Upload
others
View
6
Download
0
Embed Size (px)
Citation preview
ROMEO ET JULIETTE
GOUNOD
2
L’opéra de Charles Gounod dépeint, avec justesse et sensualité, les sentiments
amoureux des amants maudits, tout en adoucissant la dureté de la tragédie de Shakespeare.
La musique, par ses éclatantes harmonies et ses délicates mélodies, accompagne et soutient
le drame.
L’action se passe dans le très beau décor signé Emmanuelle Favre, représentant la
bibliothèque des Capulet, aux murs chargés de multiples trophées de chasse ; au centre, en
guise de balcon, trône un escalier en colimaçon qui se perd dans les cintres. Dans une
scénographie lisible et épurée, très esthétique, le metteur en scène Paul-Emile Fourny fait de
la famille de Juliette des chasseurs et des Montaigu des bohémiens, marquant ainsi la forte
opposition des deux clans. Comme si Roméo et Juliette devaient vivre et mourir sous le poids
de l’histoire familiale, une tête de cerf veille sur la couche nuptiale.
L’Orchestre de l’Opéra de Reims et le Chœur de l’Ensemble Lyrique de Champagne-Ardenne
ont le privilège de servir cet ouvrage, sous la baguette de Jacques Mercier qui dirige
habituellement l’Orchestre National de Lorraine.
DIMANCHE 11 OCTOBRE 2015 A14H30
MARDI 13 OCTOBRE 2015 A 20H30
CHANTE EN FRANÇAIS
NIVEAUX :
COLLEGE / LYCEE
DUREE : 3 HEURES
GENERALE SCOLAIRE LE :
SAMEDI 10 OCTOBRE A 14H
ROMEO ET JULIETTE
GOUNOD
3
SOMMAIRE
PRESENTATION GENERALE DE L’OPERA PAGE 4
SYNOPSIS PAGE 4
CHARLES GOUNOD PAGE 6
FICHE IDENTITE DE L’ŒUVRE PAGE 7
SHAKESPEARE ET LA MUSIQUE PAGE 8
L’ŒUVRE ET SA GENESE PAGE 9
L’ŒUVRE ET SA RECEPTION
PAGE 10
LES PISTES D’EXPLOITATIONS PEDAGOGIQUES PAGE 11
LE MYTHE DE ROMEO ET JULIETTE A TRAVERS LES ARTS PAGE 11
HISTOIRE DES ARTS PAGE 11
MUSIQUE PAGE 12
PEINTURE PAGE 13
LITTERATURE PAGE 15
CINEMA PAGE 18
QUELQUES PISTES D’ECOUTES PAGE 19
POUR EN SAVOIR PLUS… PAGE 27
ROMEO ET JULIETTE A L’OPERA DE REIMS PAGE 29
LA PRODUCTION PAGE 29
FLORIAN LACONI EST/ET ROMEO PAGE 30
ZOOM SUR LE METTEUR EN SCENE PAUL-EMILE FOURNY PAGE 31
REGARDS SUR LA MISE EN SCENE PAGE 32
LES CARNETS DE LECTURE PAGE 33
OVIDE, LES METAMORPHOSES, « PYRAME ET THISBE »
ROMEO ET JULIETTE
GOUNOD
4
PRESENTATION GENERALE DE L’OPERA
SYNOPSIS
ACTE I
Un grand bal dans le palais des Capulet. Tybalt vante à Pâris, le fiancé de Juliette, les mérites de
la jeune fille. La voici justement qui apparaît accompagnant son père, le comte Capulet, qui
souhaite la bienvenue à ses hôtes et les invite à la gaieté. Profitant de l’incognito qu’assurent les
masques, Roméo, Mercutio et Benvolio sont présents à ce bal accompagnés de quelques autres
amis, et ce malgré la haine farouche qui oppose leurs familles, les Montaigu et les Capulet.
Mercutio chante les louanges de la mystérieuse Reine Mab, « reine des mensonges », puis le
groupe des Montaigu s’éloigne vers une autre pièce.
Juliette passe accompagnée de Gertrude, sa nourrice. Elle se sent gaie et chante avec une grâce
enivrée d’elle-même. Mais sa nourrice, appelée au-dehors, laisse Juliette seule. Roméo qui passe
par hasard la rencontre alors : c’est le coup de foudre immédiat. Passion contagieuse qui se
déploie en un premier duo d’amour. Mais voici que s’approche Tybalt. Roméo a juste le temps de
réajuster son masque qu’il avait relevé. Tybalt est à peu près sûr d’avoir reconnu la voix du
Montaigu haï et il s’empresse d’en informer sa cousine – avant de se précipiter, la main au
fourreau pour en découdre avec l’ennemi. Mais le vieux comte Capulet l’en empêche : selon des
lois de l’hospitalité, la fête continue.
ACTE II
Dans le jardin des Capulet, Stephano, le page de Roméo, fixe une échelle au balcon de Juliette.
Roméo y grimpe et, pendant que son page disparaît emportant l’échelle, il chante pour attirer
Juliette, puis se dissimule dans un coin. La fenêtre s’ouvre alors et Juliette apparaît. Se croyant
seule, elle évoque son amour pour Roméo qui défie la haine entre les deux familles. Roméo sort
alors de l’ombre et les deux jeunes gens, à demi pâmés, échangent les serments d’amour. Mais
l’alerte a été donnée : Gregorio et les serviteurs, qui ont aperçu Stephano quand il s’enfuyait,
soupçonnent la présence d’un intrus dans le jardin. Ils fouillent vainement et repartent. A ce
moment, la nourrice appelle Juliette qui rentre dans ses appartements, laissant un moment
Roméo seul dans la nuit divinement douce à son cœur. Mais elle revient bientôt sur le balcon
pour embrasser Roméo et lui dire adieu dans un magnifique duo.
ACTE III
Scène 1 : Dans sa cellule, le frère Laurent célèbre le mariage secret de Roméo et de Juliette, en
espérant que cette union apportera la paix entre les deux maisons rivales. Puis, bénissant les
jeunes époux, il se réjouit de leur bonheur.
ROMEO ET JULIETTE
GOUNOD
5
Scène 2. Dans une rue, proche
du palais des Capulet,
Stephano qui ignore où se
trouve son maître Roméo,
cherche le moyen de le faire
sortir du jardin où, pense-t-il, il
est encore caché. Pour faire
diversion, il chante alors une
petite chanson provocante dont
l’effet ne se fait pas attendre :
les Capulet sortent dans la rue
et Gregorio commence à se
battre avec Stephano. Mercutio
indigné par ce combat entre les
Capulet et le petit Stephano se
jette entre eux. Tybalt croise
son fer avec Mercutio mais arrive Roméo qui, en tant qu’époux de Juliette et cousin par alliance
de Tybalt essaie de les séparer. Tybalt profite de son arrivée et le provoque en duel mais Roméo
refuse le combat. C’est Mercutio qui relève l’injure à sa place ; Tybalt se bat contre Mercutio et le
blesse mortellement ; Roméo s’élance et venge son ami en tuant Tybalt. Le Duc de Vérone fait
alors irruption et condamne Roméo au bannissement.
ACTE IV
Roméo est revenu dans la chambre de Juliette pour lui faire ses adieux avant de partir pour l’exil.
Ces adieux se prolongent, déchirants, tant les deux amants, désespérés, ne peuvent s’arracher
l’un à l’autre. La nuit qu’ils voudraient prolonger s’efface : le chant de l’alouette en est le dur
signal. Le jour est là, « il faut partir hélas » : Roméo disparaît. A peine a-t-il quitté la chambre que
Gertrude fait irruption chez Juliette. Elle lui annonce l’arrivée imminente de son père accompagné
de frère Laurent pour exaucer le dernier vœu de Tybalt mourant : que l’on hâte le mariage de
Juliette avec celui que son père lui a choisi pour mari, Päris. Nul n’ose révéler au comte le
mariage de sa fille et leur désarroi n’apparaît en rien à Capulet qui se retire, laissant frère
Laurent préparer Juliette, croit-il, à la cérémonie. Mais celui-ci donne à la jeune fille un philtre qui,
lorsqu’elle l’aura bu, lui donnera toutes les apparences de la mort.
Dans la grande salle du palais les invités se pressent pour le mariage de la fille de Capulet.
Quand Pâris s’avance pour passer son anneau au doigt de Juliette, elle s’écroule inanimée,
comme morte.
