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J Fr. Ophtalmol., 2007; 30, 8, 807-813 © 2007. Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés 807 ARTICLE ORIGINAL Stabilité à – 20 °C des collyres antibiotiques renforcés (amikacine, ceftazidime, vancomycine) V. Chédru-Legros (1), M. Fines-Guyon (2), A. Chérel (1), A. Perdriel (1), F. Albessard (3), D. Debruyne (3), F. Mouriaux (4) (1) Pharmacie Hospitalière, Centre Hospitalier Universitaire, Caen. (2) Service de Microbiologie, Centre Hospitalier Universitaire, Caen. (3) Service de Pharmacologie, Centre Hospitalier Universitaire, Caen. (4) Service d’Ophtalmologie, Centre Hospitalier Universitaire, Caen. Correspondance : V. Chédru-Legros, Pharmacie Hospitalière, CHU de Caen, avenue de la Côte de Nacre, 14033 Caen CEDEX. E-mail : [email protected] Reçu le 6 avril 2007. Accepté le 23 juillet 2007. Fortified antibiotic (vancomycin, amikacin and ceftazidime) eye drop stability assessment at –20 °C V. Chédru-Legros, M. Fines-Guyon, A. Chérel, A. Perdriel, F. Albessard, D. Debruyne, F. Mouriaux J. Fr. Ophtalmol., 2007; 30, 8: 807-813 Introduction: Fortified antibiotic ophthalmic solutions are regularly administered as an immediate treatment for bacterial keratitis. Fortified antibiotics used to be self-prepared by nurses. To solve this problem, pharmacy staff studied the stability of three 5% solutions of vancomycin, amikacin, and ceftazidime prepared in aseptic conditions from parenteral anti- biotic solutions. Material and methods: Solutions were frozen at –20 °C. Each solution were examined before storage and over a 75-day period. Ceftazidime and amikacin were diluted in 0.9% sodium chloride and vancomycin in 5% dextrose. Over a 75-day period, physical and pharmacological (absorbance spectra) properties and the sterility of each stock solution were studied. Results: The pH of amikacin (6.51), ceftazidime (6.47), and vancomycin (3.77) remained stable during the 75-day period. Osmolarities also remained stable (367, 488, and 351 mOsm/L, respectively). There were no significant differences in the concentration, osmolarity, and pH of the three antibiotic solutions before storage and after 75 days of freezing. Over a 75-day period, the stability of amikacin, ceftazidime, and vancomycin remained constant; no contam- ination was detected before storage and after 75 days. Conclusion: Topical fortified antibiotic solutions can be stored for 75 days at –20 °C (15 days quarantine). After this time, these eye-drops should be stored at 4 °C and should be discarded after 3 days. Key-words: Ophthalmic solution, antibiotics, pharmaceutical preparations, stability, freezing. Stabilité à – 20 °C des collyres antibiotiques renforcés (amikacine, ceftazidime, vancomycine) Introduction : La kératite bactérienne nécessite un traitement d’urgence par un ou des collyres antibiotiques renforcés. Cependant la disponibilité de ce type de collyre pose pro- blème car ils sont habituellement préparés de façon extemporanée à la demande. Notre objectif est de mettre en place et de valider une fabrication de « masse » par la pharmacie, conforme aux Bonnes Pratiques de Préparations, et de limiter les contraintes organisation- nelles. Matériels et méthodes : Trois antibiotiques ont été retenus : ceftazidime à 5 % (50 mg/ml), amikacine à 5 % (50 mg/ml) et vancomycine à 5 % (50 mg/ml). Les collyres ont été préparés en salle blanche, puis stockés à – 20 °C pendant 75 jours. Durant cette période, des contrôles physico-chimiques, pharmacologiques et bactériologiques ont été réalisés. Résultats : L’utilisation de ceftazidime à 5 % dans du chlorure de sodium à 0,9 %, de l’ami- kacine à 5 % dans du chlorure de sodium à 0,9 % et de la vancomycine dans du glucose à 5 % permettent d’obtenir un pH respectivement de 6,47, de 6,51 et de 3,77 et une osmolalité respectivement de 488 mOsm/L, de 367 mOsm/L et de 351 mOsm/L, valeurs acceptables pour INTRODUCTION La kératite bactérienne (ou abcès de cornée) est une urgence thérapeuti- que. Une prise en charge précoce permet de limiter ou d’éviter la sur- venue de complications graves, sour- ces de séquelles visuelles définitives. On dénombre environ 5 000 cas an- nuels en France [1]. L’utilisation très largement répandue des lentilles de contact explique la fréquence crois- sante des kératites bactériennes. Un très grand nombre de bactéries peuvent provoquer une kératite. Les staphylocoques, les streptocoques, Pseudomonas aeruginosa et les enté- robactéries sont à l’origine de 90 % des kératites bactériennes. L’analyse en lampe à fente permet de confir- mer le diagnostic, voire d’orienter vers un germe spécifique, d’identifier les facteurs de risque en cause et d’apprécier la gravité de l’infection. Tous ces éléments sont à prendre en considération dans l’attitude théra- peutique. En cas de kératite bacté- rienne sans facteur de gravité, un traitement par une bithérapie topi- que empirique utilisant des collyres commerciaux suffit. En cas de kéra- tite bactérienne avec des critères de gravité (taille supérieure à 3 mm, central, Tyndall +, précipités rétro- descemétiques…), une hospitalisation avec prescription de collyres renforcés est indispensable [2, 3]. Ces collyres sont fabriqués de façon extempora-

