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nguyennhan
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OncleJoBob,chaquefoisquejepenseàtoi,troismotsmeviennentàl’esprit:courage,héros,paix.Tuesl’imagedelapaix,tuesunbattantettuesl’exemplemêmedecequej’espèreêtredansmaviede tous les jours. Ton courageme laissemuette d’admiration. Tu ne te laisses pas abattre par toncancer;mieuxencore,aulieudelelaissert’abattre,tut’enserscommed’unmoyenpourtirerverslehautceuxquit’entourent.Jenetrouvepasdemotassezfortpourexprimerl’influencequetuaseuesurmavie.Àmachèrebelle-mère,quiacombattuuncancerduseinetl’aregardédroitdanslesyeuxsansciller.Jet’aime.ÀMonica:meuf, tuvasyarriver.Tuvaspulvérisercettesaloperie,etpuis tu tereposerasavecunverredevinetunbonbouquin.Àtousceuxquiontperduquelqu’unducancer,tousceuxquisebattentcontrelui,auxdocteurs,auxfamilles,auxêtreschersquiontenterréleurâmesœur.Jesuisdetoutcœuravecvous.Celivre…toutceciestpourvous.
Prologue
—Tum’entends?Kiersten?Sa voix était tellement proche que si je fermais les yeux, elle deviendrait peut-être plus réelle
encore.Jetendislamainverslui,maisnesentisquedel’air.Iln’étaitpaslà.Ilétaitparti.C’étaitdoncbeletbienarrivé.Jeclignaidesyeuxàplusieursreprisesetessayaidemeconcentrersurcequise trouvaitdevant
moi.Çaluiressemblait,saufqu’ilétaitbientropéloigné.Pourquoiétais-jeallongéeparterre?—Reviensversmoi.Jevoyaisseslèvresbougerenmêmetempsquemeparvenaientsesmotsréconfortants.—Pascommeça,Kiersten.Pascommeça,bébé.Sespupillesbleuclairsedilataient.—Toutvabiensepasser.Jetelepromets.Maisçanesepassaitpasbien.Jelesavais.Illesavait.Ilétaitparti,etmoij’hallucinais.J’avais perdu l’amour de ma vie.Monmeilleur ami. Combien de pertes les gens pouvaient-ils
supporteravantdemourirà leur tour?Avantque ladouleurne lesconsume?Tous lessouvenirsremontaientà lasurface,ceuxdemesparents,deluientraindejoueraufootball,detouslesmotsqu’ilm’avaitécrits.Denotrepremierbaiser.Denosderniersinstantsensemble.Etpuisl’hôpital.Onnenousavaitpasaccordésuffisammentde temps,et jehaïssaisDieudem’enlever tousceux
quej’aimais.Auboutducompte,ilnerestaitplusquemoipourpleurertousceuxquej’avaisperdus.Unedernièrefois,jetendislamainverssonvisage.Mesdoigtsentrèrentencontactavecunepeau
tiède.Toutcelan’étaitqu’un rêve.Ehbien, sic’étaitun rêve, j’allaisprofiter jusqu’auboutdesonsourire qui éclairait la pièce.Ses lèvres se posèrent surmon front. Je fermai les yeux et imploraiDieudem’emporteraussi.Car jesavaisqu’à l’instantoù jem’éveillerais, jedevraisdire«aurevoir»denouveau,etcette
fois je n’étais pas sûre de supporter que cemot franchisse encoremes lèvres. J’enmourrais.Aurevoir.Celuioucellequiavaitinventél’expressiondevraitbrûlerenenfer.
Chapitrepremier
KIERSTEN
Lafaiblesse,c’estjusteladouleurquiquittelecorps.
Troismoisplustôt
Jemerépétailemêmemantraenboucle,jusqu’àenperdrelatête.Çan’étaitpasréel.Jerefaisaislemêmecauchemar.Çan’étaitpasréel.Être réveillé par sespropres cris n’est jamaisbon signe.Desbruits depas s’approchèrent de la
porte,qui s’ouvritbrusquement surmacamaradedechambre–oui, celleque j’avais rencontréeàpeinequelquesheuresplustôt.—Tuvasbien?Ellefranchittimidementleseuil,lesbrascroiséssurlapoitrine.—J’aientendudescris.OK.J’étaisfolle.Moiquivoulaisrepartirdezéro,voilàquejeterrorisaismacolocataire,leseul
visageamicalquej’aiecroisédepuismonarrivéeàl’UniversitédeWashington.Bienjoué,Kiersten!—Euh…Oui,parvins-jeàrépondresanstrembler.Jesaisquec’estbizarre,maisj’aiencoredes
terreursnocturnes.Enfin,seulementquandjesuissuperstressée,mehâtai-jed’ajouterdevantsonairincrédule.Etquandjesuisassomméedemédocs.Undétailquej’omisdepréciser.—Ah.Elles’humectaleslèvresetjetaunregardderrièreelle.—Tuveuxquejedormeaupieddetonlit?Tusais,çanemedérangepas,situashyperpeur.QueDieubénissesoncœurdefilleduSuddébordantd’hospitalité.—Nonmerci,répondis-jeensouriant.Çava.J’espèrenepast’avoirtropfichulatrouille.—Net’enfaispas…,dit-elleenagitantlamaind’unairnonchalant.J’aimaispastropmalampede
chevet,detoutefaçon.—Monhurlementabrisétalampe?Lahonte!—Non,maisma chute, oui. Il faut croire que tomber d’un lit superposé à une heure dumatin
relèvedusportdecombat.Avecmalampedanslerôledelacibleprincipale.Jeterassure,ajouta-t-elle en soupirant, elle n’a pas souffert. Elle a explosé en touchant le sol. Et puis j’ai glissé sur lenounoursquiétait tombé luiaussi.Cequiétaitunebonnechose,car ilaamortimachute.Bref,auboutducomptejem’ensorsavecdeuxpetitshématomesderiendutout.J’enfouislevisageentremesmains.—Putain!Jesuisvraimentnavrée!
—Non,çava.Jesuisunaccidentsurpattes,detoutefaçon,fit-elleenriant.Maissituprévoisdehurlertoutelanuit,jepréfèreprendrelacouchettedubas.Monpassédetueusedelampesestderrièremoi.Jehochailatêteavecunsourire.—Évidemment.Maisjeneveuxpasquetu…—Arrêtedet’excuser.LesouriredeLisaétaitchaleureuxetrassurant.—Oh,etsoitditenpassant,jesuissomnambule,ajouta-t-elle.Ducoup,situteréveillesensursaut
avecmoipenchéeau-dessusdetoi,essaiedenepasmefileruncoupdepoingdanslafigure.—Waouh,onfaitunesacréepaire,touteslesdeux!Elleattrapaunecouverturesurmonlitetlajetaausol.—Tusais,lapetitecasedédiéeauxcommentairespersonnels,enbasdelafiched’inscriptionpour
lelogement?—Oui?—Jesuissûrequec’estunpiègepournousmettretousensemble,nouslesdingos.Jebâillai.— J’ai besoin d’un oreiller, annonça Lisa. Je reviens tout de suite. Allez, finis les hurlements.
Fermelesyeux,etdemainmatinonpartiraàlachasseauxmecs.Tun’asqu’àrêverdeça.—Auxmecs?Lisapassaunemèchedesescheveuxbrunsderrièresonoreille.—Euh…Àmoinsquetunesoisintéresséeparlesfilles.C’estvrai,çanemeposepasdeproblème
situjouesdansl’autrecamp,jevoulaisjustedire…—Non,non,non.Un bref éclat de rire s’échappa demes lèvres. J’avais la tête d’une fille qui jouait dans l’autre
camp?—Non,cen’estpasça.Jen’aijamaiseudepetitami,c’esttout.Sérieusement?—Mapauvre!Commenttuasfaitpoursurvivre?—Netflix,JohnnyDepp,bouquins.J’airéussi,larassurai-jeavecunhaussementd’épaules.Crois-
moi,situavaisgrandidanslamêmevillequemoi,tun’auraispasfréquentélemoindregarçonnonplus.—Ahouais?Etpourquoiça?Soudain elle leva lamain et se précipita hors de la chambre avant de revenir avec son oreiller.
L’ayantjetéausol,elles’assitentailleuretbâilla.—OK,tupeuxcontinuer.—Lesgarçons…Jem’allongeaisurlecôtéafindeluifaireface.—Jenesortaispasaveceuxparcequemavilleétaittellementminusculequemamèremedisait
«àtessouhaits»avantmêmequej’aieeuletempsd’éternuer.Non,sérieusement,laseulefoisoùj’aieuunemauvaisenotesurmoncarnet,çaafaitlaunedujournallocal,tuvoislegenre.—Quoi?Maisdansquellevilletuasgrandi?—Unevillequiafficheàl’unitéprèslenombredetouristesquiviennentenvisiteàlahautesaison.—La«hautesaison»?— La saison touristique. Les gens viennent goûter le vin. L’année dernière, on a eu cinq cents
œnologuesenherbe,cequireprésenteplusquel’ensembledeshabitantsduvillageréunis.
—Çamedéprime,tonhistoire,déclaraLisa.Ducoup,aucunmecmignon?—Lefilsdumaireétaitmignon.—Ah,çac’estcool!seréjouit-elle.—Ouais,lequarterbackdel’équipedefootballétaitdetonavis.—Etlui,ilafaitlesgrostitres?s’enquit-elleengrimaçant.Jehochailatêteenl’imitant.—Benoui.Àcôtédemamauvaisenote.—J’auraisencorepréférélamauvaisenote.—Idem.J’éclataiderire.Çafaisaitdubiendesentirquequelqu’uncomprenait l’enferqueçaavaitétéde
meretrouveraucentredel’attention.Peuàpeu,jemesentaisplusdétendue.— Bon, il va nous falloir rectifier la situation sur-le-champ, annonça Lisa en s’humectant les
lèvres. Je connais des tas de garçons. J’en ai rencontré au moins dix rien qu’à la réuniond’intégration,cematin.Dontuntatoué.Ellelaissaéchapperunsoupirnostalgique.—Jecraquepourlestatouages.—Maisilstecouvrentlapeau,luifis-jeremarquer.Etpuis,untatouage,c’estpourlavie.Tune
trouvespasçavulgaire?—Maistuesqui?s’étonna-t-elleenlouchantsurmoi.Fautcroirequetonpatelinaétébâtisousun
rocher.—Euh…(Jepouffai.)Tuastoutcompris.—Fais-moiconfiance,laseuleraisonpourlaquelletun’aimespaslestatouages,c’estquetun’en
as jamaisvuunbeau,biendessinésuruncorpssexy.Tuchangerasd’avisvite faitquand tuverrascette beauté sur des tablettes d’abdos. Punaise, la dernière fois que j’ai croisé un mec avec destatouages,jeluiaidemandésijepouvaisleslécher.—Etilaréponduquoi?Lisasoupira.—Oui…Puisellehaussalesépaules.—Onestsortisensembleunesemaine,aprèsjesuisalléevoirsil’herbeétaitplusverteailleurs.—Pourtrouveruntatouageplusgrand?—Commenttuasdeviné?Ellesemitàrireàgorgedéployée.—J’étaisplusoumoinsconnuepourêtrelagarcedel’école,maisbon,c’étaitmieuxquedenepas
êtreconnuedutout.Ne sachant pas trop qu’en penser, je gardai le silence. D’autant que je n’avais jamais embrassé
aucungarçon.Tropembarrasséepouradmettremonmanqued’expérience,jemecontentaidehausserlesépaules.—Bon,c’estàçaquesertlafac,non?Unnouveaudépart.—Exact.Sonregards’assombritl’espaced’unefractiondeseconde.Sonsouriredisparut.—Enfin,bref,onferaitmieuxdedormirsionpartenchassedemain.—OK,acquiesçai-jeenbâillantdenouveau.Merci,Lisa,deveillersurmoi.—Quellesortedecolocatairejeferais,sijen’avaispasaccouru?—Dugenrequinecassepasleslampesetneseréveillepasavecdeuxhématomes?
Chapitre2
KIERSTEN
Siçaressembleàunrat,queçasentcommeunrat,c’estprobablementunesaletéderat.—Nom?Letypedelaviescolairenelevapaslesyeux;ilinterrompittoutjustesonmouvement,lesdoigts
planant au-dessus de son iPad. Je m’étais réveillée à 7 heures afin de pouvoir confirmer moninscription au plus tôt, dès 8 heures. Les tables étaient alignées devant le foyer, façon prison. Aumoinsvingtétudiantsenfindecyclesetenaientdevantcestables,distribuantavecunennuimanifestedespacksdebienvenue.—Kiersten,répondis-je.Illâchaunsoupirirrité.— Il y a plus de trente-cinq mille étudiants sur ce campus, et vous imaginez que je vais vous
cherchersousvotreprénom,Kiersten?—Désolée.Euh…Rowe.KierstenRowe.Iltapamonnom.—Ehbien,RoweKierstenRowe,ondiraitquevousêtesinscritedansdix-neufUVetqu’ilvous
fautenchoisiruneprincipale.C’étaitquoi,cetype?Unprofileur?—Exact.Jemebalançaisurmestalonsetm’éclaircislagorge.Iln’avaittoujourspaslevélesyeux.—Hum.(Lesmainssedéplaçaientavecfluiditésurl’écran.)OK,jevousenvoievotreemploidu
tempssurvotreadressemaildel’université.Ilreposal’iPadetattrapaunpack.—Planducampus, codesdemessagerie électronique, adressemail, tout lenécessaire se trouve
danscetteenveloppe.Sivousavezd’autresquestions,adressez-vousàvotreRA1.J’espère qu’il entendait par là la responsable de l’étage, car s’il s’agissait d’autre chose, je ne
savaispasdécoder.—OK,répondis-jeenprenantlepaquetqu’ilmejetaitpresqueauvisage.Etmacarted’étudiante?—Suivant!Ilmejetaunautreregardagacé.—Jevousdemandepardon,insistai-je.Oùest-cequejerécupèremacarted’étudiante?—Écoutez,Kiersten,dit-il,l’airexaspéré,j’aiplusieurscentainesd’étudiantsquifontlaqueue.Je
vous ai dit que tout ce dont vous aviez besoin se trouvait dans cette enveloppe, alors regardez àl’intérieur.Etsivousavezdesquestions,adressez-lesàvotreRA.Quantànous,conclut-ilennousdésignant,luid’abordpuismoiensuite,onenaterminé.C’étaitquoi,sonproblème,àcetype?Jenesavaispassijedevaisêtregênéeouencolère.Jememisàjurerentremesdents,l’enveloppe
serréecontremapoitrine,avantdetournerlestalons.Jeluiadressaiundernierregardfurieuxpar-dessusmonépauleetentraiencollisionavecunarbre.Dumoins,cequiressemblaitàunarbre,autoucher.Saufquelesarbresn’étaientpaschauds.Etqu’ilsn’avaientpasune,deux,trois,quatre,six.BonDieu,huit?Huittablettesd’abdominaux?
Non, mais je venais de palper les tablettes de quelqu’un ? Putain, j’étais même en train de lescompter!J’endessinaischaquecontour.Etmamainétaitencorefermementposéesur leventredugars.Génial!Jeretiraivivementlesdoigtsetfermailesyeux.—Jerêveoutuesentraindecomptermestablettes?Letonparaissaitamusé.Lavoixressemblaitàcelled’unestardecinéma,dugenrequivousdonne
enviedesauteràtraversl’écrandelatélé.Profonde,ferme,avecunlégeraccentquejen’arrivaispasàinterpréter.Anglais?Écossais?Jememordillai la lèvre inférieureenréfléchissantàmaréponse.Mais j’eusbeaumecreuser la
cervelle,jenevoyaisaucunmoyendem’ensortir.Alorsjehochailatête.—Pardon,je…Jen’auraispasdûleregarder.Sijepouvaisremonterletemps,jeleferais.J’ignoraisqu’unseul
regard suffirait à me détruire. Des semaines plus tard, je regretterais cet instant précis. Pour unesimpleetbonneraison:sesyeuxseraientmaruine.—Weston,mesalua-t-il,lamaintendue.Ettues?Foutue.—Kiersten.Jeserraiunpeuplus fort l’enveloppecontremapoitrine. Il louchasurmesmains,puisposa les
yeuxsurcellequ’ilmeprésentait.—Tuasunmicrobe?—Hein?Quoi?Non!—Unemaladie?Samainrestaittendueentrenous,etlasituationdevenaitdeplusenplusembarrassante.Retiretamain!—Euh…non.—Bien.Alors il déplaça sa main, qui abandonna le territoire protégé pour venir me toucher. Enfin, il
touchaitmonenveloppe,etpourtantj’auraisjurésentirsachaleurtandisqu’ilmelaprenaitdesmainspourleslibérer.—Bon,commenta-t-ilentendantdenouveausamain,oùenétions-nous?Bordel,maisqu’est-cequiclochaitchezmoi?Cen’étaitpasquejerefusaisdeluiserrerlamain.
C’étaitjustequej’étaisgênéeetquejevoulaisfuir,carjenesavaispass’ilsemontraitsimplementaimablepourêtreaimableou…Waouh,j’avaisbesoind’unesacréethérapie.M’éclaircissant la gorge, je lui serrai enfin la main. Son sourire narquois me fit paniquer. Il
agrippamesdoigtsetbaissalesyeuxversnospaumesainsijointes,puisilmarmonnaquelquechoseàmi-voix.Etquandilrelâchaenfinsapoigne,j’éprouvaiunedrôledesensation.—Tuvois?fit-ilenmerendantmonenveloppe.Cen’étaitpassicompliquéqueça,si?—Non.Jedéglutisetdétournailesyeuxendirectiondelapelousebondée.J’étaisincapabledeleregarder
enface.C’estvousdirecommeilétaitbeau.Jamais jen’avaisvud’hommeaussiséduisantdans la
vraievie.Oui, j’enavaisvudepareilsdans lesmagazines,aucinéma,mais lui…Ilétaitbienréel,c’était le sex appeal fait homme. Or vu mon absence totale d’expérience en la matière, je devaisprendre toutes les précautions possibles et imaginables ne serait-ce que pour ne pas oublier derespirer.Il avait les yeux bleu pâle, les cheveux blond doré, un peu trop longs et bouclés au niveau des
oreilles. Et un sourire irrésistible, qui risquait de me hanter pour le reste de mes jours. Naturel,décontracté,avecdesfossettesquinefaisaientqu’aggraverlasituation.Etjenevousparlemêmepasdesonodeur.Ilmesemblaitdécelerunepointedecannelle,etd’autrechosequejen’arrivaispasàidentifierprécisément.Çam’agaçaitdevoircombiençaparaissaitfaciledesourire,pourlui.Commesitoutallaitpourlemieuxaumonde,alorsqu’enmoi,c’étaittoutlecontraire.Ilvoulaitmeserrerlamain et connaître mon nom, tandis que j’aspirais seulement à filer dans ma chambre pour merecroqueviller dans un coin etme balancer d’avant en arrière, jusqu’à ce quemes antidépresseursdécidentdefaireleurœuvre.—Joli!commenta-t-ilenricanant.Onpassedirectementdetesmainssurmesabdosàl’insultequi
consisteàrefuserdemeserrerlamain,pourterminersurleregistredelarêverie.Jemetrompe?— Oh, là, là. (Je fermai les yeux.) Je suis désolée. C’est mon premier jour, et je suis très…
nerveuse.Voilàqui étaitmieux.Bienmieuxquequelques secondes auparavant, où j’étais àdeuxdoigtsde
craquer.—Jepeuxt’aider?—Maisjeneteconnaispas,lâchai-je.—Biensûrquesi.Jenesaiscomment,ilmanœuvradefaçonàseretrouverlebrasautourdemonépaule,etmarchaà
côté demoi en direction dema chambre. Putain ! C’était ainsi qu’on profitait des filles. Prise depanique,jebalayailapelousedesyeux,enquêtedeLisaquejenevisnullepart.—Non.Jefreinaidesquatrefers.— Je… euh… Je dois trouverma camarade de chambre etma carte d’étudiante ! Je dois aller
cherchermacarted’étudiante!Etpuissurtout,jedoistrouvermonRA…Onauraitditunegamineperduedansunparc.Amusant,vuquelaplupartdutempsc’étaitainsique
jemesentais:perdue,tellelapiècemanquanted’unpuzzleoubliantqu’ellefaisaitpartied’untout.Lamarginale,lasolitaire,la…—Jemeproposejustementdet’aider,reprit-ilaveclemêmesouriremoqueur.—Jen’aipasbesoindecegenred’aide,chuchotai-je.—Hein?Ils’immobilisaetéclataderire.—Bordel,jecroisquejet’aime,toi.Explosionauniveauducœur.Sans cesser de rire, ilm’attira plus près de lui. Eh bien, aumoinsmon oncle n’aurait pas à se
soucier deme payer la fac.Car j’étais à deux doigts de connaître lemême sort que la fille, dansTaken.Saufquemoi,jen’avaisaucungrosdursouslamainpourveniràmarescousse.Moncœurfitunautresautpérilleux.—Jen’aipas l’intentiondeprofiterde toi,m’assuraWeston.Ne leprendspasmal,mais tume
paraisbientropinnocente,cequetuasd’ailleursconfirméentetrompantsurmesintentions.Jeneteproposepasmonaidedanslebutdetemettredansmonlit.
Monvisages’enflamma.—Sanscompter,ajouta-t-ilenseremettantàmarcher,quetuesenpremièreannée.Jenedonnepas
danslespremièresannées.Enfait,jenelesaidemêmepas,engénéral,maistuasfaillimerenverser,ettuaurasbeaulenierautantquetuvoudras,tuétaisbeletbienentraindecomptermestablettesdechocolat…—Pasdutout…— Oh que si ! insista-t-il en lâchant un soupir pseudo mélancolique. Je t’ai vue en train de
murmurer:«un,deux,trois.»Pourtoninformation,ilyenahuitentout.J’aihuitpairesd’abdos.Jefaisbeaucoupdesport.—Super,répondis-jeentremesdentsserrées.—Oh,petitagneau,nesoispasgênée.Ils’arrêtadenouveauetmelâchalamain.—«Petitagneau»?—Oui,pur,dit-ilensouriant.Etunpeuperdu.Commeunpetitagneau.Ilhaussalesépaulesetdésignamondortoir.—Bon,mercidem’avoirraccompagnéejusqu’àmarésidence.Jem’apprêtaiàpasserdevantluiquandilm’attrapaparlepoignet.—Tuveuxparlerdetacarted’étudianteauRA?—Ouais, jevaisallerlavoirmaintenant,répondis-jeenmelibérant.Alorsmerci.Mercipour…
tout.L’inadaptationsocialeavaitdésormaisunvisage.Ilhumectaseslèvrescharnuesetsouritdeplusbelle.—C’estça,valavoir.—OK.Jereculaienhâte,manquantdetrébucher,puisjegravislesmarchesmenantauxchambres.Unefoisdanslehall,jesentaisencoresonregardposésurmoi.Jemeretournai.Ilsouriaitdetoutessesdents.J’agitailamain.Ilagitalasienne.Non,maissérieusement,c’étaitquoicepetitjeu?Étouffant un juron, je parcourus des yeux les indications des différents étages et localisai la
chambre de la RA. Sixième étage. Bien ma veine. Je me dirigeai vers l’escalier pour entamerlentementl’ascension.Enatteignantlesixième,j’étaistouteprêteàoubliermonhistoiredecarted’étudianteenéchange
d’une petite sieste. L’un des effets secondaires des médicaments. Parfois ils provoquaient dessomnolences.D’autresfois,ilsmedonnaientdesrêvessiréalistesquej’avaisl’impressiondejouerlepremierrôledansAliceaupaysdesmerveilles.Jemerendisenmarmonnantàl’autreboutducouloir.Chambre666.C’étaituneblague,non?Je
frappaideuxcoupsàlaporte.Quis’ouvritengrand,pourrévélerma…—Weston?—Petitagneau!s’exclama-t-il,ungrandsourireauxlèvres.—Enquoipuis-jet’aider?
1.ResidentAssistant:étudiantplusâgéquiestresponsabled’unétageoud’ungrouped’appartementssuruncampusuniversitaire.
Chapitre3
KIERSTEN
J’auraisjamaisdûyallerJereculaidequelquespaspourvérifierlenumérosurlaporte.—Je…euh…laRAn’estpaslà?Tu…tut’esintroduitchezelle?—Primo,fit-ilenlevantundoigt,situmecroisobligédem’introduirechezunefilleparlaforce,
tufaisfausseroute.Engénéral,jefrappe,etellesouvrent.C’estaussisimplequeça.Çanem’étonnaitqu’àmoitié.— Deusio, poursuivit-il en levant deux doigts, la personne que tu as devant toi, c’est le RA.
Maintenant, pourquoi nepas entrer, que je t’explique comment ça fonctionne, tonhistoire de carted’étudiante?Leslèvresserrées,jesecouaifermementlatête,maisentraimalgrétoutdanslapièce.Trèspropre.
Rien de comparable avec ce à quoi jem’attendais, après tout ce que j’avais lu sur les garçons etl’hygiène.—Alors,repritWestonensedirigeantverssonlitoùils’assit,montre-moitonemploidutempset
jerépondraiàtoutestesquestions.Jen’enrevenaistoujourspasqu’ilsoitmonRA.—Jenecomprendspas.Jecroyaisqueleresponsabledespremièresannéesétaitunefille.—Changementdesexe,répliquaWestontrèssérieusement.J’étaisunenfantperturbé.— Très drôle, commentai-je en levant les yeux au ciel. Non, mais sans rire, j’ai demandé un
dortoirexclusivementféminin,etvoilàqu’onm’installedansunbâtimentmixteetqu’enplus,monRAest…J’allaisdire«ungarssupersexy»,maisparvinsdejustesseàm’enempêcher,m’évitantainsila
honteafférente.— Un dieu du sexe. (Il l’avait dit pour moi.) Je sais, la vie est trop généreuse avec certaines
personnes.Poussantunprofondsoupir,iltirauneliassedepapiersdemonenveloppeetsiffla.—Waouh,quelemploidutemps!Dix-neufUV?Pasdemoduleprincipal?Tuneseraispasdu
genreindécise,toi?Monpremierréflexefutdeluirétorquerqu’ilnemeconnaissaitpas.Enfait, j’avaisenviedelui
balancern’importequelleremarquebiensèche.Quesavait-ildemavie?Demonpassé?Desraisonspour lesquelles j’étais incapabledem’engager surunevoieprécise ?Commes’il avaitdevinémacolère,montéléphoneportablesemitàsonner.Uncoupd’œilàl’écran:oncleJoBob.Quej’appelaisJo.Ils’occupaitdemoidepuisdeuxans.Depuis…quetoutçaétaitarrivé.Je rejetai l’appel. Oncle Jo allait flipper s’il entendait une voix masculine en fond sonore, or
Westonn’étaitvisiblementpasunprodeladiscrétion.Non,ilétaitplutôthommeàfaireétalagedesavie.Bordel,iln’étaitquandmêmepasentraindesefaireunepetiteséanced’abdosassissurlebord
desonlit,quandmême?Bon,jenepouvaisl’affirmer,vuqu’ilportaituntee-shirtblancàmancheslonguessurunjeandéchiré.— Bon, lança-t-il en sortant un stylo pour griffonner quelque chose sur le papier. Le plan du
campusvadevenirtaBible.Neteperdspasetnesorspasseulelanuit,d’accord?—Jepensequec’estàmaportée.Jeluiarrachailepapierdesmains.—Macarted’étudiante?—Bien.Ilseleva,lesmainsenfoncéesdanssespoches.—J’aientourélebâtimentsurcettecarte.Fais-moiunjolisourirepourlaphoto,petitagneau.Jegrimaçai.—Tucomptesm’appelercommeçatoutel’année?—Tupréférerais un autrepetit nom? chuchota-t-il, si prèsque ses lèvres frôlèrent presque les
miennes.—Euh…nonmerci,répondis-jed’unevoixtremblante.—Tuenessûre?Ilregardaitfixementmeslèvres.Commejereculaid’unpas,ilavançad’autantversmoi.—Jecroyaisquetunedonnaispasdanslespremièresannées.J’étaislittéralementacculée.Jesentisquelquechosededurdansmondos.— Je suis peut-être en train de changer d’avis, annonça-t-il en soulevantmonmenton vers son
visage.J’aitoujoursadorélesrousses.Jeplissailesyeux.—Blondevénitienne.—Rousse.—Rouxtrèsclair.Ilsoupira.—Jesuisdésolédete l’apprendre,maistescheveuxsontroux.Tuesrousse,pasrouxclair,pas
blondvénitien.Accepte-le,visavecetapprendsàl’apprécier.Parcequetuessuperbelle.OK,voilàqui avait lemérited’êtredirect. Jem’humectai les lèvresetmarmonnaiun«merci»
avantdem’échapperpourmedirigerdroitverslaporte.—Tun’oubliesrien?lança-t-ilderrièremoi.—Non…Jem’immobilisai.Sesmainsétaientdéjàsurmesépaules.Lentement,ilmefitpivoterfaceàluiet
metenditleplanaccompagnédemonenveloppe.—Voilà.N’oubliepascequej’aidit:onnesepromènepastouteseulelanuitetonsourit.—J’essaierai.—Essayer ne suffit pas, corrigea-t-il en resserrant son emprise surmes épaules. Soismaligne.
Déplace-toiavecunecopine.Resteenbinôme.Neboisrienquisentebizarre…—Etn’entrepasseuledanslachambred’ungarçon,mêmes’ils’agitduRA.Sonsouriredisparut.—Touché.Jeluireprismonenveloppedesmainsetsortis.—Etprendsl’ascenseur!cria-t-ildansmondos.C’était donc ainsi qu’il m’avait devancée. Le salaud. Je levai les yeux et aperçus le panonceau
indiquant l’ascenseur. J’appuyai sur leboutond’appel, refusantdeme retourner.Mêmesi je savais
Chapitre4
KIERSTEN
Meridiculiserdevantletypeleplussexydelaplanète?Fait.—Oùtuétaispassée?Lesmainslevéesverslecielensigned’impuissance,Lisasemblaitoutréeparmonabsence.—Jet’aicherchéepartout!EtGabenonplusnetetrouvaitpas!—Gabe?J’entraidanslapièce.—Gabe,fitLisaendésignantunbrunauxcheveuxmi-longs.—Gabe,confirma-t-ilenagitantlamaindansmadirection.Ilavaitunpiercingaunezettellementdetatouagessurlesbrasquejeredoutaidefaireuneattaque
rienqu’enregardantlesdessinssemouvoir.—Salut,lançai-jeenluirendantlapolitesse.Enchantée.EtcommentGabepouvait-ilmechercher,
alorsqu’ilnesaitmêmepasquijesuis?—Facebook,réponditLisaavecunhaussementd’épaules.J’airetrouvétapage,j’aicliquésurta
photo,jelaluiaimisesouslenezetj’ai…—…hurlé,l’interrompitGabe.Elleahurlé.Unelégèretendanceàenfairetrop,notreLisa.Elle
s’étaitmisentêtequ’ont’avaitkidnappée.—Cen’étaitpasloindelavérité,marmonnai-je.—Quoi?!s’écriaLisa.—Tuasprisdestrucs?répliquai-je,etjemepenchaipourexaminersespupilles.—Ducafé,réponditGabe.Assezpourtuerquelqu’un.—Quit’aenlevée?insistaLisaenmeprenantparlebras.—Moi,intervintunevoixdepuislaporte.Bordel…Ilavaitposéuntraqueursurmoiouquoi?Lisa ouvrit grand la bouche, et l’espace d’un instant je craignis qu’elle ne s’évanouisse.Même
Gabe semblait sidéré.Oui,OK,Weston était sexy,mais pas assez pour rendre hommes et femmesmuetsd’admiration.Jepivotaisurmestalons.—Qu’est-cequetuveux?—Oh,susceptible.J’aimeça.Ilm’adressaunsourireencoin.—Tuasoubliétonsac,expliqua-t-ilenmetendantmonDooneyandBourkenoir.Etjepréciseque
jen’aipasfouilléàl’intérieur.Voilà une possibilité que je n’avais même pas envisagée. Mes pilules étaient là-dedans. Il me
prendraitprobablementpourunefolle,s’illesvoyait.Quelgenredepersonnedoitavalerdesmédocspoursupportersavie?Moi.J’auraistellementaimépouvoirm’enpasser.
—Euh…merci.J’essayaide l’inciteràrepartir,au lieudequoi il jetaunregardcirculairesur lapièce.Sesyeux
semblaientseposersurchaquedétail,delapeintureàlamoquette,puisilressortitenfin.—Oh!s’exclama-t-ilenlevantlamainquandilfutdanslecouloir.J’aifaillioublier.Iltiraunfeutredesapocheetmesaisitlamainavantmêmequej’aieletempsderéagir.D’ungeste
preste, il écrivit un numéro de téléphone dansma paume et souffla dessus jusqu’à ce que l’encreindélébilesoitsèche.Cettebrisemetraversajusqu’àlapointedesorteils.Ilsepeutmêmequej’aielégèrementvacillé,
maisjen’ensuispascertainecarjeperdisconnaissancequelquesinstants.—Voilà.Ilrelevalatêteetplongeadansmesyeux.—Justeaucasoùlepetitagneauneretrouveraitpluslechemindelamaison.—Tropmignon.—Merci.Ilmefitunclind’œiletsortit.Lachambreseretrouvaplongéedanslesilence.JefrissonnaietmetournaiversLisa.Labouche
grande ouverte, elle semblait bien vivante, mais aucun son ne sortait d’elle à part un vaguegémissement.Ellefaisaituneattaque?Gabebonditsursespiedsetallaclaquerlaporte.—Benmerde alors ! s’exclama-t-il en frappant dans sesmains, avant de jurer de nouveau. En
dehorsdesmatchsdefootetdescours,jenel’avaisjamaisvu.Non,c’estvrai,ilneparleàpersonne.Ilnesortjamaisdesoncercle!Son « cercle » ? Je n’avais entendu ce terme que dans des films. Cela signifiait-il queWeston
s’entouraitdetoutuntasdegensenpermanence?Bizarre,parcequemoijenel’avaisvuqueseul.—C’estnotreRA.—TUDÉCONNES!hurlaLisa,l’airauborddumalaise.Ohputain,ilfautquejem’asseye.Gabe,
apporteunéventail,jecroisquejevaism’évanouir.L’intéressélevalesyeuxauciel.—Çafaitplaisirdevoirlaplacequetum’accordesfaceaudemi-dieu.—TunerespirespaslemêmeairqueWestonMichels.Michels?Pourquoicenomm’était-ilfamilier?—Merci,cousine.—Pasdeproblème.—«Cousine»?répétai-je.—Ahoui, c’est vrai,Gabe estmoncousin, expliquaLisa, avantd’agiter lamainpourme faire
taireetd’entamerdesexercicesderespiration.Bon,aumoinsçasignifiaitqu’elleneramenaitpasdéjàdesétrangersdansnotrechambre.Gabe
s’assitprèsd’elle,lesourirejusqu’auxoreilles.— OK, qu’est-ce que j’ai raté, là ? demandai-je en m’installant sur le canapé. C’est quelqu’un
d’important,ceWeston?Gabeéclataderireensetapantlacuisse.—Tudéconnes,là?Maistuvivaisoù?—Bickelton.—Quoi?Ilsepenchaversmoi,commepourm’examiner.Jeparlaisbienanglais,non?
—Unepetiteville,expliquaLisa,avantdereportersonattentionsurmoi.Jen’arrivepasàcroirequetuignoresquiestWeston.Sérieux?Tuasditqueturegardaislatélé,pourtant.—C’est vrai,medéfendis-je.Enfin, bon, je regardeNetflix et je lis desmagazines, tout ça.Du
moins,quandilssontdisponiblesàl’épicerie.—Putaindemerde,tuvisdanslesannéescinquante!ricanaGabe.Jeluijetaiunregardnoir.—WestonMichels,répétaLisa.Elletapalenomdanssontéléphone,qu’ellemetendit.J’auraisdûm’endouter.IlavaitunepageIMDb2.Pasbonsigne.Çasentaitl’industrieduspectacleàpleinnez.Jefisdéfiler
lapage.Etvoilà.L’articledeForbesdataitd’ilyavaitenvirondeuxans,àpeuprèsaumêmemomentquel’accident.
Jenesortaispasdesmasses,àl’époque.Jemerappellemêmetrèsbienqu’oncleJoavaitmenacédemefoutredehorssijenequittaispasmachambre.Je tapotai sur l’écran pour agrandir l’image. Il avait les cheveux plus longs, aujourd’hui. En
revanche,surlaphotodeForbes,ilparaissaitplusheureux,décontractémême.Jeravalailasoudainesécheresse dansma gorge tout en continuant à lire et à observer les clichés. Une nouvelle photoreprésentaitWestonMichelsetsonpère,RandyMichels,l’unedesplusgrossesfortunesmondiales.IlsavaientemménagéauxÉtats-UnisquandWestonavaithuit ans,cequiexpliquait sonaccent– jesavaisbienqu’ilsonnaitbritannique!—C’estunesorted’hybride,commentaGabeenmereprenantletéléphone.WestonMichelsestsur
lepointd’hériterd’unefortunedeplusieursmilliards.—Danscecas,pourquoiest-cequ’ilestRA?J’avaisexprimémonétonnementàvoixhaute.— C’est un châtiment pour ses nombreux péchés, lâcha Gabe. Et quand tu es le fils de Randy
Michels,tunepeuxpaspécheràl’abridesregards.Lemondeentieresttémoindetesturpitudes.—Des«turpitudes»?répétai-je.Qu’est-cequ’ilafait?—Violéunefille.C’estdumoinscequ’onraconte.Safamilleaachetélesilencedelavictime.Ils
sortaientensemble,àl’époque.Ellel’aplaqué,etpuisill’aobligéeàcoucheravecluiouuntrucdugenre. Les détails ne sont pas très clairs, conclut Gabe avec un bâillement. Toujours d’après larumeur,ildevaitabandonnerlafac,maissonpèreadûl’obligeràtoutavouer.Jemetordaislesmainsenessayantdecomprendre.—Donc…NotreRAestunvioleurprésumé?Commentpeuvent-ilsaccepterça,àl’université?—C’estvrai,ça,comment? intervintenfinLisa.Ce typeestundieu.Jepariequecettesalopea
monté cette histoire de toutes pièces.C’est pas possible qu’unmec comme lui prenne ce genre derisques.—Maislesrichesonttendanceàtoutcontrôler,arguai-je.MonestomacseserraalorsquejemerappelaimaconversationavecWestondanssachambre.Il
avaitfailliprofiterdemoi,ouquoi?Jem’enveloppaiplusfermementdansmonpull.—Çaprouvejustequel’argentpeuttoutacheter,fitGabeens’étirantsurlecanapé.IlestRA,ilne
s’estpasfaitvirerdel’équipedefoot,etd’aprèscequ’onraconte,ilrentrejusted’unweek-enddefêteàMalibu.Jediraisqu’ilvaplutôtbien.—Etlafille?demandai-je.—Ah,Lorelei.Ellevabienaussi.Lelendemaindel’incident,onl’avuesortiravecunautretype.
Ducoup,m’estavisquecettehistoiredeviol…Ouais,c’estsansdoutepasvrai.Enfin,moi,jenemesépareraispasdemonsifflet,àvotreplace.—Unsifflet?répétai-je.Unsiffletanti-viol?Gabesecoualatête.—Non,unsiffletd’arbitredebasket.T’essérieuse,là?—Oui.Ilm’observauninstant.—Jesuisinquietpourlasécuritédetacoloc,Lisa.—Arrête,ellevatrèsbien.—OK.Gabefermalesyeuxenricanant.—Etquandlegrandméchantloup,égalementconnusouslenomdeWestonMichels,déciderade
s’introduiredanssabergerie,qu’est-cequ’ellevafaire?Secacher?Regarde-la.Et il pointa le doigt dans ma direction. Je reculai d’un pas. Lisa pencha la tête sur un côté,
examinanttouràtourmatenueetmacoiffure.Malàl’aise,jecommençaiàm’agiteretmepassailescheveuxderrièrel’oreille.—Jepourraislarendremoche.Elletirasurmontee-shirtetloucha.Jeluitapaisurlamain,puiscroisailesbras.—Ilfaudraitd’abordluiraserlatête,suggéraGabe.Lisaopinaduchef.—Etluimettreunmasquesurlevisage.—Çapeutsefaire,acquiesça-t-il.— Euh…Non, intervins-je en reculant encore un peu. Ça peut pas se faire. Et arrêtez de vous
inquiéterpourmoi.Jevaisbien.Dumoins,tantquej’avaismesmédicamentsetminimumhuitheuresdesommeilparnuit,toutirait
bien.Jeserrailespoings,jusqu’àressentirlabrèvedouleurdesongless’enfonçantdansmespaumes.Sij’éprouvaisladouleur,çavoulaitdirequej’éprouvaisdeschoses,non?Parfoisj’avaisbesoindecepetitrappelpourmeconvaincrequejen’étaispasunemorte-vivante.—Trèsbien,conclutGabeenselevant.(Apparemment,lesujetétaitclos.)Jerepassevousprendre
vers21heures,OK?—Vingtetuneheures?m’étonnai-je.—Àplus!Lisaluidonnaunetapedansledosetilsortitdenotrechambreenfaisantuntoursurlui-même.Il
étaitmignon,danssonstylerockerunpeusombre,etLisaavaitraison–jecrois–:lestatouages,çan’étaitpassimal.Dumoins,surGabe.—Arrêtedematermoncousin,ordonna-t-elleenvenantseposterderrièremoi. Ilnesebatpas
danstacatégorie,mavieille,mauvaisenouvellepourlesfillescommetoi.Ilpasseraitlanuitavectoietlelendemainmatin,iltedonneraitunbaisersurlajoue,toutçaavantquetuaieseuletempsdedire«non».—C’estréconfortant,soupirai-je.—Allez,dit-elleenmeprenantlamain.Onapleindechosesàpréparer,sionveutavoirletemps
desepomponnerpourlafêtedecesoir.Etilfautencorequejerécupèremacarted’étudiante.—Jepeuxt’aiderlà-dessus,jeviensderécupérerlamienne,marmonnai-jeàmi-voix.EtjemeremémoraicommedansunflashleregardinquietdeWestonquandilm’avaitconseilléde
nepasmepromenerseuleetdefairebienattention.Lesvioleurssemontraient-ilsaussisoucieuxde
lasécuritéd’autrui?Iln’étaitpascoupable.C’étaitimpossible,carilauraitfacilementpuprofiterdemoi,oriln’enavaitrienfait.Aucontraire,ilm’avaitaidée.Pourtant,l’idéerestaitlà,dansuncoindematête:etsi…?
2.IMDbestlaplusgrandebasededonnéesaumondesurlesfilms,sériesTVetlesinformationssurlesstars.
Chapitre5
WESTON
Vivreestdifficile–maismourirestaisé.Tufermeslesyeuxetnelesrouvresplusjamais.Qu’est-cequ’ilyadecompliquélà-dedans?Rien.Saufqueçafaitunmaldechienàceuxquetulaissesderrièretoi.
J’aurais dû lâcher l’affaire. Commem’aurait ditmon docteur, je jouais avec des choses que je
feraismieuxd’oublier.C’estvrai,combiendetempsvousreste-t-il?J’enavaismarred’entendreça.C’étaitridicule.Mêmemonpèreenavaitassezdesdocteurs.Enfin,j’avouequej’enavaisdéjàmarreàmeshuitans,quandonm’aditquemamèrenesurvivraitpasàl’opération.Et c’était encore le cas l’an dernier, quandmon frère ne s’est pas réveillé de son… problème.
Certainespersonnessontconvaincuesquenotrefamilleestmaudite.Aprèstout,onnepeutpasavoirautant de pouvoir et d’argent que nous sans en payer les conséquences. Quand j’étais petit, monprécepteurmeracontaitqueparfoislesdramessurvenaientpournousobligeràcontinueràcomptersurDieu.Qu’est-cequ’illuifautencorecommeconfiancedemapart,àDieu?C’estvrai,quoi,j’aidéjàtout
perduet,cerisesurlegâteau,l’anderniermaréputationaétéruinéeàtelpointquej’aifaillimettreunecroix surmacarrière sportive, tout çaparceque j’avaisdit «non».Bizarrement, lesgensneparlentjamaisdeshommesdontonabuse.Je saisis le téléphone. J’avais son numéro. Ça craint, mon attitude. J’avais piraté le système de
l’écolepourlerécupérer.Etdirequelapauvrefillecroyaitdéjàquejelasuivais.Çan’arrangeraitpasmon cas, si je l’appelais comme ça pour juste lui dire « salut ».Loser. J’étais un loser total.Séduire les filles avait toujours été un jeu d’enfant pourmoi,mais pour tout dire, depuis l’annéedernièrejememéfiaisunpeu,niveaufilles.Monentouragem’yaidait.Jenommaiscesgensainsiseulementparcequeçasonnaitvachementpluscoolqueçanel’étaiten
réalité.Onfrappaàlaporte.Elles’ouvritavantmêmequej’aieletempsdel’atteindre.Davidentra,m’imposantsacarrured’armoireàglacedecentcinquantekilos,etjetamesmédicamentssurlatable.—Commentçava?— Super ! mentis-je, cachant aussitôt le petit morceau de papier où j’avais noté le numéro de
Kiersten.—Vousvoussentezbien?Davidsepenchaversmoietmeprojetalalumièredesalampetorchedanslesyeux,commeune
sortedescientifique.Jerepoussail’objetd’uncoupdepaume.—Oui.Jem’éclaircislagorge.Unbrefvertigemesaisit;voilàcequim’arrivaitquandjemelevaistrop
vite.—OùestJames?
—Sorti,soupiraDavid,visiblementlasdemesmilliersdequestions.Ilseraderetourpourvousaccompagneràl’entraînement.Vouspouvezyalleràpied,pasvrai?Jelevailesyeuxauciel.—Çan’estpascommesij’étaisivreoujenesaisquoi.—Vousvousêtesmisdebouttropvite,commenta-t-ilpourlui-même,avantdesortirunbloc-notes
danslequelilconsignaquelquesmots.Vousavezeudesvertigesrécemment?Desessoufflements?Hum. Rencontrer une fille à couper le souffle, ça comptait ? Et que son parfum me donne le
vertige?Qu’est-cequeDavidauraitàrépondreàça?—Monpère vous paie pour que vousme gardiez sain d’esprit, pas pour jouer les infirmières,
grondai-je.Davidplissalesyeux.—Vousêtespâle.—Merde.(Jemefrottailevisageàdeuxmains.)C’esttropdemanderqued’avoirunmomentde
normalité,s’ilvousplaît?Rienqu’un,oùvousneserezpasentraindegribouillersurvotrefichubloc-notes,sansparlerdemonpère,d’argentoudemonavenirou…Davidlevalamain.—Pigé.Désolé,Wes.Je culpabilisai sur-le-champ.Mais enmême temps, l’irritation reprenait le dessus. J’étais à cran
depuisdesmois, et je savaisquem’enprendreàDavidn’arrangerait rien, aucontraire, carc’étaitbien legenredechosesqu’il allait rapporteràmonpèrequandcedernier réclamerait soncompterendu.Ilpassamachambreenrevue.—C’estagréable,ici.—Pas de papotage, l’interrompis-je en riant.Ma chambre est exactement comme elle doit être,
propreetaccueillante.JesuisRA,jevousrappelle.—Oui,etmoijesuislareine,répliquaDavidd’untonsec.—Bon,lançai-jeenattrapantmesclésetmontéléphone,onvaàunefête,cesoir.—«On»?Ilhaussaunsourcil.—Oui,«on».Vous,Jamesetmoi.Jedoisrencontrerlerestedesétudiantsdemarésidence,orje
nepeuxpasfaireçasijemeterredansmachambrecommeunpauvremalade…Lesparolesrestèrentcoincéesdansmagorge.Jememordislalèvreinférieureetlaissaipasserce
nouveauvertige.—Jevaissortirfaireunpeud’exercice.—Vouspensezvraiment?— C’est tout ce qui me reste, rétorquai-je, sur la défensive. Pas question que j’abandonne le
footballaussi,David.Écrivezçadansvotrepetitbloc-notesettransmettezàmonpère.Macarrière,c’estlefootball.Jesuistropbonpourabandonner,nomdeDieu.Laseuleraisonpourlaquellejesuisrestésilongtempsàl’université,c’étaitpourfaireplaisiràtoutlemonde,maismaintenantque…Mavoixsebrisadenouveau. Incapablede terminermaphrase, je regardaiDavidensecouant la
tête.Ilsemblacomprendrelemessage.Avecunhaussementdementonunpeubrusque,ilmesuivitdans
lecouloirpuisdansl’ascenseur.J’avaisbesoindemedéfoulerdustressdelajournée,maissurtoutilfallait que je cesse de penser à la fille aux jolis yeux. Sans parler de ses cheveux. Elle les portaitlongs,presquejusqu’àlataille,etpourtantilsétaienttellementépaisquejebrûlaisd’envied’ypasser
lesdoigts.C’étaitlapremièrefillequejelaissaismetoucherdepuisLorelei.Enfin,jenel’avaispasvraiment
laisséeme toucher, disons plutôt qu’elle avait enfoncé les doigts dansmon ventre. N’empêche, jen’avaispasreculé.Aucontraire,j’envoulaisplus.Manifestement oui, j’en voulais plus, vu que je l’avais pour ainsi dire suivie pendant plusieurs
heures.Voilàquin’étaitsansdoutepaslameilleurefaçond’aborderleschoses.Les portes de l’ascenseur s’ouvrirent avec un « ding ». David et moi sortîmes et les têtes se
tournèrent.Onme dévisageait.Contre toute attente, je nem’y étais toujours pas habitué, depuis letemps. Je détestais ça. Les gens attendaient systématiquement quelque chose de moi. Ce qui estironique,si l’onconsidèrequej’auraisdonnémonbraspourêtredanslapeauden’importelequeld’entre eux. J’auraisvolontierspris laplacedugarsqui se curait lenezprèsde laported’entrée,voirecellede lafilleà lunettesetdentsdecheval.J’auraismis lespiedsdans lesstarting-blocksetcourudansladirectionopposée.Nonquejedétestaismavie.Enfait,c’étaitmêmetoutlecontraire:j’adoraislavie.Lesportesdudortoirs’ouvrirent.Quelquesfillessortirentleurtéléphoneportable–sansdoutepourprendredesphotos.Jesoupirai.
Ah,cespremièresannées!Jeleurfisunsignedelamainavantdepoursuivremonchemin.JamesvintrejoindreDavidetse
postaàmagauche.D’autresfillespouffèrentenmecroisant.L’uned’ellesfaillits’évanouir.C’étaitça,mavie.
Chapitre6
KIERSTEN
«Intothefire»3…Àmoinsquecenesoitpas«aufeu»maisplutôt…Enenfer?
—Tuesprête?Lisaestompaleglosssurseslèvresetvérifialerésultatdanslemiroir.—Parcequemoi,oui.J’éclataiderire.—Çaoui,tuesprête.Macolocatairearboraitminijupe,talonshautsettee-shirtcourt.Jamaisdemavieonnemeverrait
porterunetenuepareille.OncleJometuerait.J’auraisenviedemetuermoi-même.C’estvrai,quoi,c’étaitaveccegenredevêtementsquelesfilless’attiraientdesennuis.Lisaseretournaversmoi,lesourcilfroncé.—OK,bon,tunepeuxpasyallercommeça.—Quoi?Jebaissailesyeuxversmonjeandroitetmesbottes,quej’avaisaccordésavecuntee-shirtblancet
unequeuedecheval.—Onvaàunefête.—Jesais,répondis-jeenhaussantlesépaules.Jesuishabillée.—Certes, admitLisa, d’un ton toutefois peu encourageant.Mais tu n’es pas nonne, or là, on te
croiraittoutdroitsortied’unpensionnatdejeunesfilles.Unpensionnatde jeunes filles ?Tous lespensionnairesdemaconnaissance étaientparfaitement
normaux.D’ailleurs,j’avaissuppliémononcledemefairescolariserdansunpensionnat,aprèslesévénements.Jebaissailesyeuxversmesvêtementsethaussaiunenouvellefoislesépaules.Unesériedecoupsbruyantsfurentfrappésàlaporte,suivieparl’irruptiondeGabe.—Waouh,cousine,tuasl’intentiond’emballer,cesoir?Elleréponditparunsourire.PuisGabeposalesyeuxsurmoi.—Ettoi,tuesdéguiséeeninstitutrice.Pourquoi?—Trèsdrôle.—Jenedéconnepas.Haussantlessourcilsàplusieursreprises,ilfitminedes’étouffer.—C’estmonstyledevêtements,annonçai-jeàLisaavecunsoupir.Jeneportepasdeminijupesou
depetitesbrassières.— Ben tu vois, dit-elle en désignant son tee-shirt, le simple fait que tu qualifies ceci de
«brassière»m’ouvrelesyeuxsurunechose.—Laquelle?—Tuasbesoind’aide.
Gabeopinaduchef.—Eh,jenesuispasCendrillon!Gabesepenchaversmoienricanant:—Laissetombertapantoufle,murmura-t-il.Chiche!—Ooooh,ilveutramassertapantoufledevair,semoquaLisa.—Cesontdesbottes,rectifiai-jeenlevantlajambepourleurmontrermesbottesencuirnoir.—Nemetentepas,fitGabeavecunemouesuggestive.Enfait,vêtementsoupas,tuessupersexy.
Maissij’étaistoietqueWestonMichels–WestonMichels,merde!–mecouraitaprès,jeferaisensorted’êtreàlahauteur.—Je…Jouant nerveusement avecma longue queue-de-cheval, jem’observai dans lemiroir. Ils avaient
raison. Je ressemblais à uneAmish. Je suivais lamode avant,mais depuis quelque temps, toutmeparaissaitplusoumoinsinutile.Aumoinsj’avaisrecommencéàmangeretàmelaver–undétailqueGabe et Lisa n’avaient pas besoin de connaître. C’était une évolution énorme, pour moi, de mesoucierdemonapparence.—OK,admis-jeenlevantlesyeuxauciel.Jevaischangerdetee-shirt,maisjen’iraipasplusloin.Ungrandsourireauxlèvres,Lisafrappadanssesmains.—Vendu!Dixminutesplustard,jedoutaisfermementdemacapacitéàavoirl’airnormale.Lehautqu’elle
m’avaitprêtén’atteignaitmêmepaslaceinturedemonjean,dévoilantcinqbonscentimètresdepeaunue.J’avaisbienessayédemecourberversl’avant,maisGabem’avaitalorsappeléeQuasimodo,mefaisantpasserl’enviedejouerlesbossues.La fête avait lieu dans le hall principal de la fac. Bon, les choses ne pouvaient pas échapper
complètement à mon contrôle, si ? C’est vrai, quoi, on était dans l’enceinte d’un établissementscolaire,etcettefêteétaitsuperviséeparl’université.Cen’étaitpascommesilesparticipantsallaientapporterdesdrogues,del’alcooloud’autrestrucsdanslegenre.Oncle Jo m’avait mise en garde : l’alcool et mon traitement ne faisaient pas bon ménage.
Apparemment,cesmédicamentsvousrendaientsoûldeuxfoisplusvite.Autrementdit,ilsuffiraitqueje boive un verre pourmemettre à danser devant tout lemonde, avec un abat-jour sur la tête.Enmêmetemps,çam’éviteraitaumoinsd’avoirhontedemontee-shirttropcourt.À l’instant où l’on entra dans le hall, tous les regards se tournèrent dans notre direction. Pas le
genrede regardsque l’onreçoitquandonaun truccoincéentre lesdents,non,plutôtdes regardscurieux.Peut-êtreàcausedeGabe.Jemecollaiplusprèsdeluietilnouspritchacune,Lisaetmoi,parlataille.—ÇaarrivetoutletempsavecGabe,expliquaLisaenriant.Ellefitminededonneruncoupdepoingdanslebicepsdesoncousin.—Lesgensn’arriventpasàsavoirs’ilesthypersexyoujustedérangé.—Merci,Lisa, répondit l’intéressé en fronçant les sourcils à l’attentionde sa cousine, avant de
chuchoterdansmonoreille:Pourinfo,jesuisjustesexy.—Maisoui,biensûr,lâchai-jeaveccondescendance.Renversantlatêteenarrière,iléclataderire.Jenepensaispaspouvoirêtreattiréeparluiunjour,
maisilémanaitdecegarçonquelquechosederéconfortant.Parexemple,sijeluidemandaisdemereconduire chezmoi àBickelton aubeaumilieude lanuit, àquatreheuresde routeducampus, ilaccepterait etme paierait un café en prime. Je n’avais jamais vraiment eu d’ami comme ça avant.C’étaitagréable.
