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1 ACADÉMIE NATIONALE DE MÉDECINE ACADÉMIE NATIONALE DE PHARMACIE ‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐ Réflexions et propositions relatives aux allégations de santé et aux compléments alimentaires RAPPORT COMMUN 1 au nom des groupes de travail respectifs des deux Académies, par Claude JAFFIOL, Membre de l’Académie nationale de Médecine Président du groupe de travail ANM Pierre BOURLIOUX, Membre de l’Académie nationale de Pharmacie, Président du groupe de travail ANP Jean-Paul LAPLACE, Membre de l’Académie nationale de Médecine, Co‐rédacteur 1 La documentation du présent rapport a été arrêtée à fin octobre 2010.

Réflexions et propositions relatives aux allégations de ... · Sécurité sanitaire des Aliments ... Aliments; quelles ... généraux et exigences générales de la législation

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ACADÉMIENATIONALEDEMÉDECINE

ACADÉMIENATIONALEDEPHARMACIE‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐

Réflexionsetpropositionsrelativesauxallégationsdesanté

etauxcomplémentsalimentaires

RAPPORTCOMMUN1

aunomdesgroupesdetravailrespectifsdesdeuxAcadémies,par

ClaudeJAFFIOL,Membredel’AcadémienationaledeMédecinePrésidentdugroupedetravailANM

PierreBOURLIOUX,Membredel’AcadémienationaledePharmacie,PrésidentdugroupedetravailANP

Jean­PaulLAPLACE,Membredel’AcadémienationaledeMédecine,Co‐rédacteur

1Ladocumentationduprésentrapportaétéarrêtéeàfinoctobre2010.

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Compositiondugroupedetravail

del’AcadémienationaledeMédecine

Président

‐ClaudeJAFFIOL,Membretitulairedel’ANM2

Mesdames

‐MoniqueADOLPHE,Membretitulairedel’ANMetdel’ANP3

‐MoniqueASTIER‐DUMAS,Membrecorrespondantdel’ANM

‐Denise‐AnneMONERET‐VAUTRIN,Membretitulairedel’ANM

Messieurs

‐Jean‐MarieBOURRE,Membretitulairedel’ANM,etmembrecorrespondantdel’AAF4

‐DanielCOUTURIER,Membretitulairedel’ANM

‐Jean‐FrançoisDUHAMEL,Membrecorrespondantdel’ANM

‐MauricePaulDURAND,Membrecorrespondantdel’ANMettitulairedel’AVF5etdel’AAF

‐Claude‐PierreGIUDICELLI,Membretitulairedel’ANM

‐Jean‐PaulLAPLACE,Membretitulairedel’ANMetdel’AVF

‐PatriceQUENEAU,Membretitulairedel’ANMetMembrecorrespondantdel’ANP

‐JacquesRISSE,Membretitulairedel’ANM,del’AVF,etdel’AAF

2ANM:AcadémienationaledeMédecine3ANP:AcadémienationaledePharmacie4AAF:Académied’AgriculturedeFrance5AVF:AcadémievétérinairedeFrance

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Compositiondugroupedetravail

del’AcadémienationaledePharmacie

Président

‐PierreBOURLIOUX,Membretitulairedel'ANPetMembrefondateurdel'AT6

Membres

‐MoniqueADOLPHE,Membretitulairedel'ANPetdel'ANM

‐RobertANTON,Membretitulairedel'ANP

‐FrançoisCHAST,Présidentdel'ANP

‐PatrickCHOAY,Membretitulairedel'ANP

‐FrançoisCLOSTRE,Membretitulairedel'ANP

‐LucCYNOBER,Membrecorrespondantdel'ANP

‐PierreDELAVEAU,Membretitulairedel'ANPetdel'ANM

‐RémiGLOMOT,Membretitulairedel'ANP

‐JoëlGUILLEMAIN,Membretitulairedel'ANP,PrésidentduCESBiotechnologies‐ANSES7

‐GeorgesHAZEBROUCQ,Membretitulairedel'ANP

‐AnLE,Membrecorrespondantdel'ANPetMembredel'AFSSAPS8

‐Renée‐ClaireMANCRET,Membretitulairedel'ANP

‐RaphaelMOREAU,Membretitulairedel'ANP

‐JacquesPOISSON,Membretitulairedel'ANP

‐DidierRODDE,Membretitulairedel'ANP

‐AnneROUBAN,Membretitulairedel'ANP

‐JeanSASSARD,Membretitulairedel'ANPetdel'ANM

Invités

‐ChristineBOULEY,PharmacienConsultanteenNutrition

‐GuillaumeCOUSYN,MembredelaDGCCRF

6AT:AcadémiedesTechnologies7ANSES:AgencenationaledeSécuritésanitairedel’Alimentation,del’Environnement,etduTravail8AFSSAPS:Agencefrançaisedesécuritésanitairedesproduitsdesanté

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LISTEdesABRÉVIATIONS

AESA:AutoritéeuropéennedeSécuritédesAliments

AFLD:AgencefrançaisedeLuttecontreleDopage

AFSSA:AgencefrançaisedeSécuritésanitairedesAliments

AFSSAPS:AgencefrançaisedeSécuritésanitairedesProduitsdeSanté

AMM:Autorisationdemisesurlemarché

ANSES:AgencenationaledeSécuritésanitairedel’Alimentation,del’Environnement,etduTravail

CAPTV:AssociationdesCentresanti‐poisonetdeToxicovigilance

CE:Communautéeuropéenne

CJCE:CourdeJusticedesCommunautéseuropéennes

CLA:conjugatedlinoleicacid

CLCV:Associationdeconsommateurs«Consommation,Logement,CadredeVie»

CNOP:Conseilnationaldel’OrdredesPharmaciens

CPCASA:ComitépermanentdelaChainealimentaireetdelaSantéanimale

CREDOC:CentredeRecherchepourl’Étudeetl’ObservationdesConditionsdevie

CRNH:CentredeRechercheenNutritionhumaine

CSP:CodedelaSantépublique

DGAl:Directiongénéraledel’Alimentation

DGCCRF:DirectiongénéraledelaConcurrence,delaConsommation,etdelaRépressiondesFraudes

DGS:DirectiongénéraledelaSanté

DMLA:Dégénérescencemaculaireliéeàl’âge

EHPM:EuropeanFederationofAssociationsofHealthProductManufacturers

EIP:ExerciceillégaldelaPharmacie

EMA:EuropeanMedicineAgency

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EMEA:AgenceeuropéennedesMédicaments

FDA:FoodandDrugAdministration

HPST:LoiHôpital,Patient,Santé,Territoires

IFN:InstitutfrançaispourlaNutrition

InVS:InstitutnationaldeVeillesanitaire

NIH:NationalInstitutesofHealth

PubMed:serviceoftheUSNationalLibraryofMedicine

SDCA:SyndicatdelaDiététiqueetdesComplémentsalimentaires

SGAE:SecrétariatgénéraldesAffaireseuropéennes

SYNADIET: Syndicat des fabricants de produits naturels, diététiques et complémentsalimentaires

UE:Unioneuropéenne

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Réflexionsetpropositionsrelativesauxallégationsdesantéetauxcomplémentsalimentaires

SOMMAIRECompositiondugroupedetravaildel’AcadémienationaledeMédecine p2Compositiondugroupedetravaildel’AcadémienationaledePharmacie p3Listedesabréviations p4Sommaire p6Introduction:L’alimentnedoitplusseulementnourrir,ilpeutaussiêtrebénéfiqueàlasanté p8Chapitre1:Aproposdeladéfinitiondecertainescatégoriesdedenréesalimentaires p10 Alimentoudenréealimentaire Complémentalimentaire Alimentfonctionnel

Enconséquence… p17

Chapitre2:Aproposdesallégationsdesantéportantsurlesdenréesalimentaires p18 Lesdifférentstypesd’allégations Lesprocéduresd’évaluation Les produits porteurs d’allégations devraient présenter un profil nutritionnel favorable Où en est-on aujourd’hui ? Que peut-on attendre de la mise en place de cette réglementation sur les allégations ? Le Registre communautaire des allégations nutritionnelles et de santé :

dispositions transitoires Les différents types de compléments alimentaires Enconséquence… p31

Chapitre3:Commentéviterlerisquedeconfusionaveclesmédicaments p33 AuniveaudelaCourdeJusticeeuropéenne AuniveauduConseilnationaldel’OrdredesPharmaciens Lescomplémentsalimentairesenofficinefaceàl'arsenalthérapeutiqueenFrance

Enconséquence… p37

Chapitre4:Quelleplacepourlescomplémentsalimentairesàbasedeplantes? P38 Quels sont les différents types de plantes peu ou non concernéespar le problème spécifiquedescomplémentsalimentaires?

Lecasdesplantesambivalentes L’originalitédescomplémentsalimentairesàbasedeplantes

LesimpératifsàsatisfaireLemodèledumédicamentàbasedeplantesetlesAMMcorrespondantesLestextesofficielsderéférenceDesdifficultésinsurmontablessefontjourQuelquespropositionsconcrètesQuelquesrecommandations

Enconséquence… p46

7

Chapitre5:Commentassurerlasécuritéd’emploidescomplémentsalimentaires p47 Lesrisquesetdangersdescomplémentsalimentaires Surveillance:lanutrivigilance

Enconséquence… p50

Chapitre6:Commentassurerlaprotectionduconsommateur p51 Enconséquence… p52

RecommandationsdesAcadémiesdeMédecineetdePharmacie p53Annexe1:Lemarchéfrançaisdescomplémentsalimentaires p55Annexe2:L’industriedescomplémentsalimentairesenFrance p57Annexe3:Alimentsoumédicaments? p59Annexe4:FormationenNutritiondesétudiantsenPharmacie p74Annexe5:Auditiondesexperts p80Annexe6:Sécuritéd’emploidescomplémentsalimentaires p85

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IntroductionL’alimentnedoitplusseulementnourrir,ilpeutaussiêtre

bénéfiqueàlasantéLanotionselonlaquellel’alimentationestunfacteurparticulièrementimportant,voire

déterminant, pour la santé est une notion ancienne. On la retrouve déjà chez

Hippocrate9, 5 siècles avant J.C., chez Galien10 2 siècles après J.C., ou encore chez

Avicenne11alentourdel’anMille,commel’arappeléP.Bourliouxdansuneintervention

récente12.

Cettenotionaprogressivementévoluéavec la reconnaissancede la valeurdiététiquedes

aliments, l’identification des constituants des aliments, le développement de la chimie

organique et celui des sciences de la nutrition. L’industrialisation de la chimie a ouvert la

voieàlapharmacie,tandisquelamaîtrisetechnologiquedelatransformationdesalimentsa

préparél’industrieagroalimentairemoderne.

Les vertus prêtées aux aliments ou à leurs constituants étant devenues des propriétés

clairementétablies,lesconsommateurssonteux‐mêmesdevenusdeplusenplusattentifset

réceptifs aux promesses santé des aliments et compléments alimentaires aujourd’hui

disponibles.Enréponseàcetteattente,lesproduitsalimentairesrevendiquantunbénéfice

nutritionneloude santé se sontmultipliés, etpar làmême,empiètent sur ledomainedu

médicament. On doit donc se poser la question : Aliments ‐ Médicaments : quelle(s)

frontière(s)?

Danslecadredecesexplications,ondoitconstaterlesélémentssuivants:Ilyauneavancée

importantede l'alimentdans ledomainedumédicamentquisetraduitsimultanémentpar

unerestrictiondudomainedumédicamentetparuneextensiondudomainedel'aliment.

9Hippocrate:l’aliment,chaquefoisquec’estpossible,doitresterlepremiermédicament(CorpusHippocraticum).10Galien:traitésurlaconservationdelasanté(Desanitatetuenda)puistraitésurlespropriétésdesaliments(Dealimentorumfacultatibus).11Avicenne:«Situtiensàmaintenirenbonétatletempéramentdequelqu'un,donne‐luiunealimentationappropriée».(Avicenne,Poèmedelamédecine,792).12P.Bourlioux:Médicaments‐Aliments;quellesfrontières?In:Alimentsdedemainetsanté:réalitésetfantasmes(réunionduGCASVS,25mars2010),Dossierscientifiquen°16del’IFN,pp.119‐133.

9

C'estainsiquelapréventiondenombreusesmaladies,liéedetouttempsàunealimentation

"saine",aprisunenouvelledimension,avufleurirdifférentescatégoriesd'alimentssantéde

typealimentsfonctionnels,complémentsalimentaires...quel'onretrouvesousdesnomsà

consonancetrompeusedutype"alicament"ou"nutraceutique",etsurtouts'estvueoffrirla

possibilitéd'alléguerdespropriétéssanté.

Ce nouveaumarché est aujourd’hui l’objet d’enjeux industriels et commerciauxpuissants.

Une très forte pression économique et concurrentielle constitue une source de dérapage

quant à la réalité des promesses. Mais de nombreux pays ont considéré au cours des

dernièresdécenniesque l’innovationétait susceptibled’ouvrirdenouvellesperspectivesà

unbonusagedel’alimentation.

La question est de savoir si certains aliments sont effectivement dotés de propriétés

particulières,etsilapopulationgénérale(oudesgroupesparticuliers)peutentirerunréel

bénéfice.Ceci imposededéfinir lesconditionsdevalidation,decommunicationetdesuivi

des allégations portant sur les denrées alimentaires au travers d’un cadre réglementaire

spécifiquedontavoulusedoterl’Unioneuropéenne.

Danscetteperspective, leRèglementN°1924/2006duParlementeuropéenetduConseil,

endatedu20décembre2006,modifiéendatedu18janvier2007,estentréenapplication

endatedu1er juillet2007.Ilencadrelesallégationsnutritionnellesetdesantéportantsur

lesdenréesalimentaires,objet jusqu’alorsde toutessortesdepromesses fantaisistes sans

fondement.Laqualitédel’alimentationétantunimportantfacteurd’environnementpourla

santé, lesAcadémiesnationalesdeMédecineetdePharmacie ont souhaitéfaire lepoint

surlamiseenœuvredeceRèglementtroisansaprèssonentréeenvigueur.

10

Chapitre1

Aproposdeladéfinitiondecertainescatégoriesdedenrées

alimentaires

«Alimentoudenréealimentaire»:

La définition du vocable aliment (ou denrée alimentaire) se trouve dans l’Article 2 de la

réglementation N° 178/2002 du Parlement européen et du Conseil (28 janvier 2002) qui

expose les principes généraux et exigences générales de la législation alimentaire, établit

l’Autoritéeuropéennedesécuritéalimentaire (AESA)et reprend lesprocéduresen termes

desécuritéalimentaire.

AuxfinsduRèglementN°1924/2006,onentendparalimentoudenréealimentaire«toute

substance ou produit, transformé, partiellement transformé ou non transformé, destiné à

être ingéré ou raisonnablement susceptible d'être ingéré par l'être humain». Ce terme

recouvre lesboissons, les gommesàmâcheret toute substance, y compris l'eau, intégrée

intentionnellement dans les denrées alimentaires au cours de leur fabrication, de leur

préparationoudeleurtraitement.

Ilestrappeléque leterme"denréealimentaire"necouvrepas lesalimentspouranimaux,

lesanimauxvivantsàmoinsqu'ilsnesoientpréparésenvuedelaconsommationhumaine,

lesplantesavantleurrécolte,lesmédicaments,lescosmétiques,letabacetlesproduitsdu

tabac,lesstupéfiantsetlessubstancespsychotropes,lesrésidusetcontaminants.

«Complémentalimentaire»:

LedécretparuauJ.O.delaRépubliquefrançaiseendatedu15avril1996ad’aborddéfinile

complément alimentaire comme « un produit destiné à être ingéré en complément de

l’alimentation courante afin de pallier une insuffisance réelle ou supposée des apports

journaliers». Cette définition fait donc clairement des compléments alimentaires une

catégorie d’aliments dotés d’une valeur nutritionnelle (minéraux et vitamines). Il ne peut

s’agir en aucun cas d’une sorte de médicament doté d’une quelconque activité

thérapeutique.

Cette première définition a été complétée par la directive européenne 2002/46/CE

applicablepourlamiseenœuvreduRèglement,etellemêmerepriseparledécret2006‐352

11

publié au J.O. de la République Française le 20 mars 2006. On entend désormais par

complémentalimentaire“toutesubstanceouproduittransformé,partiellementtransformé

ou non transformé destiné à être ingéré ou raisonnablement susceptible d’être ingéré par

l’êtrehumaindontlebutestdecompléterlerégimealimentairenormaletquiconstitueune

source concentrée de nutriments ou d’autres substances ayant un effet nutritionnel ou

physiologiqueseulsoucombinés,commercialiséssousformededosesdestinéesàêtreprises

enunitésmesuréesdefaiblequantité».

Cettenouvelledéfinitionrestebiendanslecadredel’aliment,maiselleajouteàlalistedes

produits“autorisés”toutesubstanceayantuneffetnutritionnelouphysiologique.Cesont

donc des substances d’une extrême diversité: vitamines et minéraux, micronutriments,

acidesaminés,anti‐oxydants,plantes,phytoconstituants.Quoiqu’ilensoitlescompléments

alimentairessontbiendesdenréesalimentairesetfontdoncpartieduchampd’application

du Règlement N° 1924/2006. Mais, on s’éloigne avec cette définition de celle que

Trémolières donnait aux aliments à savoir «une denrée alimentaire comestible,

nourrissante, appétente, et coutumière». On s’en éloigne d’autant plus que ces produits

sontprésentéssousdesformes«pharmaceutiques»detypegélules,comprimés,tablettes,

etc … ce qui les rapproche insidieusement des médicaments. De surcroit, ils peuvent, à

conditiond'enapporterlespreuvesscientifiques,êtreporteursd'allégationsanté,aumême

titre que des aliments santé tels qu'un yaourt ou des aliments fonctionnels tels qu'une

margarineenrichieenphytostérols,quifontpartiedel'alimentationetquin'ontrienàvoir

aveclaprésentationdescomplémentsalimentaires.

Enoutre,cettedéfinition,quiprenddoncoriginedansladirective2002/46/CE,faitappelà

une action "nutritionnelle" ou "physiologique" que l'on retrouve dans la définition du

médicament, établie par la directive 2004/27/CE. En effet, la nouvelle définition du

médicamentparprésentationestlasuivante:

« Toute substance ou composition pouvant être utilisée chez l’hommeou pouvant lui être

administréeenvuesoitderestaurer,decorrigeroudemodifierdesfonctionsphysiologiques

enexerçantuneactionpharmacologique, immunologiqueoumétabolique,soitd’établirun

diagnosticmédical».

Cettenotiondephysiologieversuspharmacologieméritequ'ons'yarrêteunmomentcarce

quiestnouveaurésidedanslefaitquelemédicamentparfonctiondoitexerceruneaction

pharmacologique, immunologique ou métabolique, précision importante qui restreint le

12

champd’applicationdumédicament. Ilnesuffitplusque lasubstancerestaure,corrigeou

modifie des fonctions physiologiques ; il faut qu’elle le fasse par une action

pharmacologique,immunologiqueoumétabolique.Adéfaut,cen’estpasunmédicament;

cepeutêtreunsimplealiment.Maisonpeutaussis’interrogerà loisirpoursavoirenquoi

l’action«métabolique»estoun’estpasnutritionnelleouphysiologique.

Commentdifférencierl'effetphysiologiquedel'effetpharmacologique?

Ons’aperçoitque laplupartdesdocumentsqui traitentdesdifférencesquiexistententre

compléments alimentaires et médicaments n’abordent que les aspects réglementaires,

juridiquesoucommerciaux.Rarementlaterminologie.Enparticulier,ladéfinitiond’uneffet

physiologique par rapport à celle d’un effet pharmacologique que les pharmacologues

utilisentcourammentpourqualifierleseffetsdesmédicaments.

Lesdéfinitionsd’uncomplémentalimentaireetd’unmédicamentpermettentd'identifierles

différences:

‐dansladéfinitiond’uncomplémentalimentaire,onpeutlire:«…lesdenréesalimentaires,

dontlebutestdecompléterlerégimealimentairenormal,constituentunesourceconcentrée

de nutriments et autres substances ayant un effet nutritionnel ou physiologique seuls ou

associés …». Cette définition indique pour le complément alimentaire un effet

physiologique;

‐ et dans celle d’un médicament: «toute substance ou composition pouvant être

administrée à l’homme en vue de restaurer, corriger ou modifier les fonctions

physiologiqueschezl’homme.».Lemédicamentexerceuneffetpharmacologique.

Ilfautdoncdistinguerentre:

‐unproduitquientretientdesfonctionsphysiologiquesnormalesparuneffetnutritionnel

diteffetphysiologique,

‐ et un produit qui corrige des perturbations («dysfonctions») physiologiques, donc des

pathologies.C’estlemédicament.Touslestypesdemédicaments,ycomprisceuxd’origine

naturelle.Ils’agitd’uneffetpharmacologiqueouthérapeutique.

La première notion qui ressort de l’analyse de ces définitions est le maintien, par les

complémentsalimentaires,oularestauration,parlesmédicaments,d’unétatd’équilibre,en

d’autrestermesdel’homéostasie.

13

Rappelons brièvement que l’homéostasie est le maintien de la constance du milieu

intérieur d’une cellule, d’un système ou d’un organisme ou, encore, la capacité que peut

avoirunsystème,qu’il soitouvertou fermé,àconserversonéquilibrede fonctionnement

normalendépitdescontraintesextérieures.

Ainsi,maintenirl’homéostasieseferaparuneffetphysiologique,larétablirencorrigeant

unétatpathologiqueseralaconséquenced’uneffetpharmacologique.

S’il existe des frontières juridiques bien définies entre un complément alimentaire et un

médicament,nousn’avonspasidentifiédefrontièreclaireentreuneffetphysiologiqueet

un effet pharmacologique. Il s’agit plutôt d’un continuum entre la physiologie et la

pharmacologie, entre un état d’équilibre et l’apparition d’un état pathologique et, donc,

d’uncontinuumentreuneffetphysiologiqueetuneffetpharmacologique.

Unemêmemolécule,unmêmeproduit,unemêmeplantepourrontd’ailleursavoirlesdeux

enfonctiondeladose,enfonctiondelaprésentationouenfonctiondel’intentiondugeste

thérapeutiqueouduconseilnutritionnel.

Lanotiond'intentionesttrèsimportante

Prescrire ou conseiller un médicament implique l’intention de traiter, de corriger ou de

restaurerunefonctionphysiologiquealtéréeparunétatpathologique.Unmédicamentest

ainsiprescritdanslebutdepréveniroudetraitercetétatpathologique.

Cequin’estpas toutà fait le casdesdenréesalimentairesqui serontplutôtconsommées

dansunbutdesatiété,deplaisiroudeconvivialité,nidescomplémentsalimentairesdont

lesobjectifssontenprincipelemaintiend’unétatd’équilibrephysiologique,mêmes’ilssont

trop souvent utilisés pour faire «plus que sa physiologie» (être mieux bronzé, plus en

forme,plusmince,…).

