable et devant assurer une

garantie certaine pour une amélioration de la qualité de la vie de la population. Cette conception

était fondée sur l'idée que le développement n'était finalement mesurable qu'à partir de

l'évolution du produit national brut (PNB). On constate aujourd'hui une véritable crise du

modèle productiviste et des paradigmes libéraux ou marxistes qui avaient inspiré les théories et

les politiques économiques après la seconde guerre mondiale. Par ailleurs, la modernisation

scientifico-technologique et la croissance économique semblent coexister avec une aggravation

de la pauvreté et de l'exclusion sociale. La dualisation sociale touche toutes les régions du monde

et la globalisation devient le nouvel enjeu des problèmes économiques et sociaux.

19

• La crise qui se manifeste avec force à partir des années 80 va déséquilibrer l'économie des

pays en développement, très dépendants de la dynamique du marché mondial. La hausse des taux

d'intérêt, la détérioration des termes de l'échange et, pour certains pays, la hausse du prix du

pétrole ont provoqué l'accroissement de leur endettement alors que le paiement des intérêts et du

service de la dette constituaient déjà un handicap important. Le ralentissement de la croissance

dans les pays industriels s'est communiqué aux pays en développement en donnant lieu, d'après

l'UNICEF, à une « transmission de la crise des pays développés aux pays en développement... ».

Parmi les facteurs « internes » les plus importants de la crise, le problème de la production

agricole vivrière est, sans doute, le plus grave. Ainsi, en Amérique latine, les échanges agricoles

dont la balance était positive jusqu'aux années 70 se sont inversés et les importations

d'aliments, en particulier des céréales, sont devenus une composante essentielle de la structure

du commerce extérieur.

Cette situation a contribué à l'aggravation de l'endettement des pays en développement ; la

responsabilité d'une telle situation est due pour une large part, selon certains experts, aux

politiques de crédits extérieurs mises en place par le système bancaire économique et

international (L. Faxas, 1994). Ainsi, en Amérique latine, l'endettement s'est élevé à 151

milliards de U.S. dollars en 1978 à 360 milliards de U.S. dollars en 1984.

Du même coup, la dette et son service ont transformé les pays pauvres en exportateurs de

capitaux. En conséquence, depuis la crise financière de 1982 jusqu'en 1989, le montant du capital

transféré par l'Amérique latine à ses créanciers représentait 4% du PIB régional alors que l'afflux

de capitaux étrangers vers la région n'atteignait que 2% seulement du PIB régional.

• Dans ce contexte, les Etats n'ont pu empêcher l'accélération de l'inflation, la carence en

devises, la fuite des capitaux et l'augmentation du déficit public. Ils ont donc été contraints de

recourir aux programmes traditionnels de stabilisation préconisés par les organismes

internationaux de crédit (Fonds Monétaire International, Banque mondiale), plus connus sous

l'appellation d' « ajustement structurel ». Cette politique vise à rétablir les « équilibres

perdus », fiscaux et monétaires, afin d'honorer la dette extérieure, au motif que son non-

paiement pourrait mettre en danger le système monétaire international (exemple : déclaration de

« crash » du Mexique en 1982).

20

Les mesures d'ajustement structurel consistent généralement à tailler dans les dépenses publiques

(en particulier les dépenses « sociales » et les dépenses d'infrastructure), à supprimer les

subventions, à réduire l'offre de monnaie par la mise en place de taux d'intérêt et de taux de

change « réels », enfin à favoriser l'établissement d'une économie de marché fondée sur la

libéralisation commerciale, l'abolition des mesures protectionnistes, la privatisation d'entreprises

publiques et la suppression du contrôle des prix.

4.2. Conséquences pour l'emploi et les dépenses sociales

Le coût social de cette crise économique et des politiques d'ajustement qui n'ont pas manqué de

l'accompagner a été supporté « de façon disproportionnée » (E. Valenzuela, 1994) par les

travailleurs et les couches sociales défavorisées.

• En Amérique latine par exemple, le coût social de l'ajustement structurel s'est traduit tout

d'abord par une dégradation de l'emploi. Si l'augmentation du chômage réel s'est manifestée

surtout chez les jeunes, on constate surtout un accroissement significatif des emplois précaires,

instables et mal rémunérés avec une rapide extension du marché du travail « informel » et le

développement d'une infinité d' « auto-emplois » dans les strates les plus pauvres.

• En deuxième lieu, l'ajustement a essentiellement signifié la baisse des salaires moyens que

l'on évalue à 7% environ pour le secteur formel de l'économie. Dans l'agriculture, cette

diminution a été de l'ordre de -20% ; enfin, les rémunérations des salariés du secteur public ont

été le plus fortement touchées avec des baisse de l'ordre de -30%. Pour de nombreux pays,

l'emploi dans le secteur public a joué un rôle « anti-cyclique », c'est à dire qu'il a compensé la

crise du marché du travail au prix d'une sévère réduction des salaires des fonctionnaires.

S'agissant du secteur informel urbain, l'on estime que le revenu moyen réel de chaque travailleur

s'est trouvé réduit de 40%. En Afrique, on estime que les salaires ont décru de l'ordre de 30%

entre 1980 et 1987. Ces baisses sont encore observées dans des pays comme le Cameroun où, au

cours de la seule année 1993, les salaires ont été diminués d'abord de 25% puis de 75% (A.

Adepoju, 1994).

• Le troisième élément de l'ajustement concerne la chute des dépenses publiques, en

particulier dans les secteurs « sociaux » : éducation, santé, logement, etc. Au cours des années 80,

21

la dépense sociale par habitant a été réduite de plus de 20% dans tous les pays du continent latino-

américain, à l'exception du Chili et de la Colombie. En dépit de ces réductions drastiques, les

progrès obtenus dans des domaines tels que la mortalité infantile, l'espérance de vie ou le

contrôle des maladies infectieuses, n'ont pas été affectés, grâce à l'introduction d'innovations

technologiques permettant de réduire les coûts, le ciblage des prestations et une plus grande

rationalité administrative.

4.3. Croissance économique, disparités sociales et montée de la pauvreté

• Les résultats des politiques d'ajustement structurel sont manifestement très contrastés. La

recherche des grands équilibres macro-économiques, à la base des politiques d'ajustement, a

favorisé le retour à la croissance mais celle-ci est très inégale selon les régions. Si l'Amérique

latine connaît une situation de reprise économique, affichant en 1992 des taux de croissance

spectaculaires (7,5% en Argentine, 8,7% au Chili, selon des données publiées par la Banque

mondiale en 1994), tel n'a pas été le cas de l'Afrique. Pour ce continent, les estimations

économiques sont plutôt négatives avec, pour l'ensemble, un taux de croissance du PIB de l'ordre

de 0,4% qui dissimule de fortes inégalités. D'après la Banque mondiale, l'Afrique sub-saharienne

connaît des conditions particulièrement difficiles « qui ne devraient guère s'améliorer au cours

des dix prochaines années » (B.M., 1994).

Par ailleurs, un des effets majeurs des politiques d'ajustement est l'aggravation des disparités

sociales : on constate ainsi que la croissance économique peut se manifester alors que la

pauvreté, l'exclusion et les inégalités sociales se renforcent partout dans le monde. En

Afrique, la pauvreté extrême touche plus de 50% de la population et continue à s'accroître.

