Reuten Auer 2006

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  • UNIVERSITE LOUIS PASTEUR DE STRASBOURG

    INSTITUT DE SCIENCE ET DINGENIERIE SUPRAMOLECULAIRES

    THSE

    prsente pour obtenir le grade de DOCTEUR de lUNIVERSIT LOUIS PASTEUR

    de STRASBOURG par

    Philippe REUTENAUER

    Ractions de Diels-Alder et Chimie Dynamique Constitutionnelle.

    Soutenue publiquement le 17 novembre 2006 devant la commission dexamen constitue de :

    Professeur Jean-Marie LEHN Directeur de thse Docteur Jean-Paul COLLIN Prsident, Rapporteur interne Professeur Alain KRIEF Rapporteur externe Professeur Ludwik LEIBLER Rapporteur externe

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    Laboratoire de Chimie Supramolculaire

    Peace through chemistry, Roy Lichtenstein

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    Quand on na pas le choix, Il nous reste le cur.

    Bertrand Cantat

  • 4

  • 5

    Sommaire.

    I. INTRODUCTION. 11

    A. Objectif. 11 B. Dfinitions prliminaires. 12 C. De la chimie de reconnaissance molculaire la chimie supramolculaire de coordination puis

    la chimie dynamique constitutionelle. 13 1. Des cryptants aux rcepteurs multiples dont les hlicates circulaires. 13 2. Conceptualisation de la chimie dynamique constitutionelle. 16 3. Extension du domaine de la chimie dynamique constitutionelle covalente. 20

    a) Conditions la possibilit dune extension de la chimie dynamique constitutionelle. 20 b) Applications lamplification. 22 c) Application la slection. 24 d) Perspectives dextension. 25

    D. Raction de Diels-Alder et possibilit de dynamicit. 26 1. La raction de Diels-Alder. 26 2. Extensions de la raction de Diels-Alder. 30

    a) Emploi de la raction de Diels-Alder en synthse. 30 b) Emploi de la raction de Diels-Alder dans des mthodologies modernes. 30 c) Raction de rtro-Diels-Alder 33

    E. Positionnement du sujet. 33

    II. RECHERCHE DES STRUCTURES CIBLE POUR LA DYNAMICITE. 37

    A. Prcdents. 38 B. Aspects cintiques et thermodynamiques de la raction de Diels-Alder. 40

    1. Rappel thermodynamique : nergie dactivation et enthalpie libre de raction. 40 2. Entropie de raction et raction de rtro-Diels-Alder. 41 3. Abaissement de la barrire dactivation et ingnierie molculaire. 42 4. Rsum. 45

    C. Criblage pour une ractivit temprature ambiante. 46 1. Prsentation. 46 2. Criblage des dinophiles. 47

    a) Malimides et anhydrides maliques. 48 b) Malates, fumarates, cyanoolfines et autres olfines actives. 49 c) Quinones. 51 d) Autres types de dinophiles. 51 e) Molcules testes pour une modulation des proprits doptique non linaire. 52 f) Conclusions au criblage des dinophiles. 52

    3. Dines. 53 a) Furanes. 54 b) Cyclodines carbons. 54 c) Structures drives du cyclopentadine. 55 d) Variations autour de la structure du fulvne. 56 e) Variations autour de la structure de lanthracne. 57 f) Dines non cycliques. 58 g) Conclusions au criblage des dines. 59

    D. Criblage pour une rversibilit temprature ambiante. 60

  • 6

    1. Ractions quilibres. 60 a) Equilibres atteints en moins dune minute. 60 b) Equilibres atteints en 1h 10h. 61

    2. Ractions rversibles quantitatives. 62 a) Ractions rversibles quantitatives en moins dune minute. 62 b) Ractions rversibles quantitatives lentes. 63

    3. Ractions irrversibles. 64 4. Analyse des rsultats du criblage pour la rversibilit : gne strique contre tension de cycle.

    65 a) Position et enjeux du problme. 65 b) Approche nergtique. 69 c) Approche par la longueur des liaisons. 70

    E. Conclusion : aspects structuraux de la dynamicit. 74

    III. ETUDE DES EQUILIBRES ET REACTIONS DE COMPETITION. 75

    A. Prsentation des fulvnes. 76 B. Prsentation des cyanoolfines. 80

    1. Ttracyanothylne. 80 2. Tricyanothylnecarboxylates et dicyanofumarates. 81 3. Tricyanothynylthylnes. 83

    C. Equilibres entre fulvnes et cyanoolfines. 83 1. Dplacement thermique des quilibres. 84

    a)Raction du 6,6-dimthylfulvne 5 avec le dicyanofumarate de dithyle 22. 84 b)Raction du 6,6-dimthylfulvne 5 avec le tricyanothylnecarboxylate de mthyle

    23. 85 2. Donnes thermodynamiques. 88 3. Ractions de comptition. 93

    a) Comptition entre dines. 93 b) Comptition entre dinophiles. 96

    4. Influence de la dilution. 98 5. Conclusion. 99

    D. Equilibres entre anthracnes et cyanoolfines. 99 1. Les cycloadditions des anthracnes. 99 2. Dplacement thermique des quilibres. 102

    a) Ractions du 9,10-dimthylanthracne 8 avec les dicyanofumarates. 102 b) Ractions du 9,10-dimthylanthracne G avec les tricyanothylnecarboxylates.

    104 c) Ractions du 9,10-dimthylanthracne 8 avec le 1,1,2-tricyanothynylthylne 44.

    104 d) Raction avec le 2-cyano-4-{[4-(dimthylamino)phnyl]thynyl}but-2-nedinitrile

    45. 106 3. Ractions de comptition. 109

    a) Ractions du 9,10-dimthylanthracne 8 avec les cyanoolfines. 109 b) Ractions du 9,10-dimthylanthracne 8 avec le 1,1,2-tricyanothynylthylne 44.

    111 c) Raction avec le 2-cyano-4-{[4-(dimthylamino)phnyl]thynyl}but-2-

    nedinitrile 45. 114 4. Conclusion ltude des quilibres mettant en jeu les anthracnes. 115

    E. Comparaison des donnes thermodynamiques. 115 F. Conclusion ltude des quilibres. 116

    IV. UTILISATIONS DES PROPRIETES DYNAMIQUES. 117

  • 7

    A. Prcdents dapplication de la rversibilit de la raction de Diels-Alder. 118 1.Utilisation pour la modification de proprits physiques. 118 2. Utilisation en chimie supramolculaire. 119

    B. Application au photorelargage. 120 C. Modulation des proprits dinteraction avec la lumire. 122

    1. Fluorescence de lanthracne. 122 2. Modulation des proprits doptique non linaire. 125 3. Conclusion. 127

    D. Polymres dynamiques. 128 1. Polymres bass sur la chimie de Diels-Alder. 128 2. Polymres supramolculaires et polymres dynamiques. 129 3. Vers des polymres dynamiques bass sur la chimie de Diels-Alder. 130 4. Etude en solution par rsonance magntique nuclaire. 130 5. Etude en solution par diffusion de neutrons. 132

    a) Principe dune exprience de diffusion de neutrons. 132 b) Spectre de diffusion dune solution de chanes macromolculaires flexibles. 134 c) Description et analyse des rsultats exprimentaux. 135

    6. Etude en phase solide. 141 a) Polymres associs par liaisons hydrogne. 142 b) Polymres linaires sans association. 143 c) Polymres rticuls. 143 d) Analyse. 147

    7. Conclusion. 149 E. Conclusion de ltude de lutilisation des proprits dynamiques. 149

    V. SYNTHESES. 151

    A. A propos de quelques synthses non optimises. 152 B. Synthse des fulvnes. 153 C. Synthses des cyanoolfines. 157

    1. Synthse des cyanoactates. 157 2. Synthse des dicyanofumarates. 157

    a). Synthse. 157 b) Purification. 158 c) Essais de postmodifications. 159 d) Autres synthses assimiles. 160

    3. Synthse des tricyanothylnecarboxylates. 160 a) Synthse et mcanisme. 160 b) Purification. 162 c) Essais de postmodifications. 165 d) Extension de la mthodologie de synthse. 165

    4. Essais de nouvelles mthodes de purification des cyanoolfines. 166 a)Protection des cyanoolfines. 166 b) Immobilisation sur phase solide. 169

    D. Synthse des tricyanothynylthylnes. 171 E. Bilan des mthodologies de synthse des cyanoolfines. 174

    1. Dimrisation oxydante. 174 2. Addition - extrusion. 174 3. Attaque nuclophile. 175 4. Conclusion. 176

    VI. PERSPECTIVES. 177

  • 8

    VII. CONCLUSIONS. 181

    VIII. PARTIE EXPERIMENTALE. 183

    A. General Methods. 183 1. Solvents and Chemical Reagents 183 2. Chromatographic Methods. 183 3. Analytical Methods and Instruments 183

    B. Synthetic procedures and characterisation. 184 1. Dienophiles 184

    a) Maleimides and maleic anhydride. 184 b) Maleates, fumarates, cyanoolefines and activated olefines. 184 c) Quinones. 188 d) Other types of dienophiles. 188 e) Molecules tested for non linear optical properties. 188

    2. Dienes. 189 a) Furans. 189 b) Cyclodienes. 189 c) Cyclopentadiene derivatives. 189 d) Fulvenes. 189 e) Anthracenes. 193 f) Other dienes. 193

    3. Adduct [5,2] 194

    IX. ANNEXES. 195

    Annexe 1 : Slection au sein dun flux de microgouttes laide dune trieuse de cellule. 195 Annexe 2 : Ensemble des rsultats du criblage. 196 Annexe 3 : Composs 1 30. 197 Annexe 4 : Composs 31 67. 198 Annexe 5 : Composs 68 86. 199 Annexe 6 : Composs 87 105. 200 Annexe 7 : Composs 106 127. 201

    X. BIBLIOGRAPHIE. 203

    XI. EPILOGUE. 211

    XII. REMERCIEMENTS. 213

    XIII. SUMMARY. 215

    XIV. RESUME. 216

  • 9

    Abrviations.

    Dans un souci de clart, lemploi dabrviations a t limit. Voici celles qui ont tout de mme t utilises :

    Cat. Catalytique CDC Chimie dynamique constitutionelle DCC Dicyclohexylcarbodiimide PAPHY Pyridinealdhyde pyridinehydrazine Py Pyridine RMN Rsonance magntique nuclaire T.A. Temprature ambiante THF Ttrahydrofurane

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  • 11

    I. Introduction.

    Plan :

    A. Objectif. 11

    B. Dfinitions prliminaires. 12

    C. De la chimie de reconnaissance molculaire la chimie supramolculaire de coordination puis la chimie dynamique constitutionelle. 13

    1. Des cryptants aux rcepteurs multiples dont les hlicates circulaires. 13 2. Conceptualisation de la chimie dynamique constitutionelle. 16 3. Extension du domaine de la chimie dynamique constitutionelle covalente. 20

    a) Conditions la possibilit dune extension de la chimie dynamique constitutionelle. 20 b) Applications lamplification. 22 c) Application la slection. 24 d) Perspectives dextension. 25

    D. Raction de Diels-Alder et possibilit de dynamicit. 26

    1. La raction de Diels-Alder. 26 2. Extensions de la raction de Diels-Alder. 30

    a) Emploi de la raction de Diels-Alder en synthse. 30 b) Emploi de la raction de Diels-Alder dans des mthodologies modernes. 30

    3. Raction de rtro-Diels-Alder 33

    E. Positionnement du sujet. 33

    A. Objectif.

    La chimie dynamique constitutionelle se base sur des ractions rversibles pour donner la possibilit aux systmes chimiques dvoluer suite aux modifications de leur environnement. Le projet de ce travail de doctorat est dexploiter dans ce sens la rversibilit de la raction de Diels-Alder. Nous allons dans cette introduction prsenter la chimie dynamique constitutionelle et la raction de Diels-Alder, et dvelopper lide que cette deuxime peut tre un nouvel outil pour la chimie dynamique constitutionelle et en particulier son sous ensemble quest la chimie combinatoire dynamique.