ACTE V
Roméo, qui a appris dans son exil que son épouse bien-aimée était morte, a regagné Vérone et,
fou de désespoir, se précipite dans le tombeau des Capulet. Là, devant ce qu’il croit être la
dépouille de Juliette, il s’empoisonne pour ne pas vivre sans elle. Libérée des effets du philtre,
Juliette s’éveille alors. Un instant les deux jeunes gens oublient la mort qui les atteint. Mais
Roméo, ressentant les effets du poison, annonce à Juliette son geste et tente de la consoler,
avant d’entrer dans l’antichambre de la mort. L’alouette, encore une fois, chante comme à leurs
précédents adieux. Juliette se poignarde et meurt avec Roméo.
D’APRES ALAIN DUAULT, IN AVANT-SCENE OPERA « ROMEO ET JULIETTE » N° 41, P. 20.
PHOTO DU SPECTACLE
ROMEO ET JULIETTE
GOUNOD
6
CHARLES GOUNOD
EN QUELQUES DATES…
1818 Naissance à Paris, place Saint-André des Arts.
1831 Assiste à la représentation d'Othello de Rossini avec la Malibran dans
le rôle de Desdémone.
1832 Assiste au Don Juan de Mozart. Ces deux représentations seront
décisives dans son choix pour devenir compositeur.
1836 Reçoit l'enseignement de Reicha (composition), Halévy (contrepoint
et fugue) et Lesueur (composition).
1839 Remporte (après s'être présenté une 3ème fois), le Grand Prix de
Rome et s'installe à la villa Médicis.
1843 Rencontre Mendelssohn à Leipzig.
1857 Composition de Faust. La partition est refusée par l'Opéra. Gounod et
ses collaborateurs Barbier et Carré, s'adressent alors à Léon Carvalho,
directeur du Théâtre-Lyrique, qui accepte de monter l'œuvre.
1860 Création de Philémon et Baucis au Théâtre-Lyrique.
1864 Mireille, présenté au Théâtre-Lyrique, avec Caroline Miolan-Carvalho, obtient peu de
succès.
1866 Gounod est élu à l'Académie des Beaux-Arts puis promu officier de la Légion d'Honneur.
1867 Création de Roméo et Juliette au Théâtre-Lyrique avec Caroline Carvalho. L'Opéra remporte
un grand succès à Paris.
1887 Gounod dirige à la cathédrale de Reims la Messe à la mémoire de Jeanne d'Arc.
1888 500e de Faust à l'Opéra dirigé par le compositeur.
1893 Obsèques nationales en l'église de la Madeleine avec Saint-Saëns au grand orgue et Fauré
à la tête de la maîtrise. Inhumation au cimetière d'Auteuil.
POUR COMPRENDRE SON ŒUVRE…
Gounod parut toute sa vie osciller entre l'appel du religieux, sa
vocation ecclésiastique et l'attirance profane de l'amour sensuel
notamment exprimé par une vie sentimentale agitée parcourue par
de célèbres aventures extraconjugales.
De la même façon, si l'on excepte certaines pages symphoniques,
son œuvre musicale se répartit principalement entre musique
liturgique et œuvres destinées à la scène. Au contraire de Georges
Bizet, qui n'avait jamais douté de sa vocation pour l'opéra, Charles
Gounod s'en approcha avec méfiance, comme s'il s'agissait d'une
activité inavouable. Il ne se décida à s'engager sur le chemin de
l'opéra qu'après avoir compris qu'il n'y avait, à cette époque, pour
un compositeur français, aucun autre moyen d'acquérir une
certaine notoriété.
CHARLES GOUNOD.
DESSIN D’INGRES,
1841.
CRAYON SUR VELIN.
GOUNOD A 54 ANS
HUILE D’EUGENE FELIX
(1837-1906)
ROMEO ET JULIETTE
GOUNOD
7
LA FICHE IDENTITE
DE L’ŒUVRE
Roméo et Juliette, opéra de Charles Gounod en 5 actes, sur un livret de Jules Barbier et Michel
Carré d’après Shakespeare, créé à Paris, au théâtre lyrique impérial, le 27 avril 1867.
L’ARGUMENT EN BREF Inspirée de la pièce de Shakespeare, l’œuvre de Gounod évoque l’histoire d’amour interdit entre
deux jeunes gens issus de familles ennemies, les Capulet et les Montaigu. Lors d’un bal masqué,
Roméo tombe amoureux de Juliette, promise à un jeune noble. Ils décident de se marier
secrètement, mais les luttes incessantes entre les deux clans vont les entraîner vers un destin
tragique.
Le Chœur énonce, dans le prologue de l’opéra, les données du drame :
« Vérone vit jadis deux familles rivales,
Les Montaigu, les Capulet,
De leurs guerres sans fin, à toutes deux fatales,
Ensanglanter le seuil de ses palais.
Comme un rayon vermeil brille en un ciel d’orange,
Juliette parut, et Roméo l’aima !
Et tous deux, oubliant le nom qui les outrage,
Un même amour les enflamma !
Sort funeste ! Aveugles colères !
La fin des haines séculaires
Qui virent naître leur amour ! »
RÔLES ET VOIX
ROMEO MONTAIGU, ténor
JULIETTE CAPULET, soprano
COMTE CAPULET, père de Juliette, basse
TYBALT, cousin de Juliette, ténor
GERTRUDE, nourrice de Juliette, mezzo-soprano
COMTE DE PÂRIS, fiancé de Juliette, baryton
MERCUTIO, ami de Roméo, baryton
BENVOLIO, ténor
FRERE LAURENT, basse
DUC DE VERONE, basse
GREGORIO, serviteur, baryton
L’ORCHESTRE
LES BOIS
3 flûtes (dont une jouant du piccolo),
2 hautbois, 1 cor anglais, 2 clarinettes,
2 bassons
LES CUIVRES
4 cors, 2 trompettes, 2 cornets à pistons,
3 trombones
2 HARPES
LES PERCUSSIONS
Timbales, grosse caisse
CORDES
ROMEO ET JULIETTE
GOUNOD
8
SHAKESPEARE ET LA MUSIQUE
QUELQUES REPERES SUR L’HOMME ET SON ŒUVRE
NOM : William Shakespeare.
LIEU DE NAISSANCE : Stratford on Avon, dans le comté
de Warwickshire (région du centre de l’Angleterre).
FAMILLE : son père est marchand de cuir (gantier) puis
bailli (maire) de Stratford en 1568. Sa mère est issue
d’une vieille et riche famille catholique.
FORMATION : études classiques à l’upper school (collège)
de Stratford.
PROFESSION : poète, comédien et dramaturge.
DEBUT DE CARRIERE : Vénus et Adonis (poésie, 1593) ;
Henri VI (théâtre, 1588-1592).
PREMIERS SUCCES : La Mégère apprivoisée (comédie,
1592-1565) ; Roméo et Juliette (tragédie, 1592-1595).
ŒUVRES : une quarantaine de pièces. Quelques
exemples de comédies : Le Songe d’une nuit d’été
(1592-1595) ; Beaucoup de bruit pour rien (1595-1600) ;
Les Joyeuses Commères de Windsor (1600-1601).
Quelques exemples de tragédies : Macbeth et Le Roi Lear
(1605-1607) ; Hamlet (1595-1600) ; Othello (1601-1604). Quelques exemples de drames
historiques : Richard II (1595-1600) ; Richard III (1592-1595) ; Henri IV (1595-1600).
MORT : le 23 avril 1616, à l’âge de 52 ans. Shakespeare est inhumé dans l’église de Stratford on
Avon.
UNE MUSE POUR LES MUSICIENS
William Shakespeare a été une source inépuisable à
laquelle les compositeurs ont bu depuis toujours. Nous
retrouvons en effet les textes du dramaturge, avec des
variations plus ou moins importantes, dans les opéras de :
Veracini (Rosalinda, d’après Comme il vous plaira), Storace
(Gli equivoci, d’après La Comédie des erreurs), Rossini
(Otello, d’après Othello), Bellini (I Capuleti ed i Montecchi,
d’après Roméo et Juliette), Berlioz (Béatrice et Bénédict,
d’après Beaucoup de bruit pour rien), Wagner (La défense
d’aimer, d’après Mesure pour mesure), Mercadante,
Thomas (Hamlet), Nicolai (Les Joyeuse Commères de
Windsor), Verdi (Macbeth, Otello et Falstaff dont le livret a
été composé à partir de plusieurs œuvres, et Le Roi Lear,
projet non abouti), Britten (Le Songe d’une nuit d’été, Le
Viol de Lucrèce), Walton (Troïlus et Cressida). Plus près de
nous, le célèbre dramaturge a inspiré Bernstein tant les
héros de West Side Story ressemblent à Roméo et Juliette.
