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Quel paysage pour le développement urbain des villes algériennes? Laghouat, considérée jadis comme l’une des villes les plus propres d’Algérie, s’offre aujourd’hui un constat amer en matière d’hygiène et d’environnement paysager, car si vous circulez en plein centre- ville, ce n’est sûrement pas l’odeur des lilas qui se fera sentir, mais certainement, quelque part, une fuite d’égout. Naturellement ce n’est pas nouveau, si du côté des cités des 250, 600 et 482 Logements de la ville, les espaces verts se font rares ou sont parfois inexistants, car pour toutes les villes algériennes, les espaces verts sont toujours prévus théoriquement dans les plans d’urbanisme, mais rien n’est fait pour durer car nos responsables chargés des espaces verts ont perdu la culture de nos ancêtres et pensent avant tout à leurs propres économies, au point qu’ils jugent qu’il n’est pas nécessaire d’avoir le savoir-faire d’un architecte paysagiste diplômé de l’école du paysage de Versailles pour faire une espace vert. Même si nous avons hérité de la civilisation musulmane, la tradition de faire la ville avec ses jardins, aujourd’hui, il nous reste que le réflexe des nomades au point que l’environnement paysager de nos villes se dégrade de jour en jour, sans qu’on puisse faire réveiller, en nous, la tradition ancestrale qui nous permettra de reprendre le chemin pour aboutir à une nouvelle stratégie de gestion du paysage urbain de nos villes en Algérie et pour mettre en place les outils nécessaires afin de réussir à améliorer le cadre vie de nos citoyens en milieux urbains. « La ville entre les instruments d’aménagement et d’urbanisme et la réalité », est le thème du séminaire national organisé par le département du ministre délégué à la ville pour lancer le débat sur cette problématique et d’établir un dialogue entre les experts et les responsables au niveau des collectivités locales, sur la ville et les moyens d’améliorer l’environnement paysager urbain. Cette initiative est la suite logique de la décision du gouvernement de mettre en place un nouveau projet de loi pour guérir nos villes. Le développement urbain de nos villes, en ce début du XXIe siècle, est jugé par ce dernier séminaire national par anarchique et mérite des études d’évaluation afin de prendre en considération les besoins urgents des citoyens en milieu urbain et de constituer une prise de conscience des décideurs en vue de réussir à améliorer le cadre de vie urbain et de faire renaître le paysage urbain dans la ville algérienne. Le paysage urbain fait partie de l’environnement de la ville, dont il constituerait l’un des aspects qui mérite d’être protégé, comme on se doit de sauvegarder l’environnement en milieu urbain. 1

Quel paysage pour le développement urbain de nos villes

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Quel paysage pour le développement urbain des villes algériennes? Laghouat, considérée jadis comme l’une des villes les plus propres d’Algérie, s’offre aujourd’hui un constat amer en matière d’hygiène et d’environnement paysager, car si vous circulez en plein centre-ville, ce n’est sûrement pas l’odeur des lilas qui se fera sentir, mais certainement, quelque part, une fuite d’égout.

Naturellement ce n’est pas nouveau, si du côté des cités des 250, 600 et 482 Logements de la ville, les espaces verts se font rares ou sont parfois inexistants, car pour toutes les villes algériennes, les espaces verts sont toujours prévus théoriquement dans les plans d’urbanisme, mais rien n’est fait pour durer car nos responsables chargés des espaces verts ont perdu la culture de nos ancêtres et pensent avant tout à leurs propres économies, au point qu’ils jugent qu’il n’est pas nécessaire d’avoir le savoir-faire d’un architecte paysagiste diplômé de l’école du paysage de Versailles pour faire une espace vert. Même si nous avons hérité de la civilisation musulmane, la tradition de faire la ville avec ses jardins, aujourd’hui, il nous reste que le réflexe des nomades au point que l’environnement paysager de nos villes se dégrade de jour en jour, sans qu’on puisse faire réveiller, en nous, la tradition ancestrale qui nous permettra de reprendre le chemin pour aboutir à une nouvelle stratégie de gestion du paysage urbain de nos villes en Algérie et pour mettre en place les outils nécessaires afin de réussir à améliorer le cadre vie de nos citoyens en milieux urbains.

« La ville entre les instruments d’aménagement et d’urbanisme et la réalité », est le thème du séminaire national organisé par le département du ministre délégué à la ville pour lancer le débat sur cette problématique et d’établir un dialogue entre les experts et les responsables au niveau des collectivités locales, sur la ville et les moyens d’améliorer l’environnement paysager urbain. Cette initiative est la suite logique de la décision du gouvernement de mettre en place un nouveau projet de loi pour guérir nos villes. Le développement urbain de nos villes, en ce début du XXIe siècle, est jugé par ce dernier séminaire national par anarchique et mérite des études d’évaluation afin de prendre en considération les besoins urgents des citoyens en milieu urbain et de constituer une prise de conscience des décideurs en vue de réussir à améliorer le cadre de vie urbain et de faire renaître le paysage urbain dans la ville algérienne. Le paysage urbain fait partie de l’environnement de la ville, dont il constituerait l’un des aspects qui mérite d’être protégé, comme on se doit de sauvegarder l’environnement en milieu urbain.