L'Asie méridionale rassemble à elle seule 62% de la population pauvre du monde. En Amérique

latine, la pauvreté qui affectait, au début des années 80, environ 112 millions de personnes en

concerne 164 millions à la fin de la période, selon des données de la CEP AL. Il a été également

démontré que le revenu des foyers démunis a baissé pendant la crise, de telle sorte que non

seulement l'étendue, mais aussi le degré de pauvreté se sont accrus de façon significative.

Les disparités sociales, les problèmes liés au chômage, à la pauvreté, à l'exclusion sociale se sont

aussi aggravés dans les pays développés. Bien que faisant partie des 20% de la population du

monde qui se partagent 80% environ du revenu mondial, les pays de l'Union européenne

22

comptent plus de 50 millions de personnes considérées comme étant pauvres. Les sans-domicile

fixe qui sont, en général, des victimes du chômage atteignent 3 millions de personnes, et

subissent de fortes tendances à la « clochardisation ». Le chômage est devenu structurel et des

millions d'exclus, de pauvres, de mal-logés constituent peu à peu un monde en dehors de la

société où les repères collectifs et les valeurs sociales se délitent.

• Ainsi, l'économie-monde et la crise contribuent à transformer voire même à détruire le modèle

de construction intégré de la société ainsi que les catégories de perception des événements

sociaux. Avec l'économie-monde et l'internationalisation de la crise, la dualisation traverse

l'ensemble de la planète ; dans ces conditions, la distance sociale peut se transformer en

différence avec une « racialisation » pure et simple des écarts sociaux et politiques favorisant la

montée de la xénophobie, des nationalismes, de l'intégrisme.

Face à une telle évolution, certains organismes internationaux comme la Commission

Economique pour l'Amérique latine (CEPAL), la Commission Economique pour l'Afrique

(CEA) et PUNICEF ont développé une analyse critique des politiques d'ajustement

structurel, mises en place sous la direction de la Banque mondiale et du Fonds monétaire

international. Pour ce faire, ils partent de l'étude du coût social des programmes d'ajustement et

de leurs répercussions sur la qualité de la vie pour évaluer enfin les conséquences à long terme de

la dégradation des ressources humaines sur le développement durable. Les points forts de leur

argumentation sont les conséquences à long terme de la pauvreté et la nécessité de mettre en place

des politiques d'ajustement capables d'incorporer la dimension sociale et d'induire des

transformations structurelles importantes.

Ainsi, pour la CEPAL, il s'agit de relier, en concertation avec les acteurs économiques et

sociaux, la croissance, l'équité et la démocratie. Cette approche est, selon la CEPAL, l'unique

façon de garantir le développement durable. La CEPAL considère que « de même que l'équité

ne peut être réalisée en l'absence d'une croissance solide et soutenue, la croissance exige un degré

raisonnable de stabilité socio-politique, laquelle implique à son tour de se plier à certains

impératifs d'équité. De ce conditionnement réciproque entre croissance et équité, découle la

nécessité de tendre vers ces objectifs de façon simultanée plutôt que séquentielle, ce qui

représente un défi historique » (CEPAL, 1992).

23

5. Les changements dans l'organisation et la vie familiales

La famille est une réalité multiforme qui varie selon les civilisations, les groupes sociaux, les

mentalités. Par une série de transformations, elle s'est adaptée aux changements de société et aux

nouvelles exigences socio-économiques et culturelles. Partout dans le monde, les familles ont

subi, à des degrés divers selon les milieux sociaux, les effets de la crise et ont cherché des

réponses appropriées que l'on désigne généralement par les notions de « stratégies de vie » ou de

« survie » quand ces familles sont en situation de pauvreté.

5.1. Changements sociaux et mutations des structures familiales

Si les tendances générales relatives à la formation et à la dissolution des familles ainsi qu'à leur

rôle de pivot entre l'individu et la société sont difficiles à cerner, on peut néanmoins observer

certaines évolutions plus ou moins marquées selon les régions et les pays. Les structures

familiales se transforment en relation avec l'urbanisation croissante ; les problèmes relatifs à

l'emploi et au logement ; le nombre, la place et le rôle des enfants ; l'allongement de l'espérance

de vie ; etc.

• Dans la plupart des pays du monde, le recul de l'âge moyen au mariage est nettement

observable, surtout pour les femmes. Néanmoins, c'est en Asie du Sud que les femmes se

marient encore le plus tôt et, dans toute cette région, le mariage demeure un objectif essentiel

des familles qui « arrangent » les unions selon leurs stratégies relationnelles et de mobilité

sociale (Palriwala, 1994). En Afrique sub-saharienne également, le mariage est considéré

comme le destin commun de tout adulte et constitue d'abord une alliance entre deux familles.

Dans la plupart des sociétés africaines, les aspirations des individus, leurs choix, y compris en

matière conjugale, ne sont que seconds par rapport aux décisions familiales. Cette situation

change progressivement dans les milieux en transition, mais reste majoritaire. Un exemple montre

bien la persistance des unions « prescrites » par les familles : d'après l'Enquête Démographie et

Santé (E.D.S.) de 1986 au Sénégal, 41% des femmes ont eu pour premier conjoint un cousin

direct et 30% un autre parent.

L'Afrique se distingue aussi par l'écart important entre l'âge au premier mariage des

hommes et celui des femmes, cet écart atteignant 8,4 ans en Afrique de l'Ouest ; il permet que la

24

polygamie soit compatible avec des effectifs équivalents d'hommes et de femmes dans une même

génération.

La polygamie résiste assez bien au courant moderniste et aux codes de la famille qui sont

adoptés dans de nombreux pays si l'on en juge par la stabilité des proportions d'hommes qui sont

polygames. Cependant, chez les femmes, la mobilité conjugale est assez courante : les ruptures

d'unions, souvent à leur initiative ainsi que les remariages sont fréquents. Les cellules

« matricentriques » rassemblant une mère et ses enfants sont une des constantes des familles

africaines qui recherchent toujours une descendance nombreuse, entre 5 et 7 enfants environ,

selon les pays.

En Europe, le mariage est différé partout, mais plus au Nord qu'au Sud, avec une

cohabitation hors mariage fréquente en Europe septentrionale. La divortialité a

considérablement augmenté (en Scandinavie, elle affecte un mariage sur deux). Enfin, la

fécondité est plus tardive et une famille sur dix n'a pas d'enfant. Le nombre des familles

monoparentales est en forte augmentation et un pourcentage croissant de parents, notamment les

pères, ne vit pas avec ses propres enfants. La chute de la fécondité et l'allongement de l'espérance

de vie aux âges élevés ont accéléré le processus de vieillissement ; aujourd'hui, une personne

sur cinq est âgée de 60 ans et plus dans les pays de l'Union européenne et en l'an 2020, ils

représenteront plus du quart de cette population.

5.2. Solidarités familiales et relations intergénérationnelles

La tendance à l'émiettement des structures familiales que l'on peut observer en Europe ne se

retrouve pas nécessairement dans d'autres régions du monde, même si les solidarités familiales

traditionnelles qui existent encore fortement en Afrique, semblent atteindre leurs limites, face

aux énormes difficultés économiques actuelles.