Lisaparcouraitlafouleduregard.—Alors…Oùilest?—Qui,toncavaliermystèrepourlanuit?s’enquitGabeenallantnouschercherunverredepunch
surunetable.—Non, répondit Lisa, sans cesser de scanner la pièce.Weston. Où il est ? C’est le RA, il est
forcémentlà…—Ahbon? intervintunevoixsuavederrièrenous.Etmoiquimesuissentiobligédefaireune
apparition.Jenecroyaispasqu’onmechercherait.Àl’exceptiondelamusiquequitonnaitdanslesbaffles,plusaucunsonneprovenaitdelasalle.Les
convives essayaient d’entendre ce qu’il disait, ça se sentait, d’ailleurs ils s’attroupaient autour denotrepetitgroupe.WestonneprêtaitpaslamoindreattentionàLisaetGabe.Sesyeuxétaientrivésauxmiens,etaux
miensseulement.—Tuesvenue.—Onm’yaobligée.—Contrainte,précisaLisaenlevantlesyeuxauciel.Gabeassistaitàl’échangeavecunamusementnondissimulé.EtWestoncontinuaitàmedévisager.Manifestementlassédecettesituationembarrassante,Gabem’écartaettenditlamainendirection
deWeston.—Onlatrouvetropcoincée,voilàpourquoielleneparlepas.Etalorsqu’iltendaitundoigtversmoi,lachaleurmontabrusquementàmonvisage.—Maiscommeelleesttropmignonne,onlaprendavecnous.Etcelle-ci,c’estmacousine,ajouta-
t-ilendésignantLisa.Etjesuisquasicertainquetoietmoi,onétaitencoursd’aïkidoensemble.WestonarrachasesyeuxauxmiensetlesposasurGabe.Hochantlatête,illuiserrafermementla
main.—Enfait,jepensequec’étaitentiràl’arc.—C’étaitgénial,cecours,soupiraGabe.—Ah,çayest,ditWestondansunsourire,jemerappelle.Tueslemecquiatiréuneflèchedans
lesfessesdelaprof.—Elleavaitrepoussémesavances,expliquaGabe,nonchalant.—Harcèlementsexuel,toussotaLisa.Gabeagitalamainpourlafairetaire,avantdepoursuivre:—Çasepassecomment,lesentraînements?—Ilparledefoot,murmuraLisa.Chut,ondiraitunbébétortuequiessaiedegagnerl’océan.Soit
ilsefaitmangerparcequ’iln’yconnaîtquedalleensport,soitilsemetànagerdanslegrandocéanetdécouvrequ’ilestunvraimec.—Çava,réponditWeston,sansprêterattentionànous.Maistusaiscommentc’est:rude.Enfin,la
saisons’annoncebonne.—Tu crois que vous allez remporter le championnat, cette année ? demandaGabe, visiblement
intéressé.—Grandsdieux,lebébétortuearéussi!murmuraLisaàmonoreille.—Ouais,fitWeston,dontleregardseposasurmoiunefractiondeseconde,avantdesereporter
surGabe.Lecoachvise la finale.Aprèsnotredéfaite faceà l’universitéd’Oregon l’andernier,onmeurtd’enviedeseracheter.
—M’enparlepas,soupiraGabe.JedétestelesDucks…—«Vertetjaune,vertetjaune»,entonnaLisaderrièrelui.—Jetepréviens,jeteflanquemonpoingdanslafiguresanshésiter,situchantesçaencoreune
fois,l’avertitGabe.Àquoielleréponditensouriantdetoutessesdents,avantd’ajouter:—Bien,j’enaiterminéavecmamissionici.Jeviensd’apercevoirl’undesmecsquej’aicroisésà
l’inscription.Ilestentré,nosregardssesontcroisés…Etlà,jevaislerejoindreaumilieudelapistededanse.—Elleaimeracontersavie,commentaGabequandellesefutéloignée.—Cool,répondis-jeenriant.Ilfaudraitqu’elleyajoutesabandeoriginale.—Nevapasluisuggéreruntrucpareil,répliquaGabeensecouantlatête.Elleseraitbiencapable
desemettreàracontersavieenchantant.DéjàquejeperdsdespointsdeQIàforcedetraîneravecelle…La conversation commençait à ronronner. Weston continuait à me fixer. Le sourire de Gabe
s’étirait de minute en minute. Enfin, il marmonna quelque chose au sujet du punch qu’il allaittrafiquerets’éloigna.CequisignifiaitqueWestonétaitlepireRAdel’histoiredesRA,s’ilacceptaitqueGabetrafiquelesboissons.—Allonsfaireuntour,proposa-t-ilenm’offrantsonbras.J’hésitai,posailesyeuxsursonbrastendu,puissursonvisage.—Jenesaispassijedois.—Jenel’aipasfait.Ildéglutit,fermantlesyeuxpendantunefractiondesecondeavantdelesreplongerdanslesmiens.—Leviol,précisa-t-il.Jesuissûrquetuenasentenduparler.Tupeuxmefaireconfiance.Enfait,
jevaismêmeteprêterunsiffletanti-viol.—Tuenassurtoi?m’étonnai-je.—Benoui,lesviolssurdeshommes,çaarriveaussi.Sonsouriredisparut,puisilfouilladanssapocheetmetenditunsifflet.—N’oubliepasleplusimportant,concernantcespetiteschoses.—Quoi?Je pris le sifflet rouge enmain et l’examinai. Je sentis la respiration deWestonm’effleurer le
visage.—Desoufflerdedans.—Hein?OK, j’admets, j’étais sur le point de défaillir. Ses lèvres n’étaient qu’à quelques centimètres des
miennes.—Ilfautsoufflerdedans…Seslèvrespleiness’étirèrentenunlargesourire.—Lesifflet.Tusais,pourqu’ontevienneenaide.—Oh,murmurai-je.Oui.Ilmeguidaàl’extérieurdelasalle.Aprèsnotrepetitéchange,j’étaisheureusedepouvoirencore
marcherdroit.Jenecomprenaispascequichezmoiavaitattirésonattention,maisdansuncoindema tête, jenepouvaism’ôter l’idéequeçan’étaitpasbon.Devenir sonamie, çane fonctionneraitjamais,etêtreplusmefaisaitpresquemourirdeterreur.
3.ChansondeThirteenSenses
Chapitre7
WESTON
Notepourmoi-même:silesourired’unefilletefaitoubliertonproprenom…tuesdanslamerde.—Parici.Jeluiattrapailamainetl’entraînaidanslarue.—Alors,parle-moiunpeudetoi,Kiersten.Nul.Mapremièrequestionmanquaittellementd’originalitéquej’avaisenviedemefrapper.Voilà
quelseffetsl’attirancepourunepremièreannéepeuventproduiresurvous.—J’aidix-huitans.—Non,jenevoulaispas…Jemetournaietmeretrouvaisouslefeupénétrantduvertprofonddesesyeux.—Enfin, si, je suis ravi que tu soismajeure – je ne veux pas avoir de problèmes parce que je
t’auraitenulamainouquoiquecesoit.—Oui,bof,tun’aspasvraimentleprofildugarsquisecontentedetenirunefilleparlamain.— Exact, soupirai-je, même si j’adore lesmains. Àmoins que ce ne soient les tiennes quime
fassentceteffet-là,petitagneau.Et c’était vrai. J’aimais ses mains. Tout chez cette fille respirait l’innocence. Je culpabilisais
presquedelacorrompre,deladésirer.Jedisbien«presque».—Etc’estrepartiaveccesurnomridicule…—Eneffet,admis-jeenluiserrantlamainunpeuplusfort.Ensilence,noustraversâmeslapelousejusqu’autrottoir.Lesilences’étiraencoretandisquenous
passionsdevantquelquesvoitures,etpuisenfin, sous ledeuxième lampadaire,elle s’immobilisaetmerepritsamain.—Écoute…Ellesebalançaitnerveusementd’unpiedsurl’autre,sesyeuxinnocentsposéstouràtoursurlesol
etsurmonvisage.—J’ignoreoùtuveuxenvenir,avecmoi.J’appréciel’aidequetum’asapportéeaujourd’hui,tout
ça,mais…Jehaussaiunsourcilamusé.—Mais?—Jenesuispascommeça,chuchota-t-elle.—Commequoi?—Ça,répéta-t-elle,lesjouesteintéesderose.Pasdugenreàsortiraveclesmecs.—Ah,ça,marmonnai-jeen faisantminedecomprendre, tout en souriantde sonembarras.Moi
nonplus.—Hein?—Moinonplus,jenesuispasdugenreàsortiraveclesmecs.Jenesuispascommeça.Àprésent
qu’onaeucetteconversation,onpeutêtreamis,dis-jeenluireprenantlamain.—Je…euh…Maiselleneputallerauboutdesaphrasecarc’estàcemomentprécisquel’undemescoéquipiers
nousdépassaenvoiture.Lepiretimingdel’univers.—Michels!cria-t-ilparsavitreouverte.YaunefêtechezlesKappacesoir!Puisilactionnasonklaxonetfila.—Desamis?s’enquitKiersten.—Pire,répondis-jeenricanant.Descoéquipiers.Jem’immobilisaietluieffleurailebras.—Tuasenvied’alleràuneautrefête?—Jeferaismieuxderentrer…—Viens,insistai-jeenl’attirantplusprèsdemoi.Rienquequelquesminutes.Jeteprésenteraiàdes
gossesderiches.Ensuite,unpetitverredelaitetaudodoavantminuit.Elleplissalespaupières.—OK,OK,jeprécisequejeteborderaidanstonlit.Touteseule.C’est-à-dire,sansmoi.Ellejetauncoupd’œildanslarue.—OK.Trenteminutes.Sachequejen’hésiteraipasàmeservirdemonsiffletanti-viol!—Jet’enprie,murmurai-je.Commeça,quandtumelerendras,jesauraiqueleffetçafaitd’avoir
teslèvressurlesmiennes.Ellecilla.—Tunepeuxpasmediredestrucscommeça.—Pourquoi?demandai-jeenluisoulevantlementon.Çatemetmalàl’aise?—Oui,dit-elledansunsouffle.—Bien,soupirai-je.Jemecontenteraidoncdelespenseretdeteregarderavecdesyeuxdemerlan
frit.Çat’iracommeça?Elleéclataderire.—Tufaisbiencommetuveux.—Lessifflets.(Jehochailatête.)Lesrousses.(Denouveau,jeluiprislamain.)Etlesvierges.Lerosedeses joues tournaaurougevif,etellesemitàmeserrer lamaindeplusenplusfort.
Intéressant.J’étaisplutôtdouépourdevinerlesgens,etj’auraispariéqu’ellen’avaitjamaiséchangélemoindrebaiseravecungarçon.Voilàpourquoicetteconversationlamettaitmalàl’aise.—Petitagneauvierge…,soupirai-je.Jevaispeut-êtretesacrifiersurunautel.—J’aimeraisautantnepasêtresacrifiée.—Onnesaitjamais,fis-jeavecunsourirecoquin.Turisqueraisd’aimerça.—Onnesaitjamais,eneffet,soupira-t-elle,rêveuse.Jerisqueraisdetepoignarder.—Ce serait justice, admis-je en riant. Bon, allons-y.On a des gens à voir, du lait à boire, des
étudiantsdepremièreannéeàcorrompre.
Chapitre8
KIERSTEN
Leschosesnesontjamaiscequ’ellesparaissent.Jamais.Jenem’étaisjamaisretrouvéedansunefraternité.D’ailleurs,toutcequej’ensavais,notammentà
quoiçaressemblait,jeletenaisducinéma–desmecsquifaisaientlafête,desgensquibuvaient,desverresjonchantlapelouse.Jem’attendaisdoncàtout,saufàquelquechosed’ordonné.Lamusiqueétaitforte,maislefestinétaitplusdingueencore.Del’alcooletdelanourriturepartout,desgenshabilléscommedesstarsdecinéma,et lesmecs
présentsàcettefêteparaissaienttoutdroitsortisd’unmagazine.—Lesgars, lançaWeston, lesmainsplaquées surmesépaulespourmepousserà l’intérieur, je
vousprésenteKiersten.—Salut,marmonnèrentquelques-unsenmesouriant.Ils ne ressemblaient pas aux sportifs tels qu’on se les imagine.En fait, la plupart sirotaient leur
boissonendiscutantfootball,tandisquelesfillesparlaientjoyeusementdescours.—Ah,repritWestonenmetirantparlamain,etcestypes,là-bas,quiviennentd’entrer…Ildésignadeuxgarsplutôtbalèzes.Ungranddégingandéd’aumoinsdeuxmètresetl’autreportant
lunettesàmonturenoireetbarbiche.Tousdeuxàpeuprèslatrentaine,àvued’œil.—Ilstravaillentpourmoi.Oupourmonpère.Selonlafaçondontonconsidèrelachose.Tuasle
moindreproblème,quelqu’un t’embête ici ?Tun’asqu’àcourirdans leurdirectionavec le sifflet.Pigé?—Euh…oui,maispourquoionm’embêterait?Quelqu’unricanadansmondos.—Viandefraîche.—Ai-jebesoind’ajouterquoiquecesoit?grognaWeston.JeteprésenteDrake.—Salut,Drake.J’avalaimasalive,faisantdemonmieuxpournepascroiserleregardprédateurdel’intéressé.Il
avaitlesyeuxmarronfoncéetlescheveuxblondcendré.—’lut,fit-ilavecunhochementdetête.Etlaconversations’arrêtalà.Westonmeprésentaàdestasdegens,quisefichaientpasmaldesavoirquij’étais.Laplupartse
montrèrent polis, point barre. Après quelques présentations supplémentaires, il m’entraîna à lacuisine.—Onvateservirunverre.—Euh…Jen’aijamaisbud’alcool,répondis-je,lesmainslevées.—Jesais,fit-ilavecunsourire.Raisonpourlaquelletoietmoisommesenmission,sijepuisdire.
Premièrefêtedefraternité,premierverre,premièrefoisavecunétudiantdedernièreannée…
—Çava.Jesecouailatêtequandilmetenditungobelet.—Non,çanevapas.Unegorgée,etjepourraimourirheureux.Ilsouriaittoujours,maistandisqu’ilattendait,legobelettoujourstenduversmoi,lalueuramusée
avaitdisparudesonregard.—Tumepoussesàboire?TusaisquetueslepireRAquej’aiejamaiscroisé?Ilhaussalesépaules.Leliquidetombadanslegobelet.Sombre,etquisentaitlabananepourrie.—Qu’est-cequec’est?—Delabière.Unegorgée.Allez…Jemebouchailenez.Ilritdemoi,maisjem’enfichais.Legoûtrappelaitlabanane,enplusamer,
etlemoisi.Alorsaprèsunegorgée,jem’arrêtaietluirendissonverreentoussotant.—Tuvois?lança-t-ilenéclatantd’unrirecommunicatif.Çan’étaitpassidifficile.—C’étaitatroce!répondis-jeenletapantsurlebras.—Qu’est-cequejet’avaisdit?Pasbesoindesifflet!Jenesuispasdangereux,c’estpromis.Ilritdeplusbelle,puisvacillaunpeusursespieds.Avecunjuron,ilserattrapaaucomptoir.Jemeprécipitaiverslui.—Toutvabien?Ilmerepoussavivementetclignadesyeuxàplusieursreprises.—Ouais,ouais.J’ai juste…besoind’aller récupérerun trucauprèsdeJames.Je reviens toutde
suite,OK?Nesuispersonneàl’étage,etinterdictiondeboirequoiquecesoit,pasmêmedel’eau.—Oui,chef,répondis-jeeneffectuantunsalutmilitairepouressayerdelefairerire.Aulieudequoiils’éloignalentement,luttantcontrelanausée,melaissantseuledanslacuisine.—Intéressant,lâchaunevoixdefemmequelquessecondesplustard.Tuessonnouveauprojet?Jefisvolte-face.—Son«projet»?Lafilleétaitsublime.Desjambesinterminables,unerobeblanchemoulanteetdescheveuxnoirs
quitombaientencascadessouplesautourdesapoitrine.—Ouais,son«projet».Ellesaisitungobeletdebièreetledescendit.—Ilmetlegrappinsurunepetitenouvellechaqueannée.—Ahbon?L’angoissemetorditl’estomac.—Commentdire?Ilselassevite.Crois-moi,d’iciNoëlilauraoubliétonnometserapasséàla
suivante.Laisse-moideviner:petiteville?innocente?ToutcequiattireungarsaussipuissantqueWes,maisrienqu’ilaitenviederameneràlamaison,situvoisoùjeveuxenvenir.Ilfaitjoujouavecautantdenunuchesqu’ilpeut,puisilvafairelafêteaveccellesquis’intéressentvraimentàluietàsavie.Alorsprofites-entantqueçadure.C’estcequej’aifait.Elleavalaituneautrelonguegorgée,justeaumomentoùWestonrevenaitdanslacuisine.Àlasecondeoùsesyeuxseposèrentsurlafille,ilmesemblalevoirgrogner.—Putain.Qu’est-cequetufouslà,Lorelei?—J’aiétéinvitée,ronronna-t-elle.Tudevraisêtrecontentdemevoir.Çatefaitunebonnepub,toi
etmoientraindediscutercommesiderienn’était.Ilserralespoings.—Leproblème,c’estquequelquechoses’estpassé.
—Qui raconteun trucpareil? répliqua-t-elleenéclatantde rire, la tête renverséeenarrière. Jefaisaisjusteconnaissanceavectanouvellepetitecopine.—Etnous,onpartait.Surce,ilm’attrapaparlebrasetm’attiraprèsdelui.—Rappelle-toicequejet’aidit,gamine.Loreleimelançaundernierregardavantdequitterlapièceenvirevoltant.Jepoussaiunsoupiret
emboîtailepasàWestonquim’entraînaitdehors.Lesdeuxtypesqu’ilm’avaitmontrésplustôtnoussuivirentàquelquesdizainesdemètres,tandisquenousredescendionslamêmeruequ’àl’aller.—Jesaisquetunemeconnaispas.LesparolesdeWestonétaientsèches,commesitoutesajoiel’avaitquitté.—Mais tu ne dois pas faire confiance à cette fille. Elle raconte n’importe quoi pourme nuire.
Disonsçacommeça.Ellen’estmêmepascenséese trouveràmoinsdequinzekilomètresdemoi,alorsunmètre…—Elleestétudianteici?—Non,répondit-ilavecunriresansjoie.Elleadécrochésondiplômel’andernier.Nosparents
étaientamis.—«Étaient»?—Ouais.Baissantlatêted’uncoup,illâchaunevoléedejuronsetsemorditlalèvre.—Jusqu’àcequetoutexplosel’andernier.Ilscroientencorequejel’aifait.Enplus,Loreleiessaie
envaindedeveniractrice,cequin’aidepas.Laseulefoisoùje l’aivueréussirdansunrôle,c’estquandelleaessayédem’envoyerenprisonpouruncrimequejen’avaispascommis.—Jesuisdésolée.Moncœurseserradansmapoitrine.—Nesoispasdésolée,soupira-t-il.Cequiestfaitestfait,pasvrai?—Eneffet,murmurai-je.— Je ne me sens pas très bien, dit-il en trébuchant. Je dois couver quelque chose, je vais te
raccompagnergentimentjusqu’àtachambreettesouhaiterunebonnenuit.—Onavaittoutprévu,hein?letaquinai-je.Ilsemitàrire.Waouh!Sonvisages’éclairaitquandilétaitheureux.Jevoulaisêtrelacausedeson
rire,toutenétantconscientequec’étaitridicule.Jeleconnaissaisàpeine,cegarçon,etlepeuquejesavaismepoussaitàmeméfierdeluipourdesraisonsévidentes.—Kiersten?—Oui?La fêtebattait toujours sonpleinquandonarrivaauniveaude la résidenceetqu’onmontadans
l’ascenseur.—Merci.—Dequoi?Alorsqu’ilposaitlesyeuxsurmeslèvres,surlesquellesilrestarivéplusieurssecondesavantde
lesreportersurlesportesdel’ascenseur,marespirationdevintincontrôlable.—Dem’avoircru.Jeluiprislamain–qu’est-cequejefabriquais?–etserraisesdoigtsentrelesmiens.—Jusqu’àcequetumedonnesuneraisondeneplustefaireconfiance,jetecroiraitoujours.C’est
normal.—Desefieraveuglémentàuninconnu?
Sonregards’étaitperdudanslevide.Ilavaitlesyeuxvitreuxetlesjouesterriblementpâles.—Non,répondis-jetandisquenousnousdirigionsversmachambre.Desefairedesamisetdeles
croirequandilsvousracontentlavérité.—Kiersten…Lavoixrauque,ils’appuyacontremaporte.—Jeneveuxpasêtretonami.—Ah.Jedétestailafaçondontmonventreseserra,commesiWestonvenaitdem’avouerqu’ilabhorrait
Noëletvoulaitbrûlertouslesromansàl’eauderosecontenusdansmaliseuse.—Jeveuxplus,chuchota-t-il.Etcettefois,jesentislachaleursortiedeseslèvressurmesoreilles.—Avectoi,jepensequej’envoudraitoujoursplus.Mais…Ilsoupiraetmetenditlamain.—Jemecontenteraid’êtretonami,sil’offretienttoujours…Despicotementsdanslesdoigts,jeserraisamain.Sonsourireilluminamasoirée.Ilfitvoleren
éclatsmonancienneexistence,etlemêmeétrangesentimentmesubmergea.Commesijemanquaisdetemps,oupeut-êtrecommesi lapénombremerattrapait.J’essayaidelibérermamainmaisil laretint.Jedétestaiscettesensationdeperdretoutcontrôle.D’habitude,lesmédicamentsm’aidaient,maisen
cetinstantprécis,j’avaisl’impressionquemesyeuxm’incitaientàmejeterdansuntrounoiravecluietquejen’étaispassûred’êtreprêteàlefaire.— Ça va bien se passer, chuchota-t-il en prenant une mèche de ma queue-de-cheval pour
l’examiner.—Quoidonc?—Tonpremierjourdecours.Unsouriretristepassasursonvisage.—Dequoid’autreest-cequejepouvaisbienparler?—Oh,tusaisbien…lavie,plaisantai-je.J’avaistellementenviedeluiredonnersonvraisourire.Aulieudequoiilcessacomplètementdesourireetdéglutitavecpeine.—Bon,alorsdorsbien,Kiersten.Penseàmoi.—Etàtestablettesdechocolat?suggérai-je.Ilrenversalatêteenarrièreetéclataderire.—Waouh,j’enavaisbesoin.Merci,monamie.—Avecplaisir.Jem’empêchaideletoucheretterminaimaphrase:—Monami.—Jepensequetuessansdoutelameilleureamiequej’aiejamaiseue,commenta-t-il.Il ne bougeait pas.Au contraire, il restait àme fixer, et ses yeux semblaient absorber jusqu’aux
moindresdétails,commesijerisquaisdedisparaîtreouuntrucdugenre.—Etc’estunebonnechose?— J’aimerais bien le savoir, répondit-il, avant de désigner l’autre bout du couloir.Ma chambre
m’appelle,elleetl’entraînementà5heuresdemainmatin.Bonnenuit.
Chapitre9
WESTON
Cadeau?Malédiction?Commentsavoir?Entoutcas,letempspresse.Arc-boutéau-dessusdestoilettes,jelâchaitoutmonpetitdéjeuner,mondéjeuneretmondînerdans
un grognement, sans compter le cocktail de protéines que je venais d’avaler. J’avais horreur devomir.J’avaisl’impressionderetomberenenfance.Mamèreétaittoujourslà,quandj’étaismalade.Aujourd’hui,ilnerestaitplusquemonpère.Or il envoyait des gens pour faire le sale travail. Non qu’il ne m’aime pas, mais il avait plus
importantàgérerquesonfilsentraindedégobiller.Aumoins,j’étaiscontentd’avoirvomitoutelanuit.Çasignifiaitquej’auraistoutexpulséavantl’entraînement.Mêmedansmesplusmauvaisjours,j’étaismeilleurquelaplupartdesautresjoueurs.Je n’aurais pas dû en faire autant, surtout avec mon nouveau traitement, mais je voulais aider
Kiersten.Soninnocencem’attirait,aumêmetitrequesoncôtésombre.Bonsang,jevoyaispresquelittéralement les nuages noirs s’amonceler au-dessus de sa tête. J’avais déjà vécu ça et bien pire.Parfoissonsourireétaitfaux,d’autresfoiselleétaittellementinquiètedecequelesautrespouvaientpenser d’elle que ça me donnait envie de la secouer. Peut-être qu’un observateur inattentif ne leverraitpas,maissesyeux,lafaçondontilsseconcentraientsurtoutsubrepticement,commesiellecraignaitquefixerleschosestroplonguementrisquaitd’attirerl’attentionsurelle…C’étaitbizarre,devoirunefilledontlephysiquehurlait«regardez-moi»serecroquevillersurelle-même.Amis ? Putain non. J’étais probablement la pire chose qui puisse lui arriver, le pire ami de
l’universtoutentier.Jefiniraisparluibriserlecœur,quoiqu’ilarrive.Celadit,jetenaisàrendreçalemoinsdouloureuxpossible.Conclusion,vumescapacités salementamochéesen termesde self-control,mieuxvalaitque jemecontentededevenir lemeilleur amiqu’elle ait jamais eu.La seulesolution,c’étaitdenepasm’attacheràelledupointdevueromantique.Jeneluiferaispasça.Aprèstout,illuirestaitquatrejoyeusesannéesdefac,alorsquepourmoi,d’iciquelquesmois,ceseraitfini.J’enfilaimonmaillotd’entraînementet saisismesclés. Jedétestaisallerà l’entraînementàpied.
L’airétaithumide,lematin;lafacultédonnaitsurl’océanPacifique,ducoupilfaisaittoujoursfroidàcetteheuredelajournée.Avecunsoupir,jem’arrêtaidevantlachambredeKierstenetglissaiunmotsouslaporte.—Etc’estpartipourl’amitié,murmurai-je.J’arriverais peut-être à l’aider à sortir de son fichu cocon.Et ça suffirait peut-être à amener un
souriresurseslèvres,lejouroùjepartiraispourdebon.
Chapitre10
KIERSTEN
Peut-êtreque les ténèbresne se refermaientpas surmoi, comme je l’avaiscruaudébut.Peut-êtreétait-cemoiquilesfaisaisentrersanslesavoir.
Leréveilmetiradusommeildansunsursaut.Lapremièrechosequimetraversal’esprit,cefutque
cettenuit,mescauchemarsn’avaientpasétéaussiatrocesqued’habitude.En fait, jenem’étaispasréveilléeenhurlant.J’eusenviedesauterdejoieenremerciantDieu.Celafaisaitdesmoisquemontraitementmedonnaitdescauchemars,maisçavalaitlapeines’ilm’aidaitàsupporterlesjournées.J’éteignis l’alarme demon téléphone etme traînai jusqu’à la porte. J’étais contente qu’onm’ait
misedansunesuiteavecLisa.Nouspartagionslacuisineetlesalonavecdeuxautresfillesenprépamédecine.Cequi revenait à vivre seules, car ellesne regardaient jamais la télé, ne semblaient pasmanger non plus, et quand je leur avais demandé si elles étaient sur Facebook, elles m’avaientrépondutouteslesdeuxparunregardréprobateur.Enbâillant,j’allaisàlacuisinepourlancerlecaféjusteaumomentoùLisasortaitdesachambre
entrébuchantetenjurant.—Troptôt!—Ilest7heures.—C’estbiencequejedis.Lisapassalesmainsdanssescheveuxblondsets’assitàlatable.—Oùtuespassée,hiersoir?Quandjesuisrentrée,tuétaisdéjàcouchée.—Euh…J’étais…Jemeconcentraisurlatâcheconsistantàverserlecafédanslefiltre.—AvecWeston.Ilm’aemmenéeàuneautrefêteet…—Waouh!croassamacolocataire.Uneautrefête?Oùça?—Kappa.—Paspossible !hurla-t-elle. Ilsdonnent lesmeilleures fêtesde laplanète,et seuls lesdernières
annéesysontinvités!Tuasrencontrédesbeauxmecs?Ilsétaientsympas?Ilyavaitdeladrogue?J’aientendudirequ’ilsprenaientdesdrogues,là-dedans.Putain,ettuvasyretourner?Tucroisqueceseraitunebonneidée?Fautqu’onappelleGabe.—Tuasfini,oui?Elleinspiraetexpiradeuxfoisavantdehocherlatête.—Oui,jepense.—Bien.Lecafécommençaitàpasser.—Toutsemblaitnormal.C’étaitjusteunrassemblementdequelquesbellespersonnesquibuvaient,
mangeaientet…J’omislepassageconcernantLorelei.
—Et?demanda-t-elleensepenchantpar-dessuslatable.Etquoi?Ilt’aembrassée?Tuvasportersonenfantdel’amour?Ilveutt’épouseretmoi,jevaisvivredansvotrechambred’amis?—Non,répondis-jeenriant.Àtouteslessuggestionssusmentionnées.Ilveutqu’ondevienneamis.—Amis?Ellesetapotaleslèvresduboutdel’index.—Avecletypeleplussexyducampus?Pourquoiest-cequeçamecaressedanslemauvaissens
dupoil?—Parcequetuveuxcoucheraveclui.Lisapouffa.— Poupée, je me contenterais d’être son lit, c’est te dire à quel point je suis désespérée.Mais
pourquoi«amis»?Pourquoipasplus?—Ilnefaitpasdanslespremièresannées,expliquai-jeenhaussantlesépaules.—Ouais,c’estça.Saufqueçaresteunmecetquetuessublime.Cequisignifieunechose.—Tuvasallert’installerdanssachambred’amis?—Siseulement.Avecunegrimace,elletournalatêteverslaporte.—C’estquoi,ça?—Laporte?Sérieusement,elleavaitbuhiersoirouquoi?—Merci,fit-elleenroulantdesyeux.Pasça,ajouta-t-elleendésignantlaporte,ça.Un morceau de papier plié gisait au sol devant la porte. Qui portait mon nom inscrit dessus.
Punaise!Monnom,dansunetrèsjolieécriture.—Y a pas de risque qu’il soit empoisonné à l’anthrax, commenta Lisa en se penchant pour le
ramasser.Lis-le,m’enjoignit-elleenmelefourrantentrelesmains.Allez,metsfinàmestourments!Lacafetièreémitun«ding».J’arrachailebilletdesmainsdeLisaetallainousverserunetasseà
chacune.Unefoisassise,jedépliailafeuille.
Les gens ne s’écrivent plus de lettres. C’est dommage, tu ne trouves pas ? Jour 1. Tamission,situl’acceptes,seradetefairedeuxnouveauxamis.Jeprécisequ’ilsnedevrontêtrenitacolocatairenisoncousin.Jenecomptepasnonplus.N’oubliepasdesourireetlèvelamainaumoinsunefoisenclasse.
Onsevoitàlapause-déjeuner.Tonami,
WesMêmesijel’avaisvoulu,monsouriren’auraitpaspuêtrepluslarge.Jelusetreluscesquelques
lignesenboucle,etchaquefoisquejeleslisais,moncœurbattaitplusfort.C’étaitlepremiermatindepuis deux ans où je ne pensais pas à mon passé. En fait, je n’avais pas pensé une seule fois àl’accidentdemesparents.J’étaistropheureuse,tropsurvoltéepourpenseràquoiquecesoitd’autre:ungarçonm’avaitécritunelettre.—Alors?mepressaLisa.Çaditquoi?—Jememarie!—QUOI?!hurla-t-elle.—Jeplaisante,rectifiai-jeenriant,etjeluitendislemot.Regarde,çavientdeWes.—Ah,doncmaintenantc’est«Wes»?
Ellehaussaunsourcil.—Euh…,bredouillai-jeendétournantlesyeux.JevoulaisdireWeston.—Biensûr,marmonna-t-elle,avantdesemettreàlire.Etsonvisagesefenditdumêmesourirequelemientoutàl’heure.Quandelleeneutterminé,elle
relevalesyeuxversmoi,siexcitéequ’ilsbrillaientdelarmes.—Ilt’aécritunmotd’amour!—Çatientplusdelafiched’instructions,répliquai-jeenagitantnonchalammentlamain.Ilcherche
detouteévidenceàmefairesortirdemacoquille.—Ehbien, tu ressemblesunpeuàunbernard-l’hermite.Etc’estvraique tuasgrandià…(Elle
s’interrompit.)Comment ça s’appelle, ce caillou sous lequel tuvivais ?Cet endroit où il n’y avaitqu’unmagasin?Jelâchaiunsoupir.—Bickelton.—Oui. Voilà. (Elle secoua la tête.) Tu dois sortir de ton trou et vivre. Et je dirais queWeston
Michelsestsurlamêmelongueurd’ondequemoi…—Mais…Je ne voulais pas passer pour une nulle. Mon sentiment d’insécurité reprit pourtant le dessus,
faisanttremblermavoix.—Pourquoimoi?—Pourquoipas toi ? répliqua-t-elle en jetant la lettre sur la table.Tuesbelle, tu as éveillé son
intérêt.Ilfautvraimentqu’ilyaituneraisonsupplémentaire?—Ilyenatoujoursune.Lesmecscommeluines’intéressentpasauxfillescommemoi.—C’estpourlesfillescommetoiquelesgarscommeluiexistent,corrigea-t-elleavecunsourire
chaleureux.Tunetevoispascommelesautrestevoient.Peut-êtrequ’ilperçoitplusquetoiquandtuteregardesdansunmiroir.Enfinbref,quoiqu’ilensoit,nelerepoussepas.Ilfaitdesefforts,etsij’étaisàtaplace,jerendraisgrâceàDieudansmesprières,cesoir.Jesouris.—Jevaispeut-êtrefaireça.—Super.Surce,Lisaselevabrusquementets’étira.Quelquechosescintillasoussontee-shirt–unpiercing
aunombril?—Allez,préparons-nouspournotrepremiercours!Etsurunpetitpasdedanse,ellefiladanssachambre,melaissantavecmoncaféetmalettre.
Chapitre11
WESTON
Lesmédocs,çacraint.Maissefairerentrerdedansparunpilierdecentcinquantekilos,çacraintencoreplus.
—Michels!hurlalecoachJackson.Oùas-tulatêtecematin,hein?Concentre-toi!OK.Concentre-toi.Arrêtedepenseràunecrinièrerousseetàunsourireultra-brillant,etàl’effet
quetefaitsonsourire,etàsescheveuxrouxentretesdoigts,et…—Michels!J’attrapailaballedejustesseetterminailematch.Sérieusement,ilfallaitvraimentquej’arrêtede
melaisserdistraireparcettefille.Qu’est-cequiclochaitchezmoi,bordel?Àlafindel’entraînement,j’étaiscouvertd’ecchymoses,cequin’étaitpastrèsbonsignepourun
quarterback.— Tu étais où, aujourd’hui ? me demanda Brad, qui quittait ses vêtements pour filer sous la
douche.—Paslà,marmonnai-jeenl’imitant.—Ehbien,onferaitmieuxd’êtrelà,sionveutremporterletrophéecetteannée,ricana-t-il.Jedétestaisparlerdel’avenir.Quelintérêt?J’acquiesçainéanmoins.—Ouais,tuasraison,admis-jed’unevoixbourrue.Aprèsmadouche,jemerendisdansl’undesnombreuxcafésducampusetm’envoyaiuneboisson
protéinée.Plusquedeuxcourset jepourraisrevoirKiersten.Elleavaitdûliremonmot,àprésent,doncelleétaitsoitfuraxsoitsouriante.Jemisaissurladeuxièmeoption: j’espéraisqu’enayantlumonmessageauréveil,elleoublieraitcommentfroncerlessourcilsàjamais.—Déjeuner.Je poussai un tas de nourriture devantKiersten et l’observai un instant en train de la passer en
revue,l’airécœurée.—Tudoismanger.—Jen’aipasfaim.Ellerepoussaleplateauetcroisalesbras.—Lespremierscourssesontmalpassés?Ellemejetaunregardnoir.Jelevailesmains.—Tuveuxenparler?—Jenepeuxpas.Et elle rougit enbalayant la cafétéria des yeux.Tous les regards oupresque étaient braqués sur
nous,commesionvenaitd’annoncerqu’onallaitadopterl’undesvingtenfantsdeBradPitt.—Jem’enoccupe.Ensoupirant, j’envoyaiun rapideSMSàJames. Ildétestaitmecouvrir,maisaumoins,ça ferait
cesserlesregardsappuyés.Jetournailatêteversluiàl’autreboutdelacafétériaetlevisbaisserlesyeuxsursontéléphone,froncerlessourcils,puisjetersonjournalsurlatable.L’instantd’après,ilsedirigeaitversnouset,aprèsdeuxoutroisimmensesenjambées,ils’effondraparterre.Toutlemondeouvritdesyeuxronds.—Voilà,ilsnenousregardentplus,commentai-je.Alors,qu’est-cequis’estpasséencours?—Ilvabien?demandaKiersten,désignantJames.—Manquedesucre.Jedétournaibrièvementlesyeuxetm’éclaircislagorge.—Alors,lescours?—Onnedevraitpasappelerquelqu’un?Etellesortitsonportable.Jelasaisisparlepoignetensecouantlatête.—Iliramieuxd’icidixminutes,ouletempsqu’iltefaudrapourmeracontertonhistoire.—Ah,OK.SanslâcherJamesdesyeux,ellesemitenfinàparler.—J’ailevélamainenclasse,maisleprofesseurm’areprochédel’avoircontredit.Jegrimaçai.—Etjemesuisfaitdeuxamis.Jesouris.Paselle.—Disonsqu’ilssontunpeuplusamicauxquetoi.Etlà,jemevisentraind’étranglerlesdeuxgarsmortsdemesmains,jevousjure.—Quic’était?Ilst’onttouchée?Faitdumal?Jevaislestuer,sérieux.Jevais…Jemelevaietbalayailacafétériadesyeux,àlarecherchedequelquevoyoudepremièreannéequi
loucheraitsurelle.—Assieds-toi.Ellem’obligeaàmerasseoirensecouantlatête.—Jeleuraiditquej’avaisunpetitami.L’affaireestclose.—Jesuggéraisquetutefassesdesamiesfilles,expliquai-je,lesangcognantdansmestempes.Pas
desgars.—Benquoi ? fit-elle, levant lesmains en signede frustration.Ce sont les seulespersonnesqui
m’ontapprochée.—Tum’étonnes,marmonnai-je.—Wes?Ellem’appelaitWes.Jepouvaismourirheureux.Laplupartdesgensm’appelaientWes.Jenel’yavaispasautoriséedefaçonexplicite.Çasemblait
toutnaturel.J’avaissignémonmotdecenom.J’étaisentraindedevenirunevraiegonzesse.Plusjesouriais,plusellefronçaitlessourcils.—Quoi?demanda-t-elle.—Rien,répondis-jeenluiprenantlamainpourydéposerunbaiser.Jesuisheureux,c’esttout.—Quej’aieéchouéàsuivretapetitelistederecommandations?—Tun’aspaséchoué,corrigeai-je.Tuasessayé,etc’estçaquicompte.Tudoissortirdesousle
nuage.Jevissesnarinessedilater,puiselleattrapasonsacetseleva.
—Jedoisyaller.—Assieds-toi.—Non.—Assieds-toi.Je la tirai sur son siège, gardant samain doucement enveloppée dans lamienne. Je sentais son
poulsauniveaudupoignet.Saccadé.Furieux.—Jenevaispasm’excuser.—Jenecomprendspasdequoituparles.—Tumerappellesmonfrère.—Hein?—Coma.Mort.Overdose.—Super,merci!siffla-t-elleentresesdentsserrées.Jeparvinstoutjusteàrepousserlespenséesnoiresliéesaudécèsdemonfrère.Jenetenaisqu’àun
filquandjerepris:—Dépressif,talentueux,génial.L’êtrequej’aimaisleplusaumonde.Ilétaittoutça.Ettoi,tume
fais penser à lui. J’ignore pourquoi, c’est comme ça. Alors oui, je te pousse un peu dans tesretranchements, mais je crois que tu peux le supporter. Dis-moi que tu es assez forte pour lesupporter.—Tunemeconnaispas.Savoixétaittranchante.J’ypercevaisuneduretéquejen’étaispashabituéàentendrechezlesfilles.—Si.—Non.Jerelâchaisamain.—Mieuxquetunelepenses.Écoute,jen’aipaspourhabitudedetournerautourdupot,etjen’ai
surtoutpasletempsd’êtrecegenredetype–celuiquiattenddessemainespourveniràboutdetesdéfenses. Je suis différent. Peut-être trop intense, je le comprends.Mesméthodes sont folles,OK,maisjesuisattirépartoi,ethonnêtement,jecroisquetuasbesoindemoi.—Jen’aibesoindepersonne,lança-t-elle.Etjedevinaisàsavoixqu’ellen’ycroyaitpas,alorsdelààmeconvaincre…— Si. Et j’attendrai que tu me l’avoues en face, s’il faut en arriver là pour que tu t’en rendes
compte.Sur ces mots, je me levai de ma chaise et m’en allai. Je continuerais à lui écrire des mots. Je
continueraisàlapousserdanssesretranchements.Peut-êtrequesij’arrivaisàlasauver…Jepoussaiunsoupirsaccadé.Peut-êtrequ’enlasauvant,je
lesauverais,lui.Jen’avaispasréussiàl’époque,maisaujourd’huijepouvaisyarriver.
Chapitre12
KIERSTEN
Lesgensferaientmieuxdes’occuperdeleursaffaires.OK?C’estvrai,pourquoiils’occupedemoi?—Maispourquiilseprend,bonsang?hurlai-jedanslecombiné.Àl’autreboutdufil,oncleJopoussaunprofondsoupir.—Ilm’al’aird’ungentilgarçon,etilaraisonsurunpoint.J’avaisenviedejeterquelquechosecontrelemur.Jesortisuneautrepilule,quejecroquaientre
mesdents.Legoûtétaitamer,maispeum’importait.J’avaisbesoindemesentirmieux.Oui,jesais,en théorie, lesantidépresseursn’étaientpascensésêtrepris commeça,mais leureffetplacebomesuffisait…pourl’instant.—Kiersten,ils’estcomportéenbonami.Tuaseneffettendanceàêtreàfleurdepeau.— Je le connais depuis hier ! Et quoi ? Il veut m’aider.Me sauver ? Il ne fait qu’empirer les
choses!—Commentça?s’enquitoncleJod’unevoixcalme.J’aiplutôtl’impressionqu’ilessaiederetirer
lepansementquetuasposésurtessentiments.Jenesuispasexpert,maisjecroisquetunepeuxpluscontinuercommeça.Jet’aiautoriséeàpartirétudieràdesheuresdelamaison,justementpourquetuprennestonenvol.Rappelle-toinotreaccord.Engrommelant,jem’assissurlelit.—Oui,oui.Jemesecoue,sinontudébarquesetrefaismesbagages.Sonrirem’apaisa.— Exactement. Tu n’as pas géré ton chagrin de façon saine. Tu ne devrais plus être sous
antidépresseurs,niaussicoincée.Pourl’amourdeDieu,Kiersten,tuasdix-huitans!—Jesuisvieille.—Tuesunegamine.Jel’imaginaisentraind’arpenterleparquetdelacuisine.—Vis,reprit-il.Vaprendreunebière–rienqu’une,hein!Trompelamort,contrairementàeux.
Cours toute nue dans ta résidence universitaire. Fais quelque chose. N’importe quoi, ça vaudratoujoursmieuxquederegarderfixementlemurcommetulefaisdepuisdeuxans.—Toi,tuasregardéDrPhil4.—Peut-êtrebien,répondit-ilenriant.Maisl’idée,c’estquetudoisvivre.C’était la première fois qu’on m’en donnait la permission. Je me sentais toujours obligée de
souffrir,commeeux.Ridicule,pasvrai?Maislaconditionhumaineestridicule.Onsetorturepoursesentirmieux–exactementcequejefaisais.Jemetorturaisparcequelavieétaitinjuste.—Arrête!grondaoncleJo.—Quoi?—Deréfléchir.—Jene…
—Si.Ilsoupira,puisrepritd’unevoixplusbasse:—Ma douce, tes parents auraient voulu que tu fasses des tas de choses, des choses folles. Ils
prenaientdesrisques.Tetorturerettemontrertropprudenteneteprotégerapasdumal.Nousvoilàaucœurduproblème.J’étais terrifiée. J’avais la sensation que je devais tout contrôler. Si je contrôlais ce que je
mangeais,cequejeportais,mafaçond’agir,àquijeparlais,jem’épargneraislemêmedestin.—Ilst’aimaient,insistaoncleJo.Desmotssecoincèrentdansmagorge.—Ilsvoudraientquetuvives.Jeravalaimonémotion.—Maissijenevispas?Sijemeurs?Je sentais les ténèbres commencer àme submerger. Assise sur le lit, je posai la tête entremes
genoux.Ledocteurrépétaittoujoursquel’anxiétéétaituneformededépression.Jamaisjenel’avaiscru,maiscesdeuxdernièresannées,anxiétéetdépressionavaientétémesseulesamies.C’étaitpeut-êtrepourçaqueWesmepoussaitdansmesretranchements.—Vis,répétaoncleJod’unevoixrâpeuse.Faisdesbêtises.Fais-toiarrêter.Pourconsommationde
drogues,s’illefaut!Jenepusréprimerunéclatderire.—Jeveuxjustem’assurerquetuvasbien,conclut-il.—Jevaisbien,oncleJo.Jetelepromets.Maistusaisquetueslepireparentdelaterre,toi?Illâchaunsoupir,puisunricanement.—Oulemeilleur,çadépendcommenttuvoislachose.—Tuviensdemeconseillerdeprendredeladrogue.—N’enparlepasàtagrand-mère,fit-ilaprèsunesecondedesilence.—Promis.—OK,gamine.Notreconversationtouchaitàsafin,oncleJonediscutaitjamaislongtemps.Pourluiquiétaitplutôt
dugenretaiseux,notrediscussiondecesoirétaitunexploit.—Vadoncfairequelquechosed’idiot.—Mercidem’avoirparlé,oncleJo.—Jesuislàpourça.Jeraccrochaietfixaiuninstantmaporte.Ilvoulaitquejefassequelquechosed’idiot?OK,très
bien. J’allais fairequelque chosededébile.Avantdepouvoir changerd’avis, jeme ruai dehors etgrimpailepremierescalierconduisantàlachambredeWes.Lecœurbattant,jefrappaiàsaporte,unefois,deuxfois,troisfois.—Uneseconde!lança-t-ildepuisl’intérieur.Laportes’ouvritengrand,etilm’accueillitavecunsourirejusqu’auxoreilles.—J’aifinimaliste.—Jesais,tumel’asdittoutàl’heure.—J’aifaitlamienne,précisai-je,levantlementond’unairdedéfi.—Ahbon?Ilcroisalesbrasetricana,adossantseslargesépaulesmuscléesàl’encadrementdelaporte.—Etellepréconisequoi,latienne?—Jenepeuxpasteledire.
Ilfronçalessourcils.—Jedoistelemontrer.Ilplissaunpeulespaupières,tandisqu’unirrésistiblesourires’étiraitsursonvisage.—D’accord,dit-illentement.Ehbien,montre-moi.Merde.Jetranspirais.Jenepouvaispasmedégonfler.OncleJovoulaitdelafolie?Bon,j’allaislui
endonner.Mehaussantsurlapointedespieds,j’effleurailabouchedeWesaveclamienne.J’étaissinerveusequemeslèvrestremblaientquandellestouchèrentlessiennes.Aussitôtqu’ellesentrèrentencontact,j’essayaidem’écarter.MaisWesmepritlementonentresesdoigtsetattiramonvisageverslesien.—Tusais,moiaussij’aiuneliste.—Ahoui?J’avaisdumalàrespirer,avecluisiprèsdemoi.—Ouaip.Ilfrôlamaboucheàsontouretjesentissalanguepousser,commepourtenterdebriserlabarrière
de mes lèvres. Je savais qu’à l’instant où je le laisserais entrer, je ne serais plus capable de lerepousser,etcettepenséemeterrifiait.—Ouvre,intima-t-ilenmordillantlapulpedemalèvreinférieure.Jenevaispastefairedemal.Pourtant ilm’en faisaitdéjà.Chaque instantpasséen saprésenceme faisait l’effetd’unedouche
froide.Jenesavaisquecroire,nimêmesijepouvaisluifaireconfiance.Pouvait-onfaireconfianceàquelqu’und’aussibeau?Sitalentueux?Siparfait?Ildéplaçalesmainsdemonmentonversmesépaules,avantdedescendrelelongdemesbras.Un
longfrissonmeparcourut.Wes souffla doucement sur ma bouche. Je me mis à haleter. Et tout était fichu. Ses lèvres
s’écrasèrentsurlesmiennes,salangueentra,explora,goûta.Unbrefgémissementm’échappa,auquelilréponditalorsqu’ilmepassaitlesmainsautourducou.Etlaseulechosedontjemerappelleensuite,c’estquej’étaisdanssachambre,quelaporteclaquait
derrièrenousetque lesmainsdeWesétaientposées surmeshanches. Jem’approchaide lui, sansvraimentsavoircequejevoulais.J’avaisbesoind’êtreproche,plusprochedelui.Maisils’écarta,lesoufflecourt.Ildéglutit,sedétournaetlâchaunjuron.—Jesuisdésolé.Ilétaitdésolé?Dem’avoirembrassée?Jemeruaiverslaporte,maisàlasecondeoùjelatirai,il
la repoussa. Tout en lui tournant le dos, je sentais son souffle chaud dansmon cou et bientôt seslèvressuivirent.Jefermailesyeux.C’étaittellementbondelesentirmetoucher.Tellementagréablequej’avaisenviedehurler.Jamaisjenem’étaissentiesivulnérablefaceàuneautrepersonne.Jamaisjen’avaiséprouvépareillemontéed’adrénalinequ’aumomentoùsalangueavaittouchélamienne,ouquandsesdoigtscaressaientmahanche.—Reste,chuchota-t-ild’unevoixrauque.Resteavecmoi.—Danstachambre?—Non,surletoit,répliqua-t-il,riantàmonoreille.Benoui,dansmachambre.Sijeprometsdene
pastetoucher?—Cen’estpasprécisémentcequedisenttouslesgarsavantdeséduireunefille?Dumoinsdans
lesfilms?—Onn’estpasdansunfilm.Ilremontalesdoigts,tapotantsurmaclaviculeavantdepasserlentementsurmapoitrine,s’arrêtant
pileauniveaudemoncœur.
—Jeveuxjusteentendrebattretoncœur.C’esttout.Ilessayaitde la jouer romantique,ouest-cequ’ilétait sérieux? Ilnebougeapas lamaindema
poitrine,etsoudainjesentisdenouveausoncorpspalpitantcontrelemientandisqu’ilm’attiraitàlui.—S’ilteplaît.—Sijemefaisvirerdelafac…—Tunerisquespas,affirma-t-il.JesuisRA,ettut’esdisputéeavectacolocataire.Jeprotègeton
honneur,toutça,toutça…— Sauf que ma colocataire est géniale, que tu veux me voler mon honneur et que tu es un
séducteur.—Unséducteur?répéta-t-il,retirantsamain.Sansdoute,oui,maispasavectoi.—Ouais,ouais,jesuisdifférente,c’estça?Combiendefoistuasrépétéçaàunefille,cesvingt
dernièresannées?—Jen’aicommencéqu’àhuitans…,sedéfendit-il.Jepouffai.Impossibledem’enempêcher.—Non,maissérieusement,reprit-ilenmefaisantpivoterfaceàlui,jenevaispastementir.Jete
désire.Jetedésireàunpointtelqu’ilsvontmesanctifierquandj’arriveraiauparadis,jesuisprêtàprendrelesparis.Jeplissailesyeux.—Lavie…Iljuraetpassaunemaindanssescheveuxblondcendré.—Lavieestplusagréableavectoi.Plusintense.Tucomprends?—Jecrois.Je n’étais pas prête à lui avouer que je craquais pour lui, que je tombais gravement amoureuse.
C’estvrai,quoi,jeneleconnaissaisquedepuis…Combien…?Deuxjours?Ilsoupira.—Etpuis,c’esttoiquiesvenuedansmachambre,jeterappelle.—Mononclem’aconseillédefairequelquechosed’unpeufou.Illevalesmains.—Sijamaisl’envieteprend,jesuislà.Enfait,ilsepeutquejeterappellecetteconversationd’ici
cinqminutes,puistouteslescinqminutes.J’espèrequeçanetedérangepas.—Merci.Jedéglutisetenfonçailesmainsdansmespoches.—Bon,onvaallerdormir.—Quoi?Onnesefaitpasuneséancedemanucureetunmasqueàl’argileverte?plaisantai-je.Ilsemitàrireàgorgedéployée.—C’estvraiqueçam’aideraitsansdouteàoublierl’enviequej’aidetecollercontrelemurpour
mettre en pièces ta belle innocence.Du coup, oui, je ferais peut-être bien de te vernir les ongles,histoiredet’imaginerailleursquelà,devantmoi,avecteslèvresgonfléesettescheveuxébouriffés.Qu’est-cequej’aimetescheveux…Ensoupirant,ilenpritquelquesmèchesentresesdoigts.—Cen’estpeut-êtrepasunebonneidée.Jereculaid’unpas,maisWesm’attrapaparlamain.—Tantmieux.J’aimelesmauvaisesidées;grâceàelles,jemesensvivant.—Ettuasbesoindetesentirplusvivant?Sonexpressiontomba.Baissantlesyeuxverslesol,ilchuchota:
—Tun’imaginespasàquelpoint.
4.DrPhilestuntalk-showaméricainprésentéparPhilMcGraw,découvertdansleshowd’OprahWinfrey.Ilprodiguedesconseilssousformede«stratégiesdevie».
Chapitre13
WESTON
Siseulementellesavait…Enfin,bon,ellem’assassinerait sansdoutedansmonsommeil.Celadit,jepréféreraismourirdesesmainsque…Bref,peuimporte.
—Alors,onselanceoupas?demandai-je,histoiredechangerdesujet.Elle tourna lesyeuxvers laporte, les reporta surmoi, et regardadenouveauendirectionde la
porte.J’allaisprendreladécisionpourelle.Jetournaileverrouetluisortisuncaleçonetuntee-shirt.—L’établissement a beau être standing, nous ne fournissons pas les peignoirs. En revanche, je
peuxteprêterdesvêtementsproprespourdormir.Maintenantdéshabille-toi.—Qu…Quoi?—Jeplaisante.J’éclataiderire,mêmesijedoisavouerquej’avaislefolespoirdelavoirnue.—Lasalledebainsestjustelà.Vatechanger,jeferaiensorted’êtredansunetenuedécentequand
tureviendras.—OK.Elleavaitlesmainsquitremblaient.IlfaudraitquejepenseàenvoyerunjambondeNoëlàl’oncle
Jopoursesbonsconseils.D’uncôté, j’étaiscontentqueça l’aitconduiteàmoi,maisde l’autre, jen’arrêtaispasdemedemandercequi se seraitproduit si elleavaitdécidéde s’adresseràunautrehomme.J’auraissansdoutefinienprison.Peut-êtrepasunjambon,ducoup.Unecarte?Biensûr,unecarte,çafaittoujoursplaisir.Je retirai rapidementmon tee-shirt, enfilai un short de sport etm’allongeai sur le lit.Monpère
m’avait envoyé unSMSm’enjoignant de bienme comporter avec James etDavid. Il voulait aussisavoir comment fonctionnait le nouveau traitement. J’en avais tellement ras le bol de cesmédicamentsqueçamedonnaitenviedejeterquelquechosecontrelemur.J’espéraisqueKierstenn’iraitpasfouiner,vuquemacollectiondemédocsétaitgentimentexposéesousmonlavabo.Bon,ellenesauraitpascequ’ilstraitaient,etmêmesielleallaitjusqu’àenchercherlesnomssurInternet,elleseraitsidéréededécouvrirquelamoitiéd’entreeuxétaientexpérimentaux.—Prête.LapetitevoixdeKierstenretentitdepuislasalledebains,enmêmetempsquelaportes’ouvraitet
que la lumière s’éteignait. Elle nageait littéralement dans mes vêtements. Je ne pus réprimer unsourire. Elle était si sexy dansmon short que j’avais envie deme précipiter vers elle et de le luiarracher.Self-control.Jem’éclaircislagorgeettapotailematelasàcôtédemoi.—Jenemordspas.—Maistulèches.—Toujours.
Jedevaislutterpournepascéderàl’enviedel’attirercontremoi.—Jenetelécheraipas,petitagneau,promis.— Dit le grand méchant loup, chantonna-t-elle en s’approchant lentement du lit pour venir
s’asseoirprèsdemoi.Jen’aipasl’habitudedefaireça.Parailleurs,jenelefaisquepourmeprouverquelquechose,àmoi-mêmeetàmononcle.—Etqu’est-cequetucherchesàprouver?—Quejesuiscapabledevivre,répondit-elleàvoixbasse.Quejenesuispasmorteaveceux.—«Eux»?demandai-je,l’attirantcontremontorse.—Jen’enparlepassouvent.Saufaveclesdocteursquimeprennentdeuxcentsdollarsdel’heure
pourgriffonnerdestrucssurunbloc-notesetmeprescriredesmédicaments.Soncorpstoutentierseraidit.—Enfin,jeneprendspasdemédicaments,je…—Kiersten?—Oui?Ellesemblaitsurlepointdepleurer.—Iln’yapasdemalàsefaireaider.Aprèsplusieurssecondesdesilencependantlesquellessoncœurbattaitfollementcontremamain,
ellehochalatêted’ungestesaccadé.—Merci.—Derien.Maintenant,faisonsuntrucdedingue:dodo!—Commedeuxpetitsvieux,commenta-t-elleenriant.—Voilà,exactement.Parcequesiellecontinuaitàondulercontremoi,j’allaisperdrelatête.—Bonnenuit,petitagneau.—Bonnenuit,grandméchantloup.Ellebâilla,puissetournaversmoi.—Ilfautquejet’avertisse,j’aiparfoisdesterreursnocturnes.—OK.Etmoijeronfle.—Tuplaisantes?—Ouaip.Ensoupirant,ellesemorditlalèvre.Bonsang,j’avaistellementenviedepouvoirlamordre,moi
aussi!—Etunefoisj’aifaitpipiaulit.Elleécarquillalesyeux.—J’avaisquatreans.—Legenred’expériencequibouleverseunevie.—Eneffet,acquiesçai-je.Monnounoursn’yapassurvécu.—Tragique.Jesecouailatête.—Jenecessedemedemandersij’auraispuagirdifféremmentpourlesauver.Sonriremecoupalesouffle.Enfait,jemisplusieurssecondesavantderetrouverunerespiration
normale.—Merci.—Dequoi?J’écartaidélicatementunemèchedecheveuxdesonvisagedeporcelaine.