Demêmequeladoseutilisée

Rappelonsquedansl’étymologiedepharmacologie,pharmakonsignifieàlafoisleremède

etlepoison.C’estévidemmentunequestiondedose.

Ilenestdemêmepourbonnombredeplantesquipeuventavoirdeseffetsphysiologiquesà

desdoses faiblesoumodérées,deseffetspharmacologiquesàdesdosesplus importantes

et,parfois,deseffetstoxiquesàfortesdoses.

14

Certainesplantesnesont‐ellespasàlafois

‐desdenréesalimentaires,sourcesdevitamines,defibresoudeminéraux,

‐descomplémentsalimentairesdotésd’effetsphysiologiques,

‐toutenfaisantpartie,àplusfortesdoses,delacompositiondecertains

médicamentsavecdespropriétéspharmacologiquesbienprécisées?

Casdesplantes

L’acideascorbiquecontenudans lesagrumesd’uncomplémentalimentaireauraituneffet

physiologique, mais l’acide ascorbique d’un complexe vitaminique ou d’un produit

«antigrippal»venduenpharmacieauraituneffetpharmacologique?Onpeutseposer la

question.

D’autre part, le distinguo entre plante alimentaire et plante médicinale sera quelquefois

difficile à faire.Oignon, ail,myrtille, cassis, fruits et légumes riches en flavonoïdes ou en

polyphénols, par exemple. Ces produits ont‐ils un effet physiologique ou un effet

pharmacologique,oulesdeuxselonlescas?

Pourl’ail,l’Allemagnerefusaitdeconsidérercetteplantecommeunedenréealimentaireen

raisondesespropriétéspharmacologiquessurlapressionartérielle,lacoagulationsanguine

etlestauxdelipides.Cequin’étaitpasl’avisdespayseuropéensduSudquiconsidéraient

queleseffetsdel’ailnesontquephysiologiques.LaCJCEatranchéenprenantunarrêtéle

15novembre2007quiprécisequeleseffetspharmacologiquesnesontpasspécifiquesaux

médicaments!!Cetarrêt tenddoncàautoriseruncomplémentalimentaireà seprévaloir

d’uneffetpharmacologique,audelàd’effetsnutritionnelsouphysiologiques.

Parconséquent,etmalgréladécisionprécitée,letermed’effetphysiologiquenoussemble

devoir être réservé aux produits qui, en préservant l’homéostasie de l’organisme,

entretiennent et/ou maintiennent des fonctions physiologiques normales alors que celui

d’effet pharmacologique qualifierait des produits aptes à corriger les troubles

pathologiquesquiperturbentlesfonctionsphysiologiquesnormalesdel’organisme

Alors se pose le problème du statut de ces produits ce qui conduit à se poser un certain

nombredequestions : les typesdeproduitsadmispar la législation, lesdosesemployées,

leurjustification,lespreuvesdeleurefficacité,lescontrôlesexigés,lesrisquesencouruspar

lesutilisateurs…

15

«Alimentfonctionnel»:

Il n’est sans doute pas inutile de préciser ce que recouvre la notion de propriété

fonctionnelledesaliments.Eneffet,l’émergenceduconceptd’alimentfonctionnelpourune

nutrition optimisée, puis la construction des bases scientifiques susceptibles d’asseoir la

démonstration de la fonctionnalité, et la mise au point d’une méthodologie rigoureuse

appuyéesurdesmarqueurs,sontdesdéveloppementsrelativementrécents13.

Les bases scientifiques d’une science des aliments fonctionnels répondent à deux grands

objectifs: 1) identifier des interactions bénéfiques entre la présence ou l’absence d’un

constituant de l’aliment et une fonction spécifique de l’organisme; 2) comprendre les

mécanismes sous‐jacents. De fait l’évidence scientifique vient à l’appui de l’idée selon

laquelle certains aliments pourraient avoir des effets positifs: la recherche a conduit à

identifier et comprendre les mécanismes d’action de composants biologiquement actifs

présents dans l’aliment et susceptibles d’améliorer la santé, voire de réduire le risque de

maladie,toutenaméliorantglobalementlebien‐être.

Cesontcesélémentsscientifiquesquiontconduitàlanotiond’alimentfonctionnelapteà

procurerdetelsbénéfices,audelàdeleurrôledanslacouverturedesbesoinsnutritionnels,

commelafacultéderecueillirdesréponsesphysiologiquesàl’aliment,différenciéesselonle

patrimoinegénétique,danslaperspectived’unealimentationpersonnalisée»14.

L’une des premières questions qui se posent est de savoir si n’importe quel aliment peut

être qualifié de fonctionnel. Bien des définitions ont pu être données à travers lemonde

sans qu’un consensus soit établi autour d’une définition officielle ou communément

adoptée:

Pourcertains,toutalimentestfonctionnelpuisqu’ilfournitdesnutrimentsetexerce

uneffetphysiologique.Levocabled’alimentfonctionneldevraitalorsêtreconsidéré

commeunequalificationrelevantdumarketingpourunalimentdontl’effetattractif

reposesurl’allégationqu’ilporteetlaperceptionqu’enaleconsommateur.Dèslors

n’importequelaliment,pourvuqu’ilfassel’objetd’unmarketingapproprié,pourrait

13J.P.Laplace,Allégationsnutritionnellesetdesantépourlesproduitsalimentaires:quelavenir?Bull.Acad.NatleMéd.,2006,190(8),1663‐1682.14EuropeanCommission,Brochure2010FunctionalFoods,28pp.

16

être qualifié de fonctionnel. On perçoit aisément les risques de dérive d’une telle

conception. Cependant, un certain nombre d’aliments considérés comme

«fonctionnels»sontsimplementdesalimentscompletsnaturelspour lesquelsune

information scientifique nouvelle relative à leurs propriétés bénéfiques sert de

supportàuneallégation.Ilenvaainsidebeaucoupdevégétaux(fruits,graines)du

poisson, des produits laitiers ou carnés, qui contiennent plusieurs composants

naturelsbénéfiquesaudelàdel’effetnutritionnel,tels le lycopènedestomates, les

acidesgrasoméga3dusaumon,voirecertainsconstituantsduthéouduchocolat.

D’autresconsidèrentqueseulsdesalimentsenrichisouaméliorésenunconstituant

dotéd’uneffetbénéfiquepourlasanté,devraientêtrequalifiésdefonctionnels.Un

alimentfonctionneldevraitêtreciblé,soitpourlapopulationgénérale,soitpourun

groupeparticulierdéfiniparexempleparsonâgeousonpatrimoinegénétique.

Enfin bien des définitions suggèrent également qu’un aliment fonctionnel devrait

être,oudevraitressembleràunalimenttraditionnel,etdevraitconstituerunepart

d’un régime alimentaire usuel, participant à un mode d’alimentation, en étant

reconnucommebénéfiquepourlebien‐êtreetlasanté15.

Endéfinitive, ledocumentdeconsensusdespartenairesduprogrammeeuropéenFUFOSE

proposeladéfinitionsuivante16pourl’élaborationduRèglementeuropéen:

«Un aliment peut être considéré comme fonctionnel si il est démontré de manière

satisfaisante qu’il affecte de manière bénéfique une ou plusieurs fonctions cibles dans

l’organisme, au delà d’effets nutritionnels adéquats, d’une façon pertinente pour une

améliorationdelasantéetdubien‐être,ouuneréductiond’unfacteurderisquedemaladie.

Ildoitresterunaliment;seseffetsdoiventêtreétablispourdesquantitéssusceptiblesd’être

normalementingéréesdanslecadred’unealimentationusuelle;cenesontnidespilules,ni

descapsules,maisunefractiond’unrégimealimentairenormal».

15G.Pascal,Functionalfoods.Thefuture:howtoregulatethesefoods.Nutr.Rev.,1996,54,S29‐S32.16A.T.Diplocketal.,ScientificconceptsoffunctionalfoodsinEurope:consensusdocument.Brit.J.Nutr.,1999,81(suppl.1),S1‐S27.

17

Enconséquence,lesAcadémiesdeMédecineetdePharmacie‐ regrettentquedans lesattendusqui figurententêteduRèglementeuropéenne figurepas une phrase du type: "La nutrition repose d’abord sur une alimentation variée etéquilibrée apportant les éléments nécessaires à l’établissement et au maintien d’unebonnesanté.Seulesdescirconstancesexceptionnellespeuventjustifierdefaireappelàdescomplémentsalimentaires";‐estimentquenedevraientporter lenomdecomplémentsalimentairesque lesproduitsbien définis, (excluant donc les produits à base de plantes), qui sans répondre à ladéfinition dumédicament, sont utilisés en cas de carence ou de déficience (insuffisanced’apportoud’assimilation);‐ soulignent la regrettable confusion induite dans l’esprit du public du fait de laprésentationdescomplémentsalimentairessousformededoses,tellesquelesgélules,lespastilles,lescomprimés,etautresformesanaloguesdepréparationsliquidesouenpoudredestinéesàêtreprisesenunitésmesuréesdefaiblequantité;‐ insistent également sur le fait que, dans la mesure où les compléments alimentairespeuventprésenterunintérêtéventueldanscertainsgroupesdepopulationsspécifiques(ex: femmes enceintes, personnes âgées en institution, jeunes enfants, …), leur utilisationrelèveétroitementduconseilmédicalet/oupharmaceutique.

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Chapitre2

AproposdesallégationsdesantéportantsurlesdenréesalimentairesLeRèglementeuropéenN°1924/2006etsamiseenœuvre

Lerèglement(CE)n°1924/2006duParlementEuropéenetduConseildu20décembre2006

régit l’utilisation des allégations nutritionnelles et de santé portant sur les denrées

alimentaires.

Seloncetexte,uneallégationdesantéestdéfiniecommetoutmessageoureprésentation

"quiaffirme,suggèreou implique l’existenced’unerelationentred’unepart,unecatégorie

dedenréesalimentaires,unedenréealimentaireoul’undesescomposants,etd’autrepart,

lasanté".

A‐Lesdifférentstypesd'allégations

Lerèglementdistingue,danssonarticle2,troistypesd’allégationsdesanté:

lesallégationsnutritionnelles,renvoyantàdespropriétésnutritionnellesbénéfiques

particulières;

lesallégationsdesanté,renvoyantàunerelationentreunedenréealimentaire,ou

l’undesescomposants,etlasanté;

les allégations relatives à la réduction sensible d’un facteur de risque de

développementd’unemaladiehumaine.

Cependant, les deux derniers types sont communément réunis sous une même

dénominationd’allégationsde santé, ellesmêmesdifférenciées selon laprocédurequi les

régiten:

‐allégationsdesantédites«fonctionnelles»ou«génériques»(régiesparl’art13),àsavoir

a) celles relatives au rôle d’un nutriment ou d’une autre substance dans la croissance, le

développement et les fonctions de l’organisme ; b) celles relatives aux fonctions

psychologiquesoucomportementales;etc)cellesrelativesaucontrôledupoids.

‐allégationsdites«spécifiques» (régiespar l'art.14),quiportenta)sur laréductiond’un

facteurderisquedemaladieoub)surledéveloppementetlasantéinfantiles.

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B‐Lesprocéduresd'évaluation

Touteslesallégationsdoiventfairel’objetd’uneévaluationparl'AESA.Lesallégationsqui

sont validées et autorisées sont ensuite intégrées dans des listes positives. Toutefois, les

procéduresdedépôtdesdossiersetd’évaluationscientifiquediffèrentselon lanaturedes

allégations, nutritionnelles (chapitre III), ou de santé (chapitre IV) régies selon les cas par

l’article13ouparl’article14.

‐Cadredesallégationsnutritionnelles(articles8et9)

Lecasdesallégationsnutritionnelles(faibleteneuren...,richeen…,sourcede…,etc.)est

relativement simple. En effet «elles ne sont autorisées que si elles sont énumérées dans

l’annexeetconformesauxconditionsfixéesdansleRèglement».L’annexedéfinitainsitrès

précisément,entermesquantitatifsetanalytiques,lesconditionsspécifiquesd’emploipour

29formulationsd’allégationsnutritionnelles(incluantlesmodificationsendatedu9février

2010).

‐Procéduredesallégationsspécifiquesdel’article14:

Les demandes d’allégations spécifiques sont préparées par les professionnels (fabricants,

distributeurs…). Ces dossiers individuels sont transmis, via l’Etat membre (en France la

DGCCRF),àl’AESApourévaluationscientifique.L’AESAdoitrendresonavisdansundélaide

5 mois, avec une prorogation possible de 2 mois maximum en cas de demande de

renseignements complémentaires au demandeur. L’AESA transmet son avis et un rapport

d’évaluationàlaCommission,auxEtatsmembresetaudemandeur.LaCommissionaalors

deux mois pour proposer un projet de décision au CPCASA. L’adoption de la décision

définitivesuituneprocédurecomplètede«comitologie».Aufinal,lesallégationsautorisées

sont listées, au fur et à mesure de leur adoption, dans un registre communautaire

spécifique.Cetteprocédureestdécriteauxarticles15à19durèglement.

Ce qui est important à retenir ici, c’est que chaque dossier passe par une phase

d’évaluation scientifique très poussée. Les demandeurs doivent constituer un dossier

extrêmementcompletsurlabasedesdispositionsdel’article15.3etduguiderelatifàla

préparation des demandes et aux types de preuves scientifiques nécessaires à la

justificationdesallégations.

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Si le contrôle de la véracité d’une allégation nutritionnelle peut s’effectuer assez

simplement,surlabasededonnéesanalytiques,iln’enestpasdemêmepourlesallégations

de santé, qui s’appuient sur des connaissances scientifiques parfois complexes. La

réglementationreposedoncsurunexamensystématiquedetouteslesallégationssantépar

uncollèged’expertstravaillantdanslecadredel’AESA.Cesexperts,issusdesdifférentspays

européens et sélectionnés pour leurs compétences scientifiques, sont nommés pour 3

annéesrenouvelables.Leurindépendanceestgarantieettouslesconflitsd’intérêtpotentiel

sontdéclarés.Leursopinionssontaccessiblesà tous,via leurpublicationrapidesur lesite

internetdel’AESA.

L’opiniondel’AESAn’acependantqu’unevaleurconsultative,etladécisionfinaleestprise

par la Commission Européenne, en accord avec les représentants des Etats membres et,

selonlescas,duParlementEuropéen.Elleintègredoncunedimension«politique»,ausens

premierduterme,quirendbiencomptedelacomplexitédesproblèmesliésàl’alimentation

etàlasantéquidoiventintégrerdespointsdevuemultiples(sociaux,économiques...).

Lorsquel’allégationreposesurdesdonnéesscientifiquesnouvelles,lorsqu’elleconcerneun

produitoudesélémentsscientifiquespour lesquelsunedemandedepropriété industrielle

estdéposée,lorsqu’elles’adresseàdesenfants(de0à18ans),lorsqu’elletraited’unfacteur

de risque de maladie, le demandeur doit fournir un dossier scientifique extrêmement

détailléetétabliselondeslignesdirectricesstrictes.

Ce dossier vise à fournir à l’expert toute l’information qui lui est nécessaire, de façon à

permettreuneévaluationdel’ensembledespreuvesscientifiquesdisponibles.Uneattention

particulièreestportéeauxpointssuivants:

(i) l’allégation doit être suffisamment précise pour être évaluable sur des critères

scientifiquesprécis.Uneallégationtelleque«vousmaintientenforme»pourraainsi

êtrejugéenonévaluable.

(ii) l’allégation santé doit faire état d’un effet réellement bénéfique pour la santé.

Cette assertion qui paraît simple s’avère assez délicate à mettre en pratique. Elle

soulèvelaquestiond’uneffet liéàdesprincipesphysiologiquesfondamentaux. La

capacitédesmarqueursetdesfacteursderisquedemaladieàrendrecompted’un

bénéfice pour la santé doit également être évaluée: le fait d’améliorer certains

paramètres antioxydants peut‐il par exemple signifier que le risque de maladie

cardio‐vasculaireestdiminué?

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(iii) leproduitporteurdel’allégationdoitêtrecaractériséavecprécision.Ils’agitde

s’assurer que le produit proposé au consommateur est bien identique à celui sur

lequel les preuves scientifiques ont été obtenues. Là aussi, la simplicité n’est

qu’apparente:unnutrimentpeutêtreaisémentcaractérisé,maiscelaestplusdélicat

pourunalimentouunecatégoried’aliments,commelesfruitsetlégumes.

(iv) le liendecausalitéentre laconsommationduproduitet l’effetrevendiquédoit

êtreétabli.Ils’agitd’apporterlesélémentsdepreuvenécessaire,dansunedémarche

basée sur l’évidence. Ledossierdoità cetégard réunir l’ensemblede l’information

scientifique pertinente, obtenue par une analyse systématique, exhaustive et

transparentedelalittératurescientifiqueetprésentéesousformesdetableauxtrès

précisément codifiés. L’évaluation s’appuie essentiellement sur des données

humainesprovenantd’étudesépidémiologiquesoud’essaiscliniques,dontlaqualité

doitêtreéquivalenteauxnormes internationalesenvigueurutiliséespar l’industrie

pharmaceutique.

Le niveau d’exigence scientifique est donc très élevé: la rigueur du raisonnement

scientifiqueest lamêmequelquesoit ledomaineauquelelles’appliqueet lesévaluations

portant sur des aliments ou sur des médicaments se dotent ici des mêmes outils et des

mêmesméthodes.

Lesétudescliniquessurlapopulationhumainesaineétantlescritèresderéférencespour

l’AESA,untrèsfaiblenombred’allégationsspécifiquesontpuprospérer(unevingtaineà

cejour).

‐Procéduredesallégationsgénériquesdel’article13:

Il s’agitd’aborddesallégations«article13‐1»,quidécriventoumentionnent le rôled’un

nutrimentoud’uneautresubstancedanslacroissance,dansledéveloppementetdansles

fonctionsdel’organisme,oulesfonctionspsychologiquesetcomportementales,ouencore,

sanspréjudicedeladirective96/8/CE,l’amaigrissement,lecontrôledupoids,lamodulation

dessensationsdefaimoudesatiété,oularéductiondelavaleurénergétiquedurégime.

Cesallégations«fonctionnelles»sontégalementappeléesallégations«génériques»ence

qu’ellessontfondéessurdes«preuvesscientifiquesgénéralementadmises».

Ainsi,etcontrairementàcellesdel’article14,lesallégationsdel’article13ontinitialement

fait l’objet d’un traitement au niveau des Etats membres, qui ont constitué des listes

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nationalesd’allégationsdesanté.Celles‐ciontététransmisesàlaCommissionavantladate

butoirdu31janvier2008.

L’article 13.3 du règlement prévoit que la Commission adopte en une seule fois, après

consultationdel’AESA,unelistecommunautairedesallégationsdesanté«fonctionnelles»

autorisées,auplustardle31janvier2010.

Cettedaten’apasétérespectée,pourplusieursraisons.

‐ Premièrement, et contrairement à ce qui a été prévupour l’article 14, aucundocument

guide n’a été préalablement publié au niveau européen pour aider les Etats membres à

constituer les dossiers d’allégations génériques. La notion de «preuves scientifiques

généralement admises» étant relativement floue, bien des opérateurs ont usé

maladroitementdecetteprocédure«allégée»del’article13‐1(allégationsfaitesSANSêtre

soumises aux procédures de justification scientifique) et proposé des allégations aux

fondements incertains. La consolidation des listes nationales a totalisé 44.000 demandes.

Plus de 30.000 furent jugées non‐conformes par la Commission, soit parce que le dossier

était incomplet, soit parce que l’allégation proposée était interdite (ex : allégation

thérapeutique)ounon‐conformeauxprincipesgénérauxdurèglement(art.3etart.5),soit

encoreparcequel’allégationproposéerelevaitdel’article14.

A l’issue de ce travail de contrôle sur la recevabilité des dossiers, seuls 10.000 ont été

transmisàl’EAESApourévaluationscientifique.

‐ Deuxièmement, et contrairement aux dispositions du règlement, l’AESA a décidé

d’appliquerauxallégationsgénériqueslesmêmescritèresd’évaluationscientifiquequeceux

retenuspourl’examendesallégationsderéductionderisquedemaladie(art.14).

Eneffet, l’article 13.1.cdisposeque les allégationsde santé fonctionnelles«peuvent être

faitessansêtresoumisesauxprocéduresétabliesauxarticles15à19sielles(i)reposentsur

des preuves scientifiques généralement admises et (ii) sont bien comprises par le

consommateurmoyen.»

Cette règle faitéchoauparagraphe26dupréambuleduRèglement,quiprévoitque« les

allégationsdesantéautresquecellesfaisantréférenceàlaréductiondurisquedemaladieet

au développement et à la santé infantiles, reposant sur des preuves scientifiques

généralement admises, devraient faire l’objet d’un type différent d’évaluation et

d’autorisation».

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L’interprétation logiquede cesdispositions est de considérer que le rôlede l’AESAest de

vérifiersilesélémentsscientifiquesproduitsaudossierrelèventd’unconsensusscientifique

sur les effets de telle ou telle substance sur telle ou telle fonction de l’organisme (ex :

vitamineCetsystèmeimmunitaire).

L’AESA n’intervient pas ici dans le même cadre que celui décrit à l’article 16, dont

l’application est d’ailleurs expressément écartée par l’article 13.1.c précité (« sans être

soumise aux procédures établies aux articles 15 à 19 »). Malgré cela, l’AESA a décidé

d’appliquerauxallégationsdel’article13lamêmeméthodologiequepourcellesdel’article

14, en faisantnotammentprimer les résultatsd’études cliniques surdes sujetshumains

surtouteautrepreuvescientifique.Maislesétudescliniquessurdessujetssains,tellesque

peuventlesréaliserlesCRNH,sontraresetcoûteuses,tandisquenombred’étudesportent

surdessujetsmaladesetnonsurunepopulationgénérale.

Ainsi,enmêmetempsqu’elleexige laproductiondepreuvesscientifiques issuesd’études

cliniques,l’AESAenrejettel’extrapolationsurlapopulationengénéral,pourtantconcernée

parlesallégationsdesantégénériques.

‐Troisièmement,l’AESAadécidédepubliersesavisscientifiquesnonpasenuneseulefois

commelevoulaitlaCommission,maisen4vaguessuccessives:

‐unpremierlotenoctobre2009:94avispour523allégationsdont195seulementontreçu

un avis positif; les dossiers relatifs aux plantes et aux probiotiques ont été rejetés,

principalementpourlesprobiotiquesenraisond’insuffisancedecaractérisationdelasouche

(171cas)etdansunedizainedecaspourinsuffisancedepreuvesscientifiques;

‐unsecondlotenfévrier2010:31avispour416allégationsdont8seulementontreçuun

avispositif;

‐untroisièmelotportantsur808demandesaétépubliéle19octobre2010.