Stabilité à – 20°C des collyres antibiotiques renforcés (amikacine, ceftazidime, vancomycine)

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Page 1: Stabilité à – 20°C des collyres antibiotiques renforcés (amikacine, ceftazidime, vancomycine)

J Fr. Ophtalmol., 2007; 30, 8, 807-813

© 2007. Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés

807

ARTICLE ORIGINAL

Stabilité à – 20 °C des collyres antibiotiquesrenforcés (amikacine, ceftazidime, vancomycine)

V. Chédru-Legros (1), M. Fines-Guyon (2), A. Chérel (1), A. Perdriel (1), F. Albessard (3), D. Debruyne (3), F. Mouriaux (4)

(1) Pharmacie Hospitalière, Centre Hospitalier Universitaire, Caen.(2) Service de Microbiologie, Centre Hospitalier Universitaire, Caen.(3) Service de Pharmacologie, Centre Hospitalier Universitaire, Caen.(4) Service d’Ophtalmologie, Centre Hospitalier Universitaire, Caen.Correspondance : V. Chédru-Legros, Pharmacie Hospitalière, CHU de Caen, avenue de la Côte de Nacre, 14033 Caen CEDEX. E-mail : [email protected]çu le 6 avril 2007. Accepté le 23 juillet 2007.

Fortified antibiotic (vancomycin, amikacin and ceftazidime) eye drop stability assessment at –20

°

C

V. Chédru-Legros, M. Fines-Guyon, A. Chérel, A. Perdriel, F. Albessard, D. Debruyne, F. Mouriaux

J. Fr. Ophtalmol., 2007; 30, 8: 807-813

Introduction:

Fortified antibiotic ophthalmic solutions are regularly administered as animmediate treatment for bacterial keratitis. Fortified antibiotics used to be self-prepared bynurses. To solve this problem, pharmacy staff studied the stability of three 5% solutions ofvancomycin, amikacin, and ceftazidime prepared in aseptic conditions from parenteral anti-biotic solutions.

Material and methods:

Solutions were frozen at –20

°

C. Each solution were examined beforestorage and over a 75-day period. Ceftazidime and amikacin were diluted in 0.9% sodiumchloride and vancomycin in 5% dextrose. Over a 75-day period, physical and pharmacological(absorbance spectra) properties and the sterility of each stock solution were studied.

Results:

The pH of amikacin (6.51), ceftazidime (6.47), and vancomycin (3.77) remained stableduring the 75-day period. Osmolarities also remained stable (367, 488, and 351 mOsm/L,respectively). There were no significant differences in the concentration, osmolarity, and pHof the three antibiotic solutions before storage and after 75 days of freezing. Over a 75-dayperiod, the stability of amikacin, ceftazidime, and vancomycin remained constant; no contam-ination was detected before storage and after 75 days.

Conclusion:

Topical fortified antibiotic solutions can be stored for 75 days at –20

°

C (15 daysquarantine). After this time, these eye-drops should be stored at 4

°

C and should be discardedafter 3 days.

Key-words:

Ophthalmic solution, antibiotics, pharmaceutical preparations, stability, freezing.

Stabilité à – 20

°

C des collyres antibiotiques renforcés (amikacine, ceftazidime, vancomycine)

Introduction :

La kératite bactérienne nécessite un traitement d’urgence par un ou descollyres antibiotiques renforcés. Cependant la disponibilité de ce type de collyre pose pro-blème car ils sont habituellement préparés de façon extemporanée à la demande. Notreobjectif est de mettre en place et de valider une fabrication de « masse » par la pharmacie,conforme aux Bonnes Pratiques de Préparations, et de limiter les contraintes organisation-nelles.

Matériels et méthodes :

Trois antibiotiques ont été retenus : ceftazidime à 5 % (50 mg/ml),amikacine à 5 % (50 mg/ml) et vancomycine à 5 % (50 mg/ml). Les collyres ont été préparésen salle blanche, puis stockés à – 20

°

C pendant 75 jours. Durant cette période, des contrôlesphysico-chimiques, pharmacologiques et bactériologiques ont été réalisés.