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    B. Dfinitions prliminaires.

    Au fur et mesure que les domaines dtudes ont t crs, et sont devenus mrs, les concepts et les mots qui les vectorisent ont t forgs, dissmins, exports et rappropris. De ce fait, leurs significations ont volu, perdu leur unicit, et parfois vieilli. Il est donc apparu ncessaire ici dexpliciter le sens donn certains des termes tels quils seront employs dans ce travail.

    Enthalpie libre de raction : Aussi appele nergie libre de Gibbs, rG (voir chapitre II).

    Raction rversible : raction qui dans certaines conditions peut tre amene redonner les produits de dpart, alors quelle ne lest pas dans dautres conditions.

    Raction quilibre : raction qui dans les conditions de son tude finit par se produire en mme temps dans les deux sens des vitesses gales, de telle sorte que produits de dpart et produits darrive coexistent dans des proportions qui ne varient plus.

    Systme dynamique : systme dont les constituants prennent part une ou plusieurs ractions quilibres, et qui est ainsi capable dvoluer suite la consommation de lun dentre eux par une nouvelle raction chimique ou un processus physico-chimique.

    Le nologisme dynamicit est utilis pour dcrire la capacit dun systme tre dynamique. La dynamicit est la rversibilit plus la capacit dexprimer plusieurs types de structures. La ncessit de lemploi de ce mot est symbolique de la nouveaut de la reprsentation de la chimie qui sous-tend ce travail. Il sera employ pour caractriser les liaisons qui permettent de former des systmes dynamiques.

    Slection : opration menant lobtention dune structure particulire au sein dune population de structures possibles (pour la synthse) ou existantes (pour lisolement ou la reconnaissance) en fonction dun avantage attendu.

    Amplification : slection saccompagnant dun accroissement de la population de lespce slectionne. Ceci est rendu possible par la stabilisation nergtique au sein dun systme dynamique de lespce ou des espces slectionne(s), au dtriment des autres.

    Adaptation : modification dans la constitution et la conformation chimique des constituants dun systme suite la perturbation dun quilibre ayant pour consquence de diminuer lnergie totale du systme.

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    Chimie dynamique constitutionelle : chimie utilisant les interactions dynamiques de natures supramolculaire et molculaire entre les lments dun systme pour obtenir des proprits de slection et dadaptation.

    Chimie combinatoire dynamique : partie de la chimie dynamique constitutionelle qui se limite aux modifications covalentes des constituants du systme.

    C. De la chimie de reconnaissance molculaire la chimie supramolculaire de coordination puis la chimie dynamique constitutionelle.

    Lide lorigine de ce travail de doctorat, procde dun mouvement de balancier entre structure et fonction. De ce fait, je me permets de voir en ces travaux une descendance des premiers travaux au sein de lquipe du Professeur Jean-Marie Lehn sur les cryptants.1 Bien au-del des rsultats initialement recherchs, ces derniers ont dbouch sur la conceptualisation de la chimie supramolculaire, qui permet, ou incite les chimistes sintresser des systmes de degrs de complexit ou dorganisation suprieurs celui des entits molculaires individuelles. Ce changement de paradigme a dbouch sur un intrt pour des structures de plus en plus sophistiques, et de nombreux efforts orients vers leur ralisation. Aujourdhui la matrise acquise par la communaut des chimistes, quils soient supramolculaires ou non, est grande tant en terme de qualit dans la sophistication des architectures que dans la qualit et lefficacit des synthses menant certaines de ces architectures. Mais ce nest pas tout. La chimie supramolculaire na pas t cre tourne vers elle-mme, se satisfaisant de son objet,2 mais au contraire, ds son fondement, inscrite dans un processus pointant vers une complexit croissante. Deux tendances actuelles apparaissent sur lavant de la scne et partagent lambition de tirer parti des nouvelles architectures accessibles la main du chimiste pour crer de nouvelles proprits. Elles sont la recherche de fonctions, parfois inconnues, qui dcouleraient des proprits des structures supramolculaires, et lintgration de ces fonctions molculaires ou supramolculaires des chelles toujours plus grandes avec pour objectif l(auto)assemblage de nanostructures fonctionnelles.

    1. Des cryptants aux rcepteurs multiples dont les hlicates circulaires.

    A lorigine de la recherche sur la reconnaissance de cations tait lambition de pouvoir capter slectivement, et retenir, chacun des cations alcalins.3 Cette recherche tait dirige vers une fonction

    1. Les travaux du groupe du Prof. Lehn que je vais citer pour illustrer mon introduction sont tirs de louvrage : J.-M. Lehn, Supramolecular Chemistry Concepts and perspectives, VCH, Weinheim, 1995.

    2. Mme si elle le cre voir : a) M. Berthelot, Chimie Organique Fonde sur la Synthse, Mallet-Bachelier, Paris, 1860, 2, 811; b) Ref. 1, p. 206.

    3. J.-M. Lehn, Acc. Chem. Res. 1978, 11, 49.

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    chimique particulire, pour des applications biochimiques spcifiques : comprendre leur rle dans les processus biologiques. Lobtention de cette fonction a t permise par la mise en uvre de structures prsentant une complmentarit adquate dans la forme gomtrique et la disposition des fonctions de reconnaissance entre le substrat et le rcepteur, dbouchant, entre autres sur les thers couronnes, les sphrands et les cryptants. Les cryptants prsentent la proprit de reconnatre et de fixer leur cation substrat pour former des complexes dinclusions extrmement stables, les cryptates. Le succs de la dmarche a t tel que la fonction a pu tre rendue slective pour chacun des cations alcalins, par le jeu de modifications structurelles, mais aussi tendue la reconnaissance dautres cations, celle de polycations, celles danions, de zwitterions et de molcules neutres (Figure I.1). Cette chimie a eu le mrite de structurer un ensemble dides prexistantes et a t le germe autour duquel crot la chimie supramolculaire et ses nombreux dveloppements.

    Figure I.1: Cryptants et cryptates pour a) les ions alcalins, b) lion azoture, c) la 1,9-nonanediamine.

    Lun de ces dveloppements est la reconnaissance simultane de plusieurs ions, cations ou anions, par des ligands multisites au sein de structures hlicodales appeles hlicates (Figure I.4).4 Dans le cas des hlicates de cations mtalliques, ces structures sont issues de la complmentarit et ladditivit des interactions entre les ions et les ligands. Les ions mtalliques sont capables dorganiser larchitecture de ldifice du fait de linfluence de leur gomtrie de coordination sur le positionnement des ligands. Ceux-ci possdent le juste quilibre entre un dfaut et un excs de souplesse entre les sites de coordination pour rpercuter cette gomtrie sur lensemble de la structure, et se trouvent organiss pour continuer la formation du systme avec une faible pnalit entropique. En effet si la formation de la premire liaison entre le mtal et le ligand entrane une perte dentropie importante, la formation des liaisons suivantes se fait entre des constituants qui sont proches et dj lis, et donc, la perte dentropie associe est beaucoup plus faible. La formation de lhlicate est de ce fait tellement favorise quil est le produit majoritaire bien avant que les proportions stchiomtriques soient

    4. J.-M. Lehn, A. Rigault, J. Siegel, J. Harrowfield, B. Chevrier, D. Moras, Proc. Natl. Acad. Sci. USA 1987, 84, 2565.

    a) b)

    c)

    Li+ Na+ K+

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    atteintes lors du dosage des ligands par le mtal.5 La famille des hlicates a dvelopp une recherche trs active donnant naissance de nombreuses variations autour de leurs structures (Figure I.2).6, 7

    Figure I.2 : Exemples dhlicates bass a) sur la coordination dions cuivre (I) 4 ou b) celle danions sulfates.6

    Un autre exemple de famille de structures bases sur ce type de complmentarit et de cooprativit, mais exploitant une plus grande rigidit des ligands, est celle des grilles (Figure I.3).8

    Figure I.3 : Exemple de structure de type grille.8

    Un dernier type de structure est celle des hlicates circulaires.9 Ils sont forms par lorganisation par dessein de plusieurs ligands multisites et de cations mtalliques de gomtrie de coordination octadrique. Le mlange des deux populations en proportion stoechiomtrique peut

    5. N. Fatin-Rouge, S. Blanc, A. Pfeil, A. Rigault, A.-M. Albrecht-Gary, J.-M. Lehn, Helv. Chim. Acta 2001, 84, 1694.

    6. J. Sanchez-Quesada, C. Seel, P. Prados, J. de Mendoza, J. Am. Chem. Soc. 1996, 118, 277. 7. M. Albrecht, Angew. Chem. Int. Ed. 2005, 44, 6448. 8. Pour une revue voir : M. Ruben, J. Rojo, F. J. Romero-Salguero, L. H. Uppadine, J.-M. Lehn,

    Angew. Chem. Int. Ed. 2004, 43, 3644. 9. B. Hasenknopf, J.-M. Lehn, B. O. Kneisel, G. Baum, D. Fenske, Angew. Chem. Int. Ed. 1996, 35,

    1838.

    a) b)

  • 16

    former plusieurs types de structures circulaires variant par leur taille.10 En prsence danions chlorures, il se forme prfrentiellement la structure cyclique qui prsente la cavit possdant la taille la plus adapt pour hberger un de ces anions (Figure I.4). Cette complmentarit entre la structure forme et lobjet qui induit sa formation tait dj bien connue dans le cas des cations alcalins dans la synthse des thers couronnes.11 Les hlicates circulaires constituent une structure plus complexe, plus informe que celles des hlicates mtalliques linaires : en plus de lalgorithme de formation de lhlice trois brins, seffectue lenroulement de cette hlice en une structure de forme torodale.

    Une tape essentielle sur la voie de la conceptualisation de la chimie dynamique constitutionelle a t la dcouverte que la taille de lhlicate circulaire dpend du contre-ion du cation mtallique. En fournissant au systme un anion autour duquel seffectue lenroulement, il a donc t trouv un moyen de slectionner dessein la structure de ldifice supramolculaire ralis. Il est mme possible de passer dune structure une autre en remplaant chimiquement un type danion par un autre.

    Figure I.4 : Slection de la taille des hlicates circulaires en fonction de la nature du contre-ion.9

    2. Conceptualisation de la chimie dynamique constitutionelle.

    10. B. Hasenknopf, J.-M. Lehn, N. Boumediene, A. Dupont-Gervais, A. Van Dorsselaer, B. O. Kneisel, G. Baum, D. Fenske, J. Am. Chem. Soc. 1997, 119, 10956.

