R LADWEIN Comportement Du Consommateur

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    www.culture-materielle.com

    Le comportement duconsommateur et de lacheteur

    Richard LADWEIN

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    Richard Ladwein (2003), Lecomportement du consommateur et de

    lacheteur, 2ime

    dition, Economica,Paris.

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    Pour Arthur

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    Avant-propos

    Ltude du comportement du consommateur et de lacheteur est devenue une pratiqueindispensable dans lanalyse et la pratique du marketing. Ses apports sont essentiels etcontribuent autant la rflexion stratgique quau marketing oprationnel. La consommation

    est galement devenue un dbat de socit. La manire dont est aborde ici ltude ducomportement du consommateur et de lacheteur ne prtend pas prendre position, mais elleoffre quelques repres qui permettent au lecteur de se situer parmi les nombreuses approchesqui peuvent tre mobilises pour tudier le consommateur ou lacheteur.

    Cette seconde dition, mme si elle a t considrablement enrichie, prserve la structureadopte lors de la prcdente dition. Aprs un chapitre introductif qui pose les enjeuxassocis ltude du comportement du consommateur et de lacheteur, ainsi que ses hritagesthoriques, louvrage est compos de trois parties.

    La premire est consacre aux acteurs. Elle vise qualifier les individus, dun point de vueanthropologique, sociologique et psychosociologique. La dmarche permet didentifier

    quelques variables importantes susceptibles dexpliquer les comportements dachat et deconsommation. La culture, les valeurs, la catgorie sociale, lge ou encore la situationfamiliale permettent dexpliquer les diffrences dans les choix en matire de consommation etde comprendre la logique densemble dans laquelle se situent les acteurs partir de la notiondactif socioculturel. Lindividu est ensuite situ dans son environnement social, ce qui

    permet didentifier, partir des interactions sociales et son appartenance diffrents groupessociaux, les mcanismes dinfluences interpersonnelles.

    La deuxime partie porte sur les comptences des acteurs ; sa coloration est rsolumentpsychologique. Cette partie vise dcrire lensemble des processus de traitement desinformations qui caractrisent le consommateur ou lacheteur. Ainsi on y dcouvre comment

    lindividu peroit et interprte les stimulations auxquelles il est expos. Celles-ci peuvent trede nature commerciale (la publicit par exemple) mais aussi non commerciale (le got desaliments par exemple). On sintresse ensuite aux connaissances et leur acquisition, ce qui

    permet de souligner leur impact sur la consommation, lutilisation de produits, lacquisitionde connaissances nouvelles ou la prise de dcision. Enfin, il sagit didentifier comment lesdlibrations permettent de faire le lien entre les motivations et la dcision, les diffrents

    processus de traitement des informations impliqus dans la dlibration et les diffrentesformes de dcision.

    La troisime partie est consacre la dfinition des comportements et des rles. Il apparaten effet indispensable de distinguer le comportement dachat du comportement de

    consommation, mme si dans certains cas lacheteur est galement le consommateur. Plusprcisment avant de qualifier le comportement dachat, il sagit de prciser la notion daccs loffre. Les diffrentes facettes de la consommation (usages et appropriation, production de

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    significations et enfin production de valeurs par lexprience de consommation) sont ensuitetudies avant daborder les incidences de lactivit de consommation en termes decomportements de rclamation et de satisfaction.

    Cette seconde dition rfrence prs dun millier de travaux, dans une logiquepluridisciplinaire. Depuis la premire dition, plusieurs ouvrages sont parus en France sur lemme sujet1, chacun avec des optiques diffrentes, ce qui tmoigne de la richesse de la

    problmatique et du dynamisme de la recherche, qui dpasse de plus en plus largement lechamp du marketing. En ce sens, cette nouvelle dition tient compte de lvolution des

    proccupations des praticiens et des nouveaux enjeux susceptibles de caractriser ce champ siparticulier dinvestigation, qui nest pas la proprit du marketing. En se situant aussi dans ledomaine des sciences sociales et de lanthropologie, ltude du comportement duconsommateur et de lacheteur est un moyen pour interroger le rle de la consommation dansla vie quotidienne de lindividu.

    1Darpy D., Volle P. (2003), Comportements du consommateur, concepts et outils, Dunod, Paris ; Hetzel P.(2002),Plante conso, Editions dOrganisation, Paris ; Cova V., Cova B. (2001), Alternatives marketing, Dunod,

    Paris ; Derbaix C., Bre J. (2000), Comportement du consommateur, prsentation de textes choisis, Economica,Paris ; Amine A. (1999),Le comportement du consommateur face aux variables daction marketing, EditionsManagement et Socit, Paris.

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    Chapitre 1. Ltude du comportementdu consommateur et de lacheteur

    La consommation est lune des formes lmentaires de la vie quotidienne. Ledveloppement de la socit moderne a conditionn un environnement lourdement charg

    dobjets, de signes et dinteractions fondes sur des changes marchands. La production debiens manufacturs augmente de manire inflationniste et les prestations de services necessent de se dvelopper et de se diversifier. A ce phnomne sajoute lacclration durenouvellement de loffre disponible. Face cette complexit, les acteurs conomiques,analystes ou praticiens, cherchent des repres car les enjeux sont de taille, tant pour les

    praticiens du marketing que pour les organisations de dfense des consommateurs. Lespremiers souhaitent influencer les acteurs du march, alors que les seconds esprent tablir uncontre-pouvoir. Les entreprises doivent assurer leur prennit conomique, mais elle ne

    pourra se raliser quavec une rflexion approfondie sur lthique. Si lon accepte que ltudedu comportement du consommateur et de lacheteur est en mesure dapporter aux entreprisesun cadre danalyse susceptible daugmenter leurs performances conomiques, ce mme cadre

    danalyse est exploitable par les organisations de dfense des consommateurs, les sociologuesou les anthropologues intresss par la dynamique de la socit de consommation. Larecherche dans ce domaine doit galement tre profitable aux consommateurs afin quilsgagnent en autonomie et que squilibre le rapport de force2.

    1. Enjeux et ambitions

    Historiquement, pour Tedlow3, le dveloppement du marketing sest bas sur lespritvisionnaire dentrepreneurs qui nont pas hsit adopter le changement comme pratique

    cardinale de leur mtier. Cette volution dans les pratiques et les stratgies marketing nacependant pu se faire sans une comprhension croissante des consommateurs, de leurs dsirset de leur diversit en particulier depuis les annes cinquante. Les professionnels dumarketing voient dans ltude du consommateur ou de lacheteur la possibilit dexercer uncontrle sur les acteurs du march et, par consquent, la russite des oprations quils mettenten place. Pour y arriver, il est indispensable de disposer dune conception claire de lensembledes facteurs qui contribuent llaboration et la ralisation de ces comportements, mais detelles connaissances permettent-elles rellement aux praticiens dinfluer sur les

    2Bazerman M.H. (2001), Consumer Research for Consumers , Journal of Consumer Research, 27, March, p.

    499-504.3Tedlow R.S. (1997),Laudace et le march, linvention du marketing aux Etats-Unis, Editions Odile Jacob,Paris.

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    comportements de consommation et dachat ? Si au premier abord on peut tre tent derpondre par laffirmative, une analyse plus fouille soulve quelques rserves. Les situationsde consommation et dachat sont dune telle diversit quil semble peu probable de pouvoir yappliquer un modle intgrateur unique. Lachat dun mme produit admet, par exemple, des

    motivations trs diffrentes selon les acteurs considrs, au mme titre quun besoin identiquepeut conduire lachat de produits trs diffrents. Face une telle varit de situations, on esten droit de supposer que linfluence sur lachat souhaite par les praticiens reste trslacunaire. A contrario, peut-on pour autant admettre le libre arbitre de lacheteur ou duconsommateur ?

    Les mouvements consumristes, qui ambitionnent de dfendre les intrts desconsommateurs, admettent comme vraies les aspirations des praticiens du marketing et de lavente. La comprhension des mcanismes impliqus dans le processus dachat et deconsommation est suppose leur permettre de dcomposer les dispositifs dinfluence que lesfirmes mettent en place pour attirer lacheteur et le rendre dpendant. Packard4relate ainsi les

    techniques psychanalytiques qui, dans les annes de laprs-guerre, auraient t mises profitpour contourner les rsistances des consommateurs. Les mnagres abuses par la publicitnachteraient que des promesses pour sinscrire dans limaginaire dune socit deconsommation traverse de valeurs difficiles dcoder consciemment. Les mouvementsconsumristes ont aujourdhui volu vers un rle plus institutionnel (reprsentation dans lesinstances gouvernementales, actions juridiques, information des consommateurs par diverses

    publications). Ils privilgient linformation objective et jouent un rle modrateur auprs desentreprises. Malgr cette volution, la proccupation des mouvements consumristes reste

    base sur lide que lacheteur ou le consommateur ne peut disposer de son libre arbitre enraison des pressions quil subit de la part des producteurs ou des distributeurs.

    Les ambitions ou les esprances des mouvements consumristes ne sont gure plusralistes que celles des responsables commerciaux ou marketing. Les deux logiquesconvergent dans lhypothse selon laquelle le marketing dispose aujourdhui de moyensdinfluence auxquels il est difficile de se soustraire5. Dans ces conditions, quel cadrethorique est-il possible dinvoquer pour disposer dinstruments ou de concepts permettant auresponsable marketing damliorer la performance des oprations quil met en place, et auxmouvements consumristes de prvenir les abus dont pourraient tre lobjet les acheteurs oules consommateurs ? Bien que lgitime, la question ne se pose pas ncessairement en cestermes. Parce que lon touche lessence de ltre, ltude du comportement duconsommateur ou de lacheteur est amplement mystifie et lon simagine volontiers que lesimple fait de comprendre le comportement individuel permet forcment sa manipulation.

    Une telle ide nest pas dfendable. La mise en uvre oprationnelle dun processusdinfluence est autrement plus difficile que sa comprhension6.