Comme tant d’autres compositeurs, Charles Gounod a été séduit par Shakespeare, car son œuvre reflète, sur la scène du théâtre, les grandes passions et les grands thèmes ayant depuis toujours traversé l’histoire de l’humanité.
PAGE-TITRE DE LA PREMIERE
EDITION DE ROMEO ET JULIETTE DE
SHAKESPEARE A LONDRES, 1537
PORTRAIT DE SHAKESPEARE
MARTIN DROESHOUT
1623
ROMEO ET JULIETTE
GOUNOD
9
L’ŒUVRE ET SA GENESE En 1839, Gounod assiste, très impressionné, à une répétition de la Symphonie dramatique
Roméo et Juliette de Berlioz. En 1841, dès son séjour dans la villa Médicis à Rome, il débute la
composition d’un opéra, sur un livret de Romagni. Entre 1865 et 1866, il se remet à la
composition de Roméo et Juliette sur livret de Barbier et Carret, lequel s’appuie sur le texte
original de Shakespeare traduit par François-Victor Hugo.
Quand Gounod compose son Roméo et Juliette, son expérience théâtrale et lyrique semble
suffisante pour lui permettre d’aborder sereinement la mise en musique d’une œuvre littéraire
d’une telle importance, comme en témoigne le succès de son Faust.
C’est en avril 1865 que le compositeur s’installe dans un hôtel de Saint-Raphaël, où il fait
apporter un piano. La sérénité de la campagne provençale sied au compositeur qui trouve
l’inspiration avec facilité :
« Je m’assois sous la galerie au bord de la mer, où il fait délicieux, et là,
respirant à pleins poumons la santé des belles matinées, je commence mes
journées de travail (…). Au milieu de ce silence, il me semble que j’entends
me parler au-dedans quelque chose de très grand, de très clair, de très
simple et de très enfant à la fois. Il me semble me trouver avec ma propre
enfance, mais élevée à une puissance toute particulière. C’est la
possession entière et simultanée de toute mon existence (…) J’entends
chanter mes personnages avec autant de netteté que je vois de mes yeux
les objets qui m’environnent, et cette netteté me met dans une sorte de
béatitude. » PROPOS DE CHARLES GOUNOD CITES PAR CAMILLE BELLAIGUE, IN « CHARLES GOUNOD »,
REVUE DES DEUX MONDES, DECEMBRE 1895.
OUSTALET DOU CAPELAN
MAISON DANS LAQUELLE GOUNOD COMPOSA EN PARTIE ROMEO ET JULIETTE.
CARTE POSTALE
ROMEO ET JULIETTE
GOUNOD
10
Il travaille alors avec rapidité et l’opéra est achevé en quelques semaines.
« On voit très bien ici comment travaillait Gounod, ou plutôt
comment il créait. Le duo du balcon, c’est-à-dire le second acte
tout entier, est écrit d’un seul jet ; la ligne de chant, sans interruption
ni rature, accompagne le texte, et souvent même le dépasse. Il
manque parfois, sous les dernières notes, comme si la mélodie avait
jailli non de la parole, mais de l’idée ou du sentiment. Çà et là une
indication ou pour ainsi dire une amorce d’harmonie,
d’instrumentation, témoigne de l’accord préétabli dans
l’imagination de l’artiste entre divers éléments de l’œuvre totale. » CAMILLE BELLAIGUE, « CHARLES GOUNOD », REVUE DES DEUX MONDES,
DECEMBRE 1895.
L’ŒUVRE ET SA RECEPTION
Roméo et Juliette a été représenté sur la scène du Théâtre lyrique le 27 avril 1867, année de
l’Exposition Universelle, avec un succès immense qui se prolonge durant cent deux
représentations et éclipse Don Carlos de Verdi programmé pour l'Exposition.
« Nous avions gré déjà à M. Gounod d’avoir donné
un Faust qui fait le tour du monde et substitue au
Faust de Spohr dans la patrie de Goethe. Nous lui
savons gré aujourd’hui d’avoir écrit un Roméo qui
va faire enfin disparaître cette pâle partition de
Bellini et de Vaccaj, promenée trop longtemps par
les troupes italiennes, et prendre possession, nous
n’hésitons pas le dire, d’un succès au moins égal à
celui de Faust sur tous les théâtres des deux
mondes. » GUSTAVE BERNARD, IN LE MENESTREL, LE 12 MAI 1867
Gounod révise l’œuvre en 1873 pour sa représentation à l’Opéra-Comique puis, pour celle du 28
novembre 1888 à l’Opéra Garnier. Il y ajoute un ballet ainsi que certains fragments de la version
manuscrite qui avaient été rejetés, et effectue quelques coupes légères.
ROMEO ET JULIETTE
GOUNOD
11
LES PISTES D’EXPLOITATIONS
PEDAGOGIQUES
LE MYTHE DE ROMEO ET JULIETTE
A TRAVERS LES ARTS
LA NOTION DE MYTHE
« Récit fabuleux, souvent d'origine populaire, qui met en scène des êtres
symbolisant aussi bien des énergies et des puissances surnaturelles que des
aspects de la condition humaine. Chose imaginaire. Représentation idéalisée
de l'état d'humanité. »
DEFINITION ISSUE DE ROMEO ET JULIETTE (TEXTE ET DOSSIER) TRADUCTION DE FRANÇOIS-VICTOR
HUGO AUX EDITIONS GALLIMARD, LECTURE ACCOMPAGNEE PAR S. JOPECK, PROFESSEUR DE LETTRES
MODERNES ET PIERRE NOTTE, JOURNALISTE ET CRITIQUE DE THEATRE.
ROMEO ET JULIETTE TOUJOURS…..
EN CLASSE
HISTOIRE DES ARTS
Comme de nombreux mythes, celui de « Roméo et Juliette » a donné lieu à une production
immense et variée, touchant toutes les époques et privilégiant tel ou tel aspect d’un récit
polymorphe. L’étude de ce mythe et des écritures artistiques qui en émanent, s’intégrera, au
collège, dans la thématique : « Arts, mythes et religions » et au lycée dans celle dédiée à « Arts
et sacré » et plus précisément « l’art et les grands récits (religions, mythologies) : versions,
avatars, métamorphoses ».
LES RAISONS DU SUCCES D’UN AMOUR DEVENU MYTHIQUE
« Roméo et Juliette : un couple mythique prestigieux entre tous, la plus émouvante des
histoires d’amour et de mort, l’archétype de l’idylle tragique. Certes, les amours de Didon et
Enée, de Tristan et Iseult, de Manon et des Grieux ne sont pas moins déchirantes, mais
l’aventure de Roméo et Juliette reste unique entre toutes en raison de l’extrême jeunesse des
héros, de l’absurde haine des clans qui contrarie leurs amours et provoque leur perte, des
circonstances navrantes de leur mort. Face à la folie et à la bêtise humaines, les amants de
Vérone incarnent superbement la passion vraie qui balaye les contingences du réel, la
transcendance de l’amour sur la haine, bref une attitude exemplaire devant la vie qui leur
donne un rayonnement poétique exceptionnel. »
JEAN-MICHEL BREQUE, IN AVANT-SCENE OPERA, BELLINI, LES CAPULETS ET LES MONTAIGUS,
JUILLET 1989, N° 122, P. 4.
ROMEO ET JULIETTE
GOUNOD
12
MUSIQUE
Le mythe de Roméo et Juliette a inspiré de nombreux compositeurs d’opéras, de ballets, de
comédies musicales. Le professeur pourra :
EFFECTUER des rapprochements et comparaisons avec d’autres œuvres
complémentaires parmi lesquelles :
ETUDIER le mythe sous l’angle de sa réappropriation dans la comédie musicale
West Side story, film américain de Robert Wise (1961), musique de Leonard
Bernstein, chorégraphie de Jérôme Robbins.