—Dem’aideràmesentirmieux.—Ehbien,jesuistonRA…—Euh…jepensequececisortducadrestrictdetesmissions,fit-elleenriant.Etjesuiscertaine
queçan’étaitpasnonplusdanslabrochure.Jehaussailesépaules.—Ehbien,çafaitpartiedujobmaintenant.Mesnouvellesattributionsconsistentàtefairerireetà
chassertesmauvaisrêves.—J’aimeraisbienquecesoitvrai.—Dors,intimai-jeenluidonnantunbaisersurlefront.Etsitutelancesdansuneautrefolie,je
peuxmejoindreàtoi?—OK,pourquoi?Sespaupièressefermèrent.Oh,bentoutsimplementparcequejetueraisquiconqueoseraittetoucher.—Commeça.Jen’aimepasl’idéequetufassesdestrucsunpeufoussanstonpartenairedecrime.—Dac.—Bonnenuit.—Bonnenuit,murmura-t-elle.
Chapitre14
KIERSTEN
Sijen’aipasrêvé,c’estpeut-êtreparcequepourunefois,jevivaismavie.—Bonjour,beauté,murmuraunevoixgraved’hommeàmonoreille.Jem’éveillaiensursautetmanquaidemecognercontresonfront.Onn’étaitpaspassésloin.Wes
reculapromptementenriant,puisilnoualesmainsderrièresatêteetlevalesyeuxversleplafond.—Alors…pasdecauchemars?—Pasdecauchemars.Il n’avait pas idée du changement que c’était pour moi de passer une nuit complète sans être
réveillée par mes propres hurlements. Ces cauchemars n’étaient peut-être donc pas un effetsecondairedesmédicaments.Çavenaitpeut-êtrejustedemoi.J’étaispeut-êtredéfectueuse,voilàtout.—Tuascours?Ilbâilla.Jejetaiuncoupd’œilauréveilprèsdulit.—Dansdeuxheures.Ilvafalloirquej’yaille.—Tuasbesoindedeuxheurespour tepréparer?Etmoiqui teprenaispourune filledevingt
minutes.Jedonnaiuneclaquesursonventredur.— Si tu veux tout savoir, il m’en faut trente, mais je veux rentrer avant que Lisa ne lance des
recherches.Ilrestasilencieuxuninstant,puis:—Tuvasluidireoùtuétais?—Peut-être.—Moi,jegarderailesecret,meconfia-t-il.Lesamis,çapartagedessecrets,non?—Tuasraison.Jequittai le lit.Jevenaisdepassermameilleurenuitdesommeildepuisdeuxans.Unepartiede
moimourait d’enviede retourner sous la couette, deme loverdans la chaleurdeWes.Au lieudequoi,jemedirigeaiverslasalledebains,renfilaimesvêtementsdelaveille,prismontéléphoneetmesclés.—Mêmeheurecesoir?Ilm’adressaunclind’œil.Qu’est-cequ’ilétaitsexy,étenduainsisursonlit!Commentavais-jepu
dormiràcôtéd’uncorpspareil?Siprochedumien?Ilfallaitvraimentquejesoisépuisée.Soitça,soitjen’étaispasattiréeparleshommes.—Euh…J’aidesdevoirsàfaire.—Ledeuxièmejourdecours?Ilhaussalessourcils,l’airdéçu.—Oh, je vois…Tu vasme la jouer genre on s’évite.Bon, alors je serai bref : on n’a pas fait
l’amour,ducoup tun’asaucune raisond’êtregênée,encoremoinsd’avoirhonte,et si tum’évites
commelapestejemeverraidansl’obligationdetepoursuivre.—Mêmepaspeur.Ilhaussalesépaules.Jeparvinsàleverlesyeuxaucielendéverrouillantlaporte,avantdemeglisserdehors.J’atteignislacaged’escaliersansêtrevue.Surlapointedespieds,jemefaufilaidanslecouloiren
direction dema chambre, et juste aumoment où je traversai, j’aperçus Gabe qui arrivait dans ladirectionopposée.Unsouriresedessinasursonvisage,pluslargedesecondeenseconde.—Oùtuétaispasséetoutelanuit,vilainefille?J’évitaisonregardetrangeaiunemèchedecheveuxderrièremonoreille.—Euh…Jemesuisendormieàlabibliothèque.Ilsoupira.—J’aiessayécetteexcuseunefois.Apparemment,ilsfermentà3heuresdumatinetfontpasser
deschiensrenifleurspourvérifierquepersonnenerestesouslestablespendantlanuit.—Merde.—Waouh,etungrosmot,enplus?Ilmepassaunbrasautourdelatailleetm’accompagnajusqu’àmachambre.—Onseraitpasséeducôtéobscurdelaforce?Cettefois,jelevailesyeuxaucielsansaucuneffort.Gabes’immobilisa,merelâcha,etsoudainil
posaitsonnezdansmescheveux,dansmoncou,partout.Tropsidéréepourréagir,jemefigeai.Ilreculad’unpas,unsouriresatisfaitsurlevisage.—Sexe.Jelesenssurtoi.Laculpabilitémegiflaenpleineface.J’essayaibiendeladissimuler,maisillavit.Hochantlatête,
ilsetapotalalèvreduboutdudoigt.—JepariesurMichels.Unevaguedechaleurm’empourpralesjoues.—Danscettechambre?Jetentaid’enfoncermaclédanslaserrure,àgrandpeine.Gabem’attrapaparlamainetlagarda
danslasienne.Sonexpressionn’étaitplusdutouttaquine.— Je préfère te mettre en garde. Il n’est probablement pas le genre de type que tu devrais
fréquenterpourtapremière…VoilàqueGaberougissaitcommemoi!—Mapremière?Redressée,jeprismonairleplusinnocent.—Tapremière,voilà.Lâchantunjuron,ilenfonçalui-mêmelaclédanslaserrure.— Il est riche. Les femmes lui courent après.Mêmemamémé lui courrait après. Alors… fais
attentionàtoi.Lesmecscommeçanes’engagentpas.Ilssontplutôtpartisansdescoupsd’unsoir,tucomprends.—C’estdrôle,lâchai-jeenricanant.Lisam’aditexactementlamêmechosedetoi.—Eh!Iltournalacléetouvritlaporteengrandpourmelaisserentrer.— Je ne joue pas les innocents, moi. Je baise des filles, elles me remercient, et je les laisse
gentimentpoursuivreleurchemin.Ettoutlemondeestcontent,findel’histoire.Jenecacheriende
quijesuisetcommentjesuis.—Alorsqueselontoi,luisi?—Ilestsecret,réponditGabeavecunnouveaujuron.Etjesaisqu’iln’apasviolécettefille,jete
conseillejustedefaireattention,voilà.—Attention?La voix ensommeillée de Lisa nous parvint jusqu’à la porte, avant qu’elle n’apparaisse en petit
shortblancetbrassière.—Quiest-cequidoitfaireattention?JejetaiunregardsuppliantendirectiondeGabe.Quilâchaunsoupircoupable.—Moi,fit-il.Jemesuissoûlécommeuncochonlanuitdernièreetj’aifaillimetapertacoloc.Lisasemitàhurler.Gabesecontentadesourire.—Ehbien,aumoinsmaintenanttuesréveillée.—Nemefichepasdespeurspareilles!s’exclama-t-elleenluitapantsurlebras.Elleesttroppure
pourtoi.—Commesijenelesavaispas,murmura-t-il.Puisilm’adressaunclind’œilpendantquejeluichuchotaisun«merci»muet.—Petitdéjeuner,lançai-je,posantunemainsurmonfrontetpassantlesdoigtsdansmescheveux.
Pourquoijenenousprépareraispasunbonpetit-déjàtouslestrois?—OK,réponditLisa,quibâilladenouveau,puiss’étira.Jeprendsjusteunepetitedouchevitefait
avant.Unefoisqu’ellefutpartie,Gabepenchalatêtedansmadirection.—Cepetitdéjeuner,c’esttafaçondenousfaireavalertaculpabilité?—Trèsdrôle.Ungrandsourireauxlèvres,illevalesmainsauciel.OnauraitditAdamLevine,avecsontee-shirt
blancdéchiré,sestatouagesetsonjeanskinny.—Quoi?demanda-t-il,lesyeuxplissés.—Rien.Jemesentisrougir.Voilà,j’étaisofficiellementunegarce.—Jetetrouvebeau,c’esttout.—Beau?répéta-t-il.Jehochailatête.Ils’accoudaaucomptoiretcroisalesbras.—Beau ? Hum, on nem’avait jamais qualifié de « beau ». Tu es sûre queMichels ne t’a pas
embrouillélecerveau,aprèsvotrefollenuitde…—…discussionetdesommeil,terminai-jeàsaplace.Gabericana.—Ahoui?C’esttoutcequis’estpassé?Hum,j’ignoraisqu’ilétaithomo.—Ilnel’estpas.Unsourirenarquoism’échappa,etjemerendiscomptequejem’étaistrahie.Gabemepoussadu
coude.—Ahnon?Etcommentest-cequ’onsaitça?—Euh…àcausedesaréputation.Lapiècefutuninstantplongéedanslesilence,tandisquejemélangeaislapâtedemespancakes,
avantdemetournerverslagazinière.—Ilembrassebien?
Lapoêlem’échappadesmainsetheurtalagazinièredansunclaquement.LerirequimontadelagorgedeGabemedonnaenviedelepoignarderavecunefourchette.Illevalesmains,feignantl’innocence.—Jeposaisjustelaquestion.—Oui,répondis-jeenm’humectantleslèvres.Ilembrassebien.Maisc’étaitplusundéfiquejeme
lançaisàmoi-même,iln’arieninitié.C’estmoiquil’aifait.—Sympa.Ilmepritleplatdesmainsetcontinuaàtouillerpendantquej’allaisaufrigosortirdujusd’orange.—Tuesentraindem’avouerquesouscepulletcetteapparencefrigidesecacheunebêtedesexe
quicommenceàsortirdesatanière?Jechoisisdenepas répondre,préférantm’occuperàverser le jusd’orangedans troisverreset
m’assurerquelapoêleétaithuiléepourlespancakes.—TuveuxquejedessinedesformesrigolotespourfairepeuràLisa?proposaGabe.Ouf,onenaterminédecettediscussioncentréesurmoi.Tantmieux.—Elleapeurdespancakes?—Deceuxqui sont en formedeMickey, expliqua-t-il, lesyeuxbrillantd’espièglerie.Séquelles
d’uneexpériencetragiqueàDisneylandquandelleavaitquatreans.J’éclataiderire.—Attends.ElleapeurdeMickey?— Il lui a éternué au nez. Sa coiffe de princesse est tombée. Elle a pleuré. Ça a fait tout un…
pataquès,conclut-ilenagitantlamaindefaçonthéâtrale.—Bon,dis-jeenluiprenantlalouchedesmains.J’enpréparaistoutletemps,despancakesMickey
pour…Jelaissaimaphraseensuspens.—Pour?—Pourmafamille.—Cool.Ils’éloignaafindesortirdesassiettespendantquejeversaisdelapâtesurlapoêlechaude.Lisasortitdesadoucheaumomentprécisoùl’onachevaitdecuireladernièrecrêpe.L’airravi,
Gabesefrottalesmains.—Cesontlespetitsplaisirsdelaviequim’excitent.—Bonàsavoir,commentai-jeendéposantunpancakesurl’assiettedeLisa,quejetendisàGabe.—Cousine!cria-t-il.Ont’apréparéunesurprise.—Miam!répondit-elleenreniflantbruyamment.Çasentlespancakes,non?Elleposaleplatdecrêpessurlatable,avantdesetirerunechaise.Puisellebaissalesyeuxsurson
assiette.Enpoussantunhurlement,elle reculaetheurta sachaise,quivacillaetatterrit ausolavecLisaetunbruitsourd.—Classique.Gabemetenditsonpoing,quejecognai.—Putaindesouris,lançaLisadepuislesol.Gabel’aidaàserelever,maisellerepoussasamain.—Lisa,neboudepas.—Jeneboudepas,répliqua-t-elleencroisantlesbras.J’entamejuste…unegrèvedepancakes.Gabes’agenouillaavecunsoupir.—Tuveuxquejecoupetacrêpeendeux,histoirequ’elleneressembleplusàMickey?
—Jem’enfiche,faiscequetuveux,cracha-t-elle.Gabesaisitsonassietteetdéchiquetalasilhouettedesouris,avantdelaluitendre.—Tuvois?Yaplusrien.Lisaluidonnaunbaisersurlajoueetselaissaaider.—Merci,Gabe,lâcha-t-elleunefoisremisesursespieds.—Cen’étaitqu’unesouris.Jen’enrevenaistoujourspasqu’elleaitétéaussiterrifiéeparunecrêpe.—Nemelancepassurlesujet,rétorqua-t-elleenmefourrantunindexmenaçantsouslenez.Tuas
desterreursnocturnesettuflanquesunetrouillededingueàtacoloc.MoijehaisMickey.Chacunsacroix,OK?Là,ellemarquaitunpoint.—Desterreursnocturnes?intervintGabe,penchantlatêtedansmadirection.Çan’estpasuntruc
quiarriveauxtoutpetitsgamins,ça?—Etàmoi,répondis-jeenm’affalantsurmonsiège.Apparemment.Mêmesijen’enavaispaseu,lanuitdernière.Maisjepassaicedétailsoussilence,carc’étaitune
exceptionrare.Unefoislepetitdéjeunerterminé,j’envoyaiunrapideSMSàoncleJo.J’aiembrasséungarsetmangéunetonnedepancakescematin.C’estassezfoupourtoi?
Ilréponditdanslaseconde.Bravomabelle.
Chapitre15
WESTON
On devrait abattre celui qui a inventé les essais cliniques… ou m’abattre moi. Ouais,laissez-letomber,tuez-moi.
Davemeposaunemainsurlefrontetgrimaça.—Lesnauséesontcommencéquand?Ilyaquelquesheures?Quelquesjours?Jerepoussaisamainetlâchaiunjuron.— Je pense que la bonne question serait plutôt de déterminer à quel moment je n’ai pas été
nauséeux.Non,sérieusement,jemesensmieux,là,vousvoyez?Ungrandsourireauxlèvres,jemerelevai.Jedusm’appuyeraubureauquelquessecondesavantde
mesentirassezsolidepourmarcherdroit.Davidselevaenmêmetempsquemoi.—Ondoitnotertouscesdétails,Wes,vouslesavez.J’émisungrognementetmedirigeaiverslaporte.—Jesais,jesais.Çafaitsixmoisqueçadure,etjesuisdésolédevousl’apprendre,jenevaispas
mieuxdutout.—Votreattituden’estpaslabonne,vouslesavez.Ledocteuradit…—Qu’ilaillesefairefoutre,ledocteur!Jefrappaidupoingcontrelaporte,mavoixtremblantsousl’effetdelafrustration.JesentislesoupirdeDavid.J’enavaisl’habitude,l’annéepasséeenavaitétéremplie:d’abordle
soupirdemonpèrequand il avait apprisque lesmédicaments étaientnotredernière solution,puisceluidemoncoachquandjeluiavaisannoncéquejeneseraispeut-êtrepasenmesuredeterminerlasaison,etenfinceluidudocteur,quandilm’avaitannoncéquemeschancessemontaientàcinquantepourcent.—Écoutez…Mes lèvres étaient très sèches. Effet secondaire des médicaments. Je passai la langue dessus et
soupirai.—Jesuisdésolé,lajournéeaétérude.Faitesvotrefichurapport.Jemesensnauséeux,mavueest
unpeutroubleetj’aivomicematin.Silence.Puisjel’entendisécrire.—Autrechose?demandaDavid.—Oui,répondis-jeenattrapantmescléssurlebureau.Jesors,nem’attendezpas…—Mais…—S’ilvousplaît,j’aibesoind’unpeudenormalité,là.—OK,cédaDavid, lâchantun juronàmi-voix.Gardezvotreportable survous,et sivousvous
sentezbizarre,vousrentrezdirectementàlarésidence,d’accord?—Ouaip.
Etjesortisd’unpasléger.J’étaisvraimentunclown,entantqueRA.J’avaispasséentoutetpourtouttrenteminutesdansma
chambre audeuxième jour de cours. Pourtant, je l’avais voulu, ce job.Non, correction, j’en avaisbesoin.Toutcommej’avaisbesoindevivrenormalement,neserait-cequ’uneminutedanslajournée.Ledoyens’étaitquasimentfaitdessusquandmonpèreluiavaitrenduvisitedanssonbureau,toutfeutoutflamme.Jen’avaisjamaisétéplusfier.Laplupartdesgensimaginaientlepire,concernantmonaffectationaupostedeRA,àsavoirque
j’yavaiséténommépourfaireoublierlesévénementsdel’annéepassée.Vousvoulezlavérité?J’avaissuppliépourl’avoir.Çaavaitmismoncoachdansunecolèrenoire,maisaumoins,monpèreavaitcompris.Jeluiavais
expliquévouloiraiderlesnouveauxinscrits,leurmontrerlesficelles,alorsqu’enréalité,toutçaétaitliéàmonfrère.Ilétaitmortdurantsapremièreannéed’université,etjen’étaispasprêtàquittercemondeenlaissantlamêmechosearriveràquelqu’und’autre.Raisonpourlaquellejem’arrêtaiàl’étagedeKiersten.J’ignoraissielleétaitdéjàrentréedecours,maisçavalaitlapeined’essayer.Jefrappaideuxcoups
àsaporteetj’attendis.Aprèsquelquessecondesdediscussionschuchotéesetd’agitation, laportes’ouvrit.SurGabe, le
cousin,peut-êtremonconcurrent. Jen’enétaispassûr. Ilmezieutaunmoment,puism’adressaungrandsourire.—Biendormi,lanuitdernière?—Mieuxquetoi,répondis-jeensouriant.—Jetecrois,acquiesça-t-il.—Kiersten?—Faitsesdevoirs.—Dèsledeuxièmejour?Jelepoussaipourentrer.Gabelevalesmains.—Toutcequejesais,moi,c’estqu’elleaaffirméavoirdeschosesàfaireetqu’elleestdanssa
chambre.Ellen’aeuquedeuxcoursaujourd’hui,cematintouslesdeux.—Çafaitplaisirdevoirquejenesuispasleseulàlasurveiller,marmonnai-je.LesouriresatisfaitdeGabemefitserrerlespoings.JemedirigeaiverslachambredeKierstenet
frappaiàsaporte.—Kiersten?J’entendisdesreniflements,puisquelquechosequitombait.Etmerde!J’entraientrombe.Waouh!J’auraismieuxfaitd’attendrequ’ellevienneouvrir.Elleétaitnue.Enfin,pasentièrementnue,maisçay ressemblaitvachement.Elleportaitunpantalondeyogaet
unebrassière.Etlesourirebéatquisedessinasurmonvisagedutmedonnerl’aird’undébilemental.—Eh!s’écriaGabedepuisl’autrepièce.Jeluiclaquailaporteaunezetfermaiàclé.—Bien,jemesensplusensécurité,commeça,grommelaKierstenenselevantdesontapisdesol.
Wes,tunepeuxpasdébarquerchezlesgenssansprévenir.—Jesuispourtantravidel’avoirfait,enl’occurrence,commentai-jeenm’approchantdulit,oùje
m’assis,ledoscontrelemur.Continue,jet’enprie.Elleéclataderire.
—Non,pasavecunpublic.Jefaisaisdesexercices,espècedepervers.—J’avaiscrut’entendrehurlermonnom.J’aidûmetromper,conclus-jeenhaussantlesépaules.—Waouh,tuasentenduçadepuislesixième?—Qu’est-cequejepeuxdire?C’estundonquej’ai.—Ajouteuneouïesurnaturelleaufaitquetumesurveilles,ettudeviensleparfaitpsychopathe.Jesourisdeplusbelle.—Pasquestionquejem’exercedevanttoi,déclara-t-elle,lesmainssurleshanches.—Alorsfaisonsçaensemble.Elleécarquilladesyeuxhorrifiés.Uneréactionquiavaitdequoireboostermonego.—Non,jeneparlaispasde«ça».Jevoulaisdire,allonscourir.—Tucours?Jehochailatêteetrépondislentement:—Jesuisquarterbackdansmonéquipedefoot.Biensûrquejecours.Rougissante,elleseposalesmainssurlevisage.—Non,jevoulaissavoirsitucouraisendehorsdesentraînements.—Tun’asjamaisjouédansuneéquipe,visiblement.Dévoilantsesjoliesdents,ellesecoualatête.—Onnetravaillepasquependantlesentraînements.Jefaisdeuxheuresdesportparjourenplus
del’entraînementdefoot.Histoirederesterenforme.Benoui,ilfautbienlesentretenir,cestablettes.—Jenem’enremettraijamais,fit-elledansunsoupirens’asseyantausol.—Petitagneau,lataquinai-je,jamaistuneteremettrasdemoi.—OK.Allonscourir.—Cool…—Àunecondition.—Ouh!m’écriai-je,lespoucesbaissés.Elleserelevad’unbond.—Tun’asmêmepasentendumacondition!—OK,vas-y.Tuascinqsecondes.—Unepatienced’ange,hein?—Un…—OK!Elleattrapaunmorceaudepapiersurlebureauetmelejetaauvisage.Je m’apprêtais à prononcer « deux » quand il atterrit sur mes genoux. Avec un soupir, je le
ramassaietmemisàlire.Çacommençaitcommesuit:Façonsdevivre
Moncœurseserra.Ellesavaitdestrucssurmoi?1.Embrasserungarçonsexy.2.Prendreunbaindeminuit.3.Boireuncocktaildefruitsaveclapetiteombrellejusqu’aubout.4.LireOrgueiletpréjugésenentier.5.Apprendreànager.
Jem’interrompis.—Tunesaispasnager?
Ellebaissalesyeuxausol,alorsjereprismalecture.6.Mefairedeuxvraisamis.7.Arrêterlesantidépresseurs.
J’avaisdoncraisonsurunpoint:elleétaitendépression.MaispourquoiunefilleaussiparfaitequeKierstentomberaitendépression?
8.Sauteràl’élastique.9.Mangerducoulisd’airellespourThanksgivingetgoûterdelabetterave.10.Tomberamoureuse.11.Avoirlecœurbrisé.12.Tomberamoureusequandmême.
Je pouvais l’aider ! Enfin, pas sur tous les points. Par exemple, elle ne pouvait pas tomberamoureusedemoi.Jenelalaisseraispasfaire.Çaneseraitjustenipourellenipourmoi,enplusellen’avaitquedix-huitans.Jerepliailepapierendeuxavecunsoupir.—Alors?demanda-t-elle, tortillantunemèchedesesmagnifiquescheveuxautourdesesdoigts.
Qu’enpenses-tu?—C’estparti,onlefait.Sonvisages’illuminacommeuneguirlandedeNoël.Avantque jecomprennecequim’arrivait,
elles’étaitruéesurmoietavaitnouélesbrasautourdemoncou.Hum,sic’étaitlaréactionquejedevaisrecevoirpourl’aideràaccomplirunelisteridicule,quesepasserait-ilsijeluiachetaisuneîleparadisiaqueavantdemou…Jechassaiscettepensée.Ironique.—Tuessérieux?Tunetrouvespasçabizarre?Jenesuispasbizarre?Jel’embrassaisurlajoue.—Cen’estpasbizarre.Enplus,jet’aiditquejevoulaist’aideràréalisertoustestrucsunpeufous,
pasvrai?Ellehochalatête.Unemèchedecheveuxluiretombasurlevisageetseposasursajouerougie.
Commeunecaresse.Jeluidonnaiunbaisersurlajoue.Justepourleplaisir.—Bien.Jediraisqu’onpeutréussiràfaireàpeuprèstoutçaavantThanksgiving.—Ahbon?—Absolument,affirmai-jeenl’aidantàserelever.Enfin…hormisletrucdetomberamoureuse.Ellepouffa.Commej’aimaissonrire!—Ouais,ben,jemesuisdit:tantqu’àémettredessouhaits,autantvoirgrand.—Unefilleselonmoncœur.Avecuneœillade,jereposailepapiersursonbureau.—Maintenant enfileun tee-shirt, histoireque tous lesgarsdu coinne te courentpas après.Car
nouspartonsfaireunfooting,trèschère.
Chapitre16
KIERSTEN
Couriraveclui,çasignifiaitaumoinsquejenelefuyaispas.Jefaisaisdesprogrès…non?QuandWesm’avait proposé d’aller courir, jem’attendais bêtement à un jogging.Du genre, on
courtunpeu,pastropvite.Pascommedesballes.Ilneparlaitmêmepas.Enrevanche,qu’est-cequ’iltranspirait…Cequicompensaitunpeu,ducoup,d’autantqu’ilavaitchoisidecourirtorsenu.Moi,parcontre,
jedevaisavoirunetronchetoutsaufsexy,pantelanteàsescôtés.—Tusais,onestentrainderayeruntrucdetalisteaumomentoùonparle,fit-ilremarquerd’une
voixtoutàfaitnormale.Ladouleurmevrillaitlecôté.—Ahoui,sifflai-je,etquoi?—Tuveuxarrêterlesantidépresseurs.—Donc…(Jetoussai.)Tuessaies…Putain,j’allaism’évanouir.—…demetuer?—Négatif.Etilricana.Sérieux,commentilfaisaitpourrespirer?—Des étudesmontrent que l’exercice physique exigeant, du genre qui fait souffrir, génère des
hormonesdubonheurdanslecerveau,cellesquiguérissentlesdouleursémotionnellesaussibienquephysiques.Unpeucommeunmédicament.Courirest lemoyenleplusrapideet leplusefficacedefairemonterceshormonesdubonheurdanslecorps.Mets-toiaufooting,etjetegarantisquetutesentirasmieux,peut-êtremêmeassezbienpourcessertontraitement.Ils’arrêta.MercimonDieu.Pliéeendeux,jelevaiunemain.—J’aibesoind’uneminute.Iltapotamondosensueuravecunpetitrire.—Letruc,Kiersten,c’estquelesmédicamentsnesontpasmauvais.Ilssontlàpourt’aider.—Ilsmedonnentdescauchemars.—Alorsdorsavecmoi.—Ilsmedonnentl’impressionquejesuisfaible.J’expirailonguement.—Uniquementparcequetuvoisleschosesdumauvaiscôté.J’attendisqu’ilmeprodiguesasagessehabituelle.Nonmais,sansdéconner, ilétaitpsydansune
autrevie?—Lefaitquetuaiesbesoind’aidenesignifiepasquetuesfaible.Lesvraisfaibles,danslavie,
sontceuxquisontincapablesd’admettreavoirbesoind’aide.Ceuxquin’avouentrien,mêmequandils ne sont plus enmesure d’y arriver seuls. Eux, ce sont les vrais faibles. En te faisant aider, enacceptantcetteaide,tuasadmistafaiblesse,etc’estlàquetutrouvestaforce.Lesfaiblesdecemondesontceuxquisecroientplusfortsquetoutetexhibentcequ’ilsprennentpouruneforceauxyeuxdesautres.Jerestaiuneminutesansparler,puislevailesyeuxverslui.Unsourireluifendaitlevisaged’une
oreilleàl’autre.—Quandest-cequetuesdevenusiintelligent?Ilhaussalesépaules,etunegouttedesueurluidégoulinalelongdelamâchoire.— J’ai fait des tas de thérapies. Crois-moi, on ne peut pas passer sa vie chez un psy sans en
ressortiravecaumoinsunoudeuxbonsconseils.Jepouffai.—Ilfautvraimentquejechangedepsy.—Super,parcequejeprendsdeshonoraires.Orjemefaispayerenrendez-vous.Parconséquent,
tum’endoisun.—Lesamisnesortentpasensemble.Toutsourires,ilclignalesyeuxpourseprotégerdusoleil.—Biensûrquesi.Memordantlalèvre,j’ordonnaiàmoncœurdecessersescabrioles.—Lefootingn’étaitpassurmaliste.—Lerendez-vous,si.—Ahoui?Etjesouris.Jenepusm’enempêcher.Cemecavaitl’artdemefairebaissermagarde.—Ceweek-end.Vendredi.Toietmoi,onarendez-vous.J’évitaisonregard,tâchantaumoinsdenepasdonnerl’impressionquej’étaissurlepointdelui
sauterdessuspourluihurler«ouiii!»danslesoreilles.Pasétonnantquelesfillesseruentsurcegarçon.Rienquelefaitdemarcheràsescôtésmevalaitdedrôlesderegards,généralementappuyés,delapartdelapopulationfémininedelafaculté.—OK,répondis-jed’unetoutepetitevoix.Maisenamis.Et je tendis lamainenguised’invitationàserrer lasienne.Hochant la tête, ilcapturamapaume
danslasienne.—Aumoinstuacceptesdemeserrerlamain,àprésent.Ilyaquelquesjours,j’étaisconvaincuque
j’allaisdevoirtel’apprendre,commeJohnSmithl’afaitavecPocahontas.—Trèsdrôle.—N’est-cepas?Enriant,ilm’attiraàlui,sibienqu’onseretrouvaquasimentpoitrinecontrepoitrine.—Jesuistouteensueur.—Ouaip.—Etpuis…jesensmauvais.Waouh,dequoilefairefuir!Wessepenchasurmatête.—Tuesentraindemereniflerlapeau?Ilhaussalesépaules.—Tuasditquetusentaismauvais,j’essaiejustedeteprouverlecontraire.—Doncjenesenspas?
—Non…Iln’avaitpasbougélevisage.Monpoulss’accéléraenentendantsoninspirationdansmoncou.—Enfinsi,tusens,maistusenslasueur.Orilsetrouvequej’aimecetteodeur.—Flatteur!répliquai-jed’untondésinvoltequejereconnaissaisàpeine.Etpuisunelanguehumideeffleura ledessousdemonoreille, tandisquedes lèvresfrôlaientma
mâchoire.—Absolument.Avantque j’aieeu le tempsde legifler,de le repousseroumêmede lever lesyeuxauciel,une
sonnerieretentit.Ils’écartaetsortitdesapocheuniPhonederniercri.—Quoi?J’attendais,malàl’aise,alorsquesonsouriredisparaissait.—Non,non,çava,pasdeproblème.Je…J’yserai.Ilremitletéléphonedanssapoche,qu’ilreferma,etsoudainilredevintjoyeux.—Çava?demandai-jeencroisantlesbras.—Super,pourquoi?Ilseremitenmarchesurlesentiermenantàl’université.—Ben,lecoupdefil,levisagetriste,latensiondanstavoix,enfin,tuvois…cegenredetruc.—Ah,ça.Alorsquenousentamionsladernièrepartiedel’alléepourrevenirsurleterrainappartenantàla
faculté,Wessemitàévitermonregard.—Çan’estpasgrand-chose, justemonpèrequi faitunecrise.Tusaiscommentpeuventêtre les
parents.Parfoisilst’enfontbaver,rienquepourpasserletemps.Jemefigeai.—Kiersten?fit-ilenmeposantunemainsurl’épaule.Qu’est-cequ’ilya?J’ouvrislabouche,maistoutcequiensortitfutunesortedehalètement,puisjemeremisàcourir
commeunedératée.Parcequeladernièrefoisquej’avaisparléàmesparents,ons’étaitsacrémentdisputésausujetde
lapremièrefêtedelycéeàlaquellejevoulaisassister.—Kiersten!criaWesderrièremoi.Mais je continuais à courir, focalisée sur le claquement de mes chaussures contre la dalle de
ciment.Gauche,droite,gauche,droite.Ilfallaitquejem’éloigne.Jegrimpaiquatreàquatrel’immenseescalierenbétonquiconduisaitauxchambres,avantdefinir
parm’effondrerausol,m’écorchantlegenouaupassage.—Merde!Le sang dégoulinait le long dema jambe et imbibama chaussure. Et au fond dema gorge, les
larmescommençaientàbrûlertandisquej’essayaisdenepasmemettreàhyperventiler.—Kiersten!Wesfutàmescôtésdanslasecondequisuivit.Ildéchiraunmorceaudemontee-shirtettapotasur
mablessure,soufflantdessustoutenessayantd’arrêterlesaignement.—Maisqu’est-cequit’apris?Tum’asfaitunepeurbleue.Etàdirevrai,tucontinuesàmefaire
hyperpeur.Qu’est-cequinevapas?Je tentai deme dégager de son emprise,mais il était bien trop fort. Je refusais de croiser son
regard.—Parle-moi,m’enjoignit-il,d’unevoixdouceetapaisante.Jesaisqueçavientdequelquechose
quej’aidit.
Chapitre17
WESTON
L’Oscar du mec le plus insensible de l’année est attribué à…Weston Michels. Je suisofficiellementungroscon.
Qu’est-ce que j’étais censé répondre à ça ?—C’était un accident.On est rarement préparé à la
mort,tuvois,fit-elleensecouantlatête.Malheureusement, elle avait tort sur cepoint.Onpouvait s’ypréparer, et j’étaisbienplacépour
savoirqueçanerendaitpasleschosesplusfaciles.Maisjen’allaispasluiexpliquerça,lemomentétaitmalchoisi.—Tuétaisprochedetesparents?—Aussiprochequ’onpeutl’êtrequandonestlycéen.—Qu’est-cequis’estpassé?Jesupposaisqu’ilsavaientpéridansunaccidentdevoitureouundramedugenre.—Ilssesontnoyés.—Quoi?(Jem’assisàsescôtéssurlebéton.)Comment?— En faisant de la spéléologie, répondit-elle dans un soupir. C’étaient des aventuriers,
contrairementàmoi.J’aieupeurdemonombrejusqu’àmaterminale.Jerisetluipassaiunbrasautourdesépaules.—IlsétaientpartisenFloride,pouruneénièmesortiedeplongée.J’ignorecequiestprécisément
arrivé;jesaisenrevanchequ’ilsétaientprudents.C’estd’ailleurspourçaquejenepensaisjamaisauxrisquesencourus:ilsprenaienttouteslesprécautionsnécessaires.Savoixsefitbasse.—Ons’étaitdisputéstrèsviolemmentautéléphone,parcequejevoulaisalleràunefêteetqu’ils
refusaient.Jeleuraiditquejelesdétestaisetquejenevoulaisplusjamaislesvoir.—Merde.—Ilssontmortstroisheuresplustard.Leurscorpsontétérepêchésàdeskilomètresaufonddela
grottequ’ilsexploraient.Lescordagesdesécuritéétaientenlambeaux,commes’ilss’étaientrompus.Lapoliceaprésuméquelamaréeétaitremontéeplustôtquemesparentsnel’avaientprévu,etqueleressacavaitfrottélacordecontrelesrochesacérées.Elleessuyaseslarmes.—Jen’arrivepasàl’imaginer.Çametuedesavoirqu’ilsontpasséleursderniersinstantsdansun
troud’eautoutnoir.Sanspouvoirremonteràlasurface,tuvois?C’esttellementtriste,etmoijenepouvaisrienfairepourl’empêcher.Aurisquedemefairegiflervoirepire,jem’humectaileslèvresettentai:—Kiersten,jepensequetuenvisageslachosedelamauvaisefaçon.Jesentissesmusclesseraidirsousmesdoigts.Commesijevenaisdeluiannoncerquej’allaisla
pourchasseretqu’elledevaitfuir,chaquecentimètrecarrédesoncorpss’écarta,prêtàbondir.
—Écoute-moi,chuchotai-je.Ilsadoraientlaspéléologie,pasvrai?—Oui.Savoixétaitfaible,maisaumoins,elleétaittoujoursassiseàmescôtés,etpasàmefrapperouà
s’enfuir.—Etilsenconnaissaientlesrisques?—Biensûr!—Fermelesyeux.—Quoi?Non.Elleessayadesedégager,maisjelatinsfermement.—Kiersten,fermelesyeux.Ellefrissonna,soupira,puisellefermalesyeux.— Écoute ma voix, lui murmurai-je à l’oreille. Imagine l’histoire sous un jour différent. Tes
parentsraccrochentaprèsavoirparléavectoi,ilssonténervésmaispasvraimentbouleversés.C’estvrai,tuavaisquoi?Quinzeans?Touteslesfillesdequinzeanspassentparcesphases.—Qu’est-cequetuensais,toi?—Àl’intérieurdececorps,jesuisunefilledequinzeans,luiglissai-jeenriantàl’oreille.Plus
sérieusement,jelesaiscarj’aiétééducateuràlamaisondesjeunes.Crois-moi,lesfillesdequinzeanspeuventêtreterrifiantes.Jesentissesépaulessedétendre.—Donc,tesparentsraccrochentletéléphone,ilssecouentlatête,soupirent,etpuisilspartentsur
la plage,maindans lamain.Là, ilsmettent leur équipement de spéléo, vérifient et revérifient leurballon d’air et les cordes, puis ils descendent dans leur grotte.À cemoment-là, quelque chose seproduit.Peut-êtreunmalheureuxconcoursdecirconstances.Lagrotteétaitsibellequ’ilssontallésdeplusenplusprofond,sansserendrecomptequ’ilsn’avaientplusassezd’airpourrevenir.Oubienilsn’ontpasremarquéquelescordesn’étaientplusattachéesàlasortie.Sarespirationétaitsaccadée,maisjepoursuivismonhistoiretoutenluifrottantledos.— Peut-être ont-ils vu qu’ils allaient manquer d’air, et ne sachant pas dans quelle direction ils
devaientaller,ilsontavancédanscellequ’ilsavaientchoisie.Peut-êtrequ’ilssesontprisparlamainet ont nagé dans la pénombre des profondeurs, pleinement conscients qu’ils s’endormiraient sansdouteauboutdequelquesminutes.Maisaumoinsilss’endormiraientmaindanslamain.Aumoins,leurdernièrepenséeseraitpourtoi,pourleurfamille,etaumoinsilsseraientensemble.Tuvois,jen’envisagepasleurmortdelamêmefaçonquetoi.Tulaperçoiscommeunetorture,etmoi,commeunévénementpaisible.Tuvaspeut-êtremeprendrepourundingue,maisjen’imaginepastesparents,en plongeurs avertis qu’ils étaient, paniquer et souffrir. Au contraire, conclus-je en haussant lesépaules,jelesvoissetenantlamaindanslenoir,etjelesvoissourire.Kierstenrestasilencieuseunmoment.Jem’écartaipourlaregarderdanslesyeux,maisellesecachaitlevisageentrelesmains,etquand
ellelesretira,sesdoigtsétaienttrempésdelarmes.Jen’euspasletempsdemeprépareràsonétreinte.Ellemecollaaubéton,sivitequej’eustout
justeletempsd’ouvrirlesbrasavantdelesrefermer.C’était la première fois qu’onme serrait ainsi depuis lamort demon frère. Je n’en dis rien à
Kiersten,maisencetinstant,àl’enlacer,laréconforter…Lamortnemeparutplustoutàfaitaussiterrible.Lefuturnemesemblaplusaussimorne.Parcequequandellemerelâcha,quandsesyeuxrencontrèrentlesmiens,j’ylusdel’espoir.
Chapitre18
KIERSTEN
Alorscommeça,j’enlacedeparfaitsinconnusenpleurantdansleursbras?Oui,bençajelesavaisdéjà…
Ildevaitmeprendrepourunedingue,maisjeneparvenaispasàlelâcher.Entoutelogique,mon
cerveaumesignalaitqu’il était foudemesentiraussiproched’un typeque jeconnaissaisàpeine.Maisd’unpointdevueémotionnel…Ilavaitramassétouslespetitsmorceauxdubagagecompliquéquej’avaisapportéàl’université,l’avaitouvertengrandetnettoyéàfond.Unepartiedemoiétaitfurieuse.Quantàl’autre…cellequicontinuaitàs’accrocheràWescomme
àunebouéedesauvetage,cettepartie-làsesentaitsoudainlibre.Enl’espacedecinqminutes,ilavaitréussilàoùdeuxannéesdethérapieetdestonnesd’antidépresseursavaientéchoué.Ilm’avaitaidéeàpardonner.Bon,çan’étaitpasaussisimple,j’enétaisbienconsciente,ceseraittropbeau.Est-cequ’ilsuffisaitdeconsidérerl’histoired’uneautrefaçon?Letrucbizarre,c’étaitquetoutcequ’ilavaitditsurmesparents tombaitparfaitement juste.C’étaitvrai. J’adhéraisà saversionde l’histoire,car jesavaisaveccertitudequ’ilsétaientainsi.—Kiersten?murmura-t-ilcontremajouehumidedelarmes.Sonsoufflemefitfrissonnerdelatêteauxpieds.—Çava?Jelâchaiunprofondsoupir.—Tupensesquejesuisfolle?Ilrit.—Onesttousunpeufous,c’estcequinousrendhumains.Jelerepoussai.—Wes?intervintunevoixd’hommedansmondos.Jemeretournaietdécouvrislemêmetypequej’avaisvuladernièrefoisàlafête.—David,réponditWes,avantdeseleveretdem’aideràenfaireautant.Toutvabien?—Naturellement.PuisleDavidenquestions’éclaircitlagorgeetcomposaunnumérosursontéléphone.—Ilvabien,monsieur.Oui, ilétaitsorti…couriravecunefille.(LesouriredeDaviddisparut.)
Biensûr,ouijevaisleluirappeler.Oui,mercimonsieur.Désolé,monsieur.Wesmelâchalamainpourcroiserlesbras.—Alors,quelssontlesordresdugénéral?Davidfourral’appareildanssapoche.—Ila justeexigéquevousgardiezbienvosprioritésentête.Votresanté, lefootball, l’école.Et
ensuitelesamis.Aïe!Voilàquimeplaçaitbonnedernière.—Trèsbien,David,acquiesçaWes.Merci.JevousenvoieunSMSsij’aibesoindevous.
MaisDavidnebougeaitpas.Weslâchaunsonprochedugrognement.—Quoi?Vousallezmesuivremaintenant?—Lesordres,soupiraDavidenhaussantlesépaules.Désolé,Wes,jerisquemonposte.Voussavez
commentc’est.—Eneffet.Wesmarmonnaunvilainjuronàmi-voix,puisilsetournaversmoi.—Excuse-moi,Kiersten. Je dois y aller. Il semble quemon père s’inquiète des priorités que je
donneàmavie,expliqua-t-ilavecunsourirecrispé.Onpeutsevoircesoir?Jecroisqu’onaencoredesbricolesàmettreaupoint.—Jenesaispastrop.Uncoupd’œilauregarddésapprobateurdeDavid,puisdenouveauausol.—Je,euh…jepensequejesuisprise.Wesfitunemouefrustrée.—Allons,Wes,intervintDavidenluitouchantlebras.—Non,répliquaWes,imperturbable.Pastantqu’ellen’aurapasdit«oui».—Arrête,Wes,lesparents,c’estimportant.Sitonpèreveut…—Cequ’ilveut,m’interrompit-ilsuruntonglacial,cesontdeuxfilsenbonnesanté.Etcequ’ila,
c’estjustemoi.Ilsecontenteradecequireste.Jepasseraiàtachambrecesoirà19heures.—Pascesoir.Maisdemain,c’estvendredi.Rendez-vousvendredi,OK?—OK.Il déglutit et ses joues retrouvèrent leur couleur alors que sa mâchoire semblait se détendre.
Pourquoiavait-ilsoudainl’airsifaible?—Àdemain,alors,conclut-il.Et je le regardai s’éloigner, de plus en plus curieuse. Pourquoi le quarterback de l’équipe de
footballdel’universitéétait-iltoujoursaussipâle?Etpourquoi,quandilatteignitl’ombredesarbres,s’appuya-t-ilcontreceDavidcommes’ilétaitsurlepointdes’évanouir?Etenfin,s’ilnesesentaitpasbien,pourquoidiablevoulait-ilallercourir?Cespenséesmerongeaient l’espritalorsque je regagnais les résidences.Ladernièrechosedont
j’avaisbesoin,c’étaitdemerapprocherd’ungarçonquimeprocuraitautantdebien-êtrequeWes,pourque celui-cime soit ensuite arraché sousprétexte que je n’étais pasunepriorité dans la listeétablieparsonpère.Beurk.J’ouvrislaportedenotrechambreetentraid’unpasléger.—Salut!lançaGabeavecunpetitgeste,sanscesserdezapperentreleschaînesdetélévision.Tu
meremercierasplustard.—Teremercier?—Pourlecocktailprotéinéet labananequi t’attendent,prêtsàêtreconsomméssur lecomptoir.
Disonsquej’observaislesoiseauxetquejet’aipeut-êtrevuearriverdeloin.—Tuobservaislesoiseaux?répétai-jeenlevantlesyeuxauplafond.Etquellesespècesd’oiseaux,
monsieurl’ornithologue?—Lesgris,répondit-ilsanssedémonter.—Lespigeons?—Lespigeonsnesontpasgris.—Tuesdaltonienouquoi?demandai-jedansunéclatderireincrédule.OK,peuimporte.Donctu
observaislespigeons,parceque…?Gabe jeta la télécommandesur lescoussinsducanapéet se leva,étirant lesbrasau-dessusdesa
tête. Un geste qui révéla une nouvelle série de tatouages, des dessins remontant cette fois de seshanchesverssonventre.—J’étaisinquiet.—Pourlapopulationdespigeons?—Pourtoi,gronda-t-il.Jesaisquetul’apprécies,mais…Ilsemorditlalèvreinférieure.—Ilyaquelquechosechezluiquimetracasse,ettun’esqu’enpremièreannée.—Mercipourlamiseengarde.Laprochainefoisqu’unefillesauteradanstonlit,jem’assurerai
de lui faire un petit bilan avant. Tu vois, en remerciement pour l’intérêt très appréciable que tumanifestesàmonégard.Haussantlesépaules,ilmerejoignitàlacuisine.—Jesuisàpeuprèssûrqu’ellesdoiventtoutessignerunedécharge,detoutefaçon.—Écœurant.Iléclataderire.—Bon,alors,ilestoùcecocktail?—Ici,répondit-ilendésignantsonfessier.Et il entamaune danse suggestive, se déhanchant avant de s’interrompre enmimant une chaleur
torride.Unfouriremegagna,puis ilmefit facedenouveau, levant l’indexpendantquede l’autremain,ilpêchaitsontéléphonedanssapocheetmettaitdelamusique.Ilm’attrapaparlesmains.EtonsemitàdansersurRocketshipdeShaneHarper,tournantsurnous-mêmesavantderebondir
surnosfessesetdefaireunpasdecôté.PuisGabemerelâchaetsedirigea,sanscesserdedanser–trèsbiend’ailleurs–verslestassesau-
dessus de l’évier. Il en sortit une, puis mixa une banane dans mon cocktail de protéines tout encontinuantàsedéhancher.Enfin,ayanttrempésondoigtdanslamixture,illelécha.Puisilréitéral’opérationàmonintention
etmetenditsondoigt.Jesecouailatêteensignederefus.—Justepourgoûter,susurra-t-ilensepenchantversmoi.—Ditl’aînéàlacadette.—Rienqu’unefois,çanevapastetuer.—Tuesletypecontrelequellesgarsquipassentdanslesécolespourlescampagnesantidrogues
nousmettentengarde,pasvrai?Celuiquiprétendqu’onnedevientpasaccroenuneprise?Ilsourit,narquois.—Disdonc,Kiersten,sijecomprendsbien,tuaspeurdedeveniraccroàmoi?—OK,consentis-je,léchantlasubstancesucréeàmêmesondoigt.—Tul’aimesvraimentbeaucoup.—Quoi?Jereculaid’unpasetlecontournaipourallercherchermonverre,maisilvintm’emprisonnerde
sesbraspassésautourdematailleetmefitpivoter.—Jeconnaislesfilles,affirma-t-il.Crois-moi,jelesconnaisbien,etiln’yarienchezmoiquite
fasse craquer. Je parie que même si je t’embrassais, tu continuerais à penser à lui. Mais merde,Kiersten,çanefaitquequatrejours!Tonpetitcœurvaêtrebrisésitutombesamoureusedelui,etensuite,jedevrairamasserlesmorceauxettucoucherasprobablementavecmoipourtesentirmieux,
puisauréveiltutedétesterasettutomberasdansunespiralenégativeconsistantàutiliserleshommespourremplirlevidequ’ilauralaissédanstavie.—Waouh.—Làoùjeveuxenvenir,reprit-ilenm’attrapantparlespoignets,c’estquetoutçapeutêtreévité.
Neluiaccordepastoutdetoi,pasavantd’êtresûrequ’ilenferaautantenretour.Jemedégageaidesonempriseetbusunelonguegorgéedemoncocktail.—Pourquoiest-cequetumeracontestoutça?Tumeconnaisàpeine.Ilémitunpetitricanement.—Exactementcequejevoulaistefairecomprendre.Jeneteconnaispas.Ilneteconnaîtpas.La
seulepersonnequivasebattrepourteprotéger,là,c’esttoi.N’oubliepasquiesttonmeilleurallié.Netelaissepasaveuglerparlesjolissouriresetlescorpsdedieuxgrecs–pasmêmelemien.Savantardiseluivalutunhaussementdesourcils.—Nemefaispasdirecequejen’aipasdit,reprit-il,levantlesdeuxmains.Tueshypersexy,mais
jen’aimepasabîmermesjouets.—Quoi?—C’estuncompliment,expliqua-t-ilensouriant.Onnecouchepasaveclesmeilleuresamiesdesa
cousine,niaveclescolocs,niaveclesfillesquineseconnaissentpasencore.—Tuasl’airdeparlerenconnaissancedecause.Jepenchailatêtepourmieuxobserversesyeuxperçants.Illâchaunjuronetdétournaleregard.— C’est le cas. Et tu n’as pas besoin d’en savoir plus. Elle m’a détruit, Kiersten. Et putain, je
donneraisquandmêmetoutpourqu’ellemedétruiseencore,etmêmeplusieursfoisd’affilée,siçasignifiaitquejepouvaisfairepartiedesonunivers.Jelepoussaiverslapièceprincipaleetm’assissurlecanapé.—Qu’est-cequis’estpassé?— Apparemment, je suis le genre de type avec qui l’on sort pour emmerder les parents. En
attendant qu’arrive unemeilleure offre, une offre comprenant des affaires à plusieursmillions dedollars.Jeluiprislamain.—Oh,monpauvre,jesuisdésolée.—Iln’yapasderaison,c’étaitilyadesannées,répondit-il.Jesuisaguerri,maintenant.Puisilbâillaetsedonnaunetapesurlajambe,avantdesedirigerverslaporte.—Repenseànotrepetiteconversation.Ilmejetauncoupd’œilpar-dessussonépauleetgrimaça.—Etvaprendreunedouche,tupues.—Merci,répondis-jeenlevantlesyeuxauciel.Ils’arrêtaàlaporte.—Jepourraisterejoindre,situtesensseuleetquetuasbesoindequelqu’unpourtefrotterledos.Jedésignailaporte.—Aurevoir,Gabe.Ilsortitenriant.Unepartie demoi savait qu’il avait raison, et je détestais ça.Car jemevoyais en train de faire
exactementcequ’ilavaitdécrit,àsavoirm’accrocheràWescommeàunebouéedesauvetageetpuismourirdechagrinsi,auboutducompte,çaneseterminaitpascommejeledésirais.Jenepouvaispasmeperdreenlui.Non,pasquestionqueçaseproduise.
Chapitre19
WESTON
Jeneflippepas…pasencore.Pourquoin’a-t-ellepasrappelé?Jesaisquej’étaisridicule,enpleincours,depassermontempsàvérifiermontéléphonepourvoir
sijen’auraispasunSMSouunappelmanqué.Kierstennem’avaitpasrépondu.Et jedétestaismeretrouvercomplètementperturbé,à imaginer
toutuntasderaisonspourlesquellesellerefuseraitdemeparler.Était-ceàcausedemonpère?Oul’avais-jepousséetroploin,tropvite?Merde.Montéléphonesemitàvibreraucreuxdemapaume.Enfin!JebaissailesyeuxversleSMS.ToujoursOKpourcesoir?
J’eus toutes lespeinesdumondeàcachermonexcitation.Enl’occurrence, j’arboraisunsourire
tellementniaisque laprofdutmecroiresous l’emprisededrogues,oubienen traindematerdesrevuespornosouuntrucdugenre.—Vousavezenviedepartagerquelquechoseaveclerestedelaclasse,monsieurMichels?Merde,elleavaitdoncbeletbienremarqué.Jem’éclaircislagorgeetacquiesçai.—Oui,j’airendez-vousavecunefille.Quelqueschuchotementsmontèrentautourdemoi,etjereçusunebourradedelapartd’unoudeux
coéquipiers.Laprof,enrevanche,nesemblaitpasdutoutamusée.Ellelevalesyeuxaucieletrepritsoncours.Maisj’étaisincapabledemeconcentrer.AlorsjerépondisauSMS:
Jecomptelesminutes.Voilà que j’avais perdu chaque once d’expérience minutieusement acquise au cours de mon
existence. Je ne voulais plus jouer le type cool et détaché.Celui qui a tout le temps devant lui. Jesavaisbienqueçan’étaitpas lecas.Et jevoulaisprofiterdechaqueinstantavantqu’ilnesoit troptard.J’avaislesmainsquitremblaient.Pourlaénièmefois,jevérifiaimontéléphone.J’allaisdevoirm’envoyeruneautrefournéedemédicamentsavantdelavoir,cesoir.Sijerataisle
courssuivant,quejelesprenaisuneheureplustôtetquejem’allongeaisensuite,çadevraitallerpourlerendez-vous.Dumoinsassezpournepasluivomirauvisage.Sonsijolivisage.Dixminutesplustard,jesortisdelaclasseetmedirigeaidroitversleschambres.
Chapitre20
KIERSTEN
Pourquoi est-ce que je ne m’étais pas rendu compte que j’avais un rendez-vous avantmaintenant?Qu’est-cequejevaismettre?Onvadîner?Ohpunaise!Jecroisquejevaisvomir…
—C’estjoli?Vraiment?demandai-jepourlavingtièmefois.Gabesefrappalefrontduplatdelamainetlâchaunjuron.—Maisdétends-toi !Punaise, j’aipresqueenviede te faireboirede l’alcoolmaintenant.Assise.
C’estpresqueprêt.Jeluisouris.NouvelleexpressionimperturbabledeGabe,occupéàpasserlefersurlechemisierblanc.—Jel’emporteraidanslatombe,vois-tu.—Quoi?Lechemisierblanc?demandai-jeinnocemment.—Non, répondit-il, levant les yeux auplafond avant de débrancher le fer.Mon talent de fée du
logis.—Il sait aussi coudre, annonçaLisa,qui entradans lapiècepourvenir agiteruncollierdevant
monvisage.En fait, je suis certaineque si tu lui demandais de te tricoter unpull, tu l’aurais d’iciNoël.—Merci,cousine.Illuifitsignedes’écarteretmejetalechemisier.Quejerattrapaiauvol.—Eh!Tuvasgâchertouttonbeautravail!—Ilfautvraimentquejemedégotedescopains,marmonnaGabe.Marredetraîneravecdesfilles.Ilpritplacesurlecanapéetsoupira,latêteentresesmains.Lisafitminedes’offusquer.—Jesuisvexée!Etmoiquicroyaisêtretonpotepréféré.Ilplissalesyeux.—Tuaslacertitudequetuesunloserquandtonmeilleuramiesttacousine.—Oh,Gabe,répliqua-t-elleenportantunemainàsapoitrine,c’estlachoselaplusgentillequetu
m’aiesjamaisdite.—Super.Ilcroisalesbrasetgrognaenrenversantlatêtecontrelescoussinsducanapé.—J’aibesoind’uneclope.—Tuasarrêté,luirappelaLisa.—OK,alorsdel’alcool.—Tuneboisplus.JerisduregardexaspéréqueGabemelança.Ilselevaetsedirigeaverslacuisine.J’entendisde
l’eaucouler,puisquelquesjurons.
