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Revue générale et analyses prospectives Rôle des marqueurs tumoraux dans le comportement biologique des tumeurs solides Role of tumoral markers in the biological behaviour of solid tumours M.-F. Pichon Laboratoire d’oncobiologie, centre René-Huguenin de lutte contre le cancer, 92210 Saint-Cloud, France Reçu le 21 avril 2004 ; accepté le 13 juillet 2004 Disponible sur internet le 11 septembre 2004 Résumé Les tumeurs malignes sont les seuls tissus caractérisés par un microenvironnement et des voies de signalisation anormaux. Les aptitudes développées par les cellules tumorales durant le processus de sélection–mutation engendrent des interactions très importantes avec leur microenvironnement : stroma tumoral, matrice extracellulaire, vasculature (angiogenèse), cellules du système immunitaire infiltrant les tumeurs. Différents mécanismes d’interaction ont été mis en évidence : activation de protéases, modifications de l’adhésion intercellulaire. Ces interactions génèrent également des signaux d’activation des voies de signalisation mitogènes intracellulaires et contribuent au développement du processus métastatique. Les travaux récents ont montré que plusieurs marqueurs tumoraux, ACE, CA 15-3, CA 19-9, CA 125, PSA, Cyfra 21,1 et HER-2/neu participent directement à ces différentes interactions. Cette courte revue est fait le point sur les connaissances actuelles concernant ces marqueurs tumoraux. © 2004 Elsevier SAS. Tous droits réservés. Abstract Malignant tumours are unique tissues defined by abnormal micro-environment and signaling. By a mutation–selection process, tumour cells acquire the capabilities to interact with tumour stroma, extracellular matrix or basal membranes, vessels (angiogenesis) and tumour- infiltrating immune cells. Several mechanisms involving proteases or adhesion molecules have been recognised. Interactions between tumour antigens and surrounding cells also lead to mitogenic intracellular signals and contributes to the metastatic process. Recent findings regarding circulating tumour markers, CEA, CA 15.3, CA 19.9n CA 125, PSA, Cyfra 21.1 and HER-2/neu demonstrate that those markers directly participate in these interactions. A short review of the available data is presented here. © 2004 Elsevier SAS. Tous droits réservés. Mots clés : Marqueurs tumoraux ; Cycle cellulaire ; Adhésion intercellulaire ; Immunité antitumorale ; Angiogenèse Keywords: Tumour markers; Cell cycle; Inter-cellular adhesion; Cell-mediated immunity; Angiogenesis 1. Introduction Les marqueurs tumoraux ont longtemps été des molécules un peu mystérieuses que les premiers utilisateurs voyaient surtout comme un moyen de diagnostiquer des cancers par une simple prise de sang. La mise sur le marché de trousses de réactifs permettant de les doser facilement, mais sans connaissances fondamentales sur leur structure et leur mode d’action et sans validation suffisante par des études cliniques encadrant l’utilisation de ces dosages, a conduit aux recom- mandations très restrictives que nous connaissons actuelle- ment. Cependant, depuis environ dix ans, certains marqueurs tumoraux ont fait l’objet de travaux de recherche et sont Adresse e-mail : [email protected] (M.-F. Pichon). Immuno-analyse & Biologie spécialisée 19 (2004) 241–249 www.elsevier.com/locate/immbio 0923-2532/$ - see front matter © 2004 Elsevier SAS. Tous droits réservés. doi:10.1016/j.immbio.2004.07.007

Rôle des marqueurs tumoraux dans le comportement biologique des tumeurs solides

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Revue générale et analyses prospectives

Rôle des marqueurs tumoraux dans le comportement biologiquedes tumeurs solides

Role of tumoral markers in the biological behaviour of solid tumours

M.-F. Pichon

Laboratoire d’oncobiologie, centre René-Huguenin de lutte contre le cancer, 92210 Saint-Cloud, France

Reçu le 21 avril 2004 ; accepté le 13 juillet 2004

Disponible sur internet le 11 septembre 2004

Résumé

Les tumeurs malignes sont les seuls tissus caractérisés par un microenvironnement et des voies de signalisation anormaux. Les aptitudesdéveloppées par les cellules tumorales durant le processus de sélection–mutation engendrent des interactions très importantes avec leurmicroenvironnement : stroma tumoral, matrice extracellulaire, vasculature (angiogenèse), cellules du système immunitaire infiltrant lestumeurs. Différents mécanismes d’interaction ont été mis en évidence : activation de protéases, modifications de l’adhésion intercellulaire. Cesinteractions génèrent également des signaux d’activation des voies de signalisation mitogènes intracellulaires et contribuent au développementdu processus métastatique. Les travaux récents ont montré que plusieurs marqueurs tumoraux, ACE, CA 15-3, CA 19-9, CA 125, PSA,Cyfra 21,1 et HER-2/neu participent directement à ces différentes interactions. Cette courte revue est fait le point sur les connaissancesactuelles concernant ces marqueurs tumoraux.© 2004 Elsevier SAS. Tous droits réservés.

