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Neuropsychiatrie de l’enfance et de l’adolescence 54 (2006) 375–378

Article original

Scolariser l’enfant autiste : objectifs et modalités

School integration for the autistic child

L. Hameury*, M. Mollet, S. Massé, P. Lenoir, C. Barthélémy

Centre universitaire de pédopsychiatrie, CHRU de Tours, 2, rue Tonnellé, 37044 Tours, France

Reçu et accepté le 10 octobre 2006

Résumé

La scolarisation de l’enfant autiste connaît une évolution rapide, en particulier depuis 2003. L’intégration de l’enfant handicapé en milieuscolaire ordinaire est maintenant reconnue comme un droit et les conditions en sont précisées par la loi de février 2005 pour l’égalité des droitsdes personnes handicapées. Les conditions de la scolarisation sont adaptées afin de répondre aux objectifs de socialisation et de pédagogie,complémentaires des besoins éducatifs et thérapeutiques. Elles sont fonction de l’âge, du niveau de développement de l’enfant, de ses capacités.La mise en place de la scolarisation se fait dans le cadre d’un partenariat famille–école–service de soins–services administratifs ; un projetpersonnalisé de scolarisation est alors établi sur la base d’une évaluation précise des besoins de l’enfant et régulièrement réajusté. Le plussouvent, l’enfant est accueilli à l’école à temps partiel, en alternance avec les soins spécialisés. La réussite de ces intégrations repose sur lareconnaissance des besoins particuliers de l’enfant autiste : environnement le plus adapté possible afin d’éviter les surstimulations sensoriellesdifficiles à décoder et à gérer, développement préalable des capacités d’adaptation à un groupe et aux changements, nécessité d’une pédagogiespécialisée adaptée aux caractéristiques cognitives, association avec des soins psychoéducatifs visant à exercer la communication et les relationsavec autrui.© 2006 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Abstract

The schooling of the autistic child knows a fast evolution, in particular since 2003. The integration of the handicapped child in ordinaryeducational circle is now recognized like a right and the conditions are specified by the law of February 2005 for the equal rights of the handi-capped people. The conditions of schooling must be adapted in order to answer the objectives of socialization and pedagogy, complementary tothe educational and therapeutic needs. They are function of the age, of the level of development of the child, his capacities. The installation ofschooling is done within the framework of a partnership family - school - service of care - administrative services; a personalized project ofschooling is then drawn up on the basis of precise evaluation of the needs for the child and is regularly readjusted. Generally, child is accom-modated with part-time school, in alternation with the specialized care. The success of these integrations depends on the recognition of theparticular needs for the autistic child: adapted environment in order to avoid sensory over-stimulations difficult to treat and manage, preliminarydevelopment of the capacities of adaptation to a group and to changes, need for a specialized pedagogy adapted to the cognitive characteristics,association with psychoeducational care aiming at exerting the communication and the relations with others.© 2006 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Mots clés : Autisme ; Scolarisation

Keywords: Autism; Schooling

* Auteur correspondant. Service universitaire de pédopsychiatrie, hôpital Bretonneau, 2, boulevard Tonnellé, 37000 Tours, France.Adresse e-mail : l.hameury@chu-tours.fr (L. Hameury).

0222-9617/$ - see front matter © 2006 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.doi:10.1016/j.neurenf.2006.10.009

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Les possibilités et les conditions de scolarisation pour lesenfants autistes ont beaucoup évolué ces dernières années.Elles s’appuient depuis 1995 sur des textes législatifs et depuisfévrier 2005 sur la loi pour l’égalité des droits des personneshandicapées.

Pour une intégration scolaire réussie, il est important de bienconnaître l’enfant avec autisme, ses potentialités, mais aussi sesproblèmes spécifiques : socialisation, communication, adapta-tion à cet environnement particulier qu’est l’école. Les donnéesrécentes concernant le développement fournissent de nouvellesclés pour comprendre.

Les bénéfices attendus ne peuvent être obtenus que grâce àla mise en place progressive de modalités correspondant auxbesoins de l’enfant et répondant à des objectifs préalablementdéfinis en partenariat famille–école–service de soins. Lesconditions de scolarisation doivent en effet être adaptées àl’âge de l’enfant, à ses capacités, à ses particularités sensoriel-les, cognitives et émotionnelles.

