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Propriétaires à tout prix 1) Acheter ou louer ? La question est vieille comme le monde, mais le retournement du marché immobilier depuis 2009, après une décennie de flambée des prix, oblige à l’aborder sous un angle nouveau. « Ceux qui achètent ne peuvent plus baser leur raisonnement sur les seuls espoirs de plus-value à la revente », déclare Fabrice Abraham, directeur général du réseau Guy Hoquet. Si placer ses économies dans l’achat d’un logement ne paraît plus aussi évident aujourd’hui, l’attachement des Français pour la pierre reste puissant, parfois irrationnel. A tel point que, pour beaucoup, rester locataire en acquittant chaque mois un loyer est une situation insupportable : 63 % des personnes ayant récemment concrétisé un projet immobilier déclarent que leur première motivation a été de ne plus verser de loyers « à fonds perdus », selon une enquête du Crédit foncier réalisée entre mars et avril. Et 40 % des sondés évoquent la volonté de ne plus avoir de loyer à payer à la retraite. « Dans un monde qui paraît de plus en plus instable et anxiogène, la pierre apparaît en France comme un gage de solidité, de sécurité », analyse Fabrice Larceneux, chercheur au CNRS. L’allongement de la durée de vie et la baisse tendancielle du taux de remplacement au moment de la cessation d’activité représentent des arguments de poids en faveur de l’achat. Les derniers chiffres connus, publiés par le Conseil d’orientation des retraites (COR), sont édifiants : un cadre partant à la retraite en 2050 avec un salaire de 4 500 euros touchera une pension inférieure à 1 921 euros. Un employé gagnant 2 000 euros percevra, lui, moins de 1 288 euros. « Ceux qui ne sont pas propriétaires de leur logement risquent de se retrouver dans une situation financière 1

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Propriétaires à tout prix

1) Acheter ou louer   ?

La question est vieille comme le monde, mais le retournement du marché immobilier depuis

2009, après une décennie de flambée des prix, oblige à l’aborder sous un angle nouveau.« Ceux qui achètent ne peuvent plus baser leur raisonnement sur les seuls espoirs de plus-value à la revente », déclare Fabrice Abraham, directeur général du réseau Guy Hoquet. Si placer ses économies dans l’achat d’un logement ne paraît plus aussi évident aujourd’hui, l’attachement des Français pour la pierre reste puissant, parfois irrationnel.

A tel point que, pour beaucoup, rester locataire en acquittant chaque mois un loyer est une situation insupportable : 63 % des personnes ayant récemment concrétisé un projet immobilier déclarent que leur première motivation a été de ne plus verser de loyers « à fonds perdus », selon une enquête du Crédit foncier réalisée entre mars et avril. Et 40 % des sondés évoquent la volonté de ne plus avoir de loyer à payer à la retraite. « Dans un monde qui paraît de plus en plus instable et anxiogène, la pierre apparaît en France comme un gage de solidité, de sécurité », analyse Fabrice Larceneux, chercheur au CNRS.

L’allongement de la durée de vie et la baisse tendancielle du taux de remplacement au moment de la cessation d’activité représentent des arguments de poids en faveur de l’achat. Les derniers chiffres connus, publiés par le Conseil d’orientation des retraites (COR), sont édifiants : un cadre partant à la retraite en 2050 avec un salaire de 4 500 euros touchera une pension inférieure à 1 921 euros. Un employé gagnant 2 000 euros percevra, lui, moins de 1 288 euros.

« Ceux qui ne sont pas propriétaires de leur logement risquent de se retrouver dans une situation financière délicate, prévient Yann Jehanno, directeur exécutif du réseau Laforêt. Souscrire un crédit sur quinze ou vingt ans pour acheter, c’est une épargne forcée que l’on regrette rarement. »Une vision partagée par Eric Allouche, directeur exécutif adjoint d’ERA France : « L’expérience montre que les ménages ont du mal à se constituer une épargne. Penser qu’ils vont mettre quelques centaines d’euros de côté chaque mois parce qu’ils restent locataires, c’est illusoire. Investir dans la pierre, c’est s’obliger à se constituer une épargne. »Contrairement à un livret ou à une assurance-vie, l’argent ainsi placé est effectivement difficile à débloquer, c’est pourquoi on parle d’« épargne forcée ».

2) Faiblesse de la rentabilité des   placements   sans risqué

Bien sûr, il est toujours possible de revendre, mais le faire lors des premières années de son crédit est souvent désastreux sur le plan financier. « Les pénalités en cas de remboursement anticipé sont importantes et, surtout, on paie essentiellement les intérêts de l’emprunt lors les premières années de son crédit ; une revente rapide coûte cher », prévient Maël Bernier, directrice de la communication du courtier Meilleurtaux.com.