    Le problme de lthique dans les pratiques commerciales commence par ailleurs apparatre avec force. Lentreprise qui abuserait de moyens dinfluence face auxquels leconsommateur ou lacheteur serait dmuni prend galement le risque de voir ses pratiquesdnonces par les organisations de dfense du consommateur. Faut-il alors voir dans la

    4Packard V. (1984),La persuasion clandestine, Calmann-Lvy, Paris.5Friestad M., Wright P. (1995), Persuasion Knowledge : Lay Peoples and Researchers Beliefs about the

    Psychology of Advertising ,Journal of Consumer Research, 22, 1, June, p. 62-74.6Kapferer J.-N. (1978),Les chemins de la persuasion, le mode dinfluence des mdias et de la publicit sur lescomportements, Gauthier-Villars, Paris.

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    moralisation des pratiques commerciales ou marketing la volont des firmes de renoncer drainer les consommateurs vers leurs produits ou leurs services ? Evidemment non, car celareviendrait renoncer lun des dterminants les plus fondamentaux de lactivitentrepreneuriale. Une certaine volont de conciliation amne toutefois les entreprises

    collaborer, au moins passivement, avec les organisations de consommateurs ; fortes de cetteattitude prudente, elles anticipent les problmes qui pourraient survenir en mettant en placedes services consommateurs, qui traitent les rclamations et sattachent fidliser la clientle.

    Schma 1. La persuasion et les pouvoirs

    Le dveloppement de la consommation de masse a conduit les acteurs quilibrer les

    relations de pouvoir. A partir des annes cinquante, en rponse la gnralisation de lapression marketing, les organisations de dfense du consommateur se sont largementdveloppes tant au niveau dassociations quau niveau des instances gouvernementales. EnFrance, cet important dveloppement a trouv son point dorgue avec la loi de 1973 quiautorisa les associations se porter partie civile7. Cet pisode critique a jou un rleimportant, dans la mesure o le dsquilibre de pouvoir entre la firme et lindividuconsommateur se trouvait ainsi rompu. Lindividu pouvait alors tre reprsent par desorganisations structures dans la gestion du conflit qui lopposait une firme. Dans cette

    perspective, au dbut des annes quatre-vingts, le dveloppement des services consommateursintgrs aux entreprises est apparu dabord comme la volont de rconcilier lindividu avec la

    7Graby F. (1997), Consumrisme ,Encyclopdie de Gestion , Simon Y. et Joffre P. (d), 2e dition,Economica, Paris, p. 651-666.

    Lambition : comprendre pour agir

    Le mythe partag et rcurrent :

    Lapersuasiondu consommateur

    Les praticiens du marketingLes organisations de

    dfense desconsommateurs

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    firme par une meilleure prise en compte de ses attentes ou de ses dsagrments. Par la suite,ces services consommateurs ont largement volu et se situent aujourdhui comme desinstruments au service dun vritable marketing relationnel (schma 2). Dans ce jeu de

    pouvoirs et de contre-pouvoirs, lindividu consommateur est lobjet de nombreux enjeux qui

    traduisent lambigut de lopposition entre la ncessit conomique et la ncessit thique.

    Schma 2. Les pouvoirs et les contre-pouvoirs

    2. La ncessit thique

    Du fait de linfluence croissante des organisations de dfense du consommateur et de

    lefficacit de leurs actions, il est tentant de conclure que les entreprises abusent, aujourdhui

    Fin des annes 1980 : structuration desservices consommateurs

    Dveloppement du marketing relationnel

    1960-1970 : structuration de la dmarchemarketing

    Loi de 1973 : les associations de

    consommateurs peuvent se porter partiecivile

    1951 : Union Fdrale des Consommateurs

    1953 : Bureau de Vrification de la Publicit

    1966 : Institut National de la Consommation

    1920-1950 : massification etstructuration des forces de vente

    Les pouvoirsLes contre-pouvoirs

    1978 : cration de la CommissionNationale de lInformatique et des Liberts

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    plus quavant, de la crdulit du consommateur. Bartels8rfute cette conclusion et soulignequil nest pas certain que lthique caractrisant les pratiques commerciales afondamentalement vari au cours du temps. Il est possible que ce soit la sensibilit desconsommateurs et des praticiens du marketing qui a volu jusqu faire de lthique un objet

    dinvestigation part entire. La principale difficult laquelle est confront le manager quisinterroge sur lthique est lie la manire dvaluer les pratiques commerciales. Lesquellessont acceptables ? Lesquelles ne le sont pas ?

    2.1. Dfinitions

    Serraf9propose un inventaire de diffrentes pratiques commerciales inacceptables. On ytrouve tout dabord des thmes concernant lintention de provoquer des tentations en dcalageavec les besoins effectifs, ainsi que le surquipement et le surendettement des mnages.

    Dautres thmes concernent llaboration dargumentaires de vente biaiss dans le but detromper lusager sur les qualits effectives du produit (en lui masquant par exemple des cotsinduits ou des risques dutilisation) et, dune manire plus gnrale, laltration des jugementssusceptible damener le consommateur une perception errone de loffre (confusion entre ledsirable et lutile, entre le plus et le mieux, etc.). Enfin un dernier thme concernelexploitation abusive de sentiments ou dmotions, tels que lorgueil ou la culpabilit, quisont des leviers aisment exploitables.

    Le dnominateur commun de ces pratiques considres comme inacceptables est que leconsommateur effectue certains choix son insu, parce quil nest pas en mesure de dlibrerconvenablement sur lutilit ou la pertinence relle de lachat. Mais cela ne suffit pas. Pour

    quune pratique commerciale soit considre comme inacceptable, il faut galement que lafirme empche sciemment le consommateur de dlibrer dans de bonnes conditions. Cestdonc dans lintention, les moyens utiliss et les effets obtenus que se situe le problme delthique10. Seules les actions commerciales dont les effets escompts et les moyens utilisssont inacceptables peuvent faire lobjet de critiques. Il est en effet difficile de reprocher unefirme inventive dobtenir un succs commercial, alors quelle navait aucune intention denuire ou daliner le consommateur. Ce nest que lorsque le caractre dloyal de loprationcommerciale est avr quil est possible de dnoncer sans rserves la firme qui, enconnaissance de cause, poursuit son action.

    2.2. Ethique et responsabilit sociale

    Cette discussion conduit naturellement situer lthique au regard de la responsabilitsociale11. Les fonctions de production, de commercialisation et de consommation se

    8Bartels R. (1967), A Model for Ethics in Marketing , Journal of Marketing, 31, January, p. 20-26.9Serraf G. (1995), Problmatique dune thique pour le marketing , Revue Franaise du Marketing, n153-154, p. 3-4, p. 25-41.10Laczniak G.R. (1983), Framework for Analyzing Marketing Ethics ,Journal of Macromarketing, 3, 1, p. 7-

    18.11Robin D.P., Reidenbach R.E. (1987), Social Responsibility, Ethics, and Marketing Strategy : Closing theGap Between Concept and Application ,Journal of Marketing, 51, January, p. 44-58.

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    dveloppent dans un systme social travers par des valeurs. Celles-ci permettent dedterminer ce qui est tolrable par les acteurs. Dune manire gnrale, ces valeurs gravitentautour des notions de protection et de respect de rgles ou de codes qui rgulent lesinteractions entre personnes, autrement dit les fondements de base dun contrat social qui unit

    diffrents acteurs dans le cadre de relations dchange12. Lentreprise doit tenir compte de ladangerosit des actions mises en place et de la vulnrabilit des consommateurs et desacheteurs. Certains segments de clientle, en particulier les groupes ethniques minoritaires,sont plus vulnrables que dautres13. Cest donc dabord la firme quincombe laresponsabilit dvaluer si les actions quelle entreprend sont acceptables. Lvaluation estloin dtre simple lorsquinterfrent des considrations conomiques. Malgr ces difficults,de nombreux travaux convergent lorsquil sagit de poser les fondements dun code thique.Mais, plus que lidentification des valeurs respecter, cest la mise en application qui pose

    problme. Si les responsables marketing tendent rejeter aujourdhui plus massivementcertaines pratiques que vingt ans auparavant14, ce nest cependant pas lexistence dun codethique au sein de lentreprise qui a contribu modifier les mentalits, mais plutt une

    sensibilisation accrue des praticiens. Certains scandales mis en exergue par les mdias les onten effet amens tre plus prudents dans leurs pratiques ou leurs choix. Cette perspective estcorrobore par un travail de Fritzsche et Becker15qui mettent en vidence que les managerssont moins enclins adopter des choix thiques lorsque les consquences de leurs dcisionssont dnues de risque. Lthique du manager est alors dtermine par une conceptionutilitariste de la dcision, largement base sur laversion au risque.

    Dans ce cadre, ltude du comportement du consommateur et de lacheteur peut enpremire instance apparatre comme un moyen pour dployer une action commercialeperformante qui se ferait linsu de consommateurs vulnrables. Si cette conception ne peuttre entirement rfute, lamlioration de la comprhension du comportement du

    consommateur et de lacheteur est le plus sr moyen pour contrer certaines ambitions defirmes sans scrupules. La responsabilit ne peut tre lapanage des seules entreprises car,mme si les consommateurs ragissent positivement lorsque lentreprise dveloppe uncomportement de responsabilit sociale, il faut que de telles initiatives soient crdibles et quele consommateur y adhre16. Elle concerne galement les consommateurs qui, dans bien descas, sont libres de renoncer acqurir les productions de certaines firmes ou qui, par le

    bouche oreille, peuvent porter la connaissance dautrui le caractre dloyal de certainespratiques. Comme le souligne Bartels17, lthique se construit dans linteraction entre lesfirmes et les consommateurs. En laissant aux seules entreprises le soin de dcider ce qui estacceptable, le consommateur dlgue sa part de responsabilit et laisse la voie ouverte uneconception paternaliste de la relation de la firme son march, qui ne pourrait terme que

    12Il est noter que ces relations dchanges ne concernent pas seulement les entreprises et les acheteurs deproduits de grande consommation. La problmatique est exactement la mme pour les relations quentretient lafirme avec ses fournisseurs et ses sous-traitants.13Smith N.C., Cooper-Martin E. (1997), Ethics and Target Marketing : The Role of Product Harm andConsumer Vulnerability ,Journal of Marketing, 61, 3, July, p. 1-20.14Akaah I.P., Riordan E.A. (1989), Judgments of Marketing Professionals About Ethical Issues in MarketingResearch : A Replication and Extension ,Journal of Marketing Research, 26, February, p. 112-120.15Fritzsche D.J., Becker H. (1983), Ethical Behavior of Marketing Managers ,Journal of Business Ethics, 2,

    p. 291-299.16

    Sen S., Bhattacharya C.B. (2001), Does Doing Good Always Lead to Doing Better ? Consumer Reactions toCorporate Social Responsibility ,Journal of Marketing Research, 38, May, p. 225-243.17Bartels R. (1967), op. cit.