Abstract

Malignant tumours are unique tissues defined by abnormal micro-environment and signaling. By a mutation–selection process, tumourcells acquire the capabilities to interact with tumour stroma, extracellular matrix or basal membranes, vessels (angiogenesis) and tumour-infiltrating immune cells. Several mechanisms involving proteases or adhesion molecules have been recognised. Interactions between tumourantigens and surrounding cells also lead to mitogenic intracellular signals and contributes to the metastatic process. Recent findings regardingcirculating tumour markers, CEA, CA 15.3, CA 19.9n CA 125, PSA, Cyfra 21.1 and HER-2/neu demonstrate that those markers directlyparticipate in these interactions. A short review of the available data is presented here.© 2004 Elsevier SAS. Tous droits réservés.

Mots clés : Marqueurs tumoraux ; Cycle cellulaire ; Adhésion intercellulaire ; Immunité antitumorale ; Angiogenèse

Keywords: Tumour markers; Cell cycle; Inter-cellular adhesion; Cell-mediated immunity; Angiogenesis

1. Introduction

Les marqueurs tumoraux ont longtemps été des moléculesun peu mystérieuses que les premiers utilisateurs voyaientsurtout comme un moyen de diagnostiquer des cancers par

une simple prise de sang. La mise sur le marché de troussesde réactifs permettant de les doser facilement, mais sansconnaissances fondamentales sur leur structure et leur moded’action et sans validation suffisante par des études cliniquesencadrant l’utilisation de ces dosages, a conduit aux recom-mandations très restrictives que nous connaissons actuelle-ment. Cependant, depuis environ dix ans, certains marqueurstumoraux ont fait l’objet de travaux de recherche et sontAdresse e-mail : [email protected] (M.-F. Pichon).

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www.elsevier.com/locate/immbio

0923-2532/$ - see front matter © 2004 Elsevier SAS. Tous droits réservés.doi:10.1016/j.immbio.2004.07.007

mieux connus. Les études cliniques se développent égale-ment, mais trop de protocoles d’essais thérapeutiquesoublient encore d’y intégrer les dosages de marqueurs tumo-raux.

Les connaissances acquises sur le rôle biologique de cer-tains de ces marqueurs tumoraux constituent la base de nou-velles approches en immunothérapie des cancers. Le but decette courte revue est de faire le point sur ces connaissancesconcernant certains marqueurs tumoraux d’usage courant.

2. Principales caractéristiques des cellules tumoraleset de leur environnement

Pour pouvoir former une tumeur, les cellules cancéreuses,caractérisées par un fort taux de mutations, ont acquis par unprocessus Darwinien des aptitudes particulières leur confé-rant des avantages en termes de croissance [23,43,60]. Cesaptitudes comprennent :• une croissance autocrine, indépendante de la signalisation

par les systèmes de ligands et leurs récepteurs [10] ;• une résistance aux points de contrôle du cycle cellulaire

leur permettant de quitter l’état normal de quiescence[6,7,10,24,30,33,64] ;

• une résistance à l’apoptose, souvent à la suite de mutationsde la protéine p53 ;

• un potentiel de réplication illimité par régénération destélomères ;

• la sécrétion de molécules induisant une angiogenèse[11,29] ;

• la sécrétion de molécules facilitant l’invasion des tissusadjacents et la diffusion métastatique [10,36] ;

• des interactions avec les cellules du système immunitaireconduisant à une immunodépression.

Ces aptitudes des cellules tumorales engendrent des interac-tions très importantes avec leur microenvironnement : stromatumoral, matrice extracellulaire, vasculature, cellules du sys-tème immunitaire infiltrant les tumeurs. Différents mécanis-mes d’interaction ont été mis en évidence : activation deprotéases, modifications de l’adhésion intercellulaire [12].Ces interactions génèrent également des signaux d’activationdes voies de signalisation intracellulaires : récepteurs defacteurs de croissance à activité tyrosine kinase(Ras/MAPK), voies de WNT–GSK 3b–b-caténine, E-cadhé-rine–b-caténine ou intégrines/ PI3 K [17].

3. Processus biologiques perturbés par certainsmarqueurs tumoraux

Les connaissances acquises sur la structure et les fonc-tions biochimiques de certains marqueurs tumoraux ontrévélé des interactions délétères vis à vis de l’adhésion intra-cellulaire, de l’angiogenèse et des mécanismes de l’immu-nité cellulaire antitumorale.

3.1. L’adhésion intercellulaire et les différents typesde molécules d’adhésion

Le rôle biologique des molécules d’adhésion intercellu-laire a été mis en évidence depuis une dizaine d’années [39].Il est également apparu que ces molécules jouent un rôlemajeur dans le transfert de signaux extra-cellulaires versl’intérieur de la cellule et inversement, contrôlant ainsi lesréponses aux stimuli externes. Il existe différentes catégoriesde molécules d’adhésion : intégrines, cadhérines–caténines,sélectines, membres de la superfamille des immunoglobuli-nes, protéines de liaison de l’acide hyaluronique. Toutes cesmolécules se sont avérées impliquées dans le développementdes tumeurs et leur progression.