• Si les familles africaines peuvent être considérées comme des « familles élargies », c'est

qu'elles sont à la fois des unités de reproduction - biologique et sociale - et des unités de

production jouant un rôle économique pour tous leurs membres. Les rapports entre anciens et

jeunes, entre hommes et femmes, ne renvoient pas seulement à la gestion de la sphère

domestique, ils déterminent aussi des rapports de production. Les normes qui régissent, encore

25

aujourd'hui, les idéaux familiaux sont, le plus souvent, héritières de la précarité démographique et

économique qui caractérisait la vie des groupes familiaux. La solidarité au sein du groupe

familial est très étendue et tous les individus peuvent avoir recours aux autres membres de leur

famille jusqu'à un niveau de parenté assez éloigné.

Cependant, en milieu urbain, ces formes de solidarité sont sollicitées à l'extrême et arrivent à

leurs limites ; l'on observerait, en Afrique de l'Est, un rétrécissement du champ des solidarités à

la famille « nucléaire ». En tout état de cause, la vie en ménage de grande taille, comme le font la

majorité des Africains, permet de faire des « économies d'échelle » en ce qui concerne le

logement, l'alimentation, la surveillance des enfants et les soins aux personnes âgées. Du fait de

la crise actuelle, l'accroissement du nombre de jeunes sans emploi, de migrants sans ressources,

d'orphelins dans les régions les plus affectées par le sida, continuera à imposer des solidarités au

sein des familles « élargies ».

• En Amérique latine, la famille représente indubitablement l'unité de base collective face à

la crise. Globalement, dans les couches populaires, les familles ont dû augmenter la quantité de

travail fourni, notamment par la recherche d'un « second emploi » dans le secteur informel ; la

crise a imposé l'exploitation de la force de travail des femmes, des jeunes et même des enfants.

Elle a affecté plus durement les familles qui ne peuvent compter que sur un faible potentiel de

travail, en particulier les familles avec des enfants en bas âge ou des personnes âgées. Les devoirs

familiaux à l'égard des personnes âgées sont très vivaces, et beaucoup de familles ont accueilli

des parents et se sont opposées au départ des jeunes, même mariés.

• Dans les pays arabes, la situation actuelle continue à se caractériser par la prise en charge

familiale des personnes âgées et par les services que les vieux parents peuvent assurer, en retour.

S'il est vrai que les valeurs culturelles et religieuses en cours dans les pays arabes font de la

solidarité intergénérationnelle un devoir auquel personne ne doit se soustraire, les prémices d'un

changement apparaissent nettement. Le modèle de famille conjugale se diffuse rapidement et les

couples éprouvent des difficultés à assumer l'existence de vieux parents. Manifestement, la

« marée grise » deviendra un fait de société dans les pays arabes, où l'on observe une absence

quasi générale de législation et d'institutions susceptibles d'assurer la protection et la prise en

charge des personnes âgées.

26

• En Europe, l'idée que le vieillissement des populations est un problème de société global

tend à être mieux admise. Ses implications, notamment en termes de relations

intergénérationnelles, sont nombreuses et complexes, au-delà des questions que pose ce

phénomène en matière de politique familiale, de flux financiers et de services entre les

générations ou de systèmes de financement des retraites et de protection sociale.

L'intégration sociale des personnes âgées, y compris dans leur famille, constitue un problème

majeur dans les sociétés occidentales. Toutefois, les enquêtes menées dans plusieurs pays

européens tendent à atténuer l'impression que les personnes âgées sont délaissées. L'Observatoire

européen pour les personnes âgées souligne que si une part croissante des vieilles personnes - en

majorité des femmes - vit seule, la majorité d'entre elles a des contacts réguliers avec ses enfants.

Ainsi, au Danemark, 2% seulement des personnes ayant 70 ans sont considérées comme étant

socialement isolées, c'est à dire vivant seules et sans contacts avec leur famille, leurs amis ou

leurs voisins, même si 10% de ces personnes âgées se considèrent elles-mêmes comme étant

isolées.

Les situations en la matière sont évidemment différentes selon les pays, y compris au plan

matériel, cet aspect pouvant être considéré en termes d'équité entre les générations. En

général, la pauvreté est plus intense chez les vieilles personnes que parmi les groupes d'âges

plus jeunes, car la situation des gens les plus âgés est aussi plus précaire. Sont victimes de la

pauvreté les gens qui n'ont pas eu de carrière professionnelle complète ou qui ne peuvent

bénéficier d'une pension de reversion (cas des veuves). Les problèmes de solitude, de

marginalisation, de pauvreté se posent en particulier pour les femmes qui sont très largement

majoritaires au sein des groupes d'âges élevés dans les pays développés.

5.3. La situation des femmes : avancées, régressions, nouveaux modèles familiaux

Les conditions de vie des femmes à la fin du XXe siècle sont faites de contrastes, plus ou moins

marqués selon les cultures, les groupes sociaux, les régions. Positivement, l'espérance de vie des

femmes dépasse généralement celle des hommes, l'écart étant variable selon les pays et les

régions. En Europe, les femmes vivent, en moyenne, six ans de plus que les hommes. De même,

le niveau d'instruction des femmes, notamment dans les pays du Sud, a augmenté régulièrement ;

27

il y a quelques années, le taux d'inscription des filles dans les écoles primaires atteignait environ

60% de celui des garçons. Aujourd'hui, il dépasse 90%.

• Il n'en demeure pas moins que, en matière de santé, d'éducation, d'emploi, de droits sociaux,

les écarts demeurent encore considérables par rapport à la situation que connaissent les hommes

et ce, dans de nombreux pays du monde. La crise semble avoir exacerbé ces différences et

certains experts considèrent que la femme est la « grande perdante » de tous ces processus de

détérioration des conditions de vie, ce qui fait qu'en définitive, un des grands constats de cette fin

de siècle pourrait être la « féminisation de la pauvreté ».

Ainsi, en matière de santé, les femmes qui vivent dans les pays en développement auraient une

probabilité de décès douze fois plus élevée que les femmes des régions développées du Nord, par

suite de complications liées à la grossesse et à l'accouchement. Au total, la mortalité maternelle

serait de l'ordre de 500 000 décès par année. C'est en Afrique sub-saharienne que la mortalité

maternelle est la plus élevée, avec 540 décès de femmes pour 100 000 naissances vivantes.

La crise a des conséquences importantes sur la santé des femmes. Par exemple, en Russie, la

chute du niveau de vie au cours des dernières années a entraîné une baisse de la qualité et de la

quantité des produits alimentaires consommés par la population. Cette alimentation défectueuse

affecte la santé des femmes enceintes, des mères qui allaitent et des enfants. Différentes maladies

de l'appareil génital et urinaire, s'ajoutant aux atteintes dues à l'anémie et à la toxémie, sont à

l'origine d'accouchements difficiles de près d'une parturiente sur deux. La mortalité liée à la

maternité est élevée et tend à s'accroître en Russie. En 1992, elle atteignait 50,8 pour 100 000

naissances vivantes, soit quinze à vingt fois plus que dans les pays développés.

