Procedure pénale au Maroc

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    LES DROITS DE LA PERSONNALITELORS DE LENQUETE PRELIMINAIRE

    AU MAROCPar Jihad AGOURAM

    La procdure pnale est gnralement dfinie comme tant la branche de droit contenant les dispositionsrelatives la poursuite, lenqute, linstruction, au jugement et lexcution des dcisions judiciaires enmatire dinfraction pnale. Il sensuit que le CPP est un code double caractre, puisque :

    Dune part, ses dispositions tendent, travers lapplication des rgles du droit pnal au contrevenant, garantir les droits de ce dernier. Un individu qui a enfreint une rgle du code pnal, doit sans doute tresanctionn. Mais il doit ltre selon la manire dicte par la loi. En outre, il ne peut tre mis en causequune fois que les faits constitutifs de linfraction lui ont t attribus, car le principe est que tout suspectest prsum innocent avant sa condamnation ;

    Dautre part, il institue nombre de rgles attnuantes aux droits et liberts des individus. Il y a lieu deremarquer que multiples droits de la personnalit sont viols lors de lenqute prliminaire, de linstruction,durant la phase finale du procs pnal devant les magistrats du sige, ou encore pendant lexcution de ladcision judiciaire. On notera aussi que cette violation est lgitime par des textes lgislatifs. Ce sont desconsidrations logiques et pratiques qui imposent la restriction des droits des prvenus, des suspects et descondamns.

    On en conclut que le CPP est une lgislation qui vise la conciliation de deux impratifs convergents, savoir laprotection des droits des individus et ltablissement de la justice pnale. Le lgislateur marocain a essay deraliser cette dure quation lors de la rcente rforme de la procdure pnale. On peut lire dans le prambule dela loi 22-01 formant le code de procdure pnale marocain 1, que lancienne loi de la procdure pnale taitincapable de faire face laugmentation du flau de linfraction et lapparition de nouvelles espcesdinfractions causes par le progrs scientifique et technologique et dues aux circonstances conomiques etsociales . Ce prambule parle aussi du soucis du nouveau code de la consolidation du droit au procs quitable,tel quil est prvu par larticle 10 de la charte internationale des droits de lHomme, et lart 14 du pacteinternational relatif aux droits civils et politiques . On relve un troisime passage du prambule de la loi 22-01,qui nonce que, Et plus gnralement, la rforme de la loi de la procdure pnale de 1959, sest axe autourde la ncessit de garantir un procs quitable, selon les normes internationales des droits des individus, dune

    part, et de prserver lintrt gnral et lordre public dautre part .

    Cette conciliation ne se ralise cependant pas toujours de la mme faon selon que lon est devant lune oulautre des phases de la procdure pnale, en ce sens que les garanties de la protection des droits des personnessont plus solides lors de la phase judiciaire du procs pnal quelles ne le sont pendant lenqute prliminaireeffectue par des officiers de la police judiciaire ( PJ ), qui sont soumis au pouvoir de lexcutif. Encore, nest-ce que lorsque le parquet se dessaisit de laffaire en faveur des juges du sige, que lon peut rellement parler degaranties judiciaires, cause de la subordination de la magistrature daccusation au pouvoir du ministre de la

    justice et, partant, au pouvoir excutif.

    On peut donc aisment constater que cest avant lbauche du procs pnal - et considrant les diffrentesprrogatives que la loi confre aux officiers de la PJ dans laccomplissement de leurs missions de constat desinfractions, de rassemblement de preuves et de recherche des auteurs de ces infractions -, que le risque deviolation des droits des personnes est plus apparent.

    Lanalyse des dispositions relatives aux comptences des officiers de la PJ lors de lenqute prliminaire, faitapparatre le caractre attentatoire de ces comptences deux principaux droits de la personnalit. Il sagit desdroits la libert et la vie prive.

    On est donc amen tudier la faon par laquelle le lgislateur pnal de 2003 a essay de concilier laprservation des droits des personnes - quil sest amplement vant davoir consolid par le biais du prambule

    1. La loi 22-01 promulgue par le dahir n 1.02.255 du 3 octobre 2002. B.O arabe n 5078 du 30 janvier 2003. La version officielle franaisena pas encore t publie.

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    de la loi 22-01 - et la protection de lordre public et de lintrt gnral, travers lanalyse du degrs de respectdu droit la libert (Titre premier) et du droit la vie prive (Titre second) lors de lenqute prliminaire.

    TITRE PREMIERLES COMPETENCES DE LA POLICE JUDICIAIRE

    ET LATTEINTE AU DROIT A LA LIBERTE

    Selon les termes des articles 65 et 66 CPP, les agents de la PJ disposent de maints pouvoirs lencontre decertaines personnes, en raison de la relation que celles-ci pourraient avoir avec linfraction. Ainsi, lofficier de laPJ peut interdire toute personne, dont la prsence se rvle ncessaire pour le droulement de lenqute, dequitter les lieux de linfraction avant le terme des recherches. En outre, toute personne est tenue de dvoiler sonidentit en rponse la demande de lofficier de la PJ, et ce, sous peine de dtention et damende 2. Cesprrogatives qui ont pour but de faciliter la tche de la PJ, et partant dassurer de solides bases au droulement duprocs pnal cest l dailleurs quelles trouvent leur justification -, sont contraires aux droits la libert et lalibre circulation.

    Cependant, lattnuation aux droits de la personnalit est plus choquante quand on se place au niveau de la garde vue. Lofficier de la PJ peut, conformment aux dispositions des articles 66 & 80 CPP 3, ordonner larrestationprovisoire de tout individu ayant une relation quelconque avec linfraction, si le droulement de lenquteprliminaire la ncessite. Toutefois, considrant que la garde vue constitue une atteinte flagrante aux droits despersonnes, le lgislateur soumet sa validit certaines conditions dune part, et reconnat son sujet certainsdroits dautre part. Il parat donc utile de sinterroger sur cette validit (Chapitre I) et ces droits (Chapitre II), quidevraient allger laspect exceptionnel de la garde vue.

    CHAPITRE ILA VALIDITE DE LA GARDE A VUE

    La garde vue est soumise, sous peine de nullit (Section 2), certaines conditions lgales (Section 1).