Les intégrines constituent une famille de récepteurs trans-membranaires qui assurent l’adhésion des cellules à la ma-trice extracellulaire par liaison de collagène, de laminine oude fibronectine. Dans la cellule, les intégrines interagissentavec les filaments d’actine du cytosquelette et avec des pro-téines kinases, en particulier Src et PKC (protéine kinase C).La voie de MAPK est ainsi activée, conduisant à des signauxde prolifération [15–17,26,38].

Le système cadhérines–caténines régit l’interaction entrecellules voisines et la motilité cellulaire. La E-cadhérineépithéliale possède un rôle fondamental dans le maintien del’intégrité des couches cellulaires épithéliales. Ce systèmefait partie des jonctions d’adhérence et des desmosomes. Ducôté intracellulaire, la E-cadhérine lie une caténine-a, b ou cqui la relie aux filaments d’actine et permet une signalisationintracellulaire. La b-caténine peut entrer dans le comparti-ment nucléaire et activer la croissance cellulaire par l’onco-gène c-Myc, les facteurs de transcription LEF/TCF ou lacycline D1. L’expression de la E-cadhérine est réduite ouabsente dans la plupart des tumeurs solides peu différenciées,de haut grade ou invasives [6,15,57].

Les CAMs (cellular adhesion molecules) appartiennent àla superfamille des immunoglobulines (Ig). Elles possèdentquatre à six séquences Ig-like répétées, et des séquencesfibronectin-like (sauf N-CAM). Elles réalisent une adhésionhomo- ou hétérotypique entre deux cellules adjacentes, indé-pendante du Ca++. Les CAMs qui possèdent un domainecytoplasmique participent à la transduction de signaux. Danscette famille on trouve la protéine DCC (deleted in coloncancer), MUC-18 ou M-CAM (mélanomes), l’ACE (anti-gène carcino-embryonnaire), les molécules du CMH declasse I et II et ICAM-1 (intercellular adhesion molecule-1),un marqueur de l’activation lymphocytaire [34].

Les sélectines sont des molécules d’adhésion exprimées àla surface des leucocytes, des plaquettes et des cellules endo-théliales (L-, P- et E-sélectine). Leur spécificité est proche decelle des lectines végétales pour des résidus glycosylés. Elleslient des récepteurs membranaires, la E-sélectine endothélialelie les molécules contenant des structures de groupes san-guins, sialyl-Lewis x et sialyl-Lewis a. Ces molécules ont un

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rôle très important dans la morphogenèse capillaire et l’adhé-sion des cellules tumorales à l’endothélium [35,25,31].

3.2. L’angiogenèse

Chez l’adulte l’angiogenèse (formation de nouveaux vais-seaux) est exceptionnelle en dehors de la réparation de bles-sures ou dans l’endomètre au cours du cycle menstruel.Normalement il existe un équilibre entre facteurs antagonis-tes qui inhibe l’angiogenèse, l’apoptose des cellules endothé-liales étant la cible de cette régulation. Beaucoup de tumeurssécrètent des facteurs pro-angiogéniques parmi lesquels lesplus connus sont : le bFGF (basic fibroblast growth factor),le VEGF (vascular endothelial growth factor), le TGF-b(transforming growth factor b), l’interleukine 8 (Il-8). Lesinhibiteurs principaux de l’angiogenèse sont : l’angiostatine(fragment du plasminogene), l’endostatine (fragment du col-lagène XVIII) et les thrombospondines. Participent à ce pro-cessus, la E-sélectine, V-CAM-1 (vascular adhesionmolecule-1) et plusieurs membres de la famille des intégri-nes. Des MMP (matrix métalloprotéinases), des Ephrines etleurs récepteurs interviennent également [1,30,31,40,61].

3.3. L’immunité antitumorale

L’hôte reconnaît les antigènes de surface des cellulestumorales comme étant étrangers et répond par le développe-ment d’une réponse immunitaire humorale (inefficace) etcellulaire.

La réponse cellulaire lymphocytaire T cytotoxique spéci-fique est la plus efficace contre les tumeurs. Les lymphocy-tes T sont activés par les cellules dendritiques, cellules pré-sentatrices d’antigènes tissulaires. Ces dernières sontactivées par la capture de l’antigène par micropinocytose, leplus souvent, mais aussi par endocytose avec des récepteursde type lectines ou du Fc des IgG ou encore par phagocytose.L’antigène est ensuite dégradé en peptides puis est chargé surles molécules du CMH de classe II, ce qui provoque lamaturation des cellules dendritiques qui migrent ensuite versla zone T des organes lymphoïdes pour activer les lympho-cytes T naïfs. L’interaction met en jeu le TcR, des moléculesd’adhésion (intégrines, ICAM-1, ICAM-3) et des signaux deco-stimulation. Cela permet l’obtention de lymphocytes cy-totoxiques (CTLs).

En plus des CTLs, d’autres cellules sont impliquées dansles défenses antitumorales : macrophages, lymphocytes NKet Tcd [62]. Parmi les antigènes tumoraux reconnus par leslymphocytes T CD8+, on retrouve : l’a-fœtoprotéine,MUC-1 (CA 15.3), l’ACE, le PSA, p53, HER-2/neu.