ZINGARELLI - Giuletta e Romeo, opéra (1796)
VACCAI - Giuletta e Romeo, opéra (1825)
BELLINI - I Capuleti e i Montecchi / Les Capulet et les Montaigu, opéra (1830)
BERLIOZ - Roméo et Juliette, symphonie dramatique (1839)
GOUNOD - Roméo et Juliette, opéra (1867)
TCHAÏKOVSKI - Roméo et Juliette, ouverture (1869)
DELIUS - Roméo und Juliette auf dem Dorfe / Roméo et Juliette au village, opéra
(1907)
ZANDONAI - Giuletta e Romeo, opéra (1922)
PROKOFIEV - Roméo et Juliette, ballet (1935, création 1938)
LEONARD BERNSTEIN - West Side Story, comédie musicale (1957)
DUSAPIN - Roméo et Juliette, opéra (1988)
PRESGURVIC - Roméo et Juliette, de la Haine à l'Amour, comédie musicale (2001)
La plus célèbre des comédies musicales adaptées de la pièce est
West Side Story, avec une musique de Leonard Bernstein et des
paroles de Stephen Sondheim. Lancée à Broadway en 1957 et dans
le West End en 1958, elle fait l’objet d’une adaptation au cinéma en
1961. Le cadre de l’intrigue est déplacé dans la New York du XXe
siècle, et les familles ennemies sont remplacées par des gangs
urbains.
ROMEO ET JULIETTE
GOUNOD
13
PEINTURE
Le mythe de Roméo et Juliette a aussi inspiré de nombreux peintres de toute époque, tendance
et style confondus.
QUELQUES EXEMPLES :
SHAKESPEARE : SOURCE INEPUISABLE
D’INSPIRATION
D’une manière générale, Shakespeare a inspiré
nombre d’artistes, particulièrement DELACROIX qui,
de 1835 à 1859, ne composa pas moins de vingt
tableaux de sujets shakespeariens, sans compter ses
seize lithographies de 1834-1843 d’après Hamlet,
héros romantique au sombre destin, auquel il se
serait sans doute identifié dans sa jeunesse à la suite
des épreuves familiales qui font de lui un orphelin
sans ressources. Outre neuf tableaux consacrés à
Hamlet, il traita quatre fois d’Othello, mais deux fois
seulement Roméo et Juliette : Les Adieux de Roméo
et Juliette (Etats-Unis, collection particulière) exposé
en 1846, et ce tableau, Roméo et Juliette au
tombeau des Capulet. Il illustre la troisième scène du
cinquième acte, le moment où Roméo tient dans ses
bras le corps inanimé de Juliette qu’il croit morte,
avant qu’il ne se tue de désespoir et que Juliette ne
se réveille et se suicide à son tour. ROMEO ET JULIETTE AU TOMBEAU DES CAPULET
DELACROIX
MUSEE DELACROIX
REPERTOIRE DES PEINTURES DEDIEES AU MYTHE CELEBRE SUR LES SITES :
http://shakespeare.emory.edu/illustrated_playdisplay.cfm?playid=26
http://jazzthierry.blog.lemonde.fr/2009/09/28/romeo-et-juliette-en-peinture-ou-les-origines-
inavouees-de-la-liberte-guidant-le-peuple-par-delacroix/
POUR APPROFONDIR
ROMEO ET JULIETTE
GOUNOD
14
PINO CASARINI
Adieu de Juliette à Roméo
1939
Le désir et l'amour semblent avoir disparu des
visages (les mains ne se caressent plus, elles se
repoussent ou se joignent pour prier...), seule
subsiste l'amertume liée évidemment à la
séparation. Peintre du régime fasciste en Vénitie,
Pino Casarini est fidèle à un nouveau classicisme
que le romantisme prétendait enterrer
définitivement, faisant référence à un "art italien"
que l'historien du fascisme, Pierre Milza, définit
ainsi dans sa biographie de Mussolini : "limpidité de
la forme", "évidence du message" délivré par
l'artiste, "simplicité élémentaire" des moyens
utilisés. En effet la simplicité architecturale, la
sobriété des décors et des couleurs sont évidentes,
tout comme le message délivré par la présence des
animaux : le cheval symbolisant cette idée de long
voyage ; le chien, une idée de protection et de
fidélité (tout comme le couple s'engage à vivre
désormais séparément mais dans la fidélité de leurs
engagements puisqu'ils se sont mariés
secrètement...).
D’après l’analyse trouvée sur le blog :
http://jazzthierry.blog.lemonde.fr/2009/09/28/rom
eo-et-juliette-en-peinture-ou-les-origines-inavouees-
de-la-liberte-guidant-le-peuple-par-delacroix/
PINO CASARINI
ADIEU DE JULIETTE A ROMEO
1939
ROMEO ET JULIETTE
GOUNOD
15
LITTERATURE
ABORDER, par le biais du mythe de Roméo et Juliette, différents sujets et
thématiques, soit à partir de l’œuvre de Shakespeare, soit directement à partir du
livret de l’opéra.
QUELQUES PISTES A PARTIR DE L’ŒUVRE DE SHAKESPEARE :
Vie et œuvre de Shakespeare ;
Le théâtre élisabéthain ;
Le traitement du temps et des lieux ;
Portraits de personnages ; les relations parents/enfants
Les figures et discours de l’amour ;
Une tragédie hybride entre comédie et tragédie.
A PARTIR DU LIVRET DE L’OPERA :
L’impuissance du couple face au destin et à la pression de la société.
Analogies et différences entre l’œuvre de Shakespeare et le livret de Romani.
DEBAT
PISTES DE REFLEXION pour les élèves sur les différentes circonstances qui
pourraient aujourd’hui encore rendre un amour impossible à cause de la haine
que se vouent des « clans » opposés : obstacles religieux, culturels, politiques, etc.
AUTOUR DE CE SUJET, ON POURRA EVOQUER LES MISES EN SCENES SUIVANTES :
En 1994, une compagnie israélienne et une compagnie
palestinienne de Jérusalem travaillent ensemble pour
dénoncer les conflits entre peuples arabe (les
Montaigu) et juif (les Capulet). Durant la représentation,
des cailloux sont jetés sur les acteurs et les menaces de
mort contre les comédiens font rage. Dans la scène du
balcon, Roméo (Halifa Natur) parle en arabe et Juliette
(Orna katz) en hébreu.
En 1990, The Hull Truck Theater (à Hull, Angleterre)
réunit sur scène un Roméo noir de peau et une Juliette
blanche.
ROMEO ET JULIETTE
GOUNOD
16
AUX ORIGINES DU MYTHE DE ROMEO ET JULIETTE ….
REMONTER aux origines du mythe de Roméo et Juliette à partir d’œuvres
complémentaires présentées ci-dessous :
OVIDE, METAMORPHOSES : EPISODES DE « PYRAME ET THISBE », LIVRE IV
Il existe dans la mythologie gréco-latine
plusieurs versions de la légende de
Pyrame et Thisbé :
– Dans une première, les deux amants
se suicident car Thisbé, désespérée
d'être enceinte sans être mariée, met fin
à ses jours et Pyrame, apprenant son
geste, se tue à son tour.
– Celle retenue par Ovide est l'histoire
d'un amour platonique et donc
éblouissant par sa pureté. C'est un choix
délibéré car il donne une dimension
particulière aux deux amants qui
apparaissent, pour la première fois, dans
toute leur dimension tragique.
L'ensemble du recueil formé par les textes des Métamorphoses date du début du premier siècle
après J.C. Dans cette œuvre, Ovide conte la création et l'histoire du monde gréco-romain jusqu'à
l'avènement de l'empereur Auguste. L'épisode de l'amour tragique de Pyrame et Thisbé s'inscrit
donc dans une cosmogonie et place les deux amants au rang des personnages mythologiques
fondateurs du monde connu des Romains.
LIRE dans la rubrique « les carnets de lecture » des extraits de « Pyrame et Thisbé » des
Métamorphoses d’Ovide.
VIRGILE, GEORGIQUES : LA LEGENDE D’ « HERO ET LEANDRE »
HERO ET LEANDRE
PAUL GASQ (1860-1944) BAS RELIEF PLACE LUCIEN GRILLON
DIJON
PIERRE MIGNARD (1612-1695)
LA DECOUVERTE DES CORPS DE PYRAME ET THISBE
HUILE SUR TOILE
« Que n'ose un jeune amant qu'un feu brûlant dévore !
