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36 SANTÉ INTÉGRATIVE N°2-Mars/Avril 2008 Interview du Dr Patrick Baudin : MÉDECINE INTÉGRATIVE Patrick Baudin nous explique son parcours de médecin devenant psychothérapeute en res- piration holotropique (RH), nous raconte sa rencontre avec Stanislav Grof et nous introduit à sa conception de la médecine intégrant ses origines chamaniques. Pendant un week-end entier, j'ai en- tendu Stanislav Grof parler de la réalité en terme d'hologramme, et des différentes connexions entre chama- nisme, médecine, psychologie, philo- sophie, physique, spiritualité, religions, pratiques méditatives. C'était extraordinaire pour moi, je me suis senti nourri de quelque chose que j'attendais depuis vingt ans. Le lende- main de ces deux jours de confé- rence, il était proposé de faire l'expérience de la respiration holo- tropique; à l'époque, je n’imaginais pas du tout ce que pouvait représen- ter une expérience de lâcher prise. Je me suis mis à hyperventiler con- sciencieusement, en faisant comme indiqué, et très rapidement j'ai senti une espèce d'inconfort, j'ai eu l'im- pression de ne plus pouvoir respirer, j'ai pris conscience que j'étais en train de tétaniser; la bouche, les mains, le thorax, le ventre, tout était en état de tétanisation complète! J’avais la sensation horrible d’é- touffer complètement. J'ai eu vrai- ment peur, je me suis dit que j'allais perdre conscience et mourir, que j'al- lais perdre le contrôle, tout ce qui m'effrayait le plus au monde – et c'était sûrement pour cela que j'étais là. Mais, j'ai tout de même pensé à ce qu'avait dit Grof la veille et l'a- vant-veille : « il s'agissait de faire confiance au processus ». Il avait aussi longuement parlé de mort et renaissance symbolique, de mort de l'ego. Donc, il y avait une partie de moi qui voulait se lâcher et, en même temps, une partie qui était totalement effrayée. J'ai perdu con- science complétement et quand je suis revenu à la surface, j'étais dans un système de lutte avec cinq ou six personnes sur moi que j'ai envoyés « bouler ». Mais ce n'était pas un geste que j'avais fait vraiment con- sciemment. Il s'est passé quelque chose d'extrêmement fort au niveau A lain Gourhant : Est-ce que vous pouvez nous parler de votre chemine- ment, sûrement très intégratif, du médecin de SAMU au thérapeute en respiration holotropique ? Patrick Baudin : Je ne sais pas pour quelles raisons je me suis inscrit en faculté de médecine, mais mon inconscient, lui, savait sûre- ment pourquoi, car aujourd'hui je suis très heureux d'avoir fait ce cur- sus. À la fin des études de médecine, je me suis spontanément orienté vers l'Urgence, d'une manière incons- ciente aussi. J'ai donc travaillé sept ans au SAMU d'un hôpital univer- sitaire. J'y ai tellement croisé de choses fortes au niveau existentiel, la mort, la souffrance, la déchéance et la blessure physiques, et tous les drames qui gravitent autour de tout cela, que j'ai beaucoup lu au sujet de la mort, de l'accompagnement des mourants, de la vie après la mort. J'ai lu entre autres Elisabeth Kübler Ross, Moody, La source noire de P.Van Eersel – c'est d'ailleurs dans ce livre que j'ai entendu parler pour la première fois de Stanislav Grof, de Frijhof Capra, de Ken Wilber, de tous ces gens qui ont tracé de nou- velles voies dans les domaines de la physique, de la psychologie, de la philosophie, dans ce qu'il fut con- venu d'appeler le nouveau para- digme. Ensuite, j'ai pris une année sabbatique en Inde et en Australie, pour réfléchir à ce que je voulais faire. Cela n'a pas tout éclairci, loin de là, car j’ai emporté mes « casse- roles » avec moi, bien évidemment, et au retour, je me suis mis à faire des remplacements de médecine gé- nérale. Je me suis rendu compte que ce qui m'intéressait le plus, c'était d'écouter, d'aller en profondeur avec les gens, plutôt que pres- crire des médicaments – même s’ils ont aussi leur intérêt, ce qui reste très clair pour moi. Petit à petit, j'ai pris conscience que j'étais plus intéressé par l'aspect psycholo- gique des maladies que l'aspect somatique pour lequel j'ai perdu peu à peu mes compé- tences, faute d'intérêt. AG :Racontez-nous votre rencontre avec Stanislav Grof et la respiration holotro- pique ? PB : En 1992, j'ai rencontré le Dr Stanislav Grof pour la première fois à Reims, dans un séminaire intitulé Psychoses et Emergences Spiri- tuelles. Déjà cette intégration me plaisait ; imaginer qu'il pouvait y avoir un rapport entre psychose et spiritualité, était quelque chose qui m'avait toujours semblé évident. Dr Patrick Baudin