    Section 1Les conditions de validit

    Tout dabord, il y a lieu de prciser que le rgime de lenqute prliminaire varie selon que lon est devant uneinfraction flagrante ou non (infraction ordinaire ou non flagrante). Ainsi, lart 66 CPP est relatif aux infractionsflagrantes, alors que lart 80 CPP traite des autres infractions. Cependant, cette variation, comme on leconstatera, na quune incidence restreinte sur les conditions de validit de la garde vue.

    La rfrence aux textes lgislatifs, savoir les articles 66 et 80 CPP, fait allusion quatre conditions pour lavalidit de la garde vue. Le recours la garde vue, qui requiert en certains cas une autorisation pralable duparquet et qui doit toujours tre justifi par une ncessit, nest pas admis pour toutes les infractions. De plus, sapriode est-elle limite.

    Sous-section 1 Lautorisation pralable du parquet

    Lart 80 CPP conditionne la mise en garde vue par lautorisation pralable du parquet, alors que lart 66 CPP secontente dobliger lofficier de la PJ aviser le parquet de la mesure de garde vue. Cest dire quelintervention du parquet est toujours exige pour la mesure de garde vue.

    2. Lart 65 al 2 prvoit une arrestation dun dix jours, assortie dune amende de 200 1.200 dhs, ou lune de ces deux peines.

    3. Lart 66 est relatif aux infractions flagrantes, alors que lart 80 traite des autres infractions.

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    Sous-section 3 - Limitation quant au type de linfraction

    Cest aussi sur cette troisime condition que diffrent les rgles nonces aux articles 66 et 80 CPP. Ce dernierlimite expressment le champ de recours la garde vue aux crimes et dlits punis demprisonnement alors quele premier article ne dtermine pas le champ dapplication de la garde vue en matire dinfractions flagrantes.Cette divergence est partiellement carte quand on sait que, selon lart 56 CPP, on ne parle dinfractionflagrante quen matire de crimes et dlits. Les contraventions sont de ce fait cartes.

    Toutefois, pour recourir la garde vue en ce qui concerne les dlits ordinaires, lart 80 CPP exige quils soientpunis demprisonnement, alors quune infraction est flagrante, chaque fois quon est en prsence de lun desquatre cas cits lart 56 CPP, sans faire appel au genre de la peine prvue.

    De ce fait, on pourrait donc conclure que :

    Il ne peut y avoir de garde vue en matire de contraventions ;

    En ce qui concerne les dlits, il y a lieu de distinguer ceux qui sont punis demprisonnement, etceux qui ne le sont pas : face aux premiers, lofficier de la PJ peut toujours recourir la mise engarde vue, alors que cela ne lui est possible pour les seconds quen cas dinfraction flagrante ;

    La garde vue peut toujours tre ordonne en matire de crimes. On peut critiquer le lgislateur surce point. Quest ce qui justifie, pour une infraction punie de rsidence force (art 234 CP) ou dedgradation civique (art 227 et 229 CP), que le suspect soit mis en garde vue, alors que la peineprivative de libert nest point envisage par les textes, mme en cas de culpabilit ? On pourraitremarquer que le texte officiel arabe de lart 80 CPP nest pas trs formel en ce qui concerne lescrimes. Il nest pas clair si lexpression punis demprisonnement nest relative quaux dlits ousi elle stend aux crimes galement. Une telle remarque est aisment rejete car, en matire decrimes, la peine privative de libert est dnomme rclusion et non pas emprisonnement.

    On constate donc quil ny a opposition entre les articles 66 et 80 CPP quen ce qui concerne les dlits.Cependant, une partie de la doctrine 6 interprtant les dispositions des articles 68 et 82 de lancien CPP (ACPP),ne fait aucune allusion cette diffrence. Il importe de remarquer que les dispositions de ces deux articles sontquasiment identiques celles des articles 66 et 80 CPP.

    Selon cette doctrine, il ne peut y avoir de garde vue que si la peine prvue pour linfraction est privative delibert, car il ny a aucun intrt - voire il y aurait atteinte aux liberts des individus - en dtenant un suspect lorsdune enqute relative une infraction non punie dune peine privative de libert. Or, bien que cette vision va depair avec lide, thoriquement recherche par le lgislateur pnal de 2003, de renforcement des droits desindividus, elle va lencontre des textes :

    dune part, ni lart 66 ni aucune autre disposition du CPP nexige que le dlit soit puni dune peinedemprisonnement en cas dinfraction flagrante pour permettre le placement en garde vue ;

    dautre part, quand il a voulu conditionn la mise en garde vue par la qualit de la peine prvue pourlinfraction, le lgislateur la expressment dict, comme cest le cas lart 80 CPP.

    Sous-section 4 - Limitation de priode

    Une fois toutes ces conditions rassembles, lofficier de la PJ a le droit de dcider la mise en garde vue.Cependant, le sujet de cette dcision ne peut tre dtenu jamais. Le principe veut que les effets de lexceptionsoient restreints : tant une exception aux droits de la personnalit, la garde vue doit tre temporairementlimite. Le lgislateur a donc dsign une priode pendant laquelle le prvenu peut rester en garde vue. Cettepriode ne peut excder une dure maximum. Une fois acheve, le concern doit immdiatement tre relch ouprsent devant le reprsentant du parquet.

    6. Abdelwahed AL ALAMI Trait de la loi sur la procdure pnale Ouvrage en arabe Tome I Imprimerie ANNAJAH Casablanca d. 1 1998 p 232 & sui.

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    Selon les dispositions des articles 66 et 80 CCP, la distinction entre infraction flagrante et infraction ordinairena pas deffets sur la priode de garde vue. Cependant, les dlais ne sont pas les mmes pour toutes lesinfractions.

    On distingue ce sujet deux dlais diffrents :

    La dure de la mise en garde vue ne peut excder 48 heures ; Toutefois, cette dure slve au double, savoir 96 heures, pour les infractions contre la sret de

    lEtat et les infractions terroristes. Les premires sont rglementes par les dispositions des articles 163 218 CP, alors que les secondes furent luvre de la loi 03-03 compltant le code pnal 7.

    Mais cause de la brivet de ces dlais, et tant donn le temps requis par les services de la PJ pourlaccomplissement de leurs missions, les articles 66 et 80 CPP ont prvu la possibilit de prolongation de cettedure. Cette prolongation, elle aussi limite dans le temps, est soumise des conditions de forme.