    11. C. J. Pedersen, H. K. Frensdorff, Angew. Chem. Int. Ed. Engl. 1972, 11, 16.

  • 17

    La mme cause est lorigine de la stabilit exceptionnelle des cryptates et de la formation des hlicates : cest la multiplicit des interactions, mme rversibles, entre les units de reconnaissance du rcepteur et le substrat. Lintgration de plusieurs de ces liaisons, qui prises isolment sont rversibles, parce quelle prsente un avantage entropique, finit par lier fortement les deux partenaires au sein de ldifice. Mais pour comprendre la slectivit de leur formation, il faut prendre en compte une autre proprit importante dcoulant dune structure base sur de multiples interactions rversibles : cest la dynamicit des difices ainsi forms. Ceux-ci restent en quilibre avec leurs constituants. La probabilit que ldifice puisse partiellement ou intgralement tre dfait reste bien plus importante que pour un difice covalent form irrversiblement.12 Pour revenir au cas des hlicates, la rversibilit des liaisons formes permet au systme de converger vers les formes de plus basse nergie, quand bien mme le systme explorerait des structures de plus hautes nergies. De ce fait, ce sont eux qui sont favoriss thermodynamiquement par rapport des difices construits par un mcanisme en vernier, c'est--dire une longue chane constitue en dcalant les ligands.13 Ils sont aussi capables dauto-slection, comme cest le cas pour le mlange de diffrents brins de ligands multisites et plusieurs mtaux.14 Dun point de vue de physique statistique, le systme est capable dexplorer toutes les possibilits, et exprime celles-ci en fonction de leurs nergies relatives.

    Dans le cas des hlicates circulaires, le puit de potentiel thermodynamique peut tre modifi dessein en changeant le contre-ion du mtal. Et ainsi il est possible dinduire le passage de lassemblage prfrentiel du pentamre celui de lhexamre en remplaant chimiquement les ions chlorures par des ions sulfates, ou inversement (Figure I.4). De plus ltat darrive suite un changement danion est identique au systme obtenu en mettant directement les hlicates en prsence de lanion final. Ce changement est la preuve de la rversibilit de la formation des hlicates circulaires et du fait que leur formation correspond un quilibre thermodynamique. Un pas essentiel est franchi dans la conceptualisation de la chimie dynamique constitutionelle car ce phnomne peut tre interprt de deux manires diffrentes, selon le point de vue adopt. Du point de vue du chimiste, il y a ici un levier pour slectionner simplement lassemblage dun produit prfrentiellement celui dun autre en procdant une amplification. Du point de vue de celui qui observe le systme, il y a une adaptation de celui-ci un changement dans lenvironnement des hlicates. Ce phnomne peut aussi tre dcrit comme une slection lors dune volution molculaire . Dans les deux cas, cest la dynamicit dune partie des liaisons qui constituent ldifice qui rend le phnomne possible. Elle permet aux assemblages supramolculaires de revenir un ordre infrieur pour devenir les briques de base de la formation de nouveaux difices plus structurs.

    Il faut noter ici que les conditions dans lesquelles la formation des hlicates circulaires est rversible ne sont pas douces, contrairement aux conditions recherches pour les applications de

    12. a) J.-M. Lehn, Science 2002, 295, 2400; b) D. N. Reinhoudt, M. Crego-Calama, Science 2002, 295, 2403.

    13. R. Krmer, J.-M. Lehn, A. Marquis-Rigault, Proc. Natl. Acad. Sci. USA 1993, 90, 5394. 14. A. Marquis, V. Smith, J. Harrowfield, J.-M. Lehn, H. Herschbach, R. Sanvito, E. Leize-Wagner, A.

    Van Dorsselaer, Chem. Eur. J. 2006, 12, 5632.

  • 18

    reconnaissance molculaire, particulirement celles visant des applications biologiques. De ce point de vue, ils constituent un prototype de systme dynamique (Figure I.5). Rappelons quils ntaient lorigine pas recherchs pour cette proprit, mais pour le contrle sur la formation de leur structure (auto assemblage par dessein).

    Figure I.5: Hlicates circulaires comme prototypes de rcepteurs combinatoires dynamiques.

    Cest cette dualit entre slection et adaptation qui est la base de la conceptualisation de la chimie dynamique constitutionelle. Elle met en scne 1) un systme lquilibre thermodynamique dont les constituants peuvent, par la rupture de certaines liaisons, redonner les briques de base dont ils sont constitus, 2) une slection induite par le changement physico-chimique du milieu, et 3) un changement dans lordre des niveaux nergtiques des diffrents constituants accessibles au systme dans ces nouvelles conditions, induisant une modification dans la composition du systme. 15 Un exemple peut tre la formation dun complexe dinclusion entre lun des constituants du mlange et un rcepteur introduit dans le systme qui aurait un fort avantage nergtique. La formation de ce complexe dinclusion se ferait alors au dtriment des autres membres de lquilibre (Figure I.6).

    15. J.-M. Lehn, Chem. Eur. J. 1999, 5, 2455.

    Bibliothque Combinatoire Virtuelle

  • 19

    Figure I.6 : a) Profil nergtique dans la bibliothque combinatoire (A-H), b) modification de ce profil nergtique et de son peuplement suite la reconnaissance de A par un rcepteur (rectangle

    rouge) et la stabilisation du complexe dinclusion form.16

    Lensemble des constituants lquilibre thermodynamique est appel bibliothque combinatoire dynamique. Dans lexemple du moulage dun rcepteur pour un substrat, ce changement est d la reconnaissance prfrentielle et la stabilisation conscutive des complexes forms avec les composs ayant la meilleure correspondance structurelle pour la structure cible, en terme de gomtrie et de positionnement des interactions. Dans le cas des hlicates circulaires, lanion peut tre vu comme un substrat et lhlicate circulaire pentagonal comme un rcepteur slectionn dans la population des hlicates de diffrentes tailles.

    Mais ces proprits ne se limitent pas aux seuls hlicates et dautres types de rcepteurs dions conus sur ce principe existent.17 Par ailleurs, la stabilisation nergtique par reconnaissance molculaire nest pas la seule manire dinduire une formation privilgie de certaines structures. Dautres mcanismes de slection/adaptation ont t mis en uvre, comme la slection par un champ lectrique (Figure I.7), ou par des paramtres physiques comme la temprature et le pH, ou la formation dun hydrogel.18

    16. a) R. L. E. Furlan, S. Otto, J. K. M. Sanders, Proc. Natl. Acad. Sci. USA 2002, 99, 4801; b) G. R. L. Cousins, S.-A. Poulsen, J. K. M. Sanders, Curr. Opin. Chem. Biol. 2000, 4, 270.

    17. a) Z. Grote, R. Scopelitti, K. Severin, J. Am. Chem. Soc. 2004, 126, 16959; b) G. R. L. Cousins, R. L. E. Furlan, Y.-F. Ng, J. E. Redman, J. K. M. Sanders, Angew. Chem. Int. Ed. 2001, 40, 423.

    18. a) N. Giuseppone, J.-M. Lehn, Angew. Chem. Int. Ed. 2006, 45, 4619; b) N. Giuseppone, J.-M. Lehn, Chem. Eur. J. 2006, 12, 1715; c) B. Levrand, Y. Ruff, J.-M. Lehn, A. Herrmann, Chem. Commun. 2006, 2965; d) N. Sreenivasachary, J.-M. Lehn, Proc. Natl. Acad. Sci. USA 2005, 102, 5938.

    a) b)

  • 20

    Figure I.7 : Cristal liquide dynamique capable dchanger ses constituants sous leffet dun champ lectrique. a) quilibre mis en jeu, b) observation macroscopique du passage de la phase liquide (haut) la phase cristal liquide (bas) sous un champ lectrique, c) observation de la transition au microscope

    optique en lumire polarise.18a

    Nous sommes ici dans le cadre de processus de reconnaissance supramolculaire. Au cur de ceux-ci se trouve linformation apporte au systme par la contrainte, et la capacit du mlange de constituants initialement lquilibre thermodynamique ragir sous linfluence de cette information, ce qui se traduit en terme de stabilisation nergtique. Cette capacit ragir dpend des liaisons qui lient les briques de base. Ces liaisons doivent tre dynamiques, si possible rapidement, et les nergies mises en jeu pour les faire et les dfaire doivent tre, lchelle du systme, petites devant les gains nergtiques dans les processus damplification. Nous sommes ici dans un cas plus complexe que celui des cryptates, car il y a en plus dune interaction stabilisante entre les structures du ou des rcepteur(s) et/ou du ou des substrat, la possibilit de changer la composition de la bibliothque de composs au travers du changement dans la connectivit des constituants qui les forment et donc son nergie de structure.

    3. Extension du domaine de la chimie dynamique constitutionelle covalente.

    a) Conditions la possibilit dune extension de la chimie dynamique constitutionelle.

    Il apparat quune proprit ncessaire pour employer un type de liaison dans un systme de chimie dynamique constitutionelle est sa rversibilit, et plus prcisment la cintique de sa rversibilit. En aucun cas lnergie de cette interaction/liaison prise isolment nest un paramtre dterminant. Dun point de vue nergtique, cest la variation au niveau du systme, et non pas de la liaison forme ou dtruite qui est ce paramtre dterminant (Figure I.8). Les caractristiques qui

    OEt

    +

    NH2 OMe

    OEt

    +

    OMe

    Champ lectrique a)

    b) c)

    NH2 N N

  • 21

    permettent les proprits de slection/adaptation ne sont pas intrinsques aux liaisons mtal-ligand ou hydrognes, mais bien tous les types de liaisons rversibles. Dans le continuum des nergies de liaison, certaines liaisons apparaissent rversibles dans des conditions o dautres, dnergies infrieures, ne le sont pas. Les premires pourront tre employes en chimie dynamique constitutionelle, alors que les secondes ne le seront pas. Ce nest donc pas la force des interactions qui est un critre adquat pour dcrire la capacit demploi en chimie dynamique constitutionelle.

    Figure I.8 : Slection dans une bibliothque combinatoire dynamique.

    Des considrations prcdentes, il apparat deux critres, au moins, permettant de slectionner une liaison pour son utilisation dans des systmes de chimie dynamique constitutionelle. Lun est cintique, cest la capacit de la liaison se rompre et se reformer rapidement. Il est ncessaire quil existe au moins un jeu de conditions dans lesquelles les processus de formation et de rupture des liaisons se font avec des vitesses gales. Cest ce qui caractrise lobtention dun quilibre, et si possible celui-ci doit tre atteint suffisamment rapidement. Alors, les briques de base et les produits de leur(s) association(s) coexistent, et certains peuvent ventuellement tomber dans un puit thermodynamique. Ce qui nous amne lautre critre. Le systme doit avoir la capacit de se transformer avec une pnalit nergtique infrieure au gain dnergie mis en uvre dans les processus de slection. Cest ce qui fait la force des systmes liaisons hydrogne, car leurs ruptures nentranent gnralement la perte que de peu dnergie, en comparaison des nergies mises en jeu pour des liaisons covalentes. Mais pour des liaisons de plus forte nergie, le systme peut compenser la formation ou la rupture dune liaison dnergie leve en en transformant dautres entre ses constituants. Ainsi lnergie dune liaison passe une autre, mais le systme conserve sensiblement son nergie interne. Et de fait, des systmes bass sur des liaisons covalentes ont t dcrits,19 et seront dcrits ici, bien que lnergie des liaisons formes entre les units lies soit leve. Cette ide sera dveloppe dans ce travail sur le cas particulier de la raction de Diels-Alder.

    19. a) S. J. Rowan, S. J. Cantrill, G. R. L. Cousins, J. K. M. Sanders, J. F. Stoddart, Angew. Chem. Int. Ed. 2002, 41, 898; b) S. Otto, R. L. E. Furlan, J. K. M. Sanders, Drug Discovery Today 2002, 7, 117.

    Bibliothque combinatoire dynamique Slection

  • 22

    b) Applications lamplification.

