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Direction des Affaires Publiques Délégation permanente auprès de l’Union Européenne REPONSE DU GROUPE MICHELIN AU QUESTIONNAIRE SUR LE SYSTEME DES BREVETS EN EUROPE INTRODUCTION Nous apprécions que la Commission européenne ait pour souci de relancer le processus d’amélioration du système des brevets en Europe. Les difficultés des dernières années montrent que l’entreprise est bien délicate. S’affrontent en effet les opinions d’entreprises de tailles très différentes, ayant des marchés dont les caractéristiques sont diverses, sans parler des organismes de recherches beaucoup moins sensibles à la problématique de liberté d’exploitation car justement ils n’exploitent par directement mais par cession ou concession de licence aux industriels. Pour que le système des brevets joue un rôle efficace dans la régulation de la concurrence entre les entreprises, il est de toute première importance qu’il permette de mettre en place des protections efficaces et il doit apporter une sécurité juridique de bon niveau. Ce n’est que si aussi bien la possibilité d’obtenir des protections que l’analyse de validité et de portée des brevets concurrents trouvent une réponse équilibrée que le système des brevets peut soutenir la croissance globale. Section 1 – PRINCIPES GENERAUX ET CARACTERISTIQUES DU SYSTEME DES BREVETS Il convient de bien tracer les limites du débat et d’analyser les progrès que font les économies concurrentes de celle de l’Europe. Les Etats-Unis ont su renforcer leur système de brevet dès les années quatre-vingt avec une importante réforme des juridictions compétentes, puis plusieurs réformes dont la finalité est de tenir compte du contexte industriel dans lequel se développe l’innovation, avec de plus en plus de coopérations entre entreprises et laboratoires de recherche. Pendant les deux dernières décennies, Le Japon a aussi pris un virage considérable amenant ses entreprises à faire du brevet une arme de plus en plus offensive. On assiste maintenant à la montée en puissance de la Corée du sud, de la Chine et de l’Inde, tous pays ayant une politique volontariste et lucide sur les véritables enjeux du futur. Affirmer que le système des brevets devrait «soutenir la qualité de vie au bénéfice de l’ensemble de la société» est source de confusion. Cet objectif, vague et susceptible d’interprétations différentes, voire contradictoires, ne saurait être fixé au système des brevets. D’ailleurs, opposer le système des brevets et l’intérêt général, c’est oublier qu’il a été progressivement construit pour assurer un équilibre entre les intérêts du breveté et les intérêts de ses concurrents et de la société en général. Il faut que les entreprises innovatrices puissent disposer d’un système de brevets accessible, prédictible, et sanctionnant ceux qui ne contribuent pas à l’innovation et ceux qui ne respectent pas les règles de protection de l’innovation. Un système de brevet sera fort et respecté par la Société dans toutes ses composantes s’il répond aux caractéristiques fondamentales suivantes : ___________________________________ Antoine Féral, T° 32 (0) 2 234 37 81

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Direction des Affaires Publiques Délégation permanente auprès de l’Union Européenne

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− une part d’incitation à l’innovation par l’espoir entretenu chez les innovateurs d’obtenir un brevet, outil économique négociable, permettant d’interdire temporairement aux concurrents l’usage de leur innovation, en respectant des règles claires sur le type de création que l’on peut protéger et les critères qu’il faut satisfaire (nouveauté, activité inventive, application industrielle, description suffisante de l’invention) ;

− une part de diffusion des connaissances techniques par la publication des demandes de brevet

pour permettre la poursuite de la recherche par d’autres et la dissémination du progrès technique ;