Respiration Holotropique Et Psychotherapie Integrative

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Interview de Patrick Baudin

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36SANTÉ INTÉGRATIVE N°2-Mars/Avril 2008

Interview du Dr Patrick Baudin :

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Patrick Baudin nous explique son parcours de médecin devenant psychothérapeute en res-piration holotropique (RH), nous raconte sa rencontre avec Stanislav Grof et nous introduità sa conception de la médecine intégrant ses origines chamaniques.

Pendant un week-end entier, j'ai en-tendu Stanislav Grof parler de laréalité en terme d'hologramme, et desdifférentes connexions entre chama-nisme, médecine, psychologie, philo-sophie, physique, spiritualité,religions, pratiques méditatives.C'était extraordinaire pour moi, je mesuis senti nourri de quelque chose quej'attendais depuis vingt ans. Le lende-main de ces deux jours de confé-rence, il était proposé de fairel'expérience de la respiration holo-tropique; à l'époque, je n’imaginaispas du tout ce que pouvait représen-ter une expérience de lâcher prise.Je me suis mis à hyperventiler con-sciencieusement, en faisant commeindiqué, et très rapidement j'ai sentiune espèce d'inconfort, j'ai eu l'im-pression de ne plus pouvoir respirer,j'ai pris conscience que j'étais entrain de tétaniser; la bouche, lesmains, le thorax, le ventre, tout étaiten état de tétanisation complète!J’avais la sensation horrible d’é-touffer complètement. J'ai eu vrai-ment peur, je me suis dit que j'allaisperdre conscience et mourir, que j'al-lais perdre le contrôle, tout ce quim'effrayait le plus au monde – etc'était sûrement pour cela que j'étaislà. Mais, j'ai tout de même pensé àce qu'avait dit Grof la veille et l'a-vant-veille : « il s'agissait de faireconfiance au processus ». Il avaitaussi longuement parlé de mort etrenaissance symbolique, de mort del'ego. Donc, il y avait une partie demoi qui voulait se lâcher et, enmême temps, une partie qui étaittotalement effrayée. J'ai perdu con-science complétement et quand jesuis revenu à la surface, j'étais dansun système de lutte avec cinq ou sixpersonnes sur moi que j'ai envoyés« bouler ». Mais ce n'était pas ungeste que j'avais fait vraiment con-sciemment. Il s'est passé quelquechose d'extrêmement fort au niveau

Alain Gourhant : Est-ceque vous pouvez nousparler de votre chemine-

ment, sûrement très intégratif, dumédecin de SAMU au thérapeuteen respiration holotropique ?Patrick Baudin : Je ne sais paspour quelles raisons je me suisinscrit en faculté de médecine, maismon inconscient, lui, savait sûre-ment pourquoi, car aujourd'hui jesuis très heureux d'avoir fait ce cur-sus. À la fin des études de médecine,je me suis spontanément orienté versl'Urgence, d'une manière incons-ciente aussi. J'ai donc travaillé septans au SAMU d'un hôpital univer-sitaire. J'y ai tellement croisé dechoses fortes au niveau existentiel,

la mort, la souffrance, la déchéanceet la blessure physiques, et tous lesdrames qui gravitent autour de toutcela, que j'ai beaucoup lu au sujet dela mort, de l'accompagnement desmourants, de la vie après la mort.J'ai lu entre autres Elisabeth KüblerRoss, Moody, La source noire de