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    conduire une altration de ses capacits de jugement et la dpossession de son droitdarbitrage.

    Encadr 1 Le commerce quitable : le cas Max Havelaar

    Lassociation Max Havelaar, cre en 1988 par des Hollandais et prsente depuis lors dans

    de nombreux pays, dlivre un label aux produits issus du commerce quitable. Le principe estdauthentifier partir dun label un produit qui rpond aux standards internationaux ducommerce quitable. Le label concerne principalement des produits de consommationcourante en particulier le caf. Un produit disposant du label doit prsenter des gages dequalit et le processus de production doit tre respectueux de lenvironnement. Encontrepartie, les producteurs, issus systmatiquement de rgions du monde particulirementdfavorises, obtiennent une rmunration dcente de la part des torrfacteurs. Le label,largement diffus, illustre le principe de responsabilit sociale. En effet, les torrfacteurs ainsique les distributeurs choisissent le label pour offrir leurs clients des produits thiques quileur permettent de signifier leur attachement aux valeurs du commerce quitable.

    3. Quelle est la place de ltude du comportement duconsommateur et de lacheteur en marketing ?

    Quel que soit langle dapproche adopt, savoir celui des professionnels du marketing oucelui des organisations de dfense du consommateur, il est indispensable de situerconvenablement la place occupe par ltude du comportement du consommateur dans la

    sphre du marketing.

    3.1. Moyens daction et niveaux daction

    Souhaiter comprendre le comportement du consommateur et de lacheteur est une ambitionlgitime des praticiens du marketing. Ce faisant, les professionnels esprent tre en mesure destimuler des comportements, de les orienter, en bref de les contrler. Il sagit l duneambition la fois vaine et ncessaire. Elle est ncessaire parce que lentreprise doit prospreret que toute technique lui permettant datteindre les objectifs quelle se fixe ne peut tre

    nglige. Dans cette perspective, ltude du comportement du consommateur et de lacheteurpeut contribuer orienter la prise de dcision au sein du dpartement marketing. Cette

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    ambition est galement vaine sil sagit de vouloir dfinir de manire exacte et exhaustive ladynamique des comportements individuels. Quelles que soient les techniques dtudesutilises, le praticien ne peut que construire une reprsentation des comportements dachat etde consommation. Il demeure en effet dans limpossibilit de savoir comment chacun des

    acteurs potentiels va se comporter individuellement. Ce qui lui importe, cest dtre en mesurede raliser les objectifs qui lui sont fixs. Ces objectifs sont, en dernier ressort, purementquantitatifs, ce qui revient dire que le responsable marketing doit tre en mesure de prvoiret de gnrer un certain volume de transactions. Il dispose pour cela de diffrents moyensdaction qui relvent du marketing oprationnel. Il sagit dun ensemble de pratiques et detechniques que lentreprise exploite afin de satisfaire ses objectifs commerciaux18. De manireun peu schmatique, on distingue classiquement la distribution, les actions

    publipromotionnelles et les actions relatives la formulation ou reformulation de loffrecommerciale. Chacun de ces grands domaines du marketing oprationnel peut tre dcomposen moyens spcifiques. Dans le domaine de la distribution, lentreprise dispose de nombreuxmoyens daction tels que le merchandising, lorganisation de la force de vente, la conception

    dargumentaires ou limplantation de rseaux de distribution et de formes decommercialisation spcifiques comme la vente directe. Dans le domaine des actions

    publipromotionnelles, les moyens concernent la fois le choix des supports, des mdias ainsique les contenus des messages. Enfin, dans le domaine de la formulation ou de lareformulation de loffre commerciale, entrent en ligne de compte des moyens relatifs lafixation des prix, au choix des caractristiques des produits, des marques et desconditionnements ou encore la slection de services associs aux produits.

    La dtermination de moyens daction performants dcoule bien souvent dune rflexionbase sur les effets escompts. Pour que cette approche soit performante, le praticien doitimmanquablement identifier les niveaux daction, cest--dire les processus psychologiques,

    cognitifs ou psychosociologiques qui sont exploitables pour atteindre les objectifs fixs. Parexemple, dans la mise en place dune action de communication, lentreprise peut chercher obtenir des effets trs diffrents. Elle peut souhaiter informer les acheteurs potentiels delexistence du produit ou de la marque. Elle peut galement chercher donner ses clientsactuels une information qui leur permettra dvaluer plus favorablement la marque quellecommercialise par rapport une nouvelle marque concurrente qui constitue pour elle unemenace. Ces diffrents cas de figure ne peuvent pas tre traits de la mme manire car, pourle consommateur, les processus psychologiques ou cognitifs impliqus sont diffrents. Dunct, il sagit de faire en sorte que les consommateurs mmorisent le nom de la marque, delautre, il faut les amener valuer diffremment des marques quils connaissent dj. De lamme manire, lorsquune entreprise implante en grande distribution cherche imposer aux

    enseignes un merchandising spcifique, elle peut souhaiter poursuivre des objectifs trsdiffrents, comme faciliter laccs au produit ou augmenter la visibilit de loffre en linaire.Comme prcdemment, ces niveaux daction concernent des processus psychologiques etcognitifs diffrents. Un problme tel que laccs au produit renvoie laptitude de lacheteur sorienter dans lespace de vente et trouver la localisation du produit quil recherche. Ici,lentreprise est confronte un problme gnral de reprage dans lespace. Il faut quelacheteur trouve la catgorie de produits, en loccurrence le rayon dans lequel le produit deson choix est implant. Si lentreprise cherche augmenter la visibilit des produits ou de lagamme, il sagit de trouver la meilleure solution pour provoquer lattention du consommateurqui dambule dans les rayons. De telles analyses peuvent tre trs dtailles afin didentifier

    18Dubois P.-L., Jolibert A. (1998),Le marketing, fondements et pratique , 3edition, Economica, Paris.

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    finement les opportunits ou les risques associs aux diffrentes solutions oprationnellesenvisages.

    Le choix des moyens doit ainsi logiquement dcouler danalyses qui mettent clairement en

    vidence la relation entre les effets escompts auprs des prospects ou des consommateurs etles fonctions psychologiques ou psychocognitives susceptibles dtre mobilises pouratteindre ces objectifs.

    Dans la ralit, la situation semble tre quelque peu diffrente. Pour le praticien, il estsouvent commode dapprhender le problme partir de ce quil connat le mieux, autrementdit les moyens daction. Raisonner en actions publicitaires, en oprations de promotions, est

    plus ais que de se poser des questions en termes de niveaux daction, car cela requiert desconnaissances et des comptences spcifiques. De telles pratiques sont justifies parlexprience et lintuition des managers. Un praticien expriment pourra dvelopper unraisonnement intuitif aboutissant une prise de dcision performante. Si certains travaux ont

    pu mettre en vidence lintrt de lintuition managriale19

    , il convient de rester prudent,notamment dans le cas de prises de dcision complexes20. Dautres travaux offrent desrsultats contradictoires. Par exemple, Hoch21vrifie que les professionnels du marketing ne

    prdisent pas mieux les opinions et les centres dintrt des consommateurs amricains quedes individus sans expertise. Clancy et Shulman22 rvlent les nombreux mythes auxquelsadhrent les professionnels et leur caractre dommageable sur les pratiques marketing. Cessuspicions lgard de la qualit de lintuition ou de lexprience managriale sontamplement relayes par les apports des sciences cognitives qui soulignent les nombreuseserreurs de raisonnement des individus, quils soient experts ou non23.

    19Gupta S. (1994), Managerial Judgment and Forecast Combination : An Experimental Study ,MarketingLetters, 5, 1, p. 5-17 ; Blattberg R.C., Hoch S.J. (1991), Modles base de donnes et intuition managriale :50 % modle + 50 % manager ,Recherche et Applications en Marketing, 6, 4, p. 79-98.20Merunka D., Wagner P., Cavat P. (1987), Lutilisation du jugement managrial en marketing : la procduredanalyse hirarchique ,Recherche et Applications en Marketing, 4, janvier, p. 1-22.21Hoch S.J. (1988), Who Do We Know : Predicting the Interests and Opinions of the American Consumer ,

    Journal of Consumer Research, 15, December, p. 315-324 ; Narayanan S., Lehmann D.R. (1998), AnInvestigation of Factors Influencing Causal Attributions in Managerial Decision Making ,Marketing Letters, 9,3, p. 301-312 ; Houghton D.C., Kardes F.R. (1998), Market Share Overestimation and the NoncomplementaryEffect ,Marketing Letters,9, 3, p. 313-320.22

    Clancy K.J., Shulman R.S. (1994),Marketing Myths That Are Killing Business, McGraw-Hill, New York.23Pour une approche gnrale de la problmatique des biais cognitifs, on peut se rfrer Drozda-Senkowska E.(1997),Les piges du raisonnement, (dir.), Retz, Paris.