—Nefaispasattentionà lui,meconseillaLisaenagitant lamaindanssadirection. Iln’estpasaussiagacéqu’ilyparaît.Jetejure.—Mensonge!entendit-oncrierdepuislacuisine.—Bon,repritLisaendésignantmontee-shirt,déshabille-toi.Ilatravaillédursurlaquestionetje
veuxm’assurerquecechemisiers’accordeparfaitementaveclajupe.—Euh…,commençai-jeensecouantlatête.Gabeestàlacuisine,c’estcommes’ilétaitlà.Jevais
mechangerdansmachambre.—Tupeuxconsidérerqu’ilesthomo.Jeteprometsqu’ilneserendracomptederien,m’assura
Lisaavecunhochementdetête.Unnouveaujuronnousparvintdelacuisine.PauvreGabe.—OK.J’ôtairapidementmontee-shirtetattrapailevêtementqu’ellemetendait.Unàun,j’enattachailes
boutons,puisjemelevaipourqu’ellem’examine.Jeportaisdésormaisunejolieminijupeàrayuresblanches et marron qui moulait mes courbes, et un chemisier blanc fluide qui retombait sur meshanches.Selonmesstandards,c’étaitaffreux,maisvulesourirequisedessinasurlevisagedeLisa,jecomprisquej’avaiseutort.—Bonsang!lâchaGabederrièremoi.Jefisvolte-face.Ilsouriait.—Jenesuispashomo.Etj’aitoutvu.Etilprononça«vu»avecuntelsourireprédateurquejereculaid’unpas.—Gabe,arrêtedeluifairepeur,legrondaLisa.Allez,Kiersten,metslecollier,lesescarpinsettu
serasprête.J’obtempérai,puismeplantaifaceàeuxeteffectuaiunrapidetoursurmoi-même.—Non.Change-toi,déclaraGabeenselevant.—Quoi?Pourquoi?Çan’estpasjoli?demandai-jeenmedécomposant.—Lisa,tuveuxqu’ellesefasseviolerouquoi?Secouantlatête,ilmarchaversmoi,teluntigresurveillantsaproie.—Lehautn’estmêmepasdécolleté!Elleestboutonnéejusqu’aucou,bonsang!argumentaLisa.—Benvoyons!ricanaGabe.Et avantmême que je comprenne ce quim’arrivait, ilm’avait enlacée, lamain au niveau de la
poitrine,surledernierbouton.—Etpendanttoutelasoirée,ilvasedemandercombiendetempsçaluiprendradedéfairechaque
boutondecechemisier.—Lajupeestparfaite,s’obstinaLisa.Gabepassalesmainssurlajupeettiralégèrementdessus.—Ouais.Çapourraittoutaussibienêtreunesecondepeau,vulafaçondontelleestmoulante.Ettu
saiscequepensentlesmecs.Lisalevalesyeuxauciel.Moi,enrevanche,j’étaispétrifiée.—Ilvavouloirluitoucherlesjambes.Ilvavouloir…—Gabe!Lisasemitdeboutetsedirigeaversnous.—Onparledelui,là?Oudetoi?—Jen’aipasenviedecoucheravecelle!Ilavaitquasimenthurlé.—Euh…,lesinterrompis-jetimidement.Jevoussignalequejesuislà.
Gabesemitàfairelescentpasdevantmoi.—Ils’agitdelui,précisa-t-il.Ets’illatouche?Siellenetrouvepaslesiffletetque…—Toi,tuvasfaireunpèregénial,commentaLisa.Maislà,ilesttempsdecouperlecordon,OK?
Dis-luiqu’elleestjolieetlâchel’affaire.Gabecroisalesbrasetfitlamoue.J’attendais,commeLisa.Iljura.—Tuestrèsjolie,admit-ilenfin,enmeregardantdroitdanslesyeux.Jem’approchailentementetluidéposaiunbaisersurlajoue.—Merci!Çasignifiebeaucouppourmoi.—Lisa,lançaGabed’unevoixrâpeuse,laisse-nousuneminute.—Mais…—J’aidit:«Laisse-nousuneminute.»—OK.EtLisafiladanssachambred’unpasénervé,melaissantseuleavecsoncousin.—Tusaisoùfrapperungars?medemanda-t-ilens’emparantdemesmains.Sijet’attirecontre
moi,est-cequetusaiscommentmedonneruncoupdegenou,etoù?Jeprojetailegenouverslehaut,etGabesouritenreculantpromptement.—Bienjoué.—Autrechose,papa?letaquinai-je.Avecungrognement,ilm’attiradenouveaucontrelui.—S’ilessaiede te toucher,s’il faitquoiquecesoitdont tun’aiespasenvie, tusoufflesdansce
fichusiffletettum’appelles.Etpeuimportel’heuredujouroudelanuit,d’accord?Jelâchaiunsoupirethochailatête.Alorsilmerelâcha.—Pourquoitutemontresaussiprotecteurenversmoi?Tunemeconnaismêmepas.J’allaim’asseoirsurlecanapéenattendantqueWespassemechercher.—Aucuneidée.Gabepritunsiègeprèsdemoietpassaunbrasderrièreledossierducanapé.—Jenesupportepasl’idéequ’ilt’arrivequelquechose,c’esttout.Ets’ilfautquejecontinueàle
proclamerjusqu’àenperdrelavoix, je leferai : jenesuispasjaloux.Juste…J’aiuntrèsmauvaispressentimentàsonsujet.—Ilfautquetulaissesl’oiseaus’envolerdunid,Gabe,répliquai-jeenluidonnantuneclaquesur
lacuisse.Etfie-toiàmonjugement.Ils’esttoujourscomportéenparfaitgentlemanavecmoi.—Je lesais,admit-ilensepinçant l’arêtedunez.Mais tune le trouvespasbizarre?Luietson
entourage?Etlefaitqu’ilsoitRA,çan’estpasbizarreaussi?C’estvrai,pourquoiilestRA?J’aimêmeposélaquestionàcertainsétudiantsdedernièreannée.Çan’auraitjamaisdûêtrelui,maistoutlemonderefusedeparler.Etpuis,ilyalefootball.Undemesamisdansl’équipem’aapprisqu’ils’étaiteffondrépendantl’entraînement.Ets’ilprenaitdeladrogueouuntrucdugenre?Jesecouailatête,refusantd’ycroire.—J’endoute fortement. Jepenseplutôtqu’il est surmené.Tunecroispasque tu le serais, à sa
place?—Probablementquesi,répondit-ilauboutd’unmoment.Soisprudente,entoutcas.—Pourlavingtièmefois,chantonnai-je,jeleserai.Uncoup frappé à la porte fit s’emballermoncœur, à croirequ’il allait sortir demapoitrine et
atterrir,encorebattant,surlesol.
Lisaaccourutdesachambre,manquantd’entrerencollisionaveclatablequiluibarraitlepassage,etallaseposterdevantlaporte.Là,elles’arrangealescheveuxavantd’ouvrirengrand.
Chapitre21
WESTON
Pourlapremièrefoisdepuisunan,j’avaisenviedevivre.Parcequejevoulaiscommencerchacune demes journées en la regardant ouvrir les yeux sur lemonde.Être la premièrechosequ’elleverrait.Parfois,laréalitéestunegarce.
J’ignorecequej’imaginaislavoirporter.Entoutcas,pasça.Unejupecourte,unchemisierfluide
etdestalonshauts,dugenreàdonnerenvieàungarçondeluitoucherlespieds.Etjen’étaispourtantpashommeàregarderlespiedsd’unefemme.—Tues…trèsbelle,parvins-jeàarticuler.Derrièreelle,j’entendisgrognerGabe.Manifestement,iln’étaittoujourspasfandemoi.Jenotai
mentalement d’essayer de le gagner à ma cause, plus tard dans la semaine, au lieu de le laissergrogneretgrondersansréagirchaquefoisquejecomplimenteraislafillequimeplaisait.Etmerde,jecraquaispourelle.Orjenepouvaisvraimentpasmepermettredevivreça.Jejetaiun
nouveaucoupd’œilàsajupe,auxjambesquimenaientjusqu’àcesadorableshanches.Bonsang!—Tuesprête?croassai-je.Mavoixressemblaitsoudainàcelled’unadolescentenpleinepuberté.—Absolument.Etavecunsourirechaleureux,elleattrapaunobjetàlanièresquej’identifiaicommeunsacàmain.
Àmoinsquecenesoitunearme.Jeluitendislebrasetl’escortaijusqu’àlaporte.—Tuastonsifflet?m’enquis-je.—Sifflet.—Portable?—Portable.—Liste?Elles’immobilisaetlevalesyeuxversmoi.—Tu sais, tu n’es vraiment pas obligé dem’aider pour ça. Enfin, je veux dire, je peux quand
même…—Arrête,intimai-jeenposantundoigtsurseslèvres.Onvas’attaqueràcetteliste,maisn’oublie
pascequej’aidit:jenepeuxt’aiderquesurcertainspoints.Letrucdetomberamoureuse,ilfaudralegarderpourquelqu’unquiméritetongentilpetitcœur.Ellepouffa.—Commentsais-tuquemoncœurestgentil?Jem’immobilisaietplaçaiunepaumeàplatsursapoitrine,adorant lafaçondontsoncœursain
frappait contre ma peau. Je le sentais presque battre pour le mien, le renforcer. Je m’écartai etremarquailarougeurdesesjoues.—C’estunboncœur.Quibat fort,mêmesi jesuisquasicertainqu’ilaeuunratéquand je t’ai
touchée.
—Trèsdrôle.Elledétournalesyeux.—Jesaisquetuasunboncœur,repris-jeensoupirant,avantd’ouvrirlaported’entrée,caràla
secondeoùjet’airencontrée,j’aieuenviedemebattrepourlui.Ellerestasilencieuse.—C’estàçaqu’onreconnaîtuncœurpur.—Quandiltedonneenviededéclareruneguerre?répliqua-t-elleenriant.Clairement,elletentaitd’allégermonhumeur.—Non,soupirai-je.Quandtuveuxêtreceluiquilefaitbattre.Sérieux, il fallaitvraimentque j’arrêted’yaller aussi fort. J’allais la faire fuir enhurlant,or je
n’avaisvraimentpasenviequ’ellesetordeunecheville,avecsesescarpinsàtomberparterre.—Jesuislà,indiquai-jeendésignantmaPorscheCayennenoire.Jeluiouvrislaportière.C’étaitlaseulevoitureenmapossessionquinesoitpasexotiqueaupoint
de donner envie aux gens de me planter un couteau dans l’œil. Pour mon seizième anniversaire,j’avaisdemandéun4×4.Monpèrem’avaitoffertuneMercedes,dugenredecellesqueconduisentleshommespolitiques,avecvitrespare-balles.LaCayenne,enrevanche,jemel’étaispayéetoutseul,lejourmêmeoùj’avaiseuaccèsàmoncompteépargne.Kierstenneparlaitplus.JecontournairapidementleSUVetsautaiderrièrelevolant.Kierstenpassait lesdoigtssur lecuirdessièges, lesyeuxécarquillés,absorbantchaquedétailde
l’habitacle.C’étaitdrôle,maisdesannéesauparavant,jen’auraisjamaisremarquéça.Maintenant,jefaisaisattention.Caronnesait jamaisquandun instant sera ledernier.Ducoup,autantmémoriserchaqueminute.Commecemoment,oùlesoleilcommençaitjusteàtomber,avecsesderniersrayonsqui,enpénétrantàtraverslavitre,seposaientdirectementdanssescheveuxroux.Onauraitditqu’ilss’embrasaient.Jelâchaiunsoupir.Ellesetournaversmoi.—Qu’est-cequetufais?—Jeteregarde,admis-jeentoutehonnêteté.Jepensequetumedoisbiença:c’estquandmêmetoi
quim’astouchélejouroùons’estrencontrés!Ellesecachalevisageentresesmains.—C’estfaux!Sajolievoixétaitétoufféeparsespaumes.—Euh…si,c’estvrai,protestai-jeendémarrantlemoteur.Maisnet’inquiètepas,j’emporteraiton
secretdansmatombe.Merde,ilfallaitvraimentquej’arrêteaveccegenredecommentaires.Je jetai un coup d’œil à ma montre, avec l’espoir que le processeur n’était pas en panne. Pas
questionderaternotrepremierarrêt.—Alors?demanda-t-elleentripotantsaceinturedesécurité.Onvaoù?—Fairedusautàl’élastique,répondis-je,trèssérieux.C’estsurtaliste,non?Elleécarquillalesyeux,lesbaissaverssajupe,puislesrelevaversmoi.—Jeneregarderaipas,promis.Remarquequimevalutuneclaquesurleventre.—OK,OK,nemefrappepas.Onvaàunrendez-vous,admis-jeenriant.—Ça,jelesais.—Danscecas…
Jeprislapremièrebretelledesortie.—Tun’aspasbesoind’ensavoirplus,ilmesemble.Celafaisaitdesannéesquejen’avaispasemmenéunefillequelquepart.Entrelesentraînementsde
foot et le fait que Lorelei refusait de fréquenter les lieux publics, à l’exception des fêtes pourcélébrités,celafaisaitunepaie.—Onyestpresque.Jeprisàgauchepuism’engageaisurl’alléeprivée.Kierstenn’avaitsansdoutepaslamoindreidée
del’endroitoùnousallions,etçaaugmentaitl’intérêtdelachose.Celadit,jenevoulaispasnonplusqu’elleprennepeur.—Tuastoujourstonsifflet?—Pourquoi?demanda-t-elleensetournantbrusquementversmoi.Jevaisenavoirbesoin?—Non,répondis-jeenriant.Jevérifiaisjuste.—Tum’emmènesaufonddesboispourmetuer?—Euh…non.Ellelâchaunsoupir.—Sijeprévoyaisdetetuer,jen’iraispasdireàtoutlemondequejet’emmèneenrendez-vous.Je
suisbiencertainqueGabesepointeraitarmeaupoing,situmettaisplusd’uneminuteàrépondreàl’undesesSMSpourluiconfirmerquetuvasbien.Elleéclataderire.—Sansdoute,oui.J’adorais son rire.Décidément, je devenais fou – une sorte de dément enmanque d’affection et
accroauxmédicamentsdesurcroît.Jegarailavoitureetcoupailemoteur.—Qu’est-cequ’on…?—Descendsdelavoiture.Jevaistemontrer.NousétionsauborddulacWashington,suruneparcelledeterrainprivéeappartenantàmafamille.
Onneseraitpasdérangés,personneneviendraitfairequoiquecesoitd’insensé.Rienquenousdeux.Dieumerci.J’avaismêmeannoncéàJamesetDavidques’ilssemontraient,jetrouveraislemoyendelesfairerenvoyer.Furieux, ils avaient fini par abandonner quand je leur avais accordé le droit de traquer mes
mouvementsetdegarderunœilsurmesconstantesgrâceauxinstrumentsmédicauxsuperflippantsfournisparlessoi-disantexpertsdemonpère.—Etmaintenant,onfaitquoi?Kierstencroisalesbrasetsetournaverslelac.Ellesemblaitnerveuse,regardanttantôtversl’eau,
tantôtverslesolrocheux,commesiellenesavaitpasvraimentoùposerlesyeux.Entoutcas,partoutsaufsurmoi.—Un.—Quoi?fit-elleenlevantbrusquementlatête.—Un.Jeluiprislesmainsetl’attiraicontremoi.—Onpeutrayerlenuméroundetaliste.Ellefronçalessourcils,avantdecomprendreetd’écarquillerlesyeux.—Oh,non!Enfin,ons’estdéjàembrassés,ça,c’estfait.Je…—Chut.Jememordislalèvre,m’enjoignantdeprendretoutmontempsaumomentdelagoûter,cettefois.
Je n’étais pas là pour prouver quelque chose. J’étais là pour luimontrer à quoi cela ressemblait,
d’êtrevraimentembrassée.—Sijemerappellebien,talisteindiquait:embrasserungarçonsexy.—C’estvrai,mais…—Ehbien,jelamodifie.Tuvois,touslesgarçonsontenvied’êtreembrassésparunefille.Mais
toi…Tuméritesd’êtrecellequireçoitlebaiser,pasquiledonne.Çanefonctionnepascommeça.Alorsjem’octroielerôledugarçonsexy,et jevaist’embrasser.Jevaist’embrasseravecunetellefouguequetuenoublierastoutlereste;iln’yauraplusquemeslèvressurlestiennes.J’écartaiunebellemècheroussedesonvisageetremontaileboutdemesdoigtslelongdesajoue,
attirantdélicatementsatêteversmoi.—Jevaistegoûtercommetuméritesdel’être.Salèvreinférieuretremblait.— Je vais te donner un premier baiser tellement inoubliable que plus jamais tu ne voudras être
embrasséeparunautre.Quandl’hommedonttutomberasamoureuset’embrassera,ilauratoutintérêtàtefaireoubliercefameuxbaiser,autrementcelasignifieraqu’iln’estpaslebon.Cardemoncôté,jevais faireçabien,et jeveuxqueceluiquigagnera toncœur,qui le tiendradans lapaumedesamain… Je veux que cet homme soit capable de te faire ressentir ce que moi je vais t’inoculermaintenant.Est-cequetucomprends,Kiersten?Mavoixétaitrauque.Jen’avaispasprévudeluidiretoutça.Pasprévudetransformerl’expérience
en un baiser d’adieu avant même qu’on se soit réellement dit « bonjour ».Mais je ressentais leschosesainsi,carjemerendaiscompteencetinstantquejeneseraissansdoutepascethomme.Moi,jeseraisfroidetmort,enterré,alorsqu’elleseraitchaudeetvivante.Jedéglutisetposailapulpedemesdoigtssurseslèvres.—Jeveuxquelaterretremble.Jepassai lesmainsdechaquecôtédesoncouetcaressaisapeaudouce,attirantsonvisageplus
prèsencoredumien,jusqu’àcequenosbouchesnesetrouventplusqu’àunsouffle.—Alorsmevoici…Jedéposaiunelignedebaisersdélicatssursabouche,frôlantsalèvreinférieuredelamienne,la
préparantsanslabrusquer,afinqu’aumomentoùellerépondrait,ellesacheexactementlapressionqu’ilfaudraitàcebaiserpourêtrescellé.—Legarçon…Jesouriscontreseslèvres.—…essayantd’embrasserunetrèsjolie,trèsbellefillequiméritelemeilleur.Jeglissaiunemainsursapoitrine,paspourluitoucherlesseins,maispoursentircequejerêvais
dedécouvrir:soncœurquis’affolaitcontremapaume.—Mevoicientrainderayerletoutpremiervœudetaliste.Etmaintenant,jevaiscesserdeparler.Jesentissarespirations’accélérerquandmaboucherencontralasienne,silégèrementquec’était
presque comme si elles ne se touchaient pas. Et pourtant elles se touchaient. Elle avait les lèvreshumides. J’en léchai le pourtour, les entrouvris, puis je laissai son goût me pénétrer lentement.J’insinuailalangueàl’intérieurdesabouche,ravidelatensionquis’emparaitdesoncorpstandisquelapressions’intensifiait.Avec un gémissement, elle noua les bras autour de mon cou. Je l’y aidai en la serrant plus
fermementcontremoncorps.Jepassailesbrasdanssondos,désireuxdelasentirtoutentièrecontremoi.Jamaisjenemesentaisaussivivantquedanslesmomentsoùcettefille,cetteparfaiteinconnuerencontréequelquesjoursplustôt,étaitprèsdemoi.J’envenaispresqueàcroirequelesbattementsdesoncœurétaient lesmiens tandisquesa languedansaitavec lamienne.J’intensifiai lapression,
prenantsonvisagedanslecreuxdemamain.Jedéposaileslèvresdanssoncou,derrièresonoreille.J’alternaientreleslignesdebaisersbrûlantsdanslecouetlespetitssoufflessurlafraîcheurlaisséepar mes lèvres quand elles relâchaient leur étreinte. Bon sang, j’avais envie de la mordre. Decontinueràlagoûter,encoreetencore,jusqu’àmeviderdemesforces.Benoui,c’étaitjustementça,monproblème.Letempsquim’étaitcompté.Lasonneriequiallaitretentir.Nousnousécartâmeslentement,tousdeuxessoufflés.Elleouvritlabouche,maisjeposailesdoigtsdessus.—Prêtepourlasuitedurendez-vous?Jenetenaispasàcequ’elleanalyselebaisercommeleferaientlaplupartdesfilles,niqu’ellesoit
embarrassée.Alorsjechangeaidesujet.Enprioritéparcequejenevoulaispaslavoirgênée,maisaussiparcequej’étaistrèsexcitéetquejenesouhaitaispasattirersonattentionlà-dessus.Monself-controls’apparentaitàceluid’unadolescentdetreizeans.Jedevaispuiserdansmesréservespournepaslaplaquercontremavoiture,enparfaitégoïste,pourreleversaminijupeafinquemesmains…OK.Jesecouailatête.Manifestement,cebaiserm’avaittouché.Jevoulaisfairedecetteexpérienceun
instantromantiquepourelle.Jeluiavaisditavoirleprojetdechangersonmonde;jenem’étaispasattenduàcequelemientrembleluiaussi.—Lasuitedurendez-vous?répéta-t-elle,toutsourires,lesjouesrougies.Tuveuxdirequetune
m’aspasemmenéejusqu’iciseulementpourm’embrasser?—Oui,répondis-jeensouriant.Enfin,non.Jemepassailesmainsdanslescheveuxenjurant.—OK,jeplaidecoupablesurlesdeuxdossiers.Pourêtrehonnête,j’aimeraispouvoirt’embrasser
toutelanuit,saufquelesbaisers,çafinittoujoursparmenerà…—Descâlins?Ellem’offritunclind’œilcanaille.—Voilà,admis-jeenriant,avantdedétournerlesyeux.Destasde…câlinstrès,trèsintimes.—Bon…Elleseretournaverslavoiture.—Onyvaouquoi?—Non.Demapoche,jetiraiunbandeau.—Tuvasdevoirmefaireconfiance.—J’auraisdûmedouterquetuattendraisdem’avoirembrassée,pourmetuer.—Toutbonserialkillerséduitd’abordsaproieavantdelatuer,répondis-jedansunsoupir.Bien,
accorde-moideuxminutespourm’organiseretonpourrayaller.—OK.J’agitailamaindevantsesyeuxbandésafindem’assurerqu’ellenevoyaitrien,puisjefilaiversla
Cayenne.
Chapitre22
KIERSTEN
Ilavaitraison.Laterreavaittremblé.Monmondeétaitpassédanssonatmosphère.Jemedemandes’ill’afaitexprès.
Pourquoiest-cequelesgensfontçaàchaquefois?Ilsagitentlamaindevantvotrevisageafinde
s’assurer que vous ne voyez pas. C’est vrai quoi, je voyais bien qu’il agitait lamain. C’était tropmignon.Etpuis,entoutehonnêteté,j’avaisbienbesoind’unmomentderépit.Aprèscebaiser…Ensoupirant,jevacillai.LesbaisersdeWesnedonnaientpas…ilsdétruisaient.J’ignoraiscommentunautre baiser pourrait égaler le sien. En revanche, je savais une chose : je n’avais aucune envie detenterl’expérience.Jenevoulaispasvoir.Etpourtant,j’avaisl’impressionqu’ilsemoquaitdemoi.Toutàl’heure,ilavaitdit:«Celuiquigagneratoncœur,quiletiendradanslapaumedesamain»…Pourquoi diable est-ce qu’il se retirait systématiquement du tableau ?Une partie demoi, celle quimanquait cruellement de confiance, me poussait à en conclure que je n’étais pas son style et quej’étais trop jeune. Ben oui, Wes était une sorte de dieu en tenue de footballeur, alors que j’étaisseulementunepremièreannéepasmêmecapabledechoisirsamatièreprincipale.Waouh,voilàquimeramenaitbrutalementàlaréalité,sitantestquej’enavaisbesoin.—Prête?lançasavoixquelquepartdevantmoi.—Jecrois.J’essayai de ne pas laisser transparaître ma nervosité, mais c’était difficile. Parce que s’il
m’embrassaitdenouveau,j’étaiscapabledem’évanouiretdetomberdanslelac.Heureusementqu’ilsavaitnager,carmoijemeseraissansdoutenoyée.—Ouvrelesmains.—S’ilteplaît,dis-moiquetun’espasdecesgarsquitrouventhilarantdeglisserdesaraignéesou
desserpentsdanslesmainsdesfilles,rienquepourleplaisirdelesentendrehurler.Unemainchaudemetouchalevisage,puisdescenditsurmalèvreinférieure.— Je ne vais pas te mentir, Kiersten, je rêve de t’entendre hurler. Mais pas comme ça. Non,
absolumentpasdanscegenredecontexte.Est-cequ’il était en trainde sous-entendreceque jepensaisqu’il sous-entendait ?Quoiqu’il en
soit,jesentisunevaguebrûlantemebalayerlesjoues.—Tumefaisconfiance?demandaWes.—Oui.—Alorstendslesmains.J’obtempérai.Ilydéposaquelquechosed’assezlourd.Quelquechosed’emballé,cequim’empêchaitdedeviner
dequoiils’agissait.Peut-êtreunlivre?Ilme retira lebandeau. Jebaissai lesyeuxversmesmains.C’étaitbienun livre.Dumoins je le
pensais.
—Ouvre,m’enjoignit-il.Pendantquejedéchiraislescouchesdepapiercadeaubleu,Wesallaseposterderrièremoietse
mitàchuchoteràmonoreille:— « Il était pénible, extrêmement pénible, de penser qu’ils avaient contracté une si grande
obligationenversunepersonnequ’ilsnepourraientjamaisobligeràleurtour.»Lepapierm’échappadesmains.Uneéditionlimitéed’Orgueiletpréjugés!—Tu…Tum’offres…—M.Darcy,murmura-t-il àmonoreille.Etcomme tu levois, j’enaiaussiapprisdespassages
pourteporterauborddelapâmoison.—Récite-m’en encore et je tomberai peut-être dans tes bras, répondis-je dans un souffle, sans
cesserd’examinerlemagnifiquelivrerelié.—Çaneferaitpasdemalàmonorgueil.Ilmemordillal’oreille,puisposalesmainsauniveaudemoncou,entamantunmassagedemes
épaules.—Maisçanes’appellepasOrgueiletpréjugéspourrien.Jepivotaientresesbraspourl’enlacer.—Merci.Mercibeaucoup.— C’est le meilleur cadeau de premier rendez-vous que tu aies jamais reçu ? s’enquit-il en
s’écartant.—C’estleseulcadeaudepremierrendez-vousquej’aiejamaisreçu,rectifiai-jeenpouffant.Ilmesoulevalementonetplongeasonregarddanslemien.—Zut.Ilvafalloirquejefassemieux.—Apprendsparcœurlelivreentieretonenreparle.—Ahoui ? (Son sourire se fitmalicieux.)Tu es au courant que j’étais un enfant surdoué ?Au
piano.Enmusique,plusgénéralement.Aupointquemonpèreafaillim’obligeràfairedelamusiqueau lieudu football. J’aiunemémoirephotographique.DoncnememetspasaudéfidemémorisertoutJaneAusten,jepourraism’ennuyer.J’éclatai de rire et l’enlaçai de nouveau. J’adorais son odeur, son contact contrema peau. Et je
refusaisd’imaginerlemomentoùildécrocheraitsondiplôme.Çamerendaitmalade.—Allez,c’estpartipourlasuitedenotrerendez-vous,lança-t-ilenmeprenantparlamainpour
m’entraîneràlavoiture.Prête?—Oui.Je posai le livre surmes genoux, prenant bien soin de ne pas le faire tomber, et regardaiWes
reprendrelechemindelafaculté,unbrindéçue.À tel point que quand il se gara devantma résidence, je faillis sauter par la fenêtre. Puis ilme
raccompagnajusqu’àlaporte.Avait-ilchangéd’avis?Embarrassée,j’essayaidemeconvaincrequ’ilétait stupide de se sentir rejetée, surtout après tout ce qu’il avait fait. C’était ridicule ! Et puis, çan’étaitpascommesionsortaitensemble!—Bien,commença-t-ilenposantlesmainssurmesépaules.Talistementionnaitlefaitdetelierà
deuxvrais amis.Ehbien,honnêtement, jepenseque tu en as trois juste sous lenez, sansmême lesavoir.Çaalors,conclut-ilensecouantlatête,jesuiscarrémentdoué,aveccetteliste.J’éclataiderirepileaumomentoùlaportes’ouvraitsurGabeetLisa.Macolocatairepouffaetme
tenditlesbras.—Bienvenuepourlasuitedetonrendez-vous!—Tuétaisaucourant?
Souriante,jeserraimonlivrecontremapoitrine.—Bien sûr ! répondit-elle enme tirant à l’intérieur de la pièce.Mais je n’ai pasmisGabe au
courantavanttondépart,d’oùsonairvexé.J’adressai un sourire contrit au cousin, qui levait les yeux au ciel depuis le canapé. Il portait
toujours son jeanet son tee-shirtblanc,alorsqueLisa s’était changéepourune robeà tomberparterre.—OK,c’estl’heure!Ellefrappadanssesmainsetdisparutdanslacuisine.—C’estdoncunesortededoublerencard?fis-jeàWesavecunpetitcoupdecoude.Ilritetjetauncoupd’œilamuséendirectiondeGabe.—Riezbien, tousautantquevousêtes. Jepeux savoirpourquoi jeme retrouvecoincéavecma
cousine,alorsquetoi,tularécupères,elle?ajoutaGabeenmedésignant.—Fautcroirequej’aidelachance,répliquaWes.—Eneffet, approuva-t-il enm’adressantunclind’œil.Enfin, labonnenouvelle, c’estque jene
suispasobligédetetuer,reprit-ilàl’attentiondeWes.Elleal’airindemne.—Sil’onnégligeleseffetsdesonbaiser,rétorquai-je,aussisérieusequepossible.Gabem’observa,lessourcilsfroncés,puisilsetournalentementversWes.—Merci,mefitcedernier.Tumepoussessouslesrouesdubusalorsquejet’aifaitunefaveur.
Sympa.Jeluirépondisparunsourirenarquois.—C’étaitsursaliste,expliqua-t-il.Unelistedetâchesquejel’aideàaccomplir.—Ettuétaissursaliste?J’allaimeposterentrelesdeuxetposaimonlivresurlatableavecmoultprécautions.—Jecroisavoirécrit:«Embrasserungarçonsexy.»—C’estmoi!lançaWesenlevantlamain.Legarçonsexy.Ducoup,toi,tuesquoi?Gabesecoualatête,puisiléclataderire.—Passexy,manifestement.Celadit,ellem’aqualifiéde«bien»hier.—Aïe,commentaWesavecunegrimace.—Ouais.Çarevientàcastrerunchiensansanesthésiepréalable.Etsansavertissement,par-dessus
lemarché,juste:«Salut,t’esungarsbien.»—Tuesencoreenconvalescence?s’enquitWes.— Je vais peut-être passer la semaine à coucher à droite à gauche, histoire de la détromper,
réponditGabeavecunhaussementd’épaulesnonchalant.Onverra.—Leshommessontdesanimaux,commentaLisa,quirevenaitdanslapièceprincipale.Bon,j’ai
duchocolat,desjusdefruitsetlefilm.Autrechose?—Jepensequ’onestbons.Wesm’enlaça etm’attira à lui. Je remarquai le regard perçant deGabe posé sur nous.Mais ça
n’étaitpasdelajalousie.Plutôtdel’inquiétude,cequiducoupmedonnal’idéedem’inquiéteraussi.Enm’entraînantsurlecanapé,Westrébuchalégèrement.—Hé!fis-jeenlerattrapant.Çava?Ilétaitd’unepâleurinquiétante.—Oui.Je…Jepeuxutiliservotresalledebains?—Bien sûr, répondit Lisa. Tu peux y aller en traversant l’une ou l’autre de nos chambres, peu
importe,onpartagelasalledebains.—Super,merci.
Etilserelevaducanapé,toujoursvacillant,puissedirigeaversmachambre.—Ilvabien?s’enquitLisa.—Ildoitêtreunpeufatigué,mentis-je.Sanspouvoirm’empêcherdemedemanderpourquoiunquarterbackdepresquedeuxmètres,en
pleinesanté,avaitsoudainlatêted’untypequiauraitbutoutelanuit.—Jereviens,annonçaGabe,quiselevaàsontouretpritlamêmedirectionqueWes.—Oh-oh,murmuraLisa.Ça,c’estpasbon.
Chapitre23
WESTON
Le temps filait. À toute vitesse. Je le sentais aux picotements dans mes mains, auxbattements capricieux de mon cœur… Pourquoi le fait de sentir que la fin était prochem’était soudain si pénible ? Sans doute parce qu’avec cette fille, jeme sentais renaître.Commeunnouveaudépart.
Agrippéaulavabo,jecherchaiàmeconvaincredegarderlecontenudemonestomacaulieudele
renvoyer.Monportablesonna.David.Jetouchail’icônerougepourrefuserl’appeletentreprismesexercicesderespirationhabituels.Ça
n’étaitpasbonpourmoidepaniquer.Inspirer,expirer.Inspirer,expirer.Jeretinsmonsouffleetosaiunautrecoupd’œildanslemiroir.Letéléphonesonnadenouveau.Cettefois,c’étaitJames.C’estl’heuredevotredeuxièmedosedemédicaments.
Ben voyons, comme si j’avais envie dem’envoyer des cachets supplémentaires qui allaientme
rendreencoreplusmal,etrisquaientaussideficherenl’airmonrendez-vous.Jevaisbien.
J’envoyaileSMSetrangeailetéléphonedansmapoche.Lesbraspliés,jem’appuyaiaureborddulavaboetrecommençaiàrespirerparlenez,tandisque
lanausée se faisait sentir.Çanepouvait pas continuer ainsi.Ladernière étapedu traitement, avantNoël, était censée être la plus forte. Le dernier coup de baguettemagique du docteur. Sauf que jecraignaisqu’en fait, lespilulesneme fassentplusdemalquedebien.Si jedevais continuer à lesprendre,jenepourraisplusjoueraufootball.Jenepourraispluscourir.Jenepourraisplusvivre.Jedevraisresterallongé,maladecommeunchien,tandisquelesjournéesseconfondraientjusqu’àcequ’enfinjenemeréveilleplus.—Hey!Laportes’ouvritetGabeentra,avantderefermerderrièrelui.—Qu’est-cequetufabriques?—Cen’estpaslemoment,Gabe.—C’esttoiquiledis!Ilmesaisitparlachemise,ungestepeuavisésachantquejemesuraisaumoinsquinzecentimètres
deplusquelui,maispeuimportait.J’étaistropfaiblepourm’enpréoccuper.—C’estquoi,cequetuprends?Oxycodone?Méthamphétamine?J’éclataiderire.Nonquecesoitdrôle,maisl’espaced’uneseconde,jeregrettaiqu’ilnes’agisse
pasd’unproblèmededrogue.Putain,j’étaisvraimentpathétique!
—Non,répondis-jeenmemordantlalèvreinférieure.Lanauséecommençaitenfinàpasser,etjerecouvrailessensationsdansmesextrémités.—Rienàvoiravectoutça.—Tun’aspasintérêtàt’amuseravecelle,lança-t-il,merelâchantpourfrapperlaporteduplatde
lamain.Situluifaisdumal,jetetue.—Jeveuxjustedevenirsonami.Promis.Mensonge.Jevoulaisplus.Maisonn’apastoujourscequ’onveut.Lanauséerevint,plusfortequejamais,m’obligeantàmeplierendeuxsousl’effetdeladouleur.
Jevousjure,commesionmeplantaitdescouteauxdansleventre.—Attends,justeuneseconde.Gabemeposaunemaindansledos.—Mec,qu’est-cequinevapas?Tuaslagrippeouquoi?—Ouquoi,marmonnai-jeentremesdentsserrées.Çavaaller.J’aijuste…descrises.C’étaitcequejepouvaisfairedemieuxsansproférerunmensonge.—Genredescrisesdenerfs?s’enquitGabe.—Ouais,cegenre-là.Iljura.—Désolé. Je voulais juste…Cette fille est importante,OK ?Neme demande pas comment ou
pourquoi, je le sais, c’est tout.Elledégagequelquechose.Elle est fragile et jeneveuxpasque tut’amusesavecelle,sousprétextequ’elleestsupermignonne,OK?—Jetejure…Çafaisaitunmaldechien,maisjeparvinsàmeredresserdetoutemahauteur.—…quejenem’amusepasavecelle.Jeveuxl’aideretdevenirsonami.—Lesamisnes’embrassentpas.Jemeforçaiàrire.—Tuparlescommeelle.Monriren’étaitpascontagieux,apparemment.Super,voilàquejel’avaisencoreénervé.Croisant lesbras, je tâchaidemeconcentrer sur autre choseque ladouleurdansmapoitrine et
monventre.—Écoute, je l’aimebien,cettefille.Jeneluiferaiaucunmal.Putain, jenecomptemêmepasla
toucher.Jenevaispasluivolersavirginité,niluifairedespromessesquejenepourraispastenir.—Qu’est-cequimeprouvequejepeuxtecroire?— Je vais te suggérer un truc, commençai-je en le prenant par le bras, avant d’ouvrir la porte.
Pourquoi ne pas simplementme faire confiance, et si je fais quelque chose qui te fiche en rognegrave,ousijemerde,tuaurasledroitdememettreunetannée.OK?Gaberestaunmomentsilencieux,puisilmetenditlamain.—Jemeferaiunplaisirdetebotterlesfesses.—Désolé,maistun’enauraspasl’occasion.JeluiserrailamainjusteaumomentoùLisaarrivait.—Euh…Toutvabien?—Super,réponditGabe,dontlapoigneseresserrasurmoi.Ondiscutaitsport.Lisapouffa.—Ouais.Bon,onpeutlancerlefilm?—Biensûr.JerelâchailamaindeGabe,quihochabrièvementlatêteàmonattention.
Quandonretournaausalon,Lisaétaitassiseàunboutducanapé.Gabes’installaprèsd’elle,cequinelaissaitplusquelacauseusepourKirstenetmoi.Aumoinslasoiréeallait-elles’acheversurunenoteagréable.Lisamitlelecteurenroute.—Attends!criai-jeenlevantlamain.JemeruaiverslesboissonsqueLisaavaitrapportéesdelacuisineettiraiunepetiteombrellede
mapoche.Toutsourires,j’enlâchaiunesurlebordduverredeKiersten.—Cocktaildefruitsavecombrelle.—Tuenasencorelà-dedans?demandaLisa.Jeparvinsàrire,finalementplusdétenduàprésentquelerendez-vousétaitsurdebonsrailsetque
Kierstenavaitdécouvertmonplan.—Biensûr.Etenuntournemain,jedéposaiquatreoucinqombrellesdecouleursdifférentessurlatablebasse.—Voilà,maintenanttupeuxlancerlefilm.—Merci,chuchotaKierstenàmonoreille.Seslèvreseffleurèrentmapeau,etpendanttoutlegénérique,jefusaucombledel’excitation.—Mercipourmonmeilleurpremierrendez-vous,monombrelle,monbaiseretmonlivre.Vula
vitesseàlaquelleturayeslesélémentsdemaliste,ilnevapasnousrestergrand-choseàfairepourlasuitedelasemaine.Monestomacsenoua.Bonsang.Qu’est-cequim’étaitpasséparlatête?Ilfallaitquejeralentisse.Jehaussailesépaules.—Oui, enfin, les autres tâches sont beaucoupplus compliquées à accomplir, répondis-je àvoix
basse.Çarisquedeprendredutemps.—J’aimemieuxça.Etellemepritlamain,qu’ellenelâchaplus.Jelevailesyeux.Gabenousobservaitattentivement,plissantlespaupièresenregardantlamaindeKiersten,avantde
reportersonattentionsurmoi.Jemesentaiscoincé.J’avaisenviedesortiravecKiersten.Dansunesituation normale, j’aurais zappé le cousin de Lisa et emmené sans hésiter ma belle jusqu’à machambre.Maislà…Jevoulais jouirde lasensationdesesdoigtscontre lesmiens,parceque j’étaiscertainquedans
quelquesmois…c’estunluxequineseraitplusàmaportée.
Chapitre24
KIERSTEN
Jedétestelessentimentsqu’ilm’inspire.Presqueautantquejedétestenepaspouvoirêtreavecluitoutletemps.Jetombeamoureuse,bientropfortetbientropvite.Quequelqu’unmerattrape,m’arrête,metraitedefolle,megifle…N’importequoi,dumomentqu’onnemelaissepasespérer.
Celafaisaitofficiellementdeuxmoisquej’avaisrencontréWes.Depuisnotrepremierrendez-vous,
jel’avaisvupresquetouslesjoursaudéjeuner,etaumoinsdeuxfoisparsemainepourdessoiréesfilmsdansnotrechambre.Pourrésumer,ilétaitpartout.Unefigurepermanentedemavie.Sirégulière,enfait,quelesgens
nenousdévisageaientplus,ilssemblaienttrouvernormaldenousvoirensemble.Laseulechosequejenecomprenaispas,c’étaitsapertedepoids.Enfin,ilétaittoujoursaussisexy,
mais ses muscles semblaient moins dessinés, ses mâchoires plus acérées encore qu’avant. Quandj’abordais le sujet, il secontentaitde riredemes inquiétudesetde répliquerque lesentraînementsétaientinfernaux.—Bon,ontravaillesurquelchapitre?Wesdéposaledéjeunersurnotretablehabituelleetavalaunegorgéed’eau.—Ledernier,répondis-jeavecungrandsourire.—Tuplaisantes!s’exclama-t-ilenm’attirantdanssesbras.Onafaitunboulotdedingues,enà
peineplusdecinquantejours:onaquasiterminéunlivre.—Tusaiscequeçasignifie?Mordillantmalèvre,j’approchaiunpeuplusmachaisedelasienne.—Quoi?Ilsepenchaetrepoussaquelquesmèches.Cemecétaitobsédéparmachevelure.Ilfaisaitpeut-être
une fixette sur les rousses.En tout cas, il passait son temps àme toucher les cheveux, comme s’ilcraignaitqu’ilsnetombent.Jeluitapaisurlamain.—Ça signifie simplement qu’on doit choisir un nouveau livre pour le jour où on aura fini. Je
pensaisàMansfieldParkou…JelaissaimaphraseensuspenscarWesvenaitdepâlir.Détournantlesyeux,ilsemitàtriturersa
nourriture.—Quoi?Il s’humecta les lèvres, disposant sa salade autour de son assiette, comme s’il hésitait entre la
mangeretlatorturer.—Onn’estpasobligésdecontinueràlire.C’estvrai,tuasd’autresamisetonyapassétousnos
déjeunerset…—Arrête,répliqua-t-ilenroulantdesyeux,aveccesouriresexyquejeconnaissaisdésormaissi
bien.C’estMansfieldParkquimeposeproblème.Jen’aimepas tropcettehistoire.Tunevoudraispasenchoisiruneautre?Onpourraits’ymettreaprèslesvacancesdeThanksgiving?—OK.Jeluiadressaiunpetitsouriresansconviction.Jesentaisbienquemesyeuxnepétillaientpas.—Çava?demandai-jenéanmoins.—Biensûr,répondit-il.Presquetropvite.Etavecunsouriretoutaussifactice,ils’éclaircitlagorge.—J’aijustepasmaldetravailàtermineravantlesvacances,tucomprends?—Ah,marmonnai-jeenessayantdenepasavoirl’airtropdéçue.Biensûr,oui,d’ailleursj’aiplein
dedevoirsmoiaussi.—Entreçaetl’entraînement…Uneombrepassasursonvisage.—Enfin,tuvoislegenre,lesjournéestropremplies,toutça…—Oui.(Jeluiposaiunemainsurlebras.)Onesttousdanslemêmecas.Çafaitdubiendesavoir
quetun’espasparfait.—J’ensuisextrêmementloin,fit-ilenm’embrassantlamain.Je…euh…J’aiunesortedefaveurà
tedemander,enfait.—OK.Jem’agitaisurmachaise,soudainnerveuseàl’idéequ’ilpuissemedemanderqu’onneserevoie
plusouqu’ilmesuggèreencoredefaireuntrucdinguedugenresortiravecquelqu’un.Unmoisplustôt, ilm’avait encouragée àme trouver un rencard.En plaisantant,mais quandmême. Je lui avaisclaquélaporteaunezetilavaitpassél’après-midiàs’excuser.OK,j’avaisréagidefaçonexcessive,maisilm’avaitblessée.Enfin,lesmecsn’étaientquandmêmepasaveuglesàcepoint,si?Ilnevoyaitdoncpasquejel’appréciaisbienplusqu’ilnem’appréciaitlui-même?Jeserraifortlespoingssurmesgenouxetmepréparaiàl’inévitable.—TuaccepteraisdepasserlesvacancesdeThanksgivingavecmonpèreetmoi?Rienàvoiraveccequej’attendais.—Hein?—Rien,laissetomber.Ilpritsonplateauetseleva,maisjelerattrapaiparlepoignet.—Wes,jen’aipasdit«non».Jenem’attendaispasàça,c’esttout.—Ahbon?Sesmainstremblaient:soitilétaitnerveux,soitilcouvaitunsaletruc.—Ettut’attendaisàquoi?—Ehbien…quetuessaiesdemefourrerdanslespattesd’unautreetquetumevexes.Iléclatad’unriresonorequiluivalutl’attentiondetoutelacafétéria.—Oui,bentuvois,jecroisquej’airetenulaleçondeladernièrefois.Jehaussailesépaules.Illâchaunprofondsoupiretmepritlamain.—Merde.Tusaisquejet’apprécie,c’estjuste…—…quetunesorspasaveclespremièresannées.Jem’éclaircislagorge,nerveuse.—EtjeneveuxpasqueGabemebottelesfesses.—Oh,jet’enprie!Commes’ilpouvaittelesbotter.Sesyeuxs’obscurcirent,justeavantqu’ilm’offreunautredesessouriresàcouperlesouffle.Ilsepenchaversmoi.
—Tusaisquoi?Onvasortirensemble.—Quoi?—Pendantdeuxsemaines,ajouta-t-il,toutsourires,enlevantdeuxdoigts.Pendantdeuxsemaines,
tuesàmoi.Onsortensemble,onsedonnelamain…encoreplusquemaintenant.Ilmepassalepoucesurledosdelamain,fouillantmonregard.—Etauboutdecesdeuxsemaines,tuvasterendrecomptequejenesuispasaussicoolquetule
croyais,ettuirasvoirailleurs.Jemesentisfroncerlessourcils.—Ilyauneentourloupe?—Biensûr,fit-ilenriant.Resserrantsonétreintesurmamain,ilsepenchapourajouter:—Tudoispasserlapremièresemaineavecmoichezmonpère.C’est-à-dirependantlesvacances
deThanksgiving.Etpuis…Ilseleva,repoussantsachaisedelatable,ets’agenouilla.—Etpuistudoismepromettred’êtremacavalièrepourlebaldeHomecoming5.Alorslà,jen’enrevenaispas.WesMichels,dieudufootball,célébrité,sexytudeincarnée,étaitlà,àgenouxdevantmoi,entrain
deme demander non seulement de rencontrer son père,mais en plus de l’accompagner au bal deHomecoming?—Euh…Cen’estpastrèsconfortable,commeposition.Enriant,jel’aidaiàsereleveretmejetaiàsoncou.—Oui!Oui!Oui!—Attends,çaveutdire«oui»?Ilmesoulevaetmefittournoyerdanslapièce,avantdefairequelquechosedetrèsinhabituel.Ilm’embrassacommesionsortaitvraimentensemble.Ilnem’avaitpastouchéedepuisnotrepremierrendez-vous.Seslèvreseffleurèrentàpeinelesmiennes,puisunpeuplusalorsqu’ilmereposaitetmepassait
lesbrasautourdelataille.Sansgrandeffort,ilmesoulevaetm’assitsurleborddelatable,prenantmonvisageentresespaumes.—Merci.—Dequoi?demandai-jedansunsouffle.—D’avoirdit«oui».Et il était très sérieux. Son visage venait même de reprendre l’expression sombre qu’il avait
arboréeunpeuplustôt.Ilpassamesdoigtssursamâchoireraséedeprès.—C’estvraimentunerudejournée,pasvrai?demandai-je.Ilserralesdentsethochalatêted’unmouvementbref.Sansréfléchir,jeluinouailesbrasautour
ducouetleserraidetoutesmesforces.—Jepensequelastardesquarterbacksadroitàsesmauvaisjoursaussi,dumomentque…Jelaissaimaphraseensuspens.—Dumomentquequoi?s’enquit-il,saisissantlaperchequejeluitendais.Etils’écartalégèrement,sibienquenoslèvresfurentdenouveautrèsproches.—Dumomentqu’ilprometdetoujourslespartageraveclapremièreannéeunpeuringardequi
traîneenpermanenceaveclui.— Pas ringarde, corrigea-t-il en m’embrassant les lèvres. Magnifique. (Nouveau baiser.) Sexy.
(Encoreunbaiser.)Àlacheveluresublime…—C’estquoitontrucaveclescheveux?demandai-jeenriantdanssoncou,tandisqu’ilentrelaçait
sesdoigtsauxmiens.—Ilssontbeaux.C’esttout.Haussantlesépaules,ilm’aidaàdescendredelatable.—Lescheveuxet lescœurs,murmurai-je.Drôlesd’obsessions,maisOK. Je t’accordequelques
bizarreries,euégardàtasexytude.—Commetuesbonneavecmoi!Ilricanaetmefitunbaisemain.—Maintenantmangeons,avantqueturetournesencours.Etensuitelesbagages.J’aiunepremière
annéeàrameneràlamaisonpourlasemaine.Oui,etmoijen’allaisprobablementplusjamaisréussiràeffacercesouriredemonvisage.Jamais.
5.Balquiclôturelasemaineoùl’équipesportivedulycéeoudel’universitéreçoitsespremiersadversairesàdomicile.
Chapitre25
WESTON
C’étaitsûr,Gabeallaitmetuerdansmonsommeil.Jejetaiuncoupd’œilàmontéléphone.Uneheures’étaitécoulée.J’auraiscruqueGabeseserait
déjàarrêtédevantmachambre,àl’heurequ’ilétait,pourmehurlerdessusoumejeterdestrucsauvisageoumecollersonpoingdanslafigure.Jem’attendaisauminimumàunSMSassassinsurlefaitquejen’avaispastenumapromesse.On frappa à la porte. J’allai ouvrir en souriant, persuadé de recevoir un coup de poing dans la
mâchoire.Maisnon,c’étaitDavidetJames.Beurk.J’auraispréférélecoupdepoing.—Commentsedéroulevotrejournée?s’enquitJames,suruntonsimécaniquequ’ilendevenait
ridicule.—Fantastique.J’aiunrencardpourHomecoming.J’allaim’asseoirsurlelit,jetantunregardnoirdansleurdirection.—Pourquoi,vousavezdumalàobtenirdesrendez-vous,engénéral?s’esclaffaDavid.—Non,répondis-je,lessourcilsfroncés.Maiscettefille-là,elleestspéciale.Jamesmodifiasaposture.—Jesuisdésoléd’aborderunsujetpénible…—Ehbien,nel’abordezpas,l’interrompis-je.—…mais,poursuivit-ilnéanmoins,pensez-vousqu’ilsoitjudicieuxdefaireintervenirunefilleà
cestadedevotrevie?Vousavezrefusédepasser lemoindre testavant le jourdevotreopération.Vousn’avezdoncaucuneidéedecequisepassedansvotrecorps,etpourtantvousvoulezimpliquercettefillequin’arienàvoirlà-dedans?Jeserraislesdentssifortqu’ellesgrinçaient,jelejure.—Écoutez…Cenesontpasvosaffaires,alorsrestezendehorsdetoutça.—Si,cesontmesaffaires,rectifiaJamesenpenchantlégèrementlatête.Jesuisvotrepsychologue.
Votrepèrem’aengagépourveilleràvotrebien-être.—Monpèrevousaengagéparcequ’ilcraintque jeperde lespédaleset finisseparmesuicider
commemonfrère.Vousn’êtespasmonchirurgien,etencoremoinsmonami.Jeferaicequejeveux,avecousansvotrepermission.Davidlâchaunsoupir.—Wes…—Vousaviezbesoind’autrechose?l’interrompis-je.Avecunjuron,Davidsortitsonbloc-notes.— J’ai besoin de consigner ici comment vous vous sentez aujourd’hui. Vous connaissez la
procédure.Vousprenezuntraitementquicoûteunefortuneetn’apasencoreététestéparl’agencedumédicament, alors on doit tout noter. Je ne fais pas ça pour vous torturer. Je ne suis pas votre
médecin,maisjesuisvotreami,etjesuisvotregardeducorpsdepuislejourdevotrepremiercoupdepieddansunballon,alorspourl’amourdeDieu,dites-moicommentvousvoussentez,unpointc’esttout.Voilà, jeme sentais coupable comme jamais,maintenant.David avait raison. Il était là depuis le
début.C’étaitmêmegrâceàluiquejesupportaislaprésencedeJames.David,c’étaitunpeucommemafamille,etmoijeletraitaiscommedelamerde.—Jesuisdésolé,murmurai-jed’unevoixrenduerauqueparl’émotion.Jelâchaiunsoupiretentreprisdeluirelatermessymptômes.—Jeperds lessensationsdansmajambegauche.Jenesaispas tropsic’estàcausedes taclesà
répétition ou des médicaments. Je vomis presque tous les matins, j’ai moins mal à la poitrinequ’avant,etlescauchemarsontcommencéàdisparaîtrepeuàpeu.Jenemesenspasdéprimé,justeanxieux,commesiDieutenaitunchronomètregéantentresesmainsetqu’ilattendaitpourappuyersurlebouton«fin».—Trèsbien.James s’éclaircit la gorge et interrompit l’enregistrement. Je n’avais même pas remarqué qu’il
m’enregistrait,maispassons.Davidtraversalapièceetvintposerlamainsurmonbras.—Merci,Wes.Onvavouslaisserfairevosbagages.Vousêtesbiensûrquevousvoulezprendre
vous-mêmelevolant?—Ouaip.EtjesourisenmeremémorantKierstenetsonenthousiasme.—J’emmènemapetiteamieavecmoi.NouveausoupiraccablédeJames,alorsqueDavidsouriait.—Jesuiscontentpourvous,commenta-t-il.—Merci.Ilsquittèrentlapièce,melaissantdansunétatd’énervementtelquej’auraispuflanqueruncoupde
batteaupremierquiseraitvenumeparler.—Eh,cesgrosbrast’embêtent?lançaGabe.IlavaitprofitédudépartdeJamesetDavidpourentrerdanslachambre.—Toutletemps,marmonnai-je.Écoute,cogne-moitoutdesuiteetqu’onenfinisse.Gabepritunaircoupable.Ohnon!—Tuesmalade?demanda-t-ild’unevoixcalme.—Qu’est-cequetuasentendu?Jeneleregardaispasdanslesyeux,j’enétaisincapable.Sijelefaisais,jerisquaisdecraqueretde
finirparmefrappermoi-mêmepouravoirpleurécommeunbébé.— Je sais que l’un des deux est psy et l’autre raconte que tu prends un traitement qui te rend
malade,etpuisj’aientenduuntrucconcernantuneopération.Quelquessecondess’écoulèrent.Merde,jen’avaisrienditàpersonne.Jenevoulaissurtoutpasque
çasesache,carj’avaisenviedemesentirunminimumnormal,siçadevaitêtremondernierautomnesurcetteterre.Jememordislalèvre,refusanttoujoursdeleregarderdanslesyeux.—Benouais,admis-jeenfin.Jesuismalade.—Maladecomment?Il alla s’asseoir surma chaise debureau. Je voyais sonpied tapoter le sol, sans être capable de
décelersisongestedénotaitdelanervositéoudel’embarras,vuquejecontinuaisàfixerlesol,enmauviettequej’étais.—Trèsmalade.Mavoixsebrisa.Putain!—Ettuvasallermieux?Jelâchaiunriresansjoieetlevaienfinlesyeuxsurlui.—Jen’enaiaucuneidée.Jelesauraidansquatresemaines.—Qu’est-cequisepassedansquatresemaines?—T’esvraimentunsacréfouineur,toi.Toutsourires,ilmeréponditparunhaussementd’épaulesdésinvolte.Jesecouailatêteetsoupirai.—Onm’opère,etsiçanefonctionnepasouquejemeurssurlatable,ehbienlà…onbaissele
rideau.—Etsiçamarche,tutesentirasmieux?Tuirasmieux?—Qu’est-cequetuentendspar«mieux»?Etlerirequiaccompagnaitmesparolessiffladanslapiècesilencieuse.—Silamortc’estmieux,alorsoui,jeseraimieux.Sivivrequelquesmoisdeplustandisquemon
corpsm’est lentementvolépardes cellulesmalades c’estmieux, alorsoui.Ce seramieux,mieux,mieux.Jem’essuyailevisageavecungrognement.—Ellen’estpasaucourant,c’estça?demandaGabe.—Certainementpas.—Neluidispas.Jerelevaibrusquementlatête.—Quoi?Tuessûrquecesoitunebonneidée?demandai-je.—Çaneferaitquel’effrayer,cequinesertàrienvuquetuvasallermieux.Pasvrai?Ilaccompagnasaquestiond’unsourireconfiant.—Tupeuxyarriver.C’étaitlapremièrefoisqu’onmedisaitça.Toutlemondeétaittoujoursinquiet.Davidausujetdessymptômes,monpèredeladépression,et
personne–pasmêmeledocteur–nem’avaitjamaisaffirméquej’étaisassezfortpoursurmonterça.Jehochailatêteenfaisantdemonmieuxpournepaséclaterensanglotscommeunbébé.—Tuasraison,approuvai-je,jevaisbattrecettesaloperie.—Sinon,c’estmoiqui tebats, fitGabeenriant.Pour luiavoirbrisé lecœur,etpourêtremort
aprèsHomecoming.Non,maissérieusement,mêmetoitudoisadmettrequeceseraitsupertordu.—Ouais,ouais.Jemedéchaussaid’uncoupdepiedetm’allongeaisurlelit.—Maisjel’aimebeaucoup.Jeveuxpasserdutempsavecelle,ordutemps,jen’enaipasvraiment
beaucoup.C’estunluxe,tuvois?Lesgensneserendentpascomptedelachancequ’ilsont.Tun’aspas idée à quel point ça me met en rogne, quand ils se plaignent pour des bricoles, comme undéjeuner dégueulasse ou un café sans goût. Je boirais du café dégueulasse et je mangerais de lanourriturepourrietoutemavie,siseulementonmepromettaitunevie.Tucomprends?—Ouais, répondit-ildoucement.Jenepeuxpasdireque jecomprendsceque tu traverses,mais
j’imaginecommeçadoitcraindre,desavoirquetuneseraspeut-êtrebientôtpluslàpourapprécierlestrucsmerdiquesdelavie.Parcequ’aumoins,çavoudraitdirequetueslà,quetues…
—Envie,conclus-jepourlui.Quejesuisenvie.—Alorsvismaintenant,medéfia-t-il.Vaembrassercettefillepourquituasprétendun’éprouver
aucunsentiment.—C’estprévu.Etjesouriaistellementquec’enétaitdouloureux.—Biendit,s’esclaffaGabe.Bon,jevaisyaller.—Gabe?lerappelai-jealorsqu’ilatteignaitlaporte.Ilseretournaetattendit.—Mercidem’avoirécouté.Ileffectuaunesortedesalutmilitaire.—Ouais,n’empêchequejetebotteraiquandmêmelesfessessituluibriseslecœur.—Net’inquiètepas,j’ail’impressionquec’estplutôtellequivabriserlemien.—Commentça?Ilcroisalesbrasets’adossaauchambranle.—Parcequ’auboutducompte,jen’airienàluioffrirquivaillelapeine.Gabes’écartadelaporte.—Écoute,mec,fais-moiplaisir,laisse-laendécider.Nelefaispaspourelle.Je hochai la tête. Oui, je pouvais faire ça. Je devais bien ça à Kiersten, en tout cas jemourais
d’envied’essayer.Ledoublesensdemaphrasemetiraunsourireironique.Surce,Gabeagitalamainetsortit.Quieutcruquecegarçonavaituncœur?Ouqu’ilsoitaussi
profond?Voilàquimontraittoutcequel’onratait,danslavie,quandonneprêtaitpasattentionauxchosesouauxgens.Chercheettutrouveras.Agiscommeunconettuneverrasquetonrefletdanslaglace.