1. Cadre législatif

● Loi de 1975 en faveur des personnes handicapées ;● circulaire du 27 avril 1995 sur la prise en charge thérapeu-tique, éducative, pédagogique et l’insertion sociale dessujets autistes ;

● loi du 11 septembre 1996 sur la prise en charge adaptée del’autisme ;

● rapport sur les actions conduites de 1995 à 2000 ;● plan Handiscol 1999 pour la scolarisation des enfants etadolescents handicapés ;

● rapport Chossy de septembre 2003 sur la situation des per-sonnes autistes en France, les besoins et les perspectives ;

● loi du 11 février 2005 pour l’égalité des droits des person-nes handicapées :○ la personne handicapée a accès aux mêmes droits quetous. L’ensemble des institutions doit lui êtreaccessible ;

○ la scolarisation des enfants handicapés est sous la res-ponsabilité de l’Éducation nationale ;

○ l’enfant doit pouvoir bénéficier d’un véritable parcoursscolaire, en réponse aux besoins de socialisation et depédagogie complémentaires des besoins éducatifs etpédagogiques ;

○ l’évaluation des besoins et des compétences est lesupport à l’élaboration du projet personnalisé descolarisation ;

○ des actions de soutien individualisé sont proposées par leservice public de l’éducation ;

○ la complémentarité éducation ordinaire–éducation spé-ciale est assurée par le recours aux structures médicoé-ducatives si besoin ;

○ la possibilité d’accueillir les enfants handicapés dèsl’école maternelle est affirmée ;

○ les actions sont coordonnées, en réseau qui assure lesuivi du projet ;

○ la formation des enseignants et assistants d’éducationdoit être organisée :

● Bulletin officiel d’avril 2005 : précise la politique de priseen charge des personnes atteintes d’autisme et de troubleenvahissant du développement :○ « apporter une éducation adaptée et favoriser la scolari-sation en milieu ordinaire » ;

○ intérêt d’une scolarisation en maternelle ;○ veiller à ce que l’enfant bénéficie de l’appui d’un servicemédicosocial ou sanitaire ;

○ constituer un réseau de ressources ;○ écoute et soutien des enseignants par des professionnelscompétents ;

○ intensifier et diversifier l’offre des établissementsmédicosociaux ;

● en août 2005, à l’issue d’une réunion interministérielle avecles associations de parents, 800 postes d’auxiliaire de viescolaire (AVS) sont ajoutés, et 8000 postes d’emplois devie scolaire (EVS) sont créés ;

● une cellule d’écoute départementale est installée(02 47 60 44 76 en Indre-et-Loire) ;

● un décret sur le parcours scolaire est en cours.

2. Réseau

Il est constitué de quatre partenaires — famille, école, ser-vice de soins (sanitaire ou médicosocial), commission pour lesdroits et l’autonomie de la personne handicapée (dans le cadredes maisons du handicap) — qui travaillent en partenariat et encoordination :

● évaluation des besoins et des compétences de l’enfant ;● élaboration et mise en œuvre du projet personnalisé de sco-larisation (PPS) ;

● suivi de ce projet en concertation, avec réajustements enfonction des résultats.

3. Objectifs

Les objectifs de l’école et du service de soins se recoupentet sont complémentaires. Il s’agit de favoriser l’adaptationsociale et les apprentissages scolaires.

L’entrée à l’école ordinaire implique que l’enfant soit enmesure de supporter la vie dans un grand groupe, riche en sti-mulations, en changements, en imprévus, en interactions avecdes adultes et des pairs, puis d’accéder aux apprentissagesselon une pédagogie commune au groupe classe. Ces prérequisdoivent auparavant être exercés dans le cadre de petits groupes,dans un environnement matériel, social et éducatif adapté, avecdes stratégies pédagogiques personnalisées fondées sur les sup-ports visuels et concrets avec un étayage individualisé. De tel-les conditions sont réunies dans un service de soins où lesobjectifs éducatifs et thérapeutiques, définis à l’issue d’uneévaluation précise et multidisciplinaire des capacités et des

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besoins de l’enfant, sont complémentaires des objectifs péda-gogiques.

