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  • 7/28/2019 RLDC103 PDF Ecran 48

    1/148 r e v u e l a m y d r o i t c i v i l A V R I L 2 0 1 3 n 1 0 3

    L A B U S D E F A I B L E S S E E T L E T E S T A M E N T

    RGIMES MATRIMONIAUx,SUCCESSIONS ET LIbRALITSSous la direction scientifique de Bernard BEIGNI ER, Doyen de la Facult de droit de lUniversit de Toulouse, Rmy CABRILLAC,Professeur la Facult de droit de Montpellier, et herv LCUYER, Professeur lUniversit Panton-Assas (Paris II)

    Laus de failesseet le testamentLabus de faiblesse constitue une infraction pnale. Le testament, un acte juridique civil. Quelle

    relation entretiennentils ? Cest la question laquelle une actualit juridique dense incite

    rpondre. Le rapport entre labus de faiblesse et le testament est, dailleurs, bien plus complexe

    quil ny parat. Lanalyse de Laurent Saenko.

    1. Laus de failesse et le testament forment un couplecomme eaucoup : en apparence si heureu, et pourtant si fragile Heureu, car lactualit ne peut nous faire oulier queles liralits, audel de leurs effets proprement patrimoniau, peuvent avoir des consquences pnales trs lourdes(la dsormais clre affaireBettencourtne mrite pas dtreici dtaille, sauf pour voquer les douze mises en eamenordonnes ce jour). Si le propos vaut videmment pourles donations par lesquelles on se dpouille actuellementet irrvocablement (C. civ., art. 894) , il ne vaut a prioripas moins pour le testament, acte par lequel on dispose de

    ses iens cause de mort. Et ce pour une raison simple : letestament constitue pour celui qui en nficie un moyende senrichir. Cest donc ce titre, et ce titre seul, quilconstitue un terrain de dlinquance comme tant dautres,suscitant la fois la convoitise et la cupidit de ceu qui ontla malhonntet de sy garer.

    2. Rien de choquant, alors, ce que le droit pnal senmle, notamment par le jeu de laus de failesse, infractioncontemporaine des annes 2000 et que lon imagine, par pureintuition, facilement applicale au cas despce (C. pn.,art. 223152, al. 1er : Est puni de trois ans demprisonnement et de 375 000 euros damende labus frauduleux de ltat

    dignorance ou de la situation de faiblesse soit dun mineur,

    soit dune personne dont la particulire vulnrabilit, due son ge, une maladie, une infirmit, une dficience phy

    sique ou psychique ou un tat de grossesse, est apparente ou

    connue de son auteur, soit dune personne en tat de sujtion

    psychologique ou physique rsultant de lexercice de pressions

    graves ou ritres ou de techniques propres altrer son juge

    ment, pour conduire ce mineur ou cette personne un acte

    ou une abstention qui lui sont gravement prjudiciables ).

    3. Comment, du reste, imaginer quarracher autrui,au faile en loccurrence, la rdaction dun testament en safaveur, ne demeure impuni ? La question se pose, car ce terrain de dlinquance prsente une spcificit qui en accrot les

    effets pervers et que lon doit au rgime juridique du testamentluimme. En apparence, ce dernier est totalement indolore.Pour le de cujus, daord, qui ne suira de son vivant aucuneatteinte son patrimoine, mais aussi pour lauteur des faits,ensuite, qui pourra facilement cacher sa dmarche derrire

    la volont de celui qui laura gratifi. Les marqueurs delacte dlinquant, notamment le troule immdiat caus lordre pulic par le prisme dune atteinte un intrt priv,se trouveront alors comme dissimuls par la prtendue intention lirale de celui qui, ien souvent cest un ostaclede plus , ne sen considrera pas la victime. Si laus defailesse et le testament donnent limpression dtre faits lunpour lautre, ce nest pourtant quune apparence. Ce couple,qui sinscrit en ralit dans un quilire fragile, vit une histoire tourmente depuis toujours.

    4. Car imaginer le testament comme un moyen de commettre un dlit ne va pas de soi. En ellemme la rdactiondun testament nest constitutive daucune infraction pourle testateur, tout comme elle ne peut tre lojet dune privation au titre dune peine complmentaire prononce parle juge pnal. En effet, lorsquil numre les droits civiques,civils et de famille dont peut tre prive une personne au titredune peine complmentaire (sur ces droits, v. Roert J.H.,Droit pnal gnral, PUF, 6e d., 2005, p. 423), larticle 13126du Code pnal ne vise pas le droit de tester. Mais il nen apas toujours t ainsi. Ds le droit romain, la mort civile,qui accompagnait le prononc de certaines condamnations mort, au galres, perptuit, etc. , emportait uneincapacit qui rendait nul le testament rdig avant comme

    aprs la commission du crime (Inst., II, xVII, 4 ; D., 28, 3, 6, 6). Son aolition par la loi du 31 mai 1854 na, toutefois,pas empch cette incapacit de perdurer, ladite loi ayantsustitu la mort civile une doule incapacit de disposer etde recevoir titre gratuit, laquelle, avec linterdiction lgale etla dgradation civique, allait devenir la troisime peine privative de droits institue par le Code pnal de 1810 au titre despeines accessoires en matire criminelle (Jeandidier W., Droitpnal gnral, Montchrestien, 1988, p. 384). Depuis lors etjusquau Code pnal de 1994 (bouloc b., Droit pnal gnral,Dalloz, 22e d., 2011, n 625), tout condamn une peineperptuelle tait ncessairement frapp de cette doule incapacit, le privant ainsi du droit de tester.

    5. Tester, lorsquon le peut, est aujourdhui une liertinalinale (Grimaldi M., Successions, Litec, 6e d., 2001,n 341), dont lusage, alors, ne saurait tre puni. Maisfaire tester en sa faveur estil punissale ? Le testament

    Par LaurentSAENKO

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