    Parmi les travaux qui ont dj permis dobserver des phnomnes damplifications, les cas les plus parlants sont peut-tre ceux ayant utilis comme cible des enzymes en milieu aqueux. Il a t possible de tirer profit des informations structurelles de celles-ci pour identifier des ligands possdant des proprits inhibitrices. Les chimies mises en uvre impliquent la formation de liaisons disulfures20 (Figure I.9), imines,21 hydrazones,18, 22, 23 la transthioesterification,27 ou la mtathse des olfines.24 Une tentative base sur la chimie des oximes a aussi t envisage.25

    Figure I.9 : Principe du mlange des briques de base dans une librairie danalogues de disaccharides lis par des ponts disulfures.20

    Les phnomnes damplification ont aussi t exports dans le domaine des matriaux dynamiques. Le cas de polymres dynamiques, ou dynamres, sera vu au chapitre IV. Les gels sont aussi des structures o des expriences damplification ont t ralises.18d Sous la pression de la glation, il a t montr par RMN du proton quune librairie de drivs de la guanine portant la fonction acylhydrazone et formant en prsence dions sodium des quadruplets, slectionne ses constituants pour amplifier le constituant qui formera le gel le plus stable. En augmentant la temprature, le gel fond, et la distribution des composants redevient plus proche de la distribution statistique.

    Dun point de vue conceptuel, les bibliothques combinatoires dynamiques ont pour mission dexprimer le plus grand nombre possible de combinaisons, avant lapplication de la pression de slection, puis de pouvoir voluer vers lamplification de certaines combinaisons des briques de base.

    20. O. Ramstrm, J.-M. Lehn, ChemBioChem 2000, 1, 41. 21. I. Huc, J.-M. Lehn, Proc. Natl. Acad. Sci. USA 1997, 94, 2106. 22. T. Bunyapaiboonsri, H. Ramstrm, O. Ramstrm, J. Haiech, J.-M. Lehn, J. Med. Chem. 2003, 46,

    5803. 23. T. Bunyapaiboonsri, O. Ramstrm, S. Lohmann, J.-M. Lehn, L. Peng, M. Goeldner,

    ChemBioChem 2001, 2, 438. 24. K. C. Nicolaou, R. Hughes, S. Y. Cho, N. Wissinger, C. Smerthurst, H. Labischinski, R.

    Endermann, Angew. Chem. Int. Ed. 2000, 39, 3823. 25. a) V. A. Polyakov, M. I. Nelen, N. Nazarpack-Kandlousy, A. D. Ryabov, A. V. Eliseev, J. Phys. Org.

    Chem. 1999, 12, 357; b) V. Goral, M. I. Nelen, A. V. Eliseev, J.-M. Lehn, Proc. Natl. Acad. Sci. USA 1997, 94, 2106.

  • 23

    Cela ncessite que la formation de toutes les combinaisons soit rversible dans les conditions dtude. En poussant ce raisonnement, il est mme possible denvisager que lamplification se produise sur une structure qui nest prsente qu ltat de traces dans lquilibre initial, mais dont la slection entranerait une amplification importante. Cest la force des bibliothques combinatoires dynamiques dont la diversit dpasse celle des composants effectivement en prsence lquilibre initial, du fait de la possibilit de lexpression dencore plus de structures. Cest spcialement le cas, pour linstant surtout thorique, pour de trs grandes bibliothques combinatoires dynamiques.26 Cette diversit qui dpasse les molcules effectivement prsentes est qualifie de virtuelle.21

    Toutefois, cette possibilit est dans la pratique limite lheure actuelle par les moyens danalyses capables de dtecter les modifications dans la composition, et en particulier les amplifications, de ces mlanges complexes et aux structures par essence proches, dont il sagit didentifier les lues. Une condition essentielle est de pouvoir tudier le systme sans que cette tude ne modifie sa composition. Et ceci nest permis que par des techniques non invasives et non destructives fournissant une grande quantit dinformations. La rsonance magntique nuclaire est sans doute une des plus intressantes. La limitation de cette technique restant la difficult didentifier une structure particulire parmi un trs grand nombre.27 Il est esprer que le nombre toujours croissant dexpriences permettant dlucider des architectures toujours plus complexes arrivera relever le dfi. Le marquage au 13C de certaines positions-cls semble aussi une aide prometteuse lavenir, pour un emploi en RMN couple avec la spectroscopie de masse. Mais lobjectif atteindre lavenir pour une utilisation grande chelle de la chimie combinatoire dynamique pour des applications dpassant le cadre acadmique est la mise en place danalyses en routine, et donc fortement automatises. Les systmes de chromatographie (qui sont invasifs), ventuellement couple la spectroscopie de masse (qui est destructive), sont aussi des techniques apportant une grande source dinformations qui ont dj dmontr leur applicabilit.20 Mais encore faut-il que lanalyse ne dplace pas inopinment les quilibres. Cest dautant plus dlicat quil est recherch que ceux-ci soient les plus rapides et les plus dynamiques possible. Ce problme peut tre contourn pour les chimies permettant de geler les quilibres. Cela peut se faire par une raction chimique rapide, comme cest le cas pour la rduction des imines en amines, ou en rduisant drastiquement les cintiques dchanges par une modification des conditions exprimentales, comme cest le cas pour le pH dans les quilibres mettant en jeu des disulfures ou des imines/hydrazones/oximes. Mais l aussi, cela ncessite que les quilibres ne soient pas dplacs par le processus de leur gel.

    Un autre type de stratgie permettant danalyser les volutions des bibliothques combinatoires dynamiques sous la pression dune contrainte, appele dconvolution a aussi t tudie.23 Cette dmarche consiste omettre tour tour un des constituants. Elle permet de mettre en vidence les constituants primordiaux lobtention de la proprit recherche. A leur dsavantage,

    26. P. T. Corbett, S. Otto, J. K. M. Sanders, Org. Lett. 2004, 6, 1825. 27. Pour un exemple dapplication tmoignant de la possibilit mais aussi de la difficult voir : R.

    Larsson, O. Ramstrm, Eur. J. Org. Chem. 2006, 285.

  • 24

    elles augmentent grandement le nombre dexpriences mettre en uvre. Toutefois, il reste bien en de du nombre dexpriences conduire dans le cadre dun criblage dune librairie statique.28

    Dans lavenir il faut sattendre ce que, sous la pression de la demande, dautres techniques danalyse non-destructive non-invasive apparaissent. Lune dentre elles pourrait tre la microencapsulation par mulsion qui donne un moyen danalyser les vnements chimiques un un au sein dune librairie.29 Cette technique permet de manipuler des structures prisonnires dans des gouttelettes pour slectionner les systmes prsentant le comportement recherch. Au sein de ces gouttelettes, lenvironnement chimique et notamment la concentration, donc la positon de lquilibre, ne varie pas (Annexe 1). Lenjeu de lanalyse de systmes quilibrs est trs grand pour le dveloppement de la chimie combinatoire dynamique. Il est trs probable que la monte en puissance de cette dernire aille de paire avec le dveloppement de nouvelles techniques danalyse.

    c) Application la slection.

    La possibilit de synthtiser slectivement une espce par lajout dun compos qui va prorganiser les ractifs est connue sous le nom deffet template. Les travaux de Sauvage et coll. sur les catnanes ont t pionniers dans lusage dlments supramolculaires, en loccurrence la coordination des mtaux, des fins de pr-organisation pour rendre plus efficace la synthse de structures complexes.30 Lassociation de la structuration supramolculaire et lapproche combinatoire dynamique donne des rsultats probants, notamment, en plus des rotaxanes et catnanes, dans la synthse de macrocycles structures persistantes (Figure I.10).31 La stratgie pour ces synthses o il est difficile dobtenir une slectivit par la cintique est de crer un avantage thermodynamique favorisant lespce souhaite. Il est recherch nouveau ici dplacer lquilibre le plus possible vers la formation majoritaire de lespce recherche. Elle est obtenue par la stabilisation de celle-ci ou par la consommation du produit ou dun sous-produit par dautres processus physico chimiques (vaporation, prcipitation). Ces synthses se basent sur des ractions de mtathse dolfines ou dalcynes qui permettent de crer des quilibres isonergtiques. Il est probable que laspect de slection permis par la chimie combinatoire dynamique trouve un nombre croissant dusages dans le futur.

    28. C'est--dire non dynamiques. 29. a) A. Aharon, A. D. Griffiths, D.S. Tawfik, Curr. Opin. Chem. Biol. 2005, 9, 210; b) J. J. Agresti, B.

    T. Kelly, A. Jschke, A. D. Griffiths, Proc. Natl. Acad. Sci. USA 2005, 102, 16170. 30. J.-P. Sauvage, C. Dietrich-Buchecker, Molecular Catenanes, Rotaxanes and Knots, Wiley-VCH,

    Germany, 1999. 31. W. Zhang, J. S. Moore, Angew. Chem. Int. Ed. 2006, 45, 4416.

  • 25

    Figure I.10 : Synthse par effet template: a) catnane, b) rotaxanes, c) slection dun macrocycle au sein dune bibliothque combinatoire dynamique .16a

    d) Perspectives dextension.

    Revenons-en lextension de la chimie combinatoire dynamique, et plus particulirement celle de son champ dtude. Dans un processus de dconstruction/reconstruction, nous pouvons remplacer les lments compris entre les liaisons dynamiques par de nouveaux espaceurs, et les liaisons dynamiques elles-mmes par dautre type de liaisons dynamiques pour obtenir lexpression dune mme proprit structurelle, ou topologique, par dautres lments constitutionnels. Nous pouvons gnraliser la capacit intrinsque fournir des systmes capables de slection/adaptation et dire que le paradigme de chimie dynamique constitutionelle est applicable tout type ddifice chimique dont la formation conduit un quilibre et condition aussi que ses constituants soient capables dexprimer plusieurs structures isonergtiques, ou quasi isonergtiques.

    Mais actuellement, un frein au dveloppement de la chimie combinatoire dynamique est le petit nombre de ractions covalentes dynamiques disponibles qui soient utilisables dans les conditions douces, propices lvolution du systme sous la conduite des interactions supramolculaire, et en particulier la reconnaissance molculaire. Pour permettre ce nouveau domaine dtendre ses champs dapplications et ainsi valider la dmarche sur des exemples de plus en plus varis et complexes, il est ncessaire de trouver de nouveaux systmes, se basant sur de nouveaux types de ractions. Pour preuve de lintrt grandissant de la communaut des chimistes, la littrature rcente fourni de nouveaux cas de systmes dynamiques se basant sur des ractions qui navaient pas t

    a)

    b)

    c)

  • 26

    employes jusque l.32 Un cas particulier de raction de Michael peut tre cit,33 et les travaux de Rokita et coll., mme sils exploitent sans les avoir recherches les proprits de dynamicit des adduits dun driv de p-quinone avec les nuclotides de lADN (Figure I.11).34

    Figure I.11 : Rversibilit des ractions de Michael entre certaines positions des nuclotides (dN) et la p-mthylne quinone, et irrversibilit de certaines autres.34c

    Nous allons nous intresser pour notre part au dveloppement de systmes dynamiques se basant sur la chimie de Diels-Alder.

    D. Raction de Diels-Alder et possibilit de dynamicit.

    1. La raction de Diels-Alder.

    La raction de Diels-Alder est le processus au cours duquel un dine conjugu et une molcule comportant une double ou triple liaison, appel dinophile, ragissent pour former un cycle six atomes comportant une insaturation, appel adduit de Diels-Alder. Le bilan de cette raction

    pricyclique tant la formation de deux liaisons et la rupture de deux liaisons pi (Figure I.12). Le fait quelle permette la formation de deux nouvelles liaisons comprises au sein dun cycle en une tape

    32. a) R. Cacciapaglia, S. Di Stefano, L. Mandolini, J. Am. Chem. Soc. 2005, 127, 13666; b) P. Wipf, S. G. Mahler, K. Okumura, Org. Lett. 2005, 7, 4483; b) pour une revue rcente voir : P. T Corbett, J. Leclaire, L. Vial, K. R. West, J.-L. Wietor, J. K. M. Sanders, S. Otto, Chem. Rev. 2006, 106, 3652.