Chapitre26
KIERSTEN
Putaindemerde. Jem’apprêtaisàmangerde ladinde en facedeRandyMichels.OncleJoBoballaitentomberàlarenverse!
—Il t’ademandéeenmariage?hurlaLisa,quicouraitcommeunedératéedansmachambre.Et
qu’est-cequetuasfait?—J’airépondu«oui»,biensûr.J’éclataiderireetjetaiquelquesvêtementssupplémentairesdansmavalise.Jenesavaispastropce
quejevoulaisemporter.OncleJoavaitfaillisefairedessus,quandjeluiavaisannoncéleprojet.Ilétait siheureuxquemaviebougeenfinqu’ils’étaitmisàpleurerà l’autreboutdufil.Etquand jem’en étais étonnée, il avait prétendu avoir unmoustiquedans l’œil.Benvoyons, enpleinmois denovembre…Évidemment,çaaidaitqu’ilidolâtreRandyMichelsdepuisdesannées.Ducoup,ilm’avaitdonné
l’ordretrèsstrictd’épouserWesàtoutprix.Ilavaitmêmeproposédenousconduirejusqu’àVegas,aubesoin.Voilà,pourfairebref,j’avaisl’onclelepluscooldumonde.Personnenepouvaitprétendrelecontraire.Ma tanteet luiprojetaientdéjàuneénorme fêteavec le restede la famille. Ils allaientm’appelerparSkypelejourdeThanksgivingafinquejepuissedirebonjouràtoutlemonde.Lisas’affalasurmonlitavecunsoupirbruyant.—Moi,j’auraisflippé.Déjàquejeflippe,là,alorsqueçanem’estmêmepasarrivéàmoi!—Jevoisça.Jetiraiuntee-shirtquis’étaitretrouvécoincésouselleetlepliaipourlerangerdansmavalise.—TusorsavecWesMichels.Ellepouffadeplusbelle,puisbonditdulit.—Oh,punaise!Vousavezcouch…—Arrête ! lui ordonnai-je, un indexpointé sous sonnez.On s’est embrassés, genreune fois…
plutôtdeux,enfait.—Quoi ?Deux fois ? (Sansmentir, ses hurlements durent réveiller les ours qui hibernaient en
Alaska.)Ettunem’enaspasparlé?—Moi,j’étaisaucourant,lançaGabedepuislaporte.Etilm’adressaunclind’œil,qu’ilfitsuivred’unetapesurmonépaulequandilapprocha.Jeluijetaiunregardnoir.—Mercipourtonaide,Gabe.Croisantlesbras,Lisaaffichaunemoueboudeuse.—Toutlemondeétaitaucourantsaufmoi?—Non,Gabem’a juste surprise alors que je rentrais, unmatin, et il en a tiré des conclusions
hâtives.J’aidûclarifierlasituation,autrementilauraitimaginélepire,Gabeoblige.—Exact.
—Etlereste,tulesaisdéjà.Lisaparutsesatisfairedecetteréponse,carsonvisagesefenditbientôtd’ungrandsourire.—Ilembrassebien?—Onestobligésdediscuterdeçamaintenant?geignitGabe.Attendezaumoinsque jenesois
plusdanslapièce.—Ehbien,va-t’en,alors,suggéraLisaavecunhaussementd’épaules.Ill’écartadulitafindepouvoirs’asseoir.— Je ne peux pas. Je dois préparer ma fille préférée. Lui faire les recommandations d’usage
concernant les idéesqui traversent la têtedesgars, luiexpliquerpourquoiellenedoit jamais,sousaucun prétexte, regarder un film en compagnie d’un représentant du sexe opposé après 23 heures.Enfin,tuvois,cegenredeconseilsavisés.—Hein?m’étonnai-je,cessantdepliermesvêtements.Pourquoipasdefilmaprès23heures?— Sexe, répondit-il simplement avec un regard furieux. Les études montrent que le taux de
testostéronegrimpeenflèchependant levisionnagedefilmsd’horreur.Si tuajoutesàça lanuitetquelquespetitscâlins,tuobtiens,mafille,larecettedubébéquipleureetdel’avenirgâché.Lisaleregardait,lesyeuxécarquillés.—Waouh!Tuétaisoùpendantlescoursd’éducationsexuelle,aulycée?—Lesjoueurssontceuxquiconnaissentlemieuxlesrègles,pasvrai?letaquinai-je.—Seulementlesmeilleurs.Etilm’envoyaunbaiser,avantdeleverlamainpourquesacousinefrappededans.Cequ’ellefit.Jelevailesyeuxauciel.—Quoi?fit-elleminedes’étonner.C’estvraiqu’ilauntalentfousurleterrain.—Ettusaisçacomment?Liensdusang?Souvenirs?Lisahochalatête.—Familleégaleaucunsecret.Etilsetrouvequetroissororitésducampusnotentlesmecssurune
échelledeunàdix,çaaide.JetelaissedevineràcombienestévaluéGabe.—Cinq?suggérai-je,unsourcilhaussé.L’intéressémetournaunregardnoir.—Onze,corrigeafièrementLisa.Ilasonpropreclassement,rienquepourlui.—Ilvaprobablementêtreéluprésidentunjour.Gabenousdécochaunsourirecharmeur.—Jenesaispaspourquoi,maisj’aienviedeteféliciterd’êtreunsalopard.Pourquoiest-cequ’ily
aquelquechosequiclochelà-dedans?fis-jeminedem’interroger,undoigtposésurlementon.Ahoui,parcequetuesvraimentunsalopard.Undecesjours,taréputationterattrapera.— Jamais, affirma-t-il en secouant la tête. Un joueur joue selon les règles, connaît son plan
d’attaque, toutes les stratégiespossibles et leurmiseenapplication.Que jeme fasseprendre, c’estaussi improbable que de voir Chuck Norris mourir pendant l’une de ses cascades. Tu vois, çan’arriverapas.Ettuveuxsavoirpourquoi?Parcequec’estundurdedur.— Je rêve ou tu viens de comparer tes prouesses sexuelles aux talents de karatéka de Chuck
Norris?demandai-je.—Eneffet,c’estlamêmechose,répondit-ilnonchalamment.Secouantlatête,jejetaiuncoupd’œilauréveilsurmatabledechevet.—Merde!Ilvaarriver!Vite,vite,ilfautquejecasetoutçadansmonsac!—Toutça?s’étonnaGabeavecunregardcirculaire.Tucomptest’installerchezlui?
Pourtouteréponse,Lisaluidonnaunetalochederrièrelatête.Avecungrognement,ilbonditsursespieds et semit à empiler des affaires dansmavalise. Je le surprismêmequi jetaitmon réveildedans.Nonmaisilétaitsérieuxlà?—Voilà!Lisas’assitsurlavalisependantqueGabelafermait.—Jevousadore,dis-je,émue,enlesprenanttouslesdeuxdansmesbras.Gabemetapotasurlatêtecommesij’avaisdouzeans,etLisasemblaitsurlepointdesemettreà
pleurer.Àcroirequec’étaitlapremièrefoisquej’allaisdormirchezungarçon.Ah,maisattendez.Oui,c’étaitlapremièrefois,eneffet.Quelqu’unfrappaàlaporte.Lisaseprécipita,secognantlebrascontrelecanapédanssacourseàtraverslesalon,etfinitpar
ouvrirlaporte.—Salut,Lisa,lançaWes,toutsourires,enluitendantunedindeenorigami.Jel’aifaitemoi-même.Ilregardadanslapiècepar-dessussatête.—Mapetiteamieestprête?Etmacolocatairesepâmalittéralement,portantledosdesamainàsonfront.Gabeallaitdevoirla
réanimerenurgence.—Tiens-toitranquille,ômoncœur!lâchaLisaavecunaccentduSud.Beauté,tonhommeestici,
etilestjoli,joli,joli.Gabeattrapasacousineparlesépaulesetl’écartadeWes.—Désolé,elleaoubliédeprendresesmédicamentsaujourd’hui.—Pasdeproblème,réponditWesenriant.Puisillevalesyeux.Etjesoutinssonregard.Letempss’arrêta.OK,ilnes’arrêtapeut-êtrepas,maisbizarrementmoncœurs’emballaquandWesfitquelquespas
décidésdansmadirection.D’abordsesmainsseposèrentsurmeshanches.Etpuissabouchetrouvalamienne.Etcefutàmontourdemepâmer.GabeetLisasifflèrent,maisjem’enfichais.JenouailesbrasautourducoudeWes,pourl’attirer
contremoi.Àmoi.Ilétaitàmoipourdeuxsemaines,quoiquecelasignifie.Monpetitami.—Monhommeestprêt?Ilsouritetmedéposaunbaisersurleboutdunez.—Mapremièreannéeestprête?—Coupbas,répliquai-jeenfronçantlessourcils.—Jen’aipaspum’enempêcher,expliqua-t-ilavecunsoupir,avantdem’embrassersurlefront.Je
vaischerchertavalise.Lisa lâcha un bruyant soupir etGabe la frappa sur le bras, aumoment oùWes revenait dans le
salon,chargédemonénormevalise.—Tuesaucourantquejenet’aipasproposéd’emménageravecmoi?plaisanta-t-il.—Unefilledoitpouvoirpareràtoutesituation!medéfenditLisa.Etquisaitcequevousréserve
lamétéodeSeattle!Weslevaunemainensignedereddition,puisildésignalaported’uncoupdementon.—Allons-y.Moncinglédepèrenousattend.—C’estparti.
Levant le poing, je dis au revoir à Gabe et Lisa. J’allais rencontrer l’homme le plus riche dumonde.Génial.Qu’est-cequipourraitbienallerdetravers?
Chapitre27
WESTON
Putaindemerde.Jeramenaisunefilleàlamaison.Quequelqu’unallumeunfeuenenfer,parcequeçagèle,là-dedans!
—Tuesnerveuse?demandai-jetandisquejemegaraisdansFauntleroyWay,enpleincentre-ville
deSeattle.L’allée privée ne comptait qu’une vingtaine de maisons, ce qui nous permettait de jouir d’une
grandetranquillité.Etjevousjure,monpèreavaitdescamérasdevidéosurveillancepartout,jusqu’auboutdelarue,justeaucasoùquelqu’undeloucheessaieraitdenousobserverdansnotrepiscine.Cequi ne risquait pas d’arriver, vu la taille de la propriété qui entourait lamaison, sans compter lespresquedeuxkilomètresdeplageprivée.Enfin,sionpouvaitappeler«plage»unecôterocailleuse.Maischaqueété,onfaisaitvenirdusabledestropiques,histoirequeçayressemble.—Unpeu,admit-elleavecunsoupir,tournantlatêteverslavitre.Alors,c’estlaquelle,tamaison?—Toutcequetuvoisdececôté-làdelaruejusqu’àl’eau.C’estànous.—Hein?—Lebâtimentd’habitationprincipal,deuxcottages,quelquescourtsdetennis,unétangartificiel,
etpuiscettemaison,là-bas…Jedésignailecoinlepluséloignédelapropriété,alorsqueleportails’ouvrait,nousdégageantla
vue.—…c’estcelleoùvitOma,quandellenousrendvisite.—Euh…Oma?— Ma grand-mère, expliquai-je. Désolé, ma mère était hollandaise, alors quand j’étais petit,
j’appelaismagrand-mèreOma.Kierstenmesourit,puisellepritunebrusqueinspirationquandlesecondportails’ouvritdevantla
bâtisseprincipale.Enavançant,j’essayaidemereprésenterleslieuxàtraverssesyeux.Avecsesbonscinqcentsmètrescarrés,lebâtimentblancn’étaitpasloind’êtreleplusvastemanoir
dumonde.Ilavaitétéreconstruitsuivantlesplansdelamaisondebriquesoriginaledatantde1927etressemblaitaujourd’huiàunparadispourarchitecte.Toutes lesfenêtrescomportaientdesvitresenangles,afinquelesoleillestraverse.Dix-septmarchesexactementmontaientàlaportemonumentalede quatremètres cinquante en chênemassif. Et à l’instant où je coupai lemoteur de la voiture, lemajordomesortitetvintouvrirlaportièredeKiersten.—Madame,nousvousattendions.—Ronald,lesaluai-je.Il me répondit par un large sourire. À quatre-vingt-deux ans, c’était une personnalité
incontournabledanslamaison.Iln’étaitplusvraimentnotremajordome,puisqueenthéorieilétaitàlaretraitedepuisvingtans,maismonpèren’avaitpaslecœurdelemettredehors,alorsmaintenant,il accueillait les invités, brassait de la bière dans le cottage qu’il occupait gratuitement et faisait
tournerlamaisondepuislamortdemamère.—MonsieurWeston,dit-ilenposant lesdeuxmainssurmesépaulesetm’attirantà luipourune
accolade.Celafaittroplongtempsqu’onnevousavu.Commentvousportez-vous?Ilétaitaucourantdemamaladie.Pourtantjamaisilnemetraitaitdifféremment.Ilrefusaitd’enparler–réactionquejecomprenais,
vuquetoutlemondedisparaissait,autourdelui.Monfrèreetluiavaientététrèsproches,etilavaitbeaucoup souffert de lamort de Tye. Je savais que lamienne, en venant s’ajouter à tout le reste,risquaitdebriserdéfinitivementsonpauvrecœur.—Bien,jevaistrèsbien,mentis-jeenluirendantsonembrassade.Monpèreestlà?—Ilvousattenddanssonbureau.Ronald tapa deux fois dans ses mains, avec un large sourire. Deux membres du personnel
dévalèrentlesmarchespoursechargerdenosaffaires.JetendislamainàKiersten.—Prêteàrencontrermonpère?Elles’essuyalespaumescontresonjeanavantdes’accrocheràmoi.—Punaise,j’ail’impressionquejesuissurlepointderencontrerleprésidentouuntrucdugenre.J’éclataiderire.—Tuverras,c’estplutôt«untrucdugenre».Iln’estpasaussiintimidantqueça,jetepromets.Maisjevoyaisbienqu’ellenemecroyaitpas.Etplusnousavancionsdansl’enceintedelamaison,
plus ses yeux s’écarquillaient. L’entrée comportait une sorte de passage en forme de pont quiconduisait directement à la pièce principale.Une immense baie vitrée en façade laissait entrer desflotsdelumière.Noustournâmesàdroitepourallerverslebureau.—Papa?appelai-je.—Jesuislà.J’embrassaiKierstensurlatempe,serrantsamainunpeuplusfortpourl’emmenerdanslevaste
bureau.DécorédansunstylevieilleEurope,avecsesboiseriesenacajouetsesétagèrescoordonnées.Monpèreétaitassisderrièresongrandbureau,quisirotaituncognac.—Iln’estpasunpeutôtpourl’apéritif?plaisantai-je.Ilcommençaparplisserlesyeux,puiss’esclaffa.—Oui,maislà,jeviensderenvoyerAlfred,alorsjecroisquej’avaisbesoind’unverre.—Quoi?!Alfredétaitl’undesconseillerslesplusprochesdemonpèredepuisdesannées.—Pourquelleraison?—Détournement.Jem’éclaircislagorgeetdésignaiKierstend’ungestedumenton.Monpèreagitalamain.—Oh,c’estsansdoutedéjàsurCNN,àl’heurequ’ilest.Iltapotasursonbureau:unécranplatdescenditsurlemurouest,eteneffet,sitôtquelatélévision
s’alluma,lanouvelleduscandaleapparut.—Alors,repritmonpèreenéteignant.Quiestcettecharmantecréature?—Kiersten,seprésenta-t-elle,lamaintendue.Raviedevousrencontrer,monsieur.—«Monsieur»?répétamonpère,lessourcilsfroncés.Est-cequej’ail’aird’avoirquatre-vingts
ans?—Euh…Non…LesouriredeKierstensefithésitant.
—Randy, corrigea-t-il, l’œil pétillant. Vous pouvezm’appeler Randy. Dumoment que vous nem’appelezpas«Beau-papa».Çarisqueraitdemecauseruneattaque.Jen’imaginepascegarnement-làsecaserpourlemoment,précisa-t-ilenmedésignant.Lepauvregarçonsaitàpeinelaversonlingeetfaireseslacets.—Hilarant,commentai-jeenlevantlesyeuxauplafond.—Vouscuisinez,j’espère?demandamonpère,quicroisalesbras.C’estbienpourçaquetul’as
amenée,fiston?PournouscuisinerlerepasdeThanksgiving?Jesavaisqu’ilplaisantait.Kiersten,enrevanche,l’ignorait.Blême,lesyeuxécarquillés,ellelefixait,ouvrantpuisrefermantlabouche.Puisellesetournavers
moi,unelueurinquiètedansleregard.Commemonpère,jerestaiparfaitementsérieux.—Euh,je…Ellelâchamamainetpassaunemèchedecheveuxderrièresonoreille,gestequej’avaisapprisà
reconnaîtrecommeunticnerveux.Ellepaniquait.—Jepourraistoutàfaitvouspréparerquelquechose,mêmesijenevousprometspasquecesera
duniveaudeceàquoivousêteshabitué.Enfin,jepeuxessayer.Quelamour!—Oùm’as-tuditquetul’avaisrencontrée?s’enquitmonpère,sanssepréoccuperdelaréponse
deKiersten.—Àl’université.—Elleestmaligne.—Jesais,répondis-jeenpassantunbrasautourd’elle.—Etadorable,ajoutamonpèreencontournantsonbureau.Et,sijepeuxmepermettre,trèsbelle.—Jesuistrèsconscientdetoutça.C’estpourquoijel’aienlevée.—Bienvu,fiston.Monpèrepouffa,puisiladressaunclind’œilàKiersten.—Trèschèreenfant,vousn’aurezpasbesoindecuisiner,jeplaisantais.C’esttoutcequimereste
enmatièrededivertissement,maintenantqueWesesttoujoursabsentetquesonfrère…Monpèreblêmit.—Sonfrèren’estplusdesnôtres,commevousdevezdéjàlesavoir.Alorsjemesensunpeuseul.
Jevouspriedem’excusersijevousaimisemalàl’aise.—Pasdeproblème.Avecunsourirechaleureux,elleluitapotal’avant-bras.Monpèrehaussaunsourciletluioffritson
bras.Qu’elleprit,luiadressantunsourireaussilargeques’ilétaitlesoleilpersonnifié.Monpères’éclaircitlagorge,retrouvantsonaplomb.—Ehbien,nousallonsdoncvousinstallerdansvotrechambre,pendantqueWesvanouschercher
uneboissonrafraîchissante.Voussavezquevousêteslabienvenueicipendantlatotalitédesvacances,n’est-ce pas ? Nous adorons recevoir de la visite, et si vous avez besoin de quoi que ce soit, jem’assureraiqueMelda…Ils’interrompitpourcrier:—Melda!—Oui,monsieur, répondit l’intéresséequi apparut commepar enchantement, aussi discrète que
toujours.LafemmedeRonaldn’étaitplustoutejeuneellenonplus,maisc’étaitlameilleurecuisinièreque
l’universaitportée.MonpèreladésignaàKiersten.—Melda,quevoici,vousprépareratoutcequevousdésirez.Unchocolatchaud?Uncafé?—Uncafé,acquiesçaKiersten.Jamaisdechocolat.—Fiston,me lançamonpèreens’éloignant, trouve-m’enunedevingt-cinqans sonaînéeeton
pourradiscuter.Kierstenfronçalessourcils,perplexe.—«Une»?—Unefemmeaussibellequevous.Etils’écartapourluidonnerunnouveaubaisersurlamain.—Bien, reprit-il, s’adressant toujoursàellemaisavecuncoupd’œildansmadirection, jevais
arrêterdevousmonopoliseretlaisseràmonfilsl’honneurdevousfairevisiterleslieux.Pourmapart,jevaism’occuperdesboissons.—Merci,réponditKierstenavecungrandsourirechaleureux.Monpèrenousadressaunsourireraviets’éloigna.—Jel’adore,commentaKierstenaussitôtqu’ilfuthorsdeportée.—Commelerestedumonde,répondis-jeenricanant.Ellemeposaunemainsurlebras.—Non.Ilestincroyable.Tuastellementdechancedel’avoir.Vraiment.Jeferaisn’importequoi
pour…Bref,tusais.Tuasbeaucoupdechance.Pasvraiment.Enfinsi,j’avaisunechancefolled’avoirunpèreextra.Etencoreplusdechancequ’il
soit assez riche pourme payer lesmeilleurs traitements. Pourtant, je ne peux pas dire que jemesentaischanceux.Pasalorsquej’offraisàKierstensapremièreetdernièrevisitedenotremaison.Jesavais comment fonctionnaient les filles : dans sa tête, les petits rouages devaient déjà tourner ettourner encore, et elle s’imaginait sans doute les Noëls, les anniversaires, toutes les fêtestraditionnelles.Mêmelanouvelleannée,nomdeDieu.Je n’en avais parlé à personne encore,mais quand je songeais à 2014…Quand je pensais à la
soiréeduNouvelAn,ehbienjenem’yvoyaispas.Commesi j’étaisuneombrequin’existaitplusmaisobservaitlascènedeloin.Leplustriste,c’étaitquandjevoyaisKierstenavecmonpère.Jel’imaginaisdesannéesplustard,à
charmerd’autresparents,peut-êtreàrencontrersesfutursbeaux-parents,etçametuaitdel’intérieur.Aupointde croireque je subissaisunnouvel accèsdenauséeà causedesmédicaments, alorsquec’étaitmoi…Moiquimeremémoraispour laénièmefoisceque j’allaisrater.Etçan’avait rienàvoiravectoutescespetiteschosessansimportance,commelefootballouletrophéedecetteannée.C’étaitelle.Et ça me donnait envie de me battre avec une énergie redoublée. Comme l’avait dit Gabe. Je
pouvais le faire. Je pouvais terrasser cette saleté. En tout cas, j’allais essayer. Par le passé, medéfoncerpourlefootballoul’écolen’avaitpasconstituéundéfitrèsmotivant.MaisbattrelamaladiepourKiersten…Oui. Je combattrais mes démons pour elle. Je combattrais les ténèbres en moi, la maladie. Je
combattraiscettefichuetumeur.Carunechoseétaitcertaine:jevoulaispasser2014aveccettefilledansmesbras.
Chapitre28
KIERSTEN
Lesmotsnemeviennentpas, là.C’estvrai, jesavaisqu’ilétaitmilliardaire,mais…toutparaît tellementnormal, tellementmerveilleux.J’ai l’impressiond’attendrequel’épéedeDamoclèsmetombedessus.Pourquoifaut-ilquejeréagissetoujourscommeça?
Direquej’étaissubmergéeseraitencoreloindedécriremonétat.J’avaismapropresalledebains,
avecunedouchedigned’unspa,carrelagechauffantetsèche-serviette,ainsiqu’unécranplat.Non,mais sérieux, jepourrais continuer commeça indéfiniment. J’appelaimêmeoncle JoviaFacetimeafinqu’ilpuissetoutadmirer.Etcommejel’avaisimaginé,iln’enrevintpasluinonplus.EtjenetardaipasàavoironcleJo,ma
tanteet leursdeuxchiensplantésdevantl’écrandeleuriPhone,àregarderavecdegrandsyeuxlesvuespanoramiquesdelasalledebains.C’étaitbizarre,quandj’ypense,deprendreenphotolasalledebainsdequelqu’und’autre.Unvraipaparazzi.—Jepeuxemménagerlà-bas?demandaoncleJo.EttanteSanluidonnaunepetitegiflesurletorse,quilefitrireetreposerlaquestion.Leschiens
aboyaient.Ilsmemanquaient.Etvoilà,avantquej’aieeuletempsd’yprendregarde,jefussaisieparl’émotion.Qu’est-cequim’avaitpris, cesdeuxdernièresannées,dem’enfermerdansmachambrepourpleureralorsquej’avaisunefamille,justelà,quim’attendaitpendanttoutcetemps?— Tu vas bien ? me demanda oncle Jo quand je le déconnectai de Facetime pour le prendre
simplementautéléphone.—Oui,soupirai-je.Mercidufondducœur,àtouslesdeux.Jevousaime.—Ont’aimeaussi,monpetit.Maintenant,raccroche-moicetéléphoneetprendsdestasdephotos,
histoirequejepuissevivretoutçaparprocuration,OK?—Promis.Etjeluidis«aurevoir»enriant,avantderaccrocherpourmepromenerdansmachambregéante.
J’avais une terrasse qui surplombait le Puget Sound. Cette chambre, plus grande que cinq piècesmisesboutàboutchezmoi,comportaitaussiunvastelitchargédecoussins,etj’étaisquasicertainequ’ilmesuffisaitdeclaquerdesdoigtspourqu’uniPodsemetteenmarche.Onfrappaàlaporte,quis’ouvritdanslafoulée.—Heureusementquejen’étaispasentraindemechanger,plaisantai-jeendécouvrantWes.—Zut,répondit-il,unlargesourireauxlèvres.Etmoiquiespéraistesurprendreenpetitetenue.—Grosmalin.Ils’approchademoi.—J’étaissérieux.Jereportaimonattentionsurlamer.Lavueétaitmagnifique,etilfaisaitétonnammentbonpourla
saison.Wessortits’installersurl’undestransats,puisilsetapotaungenou,m’invitantàlerejoindre.Je
secouailatête.Ilsourit.Etjevousjure,celasuffitàmeconvaincre.Unsourireetjefondais;j’étaiscomplètement vulnérable face aux pouvoirsmagiques de ce garçon.Avec un long soupir – quandmême, il fallait bien montrer que je désapprouvais ses manœuvres de manipulateur –, j’allaim’asseoirsursesgenouxetm’adossaicontresontorse.—Merci,murmura-t-ildansmescheveuxaprèsquelquesminutesdesilence.Mercid’êtrevenue
avecmoi.—Àmonavis,ceseraitplutôtàmoideteremercier,répondis-jeenmêlantmesdoigtsauxsiens.
Etmercid’êtremonpetitamipourdeuxsemaines.Ilsecrispa.—Quoi?C’esttoiquiasditdeuxsemaines,non?Jeluiassenaiunpetitcoupdecoudedanslescôtes.—Tumejettesunnonos?C’estça?—Non,admit-ilenmefaisantpivotersursesgenoux.Jenete jettepasdenonos, jenesorspas
avectoiparpitié.Jeteveux…Ilmecaressadélicatementlevisage,delapointedesdoigts,effleurantmapeauavantderetirersa
main,commesicesimplecontactétaitplusqu’iln’enpouvaitsupporter.—Jet’aimebeaucoup.—Et…lesdeuxsemainessontàdébattre?plaisantai-je.Ildéglutit,lesyeuxrivésauxmienscommes’ilycherchaitquelquechose.—Tusaisquoi?Jevaist’accorderautantdetempsquej’enaurai,ajouta-t-ild’unevoixbrisée.Jefouillaisonvisage,essayantd’ydécelerpourquoiilformulaitçadecettefaçon.—«Autantdetempsquetuenauras»,répétai-je.Ettuneprévoispasd’enavoirtrop?J’eus soudain l’impression qu’il regardait à traversmoi. Comme s’il avait vu un fantôme, son
visageblêmitetsesyeuxs’emplirentdelarmes.—OK,repris-jeaussitôt.Biensûr.Autantdetempsquetuenauras.—Promis?Ildétournavivementlatêteets’abîmadanslacontemplationdel’océan.—Tumepromets?insista-t-il.—Promis.Sonsourirerevintetilm’embrassasurlajoue.—Bien.Alorsallonsdîner,maintenant.Jepariequemonpèreafaim,ettoi,tuaseuunelongue
journée.Onpourraregarderunfilmplustard,d’accord?—Bonneidée.Jesautaidesesgenoux,sanspourautantluilâcherlamain.Pouruneraisonquej’ignorais,çame
semblaitimportant.Importantquejeletoucheaussisouventetautantquepossible.C’étaitfou,non?Et pourtant je ressentais une urgence à être près de lui, comme s’il risquait de disparaître à toutinstant.Waouh, j’en connaissaisunequimanquait sacrémentd’assurance. Je repoussai cettepenséedans un coin dema tête enme jurant de ne plus la ressasser. Je l’appréciais, ilm’appréciait, et jedisposais officiellement de plus de deux semaines. Certes, on allait un peu vite, mais vraiment jel’aimaisbeaucoup,etjesavaisaufonddemoncœurquedeuxsemaines,çaneseraitjamaisassez.Enfait,j’étaisquasicertainequ’uneannéeentièrenemesuffiraitpas.L’étéallaitmesembleratroce,sijen’arrivaispas à levoir aumoinsune fois.Qui savait ? Jepourraispeut-êtrem’inscrire aux coursd’été,histoirederesterdanslesparages.Enfin,s’ilnes’estpaslassédemoid’icilà.Ledînersepassasansincident.Saufsipar«sansincident»,onentendquejenesavaispasquelle
fourchette choisir pour la salade ni pour le saumon. À unmoment donné,M.Michels, ou Randycommeilpréféraitquejel’appelle,entrepritdememontrerquelcouvertutiliserenlevantnettementle sienavantde leplongerdans sanourriture. Je l’aimaisbien. Il avait ladrôleriedeWes, tout enparaissantancrédanslaréalité.Quandlerepassetermina,j’étaisrepue.—Etmaintenant, annonçaRandy en repoussant sa chaise, je vous souhaite le bonsoir. Demain,
nousmangeronsladindeetmoi,jeregarderailefootball.—Amen,commentaWes.—Euh…Wes,est-cequejepeuxteparleruneminute?—Biensûr.Ilrepoussasachaiseetsuivitsonpèredanslehall.Jen’entendaispascequ’ilssedisaient,maisàunmoment,j’eusl’impressionqueRandyessayaitde
prendre lepoulsdeWes.Bizarre.Onauraitditqu’ils sedisputaient, etpuisRandy juraet sepinçal’arêtedunez,avantdepartir.Weslaissaretombersesépaulesetildonnauncoupdepoingdanslemur,pasfort,maisassezpourmontrersacolère.—Toutvabien?demandai-jed’unepetitevoix,enm’approchantderrièrelui.Ilbalayalamaisondesyeux,commes’illamémorisaitpourladernièrefois.—Oui,tusais,deshistoiresentrepèreetfils.Ouplusprécisément,deshistoiresdefootball.Pas
grand-chose,ajouta-t-ilenhaussant lesépaules.Allez,viens, reprit-il avecunautredeses souriresravageurs,allonsregarderunfilm.—OK.Quandilparlaitdefilm,jepensaisqu’ilentendaitunvisionnagedanslecanapédusalon.Etpasdansunesalledecinéma.Avecpopcornetsiègesinclinables.À partir de ce moment, chaque fois que je m’imaginerais le paradis, ce serait l’image qui me
viendraiten tête.ÊtreassiseavecWesdansnotresalledecinémaprivée,chez lui,mamaindans lasienne.IlallumalatélévisionetcliquasurAppleTV.—N’importequelfilmdumomentqueçaconcerneNoël.Choisis.—PourquoiNoël?—J’adoreNoël,répondit-ilavecunhaussementd’épaules.Etilsepeutquejenesoispasdansles
paragespourNoëlcetteannée,dumoinspasicidanscettemaison,alorsceseraitsympa.—Ettuserasoù?—Oh,j’aid’autresdemeuresdanslesenvirons,alorsons’yinstalleraenfonctiondel’humeurde
monpère.—Quellehorreur,monpauvre,letaquinai-je.—Chacunsacroix.Allez,choisis,répéta-t-ilenmejetantlatélécommande.Ilcroisalesmainsderrièresatêtependantquejezappais.—OK.Jechoisis…celui-ci.Illouchasurl’écran.—Tuplaisantes.—Tuasditn’importequoiconcernantNoël,etilmesembleaussiquetum’aslaissélechoix.—C’estMickeyMouse!—Etc’estmonfilmdeNoëlpréféré.Tuvasrevenirsurtaparole?—Tuesvraimentunpetitagneau,hein?Toutinnocent,quidemandeàregarderMickeyMouseen
guisedefilmdeNoël.Iltenditlamainetmecaressalevisage.—Dis-moiquec’estmaldevouloirsalirtoutecettepureté…icietmaintenant.— C’est mal, répliquai-je simplement, oubliant le bourdonnement dans ma tête alors qu’il
descendaitlelongdemajoueduboutdesdoigts.Avecunsoupir,ils’écarta.—Trèsbien,l’Agneauordonne,leGrandméchantLoupobéit.—Commeilsedoit.Jemepenchaiversluietrelevail’accoudoirafindepouvoirvraimentm’allongersurlui.—Etl’AgneautenteleLoup,reprit-ilàvoixbasse.—EtleLoupnesuccombepasàlatentation.—LeLoupaimelatentation.—LeLoupdoitregarderlefilm.—Alorsl’Agneaudoitarrêterdeparler,sinonleLoupleferataired’uncoupdedents.Jesouriaistellementque,jevousjurequejen’exagèrepas,jen’yvoyaismêmeplus.—Arrête!fis-jeenmedétournantdelui.—Jen’aipasl’habituded’entendrecemot-là.Qu’est-cequeçapeutbienvouloirdire?—Çaveutdire«non».Jerepoussaisamainqui,poséesurmahanche,tentaitdesoulevermontee-shirtpourtoucherma
peaunue.—Hum…Et«non»,çaveutdirequoi?—Çaveutdire…Lefilméclairasoudainl’écran.Wessepenchapourmechuchoteràl’oreille:—Sauvéeparlasouris.
Chapitre29
WESTON
J’auraisdû fuir.Au lieudequoi j’ai insisté,me rendant si impossibleà éviterque c’estdevenutroptard.Enfin,tard,tôt,peuimportaitpuisqueletempsnejouaitpasenmafaveur.Pourellenonplus,unefoisquejeluiauraistoutdit.
Elles’endormitdansmesbrasauboutdesquinzepremièresminutes.Jefermailesyeux,nonqueje
soisfatigué,maisparcequeçaparaissaitnormal.Jepouvaispresqueimaginerquetoutétaitnormal.J’avaisramenémapetiteamieàlamaisonpourlesvacances,ons’ennuyait,onavaitmisunfilmetelles’étaitendormie.Saufquerienn’étaitnormal.Jejetaiuncoupd’œilàmamontre.C’étaitl’heuredemesmédicaments.Alors,malgrélepeud’enviequej’avaisd’éloignercettefille
magnifiquedemoi,ilfallaitqu’elleailleaulit.Jesaisisunemèchedesescheveuxetl’examinai,latortillant entre mes doigts. Non, ça n’était pas une obsession pour les cheveux, c’était plutôt uneobsession pour tout ce qui la rendait unique. Ses cheveux roux, son sourire, son rire, sa façon derepousserlesgens…etsafaçondemelaisserl’approcher.Putain.J’étaisfoutu.Complètement,entièrementfoutu.Elle le découvrirait bientôt. Je devrais lui expliquer. Ilme restait unmatch, et puis le coachme
laisseraitsurlebanc.Ilm’avaitditquejen’étaispluslemêmejoueurqu’avant.Querépondreàça,alorsquejevomissaisàl’entraînementtouslesjours?Jesavaisquejelaissaistomberl’équipe,maismieuxvalaitquitterlesgarsmaintenantplutôtqu’ilssefassentrosser,voirepire,quel’und’euxsoitblessé,toutçaparcequejeneseraisplusenmesuredetenirmonposte.Jen’avaispaspensé,enrevanche,quelecoachappelleraitmonpère,niquemonpèreluiavouerait
quej’étaismalade.«Malade?»s’étaitétonnélecoach.«Etilvaseremettre?»Monpèren’avaitrienrépondu,toutbonnementparcequ’iln’ensavaitrien,pasplusquejenele
sais,moi,pasplusquelesmédecinsnelesavent.Etpuismonpèreetmoi,ons’étaitdisputésencoreunefois.Ilvoulaitquej’aillepasserdestests,
histoire de voir au moins si la tumeur évoluait. Mais je préférais rester dans l’ignorance. Quivoudrait savoir ? J’avaisuneputainde tumeurqui sedéveloppait, dangereusementprochedemoncœur,etilsvoulaientsavoirsiellegrossissait?Alorslà,sûrementpas.Plutôt vivre dans l’ignorance que de découvrir le scanner de ce monstre à l’intérieur de ma
poitrine. Si lesmédicaments ne la faisaient pas diminuer, il ne resterait que deux options : soit jemouraissurlatabled’opération,soitj’enréchappaisetjemesentaismieux.Monpèrel’ignorait,maisjecomptaisinterrogerlesdocteursàcesujet.Pourquoivoudrais-jesurvivreàuneopération,sic’étaitpourmourirquelquesmoisplustarddans
ladouleur?
Çafaisaitpeut-êtredemoiunlâche.Detoutefaçon,jemesentaislâchelaplupartdutemps.Etdeplusenplus,àmesurequelejourdel’opérationapprochait.IlmerestaittroissemainesavantlejourJ.EncoretroissemainespourchoisirentreannoncerlavéritéàKierstenouluibriserlecœur.Qu’est-cequim’avaitpris,nomdeDieu,deluiaccordertoutletempsquimerestait?J’avaisvu
ses yeux s’allumer. Je savais ce qu’elle pensait : que c’était une super promesse.Alors qu’en fait,c’étaittoutcequej’avaisàluioffrir.Le temps, c’était ce qu’il y avait de plus précieux aumonde, pourmoi.Or je venais de tout lui
donner.Parcequej’étaisentraindetomberamoureuxd’elle.Parcequejetenaisàelle.Parcequejevoulaisluidonnerdequoisesouvenirdemoi,mêmesiçaaussi,çafiniraitpardisparaître,commemoi.Letemps…unmotquisignifiaitl’horreur.
Chapitre30
KIERSTEN
J’aimeraispouvoiroublierlesrêves…J’aimeraispouvoirpasseravecluitouteslesnuits.Etmoiquicroyaisquelescauchemarsavaientdisparu.
Je m’éveillai en hurlant. Et puis, pour des raisons que je refusai d’explorer, et encore moins
analyseraveccettepartielogiquedemoncerveauquiprenaitgénéralementlesbonnesdécisions,jemedirigeaiàtâtonsverslachambredeWes.Aumomentprécisoùjelevailamainpourfrapper,laportes’ouvritengrand.Bouchebée,jemeretrouvaifaceàlatablettedechocolat.Est-cequejevenaisdesoupirer?Oui.
Dememordrel’intérieurdelajouepourm’empêcherd’afficherunsourireniais?Oui,oui.Jeprismontempsafindemieuxl’admirer,etmoncauchemarfutofficiellementoublié.—Tutesensmieux?Wesmesoulevalementonpourexaminermonvisage.—Commenttusavaisquejemesentaismal?demandai-jed’unevoixensommeillée.Illâchaunsoupiretmefitsigned’entrer.—Jet’aientenduehurler.—Ah.Jebaissai lesyeuxvers sespoings serrés et fus aussitôt envahieparun sentimentdeculpabilité.
Embarrasséedelatêteauxpieds,jereculaid’unpas.Wesmepassalesmainsautourdelatailleetmesouleva.Etl’instantd’après,j’étaisallongéesursonlit.—Non,maisçava,tentai-je.Jesuisdésolée,jenevoulaispasteréveiller.Lecauchemarestfini
et…Jemedébattispourmereleverdulit,maisilmeretenaitfermementdanssesbras.Etilmedéposa
unpetitbaisersurlefront.—Tunem’aspaslaisséfinir,indiqua-t-ilavecunsouriresexy.J’allaismerendredanstachambre
pourcasserlafigureauxmonstresquisecachaientsoustonlit.—Tuégorgeslesdragons,maintenant?Ilm’attiracontrelui,sibienquenousétionsdésormaisallongéspoitrinecontrepoitrine.—C’estdoncdeçaqueturêves?Desdragons?—J’aimeraisbien,répondis-jeenfrissonnantaucreuxdesesbras.Trèssouventjerêvedelamort,
celledemesparents.Ilssenoientetjen’arrivepasàlesatteindre.J’arrivetoujourstroptard.Wesresserrasonétreinteautourdematailleetsarespirationsemblas’accélérer.Ils’humectales
lèvresavantdemedéposerunbaisersurlefront.—Letempsestunsalopard,pasvrai?Jeris.—Oui,unvraisalopard.—«Siseulementj’avaisfaitci,j’auraisdûfaireça,j’auraispufaireça…»
Illâchaunjuron.—Lavieestrempliedecestroistrucs-là.—Trois?—«Siseulement,j’auraisdû,j’auraispu.»Ildessinamamâchoireduboutdesesdoigts.—Çafaitpartiede lanaturehumainedes’imaginerqu’onauncertaincontrôlesurcequinous
arrive,maisàlavérité…laviesedérouleetparfoisonsepointetroptard.Etd’autresfois,ceseratrop tôt. Parfois on fait les mauvais choix, tout comme d’autres fois on fait les bons. Les seulsmomentsoù lesgensutilisent les trois«si»,c’estquand leschosesnesedéroulentpascomme ilfaudrait.Personneneseremetenquestion,lorsquetoutvabien.Onseremetenquestionuniquementquandleschosesvontdetravers.Jen’avaispasvraimentpenséàça.—Tupeuxpassertaviedanscettezone,enpensantmêmequetuasunminimumdecontrôlesur
desévénementsquisontenfait totalementhorsde taportée.Au lieude teconcentrersurceque tuauraisdûfaire,concentre-toisurcequetuesenmesuredefaire.—Etqu’est-cequec’est?demandai-je,dansunsouffle.—Embrassertonpetitamisisexyetsiintelligent,répliqua-t-ilenposantunbaisersurleboutde
monnez.Lelaisserabattretesdragons.(Ilremontalelongdemajoue.)Etsavoirqu’encetinstant…tu ne vis pas dans la zone du « si seulement, j’aurais dû, j’aurais pu ». Tu es exactement là oùl’universveutquetusois.—Danstonlit?letaquinai-je.—Non,fit-ilenposantleslèvressurmabouche.Dansmesbras.Unsoupirm’échappaquandilpressaleslèvressurlesmiennes.Toutchezluiétaitsichaud,siplein
devie.Jeplaçailesmainscontresontorse,ravieaucontactdesapeausurmesdoigts.Il s’écarta, lesyeuxclos,et lâchaun juron,alorsmêmequ’ilserraitmesmainscontreson torse
commesiellesétaientsabouéedesauvetage,commesid’unecertainefaçonmoncontactchangeaitsonmonde.—Jetesens,chuchota-t-il.J’adoresentirtesmainsici.Ilouvritlesyeux,maisceluiquimeregardaitneressemblaitpasàWes.Onauraitditunfantômede
lui,quin’étaitpasréellementprésentauprèsdemoimaisquelquepart,loind’ici.—J’aimeraispouvoirêtreentierpourtoi.—«Entier»?Jefisglissermesmainssursesépaulesetl’attiraiplusprès.—Tuvasmedirequetun’esqu’unemoitiéd’homme?Ilhésita,puisfinitparhausserlesépaules.—Non,jevoulaisjustedirequej’aimeraisêtretotalementàtoi,rienqu’àtoi.J’aimeraisavoirune
secondechance.—«Unesecondechance»?répétai-jeenm’écartant.Cen’estpastoiquiviensjustedemefaire
uneconférencesurlathéoriedu«siseulement,j’auraisdû,j’auraispu»?Ilrit.—OK.Merci,petitemaligne.Etunoreilleratterritsurmonvisageavantquej’aiepul’intercepter.Jelerepoussaietm’assisen
mêmetempsqueWes.—Toutcequejedis…Illâchaunprofondsoupir,àcroirequ’ilportaitlepoidsdumondesursesépaules.
—…c’est que j’aimerais vivre toutesmes premières etmes dernières fois avec toi. Seulementavectoi.—Zut,soupirai-je.Jen’étaispaslapremièreétudiantedepremièreannéequetuembrassais?Ilesquissaunsouriresongeur.—Enfait…si.—Missionaccomplie.Etjetepréviens,tuasintérêtàcequejesoisaussiladernière.Etjeluienfonçaiundoigtdanslapoitrine.Grimaçant,ilmejetal’oreillerdenouveau.—Lapremière,ladernière,laseule.Ilsemorditlalèvre.—Mapréférée.—Oh,waouh!Toi,tuveuxvraimentquejefassedebeauxrêvescettenuit.Tuyvasfort.—Jeprotègemesarrières.—Ahoui?—Quoi?fit-ilminedes’étonnerensedésignant.Jenesuispasassezbienpourtefairerêver?—UnpointpourWes,conclus-jeenlevantundoigt.Hilare,ilreculapourmieuxbondirsurmoi.Ilmecollaledosauxoreillersetsehissaau-dessusde
moi.—Etsimonrêvetourneaucauchemar?Sonexpressionredevintsérieuse.—Qu’est-cequetuveuxdire?—Admettonsquetusoisdansmonrêveetquejenepuissepast’atteindre?—Fermelesyeux.—Quoi?—Vas-y.—D’accord.Sans le prendre au sérieux, je fermai les yeux et attendis. Je sentis ses lèvres me chatouiller
l’oreillealorsqu’ilcommençaitàchuchoter:— Chaque fois que tu fermes les yeux, et ce où que je sois, où que tu sois, je veux que tu te
souviennesdeça.Ilentremêlasesdoigtsauxmiens,puisilpressamamaincontresontorse.—Oùquejesois,quoiquejefasse,vivantoumort,jeuneouvieux,moncœurseratoujoursavec
letien.Chacundesbattementsquetusensauboutdetesdoigts…Etdesdoigtsilmetapotasurlapoitrine,unefois,deuxfois…—…c’estmoiquit’appelle.C’esttoiquimeréponds.C’estnousquiparlons,quicommuniquons,
quinouslions,quipartageons.Quivivons,Kiersten,nousquivivons.Unjourviendrapeut-êtredanstavieoùtoncœurdevrabattrepourlemien…maisilfaudracontinuer,sijen’ensuispascapable.Delamêmefaçon,unjourviendrapeut-êtreoùjedevraifairelamêmechosepourtoi.Maisauboutducompte,l’undenouspoursuivratoujoursceci.Denouveau,iltapaencadence.— Alors il n’y aura jamais de raison de craindre que nous manquions de temps, car nous
garderonsnotrerythme.Jenemesentaispasenmesuredeparler,pasaprèscequ’ilvenaitdedire.Àluitoutseul,Wesavait
réussi àme réconforter, tout enm’enseignant intelligemment une chose : contrôle ce que tu peux,aimecequetupeux,etlereste,ehbien…Lereste,c’étaitlereste.Jeneparvenaispasàatteindremesparents?Jen’avaisqu’àfrapperduboutdesdoigtscontresapoitrine.CarWes,lui,jelesentais,etil
avaitraison.Nousgardionsnotreproprerythme,nouscréionsnotrepropre…façondevivre.—Dors,murmura-t-il.Jet’aiépuisée,avecmoncharabia.—C’estfaux!répondis-jeenbâillant.Enriant,ilm’embrassasurlabouche.—C’est trèsvrai.Àprésent, jeveuxquetufermeslesyeux,etmoi je teserredansmesbras.Je
montelagarde.—«Lagarde»?—Faceauxdragons!metaquina-t-il.Net’inquiètepas,jeneleslaisseraipastevolertavertu.—OK,souris-je.Carlesdragonssontconnuspourça.—Nefaisjamaisconfianceàunlézard.—Euh…Jecroisquetechniquement,lesdragonsnesontpasdeslézards.—Biensûrquesi.Ilmefitpivoter,sibienqu’ilseretrouvabiencaléderrièremoi.—Toutcommelesdinosaures.Tupeuxmefaireconfiancesurcepoint,jesuisenquatrièmeannée.—Tuessûrden’avoirpasredoublé?letaquinai-je,sanspouvoirréprimerunnouveaubâillement.—Endors-toi.Ilmemordilla unpeu l’oreille, puis il soupira, provoquantune sériede frissonsdans toutmon
corps.Ben voyons, comme si je pouvais dormir quand ilme touchait comme ça. Pourtant, alors qu’il
continuaitàdéposerdeslignesdebaisersdansmoncou,jesentaismespaupièress’alourdir,puisjelaissaimoncorpssombrerdanslatorpeurdusommeil…entrelesbrasdeWes.
Chapitre31
WESTON
OK,doncjesuissoporifique…Génial.J’ignoraiscequiétaitleplusdéconcertant,entrelefaitqu’enl’espacedequelquesheures,Kiersten
s’étaitendormiedeuxfoiscontremoi,etceluiqueladernièrefois,j’étaisentraindel’embrasser.Manifestement,ellemanquaitdesommeil.Ellem’avaitquestionnésurmonidéedegarderletemps…notretemps.J’avaisl’impressionqueça
luiplaisait.Etjenepouvaispasmementir,j’aimaisaussicetteidée.Elledonnaitànotresituationunaspectpluspermanent,alorsmêmequec’étaittoutlecontraire.Jemedégageaidesonétreinteetmetournaipourfixerleplafond.Lemêmeplafondquej’avais
fixétoutemavie.Unlégersoupirs’échappadelabouchedeKierstenetellesetortilladanssonsommeil,pourfinir
parjeterunbrassurmontorse,mecoupantlesouffle.Waouh,cettefilleavaituneforcededingue!—Wes,marmonna-t-elle,secouantlatêted’uncôtéetdel’autre.Aussitôtjel’attiraidenouveautoutcontremoi.Jenesavaispascequimerongeait,encetinstant,
delaculpabilitéoudemamaladie ;çapouvaitaussibienêtre l’unquel’autre.Je lafaisais tomberplusamoureusedemoi.Pourtant,jenejouaispaslacomédie.Jenementaispas,jen’essayaispasdel’entraînerdansmonlit,dumoinspasausenssexuelduterme.Enfait,c’étaitlapremièrefoisdemavieoùj’étaisvraimenthonnête.Supertiming,jesais.—Wes…Ses lèvres trouvèrent mon épaule nue. Elle m’aurait poignardé que ça n’aurait pas été pire. Je
ressentiscebaiser,ceslèvres,salanguehumide,commeuneinjectiond’héroïneàtraversmoncorps.Despiedsàlatête.Jen’avaisjamaisprisdedrogues,maisj’imaginaisqueçafaisaitceteffet-là.Kierstenlevaunejambeetvintlaplacerentrelesmiennes.Merde.Impossibled’y échapper, cette fois. J’allais devoir souffrir toute la nuit, avec cette fille collée à
moi et sans espoir de soulagement au bout du compte. Voilà, peut-être que maintenant je savaisprécisément ceque ressentait un accro à l’héroïne.BonDieu, j’avaismêmeenvied’enprendreunnouveaushoot.Jevoulaisl’absorber,maissijefaisaiscechoixpourelle,jesavaisqu’ellefiniraitparmedétester.Jemefichedecequedisentlesfilles,uneviergenes’embarquepasdansunerelationenpensantquec’estjustel’histoired’unenuit,àmoinsd’êtreunegarce.Lesfillesnormaless’attendentàl’amouréternel.Laseulechosequej’étaisincapablededonner.—Dors,murmurai-jeenl’embrassantsurlefront.Etjelaserraicontremoi,aussifortquepossible.
—Réveille-toi,mabelle,c’estl’heuredeladinde,chuchotai-jedanslescheveuxdeKiersten.OnauraitdituneversionextrêmementsexyducousinMachindelafamilleAddams.Sescheveux
rouxétaientétaléspartoutsurmonoreiller,monbras,monvisage,sonvisage.Commes’ilsavaientleurpersonnalitépropre,leuridentitépropre,etuneincapacitétotaleàresteràleurplace.Etj’adoraisça.Écartantquelquesmèchesrousses,jefinispartrouverunœil.—Ah,tevoilà.L’œils’étrécit.—Toujourspasdumatin?demandai-je.Je n’aurais pas cru ça possible,mais l’œil s’étrécit encore plus, au point que je le crus fermé.