4. Le processus métastatique

Le processus qui conduit à la formation de métastases et àleur nidation dans des organes cibles est similaire aux ceux

mis en jeu au cours du développement embryonnaire ou de laréparation tissulaire. Les molécules impliquées dans les phé-nomènes de migration des métastases sont identiques à cellesqui interviennent dans la migration leucocytaire [10,12,50].

Schématiquement, la séquence d’évènements se résumeainsi : une hypoxie dans la zone tumorale provoquerait unenécrose partielle. Celle-ci induira ensuite : une perte d’adhé-sion intercellulaire, la synthèse d’enzymes lytiques détrui-sant l’organisation tissulaire locale et l’acquisition par lescellules tumorales de capacités de migration. L’angiogenèsesanguine ou lymphatique induite par la tumeur conduit parailleurs à la formation de néovaisseaux à partir de vaisseauxproximaux. Ceux ci permettent ainsi d’accroître les apportsen oxygène et nutriments facilitant la croissance tumorale etle transit des cellules métastatiques par intravasation puisextravasation une fois l’organe cible atteint. La migration descellules métastatiques dans l’organe cible est suivie de leurnidation et de leur prolifération. Au total, une collaborationactive entre l’hôte et sa tumeur crée un écosystème tumoralfavorable à l’expansion de la tumeur et à la formation de sitessecondaires. Dans ce processus, différentes catégories d’en-zymes protéolytiques ont un rôle important, non seulementdans la dégradation de la matrice extracellulaire, mais aussien induisant la libération de facteurs stimulants ou freina-teurs de la croissance tumorale. Alors que dans les tissusnormaux il existe un équilibre très précis entre les enzymesprotéolytiques et leurs inhibiteurs, cet équilibre est perturbéen présence de tumeurs malignes. Différentes familles deprotéases sont impliquées dans l’évolution des tumeurs mali-gnes : les métalloprotéinases matricielles (MMPs), dont ilexiste 24 enzymes connus, les adamalysine-related protéases(ADAMs) qui ont une activité de « sheddases », libérant dansla circulation des protéines membranaires, les sérine protéa-ses (uPA, thrombine, plasmine), les héparanases (clivant leshéparane-sulfates conduisant à la libération de facteurs an-giogéniques) et les cathepsines.

5. Implication de certains marqueurs tumorauxdans les activités cellulaires tumorales

Les travaux récents ont montré que plusieurs marqueurstumoraux participent activement aux différentes interactionsentre la tumeur et son environnement. Il s’agit de l’ACE, duCA 15.3, du CA 19.9, du CA 125, du PSA, du Cyfra 21,1 etde l’oncoprotéine HER-2/neu.

5.1. L’ACE

L’ACE est une molécule d’adhésion du type CAM appar-tenant à la superfamille des immunoglobulines. Les molécu-les de la famille de l’ACE comprennent 29 gènes apparentéset l’ACE existe uniquement chez l’homme et les primates[24]. Son nom selon la terminologie actuelle est CEACAM 5.Le poids moléculaire de l’ACE est de 180 kDa, il comprend702 amino-acides (AA) et il est 60 % glycosylé. Contraire-

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ment à d’autres membres de la famille des CAMs, l’ACE necomprend pas de partie intracytoplasmique, son ancragemembranaire se faisant par le glycophosphatidyl-inositol. Ilpossède deux épitopes immunodominants et répétés (AA177-189 et 355-367) dans la molécule d’ACE. L’ACE donnelieu à une adhésion intercellulaire par ses domainesN-terminaux, soit homotypique entre deux cellules expri-mant l’ACE, soit hétérotypique avec des molécules de lamême famille (ACE/ACE, ACE/BGP ou NCA). Sa localisa-tion est uniquement apicale dans les cellules différenciées dutube digestif de l’adulte. Son rôle physiologique est encoreincomplètement connu, on sait qu’il agit comme protecteurvis-à-vis des neisseria et de E. coli. Dans les cancers ducôlon, il existe une surexpression importante et précoce del’ACE, en particulier sur le front de l’invasion, avec perte desa polarité d’expression. L’ACE est lié par la galectine 3 et leCD44. L’ACE soluble présent dans les espaces extracellulai-res rompt les liaisons homotypiques entre cellules (effetanti-adhésion) [37,44,67].

5.2. Le CA 15.3

Le CA 15.3 correspond à un épitope immunodominant de10 AA environ du produit du gène MUC-1 qui code lapolymorphic epithelial mucin. Le gène de la mucine MUC-1est situé sur le chromosome 1 en q2 l-24. MUC-1 est exprimédans différents tissus épithéliaux glandulaires (sein, ovaire,pancréas). L’apomucine MUC-1 est identique dans tous cestissus, mais les glycoformes diffèrent d’un tissu à l’autre. Lamucine MUC-1 n’est présente qu’au pôle apical des cellulesnormales [22,49,59].

