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SEURAT

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Alexandrian

SEURAT

Flammarion

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Collection dirigée par : MADELEINE LEDIVELEC-GLOECKNER

IMPRIMÉ EN ITALIE - INDUSTRIE GRAFICHE CATTANEO S.P.A., BERGAMO @ 1990 - BONFINI PRESS ESTABLISHMENT, VADUZ, LIECHTENSTEIN

Tous DROITS DE DISTRIBUTION POUR LA LANGUE FRANÇAISE RÉSERVÉS À LA LIBRAIRIE FLAMMARION, PARIS ISBN : 2-08-011557-X

ISSN : 0989-389X

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OUVRIERS ENFONÇANT DES PIEUX, vers 1881 Huile sur bois, 14,5 x 24 cm. Collection particulière

L'oeuvre et la personne de Seurat ont fait l'objet d'une méprise qu'il dénonça lui-même de son vivant, et dont il s'agaça d'autant plus qu'elle venait de ses admirateurs qui lui supposaient des intentions contraires à son tempérament. On eut tendance d'emblée à le tenir pour un peintre de la réalité poétique, à cause de ses dessins empreints d'une atmosphère de féerie nocturne, de ses toiles dégageant un charme hiératique avec leurs personnages compassés, leurs touches formant une mosaïque de points multicolores. Les responsables de cette opinion furent les écrivains symbolistes, surtout Gustave Kahn, pionnier du vers libre dans «Les Palais nomades» (1886), lequel prétendit que la «théorie du contraste» en art néo-impressionniste était l'équivalent plastique de la «théorie du discontinu» en poésie décadente, et déclara : «Seurat ressentait profondément devant les conven- tions du tableau quelques-unes des angoisses qui troublaient Mallarmé devant la structure

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du livre et sa succession de pages». Jules Christophe, le premier biographe de Seurat, le qualifia par ailleurs de «chromatiste wagnérien», si bien que celui-ci s'inquiéta, auprès de ses proches, de savoir en quoi il rappelait Mallarmé ou Wagner ; il se croyait uniquement le créateur d'une «formule optique», apportant la solution d'un problème que s'étaient posés Watteau et Delacroix. Même Lucie Cousturier, qui participa au Néo- Impressionnisme, dit dans l'ouvrage qu'elle écrivit sur son maître : «Seurat procède comme les poètes ».

Les surréalistes confirmèrent ensuite une telle opinion : en 1938, dans «Minotaure», le Dr. Pierre Mabille identifia les dessins de Seurat aux hallucinations d'un dormeur éveillé qui, l'œil embué de «la rosée du rêve», découvre un univers où «les fantômes cristallisent leur fluidité» ; André Breton, plus tard, glorifia «l'esprit de Seurat (tourné vers l'intérieur) s et mit Le Chahut (voir page 7) au nombre des réalisatins de l'art magique, exerçant un pouvoir de fascination totale. Personnellement, j'ai aussi compté Seurat parmi les précurseurs du Surréalisme, à un moindre titre que Gustave Moreau, dans mon livre «L'Art surréaliste» : mais j'estime que son vrai mérite, en dépit de ses visions involontairement oniriques, est d'avoir conduit au Cubisme, à l'abstraction d'après nature, aux recherches visuelles du Bauhaus. Seurat est l'inventeur du chromo-luminarisme, et l'introducteur en peinture de la méthode expérimentale revendiquée en science par Claude Bernard : c'est sous ce rapport exclusif qu'il convient de l'étudier, quitte à mesurer s'il a parfois dépassé son but.