J’écartaiunpeupluslerideaudecheveux.Deuxyeux.Gagné!Ellen’étaitpasaveugle.—Pourquoiest-cequetum’observescommesituvenaisdedécouvrirlathéoriedelagravité?—Parcequec’estcequejeviensdefaire,répondis-jeavecunsouriresatisfait.—J’espèrepourtoiquec’estfort.—C’esttoi.—Hein?Jesoupirai.—Ilestencoretroptôtpourlessous-entendussubtils,ondirait.Jeluidonnaiunpetitcoupavecl’oreiller.—Allez,deboutpetitagneau,leloupafaimetenviedefairepipidepuisàpeuprèscinqheures.—Etpourquoitun’yespasallé?—Àcaused’unninjadéguiséenmapetiteamiequim’a retenu toute lanuitenotagedansmon
proprelit,expliquai-jeendésignantdumentonsesjambesmêléesauxmiennes.Sanscompterquesonétreintesemblableàunétauétaitsiadorablequejen’aipasosébouger.Ellebondit.—Wes,jesuisdésolée!Engénéral,jenesuispas…—Collante?suggérai-je.Nouveaurétrécissementdel’œil.Jemedemandaisijeperdaisdespoints,pourlesimplefaitque
j’étais du matin. Je n’avais pas encore pris de médicaments, notamment parce que j’étais dansl’incapacitéphysiquedememouvoir, alors jevoulais absorber cebonheur.Échanger avecunêtrehumainplutôtqu’aveclacéramiquedemestoilettes.— Je t’interdis de temettre àme traiter de « collante », grommela-t-elle, avant de se cacher le
visageentresesmains.Désoléedet’avoiremprisonnéaulitcettenuit.Jesourisetm’humectaileslèvres.—Oui,enfin,ilyapire,commefaçondemourir.CommeparexempleêtrelaversionhumainedujeuDocteurMaboul.Saufquechaquefoisquele
médecintouchelesbords,tutevidesdetonsangettoncœurs’arrêtedebattre.Pasdesecondechance,onnerecommencepaslapartie.—Çava?s’enquitKierstenenmeposantunemainsurl’épaule.Sansm’enrendrecompte,j’étaispartidansmespensées.Manifestement,lefaitqu’onvenaitdeme
donnermonmaillotdefootballet laproximitédel’opérationmechamboulaient,sanscompterquej’avaisbienenviedevivre,auboutducompte.Etlaraisondemondésirdegarderlespiedsfermementplantésdanslesolsetrouvaitjustelà,bien
vivanteàcôtédemoi,bonsang!—Génial,chantonnai-je.N’empêche,ilfautquej’ailleàlasalledebains.Alorssitupouvaisjuste
démêlerteslonguesjambessexydesmiennes,j’apprécieraisbeaucoup.Enfait,j’apprécieraisencore
plussitumelaissaisaller…Unsoupirexaspérés’échappadeslèvresdeKiersten.—…auxtoilettes,terminai-je.C’esttoutcequejedemande.—OK.En riant, elle s’écarta complètement demoi, et jeme sentis soudain plus seul et plus perdu que
jamais.C’étaittrèsirritantdesongerqu’unepersonneaitautantdepouvoirsurmonétatd’esprit.—Pourquoitun’iraispastepréparerdansl’autresalledebains?Onseretrouveenbasdansun
momentetons’envoieunsuperpetitdéjeuner,d’accord?—OK.Et elle traversa lentement le grand tapis qui couvrait le parquet de ma chambre, avant de se
retourner.—Wes?Jem’immobilisai,lamainsurlapoignéedelasalledebainsadjacente.—Oui?Unetouchederougevifluicoloraitlesjoues.—Merci.Pourlanuitdernière.D’avoirchassélesmonstres…—Avecplaisir.C’estunpeumontravail,deteprotéger.—Untravail,çadonnel’impressionquetuesobligé.—Non, corrigeai-je.Quand jedisque c’estmon travail, ça signifie justeque c’est unpeumon
identité.Tusais,commequandlesgensseprésentent:«Salut,jem’appelleRick,jesuisconcierge.»Maintenant,poursuivis-je avecun sourire, jepeuxdire : «Salut, jem’appelleWestonet je tuedesmonstrespourmonirrésistiblepetiteamie,afinqu’ellepassedesnuitssereines.»—C’estnaze.Son rireme frappapiledans tous lesbons et lesmauvais endroits, et soudainaller aux toilettes
devintuneobligationtrèsdiscutable.Jevoulaisresterlà,plaquéaumatelas,etdepréférencesouselle.—Non,héroïque,arguai-je.Allez,vatepréparer,qu’onpuissedescendremangerdesbriochesàla
cannelle.Apparemment,j’avaisprononcélemotcode.Elleécarquillalesyeuxetpartitencourantàtravers
le couloir. Une fan de petit déjeuner, bonne nouvelle. Le contraire aurait pu être rédhibitoire. Jedétestaislesnanasquirefusaientdesenourrirpourlerepasleplusimportantdelajournée.Commesiellesignoraientàquelpointçacomptait.J’étaisbienplacépourenparler,surtoutparcequemescachetsmedéchiraientleventresijenemangeaispas.Je fermai la porte derrièremoi et la verrouillai, avant d’ouvrir le placard sous l’évier.Quinze
flacons, tous portant une étiquette avec mon nom. Putain, je regrettais presque de ne pas être undrogué.Vousvoyez,legenredetypesquivolentdel’oxycodoneoudelamorphinepourseshooter.Bon,c’estvraique jeneprenais jamaismescachetsantidouleur. Ilsm’engourdissaient tellement
queçan’envalaitpaslapeine,etpuis,cen’étaitpascommesijesouffrais.Mondocteurdisaitqu’ilsmedébarrasseraientdemesangoisses.Apparemment,lemecn’avaitjamaisentenduparlerdusport.Toutcequefaisaitl’oxy,c’étaitme
transformer en zombie qu’on aurait cru sorti de La Nuit des morts-vivants. En plus hagard eteffrayant,jeparie.Jefissauterlebouchondemonpremierflacondemédicaments,déposaiunegéluledansmamain
etsecouailatête.Lagarce,elleétaitforte.Enfait,jel’avaissurnommée«garce»,carpetitecommeelle était, on ne penserait jamais que cette pilule puisse faire grandmal.Eh bien, on avait tort.Lapremière foisque je l’avaisprise, j’avaisvomipendantune semained’affilée. Jem’étais tellement
déshydratéàforcedevomirquej’avaisatterriàl’hôpital.Maintenant,jesavaiscommentlaprendre.Il fallait l’adjoindre àmon cachet anti-nausées, qui ne fonctionnait que six fois sur dix, et ensuiteavalerlemégacachetblanc,cecachetspécialchimioquel’onfabriquaitexprèspourmoi.Ilmerestaitcinqcomprimésàprendre,maisilfallaitquejemanged’abord.Kierstendevaitencore
êtreentraindesepréparer.Jenevoulaispasqu’ellemevoieavalerdesmédicamentsd’aucunesorte,je ne m’imaginais pas lui mentir quand elle me demanderait pourquoi j’ingurgitais toute unepharmacie de cachets arc-en-ciel. Alors je fourrai le reste des comprimés dansma poche, enmerépétantdenepasoublierdelesprendreaprèslepetitdéjeuner.Carsi j’oubliais…ehbien, jeneseraispasdutoutuncompagnonagréablependantladuréedes
vacances,sansparlerdufaitqueçaaccordaitàcettesaloperiedetumeurunejournéesupplémentairesansattaque,ducoupellegrossirait…Orjepouvaistoutàfaitdispensermoncerveaudel’imagedesestentaculesquiétouffaientlentementcertainespartiesdemoncœur.
Chapitre32
KIERSTEN
Jamais je n’arriverais à m’ôter cette image de la tête. Wes était sexy, doté d’un corpsincroyable,etmoij’avaisdormicolléeàluitoutelanuit.Oh,là,là,siçasetrouvaitj’avaismêmebavé.Bon, benaumoins jepouvais cesserd’espérerqu’il veuille encore êtremonpetitami,aprèsmanuitaccrochéeàluicommeunefandeJustinBieber.Douzeansd’âgemental.Génial.
Jemeperdisdeuxfoissurletrajetjusqu’àlacuisine.Lapremièrefois,jetournaiàgaucheaulieu
d’alleràdroite, lasecondefois jemelaissaidistraireaumilieuducouloirparquelquesphotosdefamilleaccrochéesaumur.NotammentunedeWesetdesonfrère,côteàcôte.Onauraitpresquecrudesjumeaux.Moncœurseserraunpeuquandjesongeaiàl’horreurqueçadevaitêtredeperdresonfrèred’unsuicide.Ondevaitpasserlerestedesavieàregretterlamoindreconversation,lemoindremomentoùl’onauraitpudirequelquechosed’autre,voirechangerl’issuedel’histoire.Unfrissonme parcourut et je m’engageai du mauvais côté de l’escalier, celui qui conduisait à la pièceprincipale.Merde. Enfin, je remontai les marches pour les redescendre de l’autre côté, d’oùme parvenait
depuislacuisineuneappétissanteodeurdecannelle.Oui, jem’habitueraisaisémentàvivrecommeWes.Briochesfraîchesauréveil,aprèsunenuitdansunmanoir.Ahlà,là,lavieétaitdure.Cegarsn’avaitpasidéedesachance.Desriresmontaientdelacuisine.Craignantdepasserpouruneintruse,jem’éclaircislagorgeenentrant.Wessetenaitdansuncoin
avecMelda,ettousdeuxglaçaientdesbriochesenplaisantantgaiement.Lacuisineétaitrempliedenourriture.Partoutoùjeposailesyeux,lesplansdetravailengranite
étaientcouvertsdeboîtes,d’assiettes,decouvertsenargent,defrites,desauces.Merde,ondonnaitunefêtepourThanksgiving?—Kiersten!Viensparici,m’ordonnaWesenrepliantl’indexdansmadirection.Toutsourires,j’obtempéraietm’immobilisaijustedevantlui.Ilportaundoigtcouvertdeglaçage
àmaboucheetchuchota:—Ouvre.Bon, je n’étais pas vraiment en position de refuser.Mon estomac gargouillait, tellement j’avais
faim.J’ouvrislaboucheetilpassaledoigtsurmeslèvres.Puisjeléchaileglaçage,suçantsondoigtaupassage,jusqu’àcequ’illeretire.Et je vis son regard s’assombrir. Puis il posa ses lèvres sur les miennes. J’entendis quelqu’un
s’éclaircirlagorge,maispeum’importait,cartoutcequicomptait,c’étaientleslèvresdeWessurlesmiennes. Il avaitungoûtdecaféetdesucre,et j’auraisdonnécherpouravoircegoût-làdansmabouchetouslesmatins.—Hum-hum,insistaMelda.
Nousnousécartâmes.Etjesentismonvisages’enflammer.WessemorditlalèvreinférieureetjetaunregardinnocentàMelda.—Désolé,Kierstenmangemal,jel’aidaisjusteàsenettoyer.—C’estdonccommeçaquelesjeunesappellentcegenredechoses,denosjours.Meldahaussalessourcils,puisellepritleglaçagerestantetl’étalasurlesdernièresbrioches.—Bon,ilexisteunerègleimportantepourThanksgiving,ajouta-t-elle.—Laquelle?demandai-jeentendantlamainversunebrioche.Ellemedécochaunsouriremalicieux.—Personne n’entre dans la cuisine. Petit,Wes se cachait dans les placards pourme faire peur.
L’annéedernièreencore,ilaréessayéetj’airenversédeladindepartoutparterre.La lueurqui luiallumait lesyeuxs’éteignit tandisqu’ellese tordait lesmainsens’humectant les
lèvres.—Unemorttragiquepourcepauvrevolatile,commentaWesensecouantlatête,avantdeprendre
Meldadanssesbras.Jeteprometsqu’onserasages.—Toi, répliqua lavieille femmeen luiplaquantundoigtcontre lapoitrine, sa tristessesoudain
oubliée,turestesloind’ici.Jet’appelleraiquandj’auraibesoindetoi.Enattendant,tâchedetrouvercommentt’occuper.Wessetournaversmoi.—Hum,jesuisàpeuprèscertaindetrouverquelquechose.J’étaisàpeuprèscertained’êtrece«quelquechose».Etçanemegênaitpas.Ilmetenditlamain,
jem’yaccrochaicommeàunebouéedesauvetage.Secouantlatête,MeldapassaàWesunegrandeassietterempliedebrioches.—Voilà pour vous.Allezdoncdans la salle depetit déjeuner, il y a des protéines et des jus de
fruits.J’aimistoutcequ’ilfautsurlebar,vousn’aurezdoncaucuneexcusepourrevenirici.—Elleavraimentpenséàtout,commentai-jeenriant.—Thanksgiving,c’estsafêtepréférée.Elleneveutpasquejelaluigâche.Samainenveloppantlamienne,Wesm’entraînajusqu’àuneautrepièce,trèsvaste,quin’étaitpas
celleoùnousavionsdînélaveille.—Etvoicilasalledepetitdéjeuner.Lemur est de la pièce était entièrement constitué de vitres.Le soleil étant déjà haut, je compris
pourquoi ilsaimaientmanger ici lematin.C’étaitbeau, il faisaitpresqueaussichaudquedansunevéranda.—Unjusdefruit?proposaWesderrièremoi.—Avecplaisir.J’allaim’installeràtable,faceauxbaiesvitrées.—Alors,fitWesensefrottantlesmains,tuesprêteàrayercertainsélémentsdetaliste?J’avalaiunegorgéedejus,auborddeslarmes.Cetrucétaitlemélangeparfaitdesucréetdepulpe.—Onvasauteràl’élastiquepourThanksgiving?—Non,répondit-il,unmorceaudebriochedanslabouche.Onvaallerprendreunbaindeminuit.Jem’étranglaiavecmonjus.—Évidemment,onnepeutpasfaireçaenpleinjour.QuediraitMelda?Donc,primolescoursde
natation,etdeuxioonsemettoutnus.—J’oseàpeinedemanderquelestletertio.Jeneprispas le risquede le regarderetdeperdre toutecontenance.C’estvrai,quoi, jen’avais
jamaisembrasséaucungarçonavantlui.
—Kiersten,ronronna-t-iltoutprèsdemonoreille,tuesentraindemedirequetunesaispascequiadvientunefoisqu’ons’estmistoutnus?Oh.Là.Là.Quequelqu’unouvreunefenêtre.Ilm’effleuralebrastoutenlâchantsonrirerauqueau
creuxdemonoreille.Unmélangedenervositéetd’excitationmecrispaitdespiedsàlatête, tandisqu’ilremontaitlesmainsviamesépaules,pourterminerdansmoncou,avantdem’attirersiprèsdeluiquenoslèvressetouchaientpresque.—Coulisd’airelles.—Qu…Quoi?éructai-je,perplexe.C’estçaquiarriveunefoisqu’onesttoutnus?LesyeuxdeWesscintillèrent.—Bien sûr. Ben oui, c’est comme ça que tu as rédigé ta liste, non ?Àmoins que j’aie oublié
quelquesétapesentrelesdeux?Ilsetapotalalèvreduboutdudoigt.—Oualorsj’aitoutmélangé,maisilmesembleentoutcasquetun’aspasencorefaitça.Jesecouailatête.Non,eneffet,maisjenemesentaispascapabledeparler.—Alorsc’estréglé.—OK,parvins-jeàrépondred’unevoixrâpeuse.Onnage.Toutnus.Etpuiscoulisd’airelles.—NNC.—Génial,unesortedecode.Ilmerelâchaetrepritunebouchéedenourriture.—Exactement.Ilfourraunemaindanssapoche,etjelevisfroncerlessourcilsl’espaced’uneseconde,avantd’en
tirerquelquechosequ’ilconservadanssapaume.Jenepusm’empêcherdescrutersonpoingserré.Bizarre.JetournaienfinlatêtepouradmirerlePugetSound.—Donc…Lesmains vides,Wes vint s’appuyer au dossier de ma chaise. Et il entreprit de memasser les
épaules.—Quedirais-tudefinirnotrepetitdéjeuner,etensuited’allernouspréparerpourpiquerunepetite
tête?—Çanevapasêtre tropfroid?demandai-je, telleunegaminedecinqanspeumotivéeparses
coursdenatation.—Piscinechauffée,répondit-il.Etpuis,tum’auraspourteréchauffer,encasdebesoin.—Jenesuispascertainequ’ilsoittrèsprudentdeseréchaufferquandonesttoutnus.—Tucrois?Jesentissesmainss’immobilisersurmesépaules.Punaise,qu’est-cequej’étaiscenséerépondreà
ça?Jen’euspasàmeledemandertroplongtemps,carilreprit:—Règledesurvieimpérative:frotterdeuxcorpsnusl’uncontrel’autre,lafrictioncréeradela
chaleur…—Heureusementqu’onneserapasenmodesurvie,répliquai-jeenriant.N’importequoi,pourvuquedisparaissecettetensionsexuellequimedonnaitenviedemejetersur
lui.—Jediraisplutôtquec’estbiendommage.Quandsesmainsquittèrentmesépaules,jefaillism’affalerdansmonassiette,maisparvinsàrester
droite.
—Tuasbesoind’unmaillot?Jepeuxt’enprêterunsituveux.Je refusais de chercher à connaître le pourquoi du comment ils avaient des maillots de bain
fémininsici.—Ondonnedestasdefêtes,tuvois.Lesgensoublientleursmaillots.Maisilssonttouspropres,
promis.—OK.(Jedéglutis.)Jeveuxbienunmaillot,danscecas.Ilduts’absenteràpeuprèscinqminutes,auboutdesquelles il revintavecunbikiniblanc.Çane
devaittoutdemêmepasêtreleseulqu’illeurrestait!Jeplissailesyeux.Ilsourit.—Qu’est-cequetuattends?Prends!—Çacouvrequelquechose,cetruc?—Lespartiesimportantes,fit-ilenmetendantlemaillot.Allez,visunpeu.Jeleluiarrachaidesmains.—Sijemeursd’hypothermie…—Impossible,affirma-t-ilenhaussant lesépaules.Àmoinsque tunedécidesd’allerprendreun
baindeminuitdans leSound, ceque je tedéconseille,vuqu’uncalamargéant sembleyavoir éludomicile.—Jelenote.Est-cequej’aipréciséquejedétestaislespoissons?Ouquesijen’allaisjamaisfairedelaplongée
avecmesparents,c’étaitparcequecesbestiolesmeterrifiaient?C’étaitpeut-êtrepourcetteraisonquelescauchemarsétaientpiresencorepourmoi:jenepouvaism’imaginermourirdansl’eau.Çame terrorisait.Depuis la foisoù j’étais tombéedans lapiscineà l’âgede trois ans, jen’avaisplusjamaisréussiàm’enapprocherd’unesanstrembler.Enfin,Wes ne tarderait pas à apprendre pourquoi j’avaismis ça surma liste, donc autant le lui
avoueravantdemeridiculiserquandjesauteraisdans l’eau.Jemerendisdansmachambreetôtaimesvêtements en tremblant, afind’enfiler lebikiniblanc.Deuxpetits trianglesqui couvraient toutjuste mes seins, et un bas qui consistait plus ou moins en une série de cordons attachés à deminuscules morceaux de tissu, un devant et un derrière. Putain, je ressemblais à une prostituée !J’entendsparlàquecemaillotétaitparfaitpourunestripteaseuse.Appuyéeaulavaboencéramique,jeprisquelquesprofondesinspirations.Jepouvaislefaire.J’en
étaisàlamoitiédemaliste.—Allez,Kiersten,secoue-toi.J’observaimonrefletdanslemiroir,mescheveuxrouxquimeretombaientdanslemilieududos
enépaissesvagues.Deuxyeuxvertsmefixaient, l’airterrifiés,commesimoncorpstoutentiermesuppliaitdenepasyaller.—Jepeuxlefaire,répétai-je,lesdoigtstoujoursagrippésaulavabo.Jevaislefaire.Avecunmouvementsec,jem’écartaidulavaboetouvrislaporte.Puisjedescendisdansl’entrée,
frémissanttoutlelongdutrajet.Quandj’atteignislaporteduporcheàl’arrièredelamaison,donnantsurlapiscine,mesmainstremblaienttellementqu’onauraitditunecaméeenmanquedesadose.—Tupeuxlefaire,chuchotai-jeencore.Etj’ouvrislaporte.L’air froidme fouettaaussitôt.Rappelez-moiquiavait eu labrillante idéed’allernagerenplein
novembre?Ahoui,moi.Claquantdesdents, j’approchaidubordde lapiscineet faillis avoiruneattaquequandWesposaunemainsurmonépaule.
—Prête?demanda-t-il.Non.Jedéglutisetluiadressaipourtantunhochementdetêtesaccadé.Avecunsourirecompréhensif,ilm’attiradanslecocondesesbras.Soncorpsétaitbrûlantcontre
lemien.Laseulechosequinousséparait,c’étaientnosmaillotsdebain,ettrèsfranchement,untrucme fichait une frousse dingue : j’avais envie qu’il n’y ait rien du tout entre nous, pour que jemeretrouvecolléecontreluietluiseul.J’enauraispresqueoubliélapiscine,oubliématerreur.—N’aiepaspeur,chuchota-t-ildansmescheveux.Jetetiens.—Promis?—Paroled’honneur,jenetelaisseraipastomber,pastouteseule.Jenetelaisseraipastenoyer.Je
ne te lâcheraipas lamainavantque tu tesentesprête,etmêmealors jene te lâcheraipasdesyeuxjusqu’àcequetusoisretournéesurlaterreferme.—OK.—Sûre?fit-ilenreculantd’unpas.—Oui,jepréfèreenfinirvite.—Ah,ladoucemusiqueauxoreillesdetouthomme.Éclatantderire,ilm’aidaàentrerdanslapiscine.
Chapitre33
WESTON
Elle n’a pas la moindre idée de l’effet qu’elle me fait… C’est mon médicament, moninfirmière,montout.Siseulementlescœurspouvaientsesoignercommeça,àtraverslesbattementsdeceluid’unautre…
—Etvoilà.Jel’aidaiàdescendrelapremièremarchedel’immensepiscine.C’étaitunbassinàdébordement.
Aupremiercoupd’œil,onavaitl’impressionquelapiscinesedéversaitdirectementdansleSound,alorsqu’ilyavaitenréalitéunjolipetitdéniveléquitombaitdansl’eauchaude.—Elleestchaude.Kierstentapaunpeudespiedsetrelevalesyeuxversmoi,m’offrantlesourirelepluséclatant,le
plussexyquej’aiejamaisvusurseslèvres.Pleind’espoiretdeconfianceenmoi,ennous.J’auraisdûluidireàcemoment-là.Luiavouerquejen’étaispaslehérosqu’elleimaginait.Non,non.Quejeluicachaisuntruc,unpetitdétailquifaisaitdemoileméchantdel’histoire,ensomme.Maismerde,j’avaisenvied’êtrelehéros.LesparolesdeGabemehantaient.«Neluidispas.»Savoixmartelaitdansmatête,merappelantquejedevaislalaisserprendreses
propresdécisions.Quelorsquelaballeretomberait, jedevais la laisser tomberdanssoncamp,pasdanslemien.«Fais-moiplaisir,laisse-laendécider.Nelefaispaspourelle.»Kierstenn’étaitpascommelesautresfilles.Ellenepartiraitsansdoutepasencourant.Non,elle
s’accrocherait.Jemesentiraisencoreplusmalausujetdemonavenir,etauboutducompte,ellemedétesteraitdel’avoirprivéedecettepossibilité.Jene…—Wes?Kierstenposalesdeuxmainssurmesjoues.—Oùtuesparti?—Désolé,jeréfléchissais,répondis-jeensouriant,avantdedescendreladeuxièmemarche.C’est
bien,continue.Jesentissamainsecrisperdanslamienne,maisellem’imita.—Tuvois?Jel’éclaboussaiunpeudemamainlibre.—Çan’estpasbiencompliqué,c’estmêmesuperfastoche.L’eauestbonne.—Trèsbonne,répéta-t-elleenclaquantdesdents.C’estvraiqu’elleestbonne.Et elledescendit ladernièremarche.Elle avait désormaisde l’eau jusqu’à la taille.Dieuqu’elle
étaitbelledanscemaillotdebain.Dessouvenirsrevenaientmehanter.Jemecomportaiscommeunconnard égoïste, mais ça faisait des semaines que je me demandais à quoi elle ressemblerait enmaillot. Que je rêvais de découvrir chaquemillimètre carré de cette peau rayonnante. De voir lalumièredusoleilserefléterdanssescheveux.
Uncondamnén’avait-ilpasdroitàunderniervœu?Mêmelesprisonniersducouloirdelamortavaientdroitàundernierrepas.Kierstenétaitlemien.—Viens.Jem’éloignaià lanage, toujoursfaceàelle, laissant l’eaumerecouvrir le torse.Elleétaitàune
températureconfortabledetrente-deuxdegrés,presqueaussichaudequ’unebaignoiregéante.Marmonnant ungrosmot,Kiersten s’avançaversmoi ; l’eaumonta jusqu’à ses seins. Je savais
bienquejemecomportaiscommelegarslambda,maisjenepouvaism’empêcherdelareluquer.Etsoudainj’éprouvaiunetellejalousiepourcetteeauquilatouchaitendesendroitsquimeresteraientéternellementinaccessiblesquejelâchaiunjuronetdétournailesyeux.—Wes!Elletenditlamainetmesaisitparlebras.—Jemeursdetrouille,etcommejetel’aidit,j’aienviequ’onenfinisseaussivitequepossible.—Arrêtederépéterça,tublessesmonego.—Trèsbien,fit-elle,etsesdentsclaquèrentdeplusbelle.Jesuissuperexcitée.Elleavaitplutôtl’airducondamnéavantsonexécution.—Presséequ’oncommence,rectifia-t-elle.Alors,sionpouvait…nager?—Biensûr,répondis-jeavecunlargesourire.Leçonnuméroun…—Quoi?—Laplanche.—Jenesaispas.—Toutlemondeflotte.—Jenesaispasflotter.Jelâchaiunsoupiretlaregardaidroitdanslesyeux.—Tumefaisconfiance?Ellehochalentementlatête.—OK,alorsallonge-toisurledos.Tusensmamain?Jenetelaisseraipastenoyer,etl’eaun’est
pasassezprofondedetoutefaçon,alorslaisse-toiallerversl’arrière,détends-toietpenseàquelquechosedegai.—Jesuistropterroriséepourpenser.Lecorpsaussiraidequ’unpiquet,elles’appuyacontremamainetcommençaàflotter.—Penseànosbaisers.Jedéplaçailesmainsdesondosverssesfesses,maintenantsoncorpsenpositionallongée.—Penseàmesmainsquisepromènentlentementsurtoncorps,jusqu’àcequetunepuissesplus
penseràriend’autrequ’àcequejevaisfaireensuite.—Etqu’est-cequetuvasfaireensuite?Savoixétaitpluscalme,sarespirationplusrégulièrealorsqu’elleselaissaitallerdansmesbras,
confiante.—Jevaistedévorerdesyeux.Jevaisobserverchaquemillimètrecarrédetapeau,lesmémoriser,
etlesrangerdanslapetiteboîtedansmatêteétiquetée:«Laplusbellefilledumonde».Jevaistetenirjusqu’àcequetusoisprêteàcequejetelâche.Etunefoisquetuflotterastouteseule,jeresterailààtedévorerdesyeux,àtevouloir,àtedésirer.AupointquejedevraiallersauterdansleSound.Soncorpssefitcomplètementmouentremesbras.Jelalâchai.Ellenebougeapas,continuajusteàflotter.—Avertis-moiquandtumelâcheras.
—OK,répondis-jeenriant.Jevaistelâcher,d’accord?Aussitôtellesecrispaetcommençaàs’enfoncersousl’eautandisquesoncorpssepliaitendeux.
Jelarattrapaiavantqu’ellenecoulevraimentetlaserraidansmesbras.—Tapremièreleçonrésidedanslapeur.—Hein?Ellecollalesmainsàmontorse.—Tu flottais toute seuledepuisàpeuprèsquinzesecondesquand je t’aiannoncéque j’allais te
lâcher. À la seconde où je t’ai avertie, tu t’es préparée à couler. En d’autres termes, ton esprit aéchoué,donctoncorpsaéchoué.Ellemefitunegrimaceetdétournalesyeux.—Engros,j’aimoi-mêmesabotématentative.—Engros,oui,confirmai-jeavecunlargesourire.J’adoraislafaçondontelleemprisonnaitsalèvreinférieureentresesdents.—Tunepeuxpastelancerdansuneentrepriseavecl’idéequetuvaséchouer.Avoirpeur,çan’est
pasforcémentnégatif.Ellefermalesyeux,paupièrestrèsserrées,etcroisalesbras.—OK.Jecomprendscequetumedis,saufquejenesaispascommentmecontrôler.Chaquefois
quejevoisdel’eauouunepiscine,jememetsàtrembler.Jeflippeenpensantqu’ilvam’arriverlamêmechosequ’àmesparents.Oui,jesaisquec’estillogique,maislapeurrestelà.—Lapeur…Jeluidécroisailesbrasetmêlaimesdoigtsauxsiens.—…est précisément ce qui fait quenousnous sentons envie.Lapeur contracte nosveines, et
l’amygdale, une minuscule partie de notre cerveau en forme d’amande, envoie un signal à notresystèmenerveux.Unsignalquinoussuggèredefuiroudenousbattre.—Etlemiendit«fuis»,conclut-elleavecunriresansjoie.Jel’attiraiplusprèsdemoi.—Voilà.C’estcommeçaqu’onévitedese fairedévorerpar lesanimauxsauvages. Ilnous faut
bienunsystème,à l’intérieurducorps,pourdéciderdefuiroudelutter.C’estvrai, tu imaginescequeceseraitdevivredansunmondesanspeur?—Onmourraittous.—Exact,confirmai-jeen ricanant.Lesgenssauteraientduhautdes immeublesenpensantqu’ils
peuventvoler.C’estpourquoijedisaisquelapeurn’estpasquelquechosedenégatif.—Attends!Elleessayademerepoussertandisquejel’attiraisavecmoiversleseauxplusprofondes.—Qu’est-cequetufabriques?Jeterappellequejenesaispasnager.—Jesais,chuchotai-je.Enrevanche,moi,oui.—Mais…Jecontinuaisansprêterattentionàsesréticences.—Lapeurpeutêtretonalliée.Tupeuxfairequelquechoseenayantpeur.—Fairequelquechoseenayantpeur?Je me mis à nager jusqu’à en avoir les muscles des jambes qui brûlent, sans lâcher Kiersten
toujoursdansmesbras.—Oui.Parexemple,jepeuxavoirpeurdet’embrasseroupeurdeteperdre.Jepeuxavoirpeur,
quandjefermelesyeux,deneplusteretrouverdansmesbras.Maistoutçanem’empêcherapasderesteraccrochéàtoi, trèsfort.Jesuis lapreuvevivantequevivreaveclapeur…est laseulefaçon
d’avancer. Tu avances, en dépit d’elle, tu combats tes démons, tu bouges. La peur essaie de teparalyser, de t’empêcher de bouger. Elle fait obstacle à ton succès, interrompt ton avancée. Si tuaccomplisleschosesenayantpeur,tuatteinsquandmêmetesbuts;laseuledifférence,c’estquetulefaisenpleineconsciencedeconquérirtonEverest.OK,tesparentssontmorts.Jecillai.Jen’avaispasprévudedireçadefaçonaussidirecte.Maisjecontinuai.—Ettupourraismouriraussi.Sabrusqueinspirationfaillitbienmelafairerelâcher,carellecontinuaitàmerepousser.—Tupeuxmourirentraversantlarue.Ellesedébattaitdeplusbelle.—Tupeuxt’étrangleraveccettedindedefoliequeMeldanousprépare.Jevisleslarmescommenceràluigonflerlespaupières.—Tupeux laisser tes peurs te contrôler, ou bien tu peux contrôler tes peurs.Ne crois pas, pas
mêmeuneseconde,quetun’aspaslechoix.C’estunmensonge.Elles’agitaitdansmesbras,enfonçantlesdoigtsdansmesbiceps,commeautantdepetitsongles
clouésàmêmemachair.—Ettoi?s’insurgea-t-elled’unevoixserréeparl’angoisse.Dequoituaspeur?Quelleesttaplus
grandefrayeur?J’auraisdûdétournerlesyeux.J’auraisdûmentir.J’auraisdûfaireuntasdechosesdifférentesdecellequej’aifaite.—Mourirsansavoirvraimentvécu.Quittercemondeensachantquelafillequimedonneleplus
enviedevivre…devralefairesansmoi.Elleécarquillalesyeux.—C’estunpeulourd.—Hé,çapourraitêtrepire.Jepourraisavoirpeurdel’eau.—Idiot.Etenriant,ellecommençaàrelâchersonempriseautourdemonbras.—Bougelesjambes,l’enjoignis-je.Nager,c’estinstinctif.Agitelesjambesetmaintienstatêteàla
surfacegrâceàtesmains.Jeluimontraicommentpagayeraveclesbras,puisjerelâchaisoncorps.—Jenecoulepas!hurla-t-elleenéclaboussanttoutautourd’elle.Jenecoulepas!Etenl’espacededeuxsecondes,elleétaitdenouveauplaquéecontremoi.—OK,parvins-je à toussotermalgré sesbras serrés autourdemoncou.Mais là, c’estmoiqui
coule.—Oh…Elles’écartaetallas’agripperauborddelapiscine.—C’était…—…unesacréemontéed’adrénaline.Putain,onauraitpresquecruquetut’étaisfaitunshootde
drogue.Jeneparvenaispasàmasquermonenthousiasme.—Merci,Wes.Bon sang, jamais je ne me lasserais de ces lèvres quand elles prononçaient mon nom dans un
souffle.—Mercidenepasm’avoirprisepourunefolle.—Oh,onesttousunpeufous,tunecroispas?
—Si,admit-elleensoupirant.Surtoutnous.—Jevaist’embrasser.Là,maintenant,l’avertis-je.Etaussitôt,jeplaquaimabouchesurlasienne.Noslanguessemêlèrentetjel’entraînaidansl’eau
avecmoi,flottantsurledostandisqu’ellenouaitlesjambesautourdemataille.Moncorpss’éveillaquand ses seins vinrent se coller àmon torse.Avec un grognement frustré, je portai lamain à laficelledesonmaillotdebain,mepersuadantquej’avaisledroitderedevenirletyped’avant,celuiquibaisaitàtoutvasansaucunearrière-pensée.Pourtantj’hésitai.Mamainrestasuspendueau-dessusdescordelettes,commesimesdoigtsavaient
oubliécommentdénouerunmaillotd’uneseulemain.—Wes?appelasoudainlavoixdemonpère.Vousêteslà?Marmonnantunjuron,jerepoussaiKierstenetluiprislesmains.—Danslapiscine,lançai-je.Monpèreapparutàl’angle,toutsourires,uneexpressionentenduesurlevisage.—Euh…J’espèrequejen’airieninterrompu.—Pasdutout,répondis-jetropvite.—Bien,fit-ilenriant.Euh…J’aibesoindeteparlerdequelquechose,Wes.L’écoleaappeléet…Iljetauncoupd’œilendirectiondeKierstenderrièremoi.—Tusaisquoi?Onenparleraplus tard.Pourquoivousnevenezpasprendreuncafé, tous les
deux?J’aienregistrélaparadedeThanksgiving,aucasoùvousauriezenviedelaregarder.—Oui!criaKierstendansmondos.Çafaitdesannéesquejenel’aipasregardée!—Parfait.Ensouriant,monpèrem’adressacemêmeregardentendu,celuiquidisait:«Tuferaismieuxdene
pas toutgâcheravectesconneries.»Je luiadressaiàmontourcesourirequetoutfils lanceàsonpèrequandilveutluirappelerqu’ilestadulteetplusunpetitgarçon.—Allons-y,proposai-jeendonnantàKierstenunbaiser sur lamain.Onfera trempette toutnus
plustard.
Chapitre34
KIERSTEN
J’avaisperdulatêteouquoi?Wesm’apprendànager,etmoijemejettesurluidanssapiscine,engros.Oh,là,là,jen’osemêmepasimaginercequivasepasserquandonirasauteràl’élastique:jesuiscapabledeluienleversesvêtementspendantlachute.
Une fois changée, je retournai au rez-de-chaussée retrouver Wes, mais il n’était pas encore
descendu. Ilétaitdéjà13heures.Meldaavait toutpréparépourque l’onmangeà16heures,cequinouslaissaitquelquesheuresderépit.Jeneplaisantaispas,endisantquejen’avaispasvuledéfilédepuisdes années. Je le regardais toujours avecmesparents, et après leurmort jen’en avaisplusressenti l’intérêt.Toutmeparaissaitvidedesens,enfait.Bizarrement, ilavaitsuffique jesortedemonpetitmondesombreetégoïstepourmerendrecompteduridiculedemonattitudepassée.Fairelatêtenelesavaitpasramenés.Pleurernem’avaitpasrassérénée.Mecacherdansmachambren’avaitpasfaitdisparaîtreladouleur.Vivre,enrevanche,vivreavaitétémonsalut,à l’instardeWes. Ilétaitunpeumoncoachdevie
personnel,àcettenuanceprèsquej’avaispeurdetombertropviteettropfortamoureusedeluipourretrouvermonchemin.Jerepoussaicettepensée;nousnousapprécions,c’étaittoutcequiimportait.Sijecommençaisàtropenvisagerl’avenir,j’allaismelaisserentraînertroploin,commetoujours.Aprèstout,jen’avaisquedix-huitans.Jenesouhaitaispasmemarier.Putain!J’étaisdéjàentraindepenseraumariage?Vousvoyez?Voilàpourquoilesfillesavaientbesoindecopinespourlescalmer.J’envisageaiun
instantd’appelerLisa,maiscettefille-làétaittoutsauflavoixdelaraison.Elleseraitcapabledemeconduireelle-mêmejusqu’àLasVegas,sijeleluidemandais.Lamain suspendue au-dessus du téléphone, j’attendais d’amasser suffisamment de couragepour
composerlenumérodeGabequandl’écrans’alluma.C’étaitlui.—Salut,répondis-je.J’allaisjustementt’appeler.AssisesurlecanapédusalonenattendantWes,j’enroulaiunemèchedecheveuxentremesdoigts.—Oui,oui,biensûr,réponditGabeenriant.J’appelaisjustepourm’assurerquetuétaistoujours
envie.J’aientendudirequetuétaisalléenager?— Comment tu es au courant ? manquai-je de m’étrangler. C’était il y a quarante minutes
seulement.—Lepetitamidequelqu’unm’atéléphonépourmeteniraucourantdesaventuresdeKiersten.JevisualisaidansmatêtelesouriresatisfaitdeGabetandisqu’ilmeparlait.—Etilvoulaitquejesoislepremieràteféliciterpourtoncourage,poursuivit-il.—Nager,çan’ariendecourageux,geignis-je.J’ail’impressiond’avoircinqans.—J’aiportédesbrassardsjusqu’àl’âgedequatorzeans,m’informasèchementGabe.Cequetuas
faitétaitvraimentcourageux.—Quatorzeans?répétai-je.—J’avaisunelégèrephobiedesrequins.—Enpiscine?— On ne parle pas de moi, fit-il pour changer de sujet. Comment se passe le conte de fées,
Cendrillon?—Ilsepassebien,répondis-jedansunsoupirbienheureux.Wesestparfait.Toutestparfait.Jeme
sensbien.Tropbien.J’aipresquel’impressionquequelquechosedemauvaisvaforcémentsepasser,tuvoislegenre?Gabedevintsoudainsilencieux.—Gabe?—Oui,jesuislà.(Illâchaunjuronàmi-voix.)Jeréfléchissais.Bon,ilfautquejetelaisse,mais
fais-moiplaisir :neréfléchispas trop,OK?Profite justed’avoir lemecdevingtetunans leplusrichedumondeàtespieds,fais-luidesbisousetsavourelesmomentsquevouspassezensemble.—Hein?—Benoui,répliqua-t-ilens’éclaircissantlagorge.Avantlareprisedescours.—Ahoui, la semaineprochaine. J’avaispresqueoublié.Mercipour tabonnehumeurdignedes
fêtesdefind’annéeunpeuenavance.—J’aiétéelfedupèreNoëldansuncentrecommercial,unefois.—Yadesphotos?—Toutesontétédétruitesdansundramatiqueincendiequiheureusementn’abrûléquecettepartie-
làdemachambre.Bizarre.Bon,reprit-ilenriant,retournet’amuseretonsevoitlundi,OK?—Cool!—Oh,etrappelle-toiquetudoisaccompagnerLisapourallerachetervosrobespourlasoiréede
Homecoming.Ellevapiquerunecrisesituoublies.—OK,c’estnoté.Wesentradanslapièce,etjeraccrochaisansmerendrecomptequejen’avaispasdit«aurevoir»
àGabe.Troptard.—Mouchard,lançai-je.Illevalesmainsdevantmonairaccusateur.—Jepensaisquetuavaisbesoind’unautresupporterdanstonéquipe,voilàtout.Ilavaitlesjouesunpeucreusées,etdescernessombrescommençaientàsedessinersoussesyeux.—Tutesensbien?demandai-jeenluiposantunemainsurlefront.—Oui,répondit-il.Maissonsourireétaittendu.—Wes,nememenspas,l’avertis-je.Ilsoupira.—OK, jenesuispasàcentpourcent,mais labonnenouvelle,c’estqu’onvapasser le restede
l’après-midiàregarderdesfilmsetàmanger,sanscompterqueplustardjeteverraitoutenue,cequivamefairemajournée.—Doncsijerésume,tunevisquepourdeuxchoses:lanourritureetlesexe?—Çameparaîtassezjuste,maisjediraisquejenevisquepourlanourriture.Vivrepourlesexe,
çafaittrop…—Trop«Gabe»?suggérai-je.—Touché.
Ilarboraitungrandsourire,maisbaissalesyeuxausolenenfonçantlesmainsdanslespochesdesonjean.—Jenesuispluscethomme-là,Kiersten,tudoislesavoir.Ils’humectaleslèvresetm’offritcesouriresisexy,celuiquicommençaitàdevenirl’unedemes
raisonsderespirer.— Putain, reprit-il, j’aimerais qu’il en soit autrement. Car ça m’éviterait peut-être cet état
d’excitationpermanente,depuisqu’onestici.Jesentismesjouess’échauffersousl’effetdelagêne.Avecunsoupirdésespéré,ilmesoulevale
mentond’unemainetmedéposaunbrefbaisersurleslèvres.—Jet’aimebeaucoup,tulesais,pasvrai?Jehochailatête,préférantnepasparlerpuisqu’aufond,toutcequejevoulaissavoirétaitpourquoi
iln’étaitplus«cethomme-là».Etpuis,yavait-ilquelquechosequiclochait,chezmoi,quelquechosequime rende déficiente ? Pourquoi ne voulait-il pas être comme ça avecmoi ?Bon, d’accord, jen’étaispascertainemoi-mêmed’êtreprête,jevoulaisjustesavoirquej’étaisdésirabledecepointdevue-là,pourlui.—Nemeregardepascommeça,commenta-t-ilensoupirant.Monself-controln’estpasàsontop,
là.Enfait,jevaispeut-êtredevoirt’enfermeràdoubletourdanstachambre,cettenuit,etjeterlaclé.Leproblèmen’estpasquejenetedésirepas,Kiersten,insista-t-il,prenantmesmainspourembrasserl’intérieurdemespoignets.Leproblème,c’estquejetedésiretrop,quejetiensbeaucouptropàtoi,alorss’ilteplaîtacceptececi:ceseraitmauvaissignesijetecollaiscontrelemur,ouausol,ousurlatable.BonDieu,çafaitdesjoursquejenourriscefantasme.Toiàcôtédeladinde.Ilm’adressaunclind’œiletmepassaunbrasautourdesépaules.—Jeteveux,maisjeveuxquetoutsepassedefaçonparfaite.Orlà,c’estencoretropnouveau.Tu
comprends?—Biensûr,mentis-je.Enfait,jenem’étaistoujourspasremisedel’imagesuscitéeparWes:luietmoisurunetableà
côtédeladinde.Ilétaitdérangé?Jesecouailatêteenriantetlesuivisdanslasalledeprojection.—Parade!lança-t-ilenmejetantuncoussinauvisage.—FaisvenirTinaladinde.Jelevaiunemainpourqu’ilfrappededans,aulieudequoiilm’attiraàluipourunbaiserbrûlant.—T’embrasser,soupira-t-il,c’esttoujoursmeilleurquetetaperdanslamain.—Etpourunefois,letaquinai-je,lepetitagneauestd’accord.—Leloupesttrèscontentquel’agneaucomprennesagrandesagesse.Àprésent,assieds-toiavant
queleloupnebondisse.—Assise.—Trèsobéissante.Jecroisquej’aimebienêtreautoritaire.—Continueàl’être,etonverrasituaimesrecevoirdesgiflesdelapartdupetitagneauobéissant.—Etj’appuiesurlebouton,marmonna-t-il.
Chapitre35
WESTON
Il fallait qu’il vienne tout gâcher. Il fallait qu’il parle de Tye. Il ne pouvait pas s’enempêcher.Pourunefois,uneseulefois,jevoudraisdesvacancesnormales,oùriennenousrappellelamortquifrappeàtouteslesportesdecetteputaindemaison.
—J’aiditquejen’avaispasenvied’enparler,grognai-jeenessayantdecontournermonpère.Jen’enrevenaispasqu’ilmetteçasurletapismaintenant.Ledîneravaitétéincroyable,Meldaavait
étésiraviequ’onnesedisputepasàtablequ’elleenavaitpleuréenramassantlescouverts.Eneffet,onavaitréussiàacheverlerepasdeThanksgivingsanssesauteràlagorge,cequiétaitun
exploit.Tyes’étaitsuicidéleweek-enddeThanksgiving.Celaferaitexactementunandemain.Ilavaitprétenduavoirdestrucsàfinirsurlecampusetprissavoiturepourparcourirlesquelques
kilomètresquil’enséparaient.Lelendemain,onétaitcensésallerfairedescoursesavecMelda–unegrandefandupremierjourdessoldes.Tye avait été découvert dans sa chambre. Un flacon de médicaments à la main. Le rapport
d’autopsieindiquauntauxdeXanaxetd’alcooldémentdanssonsang.Ilavaitcesséderespirer,voilàtout.Sondiaphragmen’étantpluscapabledesouleverassezsespoumonspourqu’ilinspire.Quandl’ambulanceétaitarrivée,lestoubibsavaientespérélesauver.Ilétaitmortàl’hôpitallanuitmême.Jedétestaisleshôpitaux.—Regarde-moiquandjeteparle,exigeamonpèreenabattantlepoingsursonbureau,lesyeux
gonflésdelarmes.Jenepeuxpasteperdretoiaussi!—Jeveuxrester.Ilsepinçal’arêtedunez.—NomdeDieu,Wes!Unmatchdepluspourraittetuer.Tuesconscientdeça?—Jeluiaidonnémaparole.—C’est une enfant ! criamon père. Elle s’en remettra !Qu’est-ce qui te dit qu’elle t’apprécie,
seulement?Ouqu’elleapprécieautrechosecheztoiquetonphysiqueettonargent?Évidemment,làelle t’aime bien. Tu lui as donné tout ce dont rêve une fille, mais qu’arrivera-t-il quand elleapprendra,pourtamaladie?Quandelleapprendraquetun’esplusdansl’équipedefootball?Quecrois-tuquisepasseraalors?Est-cequ’elleresteraàtescôtéspourtetenirlamain?Oubienira-t-ellesetrouverundetescoéquipierspourlabaiser?Jamaisdetoutemaviejen’avaiseuplusenviedefrappermonpère.—Neparlepasd’ellecommeça,aboyai-je.Tunelaconnaispascommemoi.—Amourdejeunesse,répliquamonpèreensecouantlatête.Tunecomprendsdoncpas,Wes?Il
nes’agitpasd’elle.C’estpourtoiquejem’inquiète.Jecrainsqu’elletebriselecœur.J’aipeur,j’aipeur,j’aipeur.Jenepeuxpasperdremesdeuxfils.
Savoixsebrisa.—J’ai toutperdu.Çametueraitde teperdre, toiaussi.Tudois teconcentrersur taguérison,au
lieudetedisperseravecelle.Tuaspristesmédicaments,aujourd’hui,aumoins?Monderniercachetmebrûlaitlapoche,unefournaisedelatailleduTexas.Jehochaivaguementla
têtepuishaussailesépaules.— J’ai un dernier comprimé à prendre ce week-end, ensuite je commence la dernière fournée
lundi.Monpèresoupira.—S’ilteplaît,nelalaissepasgênertaprogression,monfils.Tudoisvivre,jenepeuxpas…Denouveausavoixsebrisa.—Tudoisteprépareràl’éventualitéquejenesurvivepas,papa.—Non,arrêteavecça.Jerefused’ycroire.Lesdocteursontdit…—Lesdocteursontditquej’avaisunechancedem’ensortir.Maisilsn’ontjamaiseuaffaireàune
tumeuraussiagressiveavant,etilsepeutqu’ilsoitdéjàtroptard.OK?Alors…Nememetspastoutecettepressionsurlesépaules,quandmaréalitérisqued’êtrel’exactopposédelavie.Nemefaispasdire ce que je n’ai pas dit. Jeme battrai de toutesmes forces pour rester ici aussi longtemps quepossible,maisnefaispaspesercetteculpabilitésurmoi…simebattrenesuffitpas.Lapièce se trouva enveloppéed’un épaisvoilede silence.Puis jevismonpère faireune chose
qu’il s’était interdite depuis la mort de Tye. Il s’affala dans son fauteuil et fondit en larmes, lesépaulessecouéesdesanglotsdontlessonsmebrisèrentlecœur.Leventreserré,jem’approchaideluietposaiunemainsursonépaule.Ilmelasaisitsanscesserdesangloter.—Çan’estpasjuste.—Lecancer,c’estrarementjuste,marmonnai-je.Etpersonnenenousavaitjamaispromisquela
vieseraitjuste.—Elledevraitl’être.— Papa, repris-je d’une voix rauque, la vie n’est pas juste, OK. Mais vivre… Vivre, c’est le
paradis.Vivreestuncadeau.Chaquecadeauestdifférent,chaquecheminestdifférent,etchacunalesien,qu’ilnechoisitpas,etplusviteonl’accepte,plusviteonpeutarrêterdepleureretcommenceràvivre.—Depuisquandtuesaussisage?demanda-t-ilenriantàtraversseslarmes.— C’est grâce à cette fichue thérapie que tu m’as obligé à suivre… Et parfois, papa, il faut
traverserl’enferpouratteindresonparadis.Jetournailatêteverslaporte.—C’estàcepoint?—Quoi?—Elleteplaîtàcepoint?Jedéglutis.—Pire.Jel’aime.
Chapitre36
KIERSTEN
Petitàpetit, jememettaisàvivrepoursessourires, sescaresses,n’importequoide lui.Punaise,ilm’adressaitunsigneetmoncœurfaisaitdessautspérilleux.
— Je n’arrive pas à croire qu’on soit en train de faire ça, grommelai-je en laissant tomberma
culottedemaillotdebainausol.Jefermailesyeux.Courageuse.Jedevaisêtrecourageuse.—Jenecomptepastevolertavertu,aumoinstun’aspasàt’inquiéterpourça,ricanaWes,déjà
danslapiscined’oùilenvoyaitdeséclaboussurespartoutautourdelui.Etjetournerailatêtequandtumonteraslesmarches.Maisbon,jenevaispastementir,jesuisdotéd’unebelleimagination,ducoupjevaisrêverpendantquetuentrerasdansl’eau.—Pasdutoutflippant,plaisantai-je.—Non,pasdutoutflippant.Magnifique,c’estmagnifique.—Hein?—Désolé,j’avaisdéjàcommencé.Allez,dépêche-toi!—Merde.—Oh,lepetitagneauaditungrosmot!metaquina-t-il.Tudeviensunevilainefille,quandtusors
detazonedeconfort.—OK,OK,jerentre.—Jemetourne.J’entendis des éclaboussures tandis que jem’approchais de la piscine et lâchaisma serviette.La
lumière de la lune dessinait parfaitement la silhouette deWes. Son dos sculpté ressemblait en toutpointàcequ’évoquaienttoutesleschansonsd’amour.Soncorpsétaittoutcepourquoileshommesdepouvoir sebattaient.L’eau lui léchait joliment la taille. Je regardaiunpeuplusbas.Fantastique.Enfin, l’eaunelaisseraitpasdesmassesdeplaceàl’imagination,si jemetenais justesouslalune.Par sécurité, je progressai le long du bord de la piscine, là où la lune projetait une ombre. PasquestionqueWesmevoie.Jen’avaispashontedemoncorps,hein,mais…Maisbon,çafaisaitunpeubeaucoup,demeretrouvernuedansunepiscineavecquelqu’un.ÇaauraitétéLisa,jemeseraissentietoutaussimalàl’aise,d’ailleurs.Le contact de l’eau chaude était agréable contrema peau. J’étais encore plus nerveuse que dans
l’après-midi,cartoutsemblaitplusvivant,plussensible.Lentement,j’avançaiversWes,courbéedefaçon que l’eau recouvre mes épaules. Non contente de devoir vaincre ma peur de l’eau pour lasecondefoisdelajournée,j’étaiscomplètementnue.—Alors,commenttutesensdanstoncostumed’Ève?demanda-t-ilsansmeregarder.—Bizarre.—Tuvast’yhabituer.Avecunhaussementd’épaules,ilseretourna.Jeretinsmonsouffle.
—Pourquoitunerespiresplus?J’expirai.—Tuasencorepeuràcepoint?s’enquit-il,lestraitstendusparl’inquiétude.—Del’eau?Unpeu,admis-jeenregardantautourdemoi.Detoi?Beaucoup.—Tuveuxque je te racontedesanecdotesgênantessurmoi,histoired’effacer ladernière trace
d’attiranceentrenous?S’illefaut,jem’ycolle.Jen’enaipasenvie,mais…J’éclataiderireetattendis.—Bien.Quand j’avaisdixans, j’ai sautédu toitde lamaisonpouressayerdevoler. J’ai atterri
danslapiscine,cequiaamortimachute,etmonpèreatoutvu.C’étaitmonfrèrequim’avaitmisaudéfidelefaire.Ilm’aaussimisaudéfidemangerunemouche,unefois.—Ettul’asfait?—Quoi?—Mangerunemouche.—J’enaimangédeux.Ilaprétenduquelapremièreétaittroppetite,alorsilenaattrapéuneautre.—Waouh.Jel’agrippaiparlamain,encoreunpeunerveuse.—Ondiraitquetuasétébeaucouptyrannisé,entantquefrèreaîné.—Beaucoup.J’aiétéénormémenttyrannisé,maisjelereferaisavecplaisirsi…Savoixsebrisa.—Sionmedonnaituneseulechancedeluidirequejel’aime.Jeluirelâchailamainetposailesdoigtscontresondos,luioffrantunesortedemassagedestinéà
leréconforter,mêmesijenetrouvaispaslesbonsmots.—C’estpourçaquejevoulaisquetuviennes…Jeveuxdire,àlabase.Tumerendsplusfort.C’est
dingue,non?Ils’estsuicidélejourduBlackFriday…çadonneundoublesensauxmots,pourmoi.Parfoisjemedemandes’ill’afaitexprès.S’ilachoisicejour-lààcausedumot«noir»,ouparcequec’était le jourde l’anniversairedenotremère,quiétaitdéjàmorteetenterréedepuisquelquesannées.Bon,jen’auraijamaislaréponse.—Monpauvre,soufflai-je.LeBlackFriday,ilcraintvraimentpourtoi.Ilrit.—Tul’asdit.Alorsbon,BlackFridaynetombepastoujourspilelemêmejour,maisquelleque
soitladateexacte,mêmeàunesemaineprès…jedétestecejour.—Mercidemefairesuffisammentconfiancepourmeracontertoutça.Et sans réfléchir, je l’attirai dans mes bras. Nos deux corps s’enflammèrent à l’instant où ils
entrèrentencontact.Uneéruptionvolcanique. Ils s’emboîtaientparfaitement.À tous lesniveaux.Jeplongeaidanssesyeuxetsoudainjesus:cegarçonétaitceluiavecquijevoulaispasserlerestedemavie.Montoujours.—Mercid’avoiracceptédevenir.Etd’êtremapetiteamie.J’ail’impressiondenepastemériter,
denepasmériterça.Nosdoigtssemêlèrentetilmeserraplusfortcontrelui.—Enfait,jesaisquejeneleméritepas.—Lavie,çan’estpasunehistoiredemérite,répondis-je,avantdefermerlesyeuxdansunsoupir.
Cen’estpastoiquimerabâchesenpermanencetoutescesphrasespleinesdesagesse?Ilsourit.— Si on attend d’être méritants, on risque de poireauter un sacré bout de temps, ajoutai-je en
haussantlesépaules.Moi,jepréfèreconsidérerquesijeneméritejamaisrien,çanefaitpasdemoi
unemauvaisepersonne.Çamerendjusteplusreconnaissante.—Danscecas,jesuisreconnaissant,murmuraWes.Reconnaissantdet’avoir.Jeremercieleciel
det’avoirmisesurmaroute.Peut-êtrequeDieumevoit,aprèstout,conclut-ilenrenversantlatêtefaceauciel.Encetinstant,jepeuxcroirequ’ilsepréoccupedemoi.—Pourquoi?Ilbaissadenouveaulesyeuxsurmoi.—Parcequ’ilt’adonnéeàmoi.Monsouffles’accéléraquandWesm’effleuralajouedeseslèvres,puislementon,lenez,lesyeux
etenfinleslèvres.—C’estlemeilleurThanksgivingdemavie.Jelaissaiéchapperunsoupircontresabouche.—Ilfaudratenterdefairemieuxl’anprochain.Sonétreinteseresserraautourdemesbras,toutenmepoussantcontreleborddelapiscine.—Promets-moi.—Quejetepromettedefairemieux?—Promets-moiquequoiqu’ilarrive,tuferasensortequeleThanksgivingdel’anprochainsoit
mieuxqueceluidecetteannée.Son regard était féroce,brillant au clair de lune. Jene savaispas trop cequi causait ce soudain
changementd’attitude.Pourtant,jehochailentementlatête.—Promis.Ildesserrasonétreinte.—Désolé,jenevoulaispasmecomportercommeundémentavectoi.—Désolée,jenevoulaispastesauterdessus.—Hein?Tunem’aspas…Je lui appuyai sur la têtepour le faire couler et tâchai de regagner le côtémoinsprofondde la
piscineenm’accrochantaubord. Jen’étaispasencoreassezbonnenageusepouryparvenir seule.J’étais tout près du but. Mais soudain, les mains de Wes se posèrent sur ma taille. Ses doigtsm’effleurèrentlesseinsparmégarde.Jemefigeai.Luiaussiparutcesserde respirer,et ilme fit lentementpivoterentresesbras.Sesyeuxaffamés
dévoraientchaquemillimètrecarrédemoncorps.J’étaisàdemihorsdel’eau.Putain,qu’est-cequej’étaiscenséefaire?—Sijen’étaispassimotivépourallerauparadis…Avecunsouriretriste,ilmerelâcha.—Allonsregarderunfilm.—Fini,lebaindeminuit?—Sionresteuneminutedeplusdanscettepiscine,commeça,toutnus,jepeuxdireadieuàmes
promesses.Etildétournalesyeuxdansunjuron,avantdes’éloigneràlanageducôtéleplusprofonddela
piscine.—Ahoui?Jeportaimesmainsauxhanches,pasmécontentequ’ilaitdesdifficultésàsemaîtriser.—Oui,genresi tunesorspasdecette fichuepiscined’icicinqsecondes, jevaisprofiterde toi
contrelecarrelage,orjem’envoudraisquetapremièrefoissoitaussiviteterminée.Jemesentisrougir.Etpuisjefilaihorsdelapiscine,àlafoisgênéeettoutexcitée.