La mucine MUC-1 possède un vaste domaine extracellu-laire (1000–2200 AA) s’étendant loin de la membrane (200–500 nm), totalement sialylé. Dans le tissu mammaire, leproduit de MUC-1 comporte 50 % de glucides liés par desO-glycosylations, du galactose et de la N-acetylgalacto-samine, du glucose et de la N-acetylglucosamine, de l’acidesialique (N-acetylneuraminique) et du fucose. Les mucinessont caractérisées par l’existence, après une courte séquencesignal hydrophobe du côté N-terminal, de domaines répétésen tandem en nombre variable (VNTR, variable number oftandem repeats). Pour la mucine MUC-1, le VNTR com-prend 20 AA répétés de 30 à 90 fois environ selon lesindividus, conduisant à un important polymorphisme chez lesujet normal. La partie cytoplasmique de MUC-1 (72 AA)porte des sites de Ser- et Tyr-phosphorylation et la séquencetransmembranaire comporte 28 AA. Ces deux parties de lamolécule sont hautement conservées, ce qui confère à lamucine MUC-1 un rôle très important [73]. La mucineMUC-1 est riche en Ser, Thr, Pro et en structures spatiales detype hélice b-turnpolyproline qui confèrent une rigidité à lamolécule. Elle possède un second domaine riche en pontsdisulfures dus à la cystéine. Le promoteur du gène MUC-1est extrêmement complexe. Il est régulé entre autres par lesestrogènes, la progestérone, les glucocorticoïdes, IGF-1,l’insuline, l’Il6, l’IFN-c, ces régulations variant selon les

tissus [72]. La biosynthèse de la mucine MUC-1 comporte unclivage post-traductionnel suivi de la formation d’un hétéro-dimère (non covalent) avant la fixation de la mucine sur lamembrane cellulaire. MUC-1 est une mucine membranaire,le CA 15.3 est circulant. Ce dernier proviendrait soit d’unclivage protéolytique additionnel, soit d’un « shedding »pendant le recyclage des protéines membranaires.

5.2.1. Produits d’expression du gène MUC-1dans les cancers du sein

Dans les cancers la mucine MUC-1, parfois appeléeMUC-1/REP, a une expression circonférentielle (perte depolarité). Le gène MUC-1 y est surexprimé (> 10 fois/ tissunormal), en raison de l’absence de méthylation des séquen-ces VNTR, contrairement à ce qui est observé avec le gènedes cellules mammaires normales. La mucine MUC-1 tumo-rale présente différentes anomalies de glycosylation :• quantitatives : 2/5es seulement des sites des VNTR sont

glycosylés, d’où l’apparition de nouveaux épitopes(CA 15.3) ;

• qualitatives : peu de branchements d’antennes de sucressur la N-acetylgalactosamine ce qui donne des chaînesglycosidiques incomplètes ;

• les sialyltransferases sont très actives dans les cellulestumorales d’où une forte sialylation dont il résulte descharges négatives très importantes sur la mucine MUC-1.

Au total, l’hyper-expression de cette mucine dans les cancersse traduit par une réduction des interactions de cellule àcellule et une réduction des interactions des cellules avec lamatrice extracellulaire.

Par ailleurs, plusieurs propriétés de la mucine MUC-1tumorale sont susceptibles de faciliter le processus métasta-tique. Une interaction physicochimique due aux charges né-gatives de la mucine tumorale et à la rigidité de la partieextracellulaire de la glycoprotéine provoque une inhibitionstérique, des propriétés anti-adhésion et une inhibition deslymphocytes CTL et LAK. Des interactions spécifiquesconcernent :• la liaison de la partie cytoplasmique de la mucine MUC-1

à la b-caténine, activant la voie de signalisation caténine–E-cadhérine, GSK3-b (glycogène synthase kinase 3 b),APC/WnT1 (Wingless). Si l’on élimine la mucine MUC-1dans des lignées cellulaires en culture, on observe uneaugmentation de l’expression de la E-cadhérine et del’adhésion intercellulaire [70] ;

• l’activation de la voie de l’oncogène Ras. Les sites desérine et tyrosine phosphorylation de la portion intracyto-plasmique de la mucine MUC-1 sont capables d’interagiravec les protéines à domaine SH2, en particulier la pro-téine GRB-2, faisant le lien entre les récepteurs de facteursde croissance et la voie de l’oncogène Ras, et initiant ainsides cascades de transduction de signaux de croissance[73] ;

• l’apomucine sous-glycosylée devient un ligand de la mo-lécule d’adhésion intercellulaire ICAM-1 endothéliale, ce

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qui confère de nouvelles propriétés d’adhésion à la celluletumorale. Il suffit de six tandems repeats (120 AA) pourobtenir une liaison complète avec l’ICAM-1. Cette inte-raction est très importante pour la diffusion métastatiquepar voie sanguine. Elle peut aussi bloquer le récepteur del’ICAM des lymphocytes cytotoxiques, ainsi que ceuxd’autres types de cellules de la réaction inflammatoire[5,47] ;

• la sous-glycosylation de la mucine MUC-1 révèle égale-ment des néo-épitopes du type sialyl-Lex et sialyl-Lea,,apparentés au groupe sanguin Lewis, et reconnus par lesE- et P-sélectines, facilitant l’attachement des cellulestumorales circulantes à l’endothélium vasculaire.