Le milieu familial où naquit Seurat, le 2 décembre 1859 à Paris, n'avait rien de particulièrement propice à l'éclosion d'une vocation d'artiste. Son père Antoine Seurat, longtemps huissier à la Villette, était de l'aveu de tous un personnage bizarre : despote, exigeant qu'on l'appelât «Monsieur l'officier ministériel», dévot jusqu'à la bigoterie, il avait placardé les murs de son appartement d'images pieuses détachées des publications

d'Epinal. Il ne voyait sa femme et ses enfants qu'une fois par semaine, vivant seul le reste du temps au Raincy, à cultiver les fleurs de son jardin ; le dimanche, il célébrait la messe dans le sous-sol de sa maison, flanqué de son jardinier qui lui servait d'enfant de choeur. Paul Signac en a tracé un portrait curieux à Félix Fénéon : «Je dînais souvent avec lui, chez madame Seurat, et en compagnie de Georges, le mardi, jour que ce mari consacrait à son devoir conjugal. Vous savez aussi qu'il était nanti d'un bras mécanique, non de naissance — bien que sa personnalité fût assez forte pour autoriser cette originalité — mais à la suite d'un accident de chasse, je crois bien. A table, il vissait au bout de ce bras des couteaux, des fourchettes qui lui permettaient de découper avec célérité et même emporte- ment, gigots, filets, volailles et gibiers. Il jonglait positivement avec ces armes pointues et acérées et lorsque j'étais son voisin, je craignais fort pour mes yeux. Georges ne prêtait aucune attention à ces exercices de music-hall». La mère de Seurat, bourgeoise douce et conciliante, ne prenait aucune initiative sans y être autorisée par ce maniaque.

Les parents de Georges avaient eu avant lui un garçon en 1846 et une fille en 1847, avec qui il ne se sentit guère d'affinités. De son frère Émile Seurat, auteur dramatique dont la production se borna à deux comédies en un acte, «Le terrible Berniquet» (celle-ci représentée en 1885 au théâtre Cluny) et «Le Dentiste s.v.p.» (pochade pour le Palais- Royal), il déplorait le caractère superficiel : «Il aime avoir de beaux habits» répétait-il. Sa sœur Marie-Berthe lui était si étrangère que son ami le plus intime ne savait pas même qu'elle existait ; mais lorsqu'elle deviendra la femme du maître verrier Léon Appert, il offrira au couple quelques-unes de ses œuvres. Dans son enfance, Georges se plaisait è fréquenter son oncle Paul Haumonté-Faivre, qui possédait le magasin de nouveautés «Au Père de famille», 48 avenue des Ternes ; celui-ci, peintre amateur, l'emmenait avec lui quand il allait peindre des paysages aux environs de Paris.

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LE CHAHUT, 1889-1890. Huile sur toile, 171,5 x 140,5 cm. Rijksmuseum Krôller-Miiller, Otterlo, Pays-Bas

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PORTRAIT D'AMAN-JEAN, 1882-1883. Crayon Conté, 62,3 x 47,6 cm. The Metropolitan Museum of Art, New York. Don de Stephen C. Clark

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Avant même d'avoir terminé ses études au collège, Seurat suivit les cours du soir d'une école de dessin, dirigée par le sculpteur Jules Lequien, qui pendant trois ans lui fit dessiner des détails d'anatomie d'après des moulages de l'antique. On a conservé de Seurat des nus masculins d'un relief vigoureux, faits entre 1875 et 1877, soit des copies de statues comme l'Antinoüs, soit des académies de modèles professionnels. Ce fut à ces cours qu'il rencontra Edmond Aman-Jean, le grand complice de ses années d'apprentissage. Les deux amis furent reçus en 1878 au concours de l'École des Beaux-Arts, et entrèrent dans l'atelier d'Henri Lehmann, un élève d'Ingres, «n'ayant d'Ingres que le côté pion, et jamais le mot qui ouvre l'espace et fait faire un pas aux jeunes gens» (prétendit Aman-Jean). Je crois, malgré tout, que Seurat a subi l'influence de Lehmann plus qu'on ne l'a dit : alors âgé de soixante-quatre ans, ce portraitiste mondain mis à la mode sous Louis-Philippe par son portrait de la princesse Belgiojoso, était aussi un fresquiste qui avait décoré la Salle des fêtes de l'Hôtel de Ville (où ses cinquante-six panneaux, évoquant les travaux de l'homme à travers les siècles, furent détruits sous la Commune) et deux hémicycles du Palais du Luxembourg. Puriste au point de faire effacer sa décoration de Sainte-Clotilde, après l'avoir réalisée, la jugeant indigne de lui, on le comparait pour ses manières altières à un prince allemand (il était natif de Kiel). Seurat lui dut son culte d'Ingres et son goût des lectures techniques : en effet, Lehmann lisait beaucoup et s'était donné une éducation scientifique.