—Bonchoix!lança-t-ildansmondosalorsquej’attrapaisuneserviettepourallermerhabiller.Conscientequ’ilétaitridiculededevoirpasser lanuitdanslesbrasdeWespournepasavoirde
cauchemars, je me préparai à aller me coucher en me promettant d’essayer de dormir seule etd’arrêterdefairelebébé.J’étaisentraind’entasserlescoussinsdansuncoinquandonfrappaàmaporte.Lelitfutbientôt
débarrassédetoutcequil’encombrait.Jemedirigeaiverslaporte,quej’entrouvrisàpeine.Wesétaitlà,torsenudenouveau,seulementvêtud’unbasdepyjama.—Petitagneau?fit-ilenpenchantlatête,àlamanièred’unprédateur.—Loup,répondis-jesèchement.—Jemesuisditqueturisquaisd’avoirpeur.Ils’éclaircitlagorgeetsebalançasursespieds.—Alorsjesuisvenut’offrirmesservicesdecâlins.—Ahoui?m’esclaffai-jeencroisantlesbras.Commec’estnobledetapart.—Eneffet.Ilbaissalesyeuxausolets’appuyaàl’encadrementdelaporte.—Àdirevrai,reprit-il,jevoulaisjustepasserlanuitavectoi.Ilestpresqueminuitetvraiment…
jen’aipasenviedemeréveillerseul,paspourBlackFriday.J’ouvrisplusgrandlaporteetlelaissaientrer.—Tuconnais les règles, commençai-je, avant dem’éclaircir la gorge.Tudoisdormir emboîté
derrièremoi.—Laisse-moisortir!Laisse-moisortir!Iléclataderireetfitminedeseruerverslasortie,maisjelerattrapai.—Promets-moi,ordonnai-je,lesdeuxpaumescontresontorse.Jelaissaidescendremesmainscontresesmusclesetplongeaidanssonpantalondepyjama.Ilbalançalebassinversmoi.—Jeteprometstoutcequetuveux,situcontinuescommeça.—Sifaible,commentai-jeensecouantlatête.—Siattirante,contra-t-ilenmelevantlementon.Sidur…detedire«non».—Alorsdis«oui».Etavecunclind’œilpar-dessusmonépaule,jesautaisurlelit.—Dis-moi,depuisquandtuesdevenueunetentatricepareille?—C’estlescheveuxroux.Soupirant,jemetournaisurleflanc.—Touts’explique,confirma-t-il,et il tenditunemainpourenenroulerunemècheautourdeses
doigts.Ilsvontmemanquer,tescheveux.—Tucroisquejevaislescouper?—Non,çavajustememanquerdenepasêtreétoufféparcettecrinièreaumatin.Tun’aspasidée
del’excitationqueçameprocurequandjemeréveilleavectonodeurpartoutsurmoi.Jenesavaispastropquoirépondreàça.—Jet’aimisemalàl’aise,comprit-il,penaud.Désolé,tusaiscommejesuisnulenautocensure.Jecalailesmainsderrièrematête.—C’estbon,çava.Lesilencetombasurlapièce.Wesétaitallongésurledos,lesyeuxrivésauplafond.Sarespiration
était régulière et assez forte. Une fois de plus, je remarquai les cernes noirs sous ses yeux, et je
l’examinaideplusprès.Sapeaun’avaitpassateintedoréehabituelle;elleétaitpluspâle,onauraitpresqueditqu’ilavaitpassélanuitàtraînerenvilleenquêtedesadose.Jemepassailalanguesurleslèvres.—Wes,est-cequetupourraismementir?—Hein?Ilsetourna,sivitequenostêtesfaillirentseheurter.—Réponds-moi.—Non.Etildétournaaussitôtlesyeux.—Tutesensbien?Sespupillessedilatèrent,ilbaissalesyeuxetpuissesépauless’affaissèrent,commes’ilsupportait
lepoidsdumonde.—Repose-moilaquestionaprèsHomecoming.—Hein?PourquoiaprèsHomecoming?Ilhaussalesépaules.—Jenepeuxpastementir,alorsrepose-moilaquestionaprèsHomecoming.Etjetedirai.—Tum’expliqueraspourquoiparfois tuas l’air fortcommeunbœufalorsqued’autresfois, tu
semblesteniràpeinedebout?—Jetediraitout,répondit-ild’unevoixépaisseetrauque.Jetelepromets.—OK.Je n’étais pas satisfaite, loin de là. Il souffrait peut-être de diabète ou d’un truc comme ça ? Je
savais comment les hommes se comportaient vis-à-vis de lamaladie, surtout s’ils ressemblaient àmononcle.Pourdesraisonsdefierté,ilsepouvaitqu’ilsoitgênéd’enparler.Sonbrasmusclévints’enroulerautourdemesépaulesetilm’attiracontrelui.—Ilestl’heuredes’emboîter,petitagneau.—Jenemesuisjamaisemboîtéequ’avectoi.—Tantmieux,me susurra-t-il à l’oreille. Je veux que toutes tes premières fois se passent avec
moi…Commeça,jepeuxtuertousceuxquiessaientdepasserendeuxième.—Jeneveuxquedespremièresfois.Ilpromenasamaingauchesurmahanche.—Jeveuxlamêmechose.—Bonnenuit,Wes.—Bonnenuit,monpetitagneau.
Chapitre37
WESTON
Letempspassebeaucouptropvite.Moncorpsleressent,monâmedétesteçaetmoncœursebriseunpeupluschaquejour.
Jeplaçaiceweek-endavecKierstentoutenhautdemalistedesmeilleursweek-endsdemavie.Le
vendredi, je n’étais pas d’humeur à faire autre chose que traînermon ennui.Nous avions passé lajournéeàregarderdesfilmsenmangeantdupop-corn.Le samedi, nous étions retournés nager et le dimanche, je l’avais aidée à mettre en place son
planningdudeuxièmesemestre.Ellesecherchaittoujoursunematièreprincipale.Elledisaitvouloirenchoisirune,histoiredesedébarrasserdece tracas.Àson idée, lamatièreprincipaledevaitêtredésignéepourlasignificationqu’ellerevêtait;Kierstenvoulaitdonnerunsensàsavie.Choixdontjenepouvaislablâmer,alorsjemecontentaiderestersilencieux,etdel’aideràétablirlesmatièresdetronccommun,dontelleauraitbesoindetoutefaçon.Quand arriva le lundi, je savais que la pendule ne jouait pas enma faveur. J’avais entamémon
nouveautraitement,etn’avaispassubicegenredenauséesdepuisletoutdébut.DavidetJamesétaientinquiets,surtoutàcausedemonderniermatchdefootballàvenir,avantquejenesoisofficiellementexcludel’équipe.Ellenem’avaitjamaisvujouer.J’avaistoujoursjouépourl’équipe,pourlessupporters,pourmonpère,pourTye,etmêmepour
moi.Jamaisdemaviejen’avaisjouépourunefille.Maislàc’étaitspécial,etjevoulaisbienfaire,cequisignifiaitquej’avaisdûmetraîneràl’entraînementalorsquejen’avaisqu’uneenvie:vomiretdormir.La nourriture avait perdu tout son goût.En fait, les choses empiraient lentement depuis lemoisdernier.Kierstennes’enrendaitmanifestementpascompte,maisc’étaitcommesichaquefoisqu’ellemangeait,j’essayaisd’imaginerquelgoûtçaavait.Quej’essayaisdemerappelerlasaveurdeladinde,celledusucre.Et me concentrer sur ce genre de détails m’affaiblissait encore plus. C’est vrai, quoi, quelle
connerie,pourunmecd’unmètrequatre-vingt-quinzeetcentkilos,d’êtrebouleverséparcequ’ilnesentaitpluslegoûtdeladinde!J’essuyai la sueur de mon front et soulevai le poids de nouveau. Tony me surveillait, comme
d’habitude,quandlecoachvintprendreplacederrièrenous.—Tut’ensenscapable?medemanda-t-ilalorsquej’effectuaisuneautrelevée.—Ouais,répondis-je,lesdentsserrées,enreposantlepoids.C’estbon.—Mouais.Lecoachdétournalatêteets’essuyalesyeux.—Ets’ilyaquoiquecesoitquejepuissefaire…—Jenesuispasencoremort,coach,rétorquai-je.—Jesais.
Pourtant,ilavaitleregardmouillédelarmes.Etmerde. Lesmains sur les hanches, je lâchai un soupir et détournai les yeux de l’homme qui
m’avaitaccordémabourseet regardé jouerquandj’étaisendernièreannéede lycée.Onavait toutvécu,ensemble,lesmeilleurscommelespiresmoments,etj’étaiscertainqu’ilavaitl’impressiondeperdreunepartiedesafamille.Jelesavais,parcequeçamefaisaitlemêmeeffetàmoi.Monéquipe,c’étaitmafamille.Mesfrères.Jem’inquiétaispoureux,jemebattaisaveceux,jemangeaisaveceux.Nousétionsuneéquipeetje
détestaislesimaginercontinuersansmoi.Songerquejeneseraispaslàpourleuroffrirmonsoutienquandilsauraientleurdiplôme,oudécrocheraientleurpremierboulot,voirequandilsgagneraientletitresiardemmentdésirédepuisquel’universitéd’Oregonnousl’avaitvolél’andernier.— Je suis un battant, repris-je enfin, les yeux fixement plantés dans ceux du coach. Et je vais
gagner.—Çaoui,tuvasgagner.Ils’approchademoid’unegrandeenjambéeetseplantaàquelquescentimètresdemonvisage.—Tuvasbattrecettesaloperie,poursûr,ettuvasmerendrefierdetoi,pigé?—Cinqsurcinq,coach.Etjetoussotaipourravalerleslarmesquimebrûlaientlefonddelagorge.—OK,fit-ilenmetapotantdansledos.Bienparlé.Maintenantfiletedoucher.Et en se passant une main sur le visage, il se dirigea vers son bureau, dont il claqua la porte
derrièrelui.—C’estmoioulecoachestdevenusuperémotif,cesdernierstemps?m’interrogeaTony.Ilsetenaitderrièremoi,etjemedemandaicequ’ilavaitentendudelaconversation.—Oh, il est juste stressé à cause dumatch, répondis-je en ponctuantmes paroles d’une bonne
claquedanssondos.Tul’asentendu,àladouche!Etjecriaipourrameutermonéquipe,peut-êtrepourladernièrefois.Lematchavaitlieudemain,
mardi.Etceseraitmondernierpourunboutdetemps.
Chapitre38
KIERSTEN
Je le veux plus que tout au monde… On peut choisir Weston Michels, comme moduleprincipal?Parcequejechoisiraiscelui-làaulieudekinésiologie,sanshésiter!
—Enfile-moiça!s’écriaGabeavecunsoupirenmejetantletee-shirtàlafigure.Onvaêtreen
retard.Jeme sentis rougir de honte etme ruai versma chambre pour enfiler lemaillot, sur le devant
duquelavaitétéfloqué«ÉquipeWes»enrouge,entourédecœursgéants.PourquoiGabeavait-ilfaitça?Jenecomprenais toujourspaspourquoi jedevais l’enfiler.MaisGabeavait insisté,prétendantqu’ils’agissaitd’unetraditionpourHomecomingetqueWesseraitsuperfierdemevoirporterunvêtementavecsonnomdessus.Queçaluidonneraitducourage.Jenepouvaism’empêcherdedouterqu’un gars tel queWes ait besoin d’encouragements pour faire quoi que ce soit,mais je préférailaissertomber.D’autantqueGabesemblaitagacéparmoi,pouruneraisonquej’ignorais.—Çavamieux,commeça?demandai-jeenressortantdemachambre.J’effectuaiun rapide tour surmoi-même. Jeportaisde joliesbasketsNike,un jeandéchiré et le
fameux tee-shirt. Je m’étais attaché les cheveux en queue-de-cheval, et peinturluré le visage dunumérodeWes–trente-deuxenmauvevifetor.—Génial,lançaGabeenlevantlepoing.Ehbien,tuvois,qu’est-cequ’ilyavaitdesicompliqué?—Det’écouter?suggérai-jeenbalançantunehanchesurlecôté.C’esttoujourscompliqué.—Moiaussi,jet’adore,répliqua-t-il,lesyeuxauciel.Maintenant,prendstesaffairesetonyva.Ilponctuasesparolesd’unetapesurmesfessesetappelasacousine.—Ramène-toi,Lisa,sinonjetejurequeje…—J’arrive!EtLisasortitdesachambrecommeunefusée.Vuqu’ils’octroyaitunepauseavecsesadmiratrices,
Gabeavaitacceptéd’emmenerLisaaumatch,àconditionqu’ellesetiennebienetneramènepasunmaladementalàlamaison.Elleavaitdûavoirunpasséplusturbulentquejel’avaiscruapriori,carGabesemontraittoujourssuperinquietdesesrelationsaveclesmecs.Jejetaiuncoupd’œilàmontéléphone.Wesdevaitencoresetrouveràl’échauffement.Tantpis,je
luienvoyaiquandmêmeunSMS.Allez32!
—C’estparti!Je courus vers la porte, surexcitée. Je n’avais jamais assisté à une rencontre universitaire, et
franchement,jesavaisqueWesétaitpopulaire–c’estvrai,quoi,ilsuffisaitdeleregarder–,maispasqu’ilétaitLAstard’uneécolecommel’universitédeWashington.Ouais,c’étaitdingue.Gabedisaitqu’ESPN couvrait lematch parce qu’ils affrontaient lesCougars. Super rivalité.Apparemment, ilsn’avaient toujours pas digéré le fiascoduBowl, qui remontait pourtant à de nombreuses années –enfin,sionencroyaitGabe.
Noussuivîmeslafouleendirectiondustade.Ilyavaitdel’électricitédansl’air.Descamérasetdesgenspartout.C’étaitimpressionnant,pournepasdireplus.Jenem’attendaispasàunefoirepareille.Et alors que les lumières m’éblouissaient, je me surpris à être très nerveuse pourWes. Il jouaittoujoursdanscesconditions?Commentfaisait-ilpournepaspiquerunecrisedenerfs?Gabemesaisitparlamainpourmeguiderjusqu’ànossièges.Wesnousavaitréservédesplaces
très proches du terrain, afin que l’on voie bien les joueurs. On était quand même dans la zoneétudiante,maisc’étaitmieuxquerien.—Levoilà!hurlaLisa, l’indextenduversle terrainoùWeséchangeaitdesballesavecunautre
type. Punaise, tu as fait fort, là, Kiersten, commenta-t-elle en secouant la tête avec un sifflementadmiratif. Il est super beau. S’il te plaît, dis-moi comment il embrasse ! Allez, dis-moi, je t’ensupplie!Etellem’attrapaparletee-shirtpourm’attirerprèsd’elle.—Bon,jecroisquejevaism’installerentrevous,lesfilles.Gabevintprendrelesiègedumilieu,etLisaluitiralalangue.—Excusemacousine,soupira-t-il.Elleestcélibatairedepuisbeaucouptroplongtemps.—Jemedemandeàquilafaute,entonnal’intéressée.—Jeprotègetaréputation,arguaGabe.Enriant,jeluitapotailebras.—Mercid’avoirinsistépourquejeporteletee-shirt.IlhochabrusquementlatêteetdésignaWes.—Regarde,ilnousobserve.Dépêche-toidetelever,qu’illevoie,cetee-shirt.J’obtempéraietpointai ledoigtsurlemilieudemonmaillot,à l’endroitoùétaientimprimésles
cœursetsonnuméro.Ilauraitdûavertirletypeaveclequeliléchangeaitdesballesqu’ilfaisaitunepause,carleballonle
heurtaenpleinepoitrine.—Bravo!s’exclamaGabe,hilare.S’ilteplaît,Kiersten,resteassisependantlematch.Onn’apas
enviequ’ilfasseunecommotion.Jememordislalèvrepourm’empêcherdesourireniaisement,maisenvain.J’étaisfichueetre-
fichue.J’étaisàlui.Etjevoulaisquetoutlemondelesache.Leprésentateurpritlemicroetlesjoueurss’alignèrent.Etquandlagarded’honneurentonnal’hymnenational,j’étaisauborddelacrisedenerfs.J’avais
déjà rongé toutmonvernis à ongles, et j’entamais les ongles eux-mêmesquandGabeme saisit lamaindroitepourlacoincersoussajambe,sibienqu’ilseretrouvaassisdessus.—Je te jure, tumerendsnerveux.Or jedoisrestersobre,cesoir.Alorspour l’amourdeDieu,
arrêtedet’agiter!fit-ilavecunregardcourroucé.—OK.Jeprisplusieursprofondesinspirationsetmeconcentraisurlesjoueursquientraientsurleterrain
aupetittrot.Jeconnaissaislefootball.Enfin,pashyperbien,maisassezpourcomprendrecequisepassait.L’équipefrappait,ilsrevenaient,etpuisquandceseraitlemomentd’attaquer,Wespiqueraituncentmètres,marqueraitdespointsetremporteraitlematch.Pointbarre.L’équipe donna le coup d’envoi et les battements demon cœur grimpèrent en flèche. Comment
allais-jesurvivreàplusieursmatchs,avecWessurleterrain?Mamainrecommençaàs’agitersouslajambedeGabe.Marmonnantunjuron,ilfouilladanssapocheetmejetaunchewing-gumauvisage.—Mâche.Çat’aidera,jetejure.
Jeprislechewing-gumavecaviditéetmemisàmâchercommesimavieendépendait.—Bien,commentaGabeenramassantl’emballage.Essaiedenepastemordrelalangue.Wesne
melepardonnerajamaissitun’espasenétatdel’embrasser.Sansquitter le terraindesyeux, je luidonnaiuncoupdecoudedans lescôtes.L’attaqueprit fin.
Wessetournarapidementversmoietm’adressaunsignedelamain.Ilallaitbien.Ilavaitl’airbien.Toutiraitbien.
Chapitre39
WESTON
Jecomprisquequelquechoseclochaitquandmavuesebrouillaauniveaudel’œildroit.Jesecouai la tête et continuai à pousser. Je devais gagner. Sans trop savoir pourquoi, jeconsidéraiscematchcommemabataillecontrelecancer.Sijeperdais,jeperdaistout.Jedevaisgagner.Paslechoix.
Jesecouailatêtedenouveau,etmavisionredevintnette.Lesmédicamentsprovoquaientbeaucoup
plusd’effetssecondairesquejel’avaisimaginé.Jerejoignislesgarsdanslecercleetleurannonçailatactiqueàsuivre.C’étaituntempsdejeucomplexe,plutôtrisquépourundébutdematch,maisonvoulaitdéstabiliserlesCougars.Putain,jelesdétestais,cesCougars;touslesHuskieslesdétestaient.Jedétestaismêmeleurscouleurs.—Prêts?Onyva!Jecourusjusqu’aucentreduterrainetcriai:—Rougevingt-neufgauche,un,deux!Laballeatterritentremesmains.Jereculaicommepourajusteruntrès longtir,et finalement je
lançai à ma droite, tout en courant sur la gauche. Tony bloqua devant moi, cinq mètres… dix…quinze.Unpremière ligne tentadem’attraperpar lacheville,mais jesautaipar-dessusetcontinuaimacoursejusqu’àlalignedesvingtmètres.—Bellecourse!mefélicitaTony,ponctuantsesparolesd’unebonneclaquedansledos.Mavisionsetroubladenouveau,maiscettefoisellerestafloue.Merdeetre-merde.J’essayaide
secouer la tête, en vain. Je distinguais les silhouettes, mais de façon vague. Tout se brouillait,d’ailleurs.Heureusement,jevoyaisencorelaballeetmarespirationétaitnormale.J’allaiscontinueràjouer.Paslechoix.Onmarquasansdifficulté,etainsidébutalematchleplusdurdetoutemavie.Chaquefoisquejesecouaislatête,mavueempirait.Etquandarrivalequatrièmequart-temps,je
mesentaiscommeuntypequiauraitbuunebouteilleentièredetéquila.Mavuen’étaitplusclairedutoutetmonéquilibresimauvaisquejedevaismeconcentrersurchacundemespas.Onavait déjà tellement d’avance au scoreque le coachme sortit pourpermettre auquarterback
remplaçantd’acquérirdel’expérience.Enréalité,jepensequ’ilm’avaitvudécliner.Jem’assissurlebancetfismined’êtrehyperconcentrésurlematch,alorsquetoutcequimepréoccupait,c’étaientles tachesnoiresquienvahissaientàprésentmonchampdevision.Pasbon. Je sentaispoindreunemigraine,maisjen’enétaispascertain.Peut-êtreavais-jetropforcé.Labonnenouvelle,c’étaitquelematchétaitplié,doncpeuimportaitdésormais.J’avais juste envie de m’allonger avec une compresse froide sur le crâne. Enfin, ça et serrer
Kiersten dans mes bras. Mais si elle me voyait dans cet état, elle comprendrait certainement quequelquechoseclochait.OndevaitassisteràlafêtedeHomecoming,cesoir,etjen’étaispascertaind’êtreenmesured’yaller.
J’avalaiencorequelquesgorgéesd’eauetfermailesyeux,enespérantquemonétats’améliore.Quelquesminutes supplémentaires s’écoulèrent et le coach s’approchapourmedonnerune tape
surl’épaule.—Tuveuxentrerpourunedernièreattaque?Jesavaiscequ’ilmedemandaitenréalité.Unedernièreattaqueavantquemonavenirglauquedeviennecomplètementnoir.Iln’étaitpasplus
optimistequemoiquantàmacapacitéàrelancerunjourunballondefoot.Alors tachesnoiresoupas,jedevaisyaller.Je me mis debout sur des jambes tremblantes et gagnai la pelouse sous les hurlements des
supporters.BonDieu,çaallaitmemanquer.Lasensationquandonentrait sur le terrain, lamontéed’adrénaline.Avec un soupir, je me tournai vers les gradins. Kiersten était debout, qui criait. Je clignai des
paupières,mavisionredevintjusteasseznettepourquejelavoieapplaudiravecfrénésie.Etaveccecœurdessinésursontee-shirt,ellen’avaitpasidéeducouragequ’ellemedonnait.Gabe,lui,lesavait.Jeluienvoyaiunbaiseràelleethochailatêteàsonattention,àlui.J’auraispujurerl’entendrehurler:—Fais-leurvivreunenfer!Enriant,jemedirigeaid’unpasmalassuréverslecercledemescoéquipiers.Onavaitdéjàgagné,
il ne nous restait plus qu’à dérouler notre talent pour les supporters. Je lançai donc une fausseannonce,histoiredemettrel’autreéquipehors-jeu,etdécidaidetenterexactementlemêmecoupqueBoiseStatelorsdelafinaledelaFiesta,quelquesannéesplustôt.Comme je l’avais imaginé, les gars accueillirentmon idée avec enthousiasme et l’équipegagna
cinqmètres.Moncœurbattaitviolemmentdansmapoitrine.Toutmesemblaitpesant,commesionm’avaitposéunpianosurlesépaules.Jeprisplusieursinspirationsetlançail’annonce:—Babyblue,babyblue,BSU,un!En reculant, je trébuchai, m’empêtrai les pieds, ou quelque chose comme ça, et cet instant
d’hésitation suffit. Un première ligne adverse se rua surmoi. Trop tard.Ma vue se brouilla, toutdevintcomplètementnoiretjemesentistomberenarrière.Ladernièrechosedont jemesouvienne,c’estd’avoirpenséque jene luiavais jamaisditque je
l’aimais.Etc’étaitnul,parcequ’elledevaitlesavoir.J’allaismourir,j’étaisdéjàsansdoutemourant,etladernièrepenséequimetraversal’esprit,lederniermotquifranchitmeslèvresfut«Kiersten».
Chapitre40
KIERSTEN
Est-cequenotrecœurpeutsebriserdansnotrepoitrine?Parcequejecroisbienquec’estcequivientd’arriveraumien…
—Yaquelquechosequinevapas.GabeserramamaindanslasienneenregardantWestrébucher.Quandilcourait,onauraitcruqu’il
étaitsoûl.Peut-êtrequ’ilessayaitjustedefairelemalinoudenousfairerire.Jehaussailesépaules.—Ilneseraitpassurleterrainsiçan’allaitpas.Gabepouffa.—Toi,tunesaisvraimentpascommentfonctionnentlesmecs.Ilagitalamainau-dessusdesatêtepouressayerd’attirerl’attentionducoach.—Merde!Etavantquej’aieletempsdecomprendrecequiluiprenait,ilmerepoussaverslessiègesetsauta
surlapelouse,courantendirectionducoach.Alorsjevis.LaballeéchappadesmainsdeWes.Ilvacillaets’écroulaausol.Etj’eusl’impressionquelestadetoutentiersetaisait,alorsquemoijehurlais.Lisamepritdans
sesbras,toutencherchantfrénétiquementGabedesyeux.Quiétaitentraind’insulterlecoach!Ce dernier se précipita sur la pelouse, les joueurs échangeaient des regards perdus. Et en cet
instant,jesusqueWesavaitmenti.Cen’étaitpasdudiabète.Paspossible.Quelquechosen’allaitpasetilnem’enavaitpasparlé.Onnes’évanouissaitpascommeçasurun
terrain.Carenfin,ilétaitfort,non?Etenbonnesanté?Lesdocteursseruèrentsurlapelouse,etjeretinsmonsouffle.Jepriai.Jepriaidetoutmoncœur
pourqueWespuissebouger,quejevoiesesdoigtss’agitersurl’herbeouqu’ilsautesursespiedsetsemetteàrire,commes’ilvenaitdenousfaireàtousuneblaguehilarante.Jenem’étaispasrenducomptequejepleuraisavantqueLisanetireunmouchoirenpapierdesonsacàmainetmeletende.— Il va bien, pas vrai ? demandai-je d’une voix rauque. Pas vrai ? Il est juste fatigué ? Ou
déshydraté?—Maisoui,m’assuraLisa,serrantmamaindanslasienne.Lasirèned’uneambulancemanquademetuer.Jenepouvaispas.Jenepouvaispasresterplantée lààattendre.Alors jecourus.Jecourusaussi
vite quepossible et sautai par-dessus la barrière, afin deme retrouver sur le terrain avecGabe. Ilm’interceptaalorsquejecontinuaisendirectiondeWes.Etpuisuneautrepairedebrasm’enlaça.Jemetournaietéclataiensanglots.JepleuraiscontreletorsedeRandyMichels,commes’ilétaitmonpèreoumabouéedesauvetage.
Jem’accrochais à lui de toutesmes forces.Et le plus drôle, c’était qu’ilme serrait avec lamêmeénergie,aussifortquesisavieendépendait.—Ilvas’ensortir,mechuchota-t-il.C’estunbattant,d’accord?C’estunbattant,n’oubliezjamais
ça!Ettandisqu’ilhochaitlatête,jesentaisbougersapommed’Adamcontremajoue.—Iln’estpascommesonfrère,paixàsonâme.Wesestfort.Ilestcommesamère.Allez,venez,
ajouta-t-ilensoupirant.Jevousemmèneàl’hôpital.JetenaislamaindeRandyd’uncôtéetcelledeGabedel’autrequandlesappareilsphotosemirent
àcrépiter.Mourantd’enviedehurler,jesortisnéanmoinsduterrainlatêtebaissée,aumilieudesflashsetdes
crisdesupporters.Ilsvoulaientsavoircequin’allaitpas.Ilsvoulaientsavoirtoutesceschosesquejesouhaitaissavoirmoiaussi.Saufquejen’avaispaslesréponses.Encheminpour l’hôpital,moncorpsseretrouvaenétatdechoc ; jen’arrêtaisplusde trembler.
J’étaisfurieusedeconstaterqu’àladifférencedemoi,Gabesemblaitaucourantdecequisepassait.MêmeRandyneparaissaitpasétonné.Commes’ils’étaitattenduàcequeWesmeure.Quelgenredepères’attendàcequesonfilsdécèdesurunterraindefootball?—Vienslà.Gabemecalasoussonbras,etonsedirigeaversl’aileprivéedel’hôpitaluniversitaire.—Ileststable?s’enquitRandyunefoisdevantlachambreoùl’infirmièrenousavaitconduits.Elles’immobilisaetbaissasonporte-bloc.Elleposabrièvementlesyeuxsurmoi,avantdereportersonattentionsurRandy.—Lafamille,indiqua-t-il.Ilssontdelafamille.—Bien.Denouveau,ellenousregardatouràtour,avantdeselancer:—Ileststable,maisilafaituneréactiontrèsviolenteàsadernièresériedemédicaments.Comme
vouslesavez,c’estuntraitementexpérimental,nousn’avionsdoncaucunmoyend’anticipercegenrederéaction.Heureusement,commeilsetrouvaitdansunlieupublic,ilareçul’aideappropriéeàlasecondeoùils’estévanoui.S’ilavaitétédanssachambre,oumême…—Çasuffit,l’interrompitRandyenagitantlamain.Nousvoudrionslevoir,àprésent.—Mais…—Maintenant,insistaRandy,sanssedépartirdesavoixaimable.Ilabesoindesafamille.—Bien,monsieur.Et l’infirmière s’écarta, avant de s’éloigner dans le couloir d’un pas raide, son porte-bloc
fermement calé sous son bras. Je détestais voir son nom déjà inscrit sur la porte. Je détestaismeretrouverdansunhôpital.—Qu’est-cequej’ignore?demandai-jed’unetoutepetitevoixaumomentdefranchirlaporte.RandydéglutitetregardaGabe.PourquoiilregardaitGabe?Avecunjuron,cederniersepassalalanguesurleslèvresetdésignal’intérieurdelachambred’un
gestedumenton.—Demande-lui.Jerefused’êtreleporteurdecegenredenouvelles.«Cegenredenouvelles»,merépétai-jeenboucle.Qu’est-cequeçavoulaitdire?Moncœurse
serra.J’avaisl’impressionquemonventreétaitnouéunmilliondefois,etpourtantj’avançaidanslapièce.Wes était relié à une perfusion et à unmoniteur cardiaque, mais sinon, il semblait normal. En
forme,même.Ilouvritlesyeux.—Onagagné?demanda-t-ildansungrognement.—Largement,mec,réponditGabeenriant.Mêmesionauraitpusepasserdelascènefinale.—La«scène»finale?Savoixétaitunpeupâteuse.—Putaindemerde!Kiersten!Oùelleest?Ilfautquejeluidise.Ilfaut…IllaissasaphraseensuspensenmevoyantapparaîtrederrièreGabe.Leslarmesquimecoulaient
surlesjouesdevaientruinermespeinturesdeguerre.JevislevisagedeWessecrisper.—Laissez-nousuneminute,chuchota-t-il.Son père hocha la tête dans ma direction, puis il alla embrasser Wes sur le front et sortit,
accompagnédeGabe.Unsilencefou,tendu,nousenveloppa.—Bon,commençai-jed’unevoixchevrotante.Homecomingestpassé.Wesneréponditrien.Peum’importait.J’étaistellementcontentequ’ilrespire!J’allaimepostersurlecôtédesonlitet
m’assis,lesmainscroiséessurlesgenoux.—Tuaspromisquetumediraistout.Plusdemensonges,plusd’omissions.Avecunfrisson,jeplongeaidanssesyeux.Ilsétaientbaignésdelarmes.Ilcillaàplusieursreprises
etfinalement,baissalespaupières.—Jesuismalade.—Ça,j’avaisdeviné.(Jememordislalèvre.)Maladecomment?— Tu sais que les gens posent toujours cette question ? fit-il en pouffant. « Tu es malade
comment?Suruneéchelledeunàdix,combiendechancestuasdemourir?Tuesnauséeux?Quelleforce,lesnausées?»Ilritdenouveau.—Petitagneau,leloupesttrèsmalade.—Genre le loups’est fait tirerdessus,maisc’est justeuneblessuresuperficielle?demandai-je,
pleined’espoir.Nouveaurire.— Les Monty Python. Un classique. Et pour répondre à ta question, c’est sans doute plus que
superficiel.—Ah.Jememordislalèvrepourm’empêcherdepleurer,maisleslarmesmontèrentquandmême.Ilne
le savait donc pas ? Je lui appartenais. Il m’appartenait. Comment Dieu pouvait-il me faire ça ?Comment pouvait-ilm’enlever la seule chose sur laquelle je pouvais compter ? Jeme tordais lesmainscommeunefolle.Jemelesseraisdéboîtées,siWesnelesavaitpassaisiespourm’attireràsescôtésetmecaresserlevisageduboutdesdoigts.—J’aiuncancer.Lesolsedérobasousmoi.Jemenoyais.Jemenoyaiscommejel’avaistoujoursredouté.Saufquecettefois,jen’étaispasdansl’eau,j’étais
dansl’air.Jenepouvaisplusrespirer,plusréfléchir.Cemot:«cancer».Lemotdonttoutlemondeavait peur.Unmot qui avait le pouvoir de détruire unepersonne,mais pas d’un seul coup.C’étaittoujourslent.Torturé.J’avaisl’impressionquemoncœuravaitcessédebattre.J’essayaideprendreuneinspiration,maisriennevint.
—Eh,bébé.Wesmepritlatêteetlacollacontresontorse.Ilsoupira.—Çava.Toutvabien.Tuesjustesouslechoc.Çava.Respire.À croire que mon corps avait besoin de sa permission pour réussir une action aussi simple.
Respirer.Jeprisquelquesinspirationsavantdeposerlaquestioninévitable.—Tuvasguérir?—Jeleveux,répondit-ildansmescheveux.Alors je haletai. Soudain, tout s’éclairait. Son obsession pour mes cheveux, tous ses discours
énigmatiquessurlefaitdenepasêtrelàoudem’accordertoutletempsdontildisposait.Jesanglotaicontresapoitrine.Jenepouvaispasm’enempêcher.—Non,non,non!Jefrappaidupoingcontrelematelas.Wesmetenaittoujoursfermementcontrelui.—Tuasplusde tempsque ça,Wes.Putain !Tu asplusde temps !Promets-moi !Promets-moi
qu’onn’estpasentraindesedire«aurevoir»!Promets-le-moi,Wes,promets-le!Desbrasm’enlacèrentquin’étaientpaslessiens.Jem’effondraiausoldanscesbras-là.Jeremarquaid’abordlestatouages.Gabe.C’étaitGabe.—Reprends-toi,mechuchota-t-ilàl’oreille.Etlaisse-leparler.Jeseraiprêtpourteraccompagner
ensuite,OK?Jehochailatête.Pasquestionquejerentre.PasquestionquejequittelechevetdeWes,merde!Et
pourtantjehochailatête.Gabemerelâchaetsortitdelachambre.—Tunepeuxpasmourir,dis-jed’unevoixtremblante.Wessourit.—Jen’enaipasenvie.—Pourquoit’es-tuévanoui?Iltapotalematelasetjeretournaim’asseoir,entâchantdenepascéderàl’hystérie.—Monpèreestriche,queveux-tuquejetedise?Jesuisdansmadernièresemainedetraitement
expérimentalavantd’êtrehospitalisépourmonopération.Jerelevaibrusquementlatête.—«Opération»?—Oui,pourretirerlatumeur.—Etellesetrouveoù?C’étaitbonsigne,ça,non?S’ilslaretiraient,lecancerdisparaîtrait!—Enveloppéeautourdemoncœur.—Oh,monDieu.Jefermailesyeuxetdenouvelleslarmesmecoulèrentsurlesjoues.—Est-cequ’ils…euh…Jereniflai.—Est-cequ’ilspensentpouvoirlaretirerentièrement?Wessepenchaversmoietdesespouces,ilessuyaleslarmessurmesjoues.—Oh,petitagneau,nepleurepas.Ilserramamainqu’il tenait toujoursdans lasienne.Commentpouvait-ilavoirunetumeuralors
qu’ilsemblaitenpleineforme?— C’est à peu près cinquante-cinquante, à ce stade. Ils ignorent s’ils peuvent la retirer
complètement, et comme elle se trouve tout près de mon cœur, ils risquent de me tuer s’ils s’en
approchentdetrop.D’unautrecôté,s’ilsnel’annihilentpas,jemourraiaussi.Incapabledeparler,jemecontentaidefixersesyeuxbleucristal,enpriantpourquelecauchemar
prennefin.—Tuveuxbien…(Ils’humectaleslèvresetsemitàjoueravecmamain.)Tuveuxbienresteravec
moi?—Descauchemars?tentai-jedeplaisanter,maisleslarmescontinuaientàruisseler.— Oui, bafouilla-t-il. Des cauchemars. Disons que j’ai besoin d’un preux chevalier pour les
chasser.—Jelescombattrai.Jeteprotégerai,jetrancherailatêtedudragonett’attendraidanslatourdu
château.—Promis?Ilmesourit,lesyeuxremplisdelarmes.—Detoutmoncœur.—J’adoretoncœur.Ilsoupiracontrematête.—Lescœursetlescheveux,maintenant?plaisantai-jeenposantunemainsursapoitrine.—Lescœursetlescheveux,répéta-t-il.Fais-moiplaisir.—Toutcequetuveux,murmurai-je.—Quoiqu’ilarrivedanslesjoursàvenir,promets-moiquetuirasauboutdetaliste.—Wes…—Promets-le-moi,insista-t-ilavecleplusgrandsérieux.Jefermailesyeuxetunenouvellecouléedelarmeschaudesmemouillalesjoues.—Jetelepromets.—Bien,fit-ilavecunsoupir.Bien.
Chapitre41
WESTON
Jel’aigardéedansmesbrastoutelanuit.Plustard,quandGabeestentrépourl’emmener,jeluiaiditquejelagardais.Avecunsourirenarquois,ilm’aannoncéqu’ilrepasseraitluiapporterdesvêtementspropres.Ilyaunandeça,jen’auraispasmiséunkopecksurcemec…etmaintenant,j’avaisl’impressiond’avoirenluimonmeilleurami.Ettoutçagrâceàlafillequidormaitdansmesbras.
Jenefisaucuncauchemar,età5heuresdumatin,quandl’infirmièrevintmerendrevisite,j’avais
retrouvémaformehabituelle.Saufqu’ilsavaientavancéladatedel’opération.Elleauraitlieudansmoinsdecinqjours.Cequi
signifiaitquemontempsavecKierstenétaitàprésentdrastiquementlimité.Danssixjours,jepouvaisêtremort,etsijenel’étaispas,jeseraissoitdanslecoma,soitrenvoyéàlamaisonpourymourir.J’avais promis à Gabe de me battre et j’en avais envie, mais il était difficile de rester optimiste.Vraiment,vraimentdifficile.JenecessaisdeprierDieuqu’ilm’épargne,nonquejemesouciebeaucoupdemavie,maisparce
quejetenaisàlasienne.Lesommeilserefusantàmoi,quandGabesepointaavecunpetitsacdevoyage,j’avaislesyeux
grandsouvertsetj’étaisprêtpourlecafé.Enfin,n’importequoiplutôtquecesfichuespilulesqu’ilsm’obligeaientàavaler.—Elledortencore?chuchotaGabeenentrant.—Commeunemorte.Ilpritunsiègeetposalatêtesursesmains.—C’estpasdrôle,mec,rétorqua-t-ild’unevoixpointue.Pasdrôledutout.—Troptôt?fis-jeenriant.—Jenepeuxpas…Gabesepassalalanguesurleslèvresetfixasonregardsurmoi.—Ilyad’autrespersonnesquimériteraientplusd’avoir lecancer, tuvoiscequejeveuxdire?
C’est çaquime rend fou.PourquoiDieupermetquedesgarscomme toi…?Desgensquiontunavenirtellementbrillantdevanteux…Pourquoituaslecancer,alorsquedestueursdemassepassentleurvietranquillemententauleàregarderHBOgratos?Jenecomprendspas.—Jen’ensaisrien,mec,soupirai-je.Jen’aipasd’explication.Fautcroirequec’estlesrisquesde
lavie.Onneprometrienàpersonne.C’estcequilarendaussiprécieuse.—Çaauraitdûêtremoi,murmura-t-il,sibasquejel’entendisàpeine.—Gabe?Ilricana.—Quoi?Tuaslamoindreidéedelaviequej’aimenée?Ladrogue,lesexe,lesfilles.Volerpour
mepayerdelacame.Putain,mec,çaauraitdûêtremoi.Jeprendrais…
Ils’étranglasursesmotsetdétournalesyeux.—Jeprendrais taplace.Jeveuxquetulesaches.SiDieum’annonçaitquec’étaitmonchâtiment
pourlaviedemerdequej’aimenée,jeprendraistaplace.Putain,jeleluiaimêmedemandé,jel’aisuppliéhiersoir,ettusaisquoi?Quedalle.Silence.— Eh bien, vis une vie meilleure, rétorquai-je sèchement. Améliore-toi. Que ma mort serve à
quelquechose.S’ilfautquejesoissacrifiépourquetucomprennesça,ehbientantmieux.Nelaissepascetructedétruire,faisensortequeçaterégénère,aucontraire.Gaberenifla.Jelesentaisauborddelâcherprise.Moi,j’avaispassétoutelanuitdanscetétat-là.
Ça faisait unmal de chien, de retenir ses larmes, de rester fort quand l’amour dema vie était là,allongéecontremoi,àpleurerdanssonsommeil.—Commentseportemonpatientpréféré?lançal’infirmièrequientradanslachambreetsesaisit
duporte-bloc.PrêtpourvotreIRM?Non,ohputainnon.Jenevoulaispasconnaîtrelavérité.Alorsjeleuravaisdemandédenerienme
dire.Sijedevaismourir,jenevoulaispaslesavoir.Jenevoulaispasentrerensalled’opérationdansunétatd’espritdéfaitiste.—Pasdeproblème,ilfautjustequejeréveillelaBelleauboisdormant.Gabebonditsursespieds.—Jevaisl’attendredanslecouloir.Jesuissûrqu’elleaurafaim.—Gabe?lerappelai-je.Ilseretourna.—Ouais?—J’aiquandmêmeunefaveuràtedemander.—Toutcequetuveux.— J’ai besoin que tu fasses quelque chose pour ma nana, commençai-je en souriant. (Je
m’humectaileslèvres.)Ellevaêtrefurax,maispromets-moiquetuleferas.Gabeéclataderire.—J’aimedéjàl’idée.—Jet’enverraiunSMSplustard.J’organiseçapourdemain,OK?—Super.Etilagitalamain,avantdesortir.JemepenchaietdéposaiunbaisersurleslèvresdeKiersten.—Mmm,grommela-t-elle.Jel’embrassaidenouveau.Elleouvritdoucementlesyeux.—Dis-moiquej’aifaitunmauvaisrêve,Wes.—Pasvraimentunmauvaisrêve,maispasmonpréférénonplus.J’écartai les cheveux de son visage, fermai les yeux tandis que sesmèches glissaient entremes
doigts.—Bon,j’adoret’avoircolléeàmoi,maiscettegentilleinfirmièrequetuvoislàdoitm’emmener
passeruneIRM.—Oh.Kiersten bondit sur ses pieds, un peu vacillante au début, puis elle enfonça les mains dans les
pochesdesonjean.—Detoutefaçon,jedoisavoirunetêteatroce.Jevaisallerprendreunedouche.—Gabeadesaffairespour toi, lui indiquai-jeendésignant laported’ungestedumenton.Mon
pèreaunesuitedanssonaileprivéedel’hôpital.Gabeettoipouvezydormiretprendreunedouche,d’accord?Enfin,ensupposantquetuaiesenvied’êtrelàet…
—Jenequittepastonchevet,protesta-t-elle.Voilàbiencequejecraignais.D’êtreceluiquipartiraitet…elle,cellequiresterait.Jebâillaietluidécochaiunclind’œil.—OK.Jen’enaipaspourtrèslongtemps,etquandjereviendrai,onpourraparlerdufaitqueje
suislepirepetitamiaumondederaterlafêtedeHomecoming.Àquoiellemesourit,avantdesedirigerverslaporte.—Magnifiquepetiteamie.Jeregardail’infirmière.Jememoquaisbienqu’ellemeprennepourundingue.—Jeferaisd’ellemafemme,sijelepouvais.Ensouriant,ellemetapotalebras.—Nevousrésignezpassivite.ParfoisoncroitqueDieuaécritlemotFIN,alorsqu’enréalité,il
voulaitdireDÉBUT.L’IRMmefichaunetrouillebleue.J’avaistoujoursdétestéça,maisenl’occurrenceonnem’avait
pas vraiment donné le choix. Au lieu de me concentrer sur le fait de ne pas bouger, je pensai àKiersten. J’imaginai à quoi elle ressemblerait à trente ans. Son sourire resterait-il lemême ? Sonventreserait-ilarrondiparunenfantànaître?Merde,jevoulaisqu’ilsoitlemien,cetenfant.Jememordisfortlalèvre.Jedevaisresterimmobile,etpourtantmespoingsbrûlaientdeseserrer.J’avaisenviedehurler.MesvisionsconcernantKierstenpassèrentenaccéléré.Jelavisvieille,assisesurunporche,tenantlamaindesonmari.J’ignoraispourquoijemetorturaisainsi.Jenelaconnaissaisquedepuis troismois, nomdeDieu,mais ça n’avait rien à voir avec le genre de coupsde foudre quim’étaientarrivéspendantmonadolescenceetmesannéesdefac.Jesavaisquec’étaitpourdevrai.Peut-êtreétait-celederniercadeaudeDieu:l’amourvrai.Jenevispasletempspasser,ettoutàcoupl’IRMétaitfinieetmonvisagecouvertdelarmes.Àla
seconde où je pus bouger, jem’essuyai les joues, histoire que personne ne s’en rende compte.Ladernièrefoisquej’avaispleuré,c’étaità lamortdeTye.C’estdrôle,commelamortfaitdel’effetauxgens.Troismois enarrière, j’étaisprêt.Troismois enarrière, j’avais acceptémon sort.Maismaintenant…Maintenant,jevoulaisfairepartiedel’histoiredeKiersten,etpasn’enconstituerqu’unchapitre:jevoulaisêtrelelivretoutentier.Maisvoilà,jeneconnaissaispasl’avenir.Toutcequejesavais,c’étaitqu’ilm’échappait.Etc’étaitpeut-êtreça,lepluseffrayant.Danslavie,onatoujoursunecertainemaîtrisedeschoses,quecesoitnosémotionsounoschoix.Maisenmatièredecancer…Leseultrucquel’onpuissecontrôler,c’estlafaçondontonyfaitface.—Commentvoussentez-vous?s’enquitmoninfirmièreattitrée.Avecsescheveuxblondclair,presque transparents, sapeauquasiblanche, sanspourautant faire
délavée, elle était très jolie.Même si jen’arrivaispas à luidonnerunâge.Trente ?Quarante ? Jedevaisavoirl’airperplexe,carelleposasamainchaudesurmonavant-bras.—Vousvoussenteznauséeux?Jeris.—Non,désolé.Jesaisqueçavaparaîtreétrange,maisjemedemandaisjustequelâgevousaviez.Sonsourires’illumina.—Onal’âgequel’onressent,pasvrai?—Eneffet.Moi, jemesentaiscarrémentvieux.Surtoutaprès ladosedemédicamentsdecematin.Labonne
nouvelle,c’étaitquejen’avaisplusrienàavaler.Non,ilsm’injectaienttoutescesdrôlesdemoléculesdirectementdanslesveines.Quelchanceuxjefaisais!
—Weston,reprit-elled’unevoixtendue.Toutirabien.Ellemesaisitlamainetlatapota.Je regardai son badge : Angela. Ça lui allait bien. Elle ressemblait plus à un ange qu’à une
infirmière.—Merci,Angela.Ellemejetaunregardsurpris.Jedésignaisonbadge.Ellerit.—Vousêtesmalins,vouslesétudiants.— Eh bien, vous m’avez percé à jour, fis-je avec un grand sourire tandis qu’elle m’aidait à
regagnermonlit.Entre quarante-et-un et quarante-cinq, j’allaism’en tenir là. Probablement lemême âge quema
mèreàsamortinattendue.Elleaussi,elleétaitblonde.Sansdoutecequimepoussaitàmeconduirecommeundingo.Jemedemandaissic’étaitl’effetdesmédicaments,s’ilsmerendaientplusémotifqued’habitude.—Dormez,m’ordonnaAngelaaprèsm’avoirinstallé.Etnevoustracassezpas,jevousréveillerai
dèsquevotrefutureépousereviendra.Elleponctuasapromessed’unclind’œil.Jepréférainepasparler.Mêmesij’appréciaissonoptimisme,iltombaitdansl’oreilled’unsourd.
Carjesentaisdéjàlefroidserépandredansmesmembres–commesilamortvenaitmechercheretqu’iln’yavaitriend’autreàfairequed’attendresaprésencedévorante.—Dieu…Jem’étranglaisurcemot.—Jesaisqu’onn’apasbeaucoupparlé,cesdernièresannées.Punaise, jet’aimêmeditquejete
haïssaisquandTyes’estdonnélamort.Denouveaujejuraietmepinçail’arêtedunez.—Jenemesoucieplusdemoi,àcestade,maispromets-moiqueçairapourelle.Sijenesurvis
pas…Situmerappellesàtoi,faisensortequeKierstenaillebien.Ellenepeutpasrevivreça…Jemefichequetudoivesmepunir,monDieu.Sielledoitsouffrir,donne-moisadouleur.Sielledoitavoirlecœurbrisé,briselemienàlaplace.S’ilteplaît,monDieu.S’ilteplaît.Les médicaments donnés par Angela commençaient à faire leur effet, et je sombrai dans un
sommeilsansrêves,cetteprièreenboucledansmatête.
Chapitre42
KIERSTEN
Troismoisenarrière, jen’aurais jamaisétéassez fortepour traverserça.Maintenant…Maintenant j’étais comme Hulk. Je lui tiendrais la main tout du long, on livrerait labatailleensembleetàlafin,onseraittoujoursmaindanslamain.
— Je doism’inquiéter que tu n’aies pas prononcé un seulmot depuis qu’on estmontés dans la
voiture?demandaGabe.Jesecouailatête.—Non,jeréfléchis,c’esttout.—OK, jevois, les femmeset la réflexion.Voilàquin’a jamaiscausé lemoindreproblèmeà la
racehumaine.—Hilarant.Levantlesyeuxauciel,jeluiprislamain.—Gabe…—Oui?répondit-ilenserrantmapaume.—Merci.— Je ne fais qu’accomplir mes devoirs d’ami. Considère ça comme ma pénitence pour mes
nombreuxpéchés.Il rit, et je voyais bien qu’il essayait deminimiser l’importance de ses actes. Jeme demandais
pourquoiilluiétaittoujoursaussinécessairederabaissercequ’ilfaisait.Maisbon,ilétaitcommeça.—Çavabienplusloinquel’amitié,affirmai-jeenluiserrantlamain,avantdelarelâcher.Celadit,
jesuiscurieuse:onvaoù?JevoudraisêtreprésentequandWesvaseréveiller.Ilmesourit.—Netetracassepas,joliepetitetête.Wesatoutpréparé.Enfait,àlabase,ilavaitprévuqueLisaet
moi,onsoitaussidelapartie.Maisc’estmieuxainsi.Wesm’aditquejedevaistefilmer.—Mefilmer?répétai-je,avecunmélangedecrainteetdepeur.Filmerquoi,exactement?Ilsecontentadesouriredetoutessesdents.Environtrenteminutesplustard,nousnousgarionssurunvieuxpont,aunorddeSeattle.—Etvoilà!lançaGabeenfrappantdanssesmains.Çavaêtreépique.—J’aiunmauvaispressentiment.—Pasquestiondetedéfiler.TulefaispourWes,intima-t-ilenpointantsonindexsurmoi.Puisils’éloignaàgrandspasendirectiondupont,oùquelquespersonnesinstallaientundrôlede
bidule.Ohnon.Ohnon,non,non.—Kiersten,annonçaGabe, je teprésente l’équipeduSeattleBungee.C’esteuxquivontvérifier
touslestrucsdesécuritéafinquetun’aillespast’écraserausol.—Voilàquiestfortrassurant,marmonnai-jesèchement.
—Netetracassepas!Ungarsquiparaissaitencoreplusjeunequemoimetapadansledosenriant.—Onesttrèsaupoint,c’estnotretravail.Onn’aencoreperduaucundenosclients,mêmesiune
filleavomi,unefois.Maisbon,dumomentqueturegardesverslebas,toutsepasserabien.Lespaumesmoites,jeluirépondisparunhochementdetêtemalassuré.Ilsmepassèrentharnais,casqueetmousquetons.Oh,là,là!J’allaisvraimentfaireça?Tremblant
detousmesmembres,jelaissail’équipemeharnacher,puisilsmerelièrentàGabe.J’étaissisecouéequemêmemes lèvres frémissaient. Jedétestais le vide, j’en avaispresque aussi peurquede l’eau.Qu’est-ce quim’avait pris d’aller écrire ça sur cette fichue liste ? Je fermai les yeux, refusant deregarderpar-dessusleparapet.—Regarde-moi,ordonnaGabe.Jerouvrislespaupièresaumomentoùilm’enveloppadesesbras.—Wesvoulaitquejetedisequelquechose.Sesyeuxs’embuèrentdelarmes.—Iladitquepeuimportaitl’obstaclequisurgissaitdevanttoi…Savoixsefitchevrotante.—Etquellequesoittapeur,tupeuxtoujoursfairelechoixdetebattre.Tupeuxtoujoursfairele
choixdetraverserlesflammes.Iladitqu’ilfallaitlefairemalgrélapeur.Jehochailatête,incapabledeparlertantmagorgeétaitgonfléeparl’émotion.J’enavaismêmedu
malàrespirer.—Iladitqu’ilnerenonçaitpas…etdoncquetunedevaispasrenoncernonplus.—Non,promis-je.Non,jenerenonceraipas.—Bravo.Et Gabe me donna un baiser sur la joue. C’était drôle, quandmême, comment un garçon était
devenumonâmesœur,pendantqu’unautredevenaitmonmeilleurami.—Un…,chuchotaGabe.Deux…Jem’agrippaissifortàluiquejen’arrivaisplusàrespirer.—Trois.Eton tombapar-dessus lepont.Deuxplumes.Complètement enapesanteur. Jen’étaismêmepas
sûredehurler,maisj’avaislaboucheouverte.Puisl’élastiquesetendit,rebondit.Ilnoussouleva,etpuisontombadenouveau.Alorsunechosetrèsbizarreseproduisit.Jememisàrire.Puisàpleurer.Puisàriredenouveau.J’avaisréussimalgrélapeur.J’avaisvaincumescraintes,parcequeWescroyaitsuffisammenten
moipourm’ypousser–toutcommej’allaislepousser.Ilnevoulaitpasquej’ailleverslesténèbres.Plusjamais.Etjenelelaisseraispasysombrernonplus.—Merci,murmurai-jeàl’oreilledeGabetandisquel’équipenousremontait.Ilpritmonvisageentresesmains.—Cequevouspartageztouslesdeux,çan’arrivequ’unefoisdansunevie.Bats-toipourlui,ma
belle.Bats-toijusqu’àtonderniersouffle.Etn’aiepasderegrets,d’accord?—D’accord.GabetenditsontéléphoneàWes.Apparemment,j’avaisbeletbienhurlé.Etdefaçonhorrible.Jene
pusm’empêcherderire.PauvreGabe,ilallaitsansdouteengarderdesacouphènesjusqu’àlafindesesjours.—Ungrandclassique,commentaWesenriant.Puisilsemitàtousser.Jeluiposailamainsurlebrasetilm’offritunsourire.—Jemesensmalàcausedesmédicaments,maispasdesouci,çava.—Gabe,tupeux…euh…—Oui,detoutefaçonLisavientdem’envoyerunSMS.Elles’estperduedansl’hôpital.Sijenela
retrouvepas, elleva tomber sur l’undesdocteurs, etvraiment, jepréfèrenepasavoir àgérer lesconséquencesd’unetellerencontre.Etavecunsalutmilitaire,ilquittalachambre.JesourisàWes.—Jel’aifait.Ilm’attiracontresontorse.Jerepliailesjambessurlelitd’hôpitaletposailatêtecontresoncœur.
C’étaitbizarre,jel’entendaisetilsemblaitsisain,sifort.Jeplaçailamainàl’endroitenquestionetcommençaiàtapoter.—Qu’est-cequetufais?Jesoulevailatêteetluidonnaiunfaiblesourire.—Jebatsnotrecadence.Sabouchetrouvalamienneetsoudain,jemeretrouvaiàcalifourchonsurlui,jetantmavesteen
bouleausol.Ilmepassalesmainsdanslanuqueetm’attiraplusprèsdelui.Mêmesilesmédicamentsl’affaiblissaient,toutenluiparaissaitvivantetchaud.—Onvalebattre,cetruc,affirmai-jecontreseslèvres.Ilsoupiraetapprofonditsonbaiser.—Jemebats.Jem’écartaietluiprislevisageàdeuxmains.—Écoute-moi. Tu n’abandonnes pas. Je ne t’abandonne pas, alors tu nem’abandonnes pas non
plus.OK?Çan’estpasfini.Illâchaunjuron.—Jeveuxquetusoispréparée,aucasoù…—Non, l’interrompis-je, en l’embrassant sur la joue. Je refusemême de l’envisager. Et tu sais
pourquoi?—Pourquoi?—Ungarstrèsbrillantm’aexpliquéunjourquesitutedisquetun’arriveraspasàfairequelque
chose,voiresituenvisagesseulementlapossibilitédel’échec,toncorpscommenceàs’ypréparer.Ils’affaiblit.Toncerveautemurmurequetun’yarriveraspeut-êtrepas,alorstutemetsàcouler…—Hum,çamerappellequelquechose.— J’avais commencé à couler, admis-je en lui caressant les joues. Je coulais parce que j’étais
convaincuedemenoyer.—Jenemenoiepas.— Et tu ne coules pas non plus, affirmai-je en l’embrassant sur la joue. Tu flottes, comme je
flottaisdanslapiscine.Ilfautjustequeturestesau-dessusdel’eauuntoutpetitpeupluslongtempsquelamoyennedesgens,maisjeteprometsquelafinlevautbien.—Ilvayavoirunbaindeminuitaubout?Ilpenchalatêted’unaircomiqueetj’éclataiderire.C’étaitbondeplaisanteraveclui.—Absolument.Pleindebainsdeminuit.