• D'autres phénomènes témoignent de la situation, inéquitable par de multiples aspects, que

vivent les femmes en cette fin de siècle. Ainsi, dans de nombreux pays d'Europe, d'Amérique

latine et d'Afrique, on observe une nette augmentation des familles monoparentales, avec au

moins un enfant à charge. Du total des ménages avec enfants de moins de 5 ans, les familles

monoparentales représentent 20% au Danemark, 19% au Royaume-Uni, plus de 15% en

Allemagne, plus de 10% en France, 6% en Espagne (1990-1991). En général, parmi ces familles,

le pourcentage de celles dont la mère est seule à assumer les responsabilités est de l'ordre de 85 %

dans les Etats de l'Union européenne.

28

On note aussi une nette augmentation du travail féminin, alors que l'on aurait pu penser que

la crise aurait entraîné un certain retrait des femmes de la sphère d'activité. Non seulement

cela ne s'est pas produit mais il semble, au contraire, que celles-ci préfèrent un travail à temps

plein qui constitue une garantie d'autonomie, un élément de sécurité, une affirmation égalitaire en

dépit de l'alourdissement des charges et des responsabilités. Il apparaît en effet que, dans ces

familles monoparentales en Europe, le pourcentage de femmes en état de pauvreté serait deux fois

plus élevé que celui des hommes connaissant cette situation.

En Amérique latine, les familles monoparentales caractérisées par un absentéisme paternel

ne constituent pas un phénomène nouveau engendré par la crise ; celle-ci n'a fait que prolonger et

renforcer une tendance historique, avec notamment la désarticulation de la famille ouvrière

construite autour du père. Au Brésil, par exemple, le nombre de familles monoparentales n'a

cessé de croître, en particulier dans les villes. Dans plus de 80% des cas, ces familles sont dirigées

par des femmes.

En Afrique, la proportion de ménages dirigés par une femme est en augmentation du fait des

migrations, des ruptures d'union et des situations de polygamie sans co-résidence. En même

temps, on observe une mobilisation croissante des femmes pour des micro-activités de survie, en

vue de pallier les pertes d'emploi des hommes ou d'assurer la charge d'un parent atteint du sida.

Ces nouvelles charges risquent de ne pas être bénéfiques aux femmes, placées dans l'obligation

d'abandonner des activités sociales ou de formation.

5.4. L'enfance face à l'aggravation et à la multiplication des risques sociaux

Avec l'accroissement de la population urbaine, l'extension de la pauvreté liée au chômage, les

difficultés de logement et la crise des structures familiales, les risques se sont multipliés pour

les enfants issus des milieux défavorisés. Parmi les enfants qui vivent dans des conditions

difficiles, souvent dramatiques, beaucoup travaillent et sont durement exploités comme au

Bangladesh où les enfants de 10-14 ans constituent 9% de la force de travail.

En Inde, de nombreuses études ont été faites sur les « enfants de la rue », en particulier dans des

grandes villes comme Bombay, Calcutta et Delhi : la majorité de ces enfants, selon les résultats

29

de ces recherches, vit dans la rue depuis plus de cinq ans, mais 90% d'entre eux ont conservé des

liens avec leur famille. Les données concernant ces enfants sont généralement peu fiables et les

critères permettant de définir un « enfant de la rue » peuvent varier. Certains considèrent qu'un

« enfant de la rue » est un enfant sans famille qui vit et qui dort dans la rue. Son unique

environnement est la rue avec tous ses dangers spécifiques tels que le trafic de drogues,

l'usage de substances dangereuses, la prostitution, la violence, le sida, etc. Ces enfants ont

généralement entre 5 et 15 ans, et les garçons sont, dans la plupart des cas, plus nombreux que les

filles. L' « enfant de la rue » est avant tout un enfant exclu et cette spécificité devrait

permettre d'éviter de les confondre avec tous les enfants défavorisés.

Au cours des années 60-70, on a mis en place des foyers devant pourvoir aux besoins urgents de

ces enfants : alimentation, logement, vêtements. Cette stratégie, qui exigeait des moyens

considérables, a abouti le plus souvent à des échecs car ces enfants recueillis pour être

« rééduqués » ne sortaient pas de leur marginalité. Une autre stratégie a consisté à donner une

formation professionnelle et des moyens afin que les enfants puissent quitter la rue et exercer un

métier, souvent manuel, mais, comme la présence même des enfants dans la rue est déjà une

conséquence indirecte du chômage, ces tentatives ont échoué la plupart du temps. Actuellement,

si les solutions recherchées sont différentes selon les pays et les cultures, les programmes mis en

oeuvre sont généralement fondés sur l'écoute de l'enfant, son accompagnement par un éducateur

sur la base d'une confiance mutuelle, son retour, si possible, dans sa famille.

La « sortie » de la rue est toujours une opération délicate qui exige des étapes appropriées

permettant d'établir des contacts réguliers avec les enfants, leur réapprendre à se laver, à prendre

des repas, à se désintoxiquer, à participer à des activités, à s'initier à la lecture. La majorité de ces

projets et structures ne sont pas le fait d'initiatives gouvernementales mais plutôt de responsables

locaux appuyés par des O.N.G. et/ou des organismes internationaux. Les municipalités tendent

aussi à prendre une part active à ces programmes même s'ils demeurent, le plus souvent, sous la

responsabilité d'organisations indépendantes.

6. L'éducation, composante essentielle de la qualité de la vie

Quelle que soit l'approche choisie pour décrire les conditions d'existence d'une population, les

aspects relatifs à l'éducation apparaissent toujours comme des éléments importants de la

30

qualité de la vie. De ce fait, les indicateurs qui décrivent les niveaux d'éducation et les parcours

scolaires sont donc d'utiles révélateurs. Dans ces conditions, il n'est pas étonnant que, parmi les

quatre variables choisies par le PNUD (Programme des Nations unies pour le développement)

afin de constituer l'indicateur de développement humain (IDH), deux d'entre elles concernent

l'éducation : le taux d'alphabétisation des adultes et le nombre moyen d'années d'études par

habitant. La relation entre le niveau d'éducation, la santé et les comportements en matière de

procréation, est particulièrement significative.

6.1. L'action éducative et ses effets induits

• De nombreux auteurs ont décrit les effets positifs de l'éducation dans le recul de la

mortalité, notamment aux jeunes âges. Ainsi, d'après une étude réalisée par L. Summers

(1994) qui synthétise plusieurs études de cas nationales dans différentes régions en voie de

développement, le taux de mortalité infantile en Amérique latine serait de l'ordre de 140 pour

1000 lorsque la mère est analphabète, de 90 pour 1000 lorsqu'elle a fréquenté l'école primaire et

de 50 pour 1000 quand elle a pu bénéficier de sept années d'éducation au moins. Des données

analogues sont avancées par Summers pour les pays d'Asie.

Ces résultats ne s'expliquent pas par le fait que les mères éduquées consacreraient plus de

ressources à la santé de leurs enfants, mais parce qu'elles ont tendance à adopter plus

fréquemment les pratiques d'une meilleure hygiène : précautions en matière de consommation

d'eau potable, meilleure hygiène dans la préparation des repas, vigilance à l'égard du caractère

dangereux des matières fécales, protection contre les piqûres des moustiques vecteurs du

paludisme, plus grande attention accordée aux programmes de vaccination, probabilité plus

importante d'accoucher dans des maternités offrant de bonnes conditions d'asepsie, pratiques de

sevrage plus appropriées, etc.... Ainsi, les mères éduquées ont plus de chances de traiter la

diarrhée infantile par la réhydratation orale que par le recours aux pratiques traditionnelles qui,

souvent, aggravent les effets mêmes de la diarrhée.