L'insensé, pour jouir de l'objet qu'il adore,
La nuit, au bruit des vents, aux lueurs de l'éclair,
Seul traverse à la nage une orageuse mer ;
II n'entend ni les cieux qui grondent sur sa tête,
Ni le bruit des rochers battus par la tempête,
Ni ses tristes parents de douleur éperdus,
Ni son amante, hélas ! Qui meurt s'il ne vit plus. »
VIRGILE, GEORGIQUES
ROMEO ET JULIETTE
GOUNOD
17
Héro et Léandre (en grec ancien Ήρώ καi Λέανδρος) incarnent un couple d'amoureux de la
mythologie grecque. Héro, prêtresse d'Aphrodite à Sestos, allumait toutes les nuits une lampe en
haut d’une tour pour guider son amant Léandre qui la rejoignait à la nage. Un soir d’orage la
lampe s’éteignit et Léandre se noya. Désespérée, Héro se jeta de la tour après avoir trouvé le
corps de Léandre sur la grève.
À propos de cette même légende Ovide écrit deux lettres d’amour dans les Héroïdes (Lettres XVIII et
XIX) et, dans Les Géorgiques, Virgile évoque le «feu cruel de l’amour qui brûle dans le corps» (C.
Casalegno, Les plus grandes histoires d’amour de tous les temps, Montréal, Guérin, 1997, p. 22-26).
VOIR AUTOUR DE HERO ET LEANDRE :
- Joseph Mallord William Turner (1775 - 1851) Héro et Léandre (avant 1837), Londres, National
Gallery.
- William Etty, Héro et Léandre, 1828, Tate Gallery, Londres.
HERO ET LEANDRE, HUILE SUR TOILE DE THEODORE CHASSERIAU
1849
PARIS, MUSEE DU LOUVRE
ROMEO ET JULIETTE
GOUNOD
18
CINEMA
Le mythe de Roméo et Juliette connaît aussi de nombreuses adaptations cinématographiques
parmi lesquelles :
1968 : FRANCO ZEFFIRELLI, ROMEO ET JULIETTE
1997 : BAZ LUHRMANN, ROMEO + JULIET
POUR APPROFONDIR : lire l’article de Jean-Claude Diénis « De Bandello à
Bernstein, les avatars d’un mythe », pp. 16, 17, 18 de l’Avant-scène Opéra N° 41
« Roméo et Juliette ».
Le réalisateur australien Baz Luhrmann crée, en 1997, une
adaptation cinématographique du grand classique de Shakespeare :
William Shakespeare's Romeo + Juliet, avec pour personnages
principaux Léonardo Di Caprio et Claire Dianes.
Il transporte Vérone dans un quartier défavorisé des États-
Unis, dans un décor du XXe siècle, tout en conservant le
texte original (même s’il est en grande partie raccourci).
Vérone devient Verona Beach, et les Montaigus et les
Capulets sont deux familles de la mafia qui luttent pour le
contrôle de la ville. Le Prince est devenu le capitaine de la
police et le chœur du théâtre est remplacé par une
présentatrice de journal à la télévision.
L'esthétique générale rappelle le style dégagé par MTV avec
l'usage des nombreux effets visuels, pléthore de couleurs, un
décor et des costumes baroques…
Ce film réalisé par Franco Zeffirelli en 1968 a remporté deux Oscars
(meilleure photographie et meilleurs costumes) et a été deux fois
nommé (pour le meilleur réalisateur et meilleur film).
Les deux acteurs : Léonard Whiting et Olivia Hussey incarnent
parfaitement les personnages de la pièce par leurs âges similaires au
moment du tournage.
Le film, tourné dans la campagne italienne, restitue la Vérone
du 16ème siècle. Le respect du cadre historique permet une
transposition classique et pointue du texte original.
ROMEO ET JULIETTE
GOUNOD
19
LES PISTES D’ECOUTES
OUVERTURE ET PROLOGUE
L’ouverture, par son caractère tendu et oppressant, dans la tonalité lugubre de ré mineur,
instaure avec efficacité, une tension dramatique annonçant la tragédie qui va se jouer sur scène.
La première partie (A) met en place un jeu d’oppositions de timbres et de registres entre les
cordes jouant des trémolos dans un registre aigu et les trombones effectuant un court motif
mélodique menaçant avec son rythme pointé dans un registre grave :
La seconde partie (B) fait entendre un fugato exposé aux cordes dont le thème est présenté 4
fois de l’aigu au grave. Là encore, la tension dramatique est perceptible grâce à un jeu
d’opposition entre la tête du thème présentant trois notes largement disjointes et la fin déroulant
un flux continu de doubles croches dont le tracé nerveux et incisif peut suggérer le combat sans
merci auquel se livrent les deux familles depuis des décennies…..
Après un bref retour de la première partie (A), le rideau s’ouvre. Gounod laisse place au chœur
qui, à l’image du chœur antique, participe à l’action en annonçant, en quelques phrases,
TREMOLOS DES
CORDES DANS
L’AIGU
MOTIF MENAÇANT DES
TROMBONES DANS LE GRAVE
TÊTE DU THEME ENTREES
SUCCESSIVES ET
IMITATIVES DU
FUGATO
ROMEO ET JULIETTE
GOUNOD
20
l’essentiel du conflit (voir texte p.7 du présent dossier). Le texte est clairement perceptible car
déclamé, pour l’essentiel, a cappella, délicatement ponctué par la harpe ou des triolets
pianissimo des trompettes.
EN CLASSE
EXPLIQUER quelles peuvent être les fonctions de l’ouverture dans un opéra. Ici, nul
besoin de mots pour annoncer le drame à venir….
DEVELOPPER : les compétences en éducation musicale relevant notamment du domaine
du timbre et de l’espace (la densité sonore, la pluralité de timbres d’une pièce musicale,
la répartition temporelle et/ou spatiale des masses sonores) et de la forme (thème,
répétition différée…).
ROMEO ET JULIETTE AU FIL DE L’OPERA
Quatre duos entre Roméo et Juliette jalonnent l’opéra. Chacun représente une situation nouvelle
et incontournable faisant avancer nos héros vers leur destin tragique :
1- Le coup de foudre (le bal)
2- La déclaration d’amour (scène du balcon)
3- L’amour malgré les obstacles et le chagrin
4- L’Ultime sacrifice
1) DUO DE L’ACTE 1 : « ANGE ADORABLE »
SITUATION DE L’EXTRAIT DANS L’OPERA
Roméo et Mercutio, son ami, se sont introduits clandestinement chez les Capulet qui donnent un
bal. Le coup de foudre a lieu au moment où Roméo aperçoit Juliette.
Il confie son trouble à Mercutio et s’arrange alors pour demeurer seul avec Juliette.
ROMEO
« Ô trésor digne des cieux !
Quelle clarté soudaine a dessilé mes yeux ?
Je ne connais pas de beauté véritable !
Ai-je aimé jusqu’ici ? Ai-je aimé ?... »
ROMEO ET JULIETTE
GOUNOD
21
Sur le rythme d’une valse lente en fa majeur, les deux
jeunes héros révèlent leurs premiers émois. Le duo
débute par une première partie chantée uniquement
par Roméo :
Puis, Juliette reprend la mélodie du jeune homme note pour note, comme un écho, et à la fin de
ce duo, les deux voix s’unissent en un chant harmonieux, préfigurant l’union des amants.
EN CLASSE
ECOUTER le duo sur le site : https://www.youtube.com/watch?v=8QnPTr9WDbM
Roméo est interprété par Florian Laconi qui joue le rôle pour l’opéra de Reims. On regrettera
l’absence de tout visuel.
2) DUO DU SECOND ACTE « Ö NUIT DIVINE »
SITUATION DE L’EXTRAIT DANS L’OPERA
Roméo vient se glisser sous le balcon de Juliette. La comparant au soleil, il la presse de se
montrer. Juliette apparait enfin…
Lors de ce second duo, les sentiments des deux héros éclatent en pleine lumière. Il s’agit de la
célèbre scène du balcon, correspondant à la déclaration d’amour. Juliette a demandé à Roméo
de la quitter si ce qu’il éprouve pour elle est superficiel : « Si ta tendresse ne veut de moi
que de folles amours… Ah ! Je t’en conjure alors, par cette heure d’ivresse, ne me
revois plus ! ».
ROMEO
« Ange adorable,
Ma main coupable.