Ainsi, dans le cadre de l’hôpital de jour, une enseignantespécialisée à temps plein est mise à disposition par l’éducationnationale, La scolarisation est ainsi intégrée dans le service desoins, ce qui permet :

● l’évaluation de l’émergence des prérequis scolaires ;● la prise en charge pédagogique adaptée, sur des temps adap-tés aux capacités d’attention et de concentration de l’enfant,avec un étayage favorisant la mise en œuvre des capacités,en individuel ou en petit groupe de trois ou quatre enfants,dans un environnement tranquille, une ambiance ludique,avec des supports pédagogiques concrets et visuels, en pre-nant en compte les particularités liées à l’autisme (hétérogé-néité cognitive, particularités du traitement des informa-tions, sensibilité au changement, régulation cognitive etémotionnelle délicate) et en favorisant la confiance en soi del’enfant ;

● la préparation à l’entrée à l’école ;● un temps scolaire en complément du temps à l’écoleordinaire ;

● éventuellement, un relais lorsque la scolarisation en milieuordinaire doit être interrompue ;

● la formation des auxiliaires de vie scolaire ;● les liaisons avec l’institutrice de l’école ordinaire.

Ce travail s’effectue en coordination avec l’équipe de soins(bilan, projet de soins, réunions d’équipe, ateliers communs), lafamille (partenariat et échanges réguliers) et le réseau décrit ci-dessus (au sein des équipes éducatives où le projet est étudié etréactualisé en concertation).

4. Modalités

L’enfant peut être scolarisé en milieu ordinaire (maternelle,primaire, secondaire) ou en classe spécialisée (CLIS autisme)ou en CLIS I (classe spécialisée accueillant des enfants présen-tant un retard intellectuel), puis éventuellement en UPI (secon-daire du premier cycle).

Il peut bénéficier sur demande argumentée d’une aide indi-vidualisée (auxiliaire de vie scolaire) ou d’une aide attribuée àl’école (emploi de vie scolaire).

La répartition entre temps scolaire et temps de soins doitêtre soigneusement étudiée au préalable, en fonction desbesoins de l’enfant, de ses intérêts, de sa capacité à supporterles stimulations sociales, de sa fatigabilité éventuelle, et aussides conditions du groupe classe (nombre d’enfants, ambiancede la classe, conditions matérielles, possibilités d’aide supplé-mentaire…).

Il est indispensable de proposer des conditions d’accueiladaptées et très progressives, en alternance avec les temps desoins. Par exemple, un jeune enfant ayant des intérêts sensori-moteurs pourra être inclus en petite section de maternelle toutd’abord lors d’une activité motrice, durant une ou deux heures,

si possible en groupe limité, avec éventuellement accompagne-ment d’un parent durant les premières séances, Un enfant plusâgé motivé par la lecture d’histoires et le graphisme pourrabénéficier d’un temps scolaire proposant ces activités. Audébut, il est préférable d’éviter les récréations et les temps deregroupement ou de changement de lieu, trop anxiogènes. Puis,en fonction des progrès d’adaptation, le temps scolaire seraaugmenté progressivement et le temps de soins diminué, avecparticipation à des activités de plus en plus variées et auxtemps de regroupement, puis aux sorties extérieures, auxfêtes, etc.

L’adaptation sociale se généralisant à des situations variéeset complexes, les apprentissages scolaires sont favorisés,d’autant plus qu’ils sont préparés en petit groupe dans le ser-vice de soins, L’accès au langage écrit et aux acquisitions logi-comathématiques est fonction de l’évolution des capacitéscognitives de l’enfant (accès à la symbolisation, à l’abstraction,développement du langage oral en communication, capacitésde planification) qui sont exercées dans le cadre du programmethérapeutique du service de soins (ateliers d’éveil cognitif,rééducation de la communication verbale et non verbale…). Ilest favorisé par l’abord pédagogique spécialisé préalable puisconcomitant à la scolarisation en milieu ordinaire.

5. Situation actuelle

La scolarisation en milieu ordinaire étant maintenant facili-tée par les conditions législatives, le nombre d’enfants autistesscolarisés à l’extérieur du centre de pédopsychiatrie est enconstante augmentation (50 % en 2003, 72 % en 2006).

Les très jeunes enfants sont maintenant intégrés en halte-garderie en alternance avec les soins, ce qui permet d’entraînertrès tôt l’adaptation sociale en milieu ordinaire, dans un groupeencore restreint avec étayage éducatif. L’entrée à l’école estainsi préparée comme pour tout autre enfant.

L’objectif socialisation est au premier plan lors de l’entrée àl’école (20 % des enfants), puis l’objectif apprentissages sco-laires est considéré (48 %).