    Ainsi, il ne peut y avoir de prolongation sans autorisation crite du parquet ;

    On ajoutera sur ce point de formalits, que lart 80 CPP conditionne la prolongation pour les infractions

    ordinaires par la prsentation du concern devant le reprsentant du parquet, sauf en cas dexception.Cette prsentation nest pas exige pour les infractions flagrantes.

    Une fois ces formalits runies, lofficier de la PJ peut prolonger la dure de la garde vue. Cependant, cetteprolongation ne peut tre sans limites. On distingue trois dlais de prolongation :

    Dabord une prolongation de 24 heures en tant que rgle gnrale ;

    Ensuite une prolongation de 96 heures pour les infractions contre la sret de lEtat ;

    Puis une double prolongation de 96 heures pour les infractions terroristes.

    Section 2La nullit de la garde vue

    Bien quils dterminent les diffrentes conditions de recours la garde vue, les articles 66 CPP et suivants neprvoient aucune sanction pour le dfaut de lune dentre elles. On peut sinterroger donc sur la nature dunegarde vue qui na pas runi toutes les conditions lgales. Peut-on la considrer existante et valide ? Ou devrait-elle tre rpute nulle ?

    Les consquences quont les procs verbaux (PV) tablis par la PJ lors de lenqute prliminaire sur ledroulement du procs devant le tribunal, dmontrent limportance de la question. Selon lart 289 CPP, seuls lesPV valides, ceux qui ont t rdigs selon les formes et modalits prescrites par la loi, bnficient de la forceprobante. Il sensuit donc que les PV tablis suite une garde vue illgale, sont dpourvus de toute forceprobante. Ils doivent ainsi tre carts du dossier de laffaire.

    Lart 751 CPP est plus prcis sur la nature dune garde vue non conforme la loi. Selon ses dispositions, toutacte de procdure accompli dune faon autre que celle dicte par le CPP, est considr non effectu.Lapplication de lart 751 CPP sur les cas viss aux articles 66 et 80 CPP, entrane lannulation de toute garde vue ordonne en matire dinfractions non vises par la loi les contraventions notamment -, en labsence dencessit, ou encore pendant une priode excdant les dures lgales. Les PV tablis loccasion dune garde vue irrgulire seront de ce fait nuls car la garde vue est considre comme nayant jamais exist et, partant,sans le moindre effet.

    Les juridictions marocaines ont souvent eu loccasion de se prononcer sur les dlais lgaux. En 1992, la CourdAppel de Rabat avait dcid que, en matire de crimes, la non observation des formalits requises par la loi,te aux PV tout effet et utilit, voire leur caractre informatif 8. On notera aussi lactif des juridictions

    7. La loi 03-03 dite anti-terrorisme promulgue par le dahir n 1.03.140 du 28 mai 2003. B.O arabe n 5112 du 29 mai 2003. Cette loi aamend et complt le code pnal de 1962 et le nouveau code de la procdure pnale de 2003.

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    dexception sur le stade de la consolidation et de la protection des droits des individus, dune part, un arrt de laCour Militaire privant les PV de tout caractre lgal, parce que la priode de garde vue avait dpass la durelgalement permise 9, et dautre part, un arrt de la Cour Spciale de Justice qui avait cart les PV pour nonconformit la loi, en raison des mmes motifs 10.

    Cependant, si les juridictions de fond se prononcent en faveur de la prservation et de la concrtisation des

    droits, plus trange est la position de la Cour rgulatrice. Sous le rgne de lACPP, et lors dun arrt qui avaitsuscit une vaste polmique et qui est largement contest par la doctrine 11, la Cour suprme adopta les motifs dela Cour dappel qui avait dcid que bien que les articles 68 et 82 CPP dsignent, en des formules impratives,la dure lgale de la mise en garde vue, ce code ne prvoit pas expressment la nullit en cas de non respectde cette dure, comme cest la cas pour les articles 61, 62 et 64 relatifs la perquisition 12. Cet arrt en taitmme arriv approuver tacitement, travers la confirmation de la dcision de la Cour dappel, que le dfaut derespect de la dure lgale de garde vue, pour des raisons denqute et de recherche, ne constitue datteinte niaux droits la dfense ni aux liberts prives .

    Lexistence dun tel arrt au sein de la jurisprudence marocaine pose, outre les problmes de linterprtation destextes de loi et du rle de lappareil judiciaire en matire de protection des droits des individus, la question desvraies principes qui ont guid le lgislateur pnal en 2003. Les institutions tatiques se sont largementprononces, lors de la priode postrieure ladoption du nouveau CPP, en faveur du renforcement des droits et

    liberts. Comment pourrait-on donc expliquer que les nouvelles dispositions relatives la nullit des PV causedu non respect des dlais lgaux de la garde vue, soient textuellement reprises des articles 68, 82 et 765 delancien code ? Ne pourrait-on pas dire que, si le lgislateur avait voulu entriner la jurisprudence conteste, ilaurait expressment prvu une disposition pour lannulation des PV dans ces cas ? La Cour Suprme ne serait-elle pas plus conforme au Droit, en motivant ainsi un prochain arrt, au lieu de se baser sur le dfaut de sanctionla de nullit, tout en ngligeant lart 751 CPP qui remplace lart 756 ACPP ?

    On a entendu dire, lors de la seconde session de formation des avocats stagiaires organise en 2005, au centre deCasablanca 13, que plusieurs revendications furent formules afin de prvoir explicitement la nullit des PVtablis suite une garde vue illgale. Pour rpondre ces demandes, selon la mme source, les rdacteurs duprojet se sont prvalus des dispositions de lart 751 CPP. En cas de sa vracit, une telle rponse est absurde carlexistence dun texte identique au sein de lACPP na pas dfendu la jurisprudence marocaine de juger validesles PV tablis loccasion dune garde vue illgale. Il est donc flagrant que le lgislateur na pas voulu

    sanctionner les PV tablis en violation des conditions lgales relatives la mise en garde vue, et toute autrervlation contraire manant dune source ayant contribu llaboration du CPP est inacceptable de sa part, etporte atteinte sa crdibilit.