Autotalcesontdoncàcejour1745demandesquiontététraitéessur les4637soumises,

avec un taux de validation de l’ordre de 20 p. cent. Le reste des évaluations devrait être

publiéparétapesjusqu’àdécembre2011.

Enfin, les allégations ayant fait l’objet d’un avis positif de l’Autorité européenne doivent

encore faire l’objetd’uneadoptionpar laprocéduredeComitologie.Concernantcellesdu

premier lot d’octobre 2009, un vote est prévu en octobre 2010. Cependant du fait du

nombreimportantdepointssoulevésparlesEtatsmembreslorsdel’examenduprojetde

texte,sonadoptionparaîtassezpeuprobable.

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LaCommissionaclairementindiquéquetoutavisnégatifdel’AESAconduiraitaurejetdela

demande d’allégation. Cependant lors de la réunion de Parme réunissant les experts de

l'AESAetlesIndustriels,enjuin2010,ilaétéditquelesdossiersquiavaientétérefusésmais

quiprésententunintérêt,aurontunesecondechance.Lesdemandeursdevrontredéposer

undossiernouveau,tenantcomptedesdemandesdel'AESA.Cedossierseradéposédevant

l'Agencede l'Etatmembredontdépend le demandeur. C'est l'Agencenationale qui devra

examiner le dossier et le transmettre à l'AESA, si le dossier correspond bien aux critères

demandésparlaCommissioneuropéenne.

C‐Lesproduitsporteursd’allégationsdevraientprésenterunprofilnutritionnelfavorable.

Ilestfortjustementrappeléquelesalimentsdontlapromotioncommercialeestassuréeau

moyend’allégationspeuventêtreperçuscommeprésentantdesavantagesnutritionnelset

lesconsommateurspourraientalorsopérerdeschoixalimentairesmaladaptésaumaintien

d’unbonéquilibrenutritionnel.Ainsi,onpeutimaginerqu’unproduittrèsricheensucreet

en matière grasse saturée soit enrichi en calcium et en vitamines et porte donc une

allégation nutritionnelle conforme à la réglementation tout en véhiculant un message

trompeurdebonnequaliténutritionnelle.Pourévitercettesituation, lelégislateuraprévu

de restreindre l’accès aux allégations aux produits respectant un certain «profil

nutritionnel».Sileprinciped’unetellemesure,trèsnovatricesurleplanréglementaire,se

justifiepleinement,samiseenœuvres’avèrebeaucoupplusdélicate.

Eneffet,l’équilibrealimentairedécouledecombinaisonsd’unegrandevariétéd’aliments,

différentes d’un jour à l’autre et d’un individu à un autre. S’il est évident que certains

aliments contribuent plus que d’autres à cet équilibre, il est également exact que tout

aliment peut s’y intégrer, sous réserve que les fréquences et les quantités consommées

soientadaptéesauxcaractéristiquesnutritionnellesdel’aliment.

De ce fait, il se pourrait que les consommateurs modifient leurs choix, mettant en péril

l’équilibredesquantitésconsomméesdediversnutriments.C’estlaraisonpourlaquelleila

étéjugénécessaired’imposerunerestrictionàlafacultédefaireétatd’uneallégation.Aussi,

avantdedonnerlieuàdesallégationsnutritionnellesoudesanté,lesdenréesalimentaires

doivent respecter un «profil nutritionnel» établi en prenant en considération i) les

quantités de nutriments contenues dans le produit considéré, ii) la place de la denrée

alimentaire et son apport au régime de la population considérée, iii) sa composition

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nutritionnelle globale ainsi que la présence de nutriments reconnus scientifiquement

commeayantuneffetsurlasanté.

End’autrestermes,ceconceptdeprofilnutritionnelreposesurlaprésencedansunaliment

de nutriments considérés comme porteurs d’un risque pour la santé, aliénant par leur

présence ou par leur taux le bénéfice d’un autre constituant qui pourrait être bénéfique.

Cetteidéeaprioriséduisanteafaitl’objetd’uneévaluationmenéeparl’IFNdesclassements

éligibles/non éligibles obtenus par différents systèmes de profilage nutritionnel. Pour six

systèmes de profils nutritionnels préexistants basés sur des algorithmes différents et

opérantsurunebasededonnéesde700produitsalimentairescommercialisésenFrance,il

apparaît que l’éligibilité varie fortement en fonction des groupes et des catégories

d’aliments lorsqu’on évalue la compatibilité d’un système avec la notion d’alimentation

variéeetéquilibrée(exclusionounondegroupesoucatégoriesd’aliments).Lamodélisation

parprogrammationlinéairedelacapacitédechacundecessystèmesàatteindreunobjectif

depertinencenutritionnelle,montrequ’aucundessystèmestestésnepermetdesatisfaire

l’ensembledeshypothèses.Ilapparaîtdoncclairementquelechoixd’unsystèmedeprofils

nutritionnels dans le cadre du Règlement N° 1924/2006 relève avant tout d’un choix

politique.

Ainsi à partir d’un certain seuil de concentration de molécules considérées comme

potentiellement nocives, seuil choisi de manière plus ou moins arbitraire, l’aliment ne

pourraitpasbénéficierd’uneallégation.Ilfautd’embléeattirerl’attentionsurlaperversité

dececonceptlorsqu’ilestérigéenrèglegénéraleetappliquéàl’ensembledelapopulation

alors que le plus souvent seule une fraction génétiquement prédisposée est réellement

concernéeparl’effetdélétèredecertainsnutriments.Ilfautégalementsoulignerl’évolution

rapide des connaissances scientifiques, des nutriments considérés hier comme dangereux

pour la santéétantdemaindédouanés (casde certainsacidesgras saturés) cequidevrait

conduireàbeaucoupdeprudenceàl’égarddecetteidéedeprofilnutritionnel.Autotal,la

notion de profil nutritionnel paraît fragile car, appliquée à tous les produits alimentaires

destinésàunepopulationgénérale,ellenetientpascomptedelasensibilitéindividuellede

chaqueindividu.

Dansunautreregistre,notonsaussiquelanotionde«profilnutritionnel»,introduitedans

leRèglementeuropéenN°1924/2006ensonarticle4,reste,à ladated’entréeenvigueur

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du Règlement, une notion vide de sens en l’absence de définition réglementaire ou

consensuelle.Nous sommes donc confrontés à un Règlement entré en application au 1er

juillet2007,etdontunélément clén’estpasdéfini.Car c’estbien lapièceessentiellequi

manque : le ou les critère(s) d’éligibilité ouvrant droit à porter une allégation. Ces profils

nutritionnelsontdoncfait l’objetdemultiplestravauxscientifiquesde lapartdesAgences

nationales et d’organismes divers dont, en France, l'IFN. Par ailleurs, l’avis scientifique de

l’AutoritéeuropéenneestsollicitéparlaCommission.Cettedernièredevait(article4)définir

au plus tard le 19 janvier 2009 les profils nutritionnels spécifiques que les denrées

alimentaires ou catégories de denrées doivent respecter pour être éligibles à porter des

allégationsnutritionnellesoudesanté.Or l’Autoritéeuropéennearenduunavissurcette

question des profils nutritionnels en janvier 2008, et la Commission européenne devait

présentersonprojetauxexpertsduCPCASAenmars2009soitdéjàaudelàdudélaiprévuà

l’article4duRèglement.Maisàdate (finoctobre2010) ces indicationsn’ont toujourspas

étépubliées.

De fait le dernier projet de texte de la Commission européenne relatif aux profils

nutritionnelsdatedoncdefévrier2009.CeprojetaentrainéunelargecontestationdesEtats

membres (France, Allemagne, Italie, Belgique, Hollande) et de plusieurs services de la

Commission, conduisant le Président Barroso à se saisir personnellement du dossier. La

situationaétéparfaitementqualifiéeparleProfesseurAmbroiseMartin17dansunéditorial

dontnousreprenonsicilestermes.«Cequidevaitêtreunactetechniqueélaboréselonles

principes traditionnels de la comitologie (CPCASA) est en train de prendre une dimension

éminemmentpolitique.EninterneàlaCommission,l’oppositionrésolue…afaitremonterle

sujet sur la table du Président de la Commission, ce qui est un fait exceptionnel pour un

documentaprioritrèstechnique».

Parlasuite,cedossiersensibleaétémisensuspensdansl’attentedurenouvellementdela

CommissioneuropéenneetdelaréélectiondesonPrésident(été2009),etdelapremière

lectured’unprojetdeRèglementsur l’informationduconsommateur (étiquetage),dont la

teneur aurait pu faire évoluer la réflexion. En effet, début 2010, dans le cadre des

discussions de ce projet étiquetage, un amendement a été déposé (et soutenu par de

17A.Martin,Quandlapolitiques’intéresseaux«détails»techniquesennutrition…,CahiersNutr.Diet.,2009,44,97‐98.

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nombreux parlementaires) pour supprimer les profils nutritionnels du Règlement sur les

allégationsnutritionnellesetdesanté.Lorsduvote intervenuen juin2010(1ère lectureau

Parlementeuropéen),cetamendementn’aétérejetéqu’àunevoixdemajorité!

Au delà des réactions fortes de plusieurs pays européens à l’égard du projet de la

Commission, la situation a conduit à une prise de conscience dans notre pays. Ainsi

l’Assemblée nationale et le Sénat ont réagi en termes argumentés contre les dispositions

projetées qui pénalisaient lourdement certains produits laitiers. Ces réactions ont été

hâtivement interprétées commesuscitéespar lapressiond’un«lobby laitier». Mais cela

recouvreenréalité,commelesouligneencore leProfesseurAmbroiseMartin,«uneprise

deconsciencedesdimensionsculturellesdesapprochesrégulatricesconcernantlanutrition:

une tentative d’uniformisation des modes de vie des citoyens européens politiquement

inacceptable, d’autant plus qu’elle est fondée sur un modèle anglo‐saxon très éloigné du

modèle alimentaire français». Aussi le projet qui «ouvrait une voie royale aux produits

industrielsformatés»surdesbasesscientifiquesréductionnistesasombréàl’approchedes

électionseuropéennesdejuin2009.

On comprenddonc que le choix de ces profils nutritionnels, qui conditionnent lamise en

applicationduRèglement, ne soit pas encore arrêté. Pour le ProfesseurAmbroiseMartin,

«ladisparitionpureetsimpledesprofilsneseraitsansdoutepasunebonnenouvellepourle

consommateur, ni pour les nutritionnistes».Cependant, dèsnovembre200718 J.P. Laplace

avaitaffirméenouvrantunsymposiumconsacréàlaquestiondesprofilsnutritionnels,eten

présence de représentants de la Commission et de l’Autorité européenne: «s’il apparaît

qu’il n’est pas possible de faire un système satisfaisant strictement à l’objectif initial, non

asserviàd’autresintérêtsoucompromis,lelégislateurs’honoreraitdefairemarchearrière.»

D‐Oùenestonaujourd'hui?

On l’a vu, les modifications qu’entraîne cette réglementation sont assez importantes et

devraient modifier significativement le «paysage» des produits porteurs d’allégations.

Pourtant,leconsommateur–etnoussommestousdesconsommateurs‐n’apasnotégrand

18J.P.Laplace,Profilsnutritionnels:uncritèred’éligibilitésanscompromis(SymposiumIFN,8novembre2007),

OCL,2008,15(1),5‐6.

28

changement dans laphysionomiedes linéairesde sonsupermarchédans les18derniers

moisalorsquelaréglementations’appliquaitdéjà.

Ceciestsimplementdûauxdélaisdemiseenplaceetàl’existencedemesurestransitoires

destinéesàpermettreauxpartiesprenantesdesedoterdesoutilsnécessaires.Lesystème

deprofilnutritionneln’estainsitoujourspasdéfinietlerèglementprévoitquelesaliments

non‐conformes à «ce profil» pourront continuer à porter des allégations pendant 2

ans…soitjusqu’àmi2011environ.

Cesmesurestransitoirespermettentégalementàl’AESAdepoursuivresatâched’évaluation

dans l’attente de la constitution en 2011 d’un «registre» dans lequel figureront les

allégationsquiaurontétérejetéesetlesraisonsdeleurrejet,etsurtout,lesallégationsqui

aurontétéautorisées.Cesdernièrespourrontêtreutiliséespartoutopérateur,pourpeu

que soient respectées les conditions d’application, relatives par exemple à la quantité

devantêtreconsommée,oubienàlapopulationconcernée.

Unecinquantainededossiersscientifiquesrelatifsàdesallégationsciblantdesenfants,ou

bien concernant la réduction de facteur de risque de maladies et/ou des allégations

«nouvelles»ontétéjusqu’iciévaluées.Seuls20%environontétéjugésfavorablementpar

l’AESA,cequiconfirmelehautniveauscientifiquerequis,etladécisiondelaCommissionà

leur égard n’est pas encore publique. Parmi les opinions favorables, citons celle sur le

calciumetlavitamineD,associésàlacroissanceosseuse,oubiencellereliantlesstérolset

stanols végétaux à une diminution du LDL‐cholestérol. De façon plus ambiguë, l’AESA a

reconnuquelesacidesgrasessentielsétaientimportantspourlacroissancedel’enfant,mais

nesemblepasfavorableàunecommunicationsurcethème,arguantdufaitquelesapports

alimentairesencesnutrimentssontaujourd’huisuffisantsenEurope.

Faceau faiblenombrededossiers retenus, les industrielsontdemandéà l'AESAdemieux

communiqueraveceux.Celas'esttraduitparunretraittemporaired'uncertainnombrede

dossiers non encore expertisés par l'AESA (Danone, Nestlé, Unilever) dans l'attente de

nouvelles dispositions. En réponse à cette demande, l'AESA n'a pas souhaitémodifier les

critères utilisés par les experts mais a proposé aux industriels de les aider dans la

constitutiondesdossiersenmettantenplacedesateliersoùladiscussionconcernantles

preuvesàapporterseraabordée. Lepremierdecesateliersestprévuendécembre2010

surlethème"tubedigestifetimmunité".

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E‐Quepeut‐onattendredelamiseenplacedecetteréglementationsurlesallégations?

Cetexte,enpréparationdepuisplusieursannéesavantsapromulgationmi2007,agénéréet

génère encore de nombreux espoirs et de nombreuses craintes. Parmi les interrogations

posées,onpeutrelevercelledel’intérêtfinalpourleconsommateur.

Lamiseenplacedeprofilsnutritionnelsparaitaprioriuneidéeintéressantepourinciterles

industrielsà«améliorer»defaçonsignificativelaqualiténutritionnelledeleursproduits,et

notamment des catégories pour lesquelles cesmodifications peuvent être in fine les plus

efficacesenregarddesdogmesactuelsrésuméssansnuancesdansle«tropdesel,tropde

sucre, trop de gras». Dans cet esprit, l’amélioration nutritionnelle de l’offre alimentaire

globale passe en effet surtout par des modifications des produits les moins

nutritionnellement équilibrés lorsqu’ils sont étudiés isolément, sans grande considération

pourlaplacequ’ilsoccupentdansunealimentationcompositeetvariée.

Pourpouvoirprétendreàuneallégation,etvoirdoncreconnaîtreunintérêtnutritionnelà

leurs produits, si minime soit‐il, on peut parier que les entreprises concernées

entreprendrontoupoursuivrontdeseffortsconsidérablesetcoûteuxdereformulation.Il

n’estpascertainquelebénéficefinalpourleconsommateursoitaurendez‐vousdecette

logiquesimpliste.Audelàdestransfertsdeconsommationnonprédictiblesquipourront

être opérés par les consommateurs, cette logique de l’amélioration nutritionnelle dans

une quête du produit idéal génère un risque fort de nivellement gustatif et

d’uniformisationdesproduitsàl’opposédelaculturefrançaise.Ilseraitregrettable,parce

biaisde«l’amélioration»desproduits,delaisseruneculturealimentaireetnutritionnelle

anglo‐saxonne effacer progressivement des usages alimentaires nationaux dont on sait

qu’ilssontglobalementbénéfiquesetdégraderuneculturegastronomiquequivientd’être

classéeaupatrimoineimmatérieldel’humanitéparl’UNESCO.

F ‐ Le Registre communautaire des allégations nutritionnelles et de santé : dispositions

transitoires

IlestprévuquelaCommissionétablisseettienneunregistrecommunautairedesallégations

nutritionnellesetdesantéconcernantlesdenréesalimentaires.Ceregistrecommunautaire,

destinéàêtremisàdispositiondupublic,estappeléàcomprendre:

lesallégationsnutritionnelles, leursconditionsdevaliditéet leséventuellesrestrictions

adoptées;

30

les allégations de santé autorisées et les conditions qui leur sont applicables selon les

différentesmodalités;

lalistedesallégationsquiontétérejetéesetlesraisonsdeleurrejet.

Uneannexedistincterépertorie lesallégationsdesantéautoriséessur labasededonnées

relevantdelapropriétéexclusivedudemandeur.

Ilestévidentquedanslasituationprésente,leregistrecommunautairen’estpasdisponible,

l’examen des dossiers initialement déposés n’étant pas achevé. Cependant, l’Autorité

européenne devrait finaliser son appréciation d’ici la fin de 2011 pour une ou plusieurs

autresséries.

Finseptembre2010,laCommissionaannoncéqu’elleétaitfavorableàl’établissementd’un

processus permettant une adoption progressive de la liste des allégations de santé

autorisées dans l’Union européenne.Mais deux écueils ont du être pris en compte: i) le

risquededistorsionspossibles sur lemarchéentre lesopérateursdont lesallégationsont

étérejetéesetceuxrecourantàdesallégationsenattentededécision; ii) ladifférencede

traitementdesingrédientsvégétauxenvertudelalégislationsurlesallégationsdesantéet

envertudecellesurlesmédicamentstraditionnelsàbasedeplantes.AussilaCommissiona

invitél’Autoritéeuropéenneàparacheversonévaluationdetouteslesallégationsrestantes,

autresquecellesportant surdes substancesbotaniques,d’ici la findumoisde juin2011.

Cecipermettraitd’assurerquetouteslesallégationsdesantésurlemarchéaprèscettedate

seraient étayéespardespreuves scientifiques; celapermettrait aussi à laCommissionde

réfléchiràuntraitementcohérentdesallégationsportantsurlessubstancesbotaniques.

G‐Lesdifférentstypesdecomplémentsalimentaires

Il existe des compléments alimentaires à base de plantes, de minéraux, de vitamines ou

d'autres substances utilisées dans des secteurs très divers tels que : nutrition, minceur,

tonique,digestion,beauté,ménopause,cardiovasculaire...

Lescomplémentsalimentairesdoiventêtredivisésendifférentescatégories:

‐ les vrais complémentaires destinés à compléter la ration alimentaire par suite d'une

carencecarl'organismenesaitpaslessynthétiser(vitamines,minéraux).

31

‐lescomplémentsalimentairesàbasedeplantesqui,pourbonnombred'entreelles,ontun

passépharmaceutiqueetdisposentd''uneAMM.

‐lesautres…

Enconséquence,lesAcadémiesdeMédecineetdePharmacie

‐ rappellent que, pour une très grande part de la population, le bon usage d’unealimentationvariéeetéquilibrée,sansallégationsparticulièresnicomplémentsd’aucunesorte, suffitàapporter tous lesnutrimentsnécessairesà la santé, etque l’usagede telsproduits porteurs d’allégations ou présentés comme des compléments n’est justifié quepourdesgroupesdelapopulationgénéraleoudessituationsdedéficiencecaractérisées;‐ déplorent les multiples retards qui tendent à discréditer le Règlement européen1924/2006, mais soutiennent néanmoins ses objectifs, et notamment la volonté d'uneaméliorationdel’offrealimentaireetd’uneprotectionaccrueduconsommateurcontredefaussespromessesenfournissantdespreuvesd’efficacitécliniquedequalité;‐ attirent cependant l’attention sur le fait que leRèglement européen1924/2006 est unoutilderégulationfavorisantlalibrecirculationdesproduitsetnonuninstrumentàviséede santé publique. Il est donc essentiel que soitmenée l’étuded’évaluationmentionnéedanslerèglementpourvérifierquesonobjectifinitialaétébienatteintetqu’iln'apasétédétournéd’unemanièrequipourraits’avérerendéfinitivepréjudiciableàunepartiedelapopulation;‐observentqu’ilestprécisémentfaitappelàdescritèresdesantépubliquepourdéfinirleprofil nutritionnel des aliments qui seraient autorisés à porter une allégation. Lacontroversepersistantesurlescritèresdechoix,responsableduretardconsidérabledeladécision«technique» en réponseà l’article 4 duRèglement 1924/2006, témoignede ladifficultépourceRèglementdeservirunepolitiquedesantépublique;‐ appuient la démarche de rigueur de l’AESA pour une évaluation de la pertinencescientifique des allégations fondée sur l’examende la totalité des preuves scientifiquesdisponibles(casdesplantesmisàpart).Maissoulignentleslimitesdesaresponsabilitéenl’absenceregrettabled’uneévaluationdelapertinenceenmatièredesantépubliqueetdetouteanalysebénéfice‐risqueconjointe;‐ rappellent que l’équilibre alimentaire se construit sur les consommations de produitsvariésaufildesjours.Ilestdoncregrettablequeleprocessusengagévisantàétudierlesallégationsalimentparaliment,souslacontraintedeprofilsnutritionnelsquin’ontd’autrevaleur que celle de seuils arbitraires, conduise à accréditer dans l’esprit du public l’idéefausse que l’équilibre alimentaire ne peut être atteint que par l’équilibre de chaquealiment. Elles attirent l’attention sur le fait que la conception sous‐jacente à cette

32

approche fractionnée de l’alimentation, nutriment par nutriment, est une conceptionerronée dont les résultats en termes de santé publique peuvent être considérés commenéfastes;‐ insistentsur lecaractèreanxiogènedel’exigencedutoutnutritionnelpour les individusqu’ellecoupedeleurphysiologieetdelaperceptiondeleurspropresbesoinsetrappellentavec force que l’alimentation doit rester un acte simple et spontané, affranchi de toutcalcul, et de toute auto‐surveillance obsessionnelle (orthorexie). L’aliment doit rester,conformément à la définition formulée par le Professeur Trémolières, «une denréecomestible,nourrissante,appétente,etcoutumière».

33

Chapitre3

Commentéviterlerisquedeconfusionaveclesmédicaments?

L'articledeA.deBrosses19permetdebiensituerlaquestion:

"Le Ministère de la santé intervient de plus en plus dans le monde alimentaire. Il a

largement diffusé deux Plans Nationaux Nutrition Santé (1 et 2) définissant les grands

objectifs à atteindre afin d’améliorer les équilibres alimentaires de la population. Le

Ministèrede la santéa rédigéun référentiel sur les engagementsnutritionnelsquipermet

aux entreprises qui en remplissent les conditions, de pouvoir communiquer en utilisant le

message suivant: « Entreprise engagée dans une démarche nutritionnelle encouragée par

l’Etat».LeMinistèredelaSantéaétéàl’originedelanouvelleréglementationpublicitaire

sur lesmessages sanitaires imposés aux annonceurs de produits alimentaires (ex : « Pour

votresanté,mangezaumoinscinqfruitsetlégumesparjour»).L’obésitéestdevenueaussi

unproblèmedefinancespubliques.