—Mespréférés.Seslèvresétaientchaudesdansmoncou.Jerenversailatêteenarrièrepourlelaisserdéposerune
lignedebaiserslelongdemamâchoire.Je m’affalai sur lui et lui donnai le baiser le plus acharné possible. Nous finîmes par nous
endormirentrebaisersetconversation.Chaquefoisquejemeréveillais, je l’embrassaisencore.Etchaquefoisquejemerendormais,c’étaitaucontactdesabouchedansmescheveux,moncou,ausondeshistoiresqu’ilmeracontait.Plustard,LisaetGabearrivèrentetondécidaquelemeilleurmoyendenepasnouslamentersur
l’avenir, c’était denousoccuper.Oncommençapar jouer àTriche, puison enchaînaparquelquesfilmsdeNoëlenmangeantdupop-corn.Lisafutlapremièreàs’endormir,suiviedeGabeetenfindemoi.Ladernièrechosedont jemesouvienne,c’estd’avoirpenséquel’infirmièreallaitenprendrepleinlavueenentrantdanslachambre.Gabeétaitallongésurunfauteuil,Lisasurlepetitlitdestinéauxfamilles,etmoij’étaisaffaléesurWes.Jem’endormisunsourireauxlèvres.Mesamis.Mesmeilleursamis.Jelesavais.Etj’avaisWes.Je
battislerythmedesoncœurduboutdesdoigts,etsacadencemepermitdesombrerdansunprofondsommeil.
Chapitre43
WESTON
Laplupartdesgensmeurentsansavoirvéculamoitiédecequej’airessentiaucoursdesderniers mois. Incroyable. J’ai une vie incroyable. Je me suis réveillé plein dereconnaissance.Malgrélecancer.Jemesuisréveilléavecl’enviedediremerci.
Je ris d’entendre Kiersten gémir dans mes bras. Il était l’heure de ma dernière dose de
médicaments.Ilsvoulaientm’injecterunultimecocktailavantmonopérationdulendemain.—Commentvousvoussentez?medemandaAngelapendantqu’elleinséraitleliquidetransparent
dansmonsachetdeperfusion.—Commeunerockstar,mentis-je.Nauséeuxetétourdi.Ellerit.—Vousavezl’airenforme,etfort.Avecunlargesourire,ellesortitsonstéthoscopeetleposacontremapoitrine.—Lerythmecardiaqueestbon.Ça ne changeait rien, et pourtant elle me regonflait d’espoir, sans que je comprenne pourquoi.
Soudainellefronçalessourcils,puiselleôtalestéthoscopeetplaçalesdeuxmainssurmapoitrine.Etquandellefermalesyeux,j’auraispujurerqu’elles’étaitmiseàpleurer.Génial,voilàqueletraitementmecausaitdeshallucinations,maintenant.Je sentis ma langue s’épaissir dans ma bouche. Je désignai ma gorge d’un doigt et elle retira
aussitôtlesmains,avantd’ajouterquelquechoseàmaperfusion.Lasensationd’épaisseurdisparut.—Anaphylaxie,fit-elleavecunhaussementd’épaules.Cesmédicamentsonttendanceàprovoquer
ça,maisavecl’épinéphrinequejeviensd’injecter,vousallezlessupporter.—Épi…quoi?—Lemotcompliquépourdireanti-allergène,expliqua-t-elleenclignantdel’œil.Etdésolée,au
fait.C’estvotrecœur,sonrythmeestplusfortqu’hier.C’estpourçaquej’aiposélesmainscontrevotrepoitrine.C’estvraimentétrange.Ellehaussadenouveaulesépaules.—Quoiqu’ilensoit,félicitations,Weston.C’estvotredernièredosedemédicaments.—Jen’aimepaslemot«dernier».Àquoielleréponditparunsourirechaleureux.—Rappelez-vouscequejevousaidit:parfoislafinestuncommencement.—Merci,Angela.Etavecundernierhochementdetête,ellequittalachambre.J’observai les cheveux de Kiersten, la façon dont ils s’enroulaient autour de mes doigts. Des
flocons dorés illuminaient lesmèches. Je fermai les yeux et portai quelques boucles àma bouchepouréprouverleurdouceurcontremapeau.
—Tufaisencoretonzarbiàreniflermescheveux,dit-elled’unevoixensommeillée.—C’estpaszarbi,arguai-je.—Trèszarbi,intervintGabedepuissonsiège.J’aitoutvu,etjepeuxtedirequeçafaitflipper.—Maisnon,c’esthyperromantique!s’écriaLisa.— Alors comme ça, vous étiez tous réveillés pendant que l’infirmière me donnait mes
médicaments,maisvousavezpréféréfairesemblantdedormir?—Uneinfirmière?s’étonnaGabe,balayantlachambredesyeux.Oùça?—Elleétaitjustelà.Etjedésignaimaperfusion,d’oùleliquides’insinuaitgoutteàgoutteàl’intérieurdemoncorps.
Jesentaissouslaformed’unebrûluresaprogressionàtraversmesveines.—Étrange,commentaLisaensegrattantlatête.Jen’aivupersonne.Maisbon…—Maisbon, l’interrompitGabe, tu t’esendormiedeuxfoisdevant lesAvengers.Onnepeutpas
vraiment faire confiance à ton jugement, ni à ta perception des choses, y compris quand ellest’explosentsouslenez.—Merci,cousin.Elleluijetasavesteauvisage.—Bon,reprit-elle,setournantversKierstenetmoi,qu’est-cequ’onfaitaujourd’hui?—Jenesaispas,BonneConscience,qu’est-cequetuveuxfaire?—JiminyCricket!Aujourd’hui,onconquiertlemonde!s’écriaKiersten,toujoursdansmesbras.ÀquoiGabeéclataderire,sifortquejecrusbienqu’ilallaittomberdesonsiège.Jem’étranglaiunpeuavecmonpropre rire, tandisqueLisanousdévisageait touscommesion
avaitcomplètementperdulatête.—TuneconnaispasJiminyCricket,labonneconsciencedePinocchio?s’étonnaGabe.Non,mais
sérieux,quellesorted’enfancetuaseue?Lisahaussalesépaules.—Uneenfancesansdessinsanimés.— Bien, affaire conclue, dans ce cas, intervins-je en me frottant les mains. La rencontre entre
JiminyCricketetPinocchio!Kierstenseredressa.—Commentonvaretrouvercepassage?—YouTube, répondis-je dans un haussement d’épaules. Et au cas où vous l’auriez oublié,mon
pèreestRandyMichels.Iln’estdoncrienquinepuisseseréglerparquelquescoupsdefil.Kierstenlevalesyeuxauplafond.—OK,maisjevaisprendreunedoucheavantqu’onneconquièrelemonde.—Moiaussi,fitLisaenbondissantsursespieds.—Etmoiaussi?demandai-je.Kierstenmedonnaunetapesurlebras.—Pasdenuditépourtoiavanttonopération.—Etmoiquipensaisquetuvoulaismerendreheureux.JemimaiunemouetristetandisqueGabem’adressaitunpoucelevé.—Joueurunjour…,commentaLisasuruntonfaussementexaspéré.—Àplus,lesgars.KierstenpritLisaparlamain,etellesquittèrentlachambre,melaissantseulavecGabe.—Comment se fait-il qu’on n’ait jamais été amis ? lui demandai-je après quelquesminutes de
silence.
Ilrit.—Ehbien,pourcommencer,jenefaispasdesport,ettuavaistoujoursuncercledegensautour
detoi,dontjemerendscompteàprésentqu’ilsétaientpluslààcauseducancerqu’autrechose.—Ouais,confirmai-jeencroisantlesbras.L’und’euxétaitmonpsy,l’autremongardeducorps
depuisl’enfance,ettouslesdeuxpensaientques’ilsmelaissaientmedébrouillerseul,j’allaisoublierdeprendremesmédocs,oubienmebuter,commemonfrère.—PourquoituesdevenuRA?Jem’humectaileslèvres.—Quandilestmort,sonRA,cecon,aditqu’ils’inquiétaitpourTyedepuisunmoment.Qu’ilne
prenaitpartàaucuneactivitéets’enfermaitsouventdanssachambre.Etpourtant,ceRAn’enafaitpartàpersonne,ilconsidéraitquecen’étaitpasdesonressort.Jenepouvaism’empêcherdepenserquesijedevenaisRAmoi-même,j’arriveraispeut-êtreàsauverdesétudiantsendétresse.Jelaissaiéchapperunéclatderire.—Jenem’attendaispasàtomberamoureuxd’unepremièreannée.Gabesejoignitàmonrire.—L’amour,onnes’yattendjamais.—Ettoi?—Jen’ycroispas.Onestvraimententraind’avoircetteconversation?Ilsegrattalanuqueetsemitàregarderparlafenêtre.—Ondiraitbien,oui.—Moi,jenepratiquepasl’amour…nilesrelations.Plusmaintenant.—Mauvaiseexpérience?—Onpeutdireça.Ilravalaunjuron,puispoussaunlongsoupir.—Maisçaneveutpasdirequejenesuispascapabledelereconnaîtrequandjelevois.Ellet’aime.—J’espère.Malàl’aise,j’évitaisdecroisersonregard.—Parcequejel’aimeaussi.C’estdingue,non?—Pasplusdinguequelefaitdeparlertoutseul,commetulefaisaiscematin.Jeneparlaispas toutseul.Çan’était toutdemêmepasmafautes’ilsétaient tropendormispour
voirl’infirmièreentrer.Lesmédicamentsnemerendaientpasaussinauséeuxqued’habitude,c’étaitforcémentbonsigne,non?—Bon, jevais chercherun truc àgrignoter.Vadoncprendreunedouche,histoireque tapetite
amieaitenviedes’allongeràtescôtés.Ilagitalessourcilsdefaçoncomique.—Etjepeuxterapporterducafé.—Bravegarçon,fis-jeenriant.Gabesortit.Aumomentoùje tendais lamainpourappuyersur leboutond’appel,Angelarevint
danslachambre.—Besoind’aide?—Oui,admis-jeensouriant.Enfait,jevoudraisprendreunedouche,etpuisjemedemandais…
Serait-il possible que je porte autre chose que ma casaque d’hôpital aujourd’hui ? C’est vrai,maintenantquevousm’avezinjectétouslesmédicaments,jenerestelàquepourattendrel’opération,pasvrai?—Bienentendu,fit-elleavecunclind’œil.Jecroismêmequelemédecinajustementprescritun
jeanetuntee-shirtblanc.Jelâchaiunsoupirsoulagé.—Merci.—Pasdeproblème!Allonsdoncvouspréparerpourvotrefutureépouse.—Ça,vousn’avezpasfinidemelerépéter,j’ail’impression,lataquinai-je.— J’aime bien les gens qui annoncent le cours de leur vie.Vous voulez qu’elle devienne votre
femme, ça va arriver. Je sais que ça peut paraître bête,mais j’admire votre façon d’y croire. Passeulementenvous,maisdanslesgensengénéral.C’estadmirable,etjepeuxvousdire…queçanepassepasinaperçu.Pasplusquevotregénérosité.Cesqualitéssonttoujoursrécompensées,etonnedevraitjamaispenserqu’ellesvoussontdues.Un peu confus, je souris néanmoins. Sérieux, cette infirmière était particulièrement profonde.
J’avais passé pas mal de temps dans les hôpitaux, mais jamais rencontré personne d’aussiencourageant.Ellemefaisaitdubien,voilà.Commesilecheminquej’empruntaisétaitlebon.Ellenem’envoyait pas ce genre de regards tristes que vous balancent les docteurs quand ils savent qu’ilsvousvoientpourladernièrefois.C’étaitpeut-êtrepourçaquejel’appréciais.Danssesyeuxàellebrillait une lueur d’espoir et d’amusement, comme si elle connaissait quelque énorme secret quej’étaissurlepointdedécouvrir.Onpassalajournéeaulit.Touslesquatre.C’étaitcomique,pournepasdireplus.Commepromis,
j’avaiseul’autorisationdeporterunjeanetuntee-shirt,cequimepermettaitplusfacilementdetenirKierstendansmesbrassansmontrermesfessesàtoutlemonde.Elleétaitassiseentremesjambes,adossée àmon torse. Et régulièrement, je la sentais taper notre cadence contrema jambe, commepourmerappelerdegardernotrerythme.Queletempsnousappartenait.VerslafindelaversiondePinocchioquenousavionsdénichéesurYouTube,monpèrearrivadans
lachambre,suividequelquespersonnes.Qu’est-cequ’ilfabriquait?—J’aipenséquevousauriezfaim,lesenfants.Etavecunlargesourire,ils’écartapourquelesgenscommencentàinstallerquelquechosequeje
nepourraisdécrireautrementquecommeunbuffetdigned’unroi.—Est-cequec’est…?demandaGabeendésignantunfiletdesaumongéant.Monpèreopinafièrementduchef.—Anthony,letraiteur.Àvotreservice.Gaberestabouchebéetandisqu’ildévoraitdéjàlebuffetdesyeux.—Hyper.Bonne.Qualité,secontenta-t-ildecommenter.L’odeurétaitexquise.Alorslà,j’endevaisunebonneàmonpèrepourcetteidée.Onnous distribua de petits gobelets en plastique etmonpère sortit une bouteille de champagne
bienfrais.—Bon,jenesuispasdugenreàcautionnerl’alcoolchezlesmineurs.Etc’étaitvrai.Laseulefoisoùilm’avaitsurprisàboire,j’avaisétéprivédesortiespendantdeux
mois.—Maisjemesuisditqu’onpourraitporteruntoastàmonfils,Wes.Kierstenappliquaunelégèrepressionsurmajambe.Onversaduchampagnedanstouslesverres.Sachantquejen’avaisplusqu’uneheureàpouvoir
mangeretboireavantqu’onm’ordonnedejeûnerpourl’opération,jemesaisisdemongobeletsanstarder.
—Quetufassesdebeauxrêvesetteréveillesenpleineformeetprêtàaffronterl’opération,lançamonpèreenlevantsonverre.Àmonfils,moncombattant,monhéros.—«Tchin»!répondittoutlemondeàl’unisson.Pourmapart,j’avaisperdulavoix.Jedévisageaimonpère.C’étaitlui,lecourageux,pasmoi.Il
avaitvumourirsafemmeetsonfils,etmaintenantlaseulefamillequiluirestaits’apprêtaitàsubirune opération qui changerait sa vie.Moi ?Courageux ?Non, ceux qui restent en retrait, ceux quicombattentàvoscôtés,cesonteux, lescourageux.C’estfacile,desefaireopérer,ons’endort.Mabataille àmoi était quasi terminée. J’allais dire àmon corps de se battre, et puis je laisserais lesdocteursfaireleurtravail.Maiseux…Jepassaienrevuelesvisagesdemesamisetdemonpère.Eux,leurbataillenefaisait
quecommencer.— Merci, papa, répondis-je enfin, levant mon verre dans sa direction, avant d’en avaler une
gorgée.Pourtout.—Fiston,jesuisextrêmementfierdetoi.Ilnem’avaitjamaisrienditdetel,encoremoinsdevantunepiècerempliedegens.Puisilhochala
têteunedernièrefoisetfranchitlaporte.Gabeseredressad’unbondetsortitdelachambreencourant.Jesavaisquecegars-làcombattait
sespropresdémons,ducoupjeneluienvoulaispas.Ilavaitsansdoutebesoindequelquesminutesdesolitude.—Etsionmangeait?suggéraLisapourbriserlesilence.—Jesuisaffamé.Jeme levaidu lit etentreprisdeme rempliruneassiette.Gabe revint sans riendiredesa sortie
précipitée.Lebuffetétaitincroyable.Jedévoraijusqu’àn’enpluspouvoir.Onapprochaitde19heures.Jecessaidemanger,busunpeud’eauetm’allongeaisurlelit,attirant
Kierstencontremoiafinquel’onpuissesecalerl’uncontrel’autre.—OK,Lisa,fitGabeenprenantsacousineparlamain.Jepensequec’estlesignaldenotredépart.
Àdemain,mec,ajouta-t-ilavecungrandsourire.IlvintcognermonpoingetguidaLisadehors.—Tuaspeur?medemandaKiersten.—Ettoi?—J’aiposélaquestionlapremière.Enriant,jepassaiunemèchedecheveuxderrièresonoreilleetchuchotai:—Jevaisyallermalgrélapeur.
Chapitre44
KIERSTEN
Pouruneraisonquim’échappe,jen’avaispaspeur…bizarre.Unsentimentdiffusdepaixdescenditsurlapiècequejenesavaisexpliquer.
—Désolé.Wesmedéposaunbaisersurlefront.Jemetournaifaceàlui.—Pourquoi?—Jet’avaispromisdet’aiderpourtaliste.Ilsecoualatêteenriant.—Apprendreàvivre…Merde,enlisantça,j’aipenséquetuavaisdécouvertmonsecretillico.Jehaussailesépaules.— On souffre tous mille morts au cours d’une vie, non ? On souffre tous des ténèbres… les
miennesétaientjustedifférentesdestiennes.Ilmetouchalajoue.—Maispasmoinsimportantes.Quoiqu’ilensoit,jesuisdésoléqu’onnesoitpasallésauboutde
taliste.Jem’écartai.—Tufaisallusionaucoulisd’airelles?Parcequ’onenaeupourThanksgiving.—Non,fit-il,avantdesemordreleslèvres.Jepensaisplutôtàl’autretruc.—Hum.Depuis son hospitalisation, la liste n’avait pas quittéma poche.Complètement froissé, le papier
avaitconnudesjoursmeilleurs.JeledépliaiavecprécautionetletendisàWes.—Onatoutfait.J’avaisrayétouslesitems,àl’exceptiondeceàquoiWesfaisaitallusion.—Tuasunstylo?Ilmejetaunregardperplexe,puistenditlamainverslatabletteoùilavaitjouéauMorpionavec
Gabeetmepassalestylo.Lagorgeserréeparl’émotion,jetraçaiunelignesurl’item«Tomberamoureuse»,puisuneautre
sur «Avoir le cœur brisé ».Wesprit unebrusque inspirationquandmon stylo resta suspendu au-dessus de la dernière ligne. Cette fois, en revanche, je l’encerclai : « Tomber amoureuse quandmême».Unelarmemecoulalelongdelajoue,quiatterritsurlafeuilledepapier.Wesattiramonvisageverslesien,prenantmesjouesdanssespaumes.—Jet’aime,Kiersten.— Je t’aime aussi, parvins-je à répondre d’une voix étranglée. Tellement fort que ça fait mal.
Vraimentmal.
Fermantlesyeux,ilvintposersonfrontcontrelemien.—Unjour,tuvasm’épouser.—Ahbon?m’étonnai-jeàtraversmeslarmes.— Ouaip, confirma-t-il avec un grand sourire. Je me mettrai à genoux et je te demanderai de
m’épouser.Jenesuispasdugenrepatient,commegarçon,doncjevaistelaisserfairedeuxannéesdefacavantdeposerlaquestion,pasplus.—Etsijen’avaispasbesoindedeuxans?Ilouvritlesyeux.—Etsijevoulaisquetulefassesmaintenant?Illâchaunlégerrire.—PourquetononcleJoBobselanceàmapoursuitepourmefairelapeau?Jenepréfèrepas…—OK,alorsunan.Etjeplissailesyeuxdansundéfimuet.—Unanàcompterd’aujourd’hui…,murmuraWes.Jehochailatête.—Ettumediras«oui».—Etoncontinueraàbattrenotrecadence.Jefermailesyeux,pourmieuxmémoriserlesouvenirdesonvisageentremesmains.—Etonauratroisenfants,ajoutai-je.—Quatre,corrigea-t-il.Ilfauttoujoursunchiffrepair.—Etonvivra…—Oùl’envienousprendradevivre!—Maisilfaudraquejeterminel’université,soupirai-je,avantdel’embrassersurlajoue.Mêmesi
tuespleinauxas,ilfaudraquejeterminel’université.Aufait,j’aichoisimonfuturmétier.—Ahoui?fit-ilens’asseyant.Pourquoitunem’enaspasparlé?—Jevoulaistefairelasurprise.Jeluisourisàtraversmeslarmes.—Tuveuxsavoirlequelc’est?—Enseignante?proposa-t-il.—Non.—Danseuseexotique?J’éclataiderire.—C’estunmétier,ça?—Çadevrait.—Infirmière,chuchotai-je.Jeveuxdevenirinfirmière,travaillerdanslescentresanticancéreux.Je
veux… Je veux aider les gens, comme toi tu m’as aidée. Je veux les aider à repousser leurscauchemars,leursténèbres.Jeveuxlessauver,commetum’assauvée.Jesentisdenouvelleslarmesmemouillerlesjoues.—Tum’assauvéeettuasaussicausémaruine.Jememordislalèvre.—Jesuisperduepourlesautres, jesuisàtoi…etjamaisplusjeneserailamême.C’estleplus
beaucadeauqu’onm’aitjamaisoffert.Ilessuyameslarmes.—Taruine?—Oui,maruine,carenm’aidantàrenversertousmesdémons,tum’asreconstruite.Etjeneserai
jamaiscapabledeterendrelapareille.—Raisonpourlaquellenousauronsquatreenfants,etpastrois,murmura-t-il.Enriant,jeluinouailesbrasautourducou.—Jet’aime.—Jet’aimeaussi…Êtreavectoi,c’estleplusbeaucadeauquequiconquepuissejamaism’offrir.
Etdirequetoutçaacommencéparcequetum’assautédessuslepremierjourdescours.—Jenet’aipas…—Chut,petitagneau.LeslèvresdeWestouchèrentlesmiennes.Salangueavaitlegoûtduchampagne.Jeluirendisson
baiser avec toute la fougue que j’avais au fond de moi. Ce baiser n’était pas une fin. C’était uncommencement.Ledébutdenotrevieensemble.Oncontinuaàs’embrasserjusqu’àcequemabouchesoitenfléeducontactdeseslèvres.Ilgoûta
chaquepartiedemoi,etpourtantilrefusadeprendrecequejevoulaisleplusluioffrir:moi-même.Ilm’expliquaqu’ilvoulaitavoirquelquechosequilerendraitimpatientàsonréveil.C’étaitbienWes,d’utiliser lesexecommeunebonneraisondenepasmourir. Jenepusm’empêcherderiredesonexplication. Puis mon rire fit place à de doux halètements et des soupirs silencieux tandis qu’ilcaressaitmoncorpstoutenembrassantmapoitrine,mesbras,mesdoigts.Ilpassamêmelamainsurmes mollets, il embrassa le creux de mes genoux – comme s’il s’agissait de zones si spécialesqu’ellesméritaientautantd’attention.Je gémis aussi quand sa bouche retrouva la mienne. Je mêlai mes doigts à ses cheveux blond
cendré.Nos langues entamèrent unedanse, nosbouchespoussèrent, nos lèvres se collèrent, et noscorps étaient aussi proches l’un de l’autre que nos vêtements nous le permettaient. Jem’endormisavec ma bouche posée sur la sienne. Il s’endormit avec les mains sur mes hanches. Quand jem’éveillai,jememisàcompterlesjoursquimeséparaientdeceluioùj’épouseraiscethomme.Dansunanàpartird’aujourd’hui.Dansunan,lecinqdécembre,jedeviendraisMmeKierstenMichels.
Chapitre45
WESTON
J’ai rêvé de ma mère. De ses longs cheveux blonds et de ses yeux bleus brillants debonheur.Elleétaitsibelle.Ellemedemandaitsij’avaispeur.Jeluirépondaisquenon.Onétait assis sur la balançoire rouge que mon père m’avait offerte pour mon sixièmeanniversaire.Mamèreaportémamainàseslèvresetdéposéunbaisersurmesdoigts,enme disant que tout irait bien. Et je ne sais pas pourquoi, mais je la croyais. Avant dedisparaître,elleaposélesdeuxmainssurmapoitrineetfermélesyeux.
—Wes,murmuraAngela.Ilestl’heuredevouslever,mongarçon.Ondoitvouspréparer.Je bâillai, puis hochai la tête avant de secouer doucement Kiersten pour la réveiller. Elle resta
accrochéeàmoiquelquespetitesminutes,puisquittalachambre.Jelareverraisjusteavantd’entreren salle d’opération, et je savais qu’elle souhaitait se changer d’ici là, l’opérationdevant durer aumoinsdixheures.—Commentvoussentez-vous?medemandaAngela,avecsonhabituellesollicitude.—Bien.Jeplissailesyeux.—C’estsuperbizarre.J’airêvédemamère.Vousluiressemblezbeaucoup.—Ahoui?fit-elleenpenchantlatête.J’imaginequ’elleétaitbelle,doncjevaisprendreçacomme
uncompliment.J’éclataiderire,etellem’aidaàenfilermacasaqued’hôpital.—Çaoui,elleétaitbelle.Unefoisquejefusaffublédematenue,Angelamerebranchaàlaperfusionetmedonnadesanti-
nauséeux.Toutallatrèsvite.Monpèrevintmeserrerdanssesbras.Lisasepointaavecunballondebaudrucheetunoursonenpeluche.Jeprislecadeauetl’embrassai.Lesgarsdel’équipedefootballn’étaientpasaucourantdel’opération.Mesprofesseursnonplus.
Maislecoach,oui.Ducoup,quandilentradanslachambre,pleurantcommeunbébé,jenefuspassurpris.Onavaittraversétantd’épreuves,luietmoi.N’empêche,c’étaitsurréalistedevoirsangloterunancienpilierdecentcinquantekilos–ilavaitjouépourl’ÉtatdeFloride,vingtansplustôt.Ilmesaisitlamainensecouantlatête.—Tubatscetruc,etjetelaissejouerlafinale.Enriant,jeluiserrailamain.—Vousavezintérêtàmelaisserjouer.Aprèstout,jesuislastardesquarterbacks.—Ça,c’estvrai,admit-ilenricanantetmetapotantlamain.Onserevoitàtonréveil.—Àmonréveil,répétai-jeaprèsluitandisqu’ilquittaitlapièce.CefutensuiteautourdeGabe.Ilvints’asseoirensilence.
—Çava,mec?m’enquis-je.—Çadevraitpasêtreàmoideposercettequestion?Maisilrefusaittoujoursdecroisermonregard.—Gabe…—J’aidemandéàDieudemedonnerlecancer.Jecontinueàregretterqueçanesoitpaspossible.
Tuestropbien,mec.Tune…Je…Illâchaunebordéedejurons.Choquantemêmepourmoi.—Moncerveauneparvienttoujourspasàl’assimiler,reprit-il.—Arrêted’essayerdecomprendre,luiconseillai-jeensoupirant.Etrappelle-toicequejet’aidit:
faisensortequeçatechange.—Jesuiscleandepuistroisans.Ilsecalacontreledossierdesachaise.—Etc’est ladeuxièmefoisdepuisque jesuis tentéde toutenvoyerbalader.Ladouleurest trop
insupportable,etpuisjemesenségoïstedenepenserqu’àmoi.Jenesuispasfort,contrairementàtoi.—Maissi,arguai-je.Jesaisquetul’es.—Merci.Puisilselevaets’approchademoi.—Mercid’êtremonmeilleurami.—Enfait,Lisam’apayé…,plaisantai-je.—Jesuiscontentdevoirquetugardeslesensdel’humour,têtedenœud.Ilmetapasurl’épaule,avantdemeserrersifortdanssesbrasque,l’espacedequelquessecondes,
jefusincapablederespirer.—Tuasintérêtàflanquerlapâtéeàcecancer,sinonc’estmoiquitelamets,OK?—Pigé.Ils’apprêtaitàquitterlachambrequandjelerappelai.—Gabe?—Oui?—Tuseraismontémoin?—Témoin?—Oui,danstroiscentsoixante-sixjours,jememarieavecKiersten.Tuseraismontémoin?—Tuastonhomme,répondit-ilenricanant.Kierstenestaucourant?—Biensûr.Ellem’aime,tusais.—Ouais,jesais,admit-il,rianttoujours.Onserevoitdel’autrecôté,mec.Dixminutess’écoulèrentetKierstenentra.Vêtued’unerobeblanche.—Désolée,c’esttoutcequej’aiputrouver.—Tuportesune…—Robedemariée,sourit-elle.Jemesuisditqueçastimuleraittoninspiration;tuenaurasbien
besoin.Maintenant tu pourras rêver demoi enblanc, de toi en train dem’enlever la robeblanchesusmentionnée,demoiquidis«oui»quandtumeproposesdet’épouser…et«oui»àtoutcequiaétéénoncéprécédemment.—Viensparici.Jetendislesmainsverselle.Aussitôtellefutdansmesbras,latêteenfouiecontremapoitrine.—Jet’aime,monpetitagneau.
—Jet’aimeaussi,loup,répondit-elledansunsanglot.Tuesmonpréféré.—Tonpréféré…quoi?Elles’écarta,sesgrandsyeuxemplisd’espoir.—Montoutpréféré.Tuesmonpréféré.Detoutesleschosesquejepourraisavoiraumondequi
seraientmespréférées,c’esttoiquil’emportes.Tuemportestout.—Waouh,voilàquiestsacrémentflatteur.Ensouriant,j’enfonçailesmainsdanssescheveux.—Qu’est-cequetuaimesleplus?demanda-t-elle,taquine.Mescheveuxoumoncœur?—Pourquoitunemeproposesquedeuxchoix?N’oubliepastesjambes,tonrire,lafaçondonttu
temordilleslalèvrequandturéfléchis,lecontactdetonsoufflesurmonvisage,lesondetavoixaumatin, ton goût, les trois taches de rousseur sur ton nez, la longueur de tes cils, ta gentillesse, tadétermination…Pourquoi t’arrêterà tescheveuxetà toncœur?Commentveux-tuque je fasseunchoix,quandcequej’aimelepluscheztoi…c’esttoi?Je vis qu’elle se retenait pour ne pas pleurer. Ses joues étaient rougies, ses yeux brouillés de
larmes.—Bref,jet’aime,conclus-je,lesyeuxplantésdanslessiens.Etçan’estpaslafin.—Jesais.Jelesaisici,acquiesça-t-elleenposantunemainsurmapoitrine.Etjelesaisici,répéta-
t-elle,déplaçantsamainpourlapressercontresaproprepoitrine.Repose-toibien,Wes,etsachequejeresterailà,àattendrequetuteréveilles.Jehochailatête.—C’estl’heure.Uneautreinfirmièrevenaitd’entrer,quejenereconnuspas.ElleoffritàKierstenunsouriretriste
etl’escortadehors,aumomentoùAngelaarrivait.—Bien,mongarçon,dit-elleenprenantmonvisageentresespaumes.Ilesttempsdedormir.Et
quandvousvousréveillerez…plusdecancer.Perplexe,jelafixai.Jelafixaivraimentdroitdanslesyeux.J’auraispujurerquejeregardaisma
mère.Jeclignaiplusieursfoisdespaupièresetsecouailatête.—Merci,répondis-jeenfin.Vousavezétéuneinfirmièrefantastique.—Rappelez-vousbienunechose,reprit-elle,poussantmonlitroulantverslaporte.—Quoi?Elles’arrêtadepousser.—Vousnevoyezpeut-êtrepastouteslespiècesdupuzzlequicréevotrevie.Vousnevoyezpeut-
être pas tous les coups que joue le maître de ce grand échiquier. Mais sachez qu’il contrôleparfaitement le jeu. Parfois, certaines pièces sont déplacées ou renversées pour faire de la place àd’autres.D’autresfois,leschosesseproduisentàcausedumondedanslequelonvit.Maisauboutducompte, toutse terminera toujoursbien.C’estune joliepromesse,pasvrai?Desavoirqu’ilexisteuneraisonàtout?Uneraisonpourvotrecancer…Peut-êtrequ’enayantcecancer,vousavezsauvélaviede troisdevosmeilleursamis.Sivousn’aviezpasétémalade, lesauriez-vous rencontrés?Sivousn’aviezpasétémalade,auriez-voustrouvél’amourdevotrevie?Cen’estpeut-êtrepasdanslaperfectionqueleschosesprennentleursens,maisdanslechaos.Etellecontinuaàmepousseràtraverslecouloir.Sesparolesmehantèrenttoutlerestantdutrajet.
Etquandonentradanslasalled’opération,jetendislamainverslasienne.Ellemelaserrafort…Àsonannulaire,elleavaitunebague.Lamêmeexactementquemonpèreavaitofferteàmamère,cellequ’elleavaitportée jusqu’au jourde samort. J’ouvris labouchepour le lui faire remarquer,maismespaupièresétaientsoudaintrèslourdes.Etjesombraidansunprofondsommeil,unsourireaux
Chapitre46
KIERSTEN
Dixheures?Qu’est-ceque j’étaiscensée fairependantdixheures?Prier?Jepriai. Jem’efforçaisdenepaspleureretGabeessayaitdemeremonter lemoralenmeracontantdes histoires embarrassantes sur Lisa enfant. Ça ne servait pas à grand-chose, mais ilfaisaitdesefforts.
Auboutdecinqheures,j’étaissurlepointdedevenirfolle.Ilsavaientditquel’opérationpouvait
durerdedixàdouzeheures.Randyaffirmaitques’ilsressortaientdanslapremièreheure,çaneseraitpasbonsigne.Çavoudraitdirequ’ilétaitinopérable.Maisilavaitbonespoir,alorsunefoisfranchilecapdifficiledesdeuxpremièresheures,jeparvinsàmedétendreunpeu.Jeregardaiunenouvellefoislapendule.Midi.À17heures,jedevraisavoirdenouveauWesdans
mesbras.Ensouffrancemaisdumoinsenvie.Jefermailesyeuxetmeconcentraisursesbaisers.Gabemetapasurlebras.Jelevailesyeux.Undocteursedirigeaitversnous.Têtebasse.C’esttrop
tôt.Non!Non!Jesavaisqu’ilétaittroptôtpourquelemédecinviennenousfaireuncompterendu.Lesbattementsdemoncœurs’arrêtèrent, avantde reprendrecommedes fousdansmapoitrine. JesaisislamaindeGabeetattendislesnouvelles.Le docteur sourit et Randy se leva. S’il souriait, c’était bon signe, non ? Je pris une profonde
inspiration.Jel’auraissenti,si lecœurdeWess’étaitarrêtédebattre.Jel’auraissudansmonâme.Non,ilétaitencoreparminous,c’étaitobligé.—C’esttrèsétrange…,commençalemédecinensecouantlatête.L’opérationestterminée.—Pourquoiest-ceétrange?s’enquitRandy.—Satumeur.Lechirurgiensemblaitàcourtdemots.—Quandonl’aexaminée,ilyaquelquesjours,elleétaitgrossecommemapaume,expliqua-t-il
enmontrantsamain. J’ignorecomment,maisaucoursdes joursquisesontécoulésdepuis,elleadiminuépourneplusexcéderlatailled’unepetiteprune.—Jevousdemandepardon?Randycillaàplusieursreprises.Jevoyaisbienqu’ilretenaitseslarmes.— Le cancer a disparu, reprit lentement le médecin. La tumeur était localisée en un point très
procheducœur,maisopérable.Onl’aretiréesansaucunecomplication.Votrefils…Lavoixdudocteurtremblaetilprituneinspirationsaccadée.—Votrefilsvavivretrèsvieux,siDieuleveut.Gabe me rattrapa tandis que je m’effondrais contre sa poitrine, secouée par des sanglots
reconnaissants.—Quandpeut-onlevoir?s’enquitRandyd’unevoixrauque.— Il dort encore, répondit le médecin en souriant. J’ignore si tout ça résulte finalement du
traitement,ous’ils’agitd’unmiracle.Jesuisdanslachirurgiethoraciqueoncologiquedepuisquinze
ans,etjen’aijamaisrienvudetel.Onvaexaminerendétailtouslesmédicamentsqu’aprisvotrefils,pourvoirs’ilyaquelquechoselà-dedansquiagitsurlestumeurscancéreusesenstadeterminal.—Trèsbien,conclutRandy,tendantlamainaudocteur,quilaluiserra.Merci.Mercipourtout.—C’étaitunplaisir.Lemédecinnoussalua,puisilsortit.Jenevoyaisplusrienàtraversmeslarmes.JesentaislecorpsdeGabesecouécontremoi.Desanglots,pensais-je.Jelevailesyeux.Enfait,il
riait,ilriaitsifortquejecrusqu’ilallaits’évanouir.Jem’écartaidelui.—C’estquoi,tonproblème?—Cetenfoirém’afaitpromettred’êtresontémoin.Etilritdeplusbelle.—Ilasurvécu,uniquementpourmevoirensmoking.Ils’essuyalesyeux.Jememisàrireaveclui.Lisaselevadesachaiseetmepritlesmains.Dusoulagement,voilàtout
cequejeressentais.Lesoulagementdesavoirquetoutiraitbien,qu’onallaitêtreensemble.Jedevaismeretenirdecourirjusqu’àlasallederéveilpourmejetersurlui.Ilétaitenvie.L’amourdemaviem’attendait.Putaindemerde.J’allaismemarierdansunan.Etj’éclataiderirepourdebon.
Chapitre47
WESTON
J’airêvédeKierstenenrobedemariée.J’étaisauboutdel’alléeetellemarchaitversmoi.Puismoncerveauaavancéenaccélérésurdesimagesdenousmaindanslamain,denosgaminsentraindejouerdanslejardin.Etpuis,plusloinencoredansletemps,j’aivunosmainsridéessetoucheràlanaissanced’unautredenosarrière-petits-enfants.Mavie…monavenir.Toutluiappartenait.
Lapremièrepersonnequejevisàmonréveil,cefutmonpère.Ilétaitpenchéau-dessusdemonlit,
unairdesidérationabsoluesurlevisage.Àl’instantoùj’avaisaperçul’alliancedemamèreaudoigtd’Angela, j’avaissuquetoutsepasseraitbien.J’avais lacertitudequ’enfait, j’allais justefaireunesieste,etpuismeréveillerpourcommencermavie.Unnouveaudépart.Le visage demon père, tout comme celui deKiersten, disparaissait et réapparaissait. J’ignorais
combiendetempsj’avaisdormi.Unjour,mesyeuxrestèrentouverts.J’essayaidemeconcentrersurquelquechose–n’importequoi.Lesouriredemonpèremedonnaitmalàlapoitrine,àmoinsqueçane vienne de l’opération. J’étais incapable de dire si c’était physique ou émotionnel. D’ailleurs jem’en fichais. J’avaismal, or avoirmal, ça signifiait que j’étais envie.Enfin, je parvins àvoir unautrevisage.—Commenttutesens?medemandamonpère.—Commeunquarterback.Mavoixrestaitrauqueàcausedutubequ’onm’avaitenfoncédanslagorge,maispeum’importait.
Jevoulaisparler.Carparler,çasignifiaitquejenerêvaispastoutecettescène.Chaqueinspirationmefaisaitunmaldechien,pourtantjecontinuaisàrespirer.Etjesongeaiqueceseraitunprivilègederespirerainsidansladouleurpourlerestedemesjours.Ensachantquechaquerespirationétaituncadeau.Monpèrerit.—BonDieu,tupensesquelecoachvatelaisserjouersivousêtesenfinale?—Quandonseraenfinale,lecorrigeai-je.Etj’essayaidem’éclaircirlagorge,histoirededonneràmavoixunsonplusnormal.—Lecoachapromisdemelaisserjouer,repris-jeavecunclind’œil.Oùilssont,tous?—Jevoulaisunmoment…pourparleràmonfils,acheva-t-ilaprèsunbreftoussotement.Seulà
seul. Pourm’assurer que c’était bien vrai.Que tu étais là et plus dans cette salle d’opération. Lesmédecinst’ontexpliquécequ’ilsontdécouvert?Jehochailatête.—Latumeuradiminué.—Fiston,elleaperdulestroisquartsdesataille,etça,enquatrejours.Je n’étais pas certain de pouvoir parler. Une infirmière avait évoqué un miracle, alors que les
docteursenattribuaientlemériteauxmédicaments.Aufond,jenesauraisjamaisvraiment,etpeut-
êtrequeçan’avaitpasd’importance,lafaçondontj’avaisétéépargné,dumomentquejel’étais.—Incroyable,hein?fis-jeenfin.—Unmiracle,réponditmonpèreenmetapotantlamain.Jet’aime,Wes.—Jet’aimeaussi,papa.Ilseleva,puiss’immobilisadansl’encadrementdelaporte.—Tuvasvraimenttemarierdansunan?—Ouaip.Etjenepusréprimerunlargesourire;j’auraismêmejuréquemoncœuravaitratéunbattement.Monpèresecoualatêteenriant.—OK,ehbienjevaisdevoirfairelaconnaissancedelafamilledecettejeunefille,danscecas.Quelquessecondesplustard,Kierstenentradanslachambrecommeunebombe.Uneboulerouge
toutefloueetchaudequisautasurmonlit,enprêtanttoutefoisattentionànepastouchermontorse.Ben oui, quoi, je venais de subir une opération balèze. Elle posa les lèvres sur ma bouche etm’embrassapendantunebonneminuteavantdes’écarter.—Bienjoué,Wes.—Ilyades trucs…(Jepassaiunemèche roussederrière sonoreille.)quivalent lapeinedese
battre.Uneinfirmièreentra,quivérifiamonporte-bloc.—OùestAngela?luidemandai-je.L’infirmièreposaundrôlederegardsurmoi.—Angela?—Oui,l’infirmièrequis’occupaitdemoi.Blonde,jolivisage…—Hmm…L’infirmièrereposaleporte-blocetmesourit.—Nousn’avonsaucuneAngeladansceservice,dumoinspasàmaconnaissance.D’aprèsvotre
tableau, vous étiez sous unemédication particulièrement lourde. Les hallucinations sont normales,avec une quantité pareille de médicaments dans le système, Weston. Je vais notifier les effetssecondairesaudocteur,afinqu’ilenprennebiennote.Etavecunnouveausourire,ellesortitdelachambre.—Angela?C’estqui?medemandaKiersten.—Jenecroispasavoirhalluciné.Jet’aibiendemandédem’épouser,non?Ellehochalatête.—Ettuasbienpromisdeporterunerobeblanche?Nouveauhochementdetête.—Etlanudité.J’auraisjuréqu’ilyavaitunehistoiredenudité.Kierstenrouladesyeux.—Oui,destasdenudité.—MaistuneterappellespasAngelanonplus?—Pasdutout, répondit-elleenhaussant lesépaules.C’étaitpeut-être tonimagination,oubientu
avaisunangegardien.On s’embrassait quand quelqu’un frappa à la porte. Un infirmier apportait un plateau-repas.
Derrièrelui,j’aperçusunsourirefamilier,encadrédecheveuxblonds.—C’estelle?s’enquitKiersten.Angelanousfitunpetitsignedelamain,ressortitdelapièce,puisentradansl’ascenseur.Etpileau
momentoùlesportesserefermaient,ellemelançaunclind’œil.
—Putaindemerde.Kierstenmetapotal’épaule.—C’étaitqui?JesoupiraietremerciaiDieuensilencepoursesmiracles,detouteslestailles.—Jevaisteparlerdemamère.
Chapitre48
WESTON
Deuxmoisplustard
Merde,j’étaishyperstressé.Lemédecinavaitditquejepouvaisjoueràcapacitélimitée,maisilnepensaitpasquejepuissetenirunmatchentier.C’estvrai,quijoueaufootballaprèsqu’onluiaouvertlapoitrine?Pourtant, jemesentaisenpleineforme.J’avaisrecommencé l’exercicephysiquedeuxsemaines après l’opération, lentement mais sûrement. Je me sentais de nouveau au top. Plus denausées,plusrien.J’étaisenvie,etDieuquej’étaisreconnaissant!J’agitailamainendirectiondeKiersten.Elleétaitassisedanslesgradinsavecsononcleetsatante.
MonpèreetJoBobs’étaientbeaucouprapprochésaucoursdesmoisécoulés.Bizarrement,ilsemblaitquelechagrindemoncôtéetdeceluideKierstenrapprochaitcesdeuxhommes.Iln’avaitpasfalluplusd’unesemaineàJoBobpourallerau-delàdesasidérationpremièrefaceàlastarqu’étaitmonpère.Auboutdedeuxsemaines,ilfaisaitdesblaguessurmonpèrequinousfaisaientmourirderire.C’étaitbonderire.Etencoremeilleurdevoirriremonpère.Surlebordduterrain,monpèreagitalamainluiaussi,puisildésignaGabe,assisprèsdeLisaet
arborantunpanneaugéantquiproclamait:«Vas-yWes!»enlettresrouges.Etilsavaientdessinéunénormecœurautour.Commenousl’avionsprévu, lanouvelledemonopérationetdemaluttecontre lecancers’était
diffusée.AvecdenombreusesinterviewsviaSkypepourGoodMorningAmericaetAndersonCooper,sansparlerd’ESPN,j’avaistoutjusteletempsdepenseràlafinale,etàcequej’allaisfaireàlami-temps.Onaffrontaitl’Oregon.Encore.Unechancesurjenesaiscombienqueçaseproduise.LesDucks
étaientbons,maisonétaitmeilleurs.Jelançaileballonunefoisdeplusetlevailesbrasau-dessusdematête.C’étaitlechampionnatinteruniversitaire.J’auraisdûpenseraujeu,penserànepasmefairetacler,àgagner…Pourtant,jenepensaisqu’àelle.—Tuesprêt?medemandaTonyenm’envoyantlaballeunedernièrefois.—Biensûr,répondis-je,rieur.Ettoi?—Onvamangerducanardpourledîner.Et il tendit deux doigts dansma direction, avant de renverser la tête en arrière et de lancer un
mugissement.Dans lesgradins, lesgenschantaientGreenandYellow 6 à pleinspoumons. Je savaisqueçarendraitGabefurax.Lepauvre,personnenedétestaitpluslesDucksquelui,bienqu’ilrefusedenousrévélerlaraisonexactedecettehaine.Lecommentateurpritlemicro.Etjesongeaique,bizarrement,ladernièrefoisquej’avaismisles
piedssurunterrain,jepensaisquemavieétaitfinie.Alorsquefranchement…ellevenaitdecommencer.Lesdeuxpremiersquart-tempsfurentfinisavantmêmed’avoircommencé.Lesscoressetenaient,
et j’étaisofficiellementépuisé.Lecoachessayabiendemefairesortiràquelquesreprises,maisje
refusai.Jefaisaisdusuperbonboulotetjevoulaisportermonéquipe.Jenepouvaispasleslaissertomber,pasmaintenant.—Tuessûrque tuesenétat?medemandamonpèrequand lasonnerieannonçant lami-temps
cessaderetentir.—Ouaip,répondis-jeenmeléchantleslèvres.J’aiattenducemomenttoutemavie.Ilplongealamaindanssapocheetmetenditlapetiteboîte.—Alorsvas-y.—Sitoutlemondeveutbienregagnersaplace,lançal’hommeaumicro,nousavonsuneannonce
spéciale.Jeme dirigeai aumilieu du terrain sous les cris et les applaudissements des gradins.Même les
supportersdesDucksétaientdebout.Àl’instantoùjemetournai,jecomprispourquoi.Chaquemembredupublicsoutenantmonéquipe
portaituntee-shirtaffichant:«J’♥WesMichels».J’étaistropsouslechocpourpouvoirparler.Leshurlementsenflèrent.Jesaluaid’unsignedelatêteetretiraimoncasque.Nerveux,jem’éclaircislagorgeavantdeprendrelemicro.—Merci,commençai-jed’unevoixrauque.Vousn’avezpasidéedecequevotresoutiensignifie
pourmoi,mafamille,monéquipe.Denouveau,jem’éclaircislagorge.—Jevousaime.Tous.Maisilyaquelqu’un…quelqu’undespécialàquijedoisvraimentparler,
aujourd’hui.Kiersten?Lafouleexulta.—Kiersten,tupeuxmerejoindre?Mapetitefemmefitlechemindepuislesgradinsjusqu’aucentreduterrainsousleshurlementset
les«hourra».—Bonsang,commentai-jedanslemicro,tuesaussibellequelepremierjouroùjet’aivue.Lesjouesaussirougesquesescheveux,ellefranchitlesderniersmètresquinousséparaient.—Petitagneau,repris-je.Elle leva les yeux au ciel, mais je voyais bien qu’elle était heureuse. Je devais contenir
l’enthousiasmequejeressentaisdepouvoirenfinladéclarermienne.—Quandjet’airencontrée,j’avaislecœurenmiettes.Lafoulesetut.—J’étaisempoisonnéparquelquechosequimedépassait.Certainspensentquec’estunmiraclesi
jesuislà,aujourd’hui;d’autresattribuentçaauxmédicaments.Maismoi,ajoutai-jeenluiprenantlesmains,jeconnaislavérité.Ellefronçalessourcils.—Quand je t’ai rencontrée…ehbien, tum’as soigné.De l’intérieur, tout entier.Ensembleona
vaincu nos peurs, on a appris, on a ri et on a aimé. Je te jure, tu as fait battre mon cœur plusintensémentaucoursdesmoisécoulésqueduranttoutemavie.Moncœurestentierparcequetuaschoisidepartagerletienavecmoi,etc’estpourçaquejevaistombernonpassurun,maissurmesdeuxgenoux…Jem’agenouillaidevantelle,sanslâchersamain.—Etjetedis«merci».Mercidem’avoirsauvélavie,mercid’avoirétémaforcequandjen’en
avaispas.J’aimeraispenserquenoscœurssontmêléspourtoujours,maissachantqueçan’estpasuneunionlégaleausensstrict,j’aiunequestionpourtoi.Danslestade,onentenditdeshalètements.
—Tuveuxbienm’épouser?Fairedemoil’hommeleplusheureuxdelaterre?J’ouvris l’écrin, révélant la bague demamère.Celle que j’avais vue en fermant les yeux avant
l’opération.Un solitaire de trois carats, taillé à l’ancienne, avec lesmots «Mon cœur pour toi »gravésà l’intérieurde l’anneau.Monpèrem’avaitditque lorsqu’il l’avait faitgraver, ilnepensaitqu’à sonamourpourmamère. Jamais il n’aurait imaginéquecettephrasepuisseprendreun sensdifférentpournous.Peut-être,ouipeut-être,qu’ilyavaiteneffetuneraisonpourquetoutçasoitarrivé.Peut-êtreque
lescoïncidencesn’existaientpas.Jedéglutisdansl’attentedelaréponsedeKiersten.Avecuncri,ellejetalesbrasautourdemoncou,mefaisantvacillerenarrière.Etsabouchetrouva
lamienne.Jegoûtaiseslèvres.—Çaveutdire«oui»?grognai-jecontresabouche.—Çaveutdire«pourquoiçat’aprissilongtemps?»!Ellemedonnauneclaquesurletorse,puisdétournalesyeuxalorsquedeslarmesdégoulinaientle
longdesesjoues.—Jet’aime,WesMichels.—Ohoui.Ungrandsourireauxlèvres,elledésignasontee-shirt.—Tuaimes?—J’adore.—J’♥WesMichels,chuchota-t-elleenm’embrassantdeplusbelle. Je t’auraisdonné lemien, tu
sais…—Quoi?demandai-je,perdu,laserranttoujoursdansmesbras.—Moncœur…Jevistremblersalèvreinférieure.—Jetel’auraisdonné…pourtesauver.J’auraisfaitn’importequoi.—Jeveuxbienleprendrequandmême.—Quoi?—Toncœur,murmurai-je.Jeleprends,sil’offretienttoujours.Jeleveuxtoutentier,mêmeles
morceauxcassés,lespiècesquines’assemblentplus.Jeveuxtout.Toutdetoi.J’aibesoindetout.—Tul’as.Elle resserra son étreinte autour demon cou, avant de sauter dansmesbras et d’envelopper les
jambesautourdemataille.Les équipes de photographes devenaient dingues, à essayer de capturer nos corps sous tous les
angles. Et exactement comme je l’avais prévu, le feu d’artifice se déclencha pile au moment oùretentitlachansonBeneathYourBeautiful.—Waouh!s’exclama-t-elleenrenversantlatêteenarrièrepourregarderleciel.Toi,tuaslechic
pourfaireleschosesengrand!—JesuisunMichels,répondis-jeavecunclind’œil.Bon,fautallergagnerlematch,maintenant.Onauraitperduquej’auraisquandmêmeétéheureux.Heureusement,onneperditpas.Lesjauneet
vert n’étaient plus. Gabe semblait sur le point de verser des larmes de joie, et puis il se mit àinvectivernosadversaires.Ondutl’éloignerenurgencedessupportersdesDucks.JesaisislamaindeKierstenetl’embrassai.Jen’avaisqu’uneenvie:larameneràlamaison.Manominationcommemeilleurjoueurdel’année?Çanevalaitrien.Êtreprisenliguenationale
defootball?Riennonplus.MaisKiersten…Alorslà,oui.Elleétaittout.Jepartis donc rapidement. Jedis au revoir aux caméras, aux flashs, à la célébrité. Jenevoulais
qu’elle.Etdansletunnelsombrequinousconduisaitàl’extérieurdustade,ensentantl’alliancedemamèrecontremondoigt,jesusquejecommençaislerestedemavie.
6.ChansondeLilWaynesouvententonnéedanslesgradinspoursupporteruneéquipeenvertetjaune.
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Milady
REMERCIEMENTS
Avanttout,jedoisremercierDieu.Cettehistoiren’auraitpasexistésanslesbonheursconstantsdontIlémaillemavie.C’estgrâceàLuiquejesuisenmesuredefairetoutcequejefaischaquejour.Commebeaucoupd’entrevouslesavent,mononcleJoBobestatteintd’uncancerenphaseterminale.J’ai écrit ce roman en son honneur, et en celui de tous ceux dont la vie a été marquée par cettemaladie.Sivoustraversezcetteépreuveavecvosamisoudesmembresdevotrefamille,j’espèrequecelivrevousdonneralesarmespoursurmonterl’inévitabletristesseetvousaideraàguérir.MerciàGrandCentralPublishingdem’avoirencouragéeàprendreletempsd’écrirecettehistoire,etdem’avoirsoutenuetoutaulongduprocessusd’écriture.LaurenPlude,tuesuneéditriceincroyable.Je l’ai déjà dit, je vais le dire de nouveau : c’est un privilège de travailler avec toi et l’équipe deGrandCentral.LauraHeritage,mercipourlesmilliersd’heuresquetuaspasséesàrelireetàéditercelivrealorsquetuattendaisunenfant.Leprésentouvragen’auraitpasvulejoursanstesbonssoins.Sansrire,tuesunestar!Quellechancej’aidetecompterparmimesamis!Monéquipe sur le terrain,mesbêta-lecteurs, jevous aime !Vous avez été lespremiers à avoir ceromanentrelesmains.J’ignorecequejeferaissansvotresoutien,vosencouragementsconstantssurFacebook!Vousêtesmadeuxièmefamille.Commetoujours,quevousayezaiméoudétestélelivre,laissezuncommentaire.Chaquecritiqueestutile.Lesbénéficesdesdeuxpremièressemainesdecommercialisationduromanservirontàfinancerlessoinsmédicauxdemononcle.LeresteserareverséàMake-A-Wish.N’hésitezpasàrecommandercelivreautourdevous,àvosamis,votrefamille.Sivousavezaimé,parlez-en.Sivousn’avezpasaimémaisquevouslepensezsusceptibled’aiderquelqu’un,faites-lecirculer.Mercidem’avoirlue.
RachelVanDykenestuneplumederéférenceenromanceetnewadult.Quandellen’estpasoccupéeàécrire,elledescenddeslitresdecaféchezStarbucksouposelesjalonsdel’histoiredesonprochainromanenregardantleBacheloràlatélévision.Ellevitdansl’IdahoencompagniedesonépouxetdeSirWinstonChurchill,leurboxerquironfle.
MiladyestunlabeldeséditionsBragelonneTitreoriginal:RuinCopyright©2013RachelVanDykenTousdroitsréservés.©Bragelonne2016,pourlaprésentetraductionPhotographiedecouverture:©ShutterstockL’œuvreprésente sur le fichierquevousvenezd’acquérirestprotégéepar ledroitd’auteur.Toutecopieouutilisationautrequepersonnelleconstitueraunecontrefaçonetserasusceptibled’entraînerdespoursuitescivilesetpénales.ISBN:978-2-8205-2606-9Bragelonne–Milady60-62,rued’Hauteville–75010ParisE-mail:[email protected]:www.milady.fr
CouvertureTitreDédicacePrologue1.Kiersten2.Kiersten3.Kiersten4.Kiersten5.Weston6.Kiersten7.Weston8.Kiersten9.Weston10.Kiersten11.Weston12.Kiersten13.Weston14.Kiersten15.Weston16.Kiersten17.Weston18.Kiersten19.Weston20.Kiersten21.Weston22.Kiersten23.Weston24.Kiersten25.Weston26.Kiersten27.Weston28.Kiersten