    Il faut signaler avant de conclure que le TPI de Casablanca a rcemment rendu un jugement en la matire 14. Dansune affaire o le suspect tait rest la disposition de la PJ pendant plus de 48 H, sans que le dossier necontienne aucune preuve de lautorisation de prolongation, le tribunal a considr illgale la priode de la garde vue dpassant le dlai maximum. Mais il ne faut pas encore crier victoire car ce jugement na fait que dclarerla mesure de garde vue illgale, sans prononcer la nullit des PV. En outre, il a tacitement considr les PVvalides en jugeant que le tribunal ne peut tirer ses conclusions en ce qui concerne les dclarations du prvenu,contenues dans le PV, quaprs lavoir entendu . De plus, afin dviter lannulation des PV, le jugement a motivsa position en se basant sur le dfaut dun texte formel en matire de garde vue, comme cest le cas pour la

    perquisition , et sur un arrt de la Cour Suprme dat du 14 juillet 1972, o elle jugea que la nullit ne pourrait

    8. Arrt de la Cour dappel de Rabat du 15 janvier 1992 Revue AL ICHAA publie par le barreau des avocats de Knitra n 7- p 129 cit par : Abdelwahed AL ALAMI cit p 237 m 59.

    9. Arrt de la Cour Militaire n 1645 du 17 janvier 1980 Revue AL MOUHAMAT publie par lassociation des barreaux du Maroc n 37-p 95 cit par : Abdelwahed AL ALAMI cit p 237 m 58.

    10. Arrt de la Cour Spciale de Justice n 607 du 12 mars 1980 Revue AL MOUHAMAT publie par lassociation des barreaux du Maroc n 37- p 95 cit par : Abdelwahed AL ALAMI cit p 236 m 58.

    11. Abdelwahed AL ALAMI cit p 238.

    12. Arrt de la Cour Suprme n 2461 du 25 mars 1986 REVUE DE LA JURISPRUDENCE ET DU DROIT publie par le ministre de la justice au Maroc n 138 - p 279.

    13. Lauteur na pu dvoiler lidentit de la source de cette information pour dfaut de documentation crite.

    14. Jugement du TPI de Casablanca du 17 novembre 2004 dans le dossier correctionnel (flgr) n 4/161/72. Non publi.

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    rsulter de la violation de la mise en garde vue, moins quil ne soit prouv que cette violation ait vici, sur le fond, la recherche et la preuve de la vrit .

    On peut donc dclarer que la pratique, travers le jugement sus cit, dmontre que le CPP na rien apport denouveau en ce qui concerne la condition de la priode maximum de la garde vue. Reste craindre que les

    juridictions suprieures, bien que leurs dcisions et arrts soient lgalement fonds, ne confirment cette position.

    Le lgislateur marocain pourrait alors se fliciter du grand profit quil a tir dune exprience de plus de quaranteans, de 1959 2003, pour amliorer son produit et combler ses lacunes.

    CHAPITRE IILES DROITS DU DETENU EN GARDE A VUE

    Le fait quun sujet soit plac en garde vue ne restreint en rien les droits dont il jouit, sauf bien videmment sondroit la libert et les droits qui en dcoulent. On a mme constat pour ce droit, que bien quil soit de lessencedu bon droulement de lenqute prliminaire quil soit viol, la loi en a limit la violation, afin den restreindreles consquences.

    Ainsi, le sujet de la garde vue devrait continuer, mme sous dtention, de bnficier des droits qui lui sontncessaires et qui sont appropris son statut de dtenu, entre autres, le droit dtre nourri et le droit lintgritphysique. Aussi nombreux quils soient, les plus importants de ces droits ont t cits par le CPP. A vrai dire, cene sont pas les plus importants, mais ceux qui sont pratiquement le plus viols par la des agents de la PJ. Parexemple, les articles du CPP obligent lofficier de la PJ se faire assister, le cas chant, par un interprte (lesarticles 21, 47, 73), et davertir la famille du prvenu, une fois ce dernier mis en garde vue (art 67). De mme,ils garantissent au prvenu le droit la dfense (Section 1) et le droit lintgrit physique (Section 2).

    Section 1Le droit la dfense

    Le droit la dfense est le droit de la personne incarcre contacter un avocat et bnficier de ses services.Mme sil est cens connatre la loi et quil nest pas excus de lignorer, un simple citoyen ne peut tre aucourant de tous ses droits de la mme faon que lest un spcialiste juriste. Les hommes du barreau ont pourmission, entre autres, de dfendre les intrts et les droits des personnes devant les juridictions. Dans lintrt desprvenus, il savre primordial de contacter un avocat avant de rvler quoi que ce soit lors des interrogatoires dela PJ. Cette rgle est logique, puisque cest sur la base des rvlations et informations de diffrentes personnesque vont tre rdigs les PV qui serviront de moyens de preuve devant le tribunal.

    Ceci tant, le CPP donne toute personne qui subit un interrogatoire devant les officiers de la PJ, le droit dtreassiste par un avocat. Selon les articles 73 et 74 CPP, le prvenu qui comparait devant le procureur du roi ou leprocureur gnral du roi, peut dsigner un avocat pour lassister lors de son interrogatoire. Quand il sagit duncrime flagrant, et si le prvenu ne choisit pas davocat, la chambre criminelle lui en dsigne imprativement un.

    En comparant les textes du CPP ceux de lACPP, on remarquera que linnovation de la loi 22-01 rside en lapossibilit du contact de lavocat lors des interrogatoires des services de la PJ. Les articles 75 et 76 de lACPPvoquaient la possibilit de la prsence de la dfense lors de la comparution du prvenu devant le reprsentant duparquet, alors quaucune disposition ne parlait de ce droit lors des interrogatoires postrieurs qui seffectuent auxcommissariats de police et aux centres de gendarmerie. Les articles 66 et 80 CPP reconnaissent dsormais ausujet de la garde vue le droit de sentretenir avec un avocat.

    On croirait de prime abord que, par ces dispositions, la lgislation marocaine a franchi un grand pas vers laconcrtisation et la consolidation des liberts et des droits des individus. Cependant, examiner le champdapplication et les conditions du droit de linculp la dfense, efface cette illusion.

    Selon les textes cits, le droit de contacter un avocat est conditionn par ce qui suit :

    Le prvenu ne peut contacter son avocat quune fois ;

    La dure maximum de cet entretien est de trente minutes ;

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    Ce contact est fait sous la surveillance de la PJ. On remarquera que le texte vise, outre la surveillance dela PJ, la confidentialit de la rencontre, en ce sens que lavocat doit tre seul avec son client.Lutilisation de chambres vitres peut concilier ce caractre disolation et celui de la surveillance desofficiers de la PJ. On peut se demander si les diffrents postes de la PJ du royaume disposent de cegenre de cellules, voire sil en existe une ?