La Cour des Comptes amesuré l’impact de cette pandémie sur les comptes sociaux. Les

pouvoirs publics ont encouragé le rapprochement de l’aliment et du médicament pour

équilibrer les comptes sociaux à côté d’autres mesures, comme le déremboursement de

certains médicaments. Moins les gens sont malades, moins ils consomment de

médicaments, remboursés pour une grande part par l’assurance maladie. La première

démarche dans ce domaine a été de chercher à améliorer la qualité nutritionnelle des

aliments, pour éviter qu’ils ne nuisent à la santé. Ce chantier gigantesque concerne

actuellement toutes lesmultinationalesde l’agro‐alimentaireet lesenseignesde lagrande

distributionpourleursproduitsvendussousmarquededistributeur.Desauditsnutritionnels

completsdetouslesproduitssontencours.

C’est ainsi que sont nés et se développent les produits frontières, que l’on peut définir

comme des aliments comportant des substances actives et revendiquant un effet

bénéfique sur la santé. Ces aliments sont à distinguer des aliments courants qui se

contententden’avoiraucuneffetnégatif sur lasanté (ex :un fruit,unalimentallégé).Les

19A.deBrosses,Médicamentetaliment:nouvellesfrontières,nouveaumarché.Evolution,n°59Avril2008.

34

produits frontières ne se contentent pas d’être neutres. Ils sont actifs et revendiquent une

actionpositivesurlasanté(ex:margarineréduisantlecholestérol)."

Ildevientalorsfacilededéborderlafrontièreetdepasserdel'alimentaumédicament.Que

constate‐t‐on?

1‐AuniveaudelaCJE

Desdifférentesactions jugéespar laCJE, (voir lesbasesdocumentairesenAnnexe3) ilest

possibledetirerlespointsimportantssuivants:

‐Laqualificationrelèved’uneanalyseaucasparcas

L’élémentessentieldelajurisprudencecommunautairerésidedanslanécessitédeprocéder

àunexamenduproduitconcerné:

«Pourdécidersiunproduitrelèvedeladéfinitiondumédicamentparfonctionausensde

ladirective2001/83,lesautoritésnationales,agissantsouslecontrôledujuge,doiventse

prononceraucasparcas,entenantcomptedel’ensembledescaractéristiquesduproduit,

dontnotammentsacomposition,sespropriétéspharmacologiques,tellesqu’ellespeuvent

être établies en l’état actuel de la connaissance scientifique, ses modalités d’emploi,

l’ampleurdesadiffusion,laconnaissancequ’enontlesconsommateursetlesrisquesque

peutentraînersonutilisation.»

Enaucuncas,lesautoritésnationalesnedoivents’appuyersurdescritèresgénérauxquine

correspondent pas au produit concerné, ni procéder à unequalification systématique liée

parexempleàlaseuleprésenced’uningrédient.

‐Deuxanalysesopposéesdesdeuxbranchesdeladéfinitiondumédicament

Laréglementationcommunautaireviseàconcilierlesobjectifsdeprotectiondelasantédes

consommateurs et de fonctionnement du marché intérieur. A cette fin, le juge

communautaire considèreque lanotiondeprésentationdoit être interprétéedemanière

extensivealorsqu’àl’opposélanotiondemédicamentparfonctionviseàneretenirqueles

produitsdontlespropriétéspharmacologiquesontétéscientifiquementconstatées.

‐Descritèresobjectifspourqualifierunproduitdemédicamentparfonction

Lespropriétéspharmacologiquesd’unproduitsontlefacteursurlabaseduquelilconvient

d’apprécier,àpartirdescapacitéspotentiellesdeceproduit,sicelui‐cipeutêtreadministré

35

àl’hommeenvued’établirundiagnosticmédicalouderestaurer,decorrigeroudemodifier

desfonctionsphysiologiqueschezl’homme.

Dès lors, un produit qui, compte tenu de sa composition – y compris son dosage en

substances actives – et dans des conditions normales d’emploi, n’est pas capable de

restaurer,decorrigeroudemodifierdes fonctionsphysiologiquesdemanièresignificative

enexerçantuneactionpharmacologique,immunologiqueoumétaboliquenepeutpasêtre

qualifiédemédicamentparfonction.

Demême,lefaitquel’utilisationd’unproduitprésenteunrisquepourlasantén’estpasun

élémentpermettantd’indiquerqu’ilpossèdeuneefficacitépharmacologique.

‐Laprioritédonnéeaumédicamentimpliquequelescritèresdequalificationsoient

respectés

L’article2,paragraphe2,de ladirective2001/83doitêtre interprétéencesensquecette

directivenes’appliquepasàunproduitdontlaqualitédemédicamentparfonctionn’estpas

scientifiquementétablie,sanspouvoirêtreexclue.Leprincipeselonlequel,encasdedoute,

la priorité est donnée au droit dumédicament part du postulat que le produit concerné

remplitlesconditionspourêtreunmédicament.

Toutelaquestionposéerésidedansladernièredéfinitiondumédicamentquinepeutêtre

considéré comme tel que s'il est capable de restaurer, de corriger ou de modifier des

fonctionsphysiologiquesdemanièresignificativeenexerçantuneactionpharmacologique,

immunologique ou métabolique. Si un produit n'a ni effet pharmacologique, ni effet

immunologique,nieffetmétabolique,cenepeutpasêtreunmédicament.Orilexistedes

produits qui existent à la fois commemédicament et comme complément alimentaire.

Comment peut‐on expliquer cela? Que dire des médicaments dits de confort? Selon la

législationenvigueur,devraient‐ilsgarderlenomdemédicaments?

2‐AuniveauduConseilnationaldel'OrdredesPharmaciens(VoirAnnexe3)

Enfévrier2010,lescoursd'appeld'OrléansetdeLyonontrendutroisarrêtsimportants.La

qualification de médicaments par présentation et par fonction a été retenue pour des

produits à base de plantes médicinales commercialisés sous forme de gélules ou autres

formes.

36

Ils'agitlàdetroisdécisionsimportantescomportantunemotivationintéressante.Lescours

d'appelontreprislesprincipesdégagésparlacourdecassationenmai2009concernantla

définitionlégaledumédicament.

Concernant lesautorisationsau titredecomplémentalimentaire, l'unedescours rappelle

qu'une autorisation administrative de la DGCCRF n'est pas de nature à exclure la

qualificationdemédicamentsilesconditionslégalesd'unetellequalificationsontréunies.

Demême,ellerappellequelaloifrançaiseinstituantunmonopolepharmaceutiqueesttout

à fait compatible avec la règlementation européenne et s'applique indistinctement aux

produitsimportésdesEtatsMembresdel'UEcommeauxproduitsnationaux.

Enoutre,quandbienmêmeunproduitauraitétéqualifiédecomplémentalimentairedans

un Etat Membre, la qualité de médicament pourrait lui être attribuée dans l'état

d'importation dès lors qu'il en présente les caractéristiques. Rappelons à cette occasion

que les compléments alimentaires bénéficient des principes de libre circulation et de

reconnaissancemutuelleauseindel'UE,cequirendpossibleleurventelibrementauseinde

l'UE,dèslorsqu'unproduitaobtenuuneautorisationdansunEtatMembre.

3‐Lescomplémentsalimentairesenofficinefaceàl'arsenalthérapeutiqueenFrance.

L'arsenal thérapeutique en France est assez difficile à définir. En effet, compte tenu du

servicemédicalrendu,dudéremboursementtotaloupartieldecertainsmédicaments,des

habitudes du citoyen moyen face à l'automédication, de la possibilité pour les officines

d'offriruncertainnombredemédicamentsenvente libresurdesprésentoirs,deproduits

diététiques, d'aliments spéciaux et de compléments alimentaires, comment le

consommateurpeut‐ilytrouversoncompte?

Pourl'officinalquidoitavoirentêtelasécuritéduconsommateur:

Ladifférenceessentielleportesurlarèglementation:toutcequiatraitaumédicament(et

donctous lesproduitsayantuneAMM)doitrépondreà larèglementationdumédicament

etlesautresproduitsdoiventrespecterleurproprerèglementation.

Lesecondpointportesurlaconnaissanceduproduitqu'ilvend.SiunPharmaciend'officine

connaîtbien toutcequi toucheaumédicament, ilpeut se trouverendifficulté faceàdes

produits ne répondant pas forcément à ses compétences d'autant qu'il a la pleine

responsabilitédecequ'ilvend.Ildoitdoncavoiruneformationsuffisantedanscedomaine.

37

Qu'apporte un complément alimentaire autre qu'à base de vitamines et/ou deminéraux

destinésà "compléter" la rationalimentaireen casde carenceoud'apport insuffisant? Le

cas des plantes devant être mis à part comme nous l'avons dit plus haut, la notion de

"nutritionnel"n'estellepasunprétexteàmettresurlemarchédesproduitsquin'ontrienà

voiravecl'alimentation,maisbeaucoupplusavecdesproduitstrèsprochesdumédicament

quecertainsqualifientde"confort"n'apportantleplussouventqu'uneffetplacebo.

Letroisièmepointestrelatifàl'éthiqueprofessionnelle.Tantquelarèglementationrelative

auxallégationsnutritionnellesetdesantén'estpasentièrementmiseenplaceetque l'on

trouve encore des produits "trompeurs" pour le consommateur, la vigilance de l'officinal

doit êtremaximale. Enoutre, faceàdespropositionsde commercialisationdeproduits, il

doit raisonner en terme d'efficacité et de sécurité. Connaissant ses patients et les

médicamentsqu'ilsprennent,ildoits'assurerdelacompatibilitédesproduitsentreeux.

Enconséquence,lesAcadémiesdeMédecineetdePharmacie

‐rappellentavecinsistancequelescomplémentsalimentairespeuventinduiredansl’espritdupublicuneconfusionaveclesmédicamentsdufaitdeleurprésentationsousformededoses,tellesquelesgélules,lespastilles,lescomprimés,etautresformesdepréparationsdestinées à être prises en unités mesurées de faible quantité. Elles souhaitent que surl’emballage figure la mention «Ce produit peut être incompatible avec certainsmédicaments»;‐estimentque le faitd'autoriserdesallégationsportantsur la réductiond'un facteurderisquedemaladiereconnaît lerôledecertainsconstituants/aliment/catégoriesd’alimentdans la prévention d’une maladie (prévention qui fait partie de la définition dumédicament) et que par conséquent les études cliniques à l’appui de ces effets doiventêtre de bonne qualité et faites sur des populations pour lesquelles il y a un véritablebénéficeàconsommercesaliments;‐ observent que, s’il existe des frontières juridiques bien définies entre un complémentalimentaire et un médicament, il n'existe pas de frontière claire entre un effet ditphysiologique et un effet pharmacologique. Il s’agit plutôt d’un continuum entre laphysiologie et la pharmacologie, entre un état d’équilibre et l’apparition d’un étatpathologique.Unemêmesubstance,unmêmeproduit,unemêmeplantepourrontavoirlesdeuxenfonctiondeladose,enfonctiondelaprésentationouenfonctiondel’intentiondugestethérapeutiqueouduconseilnutritionnel.

38

Chapitre4

Quelleplacepourlescomplémentsalimentairesàbasedeplantes?

Lescomplémentsalimentairesàbasedeplantesoccupentuneplaceàpartetleurapproche

nécessite une vision particulière. En effet, de très nombreuses plantes entrent dans la

composition de ces compléments de santé, la plupart faisant mention d’allégations

concernantleursvertusvoirelebienêtrequ’ellespeuventengendrer.

Enpremierlieu,ilestimportantd’embléedelesdéfiniretdecernerexactementleurplace:

1. Quels sont les différents types de plantes peu ou non concernéespar le problème

spécifiquedescomplémentsalimentaires?

‐Ils’agittoutd’aborddesplantesalimentairesayantunapportexclusivementnutritionnel

comme celles concentrant des vitamines, des acides gras, des éléments minéraux…voire

certainessubstancescommelescaroténoïdes.Lalégislationquilesencadresuitcelledeces

substances.

‐Cesontaussi lesplantestraditionnellesquisontconnuesdepuisplusieursdécadesetqui

sontenventelibrecommelacamomille,letilleul,laverveine…etquepersonneneconteste

plus pour lesmodestes bienfaits qu’elles peuvent engendrer et surtout pour l’absencede

risquesconnus.

‐Uncasparticulierconcerneaussilesplantesservantdematièrespremièrespourl’industrie

pharmaceutique qui doivent être considérées comme relativement toxiques dans de

nombreux cas en raison des molécules présentes leur assurant une importante activité

pharmacologique comme la belladone (atropiniques), la digitale (hétérosides

cardiotoniques),lapervenchedeMadagascar(vinblastineetvincristineanticancéreuses)…et

quiontétéet sontencoreà l’originede médicamentsdestinés à traiterdespathologies

sévères.

‐Enfin,lesplantes«exotiques»etd’utilisationnontraditionnelleenEuropeetquidoivent

émargeraurèglement«nouvelaliment»carleurimpactsurlespopulationseuropéennes

estencorepeuconnu.

39

2. Lecasdesplantesambivalentes:

Lesplantesquipeuventêtrequalifiéesd’«ambivalentes»secomptentparmi:

‐lesplantesquiprésententune«interface»aveclesmédicamentsàbasedeplanteset

quidanslaplupartdescassontlesmêmes,ilfautbienlereconnaître.Cesontcesplantes

quiposerontleplusdeproblèmeslégislatifscarellesrevendiquentdesaspectsdesanté

analoguesàceuxdesmédicamentsdetradition(aubépine,passiflore,valériane…),

‐ les plantes dites «aromatiques»20 qui possèdent de très nombreuses propriétés

biologiques voire pharmacologiques en dehors de leurs caractères organoleptiques

propres(thym,sarriette,girofle,…),

‐lesplanteslaxativesaccumulantdesprincipesd’activitérelativementdoucecommedes

mucilages,desgommes…(bouillonblanc,guimauve,mauve...)àl’exclusiondecellesqui

biosynthétisent desdérivés anthracéniques dont l’utilisationdoit être réservéeaprès

conseildupharmaciensurunecourtedurée(séné,bourdaine,cascara…),

‐lesnombreusesplantesayantdesimplicationssurlesdiversesfonctionsdel’organisme

(plantes à impact vasculaire, actives sur la sphère hépatobiliaire, sur les systèmes

digestif,urinaire,neurovégétatif…).

Commenouspouvonsleconstater,l’éventaildesplantesainsidisponiblesestimportant.

3. L’originalitédescomplémentsalimentairesàbasedeplantes:

L’utilisation de ces compléments à base de plantes s’est développée de façon quasi‐

anarchique en Europe et même dans le monde entier en raison de nombreux facteurs

comme l’idéepréconçueque se fait le public et qui est largement répandue, voulant que

«toutcequiestnaturelestforcémentbon».Onoublietropfacilementquelesplantesont

développévis‐à‐visdeprédateurspourassurerleursurviedesmoyensdedéfensequisont

dessubstancestoxiquespourtouscommedesalcaloïdes,desterpènes,desstéroïdes…21

Onoublieaussiquecertainessubstancesprésentesdansdeshuilesessentiellespossèdentà

certaines doses un neurotropisme important pouvant mettre en jeu la vie humaine!

(thuyones,eucalyptol,camphre…).

20PlantesaromatiquesTeuscherE.,AntonR.,LobsteinA.,416pages,Ed.Tec&DocLavoisier,Paris,1èreéditionfrançaise(2005)21PlantesàrisquesFrohneD.,PfänderH.J.,AntonR.,460pages,Ed.TecetDocLavoisier,Paris,1èreédition

française(2009)

40

L’allongement de la durée de la vie et surtout l’augmentation du niveau d’éducation de

chacunfontque l’onéprouve lebesoindesesoignerparsoi‐même,desavoircequinous

réussit et de consulter toute la littérature plus ou moins scientifique pour s’informer le

mieux possible. Ainsi chaque individu a le désir de prendre sa santé en charge et de se

responsabiliser par le choix de plantes privilégiées, ce qui dans un certain sens peut être

louable.

L’augmentation des coûts de la santé et l’automédication étant à la charge des individus

n’ontguèreopposédefreindanslamesureoùlescentresanti‐poisonsetleshôpitauxn’ont

signalédes accidents gravesquedansdes casprécis et relativement limitéseuégardà la

consommation… d’autant que peu de médecins connaissent réellement les impacts

pharmacologiques des plantes autrefois considérées comme «médicinales». Aucun cours

particuliern’estdonnédanslesFacultésdeMédecine,cequiestregrettable.

Il convient aussi de mentionner qu’une des différences essentielles par rapport aux

vitamines,auxminérauxrésidedanslanaturetrèscomplexedelacompositionchimiquede

cesvégétauxquinesontpascaractérisésparunesubstanceisoléemaispardenombreux

constituants actifs, issus de chaînes biosynthétiques accumulant toute une série de

substances proches les unes des autres et différant en général par quelques fonctions

chimiques spécifiques greffées sur un squelette moléculaire caractéristique de l’espèce

botaniqueenquestion.

Enfin ilconviendraderemarquerquedepuisdesmillénaires, l’hommeatriésur lui‐même,

c’est‐à‐dire a réalisé de véritables essais cliniques pour sélectionner dans les meilleures

conditions les meilleures plantes, les meilleures formes d’utilisation, les meilleures

conditions d’emploi… et ce pour son bien être. C’est dire l’importance du concept de

tradition qui se double d’un long recul d’utilisation a priori sans effets secondaires

apparents.

4. Lesimpératifsàsatisfaire:

Ilvadesoiquecertainesexigencesnepeuventêtrecontournées.Cesontnotamment:

‐Unesécuritéd’emploiabsolue…oudumoinslaplushautepossiblecomptetenudela

destinationdesproduits(enfant,femmeenceinte,personneâgée,…voireavecunprofil

pathologiqueparticulier:diabète…problèmesrénaux,hépatiques),

41

‐ Une qualité parfaitement maîtrisée depuis la matière première végétale de départ

jusqu’auproduitfiniavecdescontrôlesanalytiquesactualisés,

‐ Un bénéfice pour la santé évidemment positif sur la base des usages traditionnels

connusdepuisunelonguepériode,probantsetconfortéspardesdonnéesscientifiques

lesplusrigoureusespossiblesetuneaideconcrèteaumaintiendel’équilibredelasanté

duconsommateur,

‐Uneinformationloyaledupublicayantaccèsàcetypedeproduits.

Pourêtreplusprécis,lescritèressuivantsdoiventêtrerigoureusementrespectés.

Ainsiladénominationscientifiquecomplète(latineaveclenomd’auteur)delaplante

doitêtrestrictementdéfinieainsique laspécificationde lapartiede laplanteutilisée

(partiesaériennes,feuille,fleur,graine,écorce,racine…)voirecertainsexsudatsnaturels

(résine…),letypedeprocédédefabricationetlanaturedelaformegalénique(poudre,

typed’extraitenprécisant lanaturedusolvant…,huileessentielle)etéventuellement

lesassociationséventuellesdeproduits,doiventêtreclairementétablis.

Ilesteneffetnécessairedebiencomprendrequeselonl’espècebotanique,lapartie

delaplanteetselonleproduitfinalprésenté,lesprofilschimiquesnesontabsolument

paslesmêmescequirevientàdirequeleseffetsattendusnesontpasidentiques.Ilest

donc impératifde fixeraumieux touscescritères liésàdesvariablesquiconduisentà

desproduitsquisontdifférentslesunsdesautressansparlerdesconditionsdecultures,

environnementales, des conditions de récolte… qui doivent être consignées dans un

cahierdeschargesprécis.

5. LemodèledumédicamentàbasedeplantesetlesAMMcorrespondantes:

Commecetypedemédicamentjouitd’unstatutprivilégiéetquelescomplémentsàbasede

plantesontdefortesanalogiesdecompositionschimiques, ilest importantdeserappeler

quelalégislationeuropéennemiseaupointparl’EMEA,actuellementl’EMA,reconnaitdeux

typesd’indicationsthérapeutiques:

- Celles où il est fait mention d’une «utilisation traditionnelle» pour laquelle aucune

preuve clinique ni toxicologique n’est demandée avant la mise sur le marché à la

condition que le dossier concernant la qualité dumédicament permette de supputer

l’absence de toxicité voire d’effets secondaires, et à condition de suivre à la lettre la

42

monographie correspondante publiée concernant la plante, le type d’extrait, les

conditions d’emploi… Cette approche est fondée sur le bon sens eu égard au recul

d’utilisationtrèsimportant(environunegénérationsoitunetrentained’années)….

- Cellesoù lamentionfaitréférenceàunmédicament«d’usagemédicalbienétabli»et

dont le profil pharmacologique et clinique est soutenu par une littérature scientifique

actuelle et par une bibliographie moderne. Dans ce cas aucune preuve d’efficacité

clinique n’est demandée à la condition là aussi que l’on suive la monographie

correspondante.

6. Lestextesofficielsderéférence:

Diversgroupesd’expertssoitauniveaunational,soitauniveaueuropéenontréfléchiàcette

situation relativement ambiguë pour laquelle aucune mesure clairement établie ne

définissaitlaplaceexacteducomplémentalimentaireàbasedeplantesparrapportàcelle

dumédicament.

- Un premier rapport a été publié par l’AFSSA en 2003 qui a mis en exergue une

possibilitédedifférencier deux typesd’objectifs22. Cetteapprocheétait fondéesur la

finalitérecherchéesoitpourtraiterunepathologiedanslecasdumédicament,soitpour

rechercher un impact physiologique pour le complément alimentaire. Il était ainsi

relativement aisé de décider que pour une affection bronchique aiguë, seul le

médicament était reconnu alors que pour des troubles digestifsmineurs et passagers

(indigestionparexemple),l’équilibredelasantéétantmodifiésanspourautantêtredu

ressortd’uneréellepathologie,l’intérêtdelaprised’uncomplémentalimentairepouvait

être reconnu. Il était alors relativement facile aussi de compléter ces indications

thérapeutiques et ces allégations en y incorporant une liste précise de plantes et de

préparationscorrespondantes.

- Cepointdevueetcettelignedeconduiteontétéaussiacceptésparlesexpertsdes

différentes délégations nationales et publiés en 2005, constituant ainsi des lignes

directricessousl’égideduConseildel’Europe23.Deplus,lesexpertsontmisaupointun

documentprécisantleconceptd’homéostasieliéàdesactionsphysiologiquesdestinées

22AFSSA(2003)Frameworkfortheevaluationofthesafety,theeffectandtheclaimsoffoostuffsmadefromplantsforthehumandiet23CouncilofEurope(2005):lignesdirectricesconcernantlaqualité,lasécuritéd’emploietlamisesurlemarchédescomplémentsalimentairesàbasedeplantes

43

à êtremaintenues, supportées, optimisées en opposition avec lemédicament dont la

mission est de restaurer, corriger etmodifier ces fonctions physiologiques par le biais

d’une action pharmacologique, immunologique ou métabolique24. C’est là toute la

différencedecesfinalitésquidoiventêtrepriseencompte.EnfinleConseildel’Europea

publiéundocumentprécisantquellesétaient lespopulationsàrisquesetdont leprofil

desantédevaitêtreconsidéréavecsoinavanttouteadministrationdecesproduits.