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    Tableau 1. Exemples de correspondances entre moyens et niveaux daction

    Moyen daction Effet escompt Niveau daction

    Elaboration dundocument publicitaire Informer Processus de la perception, delattention et de linterprtation

    Faciliter la prise dedcision

    Processus dlibratifs, de prise dedcision, jugements

    Affichage publicitaire Mmoriser Acquisition des connaissances,encodage de linformation,organisation des connaissances

    Design despacecommercial

    Faciliter laccs auxproduits

    Rsolution de problme li aureprage dans lespace, perceptionde lespace

    Reformulation duneprestation de service

    Fidliser Processus de lvaluation post-achat et de la satisfaction, accs loffre

    Conception dunproduit

    Optimiser la diffusionpar effet de mode

    Processus psychosociologiques,fonctionnement des groupessociaux, interactions entre individus

    Augmenter la quantitconsomme chaqueusage

    Jugements et biais cognitifs

    Adapter le produit ausegment cible

    Processus motivationnel, valeursdes consommateurs, jugements etavantages recherchs

    3.2. Le comportement du consommateur et les tudes marketing

    Lanalyse du comportement du consommateur et de lacheteur par diffrentes techniquesdenqutes ou dtudes permet dvaluer ladquation entre les niveaux daction et les moyensenvisags. Elle ne peut cependant tre ralise que par une formalisation satisfaisante desobjectifs poursuivis et des effets escompts par les actions de marketing oprationnel. Tropsouvent, les tudes menes sont en dcalage par rapport aux objectifs poursuivis. La qualitoprationnelle des rsultats obtenus en est alors affecte. Comme nous lavons soulignailleurs24, il est indispensable de disposer de thories consistantes pour envisager dequestionner les acteurs du march, mais aussi de situer les ambitions des tudes.

    Quels que soient les choix en matire de techniques dtude, celles-ci ne peuvent treralises sans une connaissance suffisante du comportement du consommateur et delacheteur. Lanalyste doit pouvoir conceptualiser les phnomnes de consommation et

    24Ladwein R. (1996),Les tudes marketing, Economica, Paris.

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    dachat partir des caractristiques des individus qui sont lorigine des comportements. Ildoit tre capable didentifier les phnomnes psychologiques ou psychosociologiques les plus

    pertinents tudier afin de restituer la dynamique du comportement dachat et deconsommation. La comprhension et lidentification des niveaux daction voqus

    prcdemment contribuent non seulement lanalyse conceptuelle de ladquation desmoyens aux objectifs poursuivis, mais aussi la mise en place dtudes capables dapporterdes rponses circonstancies aux diffrentes questions poses.

    3.3. Le comportement du consommateur et de lacheteur commediscipline charnire

    La discussion qui prcde nous a permis de distinguer en premier lieu les moyens daction(les techniques du marketing oprationnel) et les niveaux daction (les processus

    psychologiques et comportementaux). Ainsi, pour choisir des techniques de marketingoprationnel, il est souhaitable de sinterroger sur les processus psychologiques oucomportementaux sur lesquels on souhaite agir. Mais pour cela, il faut avoir pralablementidentifi les effets que lon espre obtenir. Une connaissance satisfaisante du comportementdu consommateur et de lacheteur est pour le praticien un excellent moyen pour optimiser sesactions de marketing oprationnel, condition danalyser et de dtailler ses objectifsoprationnels. Ltat actuel des connaissances des processus dachat et de consommationoffre une ressource inestimable qui, au-del de loptimisation des actions de marketingoprationnel, contribue raliser des tudes de qualit qui alimenteront leur tour laconnaissance des processus psychologiques ou psychosociologiques conduisant lachat etdterminant les choix en matire de consommation.

    La contribution de ltude du comportement du consommateur et de lacheteur dans laprparation des oprations marketing ne doit cependant pas ngliger le rle de la crativit.Celle-ci joue un rle important dans le succs de certaines actions commerciales, et doit treconsidre comme un levier de choix dans le dveloppement et la conqute de marchs25.Dans cette perspective, lanalyse du comportement du consommateur ou de lacheteurcontribue galement rinventer de nouveaux moyens daction pour amliorer les

    performances. Les moyens actuels du marketing sont loin dtre limits et des investigationscratives dans le domaine de ltude du comportement du consommateur et de lacheteur

    peuvent contribuer alimenter de nouvelles solutions exploitables par le marketingoprationnel. Si la crativit ne se dcrte pas, ltude du comportement du consommateur etde lacheteur peut offrir aux dirigeants des moyens pour reconsidrer leurs pratiques etidentifier de nouvelles voies afin de sextraire de cadres souvent trop normatifs.

    25Levitt T. (1971),Innovation et marketing, Editions dOrganisation, Paris.

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    Schma 3. Moyens daction, niveaux daction et moyens danalyse

    3.4. Conclusion

    Les professionnels du marketing et les acteurs des mouvements consumristes trouventdans ltude du comportement du consommateur et de lacheteur un champ dinvestigationncessaire la poursuite de leurs objectifs. Pour les professionnels, il sagit principalementdidentifier des moyens capables damliorer la performance des actions quils engagent. Lesmouvements consumristes souhaitent quant eux protger le consommateur des drivesvolontaires ou involontaires des professionnels. Dans ce jeu de pouvoirs et de contre-

    pouvoirs, la problmatique de lthique dans les pratiques marketing et commerciales se situeen contrepoint de tous les raisonnements que lon peut avoir. Quel que soit le point de vueadopt, il est indispensable de porter un regard structur sur le comportement duconsommateur et de lacheteur. Cela permet de comprendre les mcanismes partir desquelsle consommateur effectue ses choix et la manire dont il est rceptif la pression marketing.

    Sil ny a pas lheure actuelle un corps thorique trs homogne, il existe de nombreusessources dans des disciplines plus fondamentales qui, par leurs apports, ont permis dalimenterla rflexion et de mettre en perspective diffrents modles de comportement duconsommateur et de lacheteur.

    4. Le comportement du consommateur et seshritages thoriques

    Plusieurs disciplines fondamentales se sont intresses aux phnomnes de consommation,sous des angles trs diffrents. Malgr les divergences dapproches et de prsuppossthoriques, elles ont contribu fournir de nombreux concepts fondamentaux. Cest partir

    Effets escompts

    (objectifs oprationnels)

    Niveaux daction mobiliss

    (processus psychologiques etcomportementaux)

    Moyens daction

    (marketing oprationnel)

    Moyensdanalyse

    (an

    alysesconceptuelles,

    tudes

    marketing)

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    de ces disciplines fondamentales que les premiers modles du comportement duconsommateur ont t labors. Sils jouissent aujourdhui encore dun intrt incontestable,les nouvelles orientations qui voient le jour sont susceptibles denrichir considrablementltude du comportement du consommateur et de lacheteur.

    Schma 4. Les ancrages thoriques

    Les recours thoriques ncessaires l'tude du comportement du consommateur et del'acheteur sont trs diversifis et oscillent entre l'conomie, la psychologie, la sociologie etlanthropologie. Ces disciplines aujourdhui trs structures ont largement contribu alimenter ce domaine en concepts thoriques. Certaines disciplines se sont combines pourstructurer de nouveaux domaines autonomes tels que la psychologie conomique, la

    psychosociologie, lanthropologie sociale ou lanthropologie conomique. Si chacune de cesdisciplines a apport sa contribution dans la comprhension et la dfinition du comportementdu consommateur et de lacheteur, certaines dentre elles comme la psychologie oulanthropologie occupent aujourdhui une position dominante.

    4.1. Les apports de lconomie

    Bien quil soit vaste et travers par de nombreux courants, le domaine de lconomie a sualimenter par quelques concepts fondateurs ltude du comportement du consommateur et delacheteur. Sans prtendre lexhaustivit, nous retiendrons les lments les plus marquantsde la discipline.

    Comportement duconsommateur et de

    lacheteur

    Economie Anthropologie

    Psychologie Sociologie

    Psychologieconomique

    Psychologiesociale

    Anthropologiesociale

    Anthropologieconomi ue

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    A lconomie caractrisant les grandes units, soppose lconomie des comportementsindividuels26. Lhistoire des sciences conomiques a t largement marque par cettedistinction. Les conomistes classiques ou noclassiques ont privilgi lanalyse des grandesunits et des marchs un niveau global. Cette approche macroscopique rvle des

    problmatiques lies la relation entre loffre et la demande, la monnaie, lemploi, laconcurrence, les facteurs de productivit des firmes ou la rgulation des prix. A contrariolconomie des comportements individuels a privilgi une approche visant expliquer et comprendre les dterminants des comportements des acteurs. Au cur de cette approche, ontrouve logiquement les notions dutilit et de rationalit qui ont eu un impact considrable surltude du comportement du consommateur et de lacheteur.

    La notion dutilit, amplement dveloppe par Mill27, a t reprise pour poser les basesdun courant de pense autonome : les marginalistes. Lutilitarisme est un principe conduisantles individus privilgier la recherche du bonheur, cest--dire lvitement de dplaisirs et larecherche de plaisirs. La recherche du bonheur est une finalit pour chacun, mme si les

    plaisirs varient qualitativement et quantitativement selon les individus. Mill souligne quelutilitarisme ne peut tre rduit la simple recherche de satisfaction. Celle-ci dcoule duniveau daspiration qui, selon les individus, est plus ou moins lev. Mill prcise encore quelindividu peut dlibrment choisir des aspirations leves mme si celles-ci sont plusdifficiles raliser. La notion dutilit a ouvert la voie la discussion du principe derationalit. Celui-ci a fait lobjet de nombreux dbats28. Plusieurs conceptions de la rationalitmergent : celle de larbitrage entre des cots et des avantages, celle de la hirarchisation des

    prfrences ou encore celle du choix de moyens adapts aux objectifs poursuivis.Paralllement dautres conceptions peuvent tre voques, comme par exemple celle de larationalit dans le choix des finalits ou celle du rle de lincertitude et des biais de jugement.Ces diffrentes conceptions soulignent lambigut des notions dutilit et de rationalit. Si,

    comme la soulign Katona29, les postulats sous-jacents la thorie classique de la rationalitsont difficilement dfendables, force est de reconnatre que les notions de rationalit etdutilit ont largement pntr le domaine de ltude du comportement du consommateur etde lacheteur.