    33. B. Shi, M. F. Greaney, Chem. Commun. 2005, 886. 34. a) P. Pande, J. Shearer, J. Yang, W. A. Greenberg, S. E. Rokita, J. Am. Chem. Soc. 1999, 121,

    6773; b) W. F. Veldhuyzen, P. Pande, S. E. Rokita, J. Am. Chem. Soc. 2003, 125, 14005; c) E. E. Weinert, K. N. Frankenfield, S. E. Rokita, Chem. Res. Toxicol. 2005, 18, 1364; d) E. E. Wienert, R. Dondi, S. Colloredo-Melz, K. N. Frankenfeld, C. H. Mitchell, M. Freccero, S. E. Rokita, J. Am. Chem. Soc. 2006, 128, 11940.

  • 27

    ractionnelle est la raison de son immense succs synthtique. De plus, le processus de rtro-raction est possible lors dune lvation de la temprature : ladduit se dissocie alors, redonnant le dine et le dinophile. Ce processus sappelle raction de rtro-Diels-Alder. Cette rtro-raction nest gnralement pas aise, et dans la majorit des cas, lors de llvation de temprature, ladduit se transforme par dautres ractions plutt que de se dissocier en redonnant les produits de dpart. Otto Diels et Kurt Alder ont dcrit les premiers ces deux processus en 1928,35 notamment dans le cas de la raction du furane avec lanhydride malique.36 Ces travaux et ceux qui en ont dcoul leur ont valu le Prix Nobel de chimie en 1950.37 Comme cas particulier de cycloaddition thermique du type [4+2], la raction de Diels-Alder est permise par les rgles de Woodward-Hoffmann.38

    YYRR

    Figure I.12 : La raction de Diels-Alder.

    Dun point de vue mcanistique, la raction de Diels-Alder a t lobjet dun nombre considrable dtudes tant exprimentales que thoriques.39 Pour autant la question de son mcanisme est loin dtre tranche, et il semblerait quil dpende au cas par cas de la nature des ractifs et notamment de leur symtrie. Cependant, il est acquis que la symtrie des orbitales est conserve au cours de la raction40 et quelle se fasse en une tape, aucun intermdiaire ne pouvant tre observ. Parmi les points de controverse sont citer le caractre synchrone ou non de la formation des deux nouvelles liaisons,41 le rle dun ventuel complexe de transfert de charge dans lorganisation de ltat de transition,42 et la nature de celui-ci (radicalaire ou zwitterionique). Un lment essentiel pour comprendre la ractivit est quil sagit dune raction sous contrle orbitalaire, et non sous contrle de charges. Sans chercher entrer dans ces dbats, la description par le modle

    35. O. Diels, K. Alder, Liebigs Ann. Chem. 1928, 98, 468. 36. O. Diels, K. Alder, Ber. 1929, 62, 54. 37. http://nobelprize.org/nobel_prizes/chemistry/laureates/1950/index.html 38. R. B. Woodward, Acc. Chem. Res. 1968, 1, 17. 39. a) Je me suis beaucoup servi de la revue suivante : A. I. Konovalov, V. D. Kiselev, Russ. Chem.

    Bull., Int. Ed. 2003, 52, 293; b) Ils se sont eux-mme bass sur : J. Sauer, R. Sustmann, Angew. Chem. Int. Ed. 1980, 19, 779.

    40. R. Hoffman, R. B. Woodward, Angew. Chem. 1969, 81, 797. 41. a) K. N. Houk, J. Gonzalez, Y. Li, Acc. Chem. Res. 1995, 28, 81; b) J. Tian, K. N. Houk, F. G.

    Klrner, J. Phys Chem. A 1998, 102, 7662; c) L. R. Domingo, M. J. Aurell, P. Perez, R. Contreras, J. Org. Chem. 2003, 68, 3884.

    42. a) V. D. Kiselev, J. G. Miller, J. Am. Chem. Soc. 1975, 97, 4036 ; b) R. Sustmann, H.-G. Korth, U. Ntcher, I. Siangouri, W. Sicking, Chem. Ber. 1991, 124, 2811.

  • 28

    des orbitales molculaires frontires permet une comprhension et une rationalisation suffisante pour ltude qui est faite ici. Elle considre que linteraction prpondrante lors de lapproche des ractifs est celle entre lorbitale occupe la plus haute en nergie (HO) de lun des ractifs et lorbitale vacante la plus basse en nergie (BV) de lautre ractif telle que la diffrence des niveaux dnergie entre ces deux orbitales soit la plus faible. Ce fait est schmatis dans un diagramme de niveaux dorbitales (Figure I.13). Les niveaux dnergie des orbitales sont donc un paramtre important dans la comprhension de la ractivit. Dans la plupart des cas, il sagit de linteraction entre lorbitale HO dun dine riche en lectrons et de lorbitale BV dun dinophile pauvre en lectrons,43 mais la situation inverse est possible.

    Figure I.13 : Diagramme orbitalaire dans le cas dun dine riche en lectrons et dun dinophile lectrodficient.

    Les liaisons sont formes au cours d'un processus dans lequel l'approche des atomes du dinophile s'effectue du mme ct d'un plan du dine. Ce mcanisme est suprafacial pour chaque atome. Ladduit form lorsque le dinophile approche avec ses substituants les plus volumineux (ou le plus grand nombre de ses substituants, pour les dinophiles en ayant un nombre impair) pointant vers le dine est appel produit endo. Du fait du recouvrement entre la pratie de lobitale molculaire localise sur ces substituants et lorbitale du dine implique dans linteraction (recouvrement secondaire), ce produit conduit ltat de transition le plus stable.44 Ladduit endo est le produit cintique. Par contre ladduit endo une fois form souffre le plus de lencombrement strique. Ladduit exo, avec la majorit des substituants pointant vers lextrieur souffre moins dencombrement strique, et est donc le produit thermodynamique. Dans le cas des ractions sous contrle cintique, cest la diffrence dnergie dactivation qui va contrler le rapport de produits endo et exo, alors que

    43. H. Fujimoto, S. Inagaki, K. Fukui, J. Am. Chem. Soc. 1976, 98, 2670. 44. a) R. Hoffman, R. B. Woodward, J. Am. Chem. Soc. 1965, 87, 4388; b) M. A. Fox, R. Cardona, N.

    J. Kiwiet, J. Org. Chem. 1987, 52, 1469.

    dine dinophile

    HO

    BV

    HO

    BV

  • 29

    dans les ractions sous contrle thermodynamique, cest le rapport des enthalpies libres de raction qui va contrler leur rapport (Figure I.14). La diffrence nergtique entre ces deux formes varie en fonction des systmes, mais est suffisamment faible pour que dans les systmes quilibrs en solution, les deux formes coexistent (voir chapitre III).

    Figure I.14 : Profils nergtiques des ractions de Diels-Alder menant aux adduits endo et exo.

    Du point de vue de la strochimie, celle des substituants du dinophile (cis/trans) est conserve dans ladduit. Enfin, pour les dinophiles non-symtriques, la slectivit de lapproche des produits de dpart est ensuite lie la maximisation du recouvrement entre les orbitales. Cette maximisation amne latome portant le plus gros coefficient dans lorbitale HO du dine former une liaison avec latome ayant le plus gros coefficient dans lorbitale BV du dinophile. Cest lorigine de la rgioslectivit ortho-para des produits de Diels-Alder (Figure I.15).45

    Figure I.15 : Approches des ractifs et recouvrements suprafaciaux conduisant aux produits a) ortho, b) para, et la formation dadduits c) exo, d) endo.

    45. K. N. Houk, Acc. Chem. Res. 1975, 8, 361.

    A

    D D

    A

    A

    A D

    D

    O

    O

    O

    O

    O

    O

    O

    O

    O OO

    O

    a)

    b)

    c)

    d) ortho

    para

    exo

    endo

  • 30

    2. Extensions de la raction de Diels-Alder.

    a) Emploi de la raction de Diels-Alder en synthse.

    La raction de Diels-Alder ne se limite pas aux systmes entirement carbons. Une raction pour laquelle un ou plusieurs atomes du dine et/ou du dinophile ne sont pas des atomes de carbone (typiquement de lazote avec une double liaison N=N, ou de loxygne avec une double liaison C=O, mais aussi les doubles liaisons C=N, S=O, N=O, C=S, C=P et C=Se) est appele raction dhtro-Diels-Alder. Elle permet de ce fait la synthse dune trs grande varit dhtrocycles.46

    Un autre dveloppement important par rapport la raction initiale est la possibilit de catalyser la raction. Les acides de Lewis, comme par exemple AlCl3 ou SnCl4, par leur coordination sur les paires dlectrons libres des htroatomes ou linsaturation amene ragir, jouent le rle de catalyseur en abaissant la densit lectronique et le niveau de la BV du dinophile, et donc en abaissant le niveau dnergie de ltat de transition.47 Lusage de catalyseurs est intressant car il permet dviter davoir chauffer trop les ractifs, qui peuvent tre fragiles. Pour les ractions mettant en jeu des ractifs non symtriques, la modification des coefficients dans les orbitales molculaires entrane par la coordination permet daugmenter encore plus la rgioslectivit. Un autre intrt de la version catalyse de la raction de Diels-Alder est de pouvoir rendre celle-ci asymtrique en dcorant le catalyseur avec des ligands chiraux.48 La slectivit augmente en organisant ltat de transition, mais aussi en abaissant la temprature. Les mtaux utiliss sont le plus souvent le bore, laluminium, le titane, mais aussi dautres mtaux de transition comme le ruthnium, ou des lanthanides. La raction de Diels-Alder asymtrique est un important outil de synthse, ajoutant le caractre asymtrique aux autres atouts de la raction.49 La version intramolculaire de la raction est un outil redoutable pour former des systmes polycycliques.49b

    b) Emploi de la raction de Diels-Alder dans des mthodologies modernes.

    La gomtrie de lapproche des deux ractifs joue un rle important, car elle dtermine le produit qui sera form. De plus lentropie dactivation de la raction est importante, car il sagit de positionner quatre atomes diffrents des positions bien prcises dans ltat de transition. La raction

    46. B. H. Lpischutz, Chem. Rev. 1986, 86, 795. 47. a) P. Yates, P. Eaton, J. Am. Chem. Soc. 1960, 82, 4436; b) pour un exemple original de catalyse

    de la raction de Diels-Alder par reconnaissance de cations par des polythers voir : A. Tsuda, C. Fukumoto, T. Oshima, J. Am. Chem. Soc. 2003, 125, 5811.

    48. a) S.-I. Hashimoto, N. Komeshima, K. Koga, J. Chem. Soc., Chem. Commun. 1979, 437; b) H. Takemura, N. Komeshima, I.Takahashi, S.-I. Hashimoto, N. Ikota, K. Tomioka, K. Koga, Tetrahedron Lett. 1987, 28, 5687; c) H. B. Kagan, O. Riant, Chem. Rev. 1992, 92, 1007; d) pour une revue plus rcente : D. Carmona, M. P. Lamata, L. A. Oro, Coord. Chem. Rev. 2000, 200-202, 717.

    49. a) E. J. Corey, Angew. Chem. Int. Ed. 2002, 41, 1668; b) K. C. Nicolaou, S. A. Snyder, T. Montagnon, G. Vassilikogiannakis, Angew. Chem. Int. Ed. 2002, 41, 1668.