- Laphilosophied’approcheplusrécentedel'AESAaétécomplètementdifférentecar

elles’estfondéesurlesexigencesscientifiquesetcliniquesfixéespourlesvitamines,et

les minéraux…Cette transposition aux plantes ne pouvait guère être acceptable car

totalementinadaptée,puisquecesproduitsn’ontrienàvoirlesunsaveclesautres.

- Parallèlement, des lignes directrices ont été publiées en 2009 relatives à une

évaluation toxicologique des plantes et des préparations à base de plantes en

considérant a priori deux niveaux d’appréciation. Le niveau A est fondé sur les

connaissancesscientifiquesdisponiblesprouvantnotammentl’innocuitédelaplanteet

desapréparationetconsidéréescommesuffisantes.UnniveauBest fondéparcontre

sur de nouvelles données toxicologiques devant être justifiées par des tests les plus

actuels(génotoxicité…).

Deplus,l’appréciationdesallégationssouhaitéesparledemandeurpourunproduitdonné

afaitappelàdeuxévaluationssuccessives:

- l’unefondéesur lacaractérisationde lamatièrepremière,dumodedepréparation

etduproduitfiniquidoiventêtrepréciséessansambiguïté,

- l’autrefondéesurdespreuvescliniques,publiéesdanslalittératurescientifique

internationaleousurdesessaiscliniquesréalisésparledemandeur,mettantenévidence

unepreuved’efficacitéhumaine…chezunsujetsain!

7. Desdifficultésinsurmontablessefontjour:

Eneffet,avecunpeudebonsensl’onpeutadmettresanspolémiqueaucunequ’apporterla

preuve précise d’une efficacité clinique chez un homme sain, c'est‐à‐dire en «bonne

santé», passe par un choix de paramètres non évidents à établir… Quels paramètres

prendredanslamesureoùl’hommesainpossèdepardéfinitiondesparamètresbiologiques

24CouncilofEurope(2006):homeostasis,apracticaltooltodistinguishbetweenfoodsupplementsandmedicines

44

«normaux»!etcommentmettreenévidenceuneaméliorationphysiologique?C’estlàtout

leproblème!

Par ailleurs, apporter la preuve d’une réduction du risque de maladie (définition du

complément alimentaire) et d’un rééquilibrage des processusmétaboliques relève d’une

certaineutopie…

Unetelleapprochemontreparconséquentl’incohérencedusystèmedejugementimposé

d’autantquel’onnedemandeaucunejustificationcliniquepourunmédicamentàbasede

plantes qui s’adresse à une pathologie et que l’on impose une démonstration d’efficacité

cliniquepourcesmêmescomplémentsquisontdestinésà«consolider»unétatdesanté!

8. Quelquespropositionsconcrètes:

- Ilest importantquedenouvelles lignesdirectricesclairesetprécisessoientélaboréesafin

detrouverunesolutionéquitableauproblèmeposé.

- Dans cette optique, un dossier complet définissant le plus rigoureusement possible la

qualité,delamatièrepremièrevégétaleauproduitfini,doitêtredéposétandisquelapartie

pharmaco‐toxicologiquedoitêtreadaptéeetfondéesurl’expérienceacquise.

- Desallégationsfondéessurlatraditionetlereculd’utilisationafind’assurerplusdejustice

etd’harmonieeuropéenneavec la législationdu médicament touten fuyant toute forme

d’obscurantismedoiventpouvoirêtremisesenplace.

- Une information précise mettant en exergue des règles de prudence en matière de

consommation (miseengardedes réseaux internetnonvérifiés,publicités tapageusespar

correspondance…)doitêtremiseaupointetimposée.

- Unelistedeplantesàrisquesdisponiblepourlesautoritésdesantépeutêtreutile,précisant

justement l’espècebotaniqueenquestion, lapartieutiliséeet surtout laou lesmolécules

présentes qui peuvent entraîner un risque pour la santé. C’est le cas de l’objectif du «

compendium»25 établi par un groupe d’experts de l’AESA, liste qui ne doit pas être

considérée comme une liste négative de plantes mais bien plutôt comme une sorte de

«drapeaurouge»indiquantqu’ilpeutyavoirunproblèmedesécuritéd’emploiultérieuren

utilisant ce typedeplante. Iln’estpas interditd’ailleursdepenserque l’onpuisseutiliser

25Compendiumofbotanicalsthathavebeenreportedtocontaintoxic,addictive,psychotropicorother

substancesofconcern(encoursd’élaboration)

45

uneplantedecettelisteàconditiond’avoirpristoutes lesprécautionspouréliminer leou

lesconstituantsàrisques.

9. Quelquesrecommandations:

- Il faut d’emblée reconnaître que la dénomination «compléments alimentaires» est

inadaptée pour les plantes dans sa traduction française: en effet, ce ne sont pas des

compléments «nutritionnels» destinés à compléter une alimentation normale mais des

«suppléments alimentaires» utilisés dans certaines conditions bien précises et pour un

tempslimitécequirejointl’intituléinternationalde«dietarysupplements».

- Bienentendu toutedénomination faisant référenceaumédicament serabanniedemême

que celles qui ont fleuri dans la presse et la communication comme : «alicament,

nutraceutique…).

- Ilconviendrad’évitertouteformed’innovationtrop«provocatrice»enutilisantdesplantes

dont le recul d’utilisation en Europe et les connaissances chimio‐pharmaco‐toxicologiques

sontimprécisesetflouessurleplanscientifique.

- L’élaboration d’un dossier scientifique par l’industriel répertoriant tout ce qui peut être

connu sur la plante d’origine et le produit fini est indispensable au cas où le moindre

problème de sécurité se poserait et d’un cahier des charges apportant tous les éléments

relatifsàlaqualitéetl’innocuitéduproduitsontderègle.

- Ilconviendraaussides’écarterlemoinspossibledelaformetraditionnelled’utilisationqui

bénéficied’unrecul importantetdoncd’unapriorid’atoxicité.Danscecontexte,plusl’on

s’éloignerait de cette forme traditionnelle, plus leniveau toxicologique exigédevrait être

élevé: les récents accidents ont démontré cette acception (cas de la germandrée ou

Teucriumchamaedrys…).

- L’étiquetagedevraêtre lepluspréciset leplusobjectifpossible, rappelant laduréeet les

conditionsd’utilisationsanseffetsdélétères…

- Ilseraitbonqu’unelistedeplantesautoriséesavecleursconditionsd’emploisoitpubliéepar

les autorités de tutelle, avec des allégations permises sans avoir recours à des preuves

irréfutablesd’activitéphysiologiquepourdesplantesetdesproduitsdérivésquin’ontqu’un

impactsurl’équilibrehoméostasiqueetphysiologique.

- Enfin, ces allégations doivent être fondées sur la tradition d’emploi en premier lieumais

aussi sur lesélémentsdebibliographie toxicologiquesdisponibles,essentiellement liésau

46

profil chimique dénué de molécules toxiques et si cela peut être possible à des études

cliniquesdisponibles…

- Ensomme,ilseraitbienutilequ’unpeudeclairvoyanceetdebonsenspuissentprésideraux

destinéesdescomplémentsalimentairesàbasedeplantes,enassurantévidemmenttoute

la sécurité nécessaire tant au niveau du fabricant, du pharmacien d’officine que des

consommateursetquelesautoritésdetutellequiontencharge lamisesur lemarchéde

tels produits veuillent bien accepter d’adapter des critères de sécurité, d’efficacité et de

qualité… compatibles avec la réalitéet avec pragmatisme!. Cela permettrait demettre un

peuplusd’ordredansunmarchémondialquasianarchique!

Enconséquence,lesAcadémiesdeMédecineetdePharmacie

‐ considèrent que la dénomination «complément alimentaire» est inadaptée pour lesplantes dans sa traduction française: en effet, ce ne sont pas des compléments«nutritionnels»destinésàcompléterunealimentationnormalemaisdes«supplémentsalimentaires»utilisésdans certaines conditionsbienprécisesetpourun temps limité cequirejointl’intituléinternationalde«dietarysupplements»;

‐ estiment que les «compléments alimentaires» (selon la Directive européenne2002/46/CErepriseenFranceparleDécret2006/356du20mars2006)àbasedeplantesoccupentuneplaceàpartetnécessitentunstatutparticulieràchaqueEtatMembrecariln’existeaucunconsensusauniveaueuropéen;

‐ regrettent dans un souci d’équité et de transparence pour le consommateur que lescritèresdereculd’utilisationetd’usagetraditionnelnesoientpasreconnusofficiellementpour les "compléments alimentaires"àbasedeplantesalorsqu’ils sontpris en comptepourl’évaluationdel’intérêtetlamisesurlemarchédesmédicamentsquirenfermentdesplantesanalogues;

‐souhaitentqu’entermesdepreuvesd’efficacitéetd’allégationsunéquilibreraisonnablepuisseêtretrouvépourharmoniserl’existencedecesdeuxcatégoriesdeproduitstoutenveillantàleurinnocuité;

‐souhaitentqu’unelistedeplantesautoriséesavecleursconditionsd’emploi(enprécisantlespartiesutiliséeset leurmodedepréparation)soitpubliéepar lesautoritésnationalesdetutelleaprèsavisd'unComitéd'experts;

‐demandentd’éviter,voirederefuser, touteformed’innovationtrop«provocatrice»enutilisantdesplantespourlesquelleslesconnaissanceschimio‐pharmaco‐toxicologiquesetlereculd’utilisationsontscientifiquementinsuffisantes;

–souhaitentpourlacaractérisationdesplantesetdeleursprincipesactifs,quesoitexigée,chaque fois que c'est possible, la conformité aux monographies de la Pharmacopéeeuropéenneouàdéfautd'unePharmacopéenationaled'unEtatMembre.

47

Chapitre5

Commentassurerlasécuritéd’emploidesCompléments

alimentaires?

1‐Lesrisquesetdangersdescomplémentsalimentaires

Les "compléments alimentaires" regroupent différentes catégories de produits mais deux

grandesclassespeuventêtreenvisagées:

‐ lesproduitsdecompositiondéfinieparleurstructurechimiquesimple:vitamines,

selsminérauxouparunprocédé industriel lourdet validéetuncontrôleanalytiquebien

rodécommelesyoghourtsdanslespaysindustrialisés.

‐ les plantes et produits à base de plantes après une transformation sommaire

commeladessiccation,lapulvérisation…voirelapréparationd'extrait,degélules….

Pour tous ces produits, les dangers peuvent être d'origines diverses : contaminations

chimiques (plomb, mercure…), microbiologiques, mais aussi allergies, mésusage ( body

builders,sportifsenquêtededopantnonrecensé,sujetsatteintsdetroublesde l'érection

oud'un surpoids…), fraudesmultiples. Lesdéclarationsd'effets indésirables sont rares car

elles ne sont pas encore entrées dans les modes de raisonnement du public et des

professionnelsdesanté.D'ailleurs,savait‐onàquilesadresseravantleDécretN°2010‐688

du23juin2010relatifàlavigilancesurcertainesdenréesalimentaires?L'AFSSAn'étaitpas

connueducorpsmédicalautantquedesvétérinaires.

La vigilance confiée à la nouvelle agence l'ANSES est donc débutante. Ainsi on ne sait

pratiquement rien sur les dangers pour le fœtus, pour la femme enceinte, pour l'enfant

allaitédanslecasd'unusagenormaletafortioriencasdemésusagedecesproduits.Cette

situationn'estpasréservéeàlaFrance.Sansvigilance,iln'yapasdenotificationetdoncpas

d'effet indésirable recensé d'où une fausse impression de sécurité. On peut retrouver

cependantsurlessitesdel'AFSSAetdel'AFSSAPSquelquesalertesquisontrapportéesdans

l'Annexen°6.

48

Enfin,notonsbienque,selonlacatégoriedeproduits,lesdangersnesontpaslesmêmes:

Laclassedesvitamines,desselsminéraux…, concernedescomplémentsalimentairesde

composition simple pour lesquels sont connus les besoins journaliers pour des sujets en

bonnesantéounécessitantéventuellementunpetitappoint.Cesontsurtoutdesproduits

pour lesquels lesallégations sontassez facilementdémontrables ; les conseilsd'utilisation

sontétayéspardesétudesdont laqualitévaens'améliorant.Lesproblèmesdetraçabilité

sontrelativementsimplesàrésoudre,saufdanslamajoritédescasd'achatsurInternet®.

Les principaux dangers sont liés au mésusage ou aux fraudes, aux contaminations

bactériologiques ou toxiques qui sont assez facilement détectables pour desmélanges de

composition simple. De nombreux fabricants ayant pignon sur rue travaillent avec des

critèresdequalitéprochesdeceuxdel'industriepharmaceutiqueetlesproduitsmissurle

marché officiel sont, somme toute, assez sûrs si l'on respecte les conditions d'emploi

recommandées.

La seconde catégorie concerne des produits que les français ont une propension

grandissante à utiliser car un climat deméfiance à l'égard desmédecines traditionnelles

favorisetoutcequiest"vert", "bio","doux","naturel",voireorientaletmystérieux. Ces

produits sont souvent importés et/ou achetés sur Internet® et la traçabilité est alors

problématiquedemêmequel'identificationaprèsladessiccationetlapulvérisation.

Lacompositiondesmatièrespremièresd'originevégétaleestdanstouslescasvariableavec

la production (culture ou cueillette), selon le sol, la saison, la météorologie…Elle diffère

profondémentselon lapartiede laplanteutilisée,et surtoutentreunepoudredeplante,

unetisane,unextraitaqueux,unextraitalcoolique(cf.lecasdugaléga,annexe6)…

Les erreurs d'identification, les problèmes de contamination (pesticides, fraudes), de

conservationsontmultiplesets'ajoutentaumésusage.Denombreuxdangerssontsignalés

enFranceouàl'étranger;onpourraconsultersurcepointlesiteFDA:

http://www.fda.gov/Food/DietarySupplements/Alerts/default.htm

Les allégations santé, quant à elles, reposent sur des traditions et sont pratiquement

impossiblesàdémontrerpardesessaiscliniquesbienfaits:lesactivités"physiologiques"ou

thérapeutiques sont modestes, la variabilité des produits importante et il faudrait un

nombredesujetsénormeetdoncuninvestissementsansespoirderetour. Ajoutonsque,

depuislongtemps,lestenantsdelapharmacognosiesesontattachésàextraireetidentifier

49

desprincipesactifsdontl'actionétaitdémontrablesurunorganeisoléousurunanimalde

laboratoire.Cependant, uneactivité thérapeutiquen'estdémontrée valablement quepar

desessaiscomparatifschezl'hommeenrespectantlesrèglesdelapharmacologieclinique,

BonnesPratiquesCliniquescomprises.Cecicompliquelatâchedesspécialistesdesdrogues

végétales qui ont cependant, ne l'oublions pas, mis à l'honneur quelques substances

d'activité thérapeutique considérable comme la ciclosporine et les alcaloïdes de la

pervenche.

SilasituationadministrativeenFrancedescomplémentsalimentairesd'originevégétaleest

complexe,lepointsurlesdifférencesconstatéesdansl'Unioneuropéenneestconsternant.

OnentrouveradesexemplesenAnnexe6.

2‐Surveillance:LaNutrivigilance

La loiHPST publiéeen juillet2009 exigeque soitmiseenplaceune structuredestinéeà

identifierleseffetsindésirablesliésàlaconsommationdescomplémentsalimentairesetdes

nouveauxaliments(effetsaigusousub‐chroniques).

Phase pilote : Identification d'une augmentation importante de la consommation des CA.

Actuellement, 1 adulte sur 5 et 1 enfant sur 10 consomment 1 CA par an. Les femmes

consomment2foisplusdeCAqueleshommes.12%consommentdesCAàlongcours.Iln'y

aaucuneobligationàprendredesCAsaufpourlesjeunesenfants,lespersonnesâgéesetles

femmesenceintessurconseilmédical.Iln'yapasd'étudessurlesconséquencesdelaprise

deCAàlongcours.

Dispositif :Touteffetindésirabledoitêtresignaléparunprofessionneldesanté(Médecin,

Pharmacien,Diététicien,Infirmière).LesparticuliersdoiventpasserparunProfessionnelde

santé.Lafichededéclarationesttrèsvoisinedecelleutiliséedanslecadredelapharmaco‐

vigilance.

L'enregistrement des déclarations et leur analyse se fait au sein du Comité technique

constitué des représentants de la DGS, DGCCRF, DGAL, AFSSA, InVS, AFSSAPS, AFLD et

CAPTV.

L’imputabilité est une phase clé. Elle est basée sur la même méthodologie que la

pharmacovigilancequicomportedeuxscores :unscorechronologique(leplus important :

50

apparitionaprès laprise, tempsdeprise, tempsderéapparitionencasdereprise...)etun

scorescientifique,soitintrinsèque,soitextrinsèque(Bibliographie).

Bilan : 123 déclarations en 1 an dont 49 % de signalements prospectifs et 51% de

signalementsrétrospectifs(enmémoiredanslesdifférentesagences).

3typesd'effetsindésirables:

‐ Confusion dans la délivrance : délivrance de Préviscan (anticoagulant) au lieu de

Préservision(pourlesDMLA)

‐ Effets observés avec différents produits renfermant la même substance (toxicité

liéeauproduit‐Qualité?)

‐Effetsobservésaveclamêmegammedeproduits(Analysedelacompositionpour

trouverleproduitresponsable)

Orientation2011:

‐Sensibiliserlesprofessionnelsdesantépourlaremontéedesdéclarations

‐Sensibiliserlesindustrielsàcetteopération

‐ Ne pas effrayer,mais ne pas banaliser avec pour but d'améliorer la sécurité des

consommateurs.

Enconséquence,lesAcadémiesdeMédecineetdePharmacie

‐soutiennentledéploiementduDispositifnationaldevigilanceensoulignantque,s’iln’yapasdebénéficepourlapopulationgénéraleàconsommerdescomplémentsalimentaires,leur usage prolongé en auto‐prescription constitue un risque dans lamesure où il peutexisterdeseffetssecondairesindésirables,quedesaccidentsontétérapportésetquel’onmanqued’étudesquipermettraient lorsdeprises régulièresau long cours,d’établir leurtotaleinnocuité;‐attirentl’attentionsurlefaitqu’ilexistepourcertainesvitaminesetcertainsminérauxunrisque de dépassement des limites de sécurité du fait du cumul de la consommationd’aliments enrichis et de l’usage de compléments alimentaires, lors de consommationsextrêmespardesciblesparticulières;‐mettentengardecontrelesdifficultésd’évaluationdel’innocuitédanslecasdesplanteset des extraits végétaux, et contre l’insuffisante évaluation du risque accru dedéveloppementdetoxicitélorsd'unesupplémentationaulongcours;‐ alertent contre lemésusage de compléments alimentaires qui peuvent s’intégrer dansune stratégie de dopage, intentionnelle ou non, favorisée par la commercialisation viaInternet, difficilement contrôlable, de toutes sortes de produits aux caractéristiquesincertaines.

51

Chapitre6

Commentassurerlaprotectionduconsommateur?

Audition de Mr. Charles Pernin, Ingénieur Agronome, CLCV (Consommation, Logement,

CadredeVie).

CLCVestunefédérationd'Associationslocales(environ400)quiregroupe30.000adhérents

L'étudedelaconsommationdesCAestdevenueunenjeupourleCLCVsuiteàlaparutiondu

règlementEuropéenrelatifauxallégationssanté,notammentpourtoutcequiconcerne la

loyautédel'informationduconsommateuretl'efficacitédesproduits.

En2007, leCLCV,par l'intermédiairedeCh.Pernin,adécidéd'engageruneenquêtesur la

crédibilitédeseffetsrevendiquésaprèscollectede140produitsrécupérésdansdesgrandes

surfacesetsurInternet(aucunproduitachetéenpharmacie).

4catégoriesdeproduitsontfaitl'objetd'investigation:

‐ les produits minceur (environ 60%) renfermant des substances de type caféine,

thévert,CLA(acidelinoléiqueconjugué),chitosan;

‐lesproduitstoniques,anti‐âge:cocktaildevitaminesetminéraux,ginseng;

‐lesproduitssantépourlapeauetlescheveux:huiledeBourrache,silice;

‐lesproduitspourlaménopause:isoflavonedesoja.

Recherche des principes actifs, preuves existantes de l'efficacité via PubMed, et les

documentspouvantêtreémisparl'AFSSA,l'AFSSAPS,etleNIH.

Lesconclusionsdel'étudesontlessuivantes:

‐Niveauxdepreuvetrèsinsuffisantsparrapportàl'efficacitérevendiquée;

‐Existenced'unesurenchèredanslesallégations;

‐ Apparemment pas de changement depuis la parution du règlement européen, le

ménageattendun'apasencoreeulieu.

Autotal,ledomainedescomplémentsalimentairesnécessiteuneremiseenordreleplustôt

possible afin que cessent les allégations trompeuses pour le consommateur et le CLCV

comptebeaucoupsur lesexpertsde l'AESApourquenesubsistentque lesproduitsayant

52

démontré leur efficacité et leur innocuité. Le domaine des CA à base de vitamines et

minérauxrestevalideencasdecarenceenfaisantattentionauxrisquesdesurdosage.

Enconséquence,lesAcadémiesdeMédecineetdePharmacie

‐estimentquelafabricationetlecontrôledescomplémentsalimentairesenFranceselonles recommandations des principales organisations professionnelles sont un gage dequalitéetqu'ilfauttoutfairepouréviterqueleconsommateurnesefournisseauprèsdesites incontrôlés via Internet, et pour l’encourager à solliciter les avis dumédecin oudupharmacien;‐souhaitentqueleslistescommunautairesd'allégationsautoriséesquisontdisponiblessurInternet, soient régulièrement mises à disposition des consommateurs toutparticulièrementgrâceauréseaudespharmaciesd'officinequiréalisentenFranceplusde50%duchiffred'affairesdescomplémentsalimentaires;‐ demandent que les professionnels de santé qui prescrivent ou conseillent ces produitsaientune formationsuffisantepourpouvoirconseillerefficacement leconsommateur.LeCorpsmédicaletlesPharmaciensd'officineontàceniveauunrôleprimordialàjouer;‐proposentque lesprescriptionsmédicalesdecomplémentsalimentairessoient rédigéessuruneordonnanceséparéedecelledesprescriptionsdemédicamentspouréviter touteconfusion de délivrance à l'officine (surtout lorsque les dénominations des complémentsalimentairessontprochesdecellesdespécialités);‐ regrettent qu’il soit aussi difficile de protéger le consommateur de ses propres erreursalorsqu'estentretenueunecertaineconfusionentrealimentetmédicamentdansl’espritdupublic.Eneffet,ledéremboursementdecertainsmédicamentsetlapratiquecommuned’une automédication incontrôlée peut favoriser l’usage abusif de complémentsalimentaires.