P. Van Eersel – c'est d'ailleurs dansce livre que j'ai entendu parler pourla première fois de Stanislav Grof,de Frijhof Capra, de KenWilber, detous ces gens qui ont tracé de nou-velles voies dans les domaines de laphysique, de la psychologie, de laphilosophie, dans ce qu'il fut con-venu d'appeler le nouveau para-digme. Ensuite, j'ai pris une annéesabbatique en Inde et en Australie,pour réfléchir à ce que je voulaisfaire. Cela n'a pas tout éclairci, loinde là, car j’ai emporté mes « casse-roles » avec moi, bien évidemment,et au retour, je me suis mis à fairedes remplacements de médecine gé-nérale. Je me suis rendu compte quece qui m'intéressait le plus, c'était

d'écouter, d'aller enprofondeur avec lesgens, plutôt que pres-crire des médicaments– même s’ils ont aussileur intérêt, ce quireste très clair pourmoi. Petit à petit, j'aipris conscience quej'étais plus intéressépar l'aspect psycholo-gique des maladiesque l'aspect somatiquepour lequel j'ai perdupeu à peu mes compé-tences, faute d'intérêt.

AG :Racontez-nousvotre rencontre avecStanislav Grof et larespiration holotro-pique ?

PB : En 1992, j'ai rencontré le DrStanislav Grof pour la première foisà Reims, dans un séminaire intituléPsychoses et Emergences Spiri-tuelles. Déjà cette intégration meplaisait ; imaginer qu'il pouvait yavoir un rapport entre psychose etspiritualité, était quelque chose quim'avait toujours semblé évident.

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la Respiration Holotropique, thérapie intégrative naturelle

périnatal, une sorte de revécu duprocessus de naissance, où il fallaitabsolument que je me sorte de cecanal qui m’écrasait tellement, pourvenir à l'air libre et enfin respirernormalement. Après cette lutte, jesuis arrivé dans une sorte de lu-mière...illuminante...de l'intérieurcomme de l'extérieur, une lumièrequi m’a fait penser à celle décritepar les gens qui sortent des NDE(Near Death Experience : les expé-riences après la mort). En tout cas,j'ai eu l'expérience de venir à lalumière en sortant de l'ombre et derenaître de manière très claire. Ausortir de ça, j'ai senti un battementdans ma poitrine qui n'était ni unbattement cardiaque, ni la respira-tion, mais une sorte de battementénergétique énorme, toutes les 5 ou6 secondes. Quelqu'un ensuite m'apris dans ses bras et a témoigné plustard de ce battement, qu'elle avaitressenti également.

AG : C'est une expérience fonda-trice pour vous...PB :Oui, il y a un avant et un après,et cette expérience a été d'autant plusfondatrice que pendant au moinscinq semaines après, j'étais dans unétat qui parait vraiment irréel aumonde ordinaire : un sentiment pro-fond, pénétrant, total, d'amourinconditionnel pour tout ce quivivait. Au niveau organique et phy-sique, alors que j'étais arrivé à ceséminaire perclus de tensions, despasmophilie, de pré-tétanie, con-stipé, mal au dos, mal au cou, malaux reins, mal partout, j’ai constatépendant ces cinq semaines, que j'a-vais récupéré un corps d'enfant, tota-lement indolore et détendu, commesi j'avais été absolument complète-ment régénéré.

AG : C'est important ce que vousdites là, pour tous les spasmo-philes qui lisent le journal...PB : Oui, le fait d'hyperventileraccentue bien sûr le processus de téta-