  • 31

    de Diels-Alder peut donc tre acclre par encapsulation des ractifs dans la cavit dune structure de plus grande taille qui les rapproche et les oriente de manire favoriser la raction (Figure I.16).50

    Figure I.16 : Acclration de la raction de Diels-Alder par encapsulation des ractifs.50 a) Structure de la molcule qui se dimrise et de la capsule forme, b) mcanisme propos pour lacclration de la raction de Diels-Alder au sein de la capsule, avec remplacement dune quinone par une molcule de dioxyde de dimthylthiophne ( droite), raction (en bas), puis expulsion de ladduit et remplacement

    par deux molcules de quinone ( gauche) pour un nouveau cycle catalytique.

    Cette encapsulation peut aussi favoriser certaines orientations pour donner des produits qui ne sont pas ceux qui sont obtenus en solution.51 Un autre type dacclration se basant sur lorganisation et la stabilisation de ltat de transition utilise des anticorps catalytiques.52 Ceux-ci sont obtenus par slections danticorps monoclonaux dirigs contre un analogue de ltat de transition de la raction. Mais la baisse de lnergie dactivation ne se traduit pas forcment par une baisse de lentropie dactivation.52b La formation de liaisons hydrogne avec les htroatomes du dinophile abaisse le niveau de lorbitale BV et diminue lenthalpie dactivation. Dans le cas des anticorps comme dans celui de lencapsulation, lactivit catalytique nest obtenue quen vitant linhibition du catalyseur par le produit. Celui-ci doit tre ject pour pouvoir ramorcer un nouveau cycle catalytique. Il faut pour ce faire que ladduit soit bien moins stabilis que ltat de transition.52b Il est noter que ce nest que rcemment, aprs avoir t longtemps inconnus, que les premiers exemples denzymes

    50. a) J. Kang, J. Rebek, Nature 1997, 385, 50; b) J. Kang, G. Hilmersson, J. Santamaria, J. Rebek, J. Am. Chem. Soc. 1998, 120, 3650; c) J. Kang, J. Santamaria, G. Hilmersson, J. Rebek, J. Am. Chem. Soc. 1998, 120, 7389; d) A. V. Davis, R. M. Yeh, J.-L. Reymond, Proc. Natl. Acad. Sci. USA 2002, 99, 4793.

    51. a) M. Yoshizawa, M. Tamura, M. Fujita, Science 2006, 312, 251; b) Z. Clyde-Watson, A. Vidal-Ferran, L. J. Twymann, C. J. Walter, D. W. J. McCallien, S. Fami, N. Bampos, R. S. Wylie, J. K. M. Sanders. New. J. Chem. 1998, 493.

    52. a) D. Hilvert, Acc. Chem. Res. 1993, 26, 552; b) J. Cheng, Q. Deng, R. Wang, K. N. Houk, D. Hilvert, ChemBioChem 2000, 1, 255; c) A. Heine, E. A. Stura, J. T. Yli-Kauhaluoma, C. S. Gao, Q. L. Deng, B. R. Beno, K. N. Houk, K. D. Janda, I. A. Wilson, Science 1998, 279, 1934.

    a)

    R = n-heptylphnyle

    a) b)

  • 32

    catalysant des ractions de Diels-Alder ont t dcouverts.53 Dautres exemples dacclration se basant sur la slection de brins dARN 29b,54 ou de modification denzymes naturels55 ont t dcrits. Des macrocycles acclrant lgrement une raction de Diels-Alder ont t obtenus en laissant une bibliothque combinatoire dynamique base sur la chimie des disulfures squilibrer en prsence de ladduit de cette raction.56

    Une mention spciale est apporter aux ractions de Diels-Alder en phase aqueuse. Les doubles liaisons impliques dans la raction font que dines et dinophiles sont localement hydrophobes. Leur solvatation dans leau est donc pnalisante. Lors de ltat de transition, le positionnement du dine face au dinophile rduit la surface de contact entre les parties hydrophobes et leau. Ltat de transition est donc moins dstabilis que ne le sont les produits de dpart, ce qui quivaut un abaissement de lnergie dactivation. Les liaisons hydrognes entre les molcules deau et les htroatomes du dinophile peuvent aussi tre invoques. Il en rsulte une acclration de la raction de Diels-Alder par les milieux aqueux.57 Une augmentation du rapport entre les produits endo et exo est aussi observe, labaissement de lnergie dactivation favorisant le produit cintique dans des conditions o ladduit nest pas rversible. Par ailleurs leau tant le solvant des milieux physiologiques, les systmes fonctionnant en milieu aqueux prsentent un intrt particulier pour le dveloppement de bibliothques combinatoires dynamiques vises biochimiques. Les mlanges de solvants organiques et deau donnent aussi des effets dacclration et de modification du rapport endo/exo.58 Des effets dacclration comparables ont t observs dans des solutions de sels dans des milieux organiques (comme le perchlorate de lithium dans lther dithylique).59 Les activations par les micro-ondes60 et les ultrasons61 ont aussi t tudies. Enfin lacclration de la raction est aussi possible en augmentant la pression, du fait de la diminution de volume qui accompagne la raction.62

    53. a) S.Laschat, Angew. Chem. Int. Ed. 1996, 35, 289; b) G. Pohnert, ChemBioChem 2001, 2, 873; c) E. M. Stocking, R. M. Williams, Angew. Chem. Int. Ed. 2003, 42, 3078.

    54. F. Sthulmann, A. Jschke, J. Am. Chem. Soc. 2002, 124, 3238. 55. M. T. Reetz, N. Jiao, Angew. Chem. Int. Ed. 2006, 45, 2416. 56. B. Brisig, J. K. M. Sanders, S. Otto, Angew. Chem. Int. Ed. 2003, 42, 1270. 57. a) D. C. Rideout, R. Breslow, J. Am. Chem. Soc. 1980, 102, 7816; b) R. Breslow, Acc. Chem.

    Res., 1991, 23, 4340. c) P. A. Grieco, Organic Synthesis in Water, Blackie Academic & Professional, London, 1998, ch.1.

    58. T. Rispens, J. B. F. N. Engberts, J. Phys. Org. Chem. 2005, 18, 725. 59. a) P. A. Grieco, J. J. Nunes, M. D. Gaul, J. Am. Chem. Soc. 1990, 112, 4595; b) P. A. Grieco, M.

    D. Kaufman, J. F. Daeuble, N. Saito, J. Am. Chem. Soc. 1996, 118, 2095. 60. A noter le rsultat surprenant avec des fulvnes dans : B.-C. Hong, Y.-J. Shr, J.-H. Liao, Org. Lett.

    2002, 4, 663. 61. a) J. Lee, J. K. Snyder, J. Am. Chem. Soc. 1989, 111, 1522; b) T. Javed, T. J. Mason, S. S. Phull,

    N. R. Baker, A. Robertson, Ultrasonics-Sonochemistry 1995, 2, 3; c) P. Nebois, Z. Bouaziz, H. Fillion, L. Moeini, M. J. Aurell Piquer, J.-L. Luchen, A. Riera, A. Moyano, M. A. Perics, Ultrasonics-Sonochemistry 1996, 3, 7.

    62. a) J. R. McCabe, C. Eckert, Acc. Chem. Res. 1974, 7, 251; b) P. R. Ashton, U. Girreser, D. Giuffrida, F. H. Kohnke, J. P. Mathias, F. M. Raymo, A. M. Z. Slawin, J. F. Stoddart, D. J. Williams, J. Am. Chem. Soc. 1993, 115, 5422.

  • 33

    3. Raction de rtro-Diels-Alder

    De manire gnrale, si la raction de Diels-Alder a t beaucoup tudie du fait de son importance en synthse, la raction de rtro-Diels-Alder la t beaucoup moins de sorte que moins de mthodes existent pour la dclencher,63 pass le chauffage, ventuellement laide de micro-ondes. Notons toutefois la mthode oxy-anion qui permet de dclencher chimiquement la rtro-raction (Figure I.17),64 mais le systme nest pas lquilibre. Des applications en synthse sont dcrites,65 frquemment pour des usages comme la protection de dines sensibles, mais aussi de solubilisation dintermdiaires de synthse.66 Un cas danti-corps catalysant une raction de rtro-Diels-Alder a t dcrit dans la littrature.67

    Figure I.17 : Exemples de ractions de rtro-Diels-Alder illustrant lacclration par la mthode oxy-anion. Dans le cas de b) la rtro-raction se fait instantanment aprs la dprotonation de ladduit.64a

    E. Positionnement du sujet.

    La rversibilit souvent associe linstabilit des produits de raction nest pas une proprit apprcie ou recherche dans le cadre de la synthse chimique. Cest pourquoi les exemples de ractions de Diels-Alder dcrits dans la littrature ne sont pas destins promouvoir la dynamicit. Ce

    63. H. Kwart, K. King, Chem.Rev. 1968, 68, 415. 64. a) O. Papies, W. Grimmie, Tetrahedron Lett. 1980, 21, 2799; b) M. E. Bunnage, K. C. Nicolaou,

    Chem. Eur. J. 1997, 3, 187. 65. A. Ichihara, Synthesis 1987, 207. 66. Y. Inokuma, T. Matsunari, N. Ono, H. Uno, A. Osuka, Angew. Chem. Int. Ed. 2005, 44, 1856. 67. A. G. Leach, K. N. Houk, J.-L. Reymond, J. Org. Chem. 2004, 69, 3683.

    G = 130 kJ/mol

    G < 90 kJ/mol

    MeO2C

    +

    +

    O

    O

    MeO2C

    MeO2C

    MeO2C

    MeO2C

    MeO2C MeO2C

    MeO2C

    100C t1/2 = 176 min

    T.A. instantanment

    a)

    b)

  • 34

    nest que beaucoup plus rcemment que des groupes ont cherch tirer profit de la rversibilit dautres fins que la synthse. La grande limitation des systmes quils ont trouvs reste la temprature leve laquelle la raction de rtro-Diels-Alder a lieu. Ce point sera repris au chapitre IV.

    Lide de dpart de ce projet est de lever cette limitation. La raction de Diels-Alder tant intrinsquement rversible, il sagissait de rduire la stabilit pour promouvoir la rversibilit. Ceci veut dire diminuer lenthalpie libre de raction et abaisser la temprature laquelle le processus de rtro-Diels-Alder a lieu. Le critre cintique ncessaire la ralisation de systmes employables en chimie dynamique constitutionelle est ainsi de facto rempli. Des conditions dans lesquelles ces deux ractions se ralisent avec des vitesses gales sont obtenues alors (ce qui caractrise un quilibre), de telle sorte que produits de dpart et adduits coexistent. Le but initial de ces travaux tait donc de crer ou de dcouvrir des systmes capables de jouer le rle de jonctions dynamiques entre des briques de base dune bibliothque combinatoire dynamique employant la raction de Diels-Alder. De plus pour pouvoir intervenir dans des processus de reconnaissance molculaire, le cadre des investigations devait se limiter des tempratures infrieures 50C, et si possible, temprature ambiante.

    Dautres cas de systmes dynamiques temprature ambiante bass sur des liaisons covalentes existent, et mme, dans le cas de la mtathse des olfines, se basant sur une liaison double C=C, ou dans le cas des imines, des hydrazones ou des oximes, sur la liaison double C=N.