Profane, en l’osant toucher,
La main divine
Dont j’imagine
Que nul n’a droit d’approcher ! »…
ROMEO ET JULIETTE
GOUNOD
22
L’amour de Roméo s’exprime alors dans toute sa magnificence. La musique, dans un arioso
passionné avec une ample ligne mélodique s’élançant sur les arpèges de harpes, révèle la
puissance des sentiments.
EN CLASSE
VOIR l’extrait proposé sur le site :
https://www.youtube.com/watch?v=i
e50haFkrRA dans l’interprétation de
Roberto Alagna et Angelina
Gheorghiu dans une mise en scène
est assez « classique », en costumes
d’époque (chorégies d’Orange,
2002). On notera la présence de
sous-titres bien utiles même si
l’opéra est en français !
COMPARER la mise en scène
proposée ci-dessus avec celle de La
Fenice (Venise, 2009), résolument
moderne.
3) DUO DU QUATRIEME ACTE, « NUIT D’HYMENEE ! Ô DOUCE
NUIT D’AMOUR » SITUATION DE L’EXTRAIT DANS L’OPERA
Dans la chambre de Juliette. Il fait encore nuit. La scène est éclairée par un simple flambeau.
Juliette est assise et Roméo est à ses pieds ; la jeune fille lui pardonne d’avoir tué Tybalt, puis les
deux amoureux chantent un autre duo nocturne jusqu’à l’arrivée du jour.
Contrairement aux deux duos précédents, les voix s’unissent d’emblée. Ceci est justifié par la
situation dramatique : les deux jeunes gens sont maintenant mariés. Nul besoin d’un travail
d’approche et leurs voix résonnent tendrement ensemble à la sixte :
Les voix sont soutenues par un tapis sonore moelleux composé d’accords répétés avec les
cordes jouant en sourdine sur la harpe. La voix de Juliette est ici doublée par le hautbois.
EN CLASSE
ECOUTER cet extrait dans l’interprétation lumineuse de Nathalie Dessay et Jonas
Kaufman : https://www.youtube.com/watch?v=ESVpnqLEKXE
ROMEO ET JULIETTE
GOUNOD
23
4) DUO DU CINQUIEME ACTE, « VIENS ! FUYONS LE MONDE »
SITUATION DE L’EXTRAIT DANS L’OPERA
Juliette vient de se réveiller. Les amants se retrouvent, un bref moment, dans un bonheur bien
illusoire, avant un triste retour à une tragique réalité puisque Roméo a déjà pris le poison
mortel….
Les librettistes ont ici fait une infidélité par rapport au texte shakespearien, par ailleurs
fidèlement suivi puisque, pour faire place à ce duo final, Roméo doit rester en vie.
Voici un des moments musicalement les plus
exalté de l’opéra pour clamer ce qui est
maintenant impossible : fuir au bout du monde.
L’union des deux amants est parfaite. La mélodie
est chantée à l’unisson soutenue par un orchestre
très riche. Cet élan passionné culmine, après une
progression chromatique de l’orchestre, sur un
accord de septième diminuée très expressif joué
dans une nuance paroxystique : fff. Bonheur de
courte durée, le cri déchirant de Roméo « Les
parents ont tous des entrailles de pierre » sonne le glas.
EN CLASSE
ETUDIER, à travers les quatre duos proposés en analyse, la progression psychologique des deux héros.
ROMEO ET JULIETTE
Viens ! Fuyons au bout du monde !
Viens, soyons heureux,
Viens !
Dieu de bonté ! Dieu de clémence !
Sois béni par les cœurs heureux !
BALCON DE LA MAISON DE JULIETTE RECONSTITUEE A VERONE où se situe la tragédie de
Roméo et Juliette de SHAKESPEARE
MUSEE DEPUIS 1905
ROMEO ET JULIETTE
GOUNOD
24
PRELUDE DE L’ACTE V : « LE SOMMEIL DE JULIETTE »
SITUATION DE L’EXTRAIT DANS L’OPERA
A la fin du quatrième acte, Juliette s’évanouit après avoir bu, sous les conseils de frère Laurent
(« Buvez donc ce breuvage »), l’élixir grâce auquel elle semblera morte. Elle s’évanouit et tombe
inanimée dans les bras de ceux qui l’entourent. Tous pensent donc qu’elle est morte alors qu’elle
est en fait plongée dans un profond sommeil……..
EN CLASSE
ANALYSER les moyens musicaux par lesquels le compositeur parvient à suggérer l’état
d’endormissement de la jeune fille.
Présence de valeurs rythmiques longues
Tempo lent (adagio sur les neuf premières mesures)
Dynamiques essentiellement pianissimo
Jeu en sourdine des cordes
Caractère très calme, voire même statique de l’ensemble.
A NOTER : seule la harpe, avec ses délicats arpèges introduit l’idée de mouvement.
COMPARER ce prélude avec le second mouvement du troisième concerto « l’automne »,
tiré des Quatre saisons de Vivaldi. Le compositeur y décrit, par des moyens tout à fait
similaires, l’état d’endormissement de la nature avant l’hiver…..
ROMEO ET JULIETTE
GOUNOD
25
ACTE V, ROMEO « C’EST LA ! SALUT ! TOMBEAU SOMBRE ET
SILENCIEUX » SITUATION DE L’EXTRAIT DANS L’OPERA
Après l’intermède orchestral représentant le sommeil de Juliette, Roméo arrive et contemple avec
frayeur ce qu’il croit être le corps sans vie de sa bien-aimée.
Gounod tisse des liens très étroits entre le texte et la musique exprimant dans les moindres
détails les émotions ainsi que les états psychologiques que traverse Roméo.
On remarquera notamment :
L’EFFET DE THEATRALITE sur les paroles « c’est là ! » chantées a cappella après une
introduction orchestrale agitée.
LA SONORITE FUNEBRE DES CUIVRES dans le grave suggérant l’idée de la mort et le
sentiment de terreur qui habite le héros lorsqu’il pénètre dans la nécropole.
LE TIMBRE CHALEUREUX DE LA CLARINETTE, très souvent la voix de l’amour à l’opéra, qui
se dégage, sous les arpèges délicats de la harpe, au moment de la
« métamorphose » : Roméo ne voyant plus devant lui un tombeau mais un « palais
splendide et radieux » dans lequel sa bien-aimée demeure.
LA PERCEE LUMINEUSE DU HAUTBOIS lorsque Roméo a reconnu sa femme. Son solo
reprend la mélodie précédemment énoncée à la clarinette.
ROMEO C’est là ! (Avec sentiment de terreur) Salut ! Tombeau sombre et silencieux ! Un tombeau ! Non ! Non ! Ô demeure Plus belle Que le séjour même des cieux ! Salut palais splendide et radieux ! (Apercevant Juliette et s’élançant vers le tombeau) Ah ! La voilà ! C’est elle ! Viens, funèbre clarté ! Viens l’offrir à mes yeux. (Prenant la lampe funéraire) Ô ma femme ! Ô ma bien-aimée ! La mort en aspirant ton haleine embaumée N’a pas altéré ta beauté ! Non ! Non ! Cette beauté que j’adore
Sur ton front calme et pur semble régner Encore Et sourire à l’éternité ! (Il repose la lampe sur le tombeau.) Pourquoi me la rends-tu si belle, Ô mort livide ? Est-ce pour me jeter plus vite dans ces bras ? Va ! C’est le seul bonheur Dont mon cœur soit avide ! Et ta proie aujourd’hui ne t’échappera pas. (Regardant autour de lui) Ah ! Je te contemple sans crainte, Tombe où je vais enfin près d’elle reposer ! (Se penchant vers Juliette) Ô mes bras, donnez-lui votre dernière étreinte ! Mes lèvres, donnez-lui votre dernier baiser !
EN CLASSE
VOIR l’extrait proposé sur le site : https://www.youtube.com/watch?v=KxZWN2m6rCg
EXPLIQUER par quels moyens musicaux le compositeur parvient à mettre certains
éléments du texte parfaitement en lumière.