Un variant de la mucine MUC-1, MUC-1/Y a été récemmentdécrit. La protéine codée par le gène MUC-1/Y est retrouvéeuniquement dans les cancers du sein et de l’ovaire. Elledérive du gène MUC-1 par épissage alternatif (282 pb). Unautre variant, MUC-1/Z (386 pb) a également été décrit, maispeu étudié [4,32,56].

MUC-1/Y a perdu la totalité des VNTR et ne présentedonc pas de polymorphisme. Cette protéine est membranairecomme la mucine MUC-1 normale et ne subit pas de protéo-lyse post-traductionnelle. Elle garde tous les domaines deMUC-1 hautement conservés entre espèces au cours del’évolution. MUC-1/Y est exprimé de manière variable dansles tumeurs épithéliales et serait plus abondant que MUC-1normal, voire même le seul variant présent, dans les cancersdu sein. Ne dépassant presque pas de la membrane plasmi-que, le produit du gène MUC-1/Y n’inhibe pas les interac-tions cellulaires, mais en revanche, MUC-1/Y peut subir dessérine (surtout) et tyrosine phosphorylations et potentialiserdes mécanismes oncogènes par la voie de Ras. Il s’est montrécapable d’initier et de stimuler la croissance tumorale in vivo.Par sa partie cytoplasmique, MUC-1/Y est aussi capabled’interagir avec la b-caténine. MUC-1/Y possède par ailleursune homologie de séquence dans la partie C-terminale avecles récepteurs de cytokines. Des travaux récents viennent dedémontrer que le produit de MUC-1/Y est en fait un récep-teur membranaire. Un variant d’épissage alternatif de lamucine MUC-1, MUC-1/sec soluble et polymorphe, ne com-prend que la partie extracellulaire de la mucine. Il possède unsite de liaison de MUC-1/Y du côté C-terminal. Le mêmegène produit donc par épissage alternatif un récepteur et sonligand. L’affinité de liaison (Kd) est de 1,2 nM, ce quicorrespond à une interaction de forte affinité. L’interactionproduit une phosphorylation de MUC-1/Y et induit un chan-gement de morphologie cellulaire [73].

5.2.2. Effets des produits du gène MUC-1 sur l’immunité

Plusieurs mécanismes ont été identifiés. Les produits dugène MUC-1 perturbent le fonctionnement des lymphocytes àcytotoxicité naturelle (NK et LAK) ou acquise (CTLs) enraison de l’encombrement stérique de la mucine MUC-1 ou deson dérivé soluble. MUC-1 soluble bloque l’activation deslymphocytes T et la sécrétion de cytokines. La mucineMUC-1 inhibe la prolifération des lymphocytes T activés, il

suffit que la molécule comporte au moins six répétitions entandem pour obtenir cet effet [41]. En revanche les lympho-cytes T naïfs ne sont pas inhibés. Le mécanisme de ces actionspasse par l’interaction avec l’ICAM-1 lymphocytaire.

Les effets généraux de MUC-1 sur l’immunité ont étéétudiés chez l’animal et chez l’homme :• chez la souris : MUC-1 est très fortement immunogène,

les réponses sont à la fois cellulaires et humorales. Dessouris injectées avec un complexe mannane-MUC-1 déve-loppent des réponses CTL. Des souris injectées avec del’épiglycanine (équivalent murin de la mucine MUC-1),deviennent immunodéprimées et leur durée de survie estraccourcie après transplantation de tumeurs mammairesTA3-Ha. Les souris transgèniques (MUC-1 humain in-jecté dans l’œuf, puis développement de celui-ci) devien-nent immunotolérantes pour les réponses B et T, totale-ment réfractaires à l’injection de MUC-1, et n’ont plus decommutation de classe IgM vers IgG ;

• chez l’homme : le développement de taux élevés d’anti-corps (anticorps anti-CA 15.3), isotypes IgM dirigéscontre les séquences répétées immunodominantes est ob-servé dans 15 à 20 % des cas. Très peu de réponses CTLont été rapportées et quand celles-ci existent, elle sontdirigées également contre les séquences VNTR dénudées.MUC-1 est capable de stimuler les lymphocytes T in vitro,et des essais de « vaccination anticancer » sont poursuivisà partir de cette molécule. Cependant, pour obtenir desréponses cellulaires in vitro, il faut une hyperstimulationpar antigènes et cytokines. Une explication de cette obser-vation serait que l’homme possède naturellement des anti-corps anti-Gal-a(1-3)-Gal donnant des réactions croiséesavec la mucine MUC-1 et détournant la réponse immuni-taire vers la production d’anticorps.

5.3. Le CA 19.9

L’épitope CA 19,9 est un dérivé sialylé du pentasaccha-ride du groupe sanguin Lewis a : le lacto-N-fucopentanose IIsialylé NeuNAc a2-3 Gal-b1-3 GlcNAc-b1-3-Gal-4|Fuca1-.

Son expression est codée par les gènes MUC-1, si levariant est dépourvu de VNTR, MUC-4 dans le cancer dupancréas mais pas dans le pancréas normal, et MUC-7[2,14,35,42]. L’épitope CA 19.9, répété dans la mucine séri-que, est également retrouvé dans des gangliosides de lamembrane cellulaire et la cytokératine CK 8 dans le poumon.Dans le sérum le CA 19.9 circule essentiellement sous formede mucine [46].