    Par ses choix mthodologiques, la micro-conomie a conduit introduire la modlisationdu comportement du consommateur et de lacheteur. Cela a notamment eu pour effetllaboration de nombreux modles de choix. Si les variables utilises par les conomtres nesont pas les mmes que celles utilises par les spcialistes du comportement duconsommateur et de lacheteur, les modles ont su simposer comme un moyen commode de

    26Granger G.-G. (1967), Epistmologie conomique , dans Piaget J.,Logique et connaissance scientifique,Gallimard, Paris, p. 1019-1055.27Mill J.S. (1871),Lutilitarisme, traduction 1988, G. Tanesse, Flammarion, Paris.28Demeulenaere P. (1996),Homo economicus, enqute sur la constitution dun paradigme,PressesUniversitaires de France, Paris.29Il est tout dabord bien difficile dadmettre que les consommateurs sont parfaitement informs et quil ny a

    pas dincertitude. Le second point concerne la transformation de la dcision en achat. Il nest pas ralistedadmettre labsence de facteurs qui rendent impossible ou trop coteuse la transformation dune dcisionrationnelle en comportement dachat. De nombreux facteurs peuvent en effet intervenir pour empcher lindividudacqurir un produit, bien quil en ait pris la dcision. Dautres critres plus classiques contribuent rfuter la

    thorie du choix rationnel. Ainsi, outre limpossibilit dtre parfaitement inform, est frquemment voquelabsence de transitivit entre les prfrences. Pour une discussion sur ce point, on peut se rfrer Katona G.(1953), Rational Behavior and Economic Behavior ,Psychological Review, September, p. 307-318.

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    prdire le comportement. Dans ce cadre, le modle de Lancaster30 a su simposer commeprfigurant la modlisation du choix, en concevant les offres en concurrence comme despaniers dattributs entre lesquels le consommateur doit arbitrer. Son choix est suppos seporter sur le produit dont les attributs maximisent son utilit. Malgr les limites de lapproche

    de Lancaster, la modlisation a fait son entre dans ltude du comportement duconsommateur et de lacheteur sans renoncer au principe de rationalit de la thorieconomique classique.

    Tableau 2. Les principaux apports de lconomie

    Les courants Les apports

    Utilitarisme Les choix sont motivs, rationnels et font lobjetde dlibrations entre offres concurrentes

    Micro-conomie Modlisation des comportements de choix partir des caractristiques des offres enconcurrence

    4.2. La psychologie conomique

    La psychologie conomique a trouv un vritable essor avec les travaux de Katona 31. Lesprocessus conomiques sont considrs comme des manifestations du comportement humain

    et en tant que tels, ils doivent tre tudis partir des apports de la psychologie. Alors quelconomie exclut les acteurs (consommateurs et producteurs) pour ne sintresser qu leurscomportements, la psychologie conomique se soucie des dterminants individuels descomportements conomiques. Pour Albou32, la psychologie conomique est assimile ltude des conduites conomiques. Lindividu est considr comme un agent conomique quifait lobjet dinvestigations tant en ce qui concerne son activit de consommation que sonactivit sociale. Les conduites conomiques et sociales sont troitement lies et les changesne peuvent tre compris quau regard des multiples formes dinteractions entre les agentsconomiques, quil sagisse de groupes ou dindividus.

    Dans cette perspective, l'tude de la gestion budgtaire des mnages est un domaine

    dinvestigation privilgi. Il s'agit notamment de dcrire la manire de grer les dpenses,l'affectation des ressources budgtaires entre diffrents types dachats, mais aussi les pratiquesd'pargne notamment en ce qui concerne des investissements long terme comme l'achat demaisons ou d'automobiles. Pour Katona, la gestion budgtaire des mnages prsente autantd'intrt que les pratiques de gestion du chef d'entreprise. La psychologie conomique tientaussi compte des volutions conomiques et traite de la perception des phnomnes

    30Lancaster K. (1966), A New Approach of Consumer Behavior ,Journal of Political Economy, 74, p. 132-157.31Katona G. (1951),Analyse psychologique du comportement conomique, traduction franaise (1969), Payot,

    Paris ; Katona G. (1964),La socit de consommation de masse, traduction franaise (1966), Editions Hommeset Techniques, Paris.32Albou P. (1984),La psychologie conomique, Presses Universitaires de France, Paris.

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    inflationnistes, de la confiance l'gard des gouvernements ou encore des tensionsinternationales dans la comprhension des pratiques de consommation et leurs prvisions court terme.

    Le principal intrt de la psychologie conomique est d'avoir permis de dsenclaver l'tudedu comportement du consommateur et de l'acheteur de conceptions trop gnrales. AinsiKatona a pu mettre en vidence que les achats des mnages ne dpendent pas seulement desrevenus disponibles. Ils dpendent galement de la disposition acheter. Cette demandediscrtionnaire qui combine la capacit et la disposition acheter est donc fonction desressources (revenus, actifs, pargne) mais galement des motivations, des attitudes l'garddes firmes et des gouvernements, ainsi que des prvisions que les consommateurs font quant l'avenir. La psychologie conomique ne doit cependant pas tre rduite une psychologie dela consommation qui se limiterait expliquer les motifs et les dterminants des choix enmatire de consommation. Les desseins de la psychologie conomique sont plus gnraux et

    plus intgrateurs. Il sagit avant tout dintroduire le facteur humain dans la comprhension des

    mcanismes conomiques. Si la psychologie conomique sintresse des conduitesnormales, elle sintresse galement des conduites anormales comme par exemple la fraudefiscale.

    Relaye par la psychologie conomique, lconomie a largement contribu dlimiterltude du comportement du consommateur et de lacheteur comme un champ dinvestigationautonome. La thorie conomique a pos bon nombre de concepts fondateurs, que la

    psychologie conomique a su adapter ltude du comportement du consommateur et delacheteur33.

    4.3. Lanthropologie

    L'anthropologie permet incontestablement de positionner les comportements deconsommation et d'achat dans un contexte bien plus gnral que celui auquel nous sommesquotidiennement confronts. L'hypermarch n'a pas toujours exist, alors que les changescommerciaux ont travers les sicles et les cultures. Evidemment ceux-ci ont vari, volu enfonction des conditions particulires dans lesquelles ils avaient se dployer. Afin decomprendre quels sont les fondements des changes commerciaux et des pratiques deconsommation, lanthropologie et lanthropologie conomique ont apport des clairages tout fait intressants, en situant les changes dans le systme culturel qui les autorise. Enfonction de lenvironnement social et culturel, les changes et la consommation prennent des

    formes variables. Les apports de lanthropologie ou de lethnologie sont parfois difficilementdissociables de ceux de la sociologie. Les auteurs les plus significatifs sont parfoisindiffremment classs comme anthropologues ou comme sociologues. Le projetanthropologique satisfait dailleurs assez bien certaines tentatives faites dans le domaine de lasociologie de la consommation. Nombreux sont ceux qui tentent de dcrire la dynamique del'volution sociale partir des choix de consommation.

    A lorigine, lanthropologie de Mauss34 sinscrit avant tout dans une dmarchedinventaire. Il sagit en effet de dcrire une socit ou un groupe social partir de sonorganisation gographique, politique, ses techniques, ses pratiques culturelles, religieuses,

    33Van Raaij W.F. (1981), Economic Psychology , Journal of Economic Psychology, 1, p. 1-24.34Mauss M. (1947),Manuel dethnographie, rdition 1992, Petite Bibliothque Payot, Paris.

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    juridiques et son conomie. En dressant une vritable carte didentit des systmes sociaux,lanthropologie descriptive cherche identifier les caractristiques rcurrentes de toute socitou groupement humain. Le principal apport de Mauss a t de mettre en vidence que toutesles socits humaines peuvent tre tudies partir dune grille danalyse relativement

    invariable qui autorise de fructueuses comparaisons.Lapproche structurale dveloppe par Levi-Strauss35a consist interroger les pratiques

    sociales (dans lesquelles entrent les phnomnes de consommation et dchanges) commelexpression de structures mentales partages par lensemble dune communaut. Ces

    pratiques sociales fonctionnent comme de vritables rgulateurs qui inscrivent lindividu dansla culture ou qui lexcluent sil transgresse les prescriptions implicites que lui propose lesystme culturel. Le point de vue de l'anthropologie structurale est de considrer que laconsommation est rgule par des contraintes sociales. La culture donne du sens aux actes deconsommation. Par exemple dans le domaine culinaire, les plats cuits sont autoriss et les

    plats crus sont proscrits car ils symbolisent la nature au dtriment de la culture. De manire

    comparable, les pratiques initiatiques imposes aux adolescents traduisent laccs la culturepar un jeu de symboles (la communion, le baccalaurat, etc.). Au-del de la consommation,l'change de biens est un change de signes situant les individus les uns par rapport auxautres. Il en est de mme pour les relations de parent qui s'inscrivent dans un systmed'changes et d'obligations rciproques. Ainsi les faits sociaux ne sont pas anodins. Ilsrelvent d'une logique propre la culture qui impose des obligations, des interdictions et quisitue les individus les uns par rapport aux autres, au travers de statuts et de rles parfaitementcodifis. Apparemment rigide, l'emprise culturelle confre cependant une stabilit et une

    prennit au systme social. Si l'anthropologie structurale s'est principalement base surl'tude de socits traditionnelles, ses apports peuvent galement s'appliquer aux socitscontemporaines. Les pratiques du mariage sont encore largement dtermines par des codes

    implicites qui refltent une situation d'change. De mme, les tapes initiatiques qui jalonnentla vie de l'enfant jusqu' ladolescence et enfin jusqu' lge adulte, peuvent tre apprciessur des bases culturelles.

    Dautres auteurs, comme Barthes ou Baudrillard36, souvent classs comme sociologues,analysent les phnomnes de consommation partir du sens. Certains produits vhiculent unimaginaire puissant et leur acquisition conduit lacheteur sapproprier les valeurs quilsvhiculent. Si de telles analyses ambitionnent de rvler la signification de certainscomportements dachat ou des symboles associs aux produits possds, elles ont galementune porte critique. La socit de consommation instaure une dpendance lgard du mondedes objets et leur possession procure un substitut de sens. Mais plus que la possession, c'est la

    qute du sens par lacquisition de nouveaux objets qui structure la socit de consommation.En ce sens, Baudrillard37souligne quen dtruisant la valeur dchange des biens, leur valeurdusage se dissout. Si les positions de Barthes ou de Baudrillard sont trs critiques lgardde la socit de consommation, elles ont le mrite dintroduire la question du sens dans leschoix en matire de consommation. De manire complmentaire, lanthropologie conomique

    35Lvi-Strauss C. (1958),Anthropologie structurale, Plon, Paris ; Lvi-Strauss C. (1962),La pense sauvage,Plon, Paris.36Barthes R. (1957),Mythologies, Seuil, Paris ; Baudrillard J. (1970),La socit de consommation, Denol,

    Paris ; Baudrillard J. (1968),Le systme des objets, Gallimard, Paris.37Baudrillard J. (1972),Pour une critique de lconomie politique du signe, Gallimard, Paris ; Marx K. (1977),Contribution la critique de lconomie politique, Editions Sociales, Paris.