53

Recommandations

desAcadémiesdeMédecineetdePharmacieLerèglement(CE)n°1924/2006duParlementEuropéenetduConseildu20décembre2006,modifié en date du 18 janvier 2007, régit l’utilisation des allégations nutritionnelles et desanté portant sur les denrées alimentaires (aussi bien les aliments que les complémentsalimentaires)afind'harmoniserleslégislationsauseindesEtatsMembresetdeprotégerleconsommateur.C’estunoutilderégulationfavorisantlalibrecirculationdesproduits;maisiln’estpasconçupourêtreuninstrumentdesantépublique.En effet, pour pouvoir bénéficier d'une allégation, les denrées alimentaires devraientrespecter un «profil nutritionnel» établi en prenant en considération i) les quantités denutrimentscontenuesdansleproduitconsidéré,ii)laplacedeladenréealimentaireetsonapportaurégimedelapopulationconsidérée,iii)sacompositionnutritionnelleglobaleainsique la présence de nutriments reconnus scientifiquement comme ayant un effet sur lasanté.Maislesprincipessous‐jacentsenmatièredecompositionnutritionnellerelèventtrèslargement d’une application arbitraire à l’ensemble de la population de règles qui n’ontd’intérêt que pour certaines catégories, et conduisent insidieusement à une conceptionerronéedecequedoitêtreunealimentation saineetvariée, fondée sur ladiversitéet lacomplémentaritédesproduits.Cependant,l'analysedurèglement,lesexpertisesdel'AESAetlesauditionsréaliséesparlesgroupesdetravaildesdeuxAcadémiesontmisenlumièreuncertainnombredequestionsrelativesàlaconsommationetàlasécuritéd'emploidesproduitspotentiellementporteursd’allégations,etàlaconfusionlatenteentremédicamentetaliment.Faceàcesquestionsetauxremarquesauxquellesellesontdonné lieu, lesAcadémiesNationalesdeMédecineetdePharmacierecommandent: Concernantlesallégationsnutritionnellesetdesanté

1‐derenonceràlanotiondeprofilsnutritionnelsquinepeuventêtrequ’arbitrairementdéfinis, de limiter le nombre de denrées alimentaires susceptibles de porter uneallégation, et de leur imposer un étiquetage spécifique précisant l’avantage et lesinconvénientséventuelsduproduitconcerné;

2 ‐ de fonder leur sélection, non seulement sur la démonstration scientifique de l’effetallégué,maisaussisurlapertinenceentermesdesantépubliquedelamiseenmarchédetelsproduitsalimentaires,etsurlerésultatd’uneanalysebénéfice‐risqueapprofondie;

3 – de rejeter un modèle alimentaire et nutritionnel qui tend, par le biais de laréglementationeuropéenne,àeffacerprogressivementdesusagesalimentairesnationauxdontonsaitqu’ilssontglobalementbénéfiques;

54

Concernantplusspécifiquementlescomplémentsalimentaires

1‐derevoirladirective2002/46/CEafind'instaurerunedistinctionentre: descomplémentsalimentairesquisoientdesproduitsbiendéfinisetcaractérisés,

destinésàêtreutilisésencasdecarenceoudedéficience, lesproduitsàbasedeplantes,nondestinésàcompléterunealimentationnormale,

quipourraientêtredéfiniscommedessupplémentsalimentaires;

2–defaireensortequeleurutilisationdanscertainsgroupesdepopulationspécifiquesrelèveétroitementduconseilmédicalet/oupharmaceutique;

3 ‐ d’imposer qu’il soit apposé sur les emballages des compléments alimentaires unemention précisant que ces produits peuvent être à l'origine d'incompatibilités aveccertainsmédicaments;

4 ‐ de réviser le règlement1924/2006 pour définir les conditions dans lesquelles lessuppléments alimentaires (à base de plantes, voir en 1 ci‐dessus) pourraient releverd'allégationsnutritionnellesetdesanté,etdepublierunelistedeplantesautoriséesavecleursconditionsd'emploi;

5 ‐ de développer l’éducation du consommateur afin de l’éclairer sur les risques et lesdangersliésàuneutilisationirraisonnéeetaumésusagedecomplémentsalimentaires;

6 ‐ d’assurer la plus large information sur les listes communautaires d'allégationsautorisées, et de veiller à ce que les professionnels de santé aient une formation ennutritionetenpharmacologiesuffisante.

55

Annexe1

Lemarchéfrançaisdescomplémentsalimentaires

Lechiffred'affairesdescomplémentsalimentairesenFranceestde1.1milliardsd'euros.

‐53%deceCAestréaliséparlesPharmaciensd'officine(603millions);

‐23%deceCAestréalisésurInternet;

‐11.6%deceCAestréalisédanslesmagasinsdeDiététique;

‐9%deceCAdanslesgrandessurfaces.

Ces chiffres sont importants à connaître car plus de la moitié des ventes sont sous la

responsabilité des Pharmaciens d'officine. Si la formation qu'ils reçoivent en matière de

médicaments leur donne un avantage au plan efficacité et sécurité d'emploi des

complémentsalimentaires, il estnéanmoins capitalqu'ils soientparfaitement informésde

tout cequi touche lanutritionet la règlementationdans cedomaine.Nous y reviendrons

plusloin.

Laconsommationdecesproduitsestdueselonl'étudeINCA2:

‐pour26%auboucheàoreille‐

‐pour21%auconseildespharmaciens

‐pour27%àla"prescription"médicale

Des chiffres plus informatifs sont fournis par le CREDOC suite à 2 enquêtesmenées en

2006et2009.Lespointsparticulierssuivantssontàretenirpournotreréflexion:

1‐Laprisedecomplémentsalimentaires‐faitsuiteàunepublicitédans34à36%descas,‐

àunconseilmédicalsansprescriptiondans26%descas,‐àunconseilpharmaceutiquedans

21à29%descas,‐àuneprescriptionmédicaledans20à25%descas,

2‐Lesraisonsdelaconsommationsont:‐lafatigue(31à42%),‐desproblèmesdesanté

(nonspécifiés)(19à22%),‐laluttecontrelamaladie(!!!)(11à18%).

56

3 ‐ Les acheteurs font essentiellement partiedes classesmoyennesde la population. Ce

sontmajoritairementlesfemmesquiachètentpourlafamille(surtoutpourelles‐mêmeset

leursenfants).

4 ‐ Les enquêtes menées montrent que les compléments alimentaires contribuent à la

réductiondesdéficiences (cequidevraitêtre leurvéritableobjectif)uniquementdans les

domaines desminéraux et des vitamines. C'est d'ailleurs à ce niveau que l'on trouve des

recoupementspournepasdiredessuperpositionsaveclesmédicaments:casdesvitamines

B9,DetCparexemple.

5‐Encequiconcernelesenfants,

‐12%desenfantsde3à17ansconsommentdescomplémentsalimentaires

37%sousformedemédicaments

79%sousformedevitamines/minéraux

18%sousformed'extraitsdeplantesoudeproduitsnaturels

‐ Cette consommation est, pour 70% des cas, due à la prescription ou au conseil d'un

professionneldesanté,essentiellementPédiatresmaisaussiPharmaciensetInfirmières.

‐Enfait,ilfautconsidérerquelaquestiondescomplémentsalimentaireschezlesenfants

passe par le suivi pédiatrique et que c'est le Pédiatre qui sera le principal prescripteur

compte tenu de l'état de l'enfant et des carences ou insuffisances éventuelles. On

comprend donc mieux que les compositions des compléments alimentaires chez les

enfantsconcernentessentiellement lesvitamineset lesminérauxqui sontalorsdevrais

compléments alimentaires car ils permettent depallier une insuffisanceouune carence

d'apport.

57

Annexe2

L'IndustriedesCAenFrance

DeuxorganisationsprofessionnellessontreprésentativesdelafabricationdesCAenFrance:

SYNADIETetSDCA:

SYNADIET représente 160 adhérents dont une trentaine d'entreprises ayant statut de

laboratoirepharmaceutique.CesonttoutesdesPME/PMI.

LeSDCAreprésenteenviron80adhérentsdontunevingtained'entreprisesayantstatutde

laboratoirepharmaceutique.LadifférenceavecSYNADIETportesur3aspects:

‐2typesdeproduction:soitdesproduitsdiététiques,soitdescomplémentsalimentaires

‐ Adhérents incluant les sous‐traitants, les fournisseurs et les sociétés de conseils et

d'études.

‐ Développement de l'export car les entreprises adhérentes sont d'une taille supérieure à

cellesdeSYNADIET

En ce qui concerne les produits diététiques, le SDCA représente 85% dumarché via une

vingtained'entreprises. Il s'agit d'alimentsdestinés à répondre auxbesoinsparticuliersde

populationsspécifiques(diététiqueminceur,diététiquesportive,alimentssansgluten...)

En ce qui concerne les compléments alimentaires, le SDCA représente environ 75% du

marchéviaunesoixantained'entreprises.

Cesorganisationsprofessionnellessonttrèsactivesvisàvisdeleursadhérents.Ellessonten

rapport étroit avec l'Administration (DGCCRF, DGS, DGAL, SGAE...), elles participent aux

groupesdetravaildel'EHPM(FédérationEuropéenne)etàl'EuropeanBotanicalForum.Elles

organisent régulièrement des rencontres scientifiques et des sessions de formation pour

leursadhérents.EllesontmisenplaceuneChartedeQualitéetpublientdesmisesà jour

réglementairestouslesans.

58

Cesdeuxorganisationsapparaissentcommesérieusesetdynamiques.Ellesmotiventleurs

adhérentspourqu'ilss'adaptentàlaréglementation,maisils'agitdePME/PMIquin'ont

pas assez de financement pour effectuer des essais cliniques donnant des résultats

statistiquementsignificatifs.

Dépendant du Code de la Consommation, les compléments alimentaires font l'objet de

déclarationauprèsde laDGCCRF, qui examine leur compositionet réalisedes contrôles à

l'instar des autres catégories dedenrées alimentaires. La règlementationprévoit une liste

positive progressivement établie des ingrédients pouvant entrer dans leur composition,

actuellementcibléesurlesvitaminesetlesminérauxauniveaueuropéen,élargieauniveau

national par des doses journalières maximales à ne pas dépasser et diverses substances

tellesquelesplantes.

Cependant, contrairement au médicament, la commercialisation des compléments

alimentairesnenécessitepasd'autorisation individuelledemise sur lemarché fondéesur

l'évaluationd'undossierindustrielparuneinstanced'expertise.L'industrielestresponsable

delaconformitédesmisessurlemarchéaveclesnormesenvigueur,delasécuritéetdela

non‐tromperieduconsommateur.

59

Annexe3

Alimentsoumédicaments?

1‐QuenousapprendlajurisprudencerécentedelaCJE?

A:Basesdocumentaires

A‐1Affairesrevêtantuncaractèred’intérêt

ArrêtdelaCourdu9juin2005danslesaffairesjointesC‐211/03,C‐299/03etC‐316/03àC‐

318/03 ayant pour objet des demandes de décisions préjudicielles:HLHWarenvertriebs

GmbH,OrthicaBCcontreBundesrepublikDeutschland

ArrêtdelaCourdu15novembre2007dansl’affaireC‐319/05ayantpourobjetunrecours

enmanquement au titre de l’article 226 CE, introduit le 19 août 2005: Commission des

CommunautéseuropéennescontreRépubliquefédéraled’Allemagne

ArrêtdelaCourdu15janvier2009dansl’affaireC‐140/07ayantpourobjetunedemande

de décision préjudicielle au titre de l’article 234 CE, introduite par le

Bundesverwaltungsgericht (Allemagne): Hecht‐Pharma GmbH contre Staatliches

GewerbeaufsichtamtLüneburg

Arrêt de la Cour du 5 mars 2009 dans l’affaire C‐88/07 ayant pour objet un recours en

manquement au titre de l’article 226 CE, introduit le 15 février 2007: Commission des

CommunautéseuropéennescontreRoyaumed’Espagne

Arrêtde laCourdu30avril2009dans l’affaireC‐27/08ayantpourobjetunedemandede

décisionpréjudicielleautitredel’article234CE,introduiteparleBundesverwaltungsgericht

(Allemagne):BiosNaturproduktegmbHcontreSaarland

A‐2Cadrejuridique

a) MédicamentsLe cadre juridique applicable auxmédicaments est harmonisé par la directive 2001/83/CE

modifiée du Parlement européen et du Conseil du 6 novembre 2001 instituant un code

communautaire relatif aux médicaments à usage humain. Cette directive établit un code

60

communautairequiregroupe,dansunacteunique, l’ensembledesdispositionsenvigueur

en matière d’autorisation de mise sur le marché, de fabrication, d’étiquetage, de

catégorisation,dedistributionetdepublicitédesmédicamentsàusagehumain.

La directive 2001/83 a étémodifiée à plusieurs reprises et notamment en 2004 par deux

directives:

- Directive2004/24/CEduParlementeuropéenetduConseildu31mars2004modifiant,

en ce qui concerne les médicaments traditionnels à base de plantes, la directive

2001/83/CEinstituantuncodecommunautairerelatifauxmédicamentsàusagehumain

- Directive2004/27/CEduParlementeuropéenetduConseildu31mars2004modifiant

la directive 2001/83/CE instituant un code communautaire relatif auxmédicaments à

usagehumain.

- Uneversionconsolidéedecetexteestdisponibleici:

http://eur‐lex.europa.eu/LexUriServ/LexUriServ.do?uri=CONSLEG:2001L0083:20091005:FR:PDF

Lesdispositionscommunautairesontétéintégréesdansledroitnational,auseinduCodede

lasantépublique.Acestade, ilconvientdesignalerquelaFranceaétécondamnéeparla

CJCEpournepasavoirtransposé ladirective2004/24dans lesdélais impartis (arrêtdu29

novembre2007dansl’affaireC‐67/07).

b) DenréesalimentairesLecadrejuridiqueapplicableauxalimentsestharmoniséparlerèglement(CE)n°178/2002

duParlementeuropéenetduConseildu28janvier2002établissantlesprincipesgénéraux

et lesprescriptionsgénéralesde la législationalimentaire, instituant l'Autoritéeuropéenne

de sécurité des aliments et fixant des procédures relatives à la sécurité des denrées

alimentaires.Cetexteétablitlesprincipesgénérauxdelalégislationalimentaireainsiqueles

procédures relatives à la sécurité des denrées alimentaires, qui s'appliquent aussi aux

aliments pour les animaux. Les contrôles et le suivi s'effectuent tout au longde la chaîne

alimentaire«delafermeàlatable».Lamêmelégislationquiétablitlesprincipesgénéraux

et les contrôles harmonisés institue l'Autorité européenne de sécurité des aliments, une

agence européenne qui est la référence scientifique pour le contrôle et l'évaluation des

aliments.

61

Il reprend bon nombre de principes qui existaient déjà dans le droit national, au sein du

Codedelaconsommation.Uneversionconsolidéeestdisponibleici:

http://eurlex.europa.eu/LexUriServ/LexUriServ.do?uri=CONSLEG:2002R0178:20090807:FR:PDF

Les compléments alimentaires font l’objet d’une harmonisation partielle par le biais de la

directive 2002/46/CE du Parlement européen et du Conseil du 10 juin 2002 relative au

rapprochement des législations des États membres concernant les compléments

alimentaires.Uneversionconsolidéeestdisponibleici:

http://eurlex.europa.eu/LexUriServ/LexUriServ.do?uri=CONSLEG:2002L0046:20081211:FR:PDF

Cettedirectiveesttransposéeendroitnationalpar ledécretn°2006‐352du20mars2006

relatifauxcomplémentsalimentaires,ainsiqueparsonarrêtéd’applicationdu9mai2006

relatifauxnutrimentspouvantentrerdanslafabricationdescomplémentsalimentaires.La

France a également été condamnée pour n’avoir pas transposée cette directive dans les

délais.

A‐3Dispositionsimportantes

a) Définitiondumédicament(article1erde2001/83)«Auxfinsdelaprésentedirective,onentendparmédicament:

a)toutesubstanceoucompositionprésentéecommepossédantdespropriétéscurativesou

préventivesàl'égarddesmaladieshumaines;ou

b) toute substanceou compositionpouvant être utilisée chez l'hommeoupouvant lui être

administréeenvuesoitderestaurer,decorrigeroudemodifierdesfonctionsphysiologiques

enexerçantuneactionpharmacologique, immunologiqueoumétabolique, soitd'établirun

diagnosticmédical».

Doublecomposante:présentationetfonction

b) Définitiondeladenréealimentaire(article2du178/2002)

«Auxfinsduprésentrèglement,onentendpar«denréealimentaire»(ou«aliment»),toute

substance ou produit, transformé, partiellement transformé ou non transformé, destiné à

être ingéré ou raisonnablement susceptible d'être ingéré par l'être humain.(…)

Leterme«denréealimentaire»necouvrepas(…)lesmédicaments».

Aucunecaractérisationprécisedecequ’estunedenréealimentaire,nidesonobjectif.

62

c) Définitionducomplémentalimentaire(article2de2002/46)

«Auxfinsde laprésentedirective,onentendpar«complémentsalimentaires», lesdenrées

alimentairesdontlebutestdecompléterlerégimealimentairenormaletquiconstituentune

source concentrée de nutriments ou d'autres substances ayant un effet nutritionnel ou

physiologiqueseulsoucombinés,commercialiséssousformededoses,àsavoirlesformesde

présentation tellesque lesgélules, lespastilles, les comprimés, lespilulesetautres formes

similaires, ainsi que les sachets depoudre, les ampoules de liquide, les flaconsmunis d'un

compte‐gouttes et les autres formes analogues de préparations liquides ou en poudre

destinéesàêtreprisesenunitésmesuréesdefaiblequantité».

Mention de la notion d’effet physiologique qui existe également dans la définition du

médicamentparfonction.Mentionégalementduformat(dose)quin’estplusuncaractère

discriminatoireentrealimentetmédicament.

d) Prioritédonnéeàladéfinitiondumédicament(article2de2001/83)

«En cas de doute, lorsqu’un produit, eu égard à l’ensemble de ses caractéristiques, est

susceptible de répondreà la fois à la définitiond'un«médicament» et à la définitiond'un

produitrégiparuneautrelégislationcommunautaire,lesdispositionsdelaprésentedirective

s’appliquent».

«Encasdedoute»signifiequ’ilaétéétabliqueleproduitenquestionrépondauxdeux

définitionsetqu’iladoncétéqualifiédemédicament.

e) Unecoexistencepossible(considérant12dela2004/24)

«La présente directive permet aux produits non médicamenteux à base de plantes

satisfaisant aux critères de la législation sur les denrées alimentaires d'être régis, dans la

Communauté,parcettelégislation».

B‐Résumédesaffaires

B‐1L’affaire«Warenvertriebs»:desquestionspréjudiciellesquipermettentdedégager

l’articulationdestextesetlescritèrespertinentspourqualifierunproduitdemédicament

Unejuridictionallemandes’interrogesurlestatutdeplusieursproduitscommercialisésaux

Pays Bas en tant que denrées et considérés par les autorités allemandes comme des

médicaments (sachetsdeprobiotiques, comprimésdevitamineC1000mg, comprimésde

63

bioflavonoïdes, comprimés de vitamine E 268 mg). A cette fin, elle pose une série de

questionspréjudiciellesà laCJCEvisantàclarifier lechampdechaqueréglementation, les

critères devant servir à la qualification de médicament et la marge de manœuvre dont

disposentlesÉtatsmembres.IlestégalementdemandéàlaCJCEdeseprononcersurlescas

d’espèce.

LaCJCErappelletoutd’abordqueseuleslesdispositionsdudroitcommunautairespécifiques

auxmédicamentss’appliquentàunproduitqui remplitaussibien lesconditionspourêtre

unedenréealimentairequecellespourêtreunmédicament.Ellesoulignenéanmoinsqu’en

l’étatactueldudroitcommunautaire,ilestencorepossiblequedesdifférencessubsistent,

entre les États membres, dans la qualification des produits comme médicaments ou

commedenréesalimentaires.

Elle rappelle également que, pour décider si un produit relève de la définition d’un

médicament,lesautoritésnationalesdoiventprocéderaucasparcas,entenantcomptede

l’ensemble des caractéristiques de chaque produit, dont notamment sa composition, ses

propriétéspharmacologiques, immunologiquesoumétaboliques, établiesen l’état actuel

de la connaissance scientifique, ses modalités d’emploi, l’ampleur de sa diffusion, la

connaissancequ’enontlesconsommateursetlesrisquesquepeutentraînersonutilisation

surlasanté.

Selon la Cour, les propriétés pharmacologiques d’un produit sont le facteur sur la base

duquel il appartient aux autorités des États membres d’apprécier, à partir des capacités

potentielles de ce produit, si celui‐ci peut être administré à l’homme en vue d’établir un

diagnosticmédicalouderestaurer,corrigeroumodifierdes fonctionsphysiologiqueschez

l’homme.Lerisquequel’utilisationd’unproduitpeutentraînerpourlasantéestunfacteur

autonome qui doit également être pris en considération par les autorités nationales

compétentes dans le cadre de la qualification de ce produit en tant que médicament.

S’agissantdesmodalitésd’emploi quidoiventêtreprisesen comptedans le cadrede cet

examenglobal,laCJCEindiquequ’ellescomprennent,lecaséchéant,lacirconstancequele

produitenquestiondoitêtre,selonsonmoded’emploi,mélangéàdel’eauouàduyaourt.

Mais cet élément n’est pas décisif en soi et il n’exclut pas la prise en compte des

caractéristiques du produit dans son état initial, avant d’êtremélangé à de l’eau ou à du

yaourt.

64

Interrogée sur la marge d’appréciation dont disposent une autorité nationale et sur le

contrôlejuridictionnelauquelelleestsoumise, laCour indiquequele jugecommunautaire

selimiteàexaminerlamatérialitédesfaitsetlesqualificationsjuridiquesquecetteautorité

en déduit et, en particulier, si l’action de cette dernière n’est pas entachée d’une erreur

manifeste ou de détournement de pouvoir ou si cette autorité n’a pas manifestement

dépasséleslimitesdesonpouvoird’appréciation.

Dèslors,laCJCEconsidèrequ’ellen’estpascompétentepourtrancherlesfaitsauprincipal

etellerenvoieàlajuridictionnationalepourqualifierlesproduitsencause.