    Lautorisation du parquet est ncessaire pour que lentretien ait lieu. De plus, en cas de ncessit, ladlivrance de celle-ci peut mme tre retarde par le reprsentant du parquet, sur demande de lofficierde la PJ, pour certaines infractions. Il sagit de celles cites lart 108 CPP relatif linterception descommunications ;

    Cette illusion est plus apparente quand on dtermine le champ dapplication de ce droit. En fait, leprvenu na droit la dfense que ds la premire heure de la prolongation de la dure de la garde vue . Ce droit nexiste pas encore lors des premires 48 ou 96 heures, selon les cas, de garde vue. Il endcoule quun dtenu ne pourra sentretenir avec son avocat, quune fois les premiers interrogatoiresachevs, ce qui enlve cet entretien tout intrt et utilit, du moment o les dclarations du prvenusont dj prises et transcrites sur des PV qui feront srement foi lors de la phase judiciaire du procs.

    On sinterrogerait donc sur la porte de cette innovation lgislative. Les institutions tatiques paraissentplus soucieuses de la rpression des infractions quelles ne le sont pour la consolidation des droits dessuspects. Toutefois, mme si le rdacteur du CPP doit tre critiqu sur ce point, cest la nature de lasocit marocaine qui a impos un tel choix. Si dans des pays comme le Canada ou les pays scandinaveson accorde aux dtenus le droit de ne parler quen prsence dun avocat, cest parce que le principe yveut que les citoyens respectent les lois, et que, quand ils ne le font pas, ils ne le nient pas ; ils sonttotalement conscients quils doivent subir les consquences de leurs comportements. La mentalit auMaroc uvre dans le sens contraire. En principe, plaider non coupable alors quon lest, est la derniredes choses qui perturberait la conscience dun individu. Les affaires qui courent devant les tribunauxrpressifs en tmoignent quotidiennement. Il suffit de jeter un coup dil sur les diffrents dossierspnaux pour constater que la plupart des poursuivis changent leurs dclarations devant le parquet ou le

    juge dinstruction selon les cas, ds que le contact a t tabli avec leurs avocats.

    Section 2Le droit lintgrit corporelle

    Le principe est que le changement de dclarations, cit la fin de la section prcdente, ne porte aucune atteinte la force probante reconnue aux PV de la PJ par les articles 289 292 CPP. Cependant, les PV tablis enmatire de crimes ne constituent pas plus que des informations selon lart 291 CPP. De leur ct, ceux rdigs loccasion de dlits et contraventions ne reprsentent, suivant lart 290 CPP, quune simple prsomption depreuve.

    Cela veut dire que le contenu de ces PV fait foi devant les juridictions rpressives moins que le contraire nensoit prouv. La pratique rpandue entre les hommes la robe noire ce stade est de prtendre que lesdclarations de leurs clients, figurant sur les PV tablis par la PJ, leur ont t arraches suite une contraintecorporelle. Ils demandent donc lannulation des PV vicis.

    Mme sil est suspect davoir commit une infraction, il nest pas permis aux agents enquteurs de torturer leprvenu afin den extraire les aveux qui leur permettront de fonder les PV quils prsenteront devant les juges.Quelle que soit la gravit des faits pour lesquels il est suspect, quel que soit le degrs de danger quil reprsentepour la socit, et quel que soit le degrs de certitude des investigateurs sur sa relation avec les faits pourlesquels lenqute a t ouverte, le suspect, plac ou non en garde vue, ne doit subir aucune contrainte pour sereconnatre coupable car toute personne a droit lintgrit physique. Linculp, voire le prisonnier qui a t

    judiciairement condamn, ne fait pas exception lapplication de ce principe.

    On peut relever trois aspects de ce droit lintgrit corporelle lors de lenqute prliminaire :

    En premier lieu, un PV dpourvu de toute force probante, suite la preuve de linexactitude de soncontenu parce que les informations qui le constituent ont t obtenues par torture, signifie quelextorsion daveu par contrainte est illgale ;

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    En second lieu, la contrainte dont il est question est punie par les articles 231, 400, 401, 402 et 403 CP ;

    En dernier lieu, les articles 73 et 74 CPP reconnaissent au prvenu le droit de demander au reprsentantdu parquet de le soumettre une consultation mdicale. Le juge daccusation peut ordonner une telleconsultation doffice sil constate des effets de torture ou de contrainte sur le prvenu comparaissant

    devant lui. On notera deux remarques cet gard : Dabord, que le lgislateur ne parle de possibilit de consultation mdicale quen cas dinfraction

    flagrante. Ca ne doit tre quune omission de la part des rdacteurs du CPP puisque le droit lintgrit corporelle se justifie dans tous les cas, sans quil ny ait distinction entre telle ou telleinfraction ;

    Ensuite, que cette consultation nest prvue que lors de la prsentation du prvenu devant leparquet, et non pendant la priode postrieure de lenqute prliminaire qui se droule aux postesde police. Cest normal puisque cest lors de cette phase postrieure que le droit lintgritphysique est viol. Il est donc logique que le droit la consultation mdicale nintervienne, poursanctionner cette violation, quune fois cette phase acheve, cest dire lors de la premirecomparution du prvenu devant un responsable judiciaire, et plus prcisment devant le

    reprsentant du parquet.

    TITRE SECONDLES COMPETENCES DE LA POLICE JUDICIAIRE

    ET LATTEINTE AU DROIT A LA VIE PRIVEE

    La principale mission des officiers de la PJ lors de lenqute prliminaire est de suivre les diffrentes traces delinfraction, afin dtablir un lien entre ses faits constitutifs et la personne suspecte den tre responsable. Endautres termes, leur mission se rsume en le regroupement des moyens de preuves pouvant mener jusqu

    lauteur de linfraction. Ceci tant, il est logique que la loi leur confre un droit tendu en matire de recherchede moyens de preuve. Ces recherches revtent diffrents aspects comme on lindiquera tout lheure.