    Mais aucun systme se basant sur la formation de deux liaisons C-C nexistait. De nouvelles proprits sont attendues du fait des spcificits de la raction de Diels-Alder. Tout dabord, il ne sagit pas dune raction de condensation, et de ce fait le nombre datomes mis en jeu dans les produits de dpart est le mme que celui dans ladduit; il nest donc pas possible de contrler la raction par le biais dun compos ancillaire, comme un sous-produit de la raction. Cette particularit rend le systme vivant en permanence. Seuls les paramtres physiques tels que la concentration, la temprature et la pression peuvent influer sur les vitesses de raction. Dun point de vue structurel, il sagit du passage de deux molcules localement planes un adduit tridimensionnel rigide et dirig par la formation de deux liaisons C-C. Sur le plan lectronique, la raction entrane des modifications dans

    les systmes pi des molcules. Dans le cadre de ce travail, ces systmes sont recherchs pour leurs proprits fonctionnelles. Il est attendu que lintgration supramolculaire de la proprit davoir une jonction rversible mettant en jeu deux liaisons C-C donne de nouvelles proprits lchelle du systme, voire lchelle macroscopique.

    Pour rsumer, lobjectif est de trouver des couples de dines/dinophiles possdant les caractristiques suivantes :

    - Une dstabilisation de ladduit suffisante pour promouvoir la rversibilit. - Un quilibre o produits de dpart et adduits coexistent en dessous de 50C, et si possible,

    temprature ambiante.

  • 35

    - La prsence de fonctions permettant de dcorer le systme pour des emplois futurs en chimie dynamique constitutionelle.

    Ce quoi il peut tre ajout, en vue de potentiels dveloppements :

    - Une facilit demploi (solubilit, stabilit lchelle de la dure du processus).

    Dans ce travail nous allons dcrire les oprations de criblage qui ont amen la dcouverte des systmes prsentant des proprits de dynamicit base sur la chimie de Diels-Alder (partie II). Ensuite nous allons analyser les quilibres dcouverts, et les mettre en jeu dans des expriences prouvant leur aspect dynamique (partie III). Puis nous nous intresserons leur mise en uvre dans des systmes plus complexes avec des vises dapplications en optique non linaire et dans le domaine des polymres dynamiques (partie IV). Les mthodologies de synthse des molcules mises en jeu seront dcrites (chapitre V). Des perspectives dlargissement seront envisages (chapitre VI) avant de tirer des conclusions ce travail.

  • 36

  • 37

    II. Recherche des structures cibles pour la dynamicit.

    Plan :

    A. Prcdents. 38

    B. Aspects cintiques et thermodynamiques de la raction de Diels-Alder. 40

    1. Rappel thermodynamique : nergie dactivation et enthalpie libre de raction. 40 2. Entropie de raction et raction de rtro-Diels-Alder. 41 3. Abaissement de la barrire dactivation et ingnierie molculaire. 42 4. Rsum. 45

    C. Criblage pour une ractivit temprature ambiante. 46

    1. Prsentation. 46 2. Criblage des dinophiles. 47

    a) Malimides et anhydrides maliques. 48 b) Malates, fumarates, cyanoolfines et autres olfines actives. 49 c) Quinones. 51 d) Autres types de dinophiles. 51 e) Molcules testes pour une modulation des proprits doptique non linaire. 52 f) Conclusions au criblage des dinophiles. 52

    3. Dines. 53 a) Furanes. 54 b) Cyclodines carbons. 55 c) Structures drives du cyclopentadine. 56 d) Variations autour de la structure du fulvne. 57 e) Variations autour de la structure de lanthracne. 58 f) Dines non cycliques. 59 g) Conclusions au criblage des dines. 59

    D. Criblage pour une rversibilit temprature ambiante. 60

    1. Ractions quilibres. 60 a) Equilibres atteints en moins dune minute. 60 b) Equilibres atteints en 1h 10h. 61

    2. Ractions rversibles quantitatives. 62 a) Ractions rversibles quantitatives en moins dune minute. 62 b) Ractions rversibles quantitatives lentes. 63

    3. Ractions irrversibles. 64 4. Analyse des rsultats du criblage pour la rversibilit : gne strique contre tension de cycle.

    65 a) Position et enjeux du problme. 65 b) Approche nergtique. 69 c) Approche par la longueur des liaisons. 70

    E. Conclusion : aspects structuraux de la dynamicit. 74

  • 38

    A. Prcdents.

    Du point de vue des structures employes, la littrature montre trs peu dexemples de ractions de Diels-Alder rversibles ds la temprature ambiante. Il est supposer que la raison de la raret de ces exemples dans la littrature vient de ce que cette proprit ntait pas recherche auparavant et de plus pas vidente caractriser, du fait de la difficult disoler les produits. Nanmoins, quelques exemples ont t dcrits, sappuyant souvent sur la RMN du proton. Ils nous ont apport plusieurs reprises des indications trs intressantes.

    Bartlett et coll. ont dcrit en 1984 la raction de Diels-Alder quilibre entre lisodicyclopentadine 1 et le ttracyanothylne 2 0C (Figure II.1). 68 Un autre exemple est lquilibre form entre le furane 3a et ses drivs 3b-c et le 1,1,1-trichloro-3-nitro-2-propne 4.69

    CNNC

    NC CN+

    CNCN

    CN

    CN1 2

    0C

    O

    R2

    R1

    CCl3

    O2N

    +R.T.

    O

    NO2

    CCl3

    3a R1 = R2 = H 43b R1 = R2 = CH33c R1 = CH3 R2 = H

    Bartlett et coll., 1984

    Balthazor et coll., 1984

    R1

    R2

    Figure II.1 : Prcdents de ractions quilibres temprature ambiante dans la littrature.68, 69

    En 2003 le groupe de Howard a rapport la raction rversible entre le 6,6-dimthylfulvne 5 et le 2,2-bis(trifluoromthyl)-1,1-dicyanothylne 6 (Figure II.2).70 Selon ces mmes auteurs, le fulvne 5 ragit aussi de manire quilibre avec 2, avant toutefois que ladduit form subisse un rarrangement irrversible qui finit par consommer les produits de dpart pour former le produit de raction [2+2]. Ce type de rarrangement avait dj t observ par Lazlo et coll. en 1975.71 Ces derniers dcrivent que ce produit peut encore voluer pour conduire au produit daddition [6+2]. Le fait que certains fulvnes soient engags avec le ttracyanothylne 2 dans des quilibres fortement dplacs du ct des adduits, et ce ds la temprature ambiante, avait dj t dcrit par Kresze et coll. ds 1961.72

    68. P. D. Bartlett, C. Wu, J. Org. Chem. 1984, 49, 1880. 69. T. M. Balthazor, B. Gaede, D. E. Korte, H.-S. Shieh, J. Org. Chem. 1984, 49, 4547. 70. M. H. Howard, V. Alexander, W. J. Marshall, D. C. Roe, Y.-J. Zheng, J. Org. Chem. 2003, 68, 120. 71. A. Cornelis, P. Lazlo, J. Am. Chem. Soc. 1975, 97, 244. 72. G. Kresze, S. Rau, G. Sabelus, H. Goetz, Annalen 1961, 648, 57.

  • 39

    CNNC

    R R+

    R.T.

    5 2 R = CN 6 R = CF3

    RRCN

    CN

    Howard et coll., 2003

    R

    R

    CN

    CN

    Figure II.2 : Prcdents de raction de Diels-Alder quilibre avec un fulvne.70

    La cycloaddition de type [4+2] entre le Buckminster fullerne et certains anthracnes a t dcrite pour la premire fois par Hirsch et coll. en 1995 et utilise pour protger certaines positions des C60 (Figure II.3).73 Cette raction prsente la particularit de se produire uniquement sur les doubles liaisons joignant des carbones de deux cycles cinq membres diffrents. La rversibilit de la raction a t mise profit par dautres groupes (voir chapitre IV).

    Figure II.3 : Raction de Diels-Alder quilibre entre le 9,10-dimthylanthracne 8 et le fullerne 7.73

    Ces exemples nous ont aid identifier des motifs structuraux permettant la rversibilit temprature ambiante. Lingnierie molculaire dune part et une approche par criblage dautre part ont ensuite permis de converger vers des systmes dynamiques bass sur la raction de Diels-Alder. Et une premire condition, comme nous en discuterons au paragraphe suivant, est avant tout davoir une faible nergie dactivation, ce qui se traduit par une forte ractivit.

    73. a) I. Lamparth, C. Maichle-Mssmer, A. Hirsch, Angew. Chem. Int. Ed. 1995, 34, 1607; b) G.-W. Wang, M. Saunders, R. J. Cross, J. Am. Chem. Soc. 2001, 123, 256.

    equatorial+

    Hirsch et coll., 1995

    R.T.

    7 8

    +

  • 40

    B. Aspects cintiques et thermodynamiques de la raction de Diels-Alder.

    1. Rappel thermodynamique : nergie dactivation et enthalpie libre de raction.

    Nous allons tout dabord commencer par considrer la rversibilit sous son aspect thermodynamique. Cette reprsentation sera un guide pour la comprhension des phnomnes que nous tudierons. Une transformation chimique est caractrise par son profil ractionnel (Figure II.4), et en particulier son nergie dactivation G et son enthalpie libre de raction rG. Ces deux grandeurs sont relies leurs enthalpies et entropies respectives en fonction de la temprature par les relations (1) et (2) :

    G = H - T. S (1) rG = rH - T. rS (2)

    Figure II.4 : Energie dactivation G et enthalpie libre de raction rG au cours du chemin ractionnel.

    Lnergie dactivation, qui est lnergie fournir aux produits de dpart pour que la raction puisse avoir lieu, influe sur la cintique de la raction puisque selon la relation introduite par Eyring, la constante de vitesse k de la raction varie en fonction de la temprature et des donnes thermodynamiques dactivation suivant la formule (3) o A est le facteur dactivation :74

    RS

    RTH

    RTeeAeAk

    ==

    G

    (3)

    Il en dcoule que plus la temprature sera leve, ou plus lnergie dactivation sera petite, plus la constante de vitesse sera leve et donc la raction rapide. Lnergie dactivation peut tre rduite en baissant lenthalpie dactivation (H) ou en diminuant la valeur absolue de lentropie dactivation (S, qui est ngative). Lenthalpie libre de raction est la variation dnergie du systme, ramene au nombre de moles, au cours du processus chimique. Elle est ngative pour une raction

    74. W. F. K. Winne-Jonnes, H. Eyring, J. Chem. Phys. 1935, 3, 492.

    G = nergie dactivation

    rG = enthalpie libre de raction Produits de dpart

    Produits darrive

  • 41

    exothermique. Dans le cas dune rtro-raction, lnergie dactivation de celle-ci est la somme de lenthalpie libre de raction et de lnergie dactivation du processus aller , et son enthalpie libre de raction est loppose de celle de ce processus aller . En valeur absolue, lenthalpie libre de raction dans le sens aller ne doit pas tre trop importante pour que la barrire dactivation dans le sens retour soit franchissable et que la raction dans le sens retour se fasse une vitesse sensible, mme temprature ambiante. Dans ce cas, il y a un quilibre entre les produits de dpart et celui (ou ceux) darrive. Nous verrons quun systme dynamique correspond un systme o les briques de base sassemblent et se dissocient rapidement, donc sont ltat dquilibre. Si un graphe est trac avec en abscisse loppos de lenthalpie libre de raction et en ordonne lnergie dactivation (Figure II.5), les systmes dynamiques se trouvent proches de lorigine. Autre observation, plus lnergie dactivation sera faible, plus lquilibre sera atteint rapidement. Il en dcoule quune forte ractivit est une condition ncessaire mais pas suffisante la dynamicit. Et de mme, plus lenthalpie libre de raction sera, en valeur absolue, leve, plus lquilibre sera dplac du ct des produits, ou au contraire, plus lenthalpie libre de raction sera faible, moins lquilibre sera dplac du ct des produits. Mais en revanche la raction aura plus de chance dtre rversible. Enfin prcisons quil ne sagit ici que denthalpie libre de raction. Rappelons que la variation denthalpie libre du systme, elle, est nulle quand le systme a atteint lquilibre.