En Algérie, le paysage urbain est réduit à une forme visible qui ne serait autre que celle de l’environnement en milieu urbain, l’histoire universelle nos apprend que le paysage n’est pas l’environnement, car le paysage reste essentiellement la modalité visuelle de notre relation à l’environnement et non pas l’inflation qui de nos jours mène à parler de paysage à propos de tout et de rien, du paysage sonore au paysage criminel qui tendent à en faire un mot vide, alors qu’il est important de donner au paysage un sens qui le motive et l’engage dans le monde du XXIe siècle afin d’éviter de parler du paysage dans tous les sens et finalement dans aucun. Il est temps pour nos architectes, politiques,

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historiens ou anthropologues de commencer à s’interroger sur la notion du paysage urbain et d’envisager une politique qui conduira ainsi à penser que le paysage urbain doit être inventé pour chaque ville algérienne, car nos villes se disloquent et se déchirent de jour en jour. Afin de réussir à guérir nos villes de la déchirure et d’améliorer leurs paysages urbains, une législation insistante doit être adoptée à haut niveau dans le cadre de la nouvelle loi de la ville, à l’adresse des responsables de l’aménagement de villes, pour qu’ils assurent à l’ensemble des citoyens la jouissance d’un nouveau bien public, qu’est le paysage urbain. Jusqu’à aujourd’hui, en Algérie, l’aménagement et l’organisation globale et concertée des espaces de la ville sont le champ de travail des urbanistes et des architectes, qui normalement savent composer des paysages pour accompagner une villa, aménager un parc de loisirs ou une zone touristique, mais ne sont pas formés pour résoudre les questions du paysage urbain qui se font jour à présent dans nos villes et la création des espaces verts publics, car on ne peut faire un projet d’espace vert sans maîtriser la notion paysagère de la ville.

Dans les pays développés, les acteurs des aménagements des milieux urbains sont multiples, mais pour réussir la notion paysagère dans le cadre de l’organisation globale des villes, on se tourne vers « les ambulanciers de l’urbanisme moderne » qu’ils s’honorent d’appeler « architectes paysagistes », et que chez nous on persiste à les appeler « jardiniers » tout court. Comme les idées sur la tradition et l’histoire, les nouvelles idées sur le paysage urbain évoluent avec le temps, l’architecte paysagiste est l’un des spécialistes qui possède les nouvelles techniques pour penser le paysage urbain de la ville, car il répond à sa fonction suprême qui est de produire un concept sur un site inconnu où il fait dérouler un raisonnement en établissant une théorie pour définir un vocabulaire afin de faire passer ses découvertes pour des vérités qui donneront à nos villes la jouissance d’un nouveau paysage urbain.

Par le travail des architectes paysagistes, le paysage de nos villes deviendra le lieu du rationnel où toutes ses composantes ne seront compréhensibles que par référence à un ensemble d’aménagement appelé paysage urbain et qui s’intègre par les éléments qui les composent, sans s’ignorer car elles sont liées par une même pensée paysagère. Dans le processus d’anticipation pour la transformation de nos villes ainsi que pour la création de nouveaux paysages urbains modernes, l’architecte paysagiste viendra pour faire valoir un point de vue de « technicien paysagiste » pour donner la manière adéquate à accomplir l’invention du paysage urbain des villes algériennes, tout en ressortant les divers changements utiles au citoyen au sein de son milieu urbain, afin d’aboutir à une nouvelle forme d’aménagement du territoire, sans quelle ne soit celle de la rupture, car notre paysage urbain doit se réconcilier avec sa culture et son histoire pour retrouver sa forme et son sens, qui lui garantissent la présence d’aujourd’hui et de demain.

C’est parce que nos ancêtres ont forgé leurs idées sur la manière d’apprécier et de créer des paysages urbains avec des espaces verts, comme l’histoire ne s’arrête pas, les transformations à venir suite à la nouvelle stratégie élaborée par le ministère délégué à l’Aménagement du territoire et de l’Environnement, chargé de la ville pour guérir nos villes, doit pousser les transformations de nos paysages urbains vers la création d’espaces verts dans nos zones urbaines, afin d’assurer un

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meilleur cadre d’urbanisme végétal au sein de nos villes. Pour la réussite de ce dernier au sein de nos villes, il n’existe pas en la matière des solutions définitives, mais une compréhension de l’architecte paysagiste, qui lui permette de concevoir et d’apprécier le projet végétal de façon plus éclairée, tout en s’attachant à recevoir un patrimoine et le transmettre en l’améliorant de façon à ce qu’il bénéficie aux citoyens de chacune des 1541 communes algériennes.