Aux effets positifs de l'éducation des femmes sur la mortalité infantile et juvénile, il importe

d'ajouter ceux qui portent sur la mortalité des mères au moment de l'accouchement : cinq

années d'éducation permettent d'éviter 10 décès pour 1000 accouchements. De même,

l'éducation des femmes contribue à réduire la prévalence du sida.

31

• Les bénéfices en matière de santé peuvent être traduits en termes de bénéfices monétaires

pour toute la société. A partir des données relatives à l'Inde et au Kenya, Summers a comparé les

coûts entraînés par la scolarisation de 1000 filles supplémentaires aux dépenses qu'il aurait fallu

engager dans le système sanitaire pour obtenir des résultats identiques en termes de réduction de

la mortalité et de la fécondité. Par exemple, en Inde, l'éducation de 1000 filles additionnelles

permet d' « éviter » 2 décès maternels, 43 décès d'enfants de moins de 5 ans et 300 naissances. Il

en coûterait, pour un tel résultat, 32 000 dollars par la voie de l'éducation et 110 000 dollars par

des moyens proprement sanitaires et de planification familiale. On peut en conclure que

l'éducation des mères est un investissement plus rentable en termes de santé que les

investissements dans le secteur sanitaire lui-même.

• Au-delà des effets de l'éducation sur l'épanouissement des individus, on peut distinguer des

effets dont bénéficient l'ensemble des membres d'une société ; on les appelle « effets externes ».

Si la vaccination permet de protéger un individu contre une maladie donnée, elle a aussi pour

effet externe de réduire les risques de contamination pour les autres. De même, la baisse de la

fécondité et le ralentissement de la croissance démographique auxquels contribue l'éducation des

mères a des effets positifs sur l'environnement. Certains auteurs insistent aussi sur les

bénéfices politiques de l'éducation, l'avènement de la démocratie étant, en principe, favorisé

par le développement de la faculté déjuger et par l'intégration sociale des individus.

6.2. Avancées et disparités régionales en matière d'éducation

Plusieurs indices, généralement des taux, sont utilisés pour mesurer les progrès réalisés dans le

domaine de l'éducation ainsi que les écarts qui subsistent entre différents groupes d'une même

population ou entre les pays et les régions.

• Le niveau d'alphabétisation des adultes - en distinguant les hommes et les femmes - constitue

une dimension importante de la qualité de la vie d'une population. C'est pourquoi le taux

d'alphabétisation des adultes (15 ans et plus) est l'une des quatre variables retenues par le PNUD

pour mesurer l'évolution du « développement humain » {cf. point 7.1.).

32

Il importe de noter que les données relatives à l'analphabétisme et à l'alphabétisation sont

souvent incertaines dans la mesure où elles reposent sur les déclarations des individus eux-

mêmes au moment des recensements. En outre, le caractère « sensible » du sujet fait parfois

douter de la validité des informations disponibles pour un certain nombre de pays. Cependant, en

dépit de l'incertitude des données, on constate que, dans la plupart des pays en développement,

les avancées en matière d'alphabétisation ont été importantes. En moyenne, le taux

d'alphabétisation de la population ayant plus de 15 ans s'élève à 65% dans ces pays.

Mais, l'analphabétisme est encore largement répandu dans un certain nombre de pays d'Amérique

latine (au Guatemala et au Nicaragua), des Caraïbes (Haïti) et, de façon plus modérée, dans

certains pays andins comme le Pérou et la Bolivie. Ce phénomène touche plusieurs pays en Asie

méridionale, de l'Iran au Bangladesh, mais la Chine, l'Asie du Sud-Est et le Moyen-Orient sont

également concernés. C'est en Asie que se trouve le plus grand nombre d'analphabètes, compte

tenu de la masse des populations concernées, avec des fréquences élevées dans certains pays

comme l'Inde et le Bangladesh. En Afrique, les taux d'analphabétisme sont encore importants,

notamment dans la partie sub-saharienne du continent, avec cependant une tendance marquée à la

baisse : en 1970, le taux d'analphabétisme (les deux sexes confondus) s'élevait à plus de 77% ; il

s'établissait à 53% environ en 1990, d'après les données de l'UNESCO reprises par les experts2.

• D'autres indices sont généralement retenus pour évaluer les avancées et les disparités de

l'éducation selon les pays et les régions, qu'il s'agisse du taux de scolarisation primaire et

secondaire ou de la durée de la scolarité, définie comme le nombre moyen d'années de scolarité

effectuée par les adultes des deux sexes ayant 25 ans et plus3.

Cette durée moyenne de scolarité varie considérablement dans le monde : elle se situe dans

une fourchette allant de sept à douze ans et plus dans les pays industrialisés (Etats-Unis : 12,4

ans; France : 12 ans ; Japon : 10,8 ans) mais aussi dans des pays comme la Corée du Sud,

l'Argentine, la Colombie. Elle s'établit entre quatre et cinq ans dans des pays comme la Chine et

l'Indonésie, s'abaisse entre deux et quatre ans dans de nombreux pays d'Amérique latine (Brésil,

Bolivie), asiatiques (Inde, Iran, Thaïlande) et d'Afrique (Egypte, Maroc, Kenya). Le groupe de

2 En 1995, d'après les estimations de l'UNESCO, le taux d'analphabétisme dans les pays en développement était de l'ordre de 30% ; ce taux s'élevait à plus de 43% en Afrique sub-saharienne et à 50% environ en Asie du Sud (UNESCO, Rapport mondial sur l'éducation, 1995).

33

pays le plus franchement défavorisé, dont les populations fréquentent peu l'école (moins de deux

ans en moyenne et souvent moins d'un an) est essentiellement africain : il comprend une trentaine

de pays d'Afrique sub-saharienne qui comptent parmi les plus pauvres, et quelques pays d'Asie

dont le Yémen et le Pakistan.

• La durée moyenne de scolarité est, bien entendu, étroitement liée à la déperdition scolaire,

notamment aux abandons. Si l'on considère l'objectif premier de l'enseignement primaire qui

vise à doter chaque individu d'une capacité permanente et irréversible à lire, écrire et

compter, il est reconnu que cette compétence ne peut être acquise qu'après un minimum

d'années de fréquentation de l'école primaire, même si les estimations de ce nombre d'années

sont quelque peu divergentes. La majorité des observateurs considèrent que tout abandon avant

la sixième année, dans un pays où la langue d'enseignement n'est pas la langue maternelle,

comporte un risque élevé de retour à l'analphabétisme.

D'après des estimations globales publiées par l'UNICEF, la proportion des enfants qui, une fois

entrés dans l'école primaire, vont jusqu'au bout du cycle serait de l'ordre de 50% en Amérique du

Sud, de 51% en Asie du Sud, de 69% en Amérique centrale et dans les Caraïbes, de 82% en

Afrique du Nord et au Moyen-Orient et de 85% en Asie de l'Est (UNICEF, 1994). Ces données

sont, bien entendu, à considérer avec prudence compte tenu du fait que les données sur les

abandons sont lacunaires et peu précises.