− des règles efficaces de résolution des litiges. La récente tentative de promulguer une directive sur la brevetabilité des inventions mises en œuvre par ordinateur montre tout le danger de vouloir codifier des règles trop spécifiques pour un domaine technique. Cela montre aussi que des groupes de pression influents contestent en fait tout le système des brevets. Il faut se livrer à une analyse sereine des succès et échecs passés. Globalement, le brevet européen est un succès. Sans le brevet européen, l’Europe n’aurait eu aucune chance de contribuer à modeler les systèmes de brevets dans d’autres zones géographiques. C’est grâce à la stature du brevet européen que les caractéristiques du système des brevets aux USA se sont fortement rapprochées de la conception européenne. Il est clair que le système du brevet européen a fortement inspiré le système des brevets en Chine. Le talon d’Achille du système des brevets aux USA est le coût du contentieux. Le talon d’Achille du système des brevets en Europe est le coût du brevet lui-même. En outre, le traitement du contentieux y est dispersé. L’Europe se doterait d’une avantage compétitif majeur en réduisant le coût de la protection par brevet en Europe et en instaurant un système global de contentieux évitant les stratégies de « forum shoping ». En résumé, l’Union Européenne doit définir une politique de brevet couvrant tant les conditions d’acquisition que les conditions d’exploitation des droits. Cette politique doit tenir le même rang que la politique de concurrence pour ne citer qu’un exemple proche. L’impact sur d’autres politiques comme celle de la concurrence est déjà traité en droit de la concurrence ou par la jurisprudence. Réponses aux questions spécifiques 1.1 Estimez-vous que ce sont les caractéristiques fondamentales que l’on est en droit

d’attendre du système des brevets ?

En ce qui concerne les « caractéristiques » telles qu’elles sont formulées par la Commission, nous souhaitons faire les remarques suivantes.

Premier point : Les règles de fond ne sont pas limitées à la définition ce qui est brevetable. La règle de la suffisance de description a aussi un rôle majeur. Pour assurer l’équilibre du système entre le titulaire et les tiers, il importe que le droit conféré par le brevet soit proportionné à la contribution technique effective, c'est-à-dire soit en accord avec la qualité de la divulgation par l’inventeur. Ceci requiert une vigilance particulière de la part des Offices de brevets, en premier lieu de l'OEB. Sur les « règles de fond », quelques clarifications pourraient être utiles mais ce n’est pas un problème majeur. Le système des brevets ne peut pas évoluer aussi rapidement que les technologies et des périodes d’incertitude sont inévitables. Sur la brevetabilité des logiciels, le principe du droit européen limitant l’application du brevet à la sphère de la technique, tel qu’il résulte de la jurisprudence des chambres de recours de l’OEB, est clair.

Second point : sous l’angle de l’économie, une mesure pragmatique importante est celle prévue par l’Accord de Londres, dont nous souhaitons la ratification immédiate.

Troisième point : en ce qui concerne les litiges, la Commission omet une partie essentielle pour les entreprises, antérieure aux litiges, qui consiste à apprécier la liberté d’exploitation et à agir de manière préventive. L’intérêt des entreprises est en règle générale d’éviter les litiges, étant

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donné les coûts et les incertitudes qu’ils impliquent inévitablement. Mais l'objectif d'une résolution des litiges "prévisible" est irréaliste - on peut tout au plus s'efforcer d'en réduire l'imprévisibilité. A cet égard, la présence de juges ayant une solide formation technique, comme prévu par l’EPLA, est de nature à permettre d’excellentes décisions. Nous soutenons l’objectif de résolution rapide des litiges, comme l’un des éléments de l’efficacité judiciaire.

1.2 Y a-t-il d’autres caractéristiques que vous jugez importantes ?

Une caractéristique qui n’est pas suffisamment soulignée est l’équilibre entre les intérêts des déposants et des tiers. Ceci est fondamental pour prévenir en amont les litiges et favoriser la concurrence, conformément à l’intérêt général. A cet égard, les règles de procédure du système européen offrent déjà des garanties avec en particulier la procédure d’opposition. Mais la crédibilité du système des brevets dans son ensemble souffre beaucoup de quelques délivrances malheureuses en prêtant le flanc à des critiques fort justifiées et des généralisations inopportunes. Il est clair que le filtre que devrait apporter le critère d’activité inventive ne remplit pas suffisamment son office et que, aux yeux de beaucoup, sont délivrés trop de brevets dont l’homme du métier voit qu’ils ne sont issus que d’exercices de type « brainstorming », sans véritable effort de réalisation pratique. Il est bon de rappeler que la mission d’un office de brevet n’est pas de délivrer des brevets mais d’appliquer des règles à une demande et de prendre rapidement une décision : la demande est conforme aux règles et il délivre, ou la demande n’est pas conforme aux règles et il rejette.

1.3 Comment la Communauté peut-elle mieux prendre en considération l’intérêt général

dans l’élaboration de sa politique sur les brevets ?

La Commission devrait apprécier à quel point le système de brevets sert déjà l’intérêt général, comme souligné plus haut.