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    apporte des clairages sur larticulation entre lconomique et le culturel. Godelier38analyseainsi les fonctions, la nature et lorganisation des changes, de la production et de laconsommation. Ces pratiques ont une signification sociale qui dpasse le simple point de vueconomique. Les changes, quelle que soit leur nature (changes commerciaux, dons, contre-

    dons), contribuent organiser et maintenir le lien social, tout en tant lexpression dusystme culturel dans lequel ils se dveloppent39.

    Tableau 3. Les principaux apports de lanthropologie

    Les courants Les apports

    Anthropologie descriptive etethnologie

    Les socits sont dcrites partir de leurorganisation politique, conomique, desfacteurs sociodmographiques, culturels etreligieux

    Anthropologie conomique La production, la consommation et leschanges sont ancrs culturellement et sontdtermins par des contraintes de stabilitsociale

    Anthropologie structurale Lactivit sociale (notamment la consommationet les changes) est dtermine par limpactdes structures symboliques et culturelles quifonctionnent comme des rgulateursinconscients

    Anthropologie sociale La consommation nest pas uniquementutilitariste ; consommer cest produire du sens,afficher une identit et une appartenancesociale

    La conception anthropologique semble aujourdhui admise dans les pratiques. Arnould etWallendorf40 dfendent par exemple lide selon laquelle lanthropologie est susceptibledapporter un clairage intressant dans la comprhension des individus composant unmarch. Lide sous-jacente est que les comportements des individus, lorsquils sont tudisde manire atomise, perdent leur signification sociale profonde, ce qui constitue un dficit

    informationnel dommageable lors de llaboration de stratgies marketing. Au-del, desauteurs comme Holbrook ou Sherry41 adoptent une approche anthropologique pourapprhender les phnomnes de consommation. Le grand intrt de lapprocheanthropologique est dinscrire lacheteur ou le consommateur dans un espace social et culturel

    38Godelier M. (1965), Objet et mthodes de lanthropologie conomique , LHomme, Revue FranaisedAnthropologie, 5, 2, p. 32-91 ; Godelier M. (1996),Lnigme du don, Fayard, Paris.39Dupuy F. (2001),Anthropologie conomique, Armand Colin, Paris.40Arnould E.J., Wallendorf M. (1994), Market-Oriented Ethnography : Interpretation Building and MarketingStrategy Formulation ,Journal of Marketing Research, 21, November, p. 484-504.

    41Holbrook M.B. (1995), Consumer Research, Introspective Essays on the Study of Consumption, SagePublications, London ; Sherry Jr. J.F. (1995), Contemporary Marketing and Consumer Behavior, An

    Anthropological Sourcebook, Sage Publications, London.

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    au sein duquel les choix en matire de consommation ne se rduisent pas une conceptionutilitariste. Certains achats ou pratiques de consommation traduisent lappartenance sociale et

    participent la stabilit des groupes sociaux et la construction de modles culturels.

    4.4. La sociologie

    La sociologie est traverse par de nombreux courants42. A lorigine, deux coles separtagent ltude des faits sociaux. Le courant franais, avec Durkheim, propose uneexplication du fait social par ses causes. Parfaitement dterministe, cette approche conduit expliquer les formes sociales actuelles partir dtats antrieurs. Lapport de Durkheim estessentiellement mthodologique, car il propose dapprhender les faits sociaux comme desobjets susceptibles dtre dcrits et diffrencis partir de caractristiques sociales connuesdes individus telles que lge, le sexe, la confession religieuse ou la profession. Le courant

    allemand, avec Weber et Simmel, interroge le fait social de manire comprhensive.Lactivit sociale est indissociable de son sens. Elle est lexpression de la culture, en mmetemps quelle contribue la faonner. Les valeurs culturelles dterminent lactivit sociale et

    plus particulirement lactivit conomique.

    La sociologie moderne est quant elle traverse par deux courants principaux : lefonctionnalisme et lindividualisme mthodologique. Lapproche fonctionnaliste, dveloppe

    par Merton et Parsons, propose dapprhender lorganisation et lactivit sociale comme unsystme dont la fonction est de prserver le contrle social par la culture et les valeurs,dintgrer chacun des acteurs dans la communaut par le respect des normes sociales,dassurer la ralisation de fins collectives par lorganisation politique et de contribuer ladaptation lenvironnement par lconomie. Dans cette perspective, les rles et les statutssociaux assums par les acteurs articulent le fonctionnement social. Lindividualismemthodologique, dfendu par Boudon43, souligne la ncessit de partir de lindividu pourapprhender le fait social. Celui-ci ne peut tre dtermin que par un ensemble decomportements individuels ayant leur rationalit propre dans un systme dinteractions et decontraintes. Dans cette perspective, si laction individuelle est localement rationnelle, lactioncollective qui rsulte de multiples actions individuelles ne lest pas ncessairement. Lesnotions de coopration et de conflit sont alors amenes jouer un rle prpondrant danslanalyse sociologique.

    Les apports de la sociologie classique sont principalement exploits dans deux domaines :celui de la stratification sociale et celui du changement social. La problmatique de la

    stratification sociale a permis de renoncer lide dun corps social homogne. Les individussont trs diversifis et toute analyse doit en tenir compte. La stratification est richedenseignements pour qualifier les marchs. Les partitions qui en rsultent jouent un rledcisif dans la segmentation des marchs, du fait notamment du fort pouvoir explicatif desclasses sociales. En ce qui concerne le changement social, diffrents travaux se sont attachs comprendre lvolution des modes de consommation qui sest opre paralllement lvolution du contexte politique, des conditions conomiques, des styles de vie et des murs.De telles approches ont principalement pour vocation de dcrire les changements et raisonnerhypothtiquement sur les valeurs qui conditionnent lvolution des pratiques de

    42

    Pour une approche des diffrents courants de la sociologie, on peut se rfrer Durand J.-P., Weil R. (1997),Sociologie contemporaine, 2edition, Vigot, Paris.43Boudon R. (1979),La logique du social, Hachette, Paris.

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    consommation, sans cependant tre en mesure de poser des schmas de causalitsatisfaisants44.

    Plus que la sociologie, la psychosociologie a significativement contribu ltude ducomportement du consommateur et de lacheteur. Les apports sont largement reconnus par les

    psychosociologues qui y voient un terrain dapplication privilgi45. Les principaux acquisconcernent la dimension sociale de linfluence interpersonnelle. Insr dans la vie sociale,lindividu subit une pression des diffrents groupes dans lesquels il est impliqu. Cette

    pression sociale peut avoir des effets sur ses choix en matire de consommation ou dachat.

    La sociologie et la psychosociologie offrent un cadre danalyse performant dans ltude ducomportement du consommateur et de lacheteur. Alors que la sociologie a introduit lancessit de tenir compte de lhtrognit du corps social pour mieux comprendre etdiffrencier les pratiques de consommation, la psychosociologie sest davantage attache dterminer les mcanismes dinfluence interpersonnelle ainsi que le rle de certains achatsdans le processus de socialisation de lindividu.

    Tableau 4. Les apports de la sociologie et de la psychosociologie

    Les courants Les apports

    Sociologie descriptive et causale Description du corps social et des faits sociaux,stratification sociale

    Sociologie comprhensive Lactivit sociale est indissociable du sens ; elleest lexpression de la culture en mme tempsquelle contribue la faonner

    Fonctionnalisme La socit est structure comme un systmefonctionnel duquel dcoulent les rles et lesstatuts des acteurs

    Individualisme mthodologique La dynamique sociale est la consquence derationalits individuelles

    Psychosociologie Fonctionnement des groupes sociaux,interactions sociales et influences au sein desgroupes

    4.5. La psychologie

    La psychologie est incontestablement la discipline qui a le plus marqu ltude ducomportement du consommateur et de lacheteur. Ses apports, trs diversifis, ont contribu fonder diffrents modles dont limpact est encore sensible aujourdhui. Ds lorigine, la

    psychologie a eu une influence sur les praticiens et les thoriciens du marketing. Cetteinfluence apparat lgitime au regard de lobjet de la psychologie. Le psychologue se donne

    44Rochefort R. (1995),La socit des consommateurs, Editions Odile Jacob, Paris.45Fischer G.-N. (1997),La psychologie sociale , Points Seuil, Paris.

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    pour objectif ltude de la conduite humaine et des faits mentaux susceptibles de lexpliquerdans une situation donne. On comprend aisment, par cette dfinition trs gnrale, que la

    psychologie ait rapidement rencontr les faveurs des professionnels de la vente et ducommerce qui ont pu y entrevoir des moyens pour dcrire et expliquer les comportements

    dachat et de consommation afin de soutenir leurs ambitions commerciales. Sans treexhaustif, il sagit maintenant de prsenter les principaux dveloppements de la psychologie

    partir de leur contribution respective ltude du comportement du consommateur et delacheteur.

    Cest tout dabord la psychanalyse et lapproche introspective que lon doit lespremires incursions dans le domaine commercial. Lapproche introspective souligne le rlede la vie psychique intrieure, particulirement autour de la notion de pulsion. Elle estconsidre comme une force qui oriente lindividu vers la recherche du plaisir. Celle-ci peuttre entrave par la ralit et provoquer des refoulements ou des rsistances. Dans cette

    perspective, la psychanalyse a t exploite pour traiter ltude des motivations, dans le but de

    provoquer le dsir dachat et de lever ou de contourner dventuelles rsistances. Dichter46

    sest rvl comme le chef de file de ce type dinvestigations.