La biosynthèse des antigènes H, Lewis a et b et sialyl-Lea

(CA 19.9) utilise trois gènes : a2-3 sialyl transferase, gènesécréteur (FUT2), et gène Lewis (FUT3 [68]. Les structuressialyl Lewis a et x sont des ligands de la E-sélectine. Ilsparticipent à la dissémination de métastases par voie héma-togène, les cellules tumorales qui expriment l’épitope sialyl-Lea métastasent préférentiellement dans les tissus exprimant

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fortement la E-sélectine. Les souris knock-out pour le gènede la E-sélectine ne font jamais de métastases [48,65,66]. Lesmécanismes en cause impliquent l’adhésion des cellules tu-morales circulantes à l’endothélium vasculaire et l’activationd’intégrines favorisant l’extravasation des cellules tumora-les. Une immunosuppression locale par inhibition de l’adhé-sion des leucocytes à l’endothélium péritumoral se crée, leprotégeant contre une réaction inflammatoire. Les antigènessialyl-Lea et sialyl-Lex sont également reconnus par les L- etP-sélectines des leucocytes et des plaquettes et forment ainsides complexes multicellulaires [28,48,65].

5.4. Le CA 125

Le CA 125, produit du gène MUC-16, appartient à lafamille des mucines. Il n’est pas exprimé par l’ovaire normal[71]. Il est exprimé dans les tissus qui dérivent des épithé-liums cœlomiques (péricarde, plèvre, péritoine, épithéliummullérien). C’est un épitope conformationnel fragile, subis-sant une autoprotéolyse dépendante du calcium, ce qui expli-que les difficultés extrêmes rencontrées pour étudier sa struc-ture, qui n’a été élucidée que très récemment. Dans sa portionextracellulaire, le CA 125 possède la structure classiqued’une mucine avec environ 60 séquences répétées de 40 kDasuivies d’un domaine aminoterminal fortement glycosylé.Cette molécule, de très grande taille, comporte majoritaire-ment des O-glycosylations avec des structures core 1 etcore 2 et des N-glycosylations particulières avec du mannose,caractéristiques de l’immunité cellulaire. Un site potentiel deprotéolyse a été individualisé près de la membrane plasmi-que, qui serait responsable de la libération du CA 125 mem-branaire dans la circulation. Dans sa partie intracytoplasmi-que C-terminale, le CA 125 possède des sites dephosphorylation [45,54,55].

La libération du CA 125 est stimulée par les interferonsIFN-a, IFN-c et par l’EGF (epidermal growth factor), elle estinhibée par les glucocorticoïdes et le TGF-b [45,52]. Sa bio-synthèse commence sous forme d’un précurseur de 400 kDaqui donne naissance au produit mature sécrété de 2,5 106 Da,complexé avec des protéines de liaison. La demie-vie duCA 125 en cultures cellulaires est très courte, un renouvelle-ment complet du pool de CA 125 est effectué en moins de24 heures. La sécrétion du CA 125 est induite par l’interactionde l’EGF avec son récepteur provoquant sa phosphorylation,suivie d’une déphosphorylation et d’un « shedding » dans lacirculation. Cette étape de shedding est liée au cycle cellulaireet ne s’observe que dans les cellules en phases G0 et G1. L’onne connaît pas encore en détail les mécanismes d’action duCA 125 dans le comportement tumoral, mais on lui connaîtune activité immunosuppressive : une réponse immunitaireanti-CA 125 augmente la survie des patientes.

5.5. Le PSA

Le PSA est la kallicréine 3 (hK3). Quinze gènes de kalli-créines ont été identifiés, ils codent des enzymes ayant en

commun une forte homologie de structure et l’expression despromoteurs de ces gènes est régulée par les hormones stéroï-des [19,20]. Dans les cancers de la prostate, le PSA a étédifficile à étudier en raison de la présence de hK1, hK2 (1-2 %du PSA total) et hK4 (prostase), qui possèdent 40–80% d’ho-mologie entre elles et qui subissent une co-régulation par lesandrogènes. Le PSA est une sérine-protéase tissulaire de 237acides aminés qui ne possède qu’un seul oligosaccharide etdont la spécificité enzymatique est proche de celle de la chy-motrypsine [3]. Son rôle physiologique est de cliver les sémé-nogélines I et II dans le sperme. Sa biosynthèse commencepar un pré-pro-PSA inactif qui comporte 22 amino-acides enplus du PSA mature du côté N-terminal avec une séquenceleader. Le PSA est activé par une nouvelle cascade enzyma-tique comprenant hK2, hK4 et hK15. Un premier clivageintervient durant la traduction par un mécanisme non élucidéqui conduit au pro-PSA également inactif, ayant une sé-quence N-terminale supplémentaire de sept amino-acides.L’action des kallicréines 2 et 4 clive le pro-PSA en PSAmature et actif. D’autres dérivés inactifs du PSA résultant d’unclivage incomplet ont été récemment mis en évidence : le[-5]-proPSA et le [-2]-pro-PSA [3,51]. Du fait qu’ils sontinactifs, les précurseurs du PSA ne sont pas complexés parl’a-1-antichymotrypsine. Le PSA mature peut enfin subir unclivage au niveau des amino-acides 85-86, 145-146, 182-183donnant des formes enzymatiquement inactives et non com-plexées. Ce clivage est augmenté dans les adénomes prosta-tiques et diminué dans les cancers du fait, dans ce dernier cas,d’un manque d’accès du PSA aux enzymes protéolytiques duliquide séminal. En effet, dans les adénocarcinomes prosta-tiques, en raison de la rupture précoce des membranes basa-les, le PSA passe directement dans la circulation sanguine etnon dans les canaux excréteurs de la prostate. Le PSA librecirculant est inactif, il se compose essentiellement de pro-PSA, de [-2]-pro-PSA et de PSA clivé.