Section 2 – LE BREVET COMMUNAUTAIRE : UNE PRIORITE POUR L’UE Le compromis politique de mars 2003 est fondamentalement mauvais. Il définit un système judiciaire inadapté au règlement des litiges en matière de brevet. Plus grave encore car cela concerne 100% des titres, il impose une obligation extrêmement onéreuse de traduction systématique des revendications du brevet dans toutes les langues de l’Union, avec un flou inextricable sur la valeur juridique de ces traductions. Oubliant que la centralisation des procédures à l’OEB a permis de faire jeu égal avec l’USPTO, il introduit le ver dans le fruit en prévoyant de confier aux offices nationaux la procédure de recherche, partie primordiale de la procédure de délivrance des brevets. Cela menace l'efficacité et la crédibilité du système de brevet en Europe. 2.1 Par rapport à l’approche politique commune, voyez-vous d’autres options ou des

caractéristiques supplémentaires qu’un système européen des brevets efficace devrait offrir ?

La Commission nous semble surestimer considérablement les bénéfices d’un brevet communautaire. Son usage risque en effet d’être limité à certains secteurs s’il implique des coûts supplémentaires par rapport au brevet européen visant les trois territoires les plus grands de l’Union européenne. La référence à un brevet européen désignant 8 Etats ou même seulement 5 est irréaliste, notamment en tenant compte des abandons sélectifs dans la gestion des annuités. En cette matière, la référence devrait être le coût d’obtention et de maintien d’un brevet américain ou d’un brevet japonais.

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L’éventuel brevet communautaire ne doit pas affecter l’existence des brevets nationaux et du brevet européen sous sa forme actuelle, afin de répondre à la diversité des besoins et des ressources des utilisateurs. Il est également évident que la question des langues représente pour les entreprises un fardeau pour leurs propres brevets et une incertitude juridique vis-à-vis des brevets des concurrents. Tout doit être fait pour alléger ce fardeau si l’on veut que le brevet communautaire, s’il voit le jour, soit effectivement utilisé.

Section 3 – LE SYSTEME EUROPEEN DES BREVETS ET NOTAMMENT L’ACCORD SUR LE

REGLEMENT DES LITIGES EN MATIERE DE BREVET EUROPEEN Commentaires généraux : Le brevet européen a acquis une autorité internationale dont bénéficient non seulement les industriels mais également la profession des brevets en Europe. La raison en est sans doute l’importance du marché couvert mais aussi très certainement la centralisation de la procédure de délivrance par l’Office Européen des Brevets. L’accord sur le règlement des litiges en matière de brevets européens est un projet d’importance majeure pour l’industrie en Europe. Il est de nature à renforcer la crédibilité internationale du brevet européen au moment où la remise en cause de ses fondements (centralisation de la procédure de délivrance) risque de lui faire perdre son rang. En effet, pour franchir une nouvelle étape, il convient que le traitement judiciaire du litige soit beaucoup plus dissuasif pour les contrefacteurs qu’il ne l’est à l’heure actuelle. La directive 2004/48 relative au respect des droits de propriété répond à cet objectif. En matière de brevets, le projet EPLA favorise plus encore cet objectif, en rendant impossible le forum shopping en matière de litige mettant en cause un brevet européen. En outre, l’EPLA permettrait aussi de réduire les coûts d’un litige et favorise la qualité des décisions par la présence de juges techniciens dans le panel des juges, dès la première instance. C’est donc en soi une façon de rendre le brevet européen plus attrayant. En outre, dans l’état actuel du projet, soulignons des points particulièrement avantageux pour les utilisateurs : dès la première instance, le système judiciaire est centralisé par l’existence d’un seul greffe central, les chambres délocalisées dans les différents états contractants étant pilotées par le greffe central. Par ailleurs, le régime linguistique prévu dans l’EPLA se fonde sur les trois langues officielles de l’Office Européen des Brevets. C’est en soi un autre avantage primordial de ce protocole. En effet, les praticiens envisagent difficilement de pouvoir traiter un contentieux de nature technique complexe, inévitablement dominé par la langue du brevet européen, dans une langue différente de la langue du brevet européen litigieux. Réponses aux questions spécifiques : 3.1 Quels sont les avantages et les inconvénients des dispositions paneuropéennes en

matière de règlement des litiges énoncées dans le projet d’EPLA pour tous ceux qui utilisent et sont concernés par les brevets ?