COMPARER et PRESENTER les différentes versions de cette scène où Roméo découvre le
corps inanimé de son aimée :
EN MUSIQUE avec la scène 9 du second acte d’ I capuleit e i Montecchi de Bellini (à
visionner sur le site : https://www.youtube.com/watch?v=AnhBjZVvZgo. Le récitatif suivi
ROMEO ET JULIETTE
GOUNOD
26
de l’aria débute à 5’55’’). Le compositeur insiste dans l’aria qui suit un récitatif sombre et
douloureux sur le délicieux vertige de Roméo lorsqu’il supplie l’âme qui s’envole de
l’entraîner avec elle. La mort est son seul secours. La ligne vocale, souple et sobre, est
typique du lyrisme verdien, sans fioritures superflues. Elle est délicatement éclairée par
l’intervention ponctuelle d’instruments solistes. On remarquera aussi la présence du cor
au timbre chaleureux qui double la ligne vocale à la sixte rendant cette fin de l’aria
particulièrement douce et expressive.
EN PEINTURE :
ROMEO
Deh ! tu, bell’anima
Che al ciel ascendi,
A me rivolgiti,
con te mi prendi :
cosi scordami
cosi lasciarmi
non puoi, bell’anima,
nel mio dolore.
ROMEO
De grâce ! belle âme
Qui monte au ciel,
Regarde-moi,
Emmène-moi :
Tu ne peux, belle âme,
M’oublier ainsi,
Me laisser ainsi
Dans mon chagrin.
COLLECTION PRIVEE
JOHANN HEINRICH FÜSSLI
Roméo se penche sur le cercueil de Juliette, 1809
L’exaltation des sentiments amoureux s’estompe au profit de sentiments religieux dans une peinture qui prend ici une dimension quasi mystique. Roméo découvre une Juliette apparemment mourante et transfigurée par une lumière semblant venir de nulle part. Sainte ou martyre de l'amour ? Elle desserre son chapelet de la main gauche tandis qu'un Christ en croix, sur le mur, observe le couple uni pour la dernière fois. A l'extrême opposé, on reconnaît les jambes de Pâris, le jeune noble qui souhaitait tant lui aussi épouser Juliette et qui avait l'avantage aux yeux des parents, de ne pas être un Montaigu. Quant au bouquet de fleurs visible aux pieds de Juliette, c'est naturellement un indice laissé par le peintre, pour identifier le cadavre. D’après l’analyse trouvée sur le blog :
http://jazzthierry.blog.lemonde.fr/2009/09/28/romeo-et-
juliette-en-peinture-ou-les-origines-inavouees-de-la-liberte-
guidant-le-peuple-par-delacroix/
ROMEO ET JULIETTE
GOUNOD
27
POUR EN SAVOIR PLUS…
BIBLIOGRAPHIE CONDE, Gérard, Charles Gounod, Fayard, Paris, 2009
GOUNOD, Charles, Mémoires d’un artiste, Paris, Calmann-Lévy, 1896 ; éd. Claude Glayman, Paris,
Calmann-Lévy, 1991
LANDORMY, Paul, Charles Gounod, sa vie et ses œuvres, Paris, Gallimard, 1942
AUTOUR DE ROMEO ET JULIETTE DE SHAKESPEARE
Roméo et Juliette, traduit par François-Victor Hugo, collection Pocket, 1868
Roméo et Juliette, version bilingue, traduit par Pierre Jean Jouve et Georges Pitoëff, GF
Flammarion, 1937 et remaniée en 1955
Roméo et Juliette, Yves Bonnefoy, Folio classique, 1968 et remaniée en 1985
Tragédies, version bilingue, traduit par Jean-Michel Déprats, La Pléiade, 2002
Tragédies, version bilingue, traduit par Victor Bourgy, collection Bouquins, œuvres complètes,
1995
Roméo et Juliette, traduit par François Laroque et Jean-Pierre Villquin, Le livre de poche, 2005
WEBOGRAPHIE
http://www.deezer.com/fr/album/299562
Ecouter l’opéra dans son intégralité
http://www.performarts.net/performarts/index.php?option=com_content&view=article&id=1404
:romeo&catid=5:spectacle&Itemid=22
Ecouter et regarder des extraits de l’opéra dans la mise en scène de Paul-Emile Fourny pour
l’opéra de Reims
https://www.youtube.com/watch?v=Y2mDxM9Nq1I
Interview de Paul-Emile Fourny, effectuée par leprojecteur.com qui signe la mise en scène pour
l’opéra de Reims. Cette interview éclaire les spectateurs sur les choix esthétiques et
scénographiques lorsque l’opéra a été joué, une première fois en mai 2013, à Avignon
http://www.operatoday.com/documents/Romeo_Juliette.pdf
Le livret de l’opéra dans son intégralité
crdp.ac-paris.fr/piece-demontee/pdf/romeo-et-juliette_total.pdf
Dossier pédagogique autour du Roméo et Juliette de Shakespeare. De nombreuses propositions
de pistes d’exploitation pédagogiques en lettres et théâtre
http://www.grignoux.be/dossiers/093/
Un dossier pédagogique sur le film Shakespeare in love de John Madden
ROMEO ET JULIETTE
GOUNOD
28
CONFERENCE
Roméo & Juliette par F. Albou au Conservatoire de Reims :
1ère partie : jeudi 24 septembre
2ème partie : vendredi 25 septembre
PHOTO DU SPECTACLE
ROMEO ET JULIETTE
GOUNOD
29
ROMEO ET JULIETTE A L’OPERA DE REIMS
LA PRODUCTION
COPRODUCTION : OPERA GRAND AVIGNON, TOURS, METZ ET REIMS
FLORIAN LACONI DANS LE RÔLE DE ROMEO
Direction musicale : Jacques MERCIER
Mise en scène : Paul-Emile FOURNY
Décors : Emmanuelle FABRE
Eclairage : Jacques CHATELET
Roméo : Florian LACONI
Juliette : Kimy Mc LAREN
Le duc de Vérone : Jean-Marie DELPAS
Stephano : Carine SECHAYE
Gertrude : Sylvie BICHEBOIS
Frère Laurent : Jerôme VARNIER
Capulet : Marcel VANAUD
Tubalt : Marc LARCHER
Mercutio : Mikhael PICCONE
Gregorio : Jean-Sebastien FRANTZ
Chœur ELCA
Chefs de chœur : Sandrine LEBEC,
Hélène LE ROY
Orchestre : OPERA DE REIMS
ROMEO ET JULIETTE
GOUNOD
30
FLORIAN LACONI ET/EST ROMEO
Florian Laconi est né à Metz où il étudie l'Art Dramatique et
participe à de nombreuses pièces de théâtre en tant que
comédien mais aussi en tant que metteur en scène. Il débute
le chant en 1995 il étudie avec Michèle Command, Gabriel
Bacquier et Christian Jean. Il est lauréat du Concours Voix
Nouvelles 2002 et fut nominé aux XIIIe Victoires de la Musique
Classique 2006 dans la catégorie «Révélation Artiste Lyrique
de l’année».
Florian Laconi chante sous la direction de chefs tels que
Lawrence Foster, Alain Guingal, John Nelson, Jacques
Lacombe, Alberto Zedda, Alain Altinoglu, Hervé Niquet, Michel
Plasson, Myung Whung Chung, Daniel Oren et Georges Prêtre.
Les mises en scène sont signées de Bernard Broca, Pier Luigi Pizzi, Ian Judge, Brontis
Jodorowsky, Michel Fau, Laurent Pelly, Gilles Bouillon, Nadine Duffaut, Gian Carlo del Monaco et
Jérôme Savary.
Il travaille aux côtés d'artistes comme Patrizia Ciofi, Anna Netrebko, Rolando Villazon, Bryn Terfel,
Marcelo Alvarez, Béatrice Uria Monzon, Ludovic Tézier, Jean Philippe Lafont, Alain Fondary, Fabio
Armiliato, Daniela Dessi, Sylvie Valayre, Vladimir Galouzine, Inva Mula et Roberto Alagna.
Il se produit dans de nombreuses villes françaises (Metz, Avignon, Monte-Carlo, Toulouse, Massy,
Nice, Saint-Etienne, Marseille, Opéra-Comique de Paris, Festival d’Antibes, Festival d’Auvers-sur-
Oise, Festival de Saint-Céré, Chorégies d’Orange, Opéra National de Paris Bastille…) mais aussi à
l’étranger....)
EN CLASSE
PROJETER l’interview du chanteur effectuée par leprojecteur.com
sur le site : https://www.youtube.com/watch?v=0GqNTwtOgkw.
Réalisée dans les loges de l’Opéra Théâtre du Grand Avignon,
l’interview révèle les différentes facettes d’un rôle mythique pour
un artiste lyrique devenu incontournable.