A cette époque le jeune homme dessina des nus d'après le modèle vivant, fit des copies d'Ingres ou de Ghiberti au Louvre, dans la facture linéaire que lui enseignait Lehmann, et ne cessa de compulser des livres d'art à la bibliothèque de l'Ecole. Il avait déjà lu au collège, selon son propre témoignage, la «Grammaire des Arts du dessin» de Charles Blanc, afin d'apprendre «les lois qui doivent guider le peintre dans le jeu des couleurs». Il s'y était familiarisé avec les notions de clair-obscur, de couleurs complémentaires, d'achromatisme, de mélange optique, de

vibration des couleurs, de couleur de la lumière. Il y avait relevé les découvertes de Humbert de Superville sur «les signes inconditionnels de l'art» et de Chevreul sur «la loi du contraste simultané». Il revint sur ces principes, les illustra par des travaux personnels que n'approuva pas Lehmann, qui le classa quarante-septième sur quatre-vingt lors de son entrée en deuxième année, le 18 mars 1879.

Cherchant à se perfectionner, Seurat et Aman-Jean louèrent en commun un atelier rue de l'Arbalète, où ils passèrent les après-midi à dessiner ou à peindre des natures mortes, des études d'hommes ou de femmes. C'est là qu'il fit ses premiers tableaux, représentant sa cousine Berthe, une baigneuse au rideau bleu, des fleurs dans un vase. C'est là aussi qu'il exécuta son Portrait d'Aman-Jean (voir page 8), pour rivaliser avec les portraits à la mine de plomb d'Henri Lehmann, fort réputés (comme ceux de David d'Angers et de Lamennais). Tandis que son professeur présentait ses personnages de face, sans ombre, et ne remplissait que de quelques fines hachures l'intérieur des contours, Seurat met le sien de profil, peignant à son chevalet, et sculpte son corps dans une masse de noir. On date généralement ce dessin de 1882, mais Aman-Jean lui-même a dit à Gustave Coquiot qu'il avait été fait à l'atelier de la rue de l'Arbalète. Du reste, les coups de crayon n'y sont pas comparables aux frottis des dessins contrastés de 1882, et rappellent au contraire les recherches de clair-obscur d'un Nu de 1879 (voir page 11), dont la silhouette se détache en blanc sur fond noir, à l'inverse de celle d'Aman-Jean. Ces deux dessins, d'un plus grand format que les autres, ont certainement été réalisés la même année, afin de vérifier ce que dit Charles Blanc sur «l'unité du clair-obscur», résultant de l'accord d'une partie claire principale et d'une partie sombre dominante.

En octobre 1879, engagé volontaire pour un an, Seurat partit faire son service militaire à Brest. Pendant ce temps, il dessina dans un carnet (dont il ne reste plus que cinquante- six feuillets), parfois aux crayons de couleur,

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S E U R A T

Alexandrian En une dizaine d'années - le temps que dura sa carrière -

Georges Seurat (1859-1891) a su s'imposer comme le chef de file des néo-impressionnistes. S'inspirant de la théorie du mélange optique des couleurs, il s'est attaché à apporter un fondement scientifique aux recherches chromatiques de ses prédécesseurs.

Grâce à sa touche pointilliste qu'il a portée jusqu'à un divi- sionnisme intégral, son art s'affirme comme une des premières tentatives modernes de fonder une peinture entièrement homo- gène sur des principes objectifs. À ce titre, son œuvre révolution- naire influença une grande partie de l'avant-garde du XXe siècle.

Ci-dessus: Maximilien Luce,

Portrait de Seurat peignant, 1890. Lithographie.

Bibliothèque nationale, Paris.

Poseuse de profil. Étude pour Les Poseuses, 1886-1887, détail.

Huile sur bois, 24x15 cm. Musée d'Orsay, Paris.

Photo Réunion des m usées nationaux.

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