    Lapproche bhavioriste, qui en psychologie sest dveloppe pratiquement en mmetemps que le courant psychanalytique, rfute lide que lon puisse apprhender effectivementla ralit de la vie psychique. Celle-ci est considre comme une bote noire dont le contenune prsente que peu dintrt. Seules comptent les relations entre des stimuli que lon contrleet des rponses comportementales observes, dans le cadre dune conception parfaitementdterministe de lactivit humaine. Sil a t amplement critiqu, le courant bhavioriste adfendu la ncessit dune psychologie positive. Les choix mthodologiques ont largementcontribu introduire lide que lexplication des conduites humaines devait tre base surdes exprimentations vrifiables et reproductibles47. Le courant bhavioriste na pas eudincidence directe sur les praticiens du marketing. Il en a eu davantage sur les thoriciens quiont formalis les premiers modles fondateurs en comportement du consommateur et delacheteur.

    La psychologie exprimentale, en sappuyant sur les options mthodologiques du courantbhavioriste, sest assign comme objectif lidentification et la comprhension des fonctionspsychologiques. Alors que la bote noire, chre aux bhavioristes, offre une conceptionindiffrencie des mcanismes impliqus dans le choix dune rponse comportementaleconscutivement une stimulation, la psychologie exprimentale propose dtudier lesfonctions adaptatives, cest--dire des systmes spcialiss ddis des processus

    psychologiques spcifiques. Ces fonctions sont notamment les sensations, la perception, la

    mmoire, lapprentissage, lintelligence ou lactivit intellectuelle, le langage comme fonctionsmiotique, la motivation et la vigilance48. Dans le cadre de lapproche exprimentale, lesfonctions spcialises sont gnralement tudies indpendamment les unes des autres. Lesapports de la psychologie exprimentale ont profondment marqu ltude du comportementdu consommateur et de lacheteur. De trs nombreux travaux ont exploit les rsultatsfondamentaux obtenus par la psychologie exprimentale, pour les adapter des

    46Dichter E. (1964),Handbook of Consumer Motivations, McGraw-Hill, New York.47Pour un approfondissement des choix thoriques et mthodologiques du courant bhavioriste initi parWatson, on peut se rfrer Skinner B.F. (1979),Pour une science du comportement : le behaviorisme,

    Delachaux et Niestl, Neuchtel.48Pour une approche trs dtaille de ce courant, on peut se reporter Reuchlin M. (1996), Psychologie , 12edition, Presses Universitaires de France, Paris.

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    problmatiques spcifiques ltude de comportements de consommation et dachat. Cesinvestigations ont port notamment sur des problmes de perception et de mmorisation. Ensituant lacheteur dans un systme dinfluence et de persuasion, les fonctions de perception etde mmorisation sont supposes jouer un rle dterminant dans la prvision du comportement

    dachat49.

    Tableau 5. Les apports de la psychologie

    Les courants Les apports

    Psychanalyse Lactivit humaine est motive ; lindividu estanim de dsirs et rsistances ventuellementinconscients susceptibles dexpliquer lachat

    Bhaviorisme Lindividu est raisonn comme un systme

    stimulus-rponse, capable dapprendre et deragir partir dactions marketing

    Psychologie exprimentale La dcomposition de fonctions psychologiques(perception, mmoire, etc.) explique lesconditions dans lesquelles un achat se ralise

    Sciences cognitives Intgration des fonctions psychologiques etapproche par les processus de traitement delinformation ncessitant des ressources et descomptences pour faire aboutir une dcision

    En dernier lieu, les sciences cognitives ont investi progressivement le champ laiss vacantpar la psychologie exprimentale classique. Le projet des sciences cognitives est sans contestele plus ambitieux puisquil vise non seulement tudier le fonctionnement mental et sesrsultantes mais aussi terme le simuler. Les sciences cognitives se sont enrichies desapports de disciplines voisines, telles que linformatique, lintelligence artificielle ou lalinguistique50. Dans cette perspective, cest surtout ltude des processus de traitement desinformations qui a mobilis les chercheurs. Lactivit mentale nest plus considre commeun ensemble de fonctions plus ou moins indpendantes, mais comme un dispositif fonctionnelmobilisant diverses comptences en vue de lexcution dune tche, dun raisonnement oudune prise de dcision51. On entrevoit de fait aisment lapport des sciences cognitives dans

    ltude du comportement du consommateur et de lacheteur. A ce jour, lapproche cognitivenest pas encore systmatiquement exploite par les praticiens. Les contributions qui ontdores et dj affect ltude du comportement du consommateur et de lacheteur concernent

    principalement la prise de dcision.

    49Les travaux issus des apports de la psychologie exprimentale sont particulirement nombreux ; uneillustration de lexploitation des fonctions psychologiques dans le cadre dun dispositif de persuasion peut tretrouve dans Britt S.H. (1979),Psychological Principles of Marketing and Consumer Behavior, LexingtonBooks, Massachusetts.50

    Andler D. (1992),Introduction aux sciences cognitives, Gallimard, Paris.51Fortin C., Rousseau R. (1992),Psychologie cognitive, une approche de traitement de linformation, Presses delUniversit du Qubec, Qubec.

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    Si les apports de la psychologie apparaissent aussi diversifis, il faut y voir la ncessit deprendre en compte une ralit humaine complexe. Malgr cette diversit, il existe une certaineunit donne par lobjet dtude : la conduite humaine et le fonctionnement mental. Chacundes courants qui a faonn la psychologie a nourri le domaine de ltude du comportement du

    consommateur et de lacheteur (tableau 5).

    4.6. De lautonomie du comportement du consommateur et delacheteur comme discipline

    Si de nombreuses sources alimentent ltude du comportement du consommateur et delacheteur, il se pose la question de lautonomie de la discipline. En pratique, deux questionsse posent. La premire a pour objet la position de la discipline par rapport au marketing. Laseconde consiste savoir si le comportement du consommateur et de lacheteur a su

    smanciper des nombreuses disciplines qui lalimentent. Pour Cochoy52, dans son histoire dumarketing, la recherche en comportement du consommateur a gagn son autonomie parrapport au marketing et peut prtendre se structurer comme une discipline part entire, suite une rupture pistmologique intervenue dans les annes 1980, mais dont lorigine remonteaux annes soixante. Elle sinscrit de fait dans le champ des sciences sociales, alors que lemarketing sassume comme une science de lingnieur. En consquence de quoi, ltude ducomportement du consommateur et de lacheteur nest pas assujettie systmatiquement desimplications oprationnelles, bien quelle soit trs utile au marketing. Elle se doit galementdinterroger le social, afin de situer les comportements de consommation et dachat commeune activit sociale. En ce sens, le domaine du comportement du consommateur et delacheteur est susceptible dtre considr comme autonome, au moins pour ce qui concerne

    sa position vis--vis du marketing. Malgr cette autonomie, force est de constater que ltudedu comportement du consommateur est troitement lie de nombreuses autres disciplinesdes sciences humaines et sociales auxquelles elle emprunte de nombreux concepts. Elle nedispose pas dautre spcificit que celle relative son champ dinvestigation.Comparativement dautres disciplines, la recherche en comportement du consommateur etde lacheteur reste ce jour une discipline jeune. En sinstitutionnalisant progressivement,elle pourra terme se structurer de manire fconde.

    52Cochoy F. (1999), Une histoire du marketing, discipliner lconomie de march, Editions La Dcouverte,Paris.

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    Schma 5. Lvolution du marketing

    Source: adapt de Cochoy F. (1999) op.cit., p.360

    5. Les modles fondateurs

    Les modles fondateurs en comportement du consommateur et de lacheteur se sontdvelopps partir des insuffisances de la psychologie conomique et par la volont deconstituer une discipline autonome. Les modles qui ont t labors ont cependant continu

    sinspirer largement des apports de la psychologie et plus particulirement du courantbhavioriste. Celui-ci propose dapprhender lacheteur ou le consommateur comme unsystme gnrant des rponses conscutivement des stimulations marketing. Mais lesauteurs qui ont dvelopp de tels modles se sont galement attachs comprendre lesmcanismes de la dcision. Dans ce cadre, la notion dattitude a jou un rle considrable.

    5.1. Les caractristiques des principaux modles fondateurs

    Si de nombreux modles ont vu le jour depuis plusieurs dcennies, deux dentre eux ont eu

    un impact significatif. Le premier, le modle de Howard et Sheth53

    , est de type stimulus-rponse . Les informations entrantes sont traites par des processus perceptuels avant dtreventuellement stockes en mmoire. Elles sont ensuite susceptibles de donner lieu uncomportement de rponse depuis lattitude lgard de loffre jusqu lachat. Le modle estlargement dterministe puisque la dcision est conscutive la perception des caractristiquesde loffre, leur valuation et leur aptitude rpondre aux motivations. Le stockage desinformations en mmoire est suppos provoquer une rponse dachat si lattitude lgard du

    produit est positive. A laide des diverses variables exognes, le modle ambitionne de dcrireun processus systmique de dcision.

    53Howard J.A., Sheth J.N. (1969), The Theory of Buyer Behavior, John Wiley & Sons, New York.

    Consumerresearch

    Marketingscience

    Marketing

    management

    1960

    1980

    Sciences delingnieur

    Sciencessociales

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    Schma 6. Schmatisation du modle dEngel, Blackwell et Kollat

    exposition

    attention

    comprhension

    acce

    ptation

    rtention

    mmoire

    stim

    ulation

    marketing

    rech

    erche

    ex

    terne

    re

    cherche

    interne

    reconnaissanc

    e

    dubesoin

    recherche

    dinformations

    valuationdes

    alternatives

    achat

    croyances

    attitude

    intention

    satisfaction

    insatisfaction

    Influencede

    lenvironnemen

    culture

    classesociale

    famille

    situation

    diffrences

    individuelles

    ressources

    motivation

    implication

    connaissances

    attitudes

    Inputetprocessus

    detraitementdes

    in

    formations

    processus

    dedcision

    variablesinfluenan

    t

    leprocessusde

    dcision

    Source: Engel J.F., Blackwell R.D., Miniard P.W. (1990), op. cit., p. 536.