• Les disparités entre les différents pays du monde, selon leur niveau de développement sont

également flagrantes quand on examine l'écart entre les ressources et les besoins. Alors que

certains pays développés voient leur population scolarisable diminuer chaque année et sont

préoccupés par les problèmes que pose la fermeture d'écoles primaires, en particulier dans les

zones rurales, de nombreux pays d'Asie du Sud et d'Afrique sub-saharienne doivent faire face à

des besoins pressants dans ce domaine, compte tenu de leur croissance démographique.

Les défis auxquels les systèmes éducatifs de ces pays sont confrontés sont d'autant plus difficiles

à résoudre que l'augmentation des budgets éducatifs est limitée par la crise économique, les

déficits publics croissants et le déséquilibre de la balance des paiements. Si les pays développés

3 Le nombre moyen d'années d'études est, avec le taux d'alphabétisation des adultes, une des quatre variables qui composent « l'indicateur de développement humain » (IDH) défini par le PNUD.

34

membres de l'OCDE accordaient environ 5,4% du PIB à l'éducation, l'Afrique en consacrait

4,5% dans les années 80, ce pourcentage étant de 3,7% en Amérique latine et de 2,8% en Asie du

Sud.

Mais, étant donné que dans certains pays à forte croissance démographique, l'augmentation

des effectifs est plus rapide que celle du budget, il en résulte une baisse des ressources par élève.

En Afrique, au niveau de l'enseignement primaire, les dépenses moyennes par élève sont de

l'ordre de 50 dollars par an (sans l'Afrique du Sud). Peu de pays dépassent les 100 dollars par

élève, et l'écart entre les extrêmes est énorme puisque la dépense par élève va de 5 dollars en

Ouganda à 1782 dollars en Afrique du Sud.

6.3. Inégalités entre les sexes et cumul des inégalités

Les experts consultés par la Commission indépendante s'accordent pour considérer que les

inégalités en matière d'éducation sont encore importantes entre les hommes et les femmes, mais

aussi, dans certains pays, entre la majorité de la population et certains groupes minoritaires.

• S'agissant de l'analphabétisme, les femmes représentaient 62,5% du total des adultes (15 ans

et plus) analphabètes des pays en développement en 1980, ce pourcentage s'établissant à 63,9%

en 1995 (UNESCO). Loin de diminuer, la part des femmes dans cette population tend partout à

augmenter, ce qui met en évidence le fait que la crise économique tend à renforcer les

inégalités à rencontre des femmes. Dans un certain nombre de pays, notamment en Afrique,

certains experts s'interrogent sur le degré de priorité qui sera accordé à la scolarisation des

filles et considèrent que la pénurie des moyens actuels des familles et les mouvements de

déscolarisation observés dans les dernières années ne portent pas à l'optimisme. En cas de

difficultés financières, les arbitrages ont toute chance de se faire en faveur des garçons.

• Les inégalités entre les sexes peuvent être aggravées dans certaines situations politiques,

sociales et culturelles. C'est le cas, par exemple, au Guatemala, où les femmes appartenant aux

communautés améridiennes (« Indigenous women ») ont bien plus de difficultés pour accéder à

l'école que les garçons. Ainsi, près de 70% de ces femmes dans le groupe d'âges 20-24 ans n'ont

aucune instruction alors que cette fréquence n'est que de 20% pour les femmes « non indigènes ».

Ce phénomène est d'autant plus marqué que ces populations vivent, en majorité, dans des zones

35

rurales, alors que les villes concentrent de plus en plus les ressources et moyens consacrés à

l'éducation et à la culture.

7. La qualité de la vie : un concept en devenir

Les contributions des experts, consultés par la Commission indépendante sur la population et la

qualité de la vie, permettent d'établir un bilan critique de l'état de la population dans les

différentes parties du monde par rapport à sa répartition dans l'espace, ses modes de vie en

relation avec le milieu naturel et les ressources, ses formes d'organisation familiale et sociale. Les

experts ont été également sollicités pour faire le point sur le débat population-qualité de la vie.

Schématiquement, on distingue deux grands problèmes au centre du débat : d'une part, se pose la

question des définitions possibles de la notion de « qualité de la vie » suivie de discussions

quant au bien-fondé des indicateurs susceptibles de la mesurer ; d'autre part se développe une

interrogation sur les « voies du débat » relatif à la population et à la qualité de la vie, certains

experts voulant en discerner le sens et les nouvelles tendances pour l'avenir.

7.1. Problèmes de définition et de mesure

• Les recherches sur la notion de « qualité de la vie » et sur sa mesure s'inscrivent dans un

courant de réflexion et de travaux sur les niveaux, les standards et les normes de vie, engagés

par les différentes agences des Nations unies à la suite des initiatives pionnières de la Société des

nations avant la deuxième guerre mondiale. Le besoin de mesurer et de comparer des

situations dans l'espace et dans le temps a conduit à l'élaboration d'indicateurs spécialisés

devant décrire l'évolution et les différents aspects économiques et sociaux de la vie des

populations.

• Le débat a pris une toute autre ampleur à partir de la fin des années 80 avec l'émergence de

concepts « synthétiques » comme celui de « développement humain » ou celui de « qualité de

la vie ». S'agissant de la définition de ce dernier concept, les experts s'accordent pour

considérer qu'il ne peut se réduire à un ensemble de critères « objectifs ». Pour certains

d'entre eux, la qualité de la vie ne saurait être autre chose qu'un point de vue subjectif,

permettant de « faire reconnaître et de faire respecter les manières différentes que les hommes et

36

les femmes ont de vivre leur vie et leur citoyenneté et de produire la vie sociale » (Lapeyronnie et

Martucelli, 1994).

Pour d'autres experts, le caractère subjectif de la notion de qualité de la vie est dû au fait

qu'elle est fortement influencée par le milieu et qu'elle varie donc d'une population à une

autre. Selon Léon Tabah, la qualité de la vie, « pour un habitant d'un pays riche, peut être

compromise par une simple atteinte au confort, alors que pour un habitant d'un pays pauvre, la

notion même de confort est dérisoire, voire absente, et la priorité majeure est de faire face à des

situations d'urgence et de subvenir aux besoins fondamentaux immédiats ».

• Tout en reconnaissant que le « concept est complexe et malaisément saisissable par des

chiffres », certains experts considèrent néanmoins que « de façon indirecte, il est possible d'en

donner une idée par une série d'indicateurs relatifs au niveau de vie, à la durée de vie, à la

mortalité, à la santé, à la fécondité, à l'éducation, à l'accès à certains biens essentiels et à la

situation des femmes ». Dans cette perspective, D. Noin estime qu'il convient de « privilégier les

indicateurs démographiques car ils sont, d'une façon générale, de meilleure qualité que les

indicateurs économiques et permettent aussi de couvrir un plus grand nombre de pays ».