B ‐ 2 L’affaire C‐88/07: la CJCE examine le mode de classement d’un produit dans le

groupedesmédicaments,misenplaceparl’Espagne

LaCommission reprocheà l’Espagnede retirerdumarchédesproduits qu’ellequalifiede

médicaments au seul motif que ces produits contiennent des plantes médicinales non

«libérées»alorsmêmequecesproduitssontlégalementcommercialisésdansunautreÉtat

membre en tant que compléments alimentaires. Elle reproche également de ne pas avoir

notifiécettemesureadministrative.

La CJCE constate dans un premier temps qu’il existe effectivement une pratique

administrativeconsistantàclassersystématiquemententantquemédicamentdesproduits

àbasedeplantesmédicinalesdèslorsquecelles‐cinefigurentpasdanslalistedesplantes

«libérées»etquecettepratiqueprésenteundegrédeconstanceetdegénéralitésuffisant

pourpouvoirfairel’objetd’unrecoursenmanquement.

La Cour souligne ensuite que les plantes médicinales sont des espèces végétales qui, en

raisonmême de leurs propriétés et de leurs effets physiologiques, peuvent être utilisées

commeingrédientsdansdesmédicamentsoudansd’autrestypesdeproduits,notamment

lescomplémentsalimentaires.Dèslors,leseulfaitqu’uneouplusieursplantesmédicinales

entrentdanslacompositiond’unproduitnesuffitpaspourconclurequeceproduitpermet

de restaurer, de corriger ou de modifier des fonctions physiologiques en exerçant une

action pharmacologique, immunologique ou métabolique, au sens de la définition du

médicament par fonction. La Cour a jugé que des substances qui, tout en ayant une

influence sur le corps humain, n’ont pas d’effet significatif sur le métabolisme et ne

65

modifientdèslorspasàproprementparlerlesconditionsdesonfonctionnementnedoivent

pasêtrequalifiéesdemédicamentparfonction.

La pratique espagnole, en tant qu’elle s’applique de façon systématique, peut donc avoir

poureffetdeclassercertainsdesproduitsencauseentantquemédicamentsalorsmême

qu’ils ne seraient pas susceptibles d’exercer une action pharmacologique. Les notions de

dose etd’actionpharmacologiques ont ici un rôle central et seront aussi exploitées dans

d’autresaffaires.

La CJCE relève enfin que cette pratique créé une entrave aux échanges

intracommunautaires,sanspourautantquecelasoitjustifiéparuneexigencedeprotection

delasantédespersonnes.Eneffet,selonlaCour,lefaitquelaplantemédicinaleàbasede

laquelleleproduitestfabriquén’estpas«libérée»nepermetpas,surlabasedesdonnées

scientifiques lesplusrécentes,deprendreencompte lerisqueréelpour lasantépublique

queprésenteceproduit.

L’Espagne est donc condamnée pour entrave injustifiée aux échanges communautaires et

pournepasavoirnotifiésapratiqueadministrativeàlaCommissioneuropéenne.

B‐3LesaffairesC‐319/05etC‐140/07:laCJCEexaminedeuxcasd’espèce,desproduitsà

based’ailetdelevurederizrouge

A l’occasion de ces deux affaires, la CJCE est amenée à vérifier le bien‐fondé de la

classificationdedeuxproduitsentantquemédicaments.

a) AffaireC‐319/05(CommissioncontreAllemagne):extraitd’ail

Les autorités allemandes ont refusé la commercialisation d’un produit à base d’un extrait

éthanolique d’ail (une gélule comprend 370mg d’extrait dont la teneur en allicine serait

compriseentre0,95%et1,05%soit7,4gd’ailfrais)aumotifqueceproduitconstituaitun

médicament.LaCommissionconsidèrequeleproduitencausen’estpasunmédicamentet

quel’interdictionestunemesuredisproportionnée,contraireauxarticles28et30duTraité

(principedelibrecirculationdesmarchandises).

Faceauxargumentsdechaquepartie,laCJCEcommenceparvérifiersileproduitencause

constitueunmédicamentavantdeconsidérers’ilyaunmanquementauxarticles28et30

duTraité.

66

Sur la définition du médicament par présentation, la CJCE rappelle que, selon une

jurisprudence constante, la notion de présentation d’un produit doit être interprétée de

façon extensive. En effet, en se basant sur le critère de la présentation du produit, la

directive 2001/83 vise à inclure non seulement les médicaments qui ont un effet

thérapeutique ou médical véritable, mais également les produits qui ne seraient pas

suffisamment efficaces, ou qui n’auraient pas l’effet que les consommateurs seraient en

droit d’attendre eu égard à leur présentation. Ladite directive tend ainsi à préserver les

consommateursnonseulementdesmédicamentsnocifsoutoxiquesentantquetels,mais

aussidediversproduitsutilisésenlieuetplacedesremèdesadéquats.

Danslecasd’espèce,laCourconsidèrequ’aucunaspectduconditionnementduproduitou

de sa présentation ne tend à le faire ressembler à un médicament. En l’occurrence, la

présence de la photographie d’une plante sur l’emballage n’est pas un élément pouvant

inspirerauconsommateurlaconfiancequ’inspirentnotammentlesmédicaments.

Sur la définition du médicament par fonction, la CJCE rappelle que les propriétés

pharmacologiquesd’unproduitsontlefacteursurlabaseduquelilconvientd’apprécier,à

partirdescapacitéspotentiellesdeceproduit,sicelui‐cipeutêtreadministréàl’hommeen

vued’établirundiagnosticmédicalouderestaurer,decorrigeroudemodifierdesfonctions

physiologiqueschezl’homme.Sicettedéfinitionestsuffisammentlargepourpermettred’y

inclure des produits qui, s’ils sont de nature à avoir une incidence sur les fonctions

organiques, ont en réalité un autre objectif, ce critère nedoit pas conduire à qualifier de

médicament par fonction des substances qui, tout en ayant une influence sur le corps

humain, n’ont pas d’effet significatif sur le métabolisme et ne modifient dès lors pas à

proprement parler les conditions de son fonctionnement. En effet, pour la juridiction

européenne, contrairement à la notion de médicament par présentation, dont

l’interprétationextensiveapourobjectifdepréserver lesconsommateursdesproduitsqui

n’auraient pas l’efficacité qu’ils seraient en droit d’attendre, celle de médicament par

fonction vise à englober les produits dont les propriétés pharmacologiques ont été

scientifiquementconstatéesetquisontréellementdestinésàétablirundiagnosticmédical

ouàrestaurer,àcorrigerouàmodifierdesfonctionsphysiologiques

Danscesconditions,laCJCEestimequ’afindepréserverl’effetutiledececritère,iln’estpas

suffisantqu’unproduitaitdespropriétésbénéfiquespourlasantéengénéral,maisildoità

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proprementparleravoirpourfonctiondepréveniroudeguérir.médicamentausensdela

directive2001/83.Unetelleconclusions’avèred’autantpluspertinenteauxyeuxdesjuges

communautairesqu’ilexisteungrandnombredeproduitsgénéralementreconnuscomme

denréesalimentairesetquel’onpeutobjectivementutiliseràdesfinsthérapeutiquessans

pourautantleurconférerlaqualitédemédicaments.

Dans le cas d’espèce, la CJCE souligne que le produit en cause n’a pas d’effets

supplémentairesparrapportàceuxquidécoulentdelaconsommationd’ailàl’étatnaturel

etqu’iln’adoncpasd’effetsignificatifsurlemétabolisme.

Enfin, laCJCE considèrequ’en faisant référencedemanière très générale aux risquesque

pouvait représenter laconsommationd’ail (hémorragiesspontanéesetpostopératoiresou

inhibitiondes effets de certains antirétroviraux), l’Allemagnen’apasdémontré enquoi le

recours à une procédure d’autorisation préalable pour des produits à base d’ail était

nécessairepourprotégerlasantédesconsommateurs.

L’Allemagneestdonccondamnéepourentraveinjustifiéeauxéchangescommunautaires.

b) AffaireC‐140/07(questionspréjudicielles):levurederizrouge

Une juridictionallemande interroge laCJCEdans lecadred’un litigeopposantunesociété

auxautoritésallemandesquiontqualifiésoncomplémentalimentaireàbasede levurede

riz rouge (Monascus purpureus) de médicament. La portion journalière recommandée

conduit en effet à l’ingestion d’environ 4 mg de monacoline K. Le tribunal allemand

s’interrogesurlanotiondedouteexpriméeàl’article2deladirective2001/83ainsiquesur

laqualitéd’unproduit lorsque ladoseest inférieureà ladose susceptibledeproduireun

effetpharmacologique.

Alapremièrequestion,laCJCErépondquel’article2,paragraphe2,deladirective2001/83

doit être interprété en ce sens que cette directive ne s’appliquepas à unproduit dont la

qualité demédicament par fonction n’est pas scientifiquement établie, sans pouvoir être

exclue. Le principe selon lequel, en cas de doute, la priorité est donnée au droit du

médicamentpartdupostulatqueleproduitconcernéremplit lesconditionspourêtreun

médicament.

La CJCE ajoute que les modifications apportées à la définition du médicament par la

directive2004/27 (qui introduit cetteprioritéen casdedoute) visentà spécifier le type

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d’action (pharmacologique, immunologique ou métabolique) que doit exercer un

médicamentauxfinsderestaurer,decorrigeroudemodifierlesfonctionsphysiologiques

chez l’homme. Cette précision est apparue nécessaire après l’introduction de l’effet

physiologiquedansladéfinitionducomplémentalimentaire.

Pour répondre à la deuxième question, la CJCE rappelle que ne saurait être

systématiquement qualifié demédicament par fonction tout produit dans la composition

duquel entre une substance ayant un effet physiologique, sans que l’administration

compétente procède à une appréciation au cas par cas de chaque produit, en tenant

notamment compte des propriétés pharmacologiques, immunologiques ou métaboliques

quiluisontpropres,tellesqu’ellespeuventêtreétabliesenl’étatactueldelaconnaissance

scientifique.Cetteappréciationnedoitpasconduireàqualifierdemédicamentparfonction

unproduit lorsque,comptetenudesacomposition–ycomprissondosageensubstances

actives – et dans des conditions normales d’emploi, il n’est pas capable de restaurer, de

corriger ou demodifier des fonctions physiologiques demanière significative en exerçant

uneactionpharmacologique,immunologiqueoumétabolique.

B‐4L’affaireC‐27/08:Boswelliaserrataetlapriseencomptedurisque

Là encore, une juridiction allemande s’interroge sur le statut d’un produit à base de

Boswellia serrata dans le cadre d’un préjudice opposant une société aux autorités

allemandes. Cette interrogation est plus particulièrement liée au dosage en substances

activesquinepermetpasd’opéreruneactionpharmacologiquemaisquiestsusceptiblede

présenterunrisque.

LaCJCErappellequelerisqueestuncritèreautonome:lefaitquel’utilisationd’unproduit

présenteunrisquepourlasantén’estpasunélémentpermettantd’indiquerqu’ilpossède

uneefficacitépharmacologique.Dèslors,unproduitdanslacompositionduquelentreune

substanceayantuneffetphysiologiquelorsqu’elleestutiliséeàunecertainedosen’estpas

unmédicamentparfonction lorsque,comptetenudesondosageensubstancesactiveset

dansdesconditionsnormalesd’emploi, ilconstitueunrisquepour lasanté,sanstoutefois

être capable de restaurer, de corriger ou de modifier des fonctions physiologiques chez

l’homme.

C‐Pointsmarquants

69

C‐1Laqualificationrelèved’uneanalyseaucasparcas

L’élémentessentieldelajurisprudencecommunautairerésidedanslanécessitédeprocéder

àunexamenduproduitconcerné:

«Pourdécidersiunproduitrelèvedeladéfinitiondumédicamentparfonctionausensde

ladirective2001/83,lesautoritésnationales,agissantsouslecontrôledujuge,doiventse

prononceraucasparcas,entenantcomptedel’ensembledescaractéristiquesduproduit,

dontnotammentsacomposition,sespropriétéspharmacologiques,tellesqu’ellespeuvent

être établies en l’état actuel de la connaissance scientifique, ses modalités d’emploi,

l’ampleurdesadiffusion,laconnaissancequ’enontlesconsommateursetlesrisquesque

peutentraînersonutilisation.»

Enaucuncas,lesautoritésnationalesnedoivents’appuyersurdescritèresgénérauxquinecorrespondentpasauproduitconcerné,niprocéderàunequalificationsystématiqueliéeparexempleàlaseuleprésenced’uningrédient.

C‐2Deuxanalysesopposéesdesdeuxbranchesdeladéfinitiondumédicament

Laréglementationcommunautaireviseàconcilierlesobjectifsdeprotectiondelasantédes

consommateurs et de fonctionnement du marché intérieur. A cette fin, le juge

communautaire considèreque lanotiondeprésentationdoit être interprétéedemanière

extensivealorsqu’àl’opposélanotiondemédicamentparfonctionviseàneretenirqueles

produitsdontlespropriétéspharmacologiquesontétéscientifiquementconstatées.

C‐3Descritèresobjectifspourqualifierunproduitdemédicamentparfonction

Lespropriétéspharmacologiquesd’unproduitsontlefacteursurlabaseduquelilconvient

d’apprécier,àpartirdescapacitéspotentiellesdeceproduit,sicelui‐cipeutêtreadministré

àl’hommeenvued’établirundiagnosticmédicalouderestaurer,decorrigeroudemodifier

desfonctionsphysiologiqueschezl’homme.

Dèslors,unproduitqui,comptetenudesacomposition–ycomprissondosageen

substancesactives–etdansdesconditionsnormalesd’emploi,n’estpascapablede

restaurer,decorrigeroudemodifierdesfonctionsphysiologiquesdemanièresignificative

enexerçantuneactionpharmacologique,immunologiqueoumétaboliquenepeutpasêtre

qualifiédemédicamentparfonction.

70

Demême,lefaitquel’utilisationd’unproduitprésenteunrisquepourlasantén’estpasun

élémentpermettantd’indiquerqu’ilpossèdeuneefficacitépharmacologique.

C ‐4Laprioritédonnéeaumédicament impliqueque lescritèresdequalificationsoient

respectés

L’article2,paragraphe2,de ladirective2001/83doitêtre interprétéencesensquecette

directivenes’appliquepasàunproduitdontlaqualitédemédicamentparfonctionn’estpas

scientifiquementétablie,sanspouvoirêtreexclue.Leprincipeselonlequel,encasdedoute,

la priorité est donnée au droit dumédicament part du postulat que le produit concerné

remplitlesconditionspourêtreunmédicament.

Toutelaquestionposéerésidedansladernièredéfinitiondumédicamentquinepeutêtre

considéré comme tel que s'il est capable de restaurer, de corriger ou de modifier des

fonctionsphysiologiquesdemanièresignificativeenexerçantuneactionpharmacologique,

immunologique ou métabolique. Si un produit n'a ni effet pharmacologique, ni effet

immunologique,nieffetmétabolique,cenepeutpasêtreunmédicament.Orilexistedes

produits qui existent à la fois commemédicament et comme complément alimentaire.

Comment peut‐on expliquer cela? Que dire des médicaments dits de confort? Selon la

législationenvigueur,devraient‐ilsgarderlenomdemédicaments?

2‐ComplémentsalimentairesetExerciceillégaldelaPharmacie

L'EIPsedéfinitcommelefaitdeselivreràdesopérationsréservéesàdespharmacienssans

réunirlesconditionsexigéesparleCSPetnotammentlaventepardesnonpharmaciensde

produits répondant à la définition légale du médicament par présentation et/ou par

fonction.

Dans les cas d'IEP, le CNOP se constitue partie civile devant toutes les juridictions. Le

déroulement des opérations passe par une analyse de l'infraction, suivie par un constat

d'huissier, puis par unemise en demeure et si la réponse n'est pas satisfaisante, par une

actionjudiciaire.

Au 31/12/2009, 104 affaires étaient en cours devant les juridictions (40% concernent les

ComplémentsAlimentaires)dont32nouvellesinitiéespendantl'année2009.

Laproblématiqueparticulièredescomplémentsalimentairestientàplusieursfacteurs:

71

‐d'abordàlanouvelledéfinitiondesCAsuiteàlaDirectiveEuropéenne2002/46/CE

repriseenFranceparleDécret2006/356du20mars2006.Cettedéfinitionfaitentrerdans

cettecatégoriedeproduits"desdenréesalimentairesconstituantunesourceconcentréede

nutrimentsoud'autressubstancesayantuneffetnutritionnelouphysiologique"(Comment

faireladifférenceentrephysiologiqueetpharmacologique?)

‐Ensuiteaufaitque,danslesallégationssantépossiblespourcesproduits,figurela

réductiond'unfacteurderisquedemaladie(cequiempiètesur lapréventionà l'égardde

maladieshumaines)

‐ Puis par le fait qu'ils se présentent sous une forme quasi‐identique à celle des

médicaments entrainant pour le consommateur une confusion encore augmentée par la

dénomination "alicaments" ou "nutraceutiques" qu'il convient d'éliminer du langage

courant.

‐Enfin par le fait que les plantes et préparations à base de plantes possédant des

propriétés nutritionnelles ou physiologiques peuvent entrer dans la composition des CA,

qu'ilyaparmicelles‐cidesplantesmédicinales,queleslégislations(médicamentvsaliment)

sont différentes d'un pays à l'autre dans l'UE et que l'existence de la libre circulation des

produits au seinde l'Union Européenneposeunproblèmemajeur pour l'unificationde la

règlementation

Faceàcettesituation,lejugevad'abordseposerlaquestion"Est‐ceunmédicament"etse

reporterpourcelaà ladéfinitiondumédicamentparprésentationet/oupar fonctionquel

quesoitleproduitconsidéréycomprislespréparationsàbasedeplantes.PourleCNOP,et

en se référant aux articles L 521‐1 et L 521‐14‐1 du CSP, rentrent dans la catégorie

médicaments:

‐toutmédicamentdontlessubstancesactivessontexclusivementuneouplusieurs

substances végétales ou préparations à base de plantes ou une association de plusieurs

substancesvégétalesoupréparationsàbasedeplantes

‐toutmédicamenttraditionnelàbasedeplantes

Parmilesaffairesencours,4sontintéressantescarellesconcernentdesarrêtsrécentsdes

coursd'Appel de LyonetOrléans sur plainteduCNOP reconnaissantque lesCAen cause

72

doiventêtreconsidéréscommedesmédicaments(VenteenMGSdeVit.,C,Mg,VitB1,B2,

B6 ... Commercialisation de produits à base de plantes médicinales, Commercialisation

d'ampoulesàbased'extraitsfluidesdeplantesmédicinales,Commercialisationdegélulesde

poudredeplantesmédicinales) . Les3premièresaffaires sontenpourvoide cassation, la

4èmeconcerneunarrêtdéfinitif.

Pour les juges, le critère principal de jugement porte sur les propriétés intrinsèque du

produit (médicament par fonction) qui justifient la plainte (mécanismes d'action, action

significative sur des fonctions physiologiques, usage traditionnel, en se basant sur des

documentsscientifiquespertinents(bibliographie,ouvragesderéférence,Cahierdel'Agence

n°3,dossiersdel'EMA...).Ilestégalementimportantdansledépôtdelaplaintedemettre

éventuellement en évidence un faisceau d'indices concordants composés d'éléments

objectifs(allégationthérapeutique,formepharmaceutique...)outoutautreindicetendantà

fairenaître,mêmeimplicitementunecertitudesurlaqualitéduproduit.

Enoutre,ilestrappelé,notammentencequiconcernelesplantes,quelalibrecirculationde

cesproduits peut être limitéeparune législationnationalequi peut considérerqu'unCA

renfermeunproduitclassécommemédicamentdanssarèglementation.

ConcernantlaventedesCAenOfficine,ilestrappeléquec'estunarrêtédu02/10/2006qui

autorise la vente de CA en officine, que 60% des CA sont vendus en Pharmacie, que le

Pharmacienjoueàceniveauunrôleimportantdeconseil,d'informationetdepréventiondu

consommateur.

CerôleestrenforcéparlesnouvellesdispositionsdelaloiHPSTvisantàrenforcerlasécurité

duconsommateur.EntantqueProfessionneldeSanté, ildoitsignalerà l'ANSEStouteffet

indésirabledontilpeutavoirconnaissance.(Voirauditiondel'ANSESsurlanutrivigilance)

Il devient capital que la formation des Pharmaciens dans ce domaine soit correctement

assuréeaucoursdeleurcursusuniversitaire(cequirenforcenotrepositionsurcesujet).

RecommandationsduCNOP:

‐ Le pharmacien est responsable de ce qu'il délivre. S'il vend des CA avec des

allégationsthérapeutiquesnonautorisées,ilestenfaute.

73

‐Ildoitdoncêtretrèsattentifauxproduitsqu'iladmetdanssonofficineeteffectuer

unréférencement,cequiexigedesapartuneconnaissancedudomainedesCA

‐ Il doit être au service du consommateur et lui apporter les conseils et les

informations adaptés afin de respecter la déontologie pharmaceutique. Il existe une

formationcontinuedanscedomained'activité.

74

Annexe4

FormationdesEtudiantsenPharmacieenNutrition

La nutrition, au sens large du terme, recouvre un champextrêmement vaste qui va de la

production (agriculture, élevage) au métabolisme et à l’action des nutriments ingérés en

passantparlatransformationetlaconservationdesaliments.

Laproductionn’est pas l’affairedespharmaciens (exceptéquelquesdomaines spécifiques

tels que reconnaissance des champignons supérieurs, caractérisation des plantes…),mais

des agronomes et des vétérinaires. La transformation et la conservation des aliments

constitue le vaste domaine des sciences des aliments et nous concerne également peu

(excepté,parexemple,labromatologie).

Les sciences nutritionnelles, pour lesquelles le pharmacien doit être formé, commencent

lorsqu’unindividumetunalimentdanssaboucheoulorsquelenutrimentestintroduitpar

unevoienonphysiologique(exemples:nutritionparentérale,dermolyse…)etseterminent

parlerôlephysiologiquevoirethérapeutiquedecenutriment.

La discipline forme donc un champ complexe, d’autant plus que certains nutriments sont

égalementdesmédicaments,enfonctionde ladoseoudes indications.Notonségalement

qu’il existeunedimension sociologiqueet comportementale (quinous concernepeumais

sur laquelle le pharmacien d’officine est fréquemment interrogé. La nutrition est donc

particulièrementpluri‐disciplinaireetestplutôtune«disciplineaval»nécessitantdesérieux

pré‐requisenparticulierenphysiologieetbiochimie.

La formation des Pharmaciens dans le domaine de la Nutrition est extrêmement variable

d’uneFacultéà l’autre.EnFrance, seule laFacultédeParisDescartesdisposed’unservice

dédiéàlaNutrition.IlenexistaitunàStrasbourg.Ilaétésuppriméaudépartàlaretraitedu

PrY.Ingenbleek.