Avantages :

C’est un accord immédiatement applicable à un grand nombre de brevets, même à ceux maintenus dans un petit nombre d’états contractants ; il renforce le brevet européen pour les utilisateurs en le rendant plus dissuasif par la perspective d’un contentieux global ; sur le plan politique, cet accord renforce pour l’Europe le pouvoir d’influencer les règles d’interprétation et d’exploitation des brevets sur le plan international.

La nature de l’EPLA non contraignante à l’égard des différents états contractants à la convention sur le brevet européen pourrait être perçue comme un inconvénient mais c’est en

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fait un avantage. En effet, cela augmente les chances que certains Etats au moins puissent accepter le texte et cela rend bien meilleures les perspectives d’entrée en vigueur. On retrouve là la même situation que celle de l’Accord de Londres. L’EPLA est un accord qui constitue un excellent fondement pour le traitement du contentieux de façon efficace et pas trop dispendieuse. Il convient de ne pas modifier le texte actuel, autant que faire se peut. Une voie d’amélioration dans le futur est bien entendu la multiplication des adhésions, d’une façon éventuellement contraignante pour tout nouvel état contractant adhérant à la convention sur le brevet européen.

Inconvénients :

Le système est non coercitif pour l’ensemble des Etats de l’Union européenne et le régime linguistique suscitera au moins à court terme des oppositions ; mais, tout comme le protocole de Londres, s’il est adopté par les principaux états, il contribuera à restaurer une dynamique de progrès et pourrait marginaliser les positions aboutissant au statu quo.

3.2 Etant donné la coexistence possible de trois systèmes de brevet en Europe (le brevet

national, le brevet communautaire et le brevet européen), quel serait, à votre avis, le système idéal de règlement des litiges en matière de brevet en Europe ?

A l’avenir, il est fondamental qu’il existe un seul système de traitement du litige valable à la fois pour le brevet européen et pour l’éventuel brevet communautaire futur. On ne parle pas ici des systèmes cohérents mais bel et bien d’un seul système juridictionnel pour les deux titres. Le système idéal est l’EPLA. Si le brevet communautaire voit le jour, ce ne sera que par l’adhésion de l’UE à la CBE ; le brevet communautaire est un brevet européen valable pour l’UE ; l’EPLA auquel aurait « adhéré » l’UE apporte la voie naturelle du traitement du litige.

Section 4 – RAPPROCHEMENT ET RECONNAISSANCE MUTUELLE DES BREVETS NATIONAUX Commentaires généraux : La recherche d’un brevet efficace pour l’Union doit passer par un Règlement pour éviter toute distorsion au moment de la mise en œuvre dans les différents Etats Membres. Cela posé, l’Article 95 du Traité semble en effet permettre l’approximation des législations nationales par la voie d’un Règlement et fournit donc une voie alternative possible. Mais la simple harmonisation des législations nationales, qui sont déjà harmonisées sur la grande majorité des questions, ne peut être le seul objectif. Il faut que cette voie soit l’occasion de résoudre les problèmes les plus criants du système actuel des brevets pour l’Europe. Cela passe nécessairement par l’apport de solutions au problème des traductions des brevets délivrés et à celui d’une juridiction commune. La solution sur le premier point peut passer par une renonciation des Etats Membres au bénéfice de l’article 65 de la CBE (comme prévu dans la proposition initiale de la Commission en 2001) ou par une adoption des dispositions de l’Accord de Londres. Sur le second point, l’EPLA fournit le cadre de la solution. Les règles tenant à l’obtention et à la validité des brevets, tant nationaux qu’européens, sont depuis longtemps déjà harmonisées sur la base des dispositions de la Convention de Strasbourg de 1963 et du PCT de 1970, reprises dans la Convention sur le Brevet Européen de 1973. Il n’y a que les opérations liées à la délivrance des brevets européens, notamment l’exigence de traductions et le dépôt de celles-ci, qui restent à harmoniser. Le Règlement devra prévoir une solution raisonnable à la question des traductions. En tout état de cause, la centralisation de l’administration des brevets

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délivrés à l’OEB devra être retenue pour éviter des distorsions au niveau des exigences administratives de chaque pays. En ce qui concerne l’exploitation des droits de brevet, l’harmonisation est également très avancée pour ce qui est du contenu des droits et de ce qui constitue des actes de contrefaçon. Un Règlement au titre de l’Article 95 devrait viser à retenir les meilleures pratiques en vigueur dans les Etats Membres et, pour cela, s’appuyer sur les dispositions très fouillées prévues à cet effet dans le projet d’EPLA. Réponses aux questions spécifiques : 4.1 Quels sont les aspects du droit des brevets qui entravent la libre circulation ou génèrent

une distorsion de la concurrence en raison de différences en matière de droit ou d’apparition du droit dans la pratique entre les Etats membres ?