Sachant qu’en matière d’urbanisme végétal de ce début du XXIe siècle, nos milieux urbains ressemblent, à quelques exceptions près, à ceux qui existaient au Moyen-Âge européen, car dans les espaces publics de la plupart des villes algériennes, les arbres sont peu nombreux et souvent majestueux avec une présence antérieure au temps de la construction de nos extensions de villes. C’est pourquoi aujourd’hui en Algérie, penser à faire accompagner les équipements de grandes envergures avec des études paysagères de bonne qualité et adaptées au projet en milieu urbain est devenu presque une chimère, ce qui nous pousse vers la logique d’une nouvelle stratégie de gestion de l’urbanisme végétal et de l’aménagement paysager afin d’apporter quelques cohérences aux paysages urbains de nos zones urbaines désarticulées par des aménagements paysagers non maîtrisés depuis l’indépendance.Cette nouvelle stratégie de gestion de l’urbanisme végétal et des aménagements paysagers en milieu urbain fera appel, de la part des responsables d’aménagement paysagers de chaque collectivité, à des connaissances spécifiques en botanique et en arboriculture, à une maîtrise des principes de composition et de gestion urbanistique et végétal ainsi qu’aux références de typologies urbaines, tels les avenues, les cours, les boulevards, les squares, etc.,car loin d’être réductrices, ces compétences alimentent l’invention des projets contemporains que la collectivité fera siens, en collaboration avec les architectes paysagistes ou des techniciens paysagistes complétés par des urbanistes et des architectes, à cause de la présence d’un nombre réduit de spécialistes en architecture du paysage sur le territoire national.

C’est parce que les réponses sont loin d’être simples pour gérer le côté végétal dans le but de l’amélioration du cadre de vie en milieu urbain, que nombre de places dans les villes occidentales sont exemptes de toute présence végétale forcent l’admiration, quand le travail a été fait par des « paysagistes » et que parfois la présence d’espaces verts peut perturber l’identité de la ville et de ses quartiers, quand le travail a été fait par des faiseurs des jardins disparates qui ne cherchent dans la réalisation des projets d’espaces verts, que leurs propres économies, car il ne suffit pas de créer des espaces verts et de planter des alignements d’arbres pour dire qu’il y a eu amélioration de l’urbanisme végétal, car il faut savoir bien concevoir pour planter et parfois même ne pas planter pour donner un meilleur paysage urbain.

La stratégie de gestion des espaces verts viendra pour faciliter la mobilisation des moyens nécessaires au sein de chaque collectivité locale pour réussir la politique de l’urbanisation végétal, car un paysage urbain et d’autant mieux défendu qu’il est perçu comme beau par une majorité de la population qui aspire à un meilleur cadre de vie au sein de leurs quartiers, villages et villes. C’est pour faire relancer notre pays dans sa continuité historique en matière d’urbanisme végétal, qu’il est urgent de procéder à la gestion des espaces verts de nos zones urbaines, car il est temps pour nous, en ce XXIe siècle, de trouver la qualité des paysages urbains conformes à notre culture et notre

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histoire, mais aussi de changer nos mentalités de manière à imaginer les raisons de vivre ensemble sans céder à l’individualisme économique, car avec une stratégie nationale de gestion de l’urbanisme végétal adaptée à notre microcosme, chacune des collectivités disposera d’un service de gestion des espaces verts et de la ville qui saura collaborer avec les paysagistes afin de faire doter à chacune des communes d’au moins un grand jardin public ou de loisirs, et que les pâtés d’immeubles seront riches en matière de couverture végétale et munis de terrains de sport et des jeux pour enfants dans le but d’aboutir à un cadre de vie urbain conforme aux normes du paysage urbain contemporain.

La recherche d’un paysage urbain de qualité doit constituer un objectif fondamental pour les premiers responsables du pays, car la création d’un aménagement paysager adéquat et de meilleur qualité en milieu urbain demeure généralement le mode qui s’avère le plus durable, le plus attrayant et plus économique à long terme, pour l’amélioration du cadre de vie des citoyens et du tourisme dans notre pays, ce qui fera de la stratégie de gestion de l’urbanisme végétal une grande culture de la qualité, de l’excellence et de la créativité en matière d’aménagement urbain. Avec cette stratégie de gestion de l’urbanisme végétal de nos ville, nos paysages urbains présenteront des qualités certaines pour le bien-être des citoyens et des touristes, où des choix seront toutefois précisés pour accroître la qualité des milieux de vie et de contribuer au développement touristique dans notre pays, conformément au programme de développement touristique en Algérie.

Parce qu’il ne peut y avoir de meilleure manière à redonner ses lettres de noblesse aux paysages urbains de nos villes que de réinventer l’essence de son existence et de les maintenir dans la continuité et dans le temps, qu’il est temps pour que les projets d’aménagement paysagers des collectivités, dans le cadre de l’urbanisme végétal, ne se réduisent pas à un besoin de surfaces vertes avec des équipements de sports et de jeux d’enfants disparates, mais à des projets paysagers réels, inclus dans le cadre de l’amélioration du paysage urbain et conçus par des paysagistes afin que la ville algérienne aura sa cohérence spatiale, perceptible à plusieurs échelles et qui résulte d’une logique symbolique et fonctionnelle.

Meziane Abdellah : Architecte paysagiste, Lakhdaria-Algérie. Publié sur « El Watan »: Édition du 15 Août 2005. Paru sur « Le Quotidien d’Oran » : Opinions du 23 Octobre 2004 .

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