75

Ailleurs,laNutritionesttraitéepardesdisciplinesvariées.Parexemple,àClermont‐Ferrand

elle est enseignée par un service associant la Biochimie et la Biologie Moléculaire. A

Grenoble,l’essentielestsouslaresponsabilitédelaBiochimie,àAmiensc’estlaToxicologie,

àAngerslaPhysiologie,àBesançonlaPharmacologie,àLyonlaSantéPublique.

Dans lamajoritédenosFacultés, levolumed’enseignementréservéà laNutritionest très

limitésansreprésentationauseindel’AssociationdesEnseignantsdeNutritionenFacultés

dePharmacie.

Ilyauraitdusensàcequel’enseignementdeNutritionsoitcoordonnépardesenseignants

spécialistes de la question. Enfin, notons que les officinaux restent trop dépendants des

sociétéscommercialespourleurformationcontinue(alorsnécessairementbiaisée),mêmesi

lenombred’inscritsauxDUetDIUexistantsprogresseconstamment.

Il serait intéressant de connaître les programmesd’enseignementde laNutritiondans les

autrespayseuropéens.

Lebesoindeconnaissancesestqualitatifaussibienquequantitatif:ilestfondamentalque

notreenseignementcorrespondeauxbesoinsdeceuxquenousformons.Dufaitdesmodes

d’exerciceprofessionnelstrèsdifférentsauseindelaprofession,lesbesoinsexpriméssont

très variés mais il reste un besoin commun à tous les modes d’exercice: le rôle

physiologiqueetbiologiquedesnutriments

Ces pré‐requis peuvent être satisfaits soit sous forme d’un enseignement coordonné

particulier,soitenadaptant lesenseignementsdisciplinaires.Dans laplupartdescas,nous

avons une nette préférence pour la seconde option car elle permet une approche plus

cohérente.Ellenécessitecependantuneforteconcertationentreenseignants.

Lesprincipauxpré‐requisconcernentles3disciplinessuivantes:

- Physiologie

Pratiquementtouslessujetstraitésparcettedisciplineconstituentlesocledelanutrition,à

commencerparlaphysiologiedigestive,maisavecuneapprochedifférente.

Par exemple, les physiologistes traitent la digestion par organe avec, pour chacun,

l’histologie,lesfonctionsetlarégulation.

76

Lesnutritionnistes,eux,abordentlesujetparclassedenutrimentenexpliquantlesphases

successives de leur digestion et de leur absorption intestinale. Les approches ne sont pas

forcémentinconciliablesmaisleurharmonisationnécessiteungrostravailpédagogique.

Proposition:2heuresd’EDenPhysiologiepourdégagerlesspécificitésnutritionnelles.

- Biochimie

La finalité de nombreuses voies métaboliques (sinon toutes) est nutritionnelle. Cela est

particulièrementévidentpourtoutescellesconcernant laproductiond’énergie, lamiseen

réservedenutriments,l’éliminationdeproduitsintermédiairesoufinaux.

Lesbiochimistess’attachentàladescriptiondesvoiesmétaboliquesetleurrégulation.

Lesnutritionnistesontsouventunevisionfinalisteenposant lesquestionssuivantes:où?

Pourquoi?Comment?

Proposition:2heuresd’EDenBiochimiepourdégagerlesspécificitésnutritionnelles.

- Biologiecellulaire

La majorité des nutriments a des fonctions de signalisation ce qui implique de bien

comprendrel’organisationcellulaire.

Proposition:1heured’EDpourdégagerlesspécificitésnutritionnelles.

Deplus,d’autresdisciplinesfaisantpartiede l’enseignementdutronccommundesétudes

pharmaceutiques peuvent apporter des connaissances de bases à l’enseignement de la

nutrition:

‐ Pharmacognosie

Il apparaît deplus enplus quedenombreusesplantes, fruits et légumes contiennent des

micronutriments dotés de propriétés spécifiques qui en font des espèces concernées des

«alimentssanté».

Atitred’exemple,lesBracicacées,etenparticulierlebrocoli,contiennentdesdérivésthiols

(glucosinolates) susceptibles d’activer des facteurs de transcription tels que NRF2 et à ce

titrepossèdentuneactivitéanti‐inflammatoire.

77

‐ Sémiologiemédicale

Une partie importante des sciences nutritionnelles s’applique à l’Homme malade. La

connaissancedesmaladieshumainesestdoncunpré‐requisimportantàlacompréhension

des stratégies nutritionnelles et diététiques, en particulier dans le cadre de la nutrition

artificielle.

‐ PharmacieGalénique

Elleestincontournabledansledomainedelanutritionparentéralemaiscedomaineestune

niche qui peut être abordée de façon succincte en formation commune de base et

développée en 3ème cycle (exemples: DES Pharmacie hospitalière, M2 pro pour les

industriels).

‐Santépublique

Lasantépubliquepermetd’expliquerlarelationépidémiologiqueentrenutritionetgrandes

pathologies,dedégagerlesprincipauxfacteursderisquesnutritionnelsetcomportementaux

et d’expliquer le rôle que peuvent avoir les pharmaciens dans les grandes études

nutritionnelles,commeNutriNet,etdansl’éducationdespatients.

Un enseignement coordonné de Nutrition, tel qu’il est prévu par les textes, nous

sembleincontournable.

IlestenplacedansplusieursFacultésdePharmacieetilnoussemblequ’idéalement,ildoit

avoirlieuen4èmeannée.Unvolumehorairede20‐25hestsatisfaisantavec,pourmoitié,la

nutrition de l’Homme sain et, pour moitié, la nutrition de l’Homme malade.

‐Nutritiondel’Hommesain:

Besoins et apports en macronutriments, minéraux, eau et micronutriments (principales

vitaminesetoligo‐éléments).

Propriétésfonctionnellesdecesnutriments

La relation apports nutritionnels/microbiote/état nutritionnel nous semble être un thème

émergentquimériteuneattentionparticulière.

‐Nutritionaucoursducycledelavie:

Enfant,femmeenceinte,personneâgée.

Equilibrenutritionnel

78

‐Nutritiondel’Hommemalade:

Maladiesnutritionnelles:obésité,diabètedetype2,athérosclérose.

Maladiesàretentissementnutritionnellesplusfréquentes:cancer,pathologiesintestinales,

nutritionenréanimation,pathologiesinfectieuses

Basesdenutritionartificielle

Unenseignementspécifiquepourlesofficinaux:

Très logiquement, il doit être positionné en 5ème année et un volume horaire de 25h est

suffisant.

Ilconvientdetraiter lesaspectsdenutritionde l’Hommesainquine l’ontpasétéen4ème

année: nutrition du prématuré et du nourrisson (incluant les préparations infantiles),

nutritiondusportif.

De même pour les pathologies: allergies alimentaires, colopathies, nutrition dans les

insuffisancesorganiques(poumon,cœur,foie),nutritionàdomicile.

Lerestedutempsdisponible(environ10h)seraconsacréauxcomplémentsalimentaireset

aux produits diététiques, puisque l’officine constitue le 1er circuit de distribution de ces

produits.Ilpeutêtreproposé:

Définitions,réglementation,enjeux

Produitsminceur

Nutricosmétique(peauetcheveux)

Produitsdestinésàaméliorerlaperformance(sportifetc.…)

Péri‐ménopause

Produits à allégation santé de prévention de facteurs contribuant aux maladies:

Produitsàviséecardiovasculaire,anti‐inflammatoire,préventionducanceretc.

Uneheurepeutopportunémentêtreréservéeàunequestiond’actualité.

Pourleshospitaliers

L’enseignement doit répondre au programme de l’internat. La physiopathologie de la

dénutrition et l’évaluation de l’état nutritionnel sont traitées dans l’enseignement

coordonnéde4èmeannée.

79

Les complémentsnécessairesdoiventêtreabordésdans lesdifférentesDES,enparticulier

celuidePharmacieetdescollectivités.

Pourlesindustriels

Les pharmaciens ont de plus en plus de débouchés dans les sociétés concernées, non

seulementenrecherchemaisaussiaffairesréglementairesetqualité.Unaccentparticulier

doitêtremissurlaréglementationenparticulierauniveaueuropéen,lesappelsàprojet,la

conduited’étudesdecohorte.Leniveaud’enseignementpertinentnoussembleêtreleM2

pro.

L’enseignementdelanutritionestimportantpourlespharmaciensquelquesoitleurmode

d’exercice mais les pharmaciens d’officine doivent absolument avoir une formation

approfondie. En effet, de par leur rôle de conseil, ils sont amenés très fréquemment à

donnerunavis surunaliment, un comportementouunehabitudealimentaire. Cet avis

doitêtrescientifiquementfondé.Pourcelalaformationàlafacultépendantlesétudesouà

l’occasiondesessionsdeformationcontinueestindispensable.

80

Annexe5

Auditiondesexperts

1‐‐AuditionduPrJ.L.Bressonsurlefonctionnementdel'AESA

Lespointsimportantsàretenirdel'auditionportentsurlespointssuivants:

‐ L'AESA a été créée à la suite de l'affaire de la vache folle. Mais l'Agence, suite à de

nombreuxconflitsd'intérêts,aeubeaucoupdepeineàprendredesdécisionsluipermettant

d'avoir une réelle indépendance. Il faut savoir qu'à la suite de la parution du décret de

décembre 2006, l'Agence a été l'objet d’actions de lobbying de la part de nombreuses

structures,notammentindustrielles.

‐L'Agenceapubliéunguidepour les industrielsafinque lesdossiersdéposésprésentent

unebonnehomogénéité.Dansceguide,lepointimportantportesurlapreuvescientifique

dontleniveaudoitêtreleplushautpossible.Pourcela,ledépositairedoitapporterlavaleur

delapreuveautraversessentiellementdedonnéesscientifiquesobtenueschezl'homme

sain.Cesdonnéespeuventêtrecomplétéesetsupportéespardesessaischezl'animal,des

essaisexvivoet invitro,oudesmécanismesmoléculaires,maiscesderniersnesontpas

indispensables. Sans données cliniques sur l'homme sain, le dossier ne peut pas être

accepté.

‐Autrepointimportant,lesessaisdoiventêtreréaliséschezl'hommesaindanslecadred'

essaisrandomisés,endoubleaveuglecontreplacebo,cequiposebiensûr,d'unepart, la

question du nombre de sujets à incorporer dans l'essai pour obtenir un résultat

statistiquementsignificatif et,d'autrepart,cellede ladéfinitionde lapopulationcible.La

preuvescientifiquedoits'appuyersurdesélémentssolides,principalementdesmarqueurs

biologiques. Là résident les véritables problèmes dans la mesure où les marqueurs

pertinents sont très peu nombreux et où il est nécessaire de les choisir avec soin car ils

doiventêtreparfaitementcorrélésaveclademanded'allégation.

81

‐ En outre, il est constaté que les dossiers présentent souvent des faiblesses dans les

analyses statistiques lors de l'exploitation des résultats. Pour JL Bresson, il ne faut pas

hésiter à s'entourer de statisticiens dehaut niveauet avoir éventuellement recours à des

méthodesmoinsorthodoxesquecellesutiliséeshabituellement,quipeuventdébouchersur

desrésultatsplusprobants.

‐Encequiconcernelecasdesplantes,ilestclairqu'ilestquasimentimpossibled'apporter

despreuvesscientifiquespertinentesàmoinsdeprocéderàdesessaiscliniquesportantsur

un nombre de sujets trop important pour pouvoir être financièrement rentables. Pour JL

Bresson, larèglementations'appliqueàtouteslesdemandesd'allégations,doncaussipour

lesplantes.Maisilfaitremarquerquel'allégationn'estpasobligatoireetquecesproduits

peuventêtrecommercialiséssurd'autrescritèresquedesallégationssanté.

2‐‐AuditionduPr.J.Ph.Girardetsurl'utilisationetl'utilitédesComplémentsalimentaires

chezlesenfants

Quelssontlespointsimportantsàretenir?

‐12%desenfantsde3à17ansconsommentdescomplémentsalimentaires

37%sousformedemédicaments

79%sousformedevitamines/minéraux

18%sousformed'extraitsdeplantesoudeproduitsnaturels

‐ Cette consommation est, pour 70% des cas, due à la prescription ou au conseil d'un

professionneldesanté,essentiellementPédiatresmaisaussiPharmaciensetInfirmières.

‐Enfait,ilfautconsidérerquelaquestiondescomplémentsalimentaireschezlesenfants

passe par le suivi pédiatrique et que c'est le Pédiatre qui sera le principal prescripteur

compte tenu de l'état de l'enfant et des carences ou insuffisances éventuelles. On

comprend donc mieux que les compositions des compléments alimentaires chez les

enfantsconcernentessentiellement lesvitamineset lesminérauxqui sontalorsdevrais

82

compléments alimentaires car ils permettent depallier une insuffisanceouune carence

d'apport.

‐PourJPGirardet,ilfautconsidérer3cas:

‐ Les indications sont justifiées car il existe des risques de carences (cas des

vitaminesetdesminéraux)

‐ Il n'y a pas d'argument scientifique valable à la prescription (c'est le cas de

certainsminérauxFe,Mg,Idontl'efficacitéestdébattue)

‐ Certaines prescriptions ou conseils sont injustifiés, voire dangereux. Selon

l'enquêteINCA2,attentionauxsurchargesenVitA,VitC,VitB6,FeetZn.

‐ExempledelaVitamineD

‐Jusqu'à2ans:supplémentationcontinuetoutel'année

‐de2à5ans :supplémentationenfind'hiver

‐de10à17ans:supplémentationenfind'hiver

‐ExempleduFer

‐ Avant l'adolescence, l'apport journalier recommandé est de 6 à 10mg par jour.

Selonuneenquêtede2000,laprévalencedelacarencemartialeestde10à26%.Ilyadonc

lieudecomplémenternotammentchezlesjeunesenfantsparl'utilisationprolongéedelaits

infantilessupplémentéspardufer.

‐Chezlesadolescentes,lesapportsrecommandéssontde16mg/jour.Orchez71%

desadolescentesde15à19ans, ilya insuffisanced'apport. Ilya lieudesupplémentersi

l'anémieestavérée(Hbinférieureà11g).

‐ExempleduCalcium:

‐ On note une déficience en Ca à l'adolescence liée à une diminution de la

consommationdeproduitslaitiers,surtoutvisiblechezlesfillesentre13et17ans.

‐Lemeilleurmoyendepallieràcetteinsuffisanceestdeprescrirelaconsommation

delaitplutôtquedesproduitslaitiersouducalciumminéralcaronobserveunemeilleure

assimilationducalcium(liéeàlaprésencedelactose?).

83

‐ExempleduFluor

‐Danslesannées80,leFluorsousformedecomprimésougélulesaétérecommandé

pouréviterlescariesdentaires.

‐ En réalité, l'actionestbienplusefficace sous forme topique (dans lesdentifrices)

quiévitelesdangersdetoxicitédufluorsurl'os.

3 ‐‐ Audition du Pr Ambroise Martin à propos de la mise en œuvre du Règlement

allégations

En2006l’EFSAaprévud’établirdesprofilsnutritionnelsetdeconcevoiraucoursdesdeux

années suivantes un registre européen des allégations alimentaires. Au lieu des 700

allégations prévues, l’EFSA s’est trouvée confrontée à 44000 demandes émanant des 27

paysmembres.Unelistede4185entréesaétéréaliséeetilresteenviron10000allégations

àexaminer.

Lescommissionsdel’EFSAtravaillentpargroupesspécialisésdanslesdifférentescatégories

d’allégations (anti‐oxydants, cardio‐vasculaires…). Pour chacune d’elles, il faut compter 2

000entréesàétudier.

Il convient de souligner la pluralité des présentations faites par les industriels auxquelles

s’opposent les critères de cohérence scientifique: choix des marqueurs, pertinence

scientifique, pertinence de santé publique. Il convient de préciser qu’une allégation bien

argumentéepeutêtreretenuemêmesiellenerépondpasàundéficitdans lapopulation

concernée.

Lesavisdelacommissionreposentsur

‐ la caractérisation de la substance dont les effets bénéfiques sont reconnus par l’étude

bibliographique;

‐ lacaractérisationde l’effetallégué(dont la formulationpar l’industrieln’estpastoujours

évidente)quidoitêtrebénéfiquepourlasantéetcorrespondreàunepopulation‐cible;

‐lajustificationscientifiquequiaccordeuneprioritéauxétudesréaliséeschezl’homme.

Lesconclusionssontdetroisordres:larelationbénéfiqueestétablieoun’apasétéétablie

ouencoren’estpassuffisammentétablie.

84

Les experts ne s’intéressent pas auxmanifestations de lamaladiemais à ses facteurs de

risque. L’effet allégué doit réduire les risques ou contribuer à maintenir un état

physiologique normal. Quand une allégation correspond à plusieurs facteurs, sa place

précise doit être établie. Pour les nutriments indispensables, l’aliment doit apporter au

moins15%desapportsjournaliersreconnus

L’objectifestderéglementerlemarchéetnondeprendredesdécisionsdesantépublique.

Celles‐ci ne sont concernées que dans la définition des profils nutritionnels. Il n’est pas

procédé à une analyse bénéfice‐risque ni à une définition des teneurs maximales. La

nutrivigilancen’existepasauniveaueuropéen.Lasécuritéesttraitéepard’autresinstances.

Ons’intéresseàcequiestscientifiquesanstenircomptedesaspectsculturels.

85

Annexe6

Sécuritéd'emploidescomplémentsalimentaires

1‐ Exemple de plante à bonne réputation à l'état de tisane qui est jugée dangereuse à

l'étatd'extrait(Afssa,avisdu7juin2010):

Saisine de l’Agence française de sécurité sanitaire des aliments relative à la sécurité

d'emploid'uneplante(Galegaofficinalis)danslescomplémentsalimentaires

1.RAPPELDELASAISINE

L’Agencefrançaisedesécuritésanitairedesaliments(Afssa)aétésaisielemardi2février

2010parlaDirectionGénéraledelaConcurrence,delaConsommationetdelaRépression

desFraudes(DGCCRF)d’unedemanded'avisrelatifàlasécuritéd'emploid'uneplante

(Galegaofficinalis)danslescomplémentsalimentaires.

2.CONTEXTE

Conformémentàl’article17dudécretn°2006‐352relatifauxcomplémentsalimentaires,le

pétitionnaireaintroduitunedemandeauprèsdelaDGCCRFvisantàrendrelicite

l’utilisationdelaplanteGalegaofficinalisdanslescomplémentsalimentaires.Le

pétitionnairesouhaitenotammentintégrerunextraitdecetteplantedansuncomplément

alimentairedestinéauxfemmesallaitantesdanslebutdefavoriserleursécrétionlactée.

Cetteplanteestlégalementcommercialiséedansd’autresEtatsmembres,notammenten

RépubliqueSlovaque,Suède,FinlandeetItalie,sansrestrictionspécifique.Toutefoiselle

figuresurlaliste1del’arrêtéRoyalBelgedesplantesdangereusesquinepeuventpasêtre

utiliséesentantqueoudanslesdenréesalimentaires.

Decefait,lademandedelaDGCCRFportesurlesquestionssuivantes:

–a)Quelssontlesrisquesintrinsèquesàl’emploideGalegaofficinalisdansles

complémentsalimentaires?

Lecaséchéantilestdemandéàl’Afssadecaractériserleplusprécisémentpossible

86

lesrisquespourleconsommateur.

–b)Lapréparationproposéeparlepétitionnaireestellesusceptibledeprésenterdes

risquespourleconsommateur?

–c)Est‐ilpossiblededégagerdelaquestiona)descritèresapplicablesàtoustypes

depréparationspourgarantirdescomplémentsalimentairessûrspourle

consommateur?

5.CONCLUSION

L’Agencefrançaisedesécuritésanitairedesalimentsestimeque:

‐lesdonnéesrelativesàlasécuritédeGalegaofficinalissonttrèsinsuffisantes,

notammentencequiconcernel’identificationducomposétoxique,sarépartitiondans

laplante,samétabolisationaprèsingestion(notammentsonpassagedanslelait

maternel)etseseffetstoxicologiques;

‐latrèsgrandeincertitudesurlerisquetoxicologiqueliéàl’utilisationdel’extraitde

Galegaofficinalischezlafemmeallaitanteetindirectementchezlenouveau‐né,conduit

àuneréservemajeuresurlasécuritéd’emploidelapréparation.

Parailleurs,l’Afssarappellequelesspécificitésdesplantesetdeleurspréparationsrendent

nécessaireuneévaluationdesproduitsaucasparcas.

2‐LaFoodandDrugAdministration,agencenord‐américainedesmédicamentsetdes

alimentsdéjàcitéelancerégulièrementdesalertesconcernantdesproduitsvégétaux:

‐ laconsoude(comfrey)Symphytumofficinale,S.asperum,S.x.uplandicumnedoivent

pasêtreingéréescarcontenantdesalcaloïdesdetypepyrrolizidineprésentantdesérieux

dangers(2001).

‐ Despréparationsdekava(Pipermethisticum)utilisécommeantistresset

euphorisantconnupoursatoxicitéhépatiqueontdonnélieuàdesnotificationsdetoxicité

ayantentrainélanécessitéd'unetransplantation(1999‐2002)

‐ RetraitduproduitamaigrissantLipokinetix®contenantenfaitdelanoréphédrine,

delacaféine,del'yohimbineetdeladiiodothyronine,del'usniatedesodium…(2001)

‐ Retraitduproduit"strictementd'originevégétale"LIqiang4,censééquilibrerle

diabèteetvenduparcorrespondanceetquicontenaitduglyburideunesulfonylurée(2005)

87

‐ Retraitdetroisextraitsdelevurederizrouge,anti‐cholestéroltraditionneltrès

consomméenChineetvendussurInternet®carcontenantdelalovastatine

frauduleusementajoutée(2007).

‐ Retraitdequatrelotsdecapsulesd'ortiecontenantdesquantitésdangereusesde

plomb(2002)

‐ Risquesd'interactionsmédicamenteusedumillepertuis(StJohn'sworth)avecde

nombreuxmédicaments(contraceptifs,antirétroviraux…)carcetteplanteàlaréputation

d'antidépresseur"doux"estuninducteurenzymatiquepuissantducytochromeP4503A4.

Sereporteràunepublicationparueen2000:Fugh‐BermanA.Herb‐druginteractions..

Lancet2000;355:134‐138.

3‐EnEurope,onsesouvientencoredelatoxicitédecomprimésamaigrissantsàbased'un

produitvégétalchinois.Hélas!uneconfusionavaitétéfaiteentreStephaniatetrandraet

uneplantedangereuseAristolochiafanghid'oùunecentainedecasd'insuffisancerénale

terminaleenBelgiqueetquelquesautresenFrance.Voir,entreautres,[NortierJLetal.

UrothelialcarcinomaassociatedwiththeuseofaChineseherb(Aristolochiafanghi).NEnglJ

Med2000;342:1686‐92].

Ci‐dessous,onpeuttrouverunflorilèged'alertessurlesitedelaFDAnord‐américaine:

http://www.fda.gov/Food/DietarySupplements/Alerts/default.htm