    Le second modle, initi par Engel, Blackwell et Kollat54, dveloppe et prcise certainesimperfections du modle de Howard et Sheth (schma 6). Lapproche adopte est centre sur

    54Voir Engel J.F., Blackwell R.D., Miniard P.W. (1990), Consumer Behavior, 6e dition, The Dryden Press,Chicago.

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    les diffrentes tapes du processus de dcision et les facteurs qui sont susceptibles delaffecter.

    Le processus de dcision est constitu de plusieurs tapes qui dcrivent successivement lareconnaissance du besoin, la recherche dinformations pour rpondre au besoin, lvaluationdoffres en concurrence et enfin la satisfaction qui rsulte de lachat. Celle-ci est alors enmesure de modifier les croyances ou lattitude de lindividu. Dans ce modle, le processus dedcision est affect par les processus de traitement des informations, par les caractristiquesspcifiques lacheteur ou au consommateur et enfin par lenvironnement dans lequel ilvolue. Les processus de traitement des informations concernent principalement la perceptionet la mmorisation. Dans son environnement, lindividu est expos un ensemble destimulations auxquelles il prte une attention variable et qui, en fin de processus, sontsusceptibles dtre mmorises. Les processus perceptifs et la mmoire permettent ainsilacquisition dinformations nouvelles ou lutilisation dinformations dj dtenues. Le

    processus de dcision est galement influenc par des variables environnementales, parmi

    lesquelles les auteurs associent indiffremment la culture, la classe sociale, les influencesinterpersonnelles, la famille et dune manire gnrale, la situation dans laquelle se prend ladcision. Enfin, des diffrences individuelles caractrisant les acteurs affectent le processusde dcision. Il sagit alors de variables de ressources, de motivations, de personnalit, deconnaissances ou de styles de vie.

    Comme le soulignent Antonides et Van Raaij55, lorigine, le modle dEngel, Blackwellet Kollat a la volont dintgrer les nombreux travaux parfois disperss qui se sont attachs dcrire et comprendre la dynamique du comportement dachat. Cette entreprise sest rvlefructueuse, puisquelle a permis de structurer de manire cohrente les principaux domainesdinvestigation susceptibles de rendre compte de la dynamique dachat.

    5.2. Les modles intgrateurs en question

    Ces modles fondateurs, que lon qualifie habituellement de modles intgrateurs, ontvidemment volu. Mais lvolution a davantage port sur lapprofondissement et lasystmatisation de modles existants plutt que sur lintgration des nouveaux apports issusdes disciplines telles que la psychologie, la sociologie ou la psychosociologie56. Cest parexemple le cas dEhrenberg57 qui poursuit lambition de construire un modle intgrateurcomplet, mais la diffrence de ceux prsents prcdemment, il sagit dun modle de typecomputationnel. Si l'tude du comportement du consommateur et de l'acheteur ne peut en

    aucun cas se substituer aux diverses disciplines de base des sciences humaines, il apparat enrevanche ncessaire que les modles utiliss tiennent davantage compte de leurs volutions. Ace titre, les sciences cognitives, qui ont boulevers la psychologie traditionnelle, mriteraientdtre exploites de manire plus systmatique. Dans le mme sens, la sociologie oulanthropologie sont en mesure dalimenter davantage ltude du comportement duconsommateur et de lacheteur. Ces disciplines sont encore bien ngliges, alors quelles sont

    55Antonides G., Van Raaij W.F. (1998), Consumer Behaviour, A European Perspective, Wiley, Chichester.56

    Lilien G.L., Kotler P., Moorthy K.S. (1992),Marketing Models, Prentice-Hall International Editions, London.57Ehrenberg A.S.C. (1996), Toward an Integrated Theory of Consumer Behaviour ,Journal of the Market

    Research Society, 38, 4, p. 395-427.

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    susceptibles davoir un impact important sur la comprhension des acteurs et de leurlogique58.

    Une approche plus nuance et moins dterministe du comportement du consommateur oude lacheteur apparat aujourdhui indispensable afin de faire face aux volutions qui affectentles marchs. Celles-ci sont considrables, tant du point de vue des stratgies industrielles quede celui des pratiques marketing. Par consquent les comportements de consommation etdachat voluent et se diversifient. Quy a-t-il de commun entre lutilisation dune lessive et lavisite dun parc dattractions ? Lachat dun best seller sur Internet est-il comparable celuidun livre ancien dans une vente aux enchres ? Entre toutes ces situations, il y a bien plus dediffrences que de points communs, tant sous langle de la consommation que sous celui ducomportement dachat, et les exemples pourraient tre multiplis linfini. Implicitement, lesmodles intgrateurs portent en eux une vritable idologie du choix ou de la dcision qui

    bien des gards apparat comme trop restrictive59. Ces quelques remarques concourent promouvoir une approche qui permet de dsenclaver la recherche en comportement du

    consommateur et de lacheteur de modles trop dterministes ou trop centrs sur le processusde dcision.

    6. Des niveaux de lecture multiples

    Lchec des modles qualifis dintgrateurs conduit renoncer un modle uniquedanalyse du comportement du consommateur et de lacheteur. Dans cette perspective,lutilisation de diffrents niveaux de lecture ne peut quenrichir la comprhension ducomportement du consommateur et de lacheteur condition toutefois de tenir compte de la

    forme de lchange, de la nature de loffre et des contraintes situationnelles. Ainsi ltude ducomportement du consommateur ou de lacheteur apparat moins abstraite et davantage ancredans la vie quotidienne60.

    6.1. Les formes de lchange et la nature de loffre

    En premire approche, il sagit de situer clairement lobjet de lanalyse. Dans sonfonctionnement dlibratif ou dcisionnel, ainsi que dans ses comportements, leconsommateur ou lacheteur ne peut tre apprhend indpendamment dune offre

    commerciale qui sinscrit dans une forme dchange.

    6.1.1. Les formes de lchange : de la transaction la relation

    Lachat peut tout dabord tre dfini partir de la transaction commerciale. Un produit ouun service est achet lorsqu'une transaction est conclue entre des partenaires. Cette transactionsuppose quun produit ou un service soit chang en contrepartie de ressources gnralement

    58Nicosia F.M., Mayer R.N. (1974), Toward a Sociology of Consumption , Journal of Consumer Research,3, September, p. 65-75.59Darpy D., Volle P. (2003), Comportement du consommateur : concepts et outils, Dunod, Paris.

    60Arnould E.J., Price L., Zinkhan G. (2002), Consumers, McGraw-Hill, New York, Pinson C., Jolibert A.(1997), Comportement du consommateur ,Encyclopdie de Gestion , Y. Simon et P. Joffre (d.), tome 1, 2edition, Economica, p. 372-475 ; Filser M. (1994),Le comportement du consommateur, Dalloz, Paris.

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    financires. La forme de lchange peut cependant tre variable. Certains changes sontparfaitement ponctus, alors que dautres se dissolvent dans le temps et sont plus difficiles dlimiter. Cela revient situer lchange sur une dimension opposant lchange discret lchange continu61. On peut sur cette dimension identifier certains archtypes. Ainsi

    Grundlach et Murphy62opposent lchange transactionnel lchange relationnel et situent,entre les deux, lchange contractuel. Plus gnralement, on peut admettre lexistence duncontinuum entre lchange transactionnel et lchange relationnel, et considrer que lesentreprises, quel que soit leur secteur dactivit, sengagent des degrs divers dans lemarketing relationnel et que le marketing relationnel nest pas lapanage des seulesentreprises oprant dans le domaine des services63.

    Lchange relationnel qui se dveloppe dans le temps peut tre caractris partir desdiffrentes phases qui le structurent : la reconnaissance, lexploration, lexpansion, la fidlitet enfin la dissolution64. La dgradation dune relation installe peut se faire plus ou moinsrapidement et plus ou moins brutalement. Dans le domaine bancaire par exemple, un client

    solvable va bien souvent prolonger la relation commerciale malgr lapparition de nombreuxpisodes dinsatisfaction. Cette inertie est principalement lie lengagement du client dans larelation commerciale et la complexit des oprations de clture des comptes bancaires. Unclient qui ouvre un compte bancaire devient rapidement captif pour peu quil accepte des

    prlvements ou des virements automatiques pour certaines factures rcurrentes. A linverse,un diffrend avec un assureur suite un sinistre important peut amener le client dissoudre

    brutalement la relation. Ces diffrents cas de figure soulignent la ncessit danalyser ledveloppement de lchange relationnel partir de la nature de lengagement qui lie lesacteurs et les pisodes susceptibles dmailler la relation. En ce sens, la confiance joue un rledterminant car elle facilite lengagement dans la relation commerciale65.

    En opposant lchange transactionnel lchange relationnel, on ne tient pas compte de lanature du contrat qui lie les partenaires. Ce contrat peut tre parfaitement explicite, mais ildemeure souvent implicite. Ainsi certains changes transactionnels sont btis autour duncontrat formel qui fixe les obligations rciproques des partenaires. Cest le cas par exemplelors de lacquisition dune licence pour lexploitation dun logiciel informatique. Dunemanire gnrale, les achats de produits durables (automobile, produits bruns, etc.) sont denature contractuelle afin de prciser les conditions de garantie. En revanche, pour lachat de la

    plupart des produits de grande consommation, il ny a pas de contrat explicite. Si les changesrelationnels sont frquemment organiss par des contrats, cela nest cependant pas toujours lecas. Certaines relations de sous-traitance sont ainsi ncessairement soumises contrat. Unsous-traitant dans le secteur automobile peut tre dans lobligation de procder des

    investissements spcifiques qui rendent ncessaire ltablissement dun contrat de partenariat.A linverse, dans certaines situations, comme pour lactivit de certaines socits de conseil,

    61Macneil I.A. (1980), The New Social Contract, Yale University Press, New Haven ; Kaufmann P.J., Dant R.P.(1992), The Dimensions of Commercial Exchange ,Marketing Letters, 3, p. 171-185.62Grundlach G.T., Murphy P.E. (1993), Ethical and Legal Foundations of Relational Marketing Exchanges ,

    Journal of Marketing, 57, October, p. 35-46.63Coviello N.E., Brodie R.J., Danaher P.J., Johnston W.J. (2002), How Firms Relate to Their Markets : AnEmpirical Examin