A partir d'une synthèse de 13 indicateurs, D. Noin a conçu un « indice de qualité de vie » (IQV)

qui permet un classement des pays du monde en trois grands groupes : pays favorisés ou

relativement favorisés, pays intermédiaires, pays défavorisés. Le détail de ce classement montre

que, en 1994, plus de 75% de la population mondiale, soit 4238 millions de personnes,

auraient une qualité de vie « médiocre » ou « plutôt médiocre ». Mais, ajoute cet expert, « un

tel calcul, effectué sur la base de chiffres par pays, n'est évidemment rien d'autre qu'une

approche car certaines personnes ont une médiocre qualité de vie dans les pays favorisés alors que

d'autres ont, au contraire, une qualité de vie satisfaisante dans les pays défavorisés ».

• Cette approche « synthétique » a été adoptée au début des années 90 par le PNUD

(Programme des Nations unies pour le développement) qui a élaboré un indicateur composite

de « développement humain » (IDH) avec lequel l'indice précédent est, par ailleurs, très

fortement corrélé. L'IDH a été composé au départ (1990) par trois variables, à savoir l'espérance

de vie à la naissance, le taux d'alphabétisation des adultes, et le PIB (Produit intérieur brut)

ajusté en fonction du pouvoir d'achat par habitant. Mais, dès 1991, on a ajouté une quatrième

37

variable, le nombre moyen d'années d'études. Chacune de ces variables est exprimée dans une

unité de mesure différente : l'espérance de vie est indiquée en années de vie, le niveau

d'instruction en années de scolarisation, le revenu en dollars ajustés et l'alphabétisation des

adultes en pourcentage. Pour les combiner, on reporte la valeur de chaque variable sur une échelle

allant de 0 (valeur minimale) à 1 (valeur maximale).

On remarque que deux des quatre variables composant l'IDH se rapportent à l'éducation. La

conception de l'IDH a soulevé quelques critiques relatives à la fiabilité et à la pertinence des

éléments qui le composent. Mais, comme le souligne un autre expert (Lengyel, 1994), c'est bien

plus l'ensemble du contenu des rapports du PNUD sur le développement humain qu'il

importe de considérer plutôt que l'indicateur en tant que tel. L'IDH est ainsi situé dans le

cadre d'analyses très critiques à l'égard de certains Etats, nommément désignés, s'agissant de

l'insuffisance en matière de sécurité alimentaire, d'emploi et de revenu, de violations des droits

de l'homme, d'inégalités entre les hommes et les femmes, de désarmement, etc. L'idée qui

préside à l'utilisation de l'IDH est que le concept de « développement humain » permet d'unifier

le Nord et le Sud dans un même mouvement en faveur des libertés démocratiques, d'une

utilisation rationnelle et créative des ressources, du développement des marchés compétitifs mais

« conviviaux » permettant d'inscrire la lutte contre la pauvreté dans des politiques de réformes et

de restructurations.

• L'approche du concept de « qualité de la vie » est conduite selon un autre mode par le Conseil

économique et social des Nations unies (Rapport sur la situation sociale, 1993). Selon ce

rapport, cité par l'un des experts, « il est tentant de formuler une synthèse à partir d'un indicateur

de la qualité de la vie mais [...] cet objectif est bien trop ambitieux compte tenu de l'état actuel

des connaissances ». Ou encore : « le caractère arbitraire des indices de qualité de la vie réduit

leur crédibilité comme instruments objectifs de mesure permettant de classer les différents pays

selon des critères de bien-être social (welfare) ». Quant au fond, le Conseil économique et social

des Nations unies estime, dans son rapport, que « la combinaison paradoxale du progrès

matériel et la détérioration sociale confère un caractère ambigu à la "qualité de la vie" dans

de nombreux pays ». Cette détérioration sociale se caractériserait par le déclin des « valeurs

essentielles », des cultures particulières, de certaines traditions, entraînant, parmi d'autres formes

d'aliénation, l'abus de drogues (N.U., Rapport du Conseil économique et social, cité par P.

Lengyel, 1994).

38

Selon Th. Locoh, cette détérioration sociale menace déjà des « pans entiers » du corps social en

Afrique du fait des risques d'effondrement des normes familiales de solidarité, qui constituent,

selon elle, le dernier rempart contre cette désintégration. Cependant, ces solidarités familiales

fondées sur les valeurs traditionnelles ne peuvent se substituer à des « Etats en faillite ». En effet,

« l'ingéniosité déployée par les groupes familiaux pour élaborer des stratégies de survie ne

sont que des palliatifs à l'ampleur de la crise économique qui demande des solutions au niveau

macro-économique, dans le cadre national et international ».

En tout état de cause, souligne Th. Locoh, « l'amélioration - et même le simple maintien de la

"qualité de la vie" des familles - suppose une restauration des politiques menées par des Etats

efficients », afin que les changements nécessaires puissent être accompagnés « par les

instances collectives ». En effet, les idéologies familiales de solidarité « sont aussi porteuses

de grandes rigidités qui sont un obstacle à l'initiative et à la créativité des individus,

particulièrement des jeunes et des femmes. Mais cette remise en question des valeurs et des

comportements devrait être menée au sein de chaque société et non dans l'urgence, sous la

menace de rétorsions économiques ou politiques exogènes ». Le problème ainsi posé renvoie

donc au sens profond de l'évolution des sociétés et des conceptions du développement amenant à

remettre en cause l'idée même d'une modernisation destructrice des communautés traditionnelles.

7.2. Mondialisation, démocratie et qualité de la vie

• Dans cette logique, le débat sur la population et la qualité de la vie ne peut être séparé d'une

réflexion beaucoup plus ample sur la crise des modèles de développement. Ainsi, L. Tabah

constate que « le monde est toujours embrayé sur la croissance démographique et sur celle

de la production ». Il rappelle que les appels visant à remettre en cause les choix de

développement et de consommation des pays riches sont, jusqu'ici, restés vains. Au début

des années 70, la prise de position de Sicco Mansholt, président de la CEE, en faveur de la

« croissance zéro », comme celle du « Club de Rome » (rapport Meadows, 1972), de A. et P.

Ehrlich ou de Gunnar Myrdal, exhortant les pays riches à déclarer un moratoire sur la croissance,

n'ont pu aboutir. Or, « la dure réalité est que la généralisation du type de développement des pays

riches dans le Tiers monde est une éventualité qui s'éloigne de plus en plus de l'horizon » car

remarque Léon Tabah, « combinée à l'accroissement démographique, elle conduirait à une

39

multiplication de la consommation par cinquante ou soixante, avec tout ce que cela implique pour

l'environnement » (L. Tabah, 1994).

• D. Lapeyronnie et D. Martucelli tentent, dans leur contribution, de situer le débat

« population-qualité de vie » dans une analyse sur la crise des sociétés nationales modernes.

Selon ces auteurs, « l'intégration des populations dans l'ensemble des pays européens s'est

appuyée sur une double capacité du travail industriel de fournir une "identité" plus rationnelle que

les héritages culturels et d'inscrire les individus dans la modernité sociale par le biais du conflit

de classe ».

Cependant, estiment-ils, « nous vivons aujourd'hui dans la décomposition de cette matrice des

sociétés nationales [...] qui est marquée par la "crise" des grandes institutions d'intégration

de la population : l'école, la famille, la religion, les partis, les syndicats,... ». Le déclin des

institutions fait que « le monde des acteurs se sépare du monde des systèmes. Les logiques

globales, le monde du marché et des rationalités globales semble s'être complètement séparé

des "personnes" et des identités particulières [...] Au fond, comme partout, les mécanismes du

marché ont remplacé l'intégration sociale ». Pour Lapeyronnie et Martucelli, il est manifeste que

les sociétés, partout dans le monde, « gèrent l'absence de théories de développement

alternatives » dans lesquelles pourrait se situer le débat sur la population et la qualité de la vie.