différentes formes que peut prendrela vie spirituelle, et préciser de quoion parle, car le sujet est « brûlant ».Pour moi, il y a le religieux, c'est-à-dire le dogme, qui est l'organisationde la vie spirituelle. Ensuite, il y ala pratique spirituelle sous formed'ascétisme. Et, dans ces deux for-mes de spiritualité, c'est l’ego, le petit«moi », qui tient les rênes, qui dit cequ'il faut faire ou ne pas faire. Parcontre, l'expérience mystique, c'esttout le contraire, l'ego s'abandonnecomplétement à quelque chose debien plus grand que lui, il accepte dese laisser dépasser par plus grand quelui, de se laisser immerger dans leGrand Mystère de la vie.Pour revenir à mon parcours, j'aidonc fait une analyse jungiennependant plusieurs années, j'ai conti-nué les expériences de respirationholotropique qui m'ont purifié denombreuses tensions, de névrosespénibles, des colères refoulées, dechagrins profonds et très anciens, demes contradictions existentielles, etqui m’ont permis de découvrir mespulsions de vie, mes pulsions se-xuelles, mes pulsions de mort, mesbesoins profonds, ma créativité, etmon lien au corps tout autant quemon lien au monde invisible. Ce futprodigieusement intéressant et prodi-gieusement transformant. Au termede trois années de travail sur moi-même, pendant lesquelles j’ai égale-ment fait la formation avec Grof auxEtats-Unis, j’ai commencé à animermes propres stages de RespirationHolotropique. C'est ce que j'attendaisdepuis longtemps, l'intégration del'anthropologie, des différentes reli-gions, du chamanisme, de la philo-sophie et de la médecine...

AG : Pendant un moment vousavez pratiqué ensemble le méde-cine et la respiration holotropique,comment cela s'est-il passé ?PB : J'ai eu de gros ennuis avec leConseil National de l'Ordre desMédecins qui m'a radié trois

nisation, qui peut aussi survenir spon-tanément dans le même contexted’hyperventilation. Mais depuis quej’anime des stages de respirationholotropique, j'ai accompagné descentaines de gens en crise de téta-nie et il est pour moi tout à fait clair,comme pour tous les praticiens dela RH, que d'aller dans le problème,c'est aller dans sa résolution, la téta-nie n'étant qu'un processus d'auto-guérison des surtensions musculaireset tendineuses, correspondant à desinformations d’actions à vivre quin’ont pas été suivies d’actions : beau-coup de gestes retenus, de pulsionsrefoulées, engrammées. Permettre laconsommation de cette énergie conte-nue parfois depuis des années, voiredes décennies, est une opportunité deguérison psychosomatique extraor-dinaire.

AG : Nous reviendrons dessus plusen détails, quand nous parleronsde la respiration holotropique etdes troubles neuro-fonctionnels. Enattendant j'aimerais que vouscontinuiez à nous parler de cechemin passionnant de votre vieprofessionnelle. Que s'est-il passépour vous après cette expériencefondatrice ?PB : Après, mon vrai travail théra-peutique a commencé. C'est commesi j'avais été appâté par cette expé-rience mystique, au sens d'être dé-passé par le Grand Mystère, celan'ayant rien à voir avec le religieux,ou étant bien au delà du religieux,je le précise.

AG : Que voulez-vous dire ?PB : Il faut être bien clair sur les

Stanislav Grof

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s'est pas beaucoup intéressée à sespropres racines qui sont évidemmentchamaniques, et pas seulement is-sues de l’antiquité grecque. Depuisplus de 40 000 ans, des pratiqueschamaniques que la médecine ac-tuelle veut ignorer, et qui sont sou-vent considérées comme superstitionsprimitives, servent à guérir très effi-cacement les êtres humains de diverstroubles physiques, psychologiquesou existentiels. Et elles sont en faitrigoureusement compatibles avec lamédecine moderne.

Malheureusement, la médecine uni-versitaire « scientifique » est tombéedans le « scientisme », et discréditesans les connaître ni les expérimen-ter ces approches efficaces et quidonnent du sens aux maladies. C’estun grand drame pour les êtres hu-mains que la science médicale quifasse mondialement consensus, sesoit autant désintéressée du « sens»profond des maladies. Les sciencesdes religions, les sciences en rapportavec l'anthropologie, ça n'intéressepas cette médecine, dirait-on, saufquelques sages ouverts et cultivés,même si je pense qu'actuellement uncertain quota de médecins avant-gardistes s'y intéresse fortement;mais la médecine universitaire, pasencore. Elle reste trop souvent encoresur un concept « victimaire » de lamaladie : la maladie vient de l'ex-térieur (des parents par la génétique,