Un autre argument plaide en faveur de l’immobilier : la faiblesse de la rentabilité des placements sans risque. Depuis le 1er août, le rendement du Livret A est tombé à 0,75 %, et les

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contrats d’assurance-vie en euros ont en moyenne rapporté moins de 2,5 % en 2014. « Même si l’évolution du marché immobilier est incertaine, la pierre demeure un placement sûr et rémunérateur sur le long terme, insiste M. Allouche. D’autant que la résidence principale bénéficie d’un statut fiscal privilégié, contrairement aux autres placements pénalisés par l’alourdissement de la fiscalité sur les revenus du capital. »

La faiblesse des taux d’intérêt joue donc doublement en faveur de l’investissement immobilier, car jamais les taux des crédits immobiliers n’ont été aussi bas. Ce contexte favorable incite beaucoup de jeunes ménages à passer à l’action, sitôt leur premier CDI en poche. Une précipitation qui n’est pas toujours judicieuse. « La durée moyenne d’un crédit immobilier est de dix-sept ans et demi, alors qu’une vie professionnelle s’étale sur plus de quarante ans, remarque Jean-François Buet, président de la Fnaim. Il faut prendre le temps de mûrir son projet. »

3) Une bombe à retardement

Acheter à tout prix peut, en effet, se révéler une très mauvaise affaire, ce dont beaucoup de candidats à l’accession à la propriété ne semblent pas avoir conscience. Une enquête publiée en juin par le Crédit foncier a révélé que 23 % des personnes ayant récemment concrétisé un projet immobilier ont dû dépasser leur budget initial, en moyenne de 10 %. Et 42 % ont dû faire des concessions, principalement en achetant un logement plus petit que prévu (39 %) ou en s’éloignant du lieu qu’ils recherchaient initialement (36 %). Un budget ric-rac, un espace de vie étriqué, des trajets travail-domicile épuisants : le cocktail peut constituer une bombe à retardement. « Entre la hausse de la fiscalité locale, celle des charges de copropriété, le coût de l’entretien et les mauvaises surprises qui sont légion, ceux qui souhaitent acheter leur logement ont intérêt à intégrer toutes ces dépenses et ne pas s’endetter au maximum de leur capacité », prévient Jean Perrin, le président de l’Union nationale des propriétaires en immobilier (UNPI). En 2012, 500 000 ménages propriétaires bénéficiaient d’une aide au logement, et 13,8 % avaient un taux d’effort (remboursement du crédit + charges – aides et prestations sociales) dépassant 39 %. Sans surprise, c’est dans les zones tendues que se concentrent ces populations fragiles. « De plus en plus de jeunes ménages sont étouffés par les charges, après avoir fait de gros sacrifices financiers pour devenir propriétaires. Certains se retrouvent avec des logements difficiles à revendre car trop éloignés des centres-villes, là où les acheteurs sont rares », explique Blanche Guillemot, directrice générale de l’Agence nationale de l’habitat (Anah).

L’augmentation de la proportion de propriétaires parmi les ménages surendettés est inquiétante. Sur les 255 000 dossiers acceptés par les commissions de surendettement en 2014, 10,8 % étaient dans cette situation, selon la Banque de France. La même année, 30 % des 5 000 dossiers traités par l’association Cresus ont concerné des propriétaires.« Pour acheter, les Français s’endettent jusqu’au cou, confirme Maxime Pekkip, chargé de mission « prévention et accompagnement » au sein de cette association qui aide les personnes surendettées. Au moindre imprévu, hausse des impôts, voiture à réparer, machine à laver à changer, ils prennent un premier crédit à laconsommation, puis un autre et un autre… »Pour Sylvain Elkouby, fondateur de Syndic Experts, il existe pour les jeunes ménages une période sensible de trois ou quatre ans qui suit l’acquisition d’un bien. « Ensuite, les revenus du couple commencent à augmenter et le crédit pèse moins lourd », dit-il.

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4) Réalisation de l’audit énergétique d’ici au 1er   janvier 2017

Si les frais de notaire sont bien appréhendés par les acheteurs, ces derniers ont tendance à sous-estimer les autres coûts. Les charges de copropriété, par exemple, pèsent lourd, malgré une diminution en 2014. « Comptez 44,60 euros en moyenne par mètre carré et par an pour un logement de 65 m2 à Paris et 20 % de moins en province », détaille Claude Pouey, fondateur de l’Oscar (Observatoire des charges de copropriété).