FLORIAN LACONI
ROMEO ET JULIETTE
GOUNOD
31
ZOOM SUR LE METTEUR EN SCENE
PAUL-EMILE FOURNY
Né à Liège, Paul-Emile Fourny étudie au
Conservatoire Royal de sa ville natale. Après l’obtention
d’un premier prix en 1981, il est successivement
comédien, professeur et metteur en scène.
En 1985, il rejoint l’équipe de Gérard Mortier au
Théâtre Royal de la Monnaie de Bruxelles.
Poursuivant sa carrière en France, il crée le
Festival des Soirées Lyriques de Gigondas, travaille pour
l’Opéra-Théâtre d’Avignon et des Pays de Vaucluse, les
Chorégies d’Orange et l’Opéra de Nice dont il assure la
direction générale et artistique de 2001 à 2009.
Professeur à l’E.S.R.A. de Nice et homme de théâtre, il
développe sa carrière de metteur en scène en France
comme à l’étranger, parallèlement à la gestion des
structures culturelles qui lui sont confiées. Il est
notamment sollicité par le Teatro Colon de Buenos
Aires, le Teatro Argentino de La Plata, l’Opéra de Tel-
Aviv, l’Opéra Royal de Wallonie, le Festival de
Savonlinna, le Festival Puccini de Torre del Lago et par
de nombreux théâtres en Italie. En France, il signe de
multiples productions au Festival de Musique d’Antibes
et à Lacoste, ainsi qu’à Avignon, Nice, Saint-Etienne,
Toulon… Paul-Emile Fourny a reçu, en 2007, les
insignes de chevalier de la Légion d’Honneur.
Au cours des deux dernières saisons, il a mis en scène Tosca, A Midsummer Night’s Dream, La
Vida Breve, Il Trittico, Les Contes d’Hoffmann, Aida, Manon Lescaut, Faust… Il prend la direction
de l’Opéra-Théâtre de Metz Métropole en avril 2011. Il signe la mise en scène de La Traviata en
2013 pour l’Opéra-Théâtre de Metz Métropole et Ballo in Maschera pour le Biel Solotrhurn
Theater (2013) puis l’Opéra-Théâtre de Metz Métropole (2015).
PAUL-EMILE FOURNY EN REPETITION
FABRICATION DES TÊTES DE CERFS DANS L’ATELIER DECOR DE L’OPERA THEATRE METZ METROPOLE
ROMEO ET JULIETTE
GOUNOD
32
REGARDS SUR LA MISE EN SCENE
La mise en scène présentée à l’opéra de Reims en octobre 2015 a déjà été produite pour l’Opéra
Grand Avignon, l’opéra de Tours et de Massy. Voici quelques échos de la presse révélant certains
aspects de la mise en scène :
« Paul-Emile Fourny a imaginé une scénographie simple et
traditionnelle, très lisible et épurée. Une grande salle ornée de trophées
de chasse, un escalier en colimaçon qui disparaît dans les cintres en
guise de balcon, un lit à la tête ornée de bois de cerf, et l’œuvre se
déroule sous nos yeux. Les costumes se révèlent d’une sobriété de bon
aloi, seuls ceux des Montaigu surprennent, les faisant ressembler à des
pirates ou des bohémiens, Roméo y compris. Juliette est vêtue d’une
stricte robe bleue, faisant penser à la virginale Gilda, avant de s’en
libérer pour son duo « Nuit d’hyménée », plus adulte et plus femme. »
In : http://www.classiquenews.com/
« Le décor sombre suggère la traque du couple maudit. Comme dans
les tableaux de chasse du premier acte dans la scène du bal, on
retrouve les bois d’un squelette de cerf dans la scène de la chambre
au début de l’acte IV. On retrouve un cerf empaillé près du tombeau
dans l’ultime scène. Roméo et Juliette sont victimes d’une société
incapable de se soustraire à la violence. Les superbes décors
d’Emmanuelle Favre soulignent l’impression pesante d’enfermement
du couple. »
In : http://www.performarts.net/
EN CLASSE
PROJETER l’interview du metteur en scène effectuée par
leprojecteur.com sur le site :
https://www.youtube.com/watch?v=Y2mDxM9Nq1I
Paul-Emile Fourny, nous dévoile les secrets de fabrication d’une mise en
scène qui rappelle que, malgré l'évolution des sociétés, l'Amour reste
universel, et l'histoire de Roméo et Juliette est toujours d'actualité.
ROMEO ET JULIETTE
GOUNOD
33
LES CARNETS DE LECTURE
OVIDE, LES METAMORPHOSES,
« PYRAME ET THISBE », LIVRE IV EXTRAIT
« Pyrame et Thisbé effaçaient en beauté tous les hommes, toutes les filles de l'Orient. Ils
habitaient deux maisons contiguës dans cette ville que Sémiramis entoura, dit-on, de superbes
remparts. Le voisinage favorisa leur connaissance et forma leurs premiers nœuds. Leur amour
s'accrut avec l'âge. L'hymen aurait dû les unir ; leurs parents s'y opposèrent, mais ils ne purent
les empêcher de s'aimer secrètement.
[...] Un jour, après s'être plaints longtemps et sans bruit de leur destinée, ils projettent de tromper
leurs gardiens, [...] ils conviennent de se trouver au tombeau de Ninus ; c'est là que doit leur
prêter l'abri de son feuillage un mûrier portant des fruits blancs, et placé près d'une source pure.
[...] Thisbé, [...] s'assied sous l'arbre convenu. L'amour inspirait, l'amour soutenait son courage.
Soudain s'avance une lionne qui, rassasiée du carnage des bœufs déchirés par ses dents, vient,
la gueule sanglante, étancher sa soif dans la source voisine. Thisbé l'aperçoit aux rayons de la
lune ; elle fuit d'un pied timide, et cherche un asile dans un antre voisin.
Mais tandis qu'elle s'éloigne, son voile est tombé sur ses pas. La lionne, après s'être désaltérée,
regagnait la forêt. Elle rencontre par hasard ce voile abandonné, le mord, le déchire, et le rejette
teint du sang dont elle est encore souillée. Sorti plus tard, Pyrame voit sur la poussière les traces
de la bête cruelle, et son front se couvre d'une affreuse pâleur. Mais lorsqu'il a vu, lorsqu'il a
reconnu le voile sanglant de Thisbé : [...] il prend ce tissu fatal ; il le porte sous cet arbre où
Thisbé dût l'attendre ; il le couvre de ses baisers, il l'arrose de ses larmes ; il s'écrie : "Voile baigné
du sang de ma Thisbé, reçois aussi le mien". Il saisit son épée, la plonge dans son sein, et
mourant la retire avec effort de sa large blessure. [...]
Cependant Thisbé, encore tremblante, mais craignant de faire attendre son amant, revient, le
cherche et des yeux et du cœur. [...] elle voit un corps palpitant presser la terre ensanglantée. […]
L'infortunée aperçoit alors son voile ensanglanté ; elle voit le fourreau d'ivoire vide de son épée ;
elle s'écrie : "Malheureux ! C'est donc ta main, c'est l'amour qui vient de t'immoler ! Eh bien ! N'ai-
je pas aussi une main, n'ai-je pas mon amour pour t'imiter et m'arracher la vie ? Je te suivrai dans
la nuit du tombeau. On dira du moins, elle fut la cause et la compagne de sa mort. Hélas ! Le
trépas seul pouvait nous séparer : qu'il n'ait pas même aujourd'hui ce pouvoir ! Ô vous, parents
trop malheureux ! Vous, mon père, et vous qui fûtes le sien, écoutez ma dernière prière ! Ne
refusez pas un même tombeau à ceux qu'un même amour, un même trépas a voulu réunir ! Et
toi, arbre fatal, qui de ton ombre couvres le corps de Pyrame, et vas bientôt couvrir le mien,
conserve l'empreinte de notre sang ! Porte désormais des fruits symboles de douleur et de
larmes, sanglant témoignage du double sacrifice de deux amants" ! Elle dit, et saisissant le fer
encore fumant du sang de Pyrame, elle l'appuie sur son sein, et tombe et meurt sur le corps de
son amant. Ses vœux furent exaucés, les dieux les entendirent : ils touchèrent leurs parents ; la
mûre se teignit de pourpre en mûrissant ; une même urne renferma la cendre des deux amants. »
(Traduction de G.T. Villenave, 1806)