ans à cause de la Respiration Holo-tropique, tellement il ne supportaitpas cette démarche. Il estimait quela RH était une pratique charlata-nesque et honteuse pour la médecine,n'ayant rien à voir avec quoique cesoit de scientifique. Ils ont été trèsradicaux, d’autant plus que je mesuis défendu très orgueilleusementet stupidement, du genre « j’ai toutcompris » et vous ignorez toutes cesbelles choses bêtement. Dure maisbonne leçon pour mon ego. J'ai doncarrêté la médecine pendant trois anspour exercer comme psychothéra-peute. Au terme des trois ans, j'aidemandé ma réintégration au tableaude l'Ordre, qui a été acceptée. J'avais« purgé ma peine ». Je me suis doncinstallé pendant 3 années commemédecin généraliste non-conven-tionné, afin de pouvoir consulterchaque patient un minimum d’uneheure pour travailler sur le sens pro-fond et les causes psychiques desmaladies.Au bout de trois ans, soit un collèguejaloux ou inquiet, soit un clientinquiet, a apporté une de mes publi-cités de stage de Respiration Holo-tropique au Conseil Départementalde l'Ordre , et les tracasseries ontrecommencé : « Dr Baudin, il fautque vous choisissiez, ou la méde-cine, ou cette « pratique » inquali-fiable, qui discrédite la profession».J'ai choisi. C'était en août 2003.

AG : Pourquoi la médecine clas-sique n'a pas pu supporter ou inté-grer une pratique thérapeutiquecomme la respiration holotro-pique ?PB : Ce n’est pas le rôle du Conseilde l’Ordre de déterminer ce qui estvalable ou non en médecine, car ilest surtout là pour faire respecterl’éthique de la profession. Mais jepense que la médecine classique esttrès égocentrique et très ethnocen-trique, au sens où elle favorise exclu-sivement la culture scientifiqueoccidentale, essentiellement maté-rialiste. Jusqu'à maintenant, elle ne

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du microbe, de l'accident), et le ma-lade est sa victime innocente. Elle neveut pas entrer dans des considéra-tions existentielles et de pleineresponsabilité vis-à-vis des maladies,sauf pour celles qu’elle reconnaîtliées au mode de vie. Elle est aussidans une histoire de pouvoir : lamédecine classique est celle qui sait,ou qui est supposée savoir, ellen'aime pas tellement que le patientsache, ni qu'il soit responsable de lui-même. Elle se sent responsable delui, et responsable du résultat ou del'échec. Et c'est ce qui l'inquiète tantaujourd'hui. D’ailleurs, quand ça nemarche pas, les médecins ne se sen-tent pas bien du tout, et savent trèsbien projeter sur leurs patients leurspropres sentiments de culpabilité, etles culpabiliser sans vergogne. Je saisce qu’il en est, ayant longuementpratiqué de la sorte moi-même ; etje précise que je ne suis pas en trainde généraliser ma propre histoire,je suis juste en train de commenterce que j’observe ou que les patientsme racontent. Et pourtant, le génialAmbroise Paré, médecin et chirur-gien du roi, enseignait déjà il y a bienlongtemps : « je suis là pour soigner,mais seul Dieu guérit », mettant leschoses à leur juste place, de monpoint de vue.

AG :Donc, vous n'êtes plus méde-cin, vous êtes psychothérapeute.PB : Oui, et je suis très content dece choix, car je me sens libéré d'uncarcan conceptuel qui ne pouvait pasme convenir davantage. J'ai l'im-pression de retourner à une méde-cine vraiment originelle, unemédecine chamanique, sans nier lemoins du monde les apports de lamédecine moderne, universitaire,que j'admire profondément pour sonefficacité à résoudre un certainnombre de problèmes précis, et quej'admire particulièrement dans ledomaine de la chirurgie et des médi-caments de substitution, pour lesmalades qui ont, par exemple, desproblèmes hormonaux graves. On