Et cette facture ne devrait pas aller en s’allégeant, car la loi sur la transition énergétique, votée cet été, va entraîner de nouvelles dépenses : réalisation de l’audit énergétique d’ici au 1er janvier 2017, mise en place de compteurs thermiques ou de répartiteurs de chaleur.A cela s’ajoute la rénovation des colonnes montantes électriques d’ERDF. « Trois cent mille copropriétés sont concernées, le coût des travaux s’élève entre 10 000 et 20 000 euros. Pour les immeubles d’avant 1992, les particuliers pourraient devoir payer la totalité de la facture s’ils n’ont pas voté en assemblée générale le transfert de leur droit de propriété sur ces colonnes à ERDF. Mais ERDF peut refuser, d’où le flou juridique qui règne sur ce sujet », avance M. Pouey, qui conseille aux acheteurs d’étudier le plan prévisionnel des travaux que la loi Alur rend obligatoire afin d’éviter de mauvaises surprises.

« Il faut éplucher les PV des assemblées de copropriétaires, abonde Sylvain Elkouby. Un ravalement, des travaux de toiture ou le départ du concierge sont des événements qui ne se décident pas à la dernière minute. » Autre conseil : éditer le tableau d’amortissement que la banque doit fournir à tout emprunteur. « Cela vous donne une idée précise de ce qu’il vous faudra épargner chaque mois pour devenir propriétaire », glisse M. Buet.

5) Les montants de la taxe foncière vont du simple au double selon les localités

La fiscalité locale peut, elle aussi, plomber le budget de l’acheteur. Entre 2008 et 2013, la taxe foncière, qui est acquittée par les seuls propriétaires, a augmenté de 21,26 % en moyenne, d’après la dernière étude de l’UNPI. Le montant médian de cette taxe pour un couple type avec deux enfants s’élevait à 1 000 euros en 2013, selon le Forum pour la gestion des villes, avec des montants allant du simple au double selon les localités.Conséquence, les impôts locaux peuvent dans certaines villes, comme Marseille ou Montpellier, représenter trois mois de remboursement de crédit en plus sur une année, a récemment calculé Meilleurtaux.com

Les simulations que nous avons réalisées soulignent à quel point le sujet est brûlant. A Reims, au Havre ou au Mans, où les loyers sont relativement chers par rapport aux prix du mètre carré et où la fiscalité locale est dans la moyenne, acheter semble la bonne solution.

Dans ces villes, il devient plus intéressant d’acheter que de louer dès la quatrième ou la cinquième année. L’opération devient beaucoup plus compliquée dans les localités où les taxes sont élevées. A Toulon et à Lille, par exemple, les prix de l’immobilier sont quasiment identiques, mais la taxe foncière est deux fois moins élevée dans la capitale des Flandres. Il faut vingt-sept années pour rentabiliser un quatre-pièces à Toulon, contre moins de onze à Lille.

Le cas de Saint-Etienne, où les prix à l’achat ne dépassent pas 1 100 euros le mètre carré, selon le site Meilleursagents.com, est, lui, révélateur du poids des charges de copropriété sur le

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long terme. Dans cette ville, il faut quatre ans pour rentabiliser l’achat d’une maison, contre vingt ans pour un T4 !6) Entretenir sa maison a aussi un coût

Les budgets serrés ont-ils donc intérêt à opter pour un petit pavillon ? Pas forcément. Certes, ils n’auront pas à goûter aux joies de la « copro » et pourront réaliser leurs travaux selon leur propre calendrier. Mais il ne faut pas se leurrer : entretenir sa maison a aussi un coût : il atteint 1 à 2 % de la valeur du bien par an, à encroire les professionnels.

« Nous avons calculé que, pour le menu entretien d’un pavillon, les Français dépensent en moyenne un peu plus de 1 000 euros par an. Cela n’intègre pas le gros œuvre, bien sûr, ni les factures d’eau ou de chauffage », explique M. Perrin. Et celui-ci d’insister sur la nécessité, avant d’acheter, de vérifier la qualité des installations, particulièrement les chaudières, le double vitrage, et de s’assurer que le raccordement au tout-à-l’égout a été réalisé dans les règles de l’art. « Généralement, les difficultés commencent au bout de trois ou quatre ans. Les ménages ne peuvent plus remettre à plus tard des travaux qu’ils avaient jusque-là reportés, mais ils sont trop justes financièrement pour les assumer », raconte M. Perrin.

D’autant que si la maison avec jardin en fait rêver beaucoup, s’éloigner des centres-villes occasionne des coûts supplémentaires : achat d’une seconde voiture, allers-retours pour accompagner les enfants aux diverses activités ou tout simplement pour se rendre au travail. Si vous habitez à 25 km de votre travail et vous y rendez en voiture, comptez un budget annuel de plus de 5 000 euros en entretien, essence, assurance, d’après un simulateur en ligne sur le site de l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie. Un coût supplémentaire à intégrer dans son budget avant de se lancer.

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Bibliographie

http://www.lemonde.fr/argent/article/2015/09/18/proprietaires-a-tout-prix_4762906_1657007.html

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