Les enfants avec autisme associé à un retard profond et pré-sentant des comportements difficiles ne peuvent être durable-ment accueillis en milieu ordinaire dans des conditions satisfai-santes pour eux (trop grand écart dans les intérêts,hyperstimulation de l’environnement, nécessité de surveillanceconstante, risques pour leur sécurité). L’environnement social,éducatif et pédagogique de type IME (établissement médicoé-ducatif) apparaît alors plus approprié.

Pour les enfants ayant bénéficié d’une scolarisation enmaternelle, se pose la question délicate des possibilitéslorsqu’ils atteignent sept ans, après l’année supplémentaire enmaternelle. Certains peuvent accéder au CP dans des condi-tions aménagées.

D’autres enfants (12,5 %) nécessitent des conditions de typeCLIS autisme (petite école ; classe spécialisée avec soutienindividualisé pédagogique, orthophonique et éducatif au seinde la classe ; supports spécifiques : aides visuelles, manipula-tions concrètes, séquences brèves…).

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Enfin, certains enfants ont développé des capacités socialeset d’adaptation pratique, mais les difficultés d’abstractionnécessitent pour la poursuite des apprentissages scolaires desméthodes pédagogiques fondées sur le concret, avec unétayage suffisant, telles que celles proposées dans le cadred’un établissement médicoéducatif.

6. Avantages

La scolarisation en milieu ordinaire a bien sûr pour avanta-ges principaux l’intégration dans la société, le développementd’aptitudes sociales et l’adaptation à un grand groupe, ainsi quel’accès aux apprentissages scolaires.

Les conditions actuelles permettent beaucoup de souplessedans les modalités, grâce aussi à la bonne volonté de tous, unsuivi rigoureux des projets de scolarisation et une bonne colla-boration parents–professionnels.

7. Difficultés

Elles doivent être bien repérées pour pouvoir être évitées ousurmontées. Elles sont liées :

● aux conditions d’environnement (très grand groupe, hyper-stimulation sensorielle, changements, imprévisibilité, inter-actions complexes, rythme de vie, prise de conscience parl’enfant de sa différence) source d’incompréhension,d’anxiété, de fatigue, donc de souffrance avec éventuellesréactions comportementales ;

● aux besoins d’assistance éducative individualisée (AVS ouEVS en nombre insuffisant, question de leur formation) ;

● aux contraintes administratives : impossibilité de maintenirun enfant en maternelle en raison de son âge, absence deCLIS autisme dans notre département ;

● à la diminution du temps de soins, qui devient condensé,donc plus fatigant pour l’enfant, et plus difficile àorganiser ;

● à la charge de travail pour l’école comme pour le service desoins (liaisons, coordinations, formations).

8. Conclusion

Une intégration scolaire réussie repose sur certainesconditions :

● évaluer les indications et les risques ;

● préciser les objectifs ;● adapter les modalités d’accueil pour éviter lescomplications ;

● tenir compte des besoins de l’enfant, de son niveau de déve-loppement, du seuil de stimulations sensorielles et socialesqu’il peut tolérer, de son rythme ;

● garder des moments de détente et de jeux ;● respecter une progressivité (« lentement mais sûrement »,selon le vieil adage) pour laisser l’enfant s’habituer et pren-dre des repères ;

● maintenir les interventions éducatives et thérapeutiques(indispensables complémentarités) ;

● développer les aides éducatives individualisées au sein de laclasse ;

● aménager le relais à l’issue de la maternelle ;

● disposer de classes spécialisées autisme pour les enfantspour lesquels le grand groupe classe convient mal.

En savoir plus

Chossy JF. La situation des personnes autistes en France. Besoins et Perspec-tives. 2003.

Andre S. La scolarisation des personnes handicapées. Actualités sociales heb-domadaires 2005;2413:19–24.

Faucheux F. La loi du 11 février 2005 pour l’égalité des droits des personneshandicapées. Bulletin d’information du CREAI Bourgogne 2005;247:5–17.

Prise en charge des personnes atteintes d’autisme et de troubles envahissantsdu développement. Bulletin officiel no 15 du 14 avril 2005 2005.

Beaugerie-Perrot A, Lelors G. Intégration scolaire et autisme. Paris: PUF;1991.

Lenoir P, Malvy J, Bodier-Rethore C. L’autisme dans la société-Intégrationscolaire. In: L’autisme et les troubles du développement psychologique.Paris: Masson; 2003. p. 237–40.