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sécurisant, un lieu agréable où on neva pas être dérangé, un accompa-gnateur par personne, un encadre-ment compétent, un contrat clair surce qui est possible et sur ce qui nel’est pas, par exemple passage à l’ac-te violent. Une fois ce cadre posé,on invite la personne, après une re-laxation guidée, à hyperventiler,c’est-à-dire à simplement respirerplus vite et plus fort – sans indiquersi c’est par le ventre ou par le thorax,par le nez ou par la bouche – onlaisse la personne faire, on laisse lecorps faire ce dont il a besoin, dansun choix de confiance totale dansla sagesse du processus. Et la mu-sique arrive là-dessus, 1h30mn demusiques inductrices de transe, trèspuissantes, avec beaucoup de tam-bours, puis 1h30 de musiques deve-nant progressivement plus douces et

apaisantes, plus religieuses, plusrépétitives, qui signifient de manièreclaire la fin de la session, et quiouvrent d’autres espaces, parfois plusaffectifs et émotionnels. Il y a

ne peut pas nier cela, on ne peut quele respecter. Mais il faudrait dire plussouvent cette évidence, bien que celaparaisse choquant, que toutes lesmaladies sont par nature psychoso-matiques, autrement dit qu’elles nesont jamais seulement physiques oupsychologiques. Comment la méde-cine peut-elle dissocier à ce point cesdeux aspects de notre humanité ?Comment ne pas voir que psychismeet physique ne sont que deux aspects,l’un immatériel et informatif, l’au-tre matériel, d’une même réalité, quiest l’être vivant lui-même ? Sansparler des aspects spirituels et exis-tentiels de la maladie, si l’on veutbien songer à la dépression et àl’anorexie, par exemple ! Avant deprescrire des pilules, ou au moins enmême temps, il me paraît juste desystématiquement m'intéresser aussiaux conflits que vivent les patientset qui bien souvent expliquentsimplement leur pathologie. J’aitoujours pratiqué comme ça.

AG : Revenons à la respirationholotropique, est-ce que vouspourriez nous la définir ?PB : La Respiration Holotropiquea été créée dans les années 80 parStanislav Grof, psychiatre, cher-cheur, érudit, conférencier et expertinternational des états modifiés deconscience, et co-créateur du mou-vement de la Psychologie Transper-sonnelle. Le terme « holos » signifiele tout et « tropique », qui va vers.C'est comme héliotrope, la fleur quise tend vers le soleil; donc « holo-tropique », qui va vers la totalité, versla complétude, vers une expérienceglobale de la réalité. C'est donc unepratique de respiration qui mène versune expérience plus globale de laréalité. On peut dire aussi qu’il s’agitd’une forme d'intégration de pra-tiques chamaniques et de yoga dela respiration. En fait, la méthodecombine d’une manière simple etnaturelle, une respiration approfon-die et accélérée, des musiques spéci-fiques, et un contexte sécurisant –

lieu calme, accompagnateurs com-pétents –, qui contribuent tous lestrois à modifier l’état de consciencedans le sens d’une expansion, d’unélargissement, ce qui permet demobiliser très activement et effica-cement le potentiel de guérisonspontané du corps et de la psyché.En élevant considérablement lesniveaux d’énergie physique et psy-chique, la respiration active l’in-conscient et les mémoires du corps– on peut parler de mémoires cellu-laires – et donne accès à tous lesniveaux de la psyché, le domainebiographique (notre histoire de vie),le domaine périnatal (notre histoirede naissance) et le domaine dit trans-personnel (au-delà de notre histoirepersonnelle, au-delà du corps et dupsychisme personnels) qui est ledomaine des expériences de typemystique. Quels que soient l’âge,la culture et le lieu, il est possible devivre des expériences particuliè-rement transformatrices etlibératrices au niveau phy-sique, émotionnel, af-fectif et spirituel.

AG : Est-ce qu'il ya là une relationavec la respira-tion « rebirth » ?PB :Oui bien sûr,l’utilisation del'hyperventilationest le point com-mun, mais Grof estallé beaucoup plusloin et beaucoup pluslarge en s'ouvrant audomaine spirituel et enproposant des expériencesbeaucoup plus longues et pluschamaniques. D’autre part, le pro-cessus est beaucoup moins direc-tif, et plus respectueux, de mon pointde vue, des mécanismes de défensede chacun. On ne tire personne, onne pousse personne. Nous ne som-mes pas des sauveurs !Sur un plan pratique, nous proposonsà un groupe de personnes, un cadre

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Mandala réalisé lors d’une séance

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Antidépresseurs et dépression

Le mercure dangereux pour l’environnement mais pas la santé!