Dans la mesure où il est de l’essence même du brevet que d’être un obstacle à la libre circulation des biens et des services et une limitation temporaire à la concurrence, il n’y a pas de réponse simple à cette question. Certaines pratiques, cependant, vont au-delà de ce qui résulte nécessairement du système de brevets. Il en est ainsi, dans la plupart des Etats Membres de la CBE, de l’exigence systématique de traduction du brevet européen délivré, même en l’absence de tout contentieux impliquant ce brevet, qui a toutes les caractéristiques d’une mesure purement protectionniste.

4.2 Dans quelle mesure votre entreprise est-elle touchée par ces différences ?

Comme déjà souligné, il n’y a plus aucune distorsion quand aux conditions de brevetabilité et de validité des brevets en Europe. Chaque adhésion supplémentaire à l’UE ne se fait qu’après que l’état ait adhéré à la Convention sur le brevet européen. Sur ce plan, les seules distorsions qui subsistent sont sans doutes celles qui résultent d’erreurs de traductions. Sauf bien entendu dans le cas où le breveté a choisi de se protéger par des dépôts nationaux, auquel cas les titres peuvent être de portée plus significativement différente. Il ne reste donc que le contentieux. Mais le traitement dit « amiable » fait que la plupart du temps une solution est négociée pour un territoire très vaste, typiquement le monde entier, ou une solution judiciaire obtenue sur un territoire finit par s’imposer plus largement. Cependant, c’est sur le plan du contentieux que des progrès importants pourraient quand même être obtenus, en diminuant l’effet de stratégies géographiques de conduite de litige.

4.3 Que pensez-vous de la valeur ajoutée et de la faisabilité des différentes options (1) – (3) susmentionnées ?

L’option (1) n’apporterait aucune solution réelle à la question de l’unification de la jurisprudence en matière de brevet en Europe. L’EPLA, combiné, le cas échéant, avec une possibilité de saisine de la Cour de Justice sur les questions de droit, est l’objectif à atteindre.

L’option (2) n’aurait qu’un intérêt limité car il reste peu de choses à harmoniser et rien qui ne soit couvert de manière approfondie et efficace par l’EPLA.

L’option (3) serait un énorme pas en arrière pour l’objectif de mise en place d’un brevet fort et efficace pour les besoins de l’innovation et de la compétitivité de l’Union européenne. La

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recherche d’une harmonisation des procédures de délivrance dans chaque pays, préalable indispensable à toute notion de reconnaissance mutuelle, n’est ni possible, ni souhaitable. Cela aboutirait immanquablement à un accroissement inutile des procédures administratives dans chaque pays et à un nivellement par le bas de la qualité des brevets, au détriment de la sécurité juridique et de l’innovation en Europe. L’idée de définir des normes de qualité est une illusion dangereuse car, à supposer même qu’il soit possible de trouver un accord sur de telles normes, personne ne pourra en vérifier sérieusement le respect ni en sanctionner les manquements. Le coût social d’une telle approche serait sans commune mesure avec les économies réalisées initialement par les déposants de brevets.

4.4 Quelle autre option la Commission devrait-elle prendre en considération ?

Comme indiqué ci-dessus, c’est vers une mise en place généralisé de l’accord de Londres et de l’EPLA que devraient s’orienter les efforts d’harmonisation de la Commission.

Section 5 – GENERALITES Sur une échelle de 1 à 10, 5.1 Quelle est l’importance du système des brevets en Europe par rapport à d’autres domaines

législatifs concernant votre entreprise ? 7 5.2 Quelle est l’importance du système des brevets en Europe par rapport à d’autres domaines de

la propriété intellectuelle tels que les marques, les dessins et modèles, le droit d’auteur et les droits voisins ? 7

5.3 Quelle importance accordez-vous au système des brevets en Europe par rapport au système

des brevets mondial ? 9

Bruxelles, le 30 mars 2006

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