    Il en rsulte quil est vrai que ce sont les impratifs de lenqute prliminaire qui exigent que les services de la PJaient le droit de perquisitionner les locaux, de consulter des documents confidentiels, ou de mettre sur coute lescommunications prives des personnes. Toutefois, il faut garder prsent lesprit que tous ces actes, et biendautres, constituent des atteintes lun des piliers des droits de la personnalit. Il sagit du droit la vie prive.Il suffit de se rfrer aux articles 10 et 11 de la constitution pour constater que le domicile est inviolable et que lacorrespondance est secrte. Ce sont les violations de ces deux principes constitutionnels quon se bornera voquer ici. Aprs ltude de la perquisition dans un premier chapitre, on rservera le second linterception descommunications.

    CHAPITRE ILA PERQUISITION

    On peut dfinir la perquisition comme tant une prrogative reconnue aux officiers de la PJ lors de lenquteprliminaire, leur confrant le droit de chercher dans les locaux, afin de cumuler les diffrents moyens de preuverelatifs une certaine infraction. Il en dcoule dune part, que le principe de linviolabilit du domicile est mis en

    jeu, du moment quun officier peut, sous prtexte de doute de relation avec linfraction, dbarquer dansnimporte quel foyer sans pravis. Cest dune seconde part le principe de la confidentialit qui est viol, puisquelors dune perquisition, de nombreuses informations et plusieurs documents sont vrifis par les officiers de laPJ.

    La limitation de cette violation parat travers les articles 59, 60, 62 et 79 CPP. La lecture de ces textes permet

    de dgager les conditions qui limitent les pouvoirs de la PJ ce stade de perquisition. Ce sont ces conditionsquil y a lieu dtudier dans ce chapitre. Ainsi, une perquisition ne peut avoir lieu pour nimporte quelleinfraction. On peut dduire de lart 59 CPP que cest juste en matire de crimes et dlits que lofficier de la PJ a

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    le droit de perquisitionner les domiciles. Cependant, ce dernier ne peut perquisitionner nimporte quand dans la journe. De mme, lintervention de certaines personnes est obligatoire.

    Ces diffrentes conditions sont dsignes sous peine de nullit. Lart 63 CPP est clair sur la nullit des PV etactes tablis en violation des articles 59, 60 et 62 CPP.

    Section 1 Le temps de la perquisition

    Lart 62 CPP est formel sur ce point. Une perquisition ne peut commencer avant 6 H ni aprs 21 H. Il en rsultequun officier de la PJ ne peut venir taper votre porte entre 21 H et 6 H pour effectuer ses recherches relatives lenqute prliminaire dont il est en charge. Le lgislateur a peut tre considr quil est absurde de venirdranger les gens, chez eux, une heure o ils sont censs se reposer.

    Mais comme toute rgle, celle-ci souffre aussi de quelques exceptions. Ainsi, selon le mme art 62 CPP, il peuttre procd une perquisition tout moment de la journe dans les quatre cas suivants :

    Dabord, si cest le chef de famille qui la demande ;

    Ensuite, si lintervention de lofficier de la PJ est sollicite par quelquun qui se trouve dans ce foyer.Un appel au secours depuis le domicile justifie la perquisition quelque soit lheure o elle est effectue ;

    Puis, en cas de dispositions lgislatives exceptionnelles. Cest le cas de lart 4 du dahir du 26 juillet1971 15 modifiant le dahir du 10 novembre 1956 formant code de justice militaire, qui dispose quenonobstant les dispositions du CPP, le procureur du roi peut procder la perquisition mme pendant lanuit ;

    Enfin, quand il sagit dune infraction terroriste. Dans ce cas, la perquisition hors priode lgale estconditionne, dune part, soit par les ncessits de lenqute, par le cas durgence ou par la crainte dedisparition des preuves, et dautre part dune autorisation crite du parquet. Il faut noter que ces deuxconditions ne sont pas difficiles raliser puisquen premier lieu, on jugera toujours quil y a ncessitou urgence en cas dinfraction terroriste, et quen second lieu, ce nest pas le reprsentant du parquetqui se dfendra du droit de perquisitionner ou qui en privera ses subordonns.

    Ainsi dlimite, la priode lgale de la perquisition entrane deux remarques :

    Ce nest pas la tranche horaire qui est pertinente, mais le moment o la perquisition peut commencer.Une perquisition entame pendant la priode lgale peut se prolonger, sans interruption, aprs 21 H.Lart 62 CPP est clair l dessus. Bien quune telle disposition soit trangre lACPP, elle ne peut trequalifie dinnovation lgislative de la loi 22-01 puisque la doctrine interprtait lart 64 de lACPP dansce mme sens 16 ;

    On devrait se poser la question sur lhorloge considre pour dterminer sil est lheure ou non pourprocder la perquisition. Un officier peut toujours dbarquer chez nimporte qui alors quil est 21 H02 et perquisitionner sous prtexte quil est 20 H 58 sa montre, surtout quune fois entame, laperquisition peut continuer jusqu terme. Rien ne len privera puisquil est toujours difficile, pour nepas dire impossible, de prouver quoique ce soit contre les faits contenus dans les PV tablis part la PJ.

    Section 2 Lintervention de certaines personnes

    Daprs les dispositions des articles 59, 60 et 79 CPP, dautres personnes que les officiers de la PJ doiventintervenir lors de la perquisition. Cette intervention peut revtir deux aspects.

    Dune part, le consentement du propritaire du domicile perquisitionn est exig par lart 79 CPP pourles infractions non flagrantes. Cest le seul cas o il y a distinction entre les infractions flagrantes et lesautres infractions au niveau du systme juridique applicable la perquisition. Cependant, il faut signaler

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    . La loi 2-71 promulgue par un dahir du 26 juillet 1971. B.O arabe n 3056 du 28 juillet 1971.16. Abdelwahed AL ALAMI cit p 243.

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    que lofficier de la PJ peut se passer de ce consentement, aprs autorisation du reprsentant du parquet,en cas dinfraction terroriste ;

    Dautre part, le CPP conditionne la validit de la perquisition par la prsence de certaines personnes : ilsagit selon les cas, du propritaire du domicile o elle a lieu, et du btonnier du barreau des avocats.