On a mis en évidence plusieurs actions du PSA dans lescancers prostatiques. Le PSA est mitogène in vitro pour lesostéoblastes. Son activité protéolytique lui permet de cliverl’IGFBP-3 (insulin growth factor binding protein-3), liantmajeur de l’IGF (insulin growth factor). L’IGF ainsi libéréinduit une stimulation de la croissance des cancers de laprostate [69]. Le PSA clive également la fibronectine et lalaminine, facilitant la destruction de la matrice extracellu-laire et l’invasion. Il clive également l’uPA (urokinase typeplasminogen activator), mais moins que hK2, et égalementla PTHrp (parathormone related peptide) qui possède uneaction mitogène. Dans ce dernier cas le PSA aurait au contraireun effet antiprolifératif. Le PSA a également des effets anti-angiogéniques en clivant le plasminogène en produitsangiostatine-like et en inactivant le bFGF (FGF-2) et le VEGFqui sont de puissants stimulants de l’angiogenèse [20,27].

5.6. Le Cyfra 21.1

Le Cyfra 21.1 est un fragment de la cytokératine 19(CK 19), CK abondante dans les épithéliums simples. Le

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taux de synthèse de la CK 19 est corrélé au niveau d’expres-sion de RAR-b (récepteur de rétinoïdes). La présence duCyfra 21.1 dans la circulation est liée au volume tumoral et àl’apoptose. Il résulte de l’action des caspases 3 et 6 (caspaseseffectrices) sur la CK 19. Le Cyfra 21.1 est libéré avant la finde la cascade conduisant à l’apoptose. Il n’est pas augmentépar les phénomènes de nécrose qui est indépendante descaspases [18].

5.7. HER-2/neu sérique (sHER-2 ou HER-2 ECD)

Cette oncoprotéine résulte du « shedding »de la partieextracellulaire du récepteur membranaire HER-2 (encorenommé erbB-2) appartenant à la famille HER, composée dequatre récepteurs de facteurs de croissance à activité tyrosinekinase. HER-2/neu est responsable du développement mam-maire normal. Il constituera dans les prochaines années unnouveau marqueur biologique des cancers, mesuré en parti-culier chez les patients bénéficiant de stratégies thérapeuti-ques ciblées par anticorps monoclonaux anti-récepteurs defacteurs de croissance ou par inhibiteurs moléculaires sélec-tifs, en développement actif actuellement [8,9]. Le sheddingde HER-2/neu dans la circulation est provoqué par desMMPs (métalloprotéinases matricielles). La surexpressionde HER-2 s’observe dans les tumeurs agressives. C’est dansle cancer du sein qu’il a été le plus étudié jusqu’à présent,mais d’autres localisations tumorales expriment égalementcette oncoprotéine [13,53,58,63]. L’activation des récepteursmembranaires de la famille HER s’effectue par hétérodimé-risation. HER-2/neu, dépourvu de ligand connu, se comportecomme un co-récepteur et peut se dimériser avec les autresmembres de la famille HER. La dimérisation induite par lesligands EGF-like s’effectue avec HER-1, elle se fait le plusfréquemment avec HER-3 ou avec HER-4, induites dans cecas par la liaison d’hérégulines. La dimérisation de ces récep-teurs membranaires induit une autophosphorylation et latransduction de signaux dépendant du type d’hétérodimèreformé (MAPK, PI3 K). L’activation est prolongée si HER-2participe à l’hétérodimère.

6. Conclusion

Les travaux portant sur les structures et les modes d’actionde certains marqueurs tumoraux d’utilisation courante mon-trent qu’ils sont directement impliqués dans des mécanismescellulaires contrôlant la croissance tumorale et les processusmétastatiques. Ces connaissances ont déjà suscité des appli-cations thérapeutiques (ex. l’anticorps monoclonaltrastuzumab/Herceptin® dans les cancers du sein), ou desessais cliniques d’immunothérapie (ex. ACE, MUC-1,CA 125...). Il reste à savoir si ces mécanismes de croissancetumorale s’appliquent également à la cellule souche totipo-tente qui vient d’être décrite pour la 1re fois dans les tumeurssolides (cancer du sein) [21]. Seule, en effet, cette cellulesouche possède une capacité illimitée de prolifération qui

pourrait expliquer les phénomènes de résistance aux diffé-rents traitements disponibles.

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