    Figure II.5 : Types de ractivits en fonction de lnergie dactivation et de lenthalpie libre de raction.

    2. Entropie de raction et raction de rtro-Diels-Alder.

    0 0

    rG

    G

    faible

    faible

    moyen

    moyen

    lev

    lev Raction trs lente Raction trs lente Raction trs lente

    Irrversible

    Quantitative

    Rversible

    Rversible

    Rversible

    Dynamique

  • 42

    Comme nous lavons vu dans lintroduction, la raction de Diels-Alder est caractrise par une entropie dactivation fortement ngative, et cest aussi le cas pour lentropie de raction. Cela vient de

    limportante organisation de ltat de transition ncessaire au recouvrement des systmes pi des ractifs qui fait que deux paires datomes doivent se rapprocher simultanment, et du caractre rigide de ladduit qui a moins de libert conformationnelle que le produit de la formation dune unique liaison. Ltat de transition est tardif. Dans leur revue sur la raction de Diels-Alder, Sauer et Sustmann donnent des valeurs pour lentropie dactivation pour plus de 150 exemples de ractions de Diels-Alder en solution de lordre de -90 -170 J.mol-1.K-1.39b Konovalov et Kiselev, eux, trouvent une entropie de raction de lordre de -150 20 J.mol-1.K-1 pour la srie de ractions quils ont tudie.39a

    La proximit de ces deux valeurs est cohrente avec un tat de transition o les atomes qui vont tre amens tre lis se trouvent dj proches de leur position finale. En raison de limportante entropie de raction, les adduits stables temprature ambiante peuvent tre amens se dissocier lorsque la temprature est leve, le produit T.rS dpassant lenthalpie de raction. Cest la raison pour laquelle la raction de Diels-Alder est une raction rversible. Cest aussi pour cette raison que les molcules aromatiques ne ragissent pas : leur faible enthalpie de raction, du fait de la perte daromaticit, ne compense pas la perte dentropie.

    3. Abaissement de la barrire dactivation et ingnierie molculaire.

    Toujours selon Konovalov et Kiselev, lnergie de stabilisation de ltat de transition (EStab) dune raction mettant en jeu un dine riche en lectrons et un dinophile pauvre en lectrons par rapport celle dun systme neutre, ou en dautres termes, labaissement de lnergie dactivation, due linteraction entre lorbitale HO du dine et lorbitale BV du dinophile peut tre dfinie par la relation (4) :

    )(2

    ADStabE

    = (4)

    avec D le niveau dnergie de lorbitale HO du donneur, A celui de lorbitale BV de laccepteur et le recouvrement des orbitales pi qui interagissent. Dans le cas habituel o le dine (donneur dlectrons) ragit par son orbitale HO et le dinophile (accepteur dlectrons) par son orbitale BV, il peut tre estim que la diffrence de niveaux dnergie des orbitales D - A est proche de la

    diffrence entre le potentiel dionisation75 du dine (PID) et laffinit lectronique76 du dinophile (AEA) du fait de lapproximation (5) :

    75. Le potentiel d'ionisation est l'nergie qu'il convient de fournir un atome gazeux, ou par extension une molcule, pour lui arracher un lectron. Il est toujours positif. Il est exprim ici en eV.

    76. L'affinit lectronique est l'nergie libre par un atome, ou par extension par une molcule, lorsquun lectron est capt. Elle est positive lorsque la raction d'attachement lectronique est exothermique. Elle est exprime ici en eV.

  • 43

    D - A PID - AEA (5)

    Pour des cas o est constant, c'est--dire en faisant ragir le mme dine avec diffrents dinophiles, Konovalov et Kiselev ont pu montrer une corrlation entre la constante de vitesse k et linverse de la diffrence entre le potentiel dionisation du dine et laffinit lectronique du dinophile (9). En effet en revenant la lois dEyring (3) et en considrant que lenthalpie dactivation est maintenant diminue de lnergie de stabilisation (6), il est obtenu :

    stabH = H - EStab (6)

    ==

    RTRTRRT eeeAeAkstab StabEHSG

    (7)

    do en remplaant (D - A) par (IPD - AEA) dans (4) :

    )(1

    *)ln()ln(2

    AD AEPIRTRTH

    RSAk

    +

    +=

    (8)

    soit :

    )(1

    *)ln(AD AEPI

    bak

    += avec b RT

    2= > 0 (9)

    Ce qui signifie que plus la diffrence entre le potentiel dionisation du dine et laffinit lectronique du dinophile est faible, plus la raction sera rapide. Ceci nous offre une manire de trouver des couples de dines et dinophiles trs ractifs. Mais en pratique, sagissant de molcules organiques, les potentiels dionisations des dines utiliss sont toujours plus levs que les affinits lectroniques des dinophiles.

    Les mmes auteurs ont aussi pu trouver une corrlation entre la vitesse et la distance 1-4 entre les atomes 1 et 4 de la partie dine (Figure II.6, Equation 10).

    1

    4

    1-4

    Figure II.6 : Distance 1-4 entre les atomes 1 et 4 du dine intervenant dans le recouvrement du dinophile par le dine.

  • 44

    La relation (10) liant la constante de vitesse k (L.mol-1.s-1), la diffrence entre le potentiel dionisation du dine et laffinit lectronique du dinophile (PID - AEA en eV) et lenthalpie libre de raction rH (kJ. mol-1) donne une corrlation plus quacceptable au vu de la disparit des systmes quils ont tudis (93 cas diffrents avec le cyclopentadine, le 9,10-dimthylanthracne, des drivs du furane et le butadine, r = 0.972) :39a

    HAEPIAEPI

    k rADAD

    += *054,0)(*9.69

    )(3,31681,28)ln( 41

    (10)

    Je ne chercherai pas rtablir cette relation.

    Compte tenu des valeurs reportes dans les tableaux II.1-2, les rsultats de ltude de Sauer et coll. montrent laugmentation attendue de la vitesse dans la raction entre le cyclopentadine ou le 9,10-dimthylanthracne mesure que lthylne est substitu avec des groupements cyano (Tableaux II.3-4). 77

    O

    Potentiel d'ionisation (eV) 8,58 8,55a 7,04 9,03 Distance 1-4 () 2,360b 2,357b 2,81 2,19 2,9

    Tableau II.1 : Potentiels dionisations et distance d1-4 pour une slection de dines, daprs rf. 39a, sauf a (rf. 78) et b (rf. 79).

    Tableau II.2 : Affinit lectronique pour une slection de dinophiles.

    77. J. Sauer, H. Wiest, A. Mielert, Ber. 1964, 3183. 78. W. C. Herndon, J. Am. Chem. Soc. 1976, 98, 887. 79. A. P. Scott, I. Agranat, P. U. Biedermann, N. V. Riggs, L. Radom, J. Org. Chem. 1997, 62, 2026.

    CNNC

    NC CN

    CNNC

    NC

    CNNC

    CN

    NC

    CN

    O

    O

    O

    Affinit lectronique (eV) 2,88 2,1 1,55 0,78 0,02 0,97

  • 45

    substituant(s) de l'thylne 105*k (M-1.s-1) H (kJ.mol-1)

    Aucun 8,3*10-4 22,5 CN 1,04 15,5 E-1,2-(CN)2 80,6 12,8 Z-1,2-(CN)2 91,0 12,8 1,1-(CN)2 4,55*104 9,0 (CN)3 4,8*105 7,6 (CN)4 4,30*107 5,0

    Tableau II.3 : Vitesses et enthalpies dactivation de raction de Diels-Alder entre le cyclopentadine et diffrentes cyanoolfines.77, 80

    substituant(s) de l'thylne 105*k (M-1.s-1) H (kJ.mol-1)

    CN 0,89 15,0 E-1,2-(CN)2 131 11,6 Z-1,2-(CN)2 139 11,8 1,1-(CN)2 1,27*105 8,0 (CN)3 5,9*106 5,7 (CN)4 1,3*1010 1,2

    Tableau II.4 : Vitesses et enthalpies dactivation de raction de Diels-Alder entre le 9,10-dimthylanthracne et diffrentes cyanoolfines.77, 80

    Les nombreuses donnes cintiques issues de cette tude ont aussi permis de nombreuses tudes thoriques.80 Elles portent essentiellement sur les paramtres dactivation, mais trs peu sur lenthalpie libre de raction. Lactivation du dine quapporte chaque groupement cyano supplmentaire est montre de manire vidente.

    4. Rsum.

    En conclusion cette tude cintique et thermodynamique, il apparat que les systmes dynamiques sont caractriss par une faible nergie dactivation et une faible enthalpie libre de

    80. Pour une tude rcente : G. O. Jones, V. A. Guner, K. N. Houk, J. Phys. Chem. 2006, 110, 1216.

  • 46

    raction. Dans le cas de la raction de Diels-Alder, plus la diffrence dnergie entre lorbitale HO du dine et lorbitale BV du dinophile est faible, plus la raction sera rapide, soit son nergie dactivation faible. En faisant lhypothse que les niveaux dnergie de ces orbitales sont proches respectivement du potentiel dionisation du dine et de laffinit lectronique du dinophile, et comme les premiers sont toujours plus levs que les derniers, nous avons donc cherch utiliser des dine les plus riches en lectrons possibles et des dinophiles les plus lectrodficients possibles pour obtenir les systmes les plus ractifs. Nous verrons dans la suite de ce chapitre que ce nest pas la seule condition.

    Prcisons que cette tude pourrait aussi sappliquer lacclration par catalyse qui correspond aussi un abaissement de lenthalpie dactivation. Nous navons pas effectu ce type de travaux, mais la dmarche est envisageable et trs intressante.

    B. Criblage pour une ractivit temprature ambiante.

    1. Prsentation.

    Pour affiner le type de structures chimiques capables de fournir la proprit recherche, une bibliothque de dines et une autre de dinophiles ont t passes au crible, avec lambition den tirer des relations de type structures - ractivits. Les variations autour des structures des ttes de srie obtenues lors des criblages prcdents devant aboutir lidentification de composs prsentant la forte ractivit recherche. La mise en oeuvre dun tel criblage ncessite la dfinition de ractions tests, le choix dune technique danalyse et des critres dvaluation des rsultats. De manire vidente, ici, la raction test est la raction entre un dine et un dinophile. Cela pose le problme davoir une rfrence, pour ne faire varier quun seul lment structurel par raction test. Au cours dun criblage, il fallait donc fixer un type de dine auquel seraient opposs les dinophiles candidats, et ce, sans connatre a priori la structure des dines qui fourniraient la proprit. Et inversement pour le criblage des dines. Pour augmenter les chances de succs, nous avons donc choisi dutiliser comme rfrences, non pas une mais plusieurs structures choisies parmi celles mises en jeu dans les prcdents de la littrature exposs prcdemment, ou proches de celles-ci, disponibles en quantit suffisante.

    Une fois ces ractifs talons fixs, nous avons choisi danalyser les ractivits et de suivre les ractions par rsonance magntique nuclaire du proton. Cette technique permet de suivre en temps rel les ractions sur une priode de temps qui peut tre longue, sans les perturber, avec assez de souplesse pour distinguer les diffrents niveaux de rsultat possibles (voir ci-aprs). Du fait du choix de cette technique danalyse, les tests ont donc t raliss pour la majorit des cas dans le chloroforme deutri, une concentration en produit de dpart de 100 mM. En plus dtre un solvant

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    courant et relativement bon march, celui-ci est un bon solvant pour les ractions de Diels-Alder, selon ltude de Sauer et coll.39b Les ractions ont eu lieu dans des tubes de rsonance magntique nuclaire, sans ag