    1- Prsence du propritaire du domicile : En application des termes de lart 60 CPP, lofficier ne peutprocder la perquisition sans la prsence du propritaire du domicile perquisitionn, ou de sonreprsentant. On fera deux remarques cet gard :

    Sur le premier plan, le lgislateur distingue deux hypothses : dabord, celle o on perquisitionnedans le domicile dun suspect, puis celle o il sagit du domicile dun tiers pouvant possder deschoses ou des documents relatifs linfraction, sans quil ne soit suspect de lavoir commise. Onne voit pas trs nettement o rside lintrt de cette distinction puisque la mme procduresapplique quelque soit lhypothse 17. La qualit du propritaire des locaux ninfluence en rien lesmodalits et les conditions de la perquisition. Ce qui est important, cest la prsence du propritairedes locaux o a lieu la perquisition, quelle que soit sa relation avec linfraction ;

    Il faut noter sur le second plan que cette prsence est moins exige quelle ne parat ltre. En fait,

    si ni le propritaire ni son reprsentant ne sont en mesure dassister la perquisition, lofficier peutpasser outre. Il a seulement le devoir de convoquer deux tmoins, autres que ses subordonnes,pour prendre part la perquisition.

    2- Prsence du btonnier du barreau des avocats : Selon lart 59 CPP, un cabinet davocat ne peut treperquisitionn que par les juges du parquet. En outre, la loi 22-01 a repris sur ce point une coutume quivoulait que la perquisition dans un cabinet davocat ne peut tre faite quen prsence du btonnier dubarreau ou de son reprsentant. Cependant, ledit article nexige pas forcment cette prsence, puisquilnonce galement que la perquisition na lieu quen prsence du btonnier ou de son reprsentant, ouaprs que ces derniers soient informs par nimporte quel moyen. Le fait dinformer suffit donc pour lavalidit de la perquisition.

    Cette prsence est justifie par des considrations de secret professionnel. En effet, dans un cabinet

    davocat les informations confidentielles sont nombreuses. Ce sont ces exigences qui ont conduit lelgislateur imposer lofficier de la PJ, chaque fois que la perquisition a lieu dans des locaux usageprofessionnel, et dont les propritaires sont tenus au secret professionnel, den informer le parquet et deprendre toutes les prcautions ncessaires pour respecter ce secret. On ajoutera ce stade que lofficierde la PJ est tenu au secret lors de laccomplissement de ses fonctions. Lart 15 CPP est clair sur cepoint. De plus, un officier qui violerait cette obligation, se verrait non seulement disciplinairementpoursuivi, mais aussi pnalement mis en cause en application des articles 61 CPP et 477 CP.

    CHAPITRE IILINTERCEPTION DES COMMUNICATIONS

    Contrairement ce quon a largement prtendu lors de la phase prparatoire du nouveau CPP, linterception descommunications, en tant que prrogative denqute reconnue aux services de la PJ, nest pas une innovation de laloi 22-01. Sil est vrai que des dispositions semblables celles contenues dans les articles 108 116 CPP nefiguraient nulle part au sein de lancien dahir de 1959, le nouveau code na fait que lgitimer un moyen auquelavaient souvent recours les officiers de la PJ. Dornavant, ces derniers peuvent agir sans avoir se soucier dufait quils pourraient enfreindre un texte pnal relatif la violation de la confidentialit et le secret descommunications puisquils disposent dune cause de justification.

    Il est remarquable que, outre les conditions de la rgularit de linterception des communications (Section 1), lelgislateur a entour cette prrogative de multiples garanties visant protger les droits au secret, laconfidentialit et la vie prive. Cest le cas du devoir des officiers de la PJ, et de tous ceux qui ont assist

    17. Il faut quand mme signaler que lart 60 CPP ne parle de la prsence du reprsentant du propritaire que pour la perquisition du domiciledu suspect. Cest bien l une diffrence entre les deux hypothses, mais elle na aucune rpercussion sur la validit de la perquisition puisquelofficier de la PJ peut toujours se passer de la prsence du propritaire.

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    cette opration, de garder le secret sous peine de sanctions pnales prvues par lart 116 CPP. Aussi, selon lart111 CPP, un devoir de conservation et de mise labri des diffrents enregistrements des communications psesur les officiers de la PJ. Les hauts officiers de la PJ, savoir le juge dinstruction et les juges du parquet, sontpour leur part obligs, conformment lart 113 CPP, de veiller sur la destruction de ces enregistrements unefois laction publique prescrite ou aprs que le jugement ait acquis force de la chose juge. Cependant, et malgrces diverses garanties, linterception des communications continue constituer une violation flagrante de la

    constitution (Section 2).

    Section 1Conditions de linterception des communications

    On prcisera encore une fois que le dfaut de lune des conditions lgales de linterception des communicationsexposerait, dune part, les officiers de la PJ des poursuites pnales et disciplinaires pour violation des articles115 et 116 CPP, et entranerait en application de lart 751 dautre part, la nullit des actes de procdure, savoirles PV tablis suite une interception irrgulire. On peut redouter sur ce point que lattitude de la jurisprudencemarocaine ne soit semblable celle quelle avait affiche lgard des dispositions relatives la garde vue.Cependant, la dernire section de cette tude dmontrera que, en matire dinterception des communication, latche incombant aux juges marocains, plus prcisment certains deux, est plus lourde que ne lest le faitdannuler un PV en labsence dune disposition spciale, mais seulement en application dun texte gnral.

    Les multiples conditions auxquelles sont soumises linterception des communications et la mise sur coute desappels tlphoniques lors de lenqute prliminaire, sont nonces par les articles 108 et 109 CPP. Elles sont aunombre de cinq.

    Dabord, seul le procureur gnral du roi est habilit demander, par voie crite, lautorisation delinterception des communications. On assimilera ce dernier, pour des raisons pratiques, son substitutauquel il a dlgu ses devoirs pour une raison o pour une autre. Une telle condition ne parat pas dungrand intrt dans la mesure o, dans la pratique, le procureur gnral ne refuserait quasiment jamais sessubstituts ou aux autres officiers de la PJ une telle demande. Cest au contraire lui qui les dirige lors delenqute prliminaire. Toutefois, la thorie veut que seul le procureur gnral dispose de cette prrogative.On en dduit que chaque fois que linitiative mane dun autre officier de la PJ, elle doit automatiquementtre refuse. Le cas chant, les PV tablis en violation de cette condition devront tre rputs non avenus ;

    Ensuite, le procureur gnral ne peut recourir cette facult quaprs lordonnance pralable du premierprsident de la Cour dappel. Cest ce dernier quest destine la demande sus cite du procureur gnral.Cette condition a t la consquence dun large dbat et dune grande polmique qui ont accompagn lesdispositions des articles 38 et 47 du projet du CPP. Le projet confrait aux juges du parquet des TPI et desCours dappel le droit dintercepter les communications sans aucune intervention de la magistrature assise.Or, seule cette dernire est, thoriquement, indpendante du pouvoir du ministre de la justice : cet gard,on pourrait craindre des abus du pouvoir excutif.