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Leministre norvégien pour l’environnement a réussi à faire adopter et appliquer, au 1er janvier 2008, une loiinterdisant l’utilisation du mercure dans son pays. Les responsables de santé de nombreux pays continuentà attendre de nouvelles études sur la toxicité du mercure alors qu’elle est démontrée depuis longtemps.

Quinze tonnes de mercure seraient implantées dans la bouche des Français, chaque année lors de la pose des amal-games. Les ministres de l’environnement seraient-ils plus attentifs à la santé de leurs concitoyens que les ministrede la santé ? Espérons que cette décision qui semble à l’étude dans d’autres pays européens sera généralisée à l’Eu-rope.Pour en savoir plus :http://www.notre-planete.info/actualites/actu_1523_interdiction_totale_amalgame_mercure.php

Plusieurs antidépresseurs (Prozac®, Effexor®, Deroxat®) ne semblent pas plus efficaces que le sucre dansle traitement de la dépression légère. Les recommandations de prescription des antidépresseurs ont tou-jours été de les réserver aux formes graves de dépression. Ces mises au point ne devraient donc pas modi-

fier les habitudes de prescription, à moins que comme pour les antibiotiques, ils soient encore prescrits en dehorsde leur indication !Cela prouve, une fois de plus, qu’un traitement efficace pour une affection à un stade évolué ne l’est pas forcé-ment pour la même affection à un stade débutant et probablement encore moins en prévention. Le gouvernementanglais semble prêt à investir dans la formation de 3600 thérapeutes pour l’utilisation de thérapies alternativesaux antidépresseurs, espérons que d’autres gouvernements suivront la même direction.On comprend que l’efficacité de plantes, comme le millepertuis ou les extraits de safran, soit supérieure à cer-tains antidépresseurs dans le traitement des formes modérées de dépression. Pour les prochaines recherches sur cesproduits, il ne sera plus utile de les comparer au Prozac® mais seulement au sucre.

aussi la possibilité d'un travail corpo-rel à la fin ou pendant, et ce travaila ceci de particulier qu'il va dans lesymptôme au lieu de chercher à lecontourner ou à le réduire : parexemple, chez quelqu'un souffrantd'une oppression à la poitrine quele processus respiratoire ne luipermet pas d'explorer plus profon-dément, on va accentuer ce symp-tôme en proposant une pression surla poitrine et demander à la personned'explorer son ressenti et d'exprimerce qui vient. C’est un peu le systèmede l’homéopathie uniciste, qui pro-pose de traiter le problème avec lemédicament « simillimum », le plussemblable possible au problèmeposé. À la fin de la session, il estproposé à chacun de faire un dessin,

le «mandala », c'est-à-dire un dessindans un cercle tracé sur une feuille,pour fixer, laisser une trace d'uneimpression générale, ou d'une expé-rience particulière sous forme quel-quefois d'un symbole. Cette pratiqueest inspirée de Jung, qui disait quece dessin du mandala suite à desrêves ou des expériences fortes,pouvait non seulement prédire lasuite du processus, mais aussipermettre l’intégration de l’expé-rience, qui peut être très boulever-sante.

AG : C'est donc une psychothé-rapie très intégrative qui réunit etintègre harmonieusement destechniques venant d'horizons dif-férents : musiques chamaniques,

respiration yogique, travail corpo-rel de style reichien, mandalajungien, tout cela centré autourd'une notion, dont nous parleronsla prochaine fois : « les états modi-fiés de conscience ».

�PROPOS RECUEILLIS PAR A. GOURHANT

Patrick Baudin a écrit : La Respira-tion Holotropique avec Marie ToraEditions Souffle d'Or (actuellementépuisé, en attente de réédition).Il a traduit aussi un livre essentiel deStanislav Grof : Pour une psycholo-gie du futur Editions Dervy, ainsi queLe jeu cosmique.

Pour plus d'informations pratiquesvoir son site internet :http://holotropique.free.fr/