Cette absence révèle, à l'orée du XXIe siècle, une sorte de « panne de l'imagination historique »

alors que précisément, les questionnements sociaux de cette fin de siècle tendent à s'unifier dans

le monde.

• En somme, pour ces deux auteurs, « le problème aujourd'hui est de plus en plus clairement

politique. Dans ce vaste mouvement de passage de l'Etat-Nation à la globalisation, la défense

de la qualité de la vie des populations est directement liée à la construction d'espaces politiques

démocratiques ». C'est, d'après eux, la seule voie possible permettant « d'associer l'acceptation

de la globalisation puisqu'il n'y a pas de développement possible sans économie de marché, la

gestion des identités culturelles et, enfin, la préservation d'un espace civil et public de

libertés individuelles car il n'y a pas de "qualité de vie" sans la garantie de la liberté et des

conditions sociales de son exercice, notamment l'existence de politiques sociales ».

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• D'une manière ou d'une autre, le débat sur la population et la qualité de la vie est posé par tous

les experts en termes de réduction des inégalités sociales - aux plans national et international -

et à l'ouverture de nouvelles marges d'action pour un nombre toujours croissant d'acteurs

sociaux. C'est ce qu'affirme très clairement la présidente de la Commission Indépendante,

Madame Maria de Lourdes Pintasilgo, lorsqu'elle souligne la nécessité « d'inverser la logique »

pour rechercher les voies d'un développement humain durable. La définition de nouvelles

perspectives, la lutte contre les modèles conformistes et dogmatiques constituent autant de défis

« pour tous les citoyens, parce que cela demande des choix autonomes de styles de vie basés

sur les valeurs. Cela exige de prendre des initiatives, de penser et agir différemment et de

prendre des risques ».

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RÉFÉRENCES

Auteur

Adepoju Aderanti

Allison Chris

Allison Chris

Baer Anne

Bandyopadhyay D.

Bandyopadhyay D.

Behnam Djamchid

Benneh George

Berquó Elza

Briones Leonor M. Chavez-Malaluan J.J.

Castelain Meunier Christine

Cooks Rebecca Dickens Bernard Cosio-Zavala Maria E.

Costas-Centivany Cynthia

de Coulomme-Labarthe Ghislaine

Dyson Tim

Fausto Ayrton

Faxas Laura

Faxas Laura

Garreton Manuel Antonio Espinosa Malva Gilbert Alan

Hamza Nabila Chaabouni Adnène Harrison Paul

Jaubert Ronald

Titre

Poverty, Structural Adjustment Programmes, Population and Quality of Life in Sub-Saharan Africa Population Policies and Governance: Some Introductory Remarks L'évolution démographique: les 40 années écoulées et les 35 à venir Water, Population and Quality of Life

Powerlessness and Fertility

Impact of Structural Adjustment Programmes: Survival Strategies Réflexions sur l'évolution de la famille dans un monde en changement. Demographic Changes and the Role of the Government Family and Household Structure in Brazil, 1970-1989

New Social and Political Challenges within the Framework of the Structural Adjustment Process in South-East Asia. Un premier regard sur la paternité contemporaine à travers le monde The State and Reproductive Self-determination

Les transitions démographiques dans les pays développés et le monde en développement. Education and Population

Approche globale pour un « mieux-être » des « Enfants de la Rue » dans le monde. Analyse, tendances et prospective. World Population Growth and Food Supplies

Ninos y Ninas de y en la calle en Brasil

Les inégalités sociales

Ajustement structurel, qualité de la vie et développement durable From Adjustment Policies to the new State-Society Relations Human Ressources : Work, Housing and Migration

Les changements dans la famille arabe: évolution ou régression? Carrying Capacity in Relation to Production and Consumption Patterns - North and South Population et plan de lutte contre la désertification

Kaddar Miloud

Ladjali Malika

Lapeyronnie Didier Martucelli Danilo Lengyel Peter

Locoh Thérèse

Lush Louisiana

Mertens Walter

Mohsin Nadeem

Mouchiroud Alain

Mousky Stafford

Mousky Stafford

Nimwegen Nico (van)

Noin Daniel

de Oliveira Orlandina Castillo Marina Ariza Gonzalez de Rocha Mercedes Orivel François

Palomba Rossella Sabbadani Linda Laura

Palriwala Raj ni

Pool Ian

Pool Ian

Rama W. German

Rath Ferdinand J.C.M.

Sachs-Jeantet Céline

Safilios-Rothschild Constantina

Senarclens Pierre (de)

Population et santé en Afrique

Santé sexuelle et reproductive des jeunes : mythes et réalités Le débat population et qualité de la vie dans un monde en changement Quality of Life: The Emergence of a Concept

Familles africaines, population et qualité de la vie

The Health Implications of Future Demographic Change - 1992-2025 Pathways for the Exploration of Population Policies

Street and Working Children in South Asia

L'Afrique subsaharienne: crise économique et démographie Opinions on Population Matters of Leaders and of Others in Influential Positions in Public Life at Recent Important Meetings La population: sa place à l'ordre du jour des activités internationales, depuis la conférence mondiale sur la population de 1974 Population-Related Policies and Quality of Life: The Case of the Netherlands Cartographie des indicateurs de qualité de vie

Family Strategies, Dynamics and Characteristics : Mexico, Central America and the Caribbean

Population et éducation en Afrique subsaharienne

Family, Population and Quality of Life in Western Europe: Dynamics, Changes and New Family Life Alternatives and Strategies Changing Family and Gender Relations in South Asia

Quality of Life, Caring Capacity, Public Policy and Population The World Carrying Capacity: Population Compositional Aspects Human Resources, Education and Employment in Latin America Coherence, Cooperation and Coordination in Internationally Assisted Population Activities Humaniser la ville : Les enjeux de la citoyenneté et de l'urbanité Family, Population and Quality of life in the United States and Canada: Dynamics, Changes, New Family Life Alternatives and strategies. Les changements démographiques: reflexions introductives

Senarclens Pierre (de) Population and Security

Silvestre Emmanuel Analisis de la situación de los niños, Ninas y Santana Adalgisa adolescentes de y en la calle en America Latina y el Martinez Ara Gena Caribe Sinding Steve W. The Role of Government and Demographic Change

Stolnitz George International Population, Labor Force and Child Labor Patterns: Trends, Perspectives, Interrelations.

Tabah Léon Les interrelations population-environnement-développement: état de la question et perspectives

Valdês Teresa Cambios en las familias en America Latina: Procesos Weinstein Marisa sociales y culturales Valenzuela Eduardo Crise et pauvreté en Amérique Latine

Vishnevsky M. A.G. Evolution de la famille et changements des structures familiales en Russie

Youego Christine Evolution du statut de la femme et la qualité de la vie en Afrique sub-saharienne au regard des transformations structurelles de nature économique et politique actuelles

Zlotnik Hania International Migration, Population and Quality of Life in a Changing World