    Cette controverse a abouti une solution mdiane qui sannonce comme suit :

    Linterception des communications est, en principe, interdite ;

    Pour des raisons exceptionnelles, seul le juge dinstruction peut y recourir ;

    Plus exceptionnellement, le procureur gnral du roi peut demander au premier prsident delordonner.

    Encore une fois, le texte se rvle sans grande utilit du moment quil est rare, du moins sur le planthorique, quon trouve quun premier prsident dune Cour dappel refuse son confrre, le procureurgnral du roi auprs de la mme Cour, une demande dinterception des communications.

    Lexception saggrave si on se rfre au quatrime alina de lart 108 CPP en analyse. Le cas durgenceextrme et la crainte de la disparition des moyens de preuve, autorisent le plus haut responsable du parquetde la Cour dappel ordonner, sans passer par le premier prsident, linterception des communications.

    Cependant, ce pouvoir est limit certaines infractions. Encore, le procureur gnral est-il tenu den avertir,sur le champ, le premier prsident. Ce dernier doit, dans un dlai de 24 H, prendre sa dcision enconfirmation, en modification ou en annulation de lordonnance du procureur gnral. En cas dannulation,

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    linterception est considre comme nayant jamais eu lieu. Cette ordonnance en annulation ne peut fairelobjet daucun recours.

    Puis, cette interception nest justifie que si lenqute prliminaire la requiert. Une condition aussi vague nesaurait trop limite le champ dapplication de cette mesure ;

    En outre, linterception des communications ne peut intervenir que pour certaines infractions. Lart 108 al 3contient une liste limitative des diffrentes infractions, notamment les infractions terroristes, justifiantlinterception des communications ;

    Enfin, le lgislateur a limit, par le biais de lart 109 CPP, la priode dinterception quatre mois. Cettepriode est renouvelable une seule fois dans les mmes conditions requises lors de la dcision initialedinterception.

    Avant dachever cette section, il y a lieu de prciser que ce sont les deux dernires conditions qui limitentvraiment le pouvoir du parquet recourir lgalement linterception des communications, tant donn quellesne demandent aucune intervention du pouvoir discrtionnaire de quiconque, contrairement aux trois premiresconditions.

    Section 2Inconstitutionnalit des rgles dinterception des communications

    En vertu de lart 108 CPP, le lgislateur marocain a donc autoris, expressment, les officiers de la PJ intercepter, enregistrer, prendre des copies et saisir les communications tlphoniques et celles effectues par desmoyens de communication distance. Cette attitude constitue une atteinte au droit la vie prive et aux droits ausecret et la confidentialit. Plus grave, elle soppose lart 11 de la constitution qui nonce que lacorrespondance est secrte.

    La question de la constitutionnalit des articles composants le cinquime chapitre du troisime titre du premierlivre du CPP, simpose plus nettement que ce nest le cas pour les autres exceptions que la loi 22-01 apporte auxdroits constitutionnels. En fait, lart 9 de la constitution qui garantit aux citoyens diverses liberts publiques, lart10 relatif au droit la libert et linviolabilit du foyer, et lart 15 qui protge le droit la proprit, prvoienttous la possibilit de drogation lgale. Or, une telle disposition nest pas prvue en ce qui concerne laconfidentialit des correspondances. Lart 11 se contente den voquer le caractre secret. Les articles 108 116CPP, qui constituent, entre autres, une anomalie au sein de la lgislation marocaine, sont de ce fait mis en cause.Bien quinconstitutionnels, ces articles vicis ont t adopts par le parlement. On se demande o taient, parmiles dputs et les conseillers de la nation, les partisans et militants pour ltat de Droit. Il nest pas question icides droits de lHomme et des liberts publiques, mais dun pilier de ltat de Droit, savoir le principe de laconstitutionnalit des lois et la hirarchie des sources de Droit. Certes, comme on la dj vu, le texte initial asubi une grande modification en diminuant la sphre des personnes habilites prendre des mesuresdinterception des communications. Mais lopposition la lgislation suprme du royaume demeure choquante.

    Les partisans de linterception des communications devraient se baser sur deux sries de raisons :

    Dabord, dune part, cette mesure a t exclusivement attribue des magistrats. Dautre part, le principeconstitutionnel de la confidentialit des correspondances ne sapplique pas au pouvoir judiciaire, qui estgarant des droits et protecteur du Droit.

    Puis, la conscration de linterception des communications par des textes lgislatifs, bien quelle viole ledroit la vie prive, trouve son fondement dans le souci de prserver la sret et la scurit sociales.Lapplication de ladage lintrt gnral prime lintrt priv , mne ce que la protection de la socit

    justifie le pitinement dun droit personnel. De plus, sa protection serait illgitime si ce droit tait utiliscontre des textes pnaux, et partant, contre des ncessit dordre public.

    Ces motifs sont aisment rejets :

    Premirement, lart 11 de la constitution est formel en nonant que la correspondance est secrte . Il ne

    prvoit aucune exception cette rgle. Il est trop os dinterprter lart 11 de la constitution en faveur dupouvoir judiciaire, alors quon refuse, ce mme pouvoir, des droits que la loi lui attribue nettement,

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    magistrats bnficieraient donc dune cause objective dirresponsabilit pnale , rsidant dans lordre contenudans lart 81 al 6 de la constitution. Tel ne serait forcment pas le cas dans lhypothse inverse : lordredinterception des communications suspendant lapplication de lart 81 al 6 de la constitution ne peut tre

    justifi, dans le cadre de lart 124 CP, par lart 108 CPP : ce dernier ne donne pas dordre puisquil ne faitquautoriser les magistrats ordonner linterception des communications.

    ABREVIATIONS TPI - Tribunal de Premire InstanceACPP - Ancien code de la procdure pnaleCPP - Code de la procdure pnaleCP - Code pnalPJ - Police judiciaireBO - Bulletin officielH - Heureflgr - Relatif aux infractions flagrantesart - Articleal - Alinan - numrod - Editionp - Pagem - Margesui - Suivant