Résultats :

L’utilisation de ceftazidime à 5 % dans du chlorure de sodium à 0,9 %, de l’ami-kacine à 5 % dans du chlorure de sodium à 0,9 % et de la vancomycine dans du glucose à5 % permettent d’obtenir un pH respectivement de 6,47, de 6,51 et de 3,77 et une osmolalitérespectivement de 488 mOsm/L, de 367 mOsm/L et de 351 mOsm/L, valeurs acceptables pour

INTRODUCTION

La kératite bactérienne (ou abcès decornée) est une urgence thérapeuti-que. Une prise en charge précocepermet de limiter ou d’éviter la sur-venue de complications graves, sour-ces de séquelles visuelles définitives.On dénombre environ 5 000 cas an-nuels en France [1]. L’utilisation trèslargement répandue des lentilles decontact explique la fréquence crois-sante des kératites bactériennes. Untrès grand nombre de bactériespeuvent provoquer une kératite. Lesstaphylocoques, les streptocoques,

Pseudomonas aeruginosa

et les enté-robactéries sont à l’origine de 90 %des kératites bactériennes. L’analyseen lampe à fente permet de confir-mer le diagnostic, voire d’orientervers un germe spécifique, d’identifierles facteurs de risque en cause etd’apprécier la gravité de l’infection.Tous ces éléments sont à prendre enconsidération dans l’attitude théra-peutique. En cas de kératite bacté-rienne sans facteur de gravité, untraitement par une bithérapie topi-que empirique utilisant des collyrescommerciaux suffit. En cas de kéra-tite bactérienne avec des critèresde gravité (taille supérieure à 3 mm,central, Tyndall +, précipités rétro-descemétiques…), une hospitalisationavec prescription de collyres renforcésest indispensable [2, 3]. Ces collyressont fabriqués de façon extempora-

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V. Chédru-Legros et coll. J. Fr. Ophtalmol.

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née, en zone à atmosphère contrôlée, sur prescriptionnominative, par les pharmacies hospitalières à partir desantibiotiques destinés à l’usage systémique. Leur conser-vation est en moyenne de 3 à 4 jours à 4

°

C, car dansbien d’autres hôpitaux, les conservations peuvent allerde 7 à plus de 30 jours selon les excipients utilisés, no-tamment pour la vancomycine.

En pratique nous sommes confrontés à l’impossibilitéde produire ces collyres le soir et le week-end, et à desdifficultés organisationnelles. Nous avons donc cherchéà mettre en place un système garantissant une dispo-nibilité permanente des collyres. Une production demasse des collyres renforcés suivie d’une congélation à– 20

°

C nous semble opportune. Les objectifs de ce tra-vail sont de mettre en place et de valider une fabricationconforme aux « Bonnes Pratiques de Préparation à l’Hô-pital » de collyres renforcés congelés stables et efficacespendant une période de 75 jours [4], cette durée cor-respondant à une péremption de deux mois après lalevée de la quarantaine (mise à l’écart de 15 jours, dansl’attente des résultats des contrôles de stabilité).

MATÉRIEL ET MÉTHODES

Choix des collyres renforcés

L’analyse des 71 cas de kératite bactérienne hospitalisésdans le service d’ophtalmologie sur une période de2 ans (octobre 2004 à octobre 2006) et pour lesquellesnous disposions d’un antibiogramme, a montré la pré-pondérance nette des cocci à Gram + (44 cas), suivisdes bacilles à Gram – (21 cas), des cocci à Gram –(4 cas), et d’autres divers germes (3 cas). Au vu des an-tibiogrammes, nous avons choisi pour notre étude troisantibiotiques renforcés : la vancomycine, active sur lesbactéries à Gram +, la ceftazidime active sur les enté-robactéries et sur

Pseudomonas aeruginosa

, et l’amika-cine, aminoside à large spectre, active notamment surles bacilles à Gram +. La concentration à 50 mg/ml pourchaque antibiotique est conforme au dosage proposépar d’autres équipes [3, 5, 6].

Procédé de fabrication

Les collyres renforcés ont été préparés sous hotte à fluxd’air laminaire horizontale (classe ISO 5) dans une salleblanche. Les spécialités injectables ont été mises en so-lution : Amiklin

®

500 mg poudre injectable (Bristol-Myers Squibb), Fortum

®

1 000 mg poudre injectable

(GlaxoSmithKline) et Vancomycine

®

500 mg poudre in-jectable (Dakota Pharm) dans une poche de solvant(Ecoflac

®

de chlorure de sodium 0,9 % ou de glucose5 % (BBraun). Les solutions ont fait l’objet d’une filtra-tion stérilisante (filtre Millipore

®

0,22

μ

m). Les spéciali-tés injectables ont été utilisées plutôt que les matièrespremières en poudre car ces dernières sont venduesnon stériles. Aucun conservateur n’a été ajouté car,d’une part, la Pharmacopée européenne n’y oblige passi le principe actif est doté d’activité antimicrobienne et,d’autre part, il a été montré qu’il n’y avait pas de conta-mination après 4 semaines de stockage à 4

°

C de colly-res antibiotiques renforcés sans conservateur [5]. Lesconservateurs tels que le chlorure de benzalkonium ouencore le thiomersal peuvent provoquer des réactionsallergiques parfois intenses [7]. Leur présence fréquentedans les préparations ophtalmiques actuelles augmentele risque de sensibilisation et en cas d’allergie avérée àl’un de ces composants, les choix thérapeutiques sontalors amoindris. De plus, de nombreuses études mon-trent la toxicité de tels conservateurs pour la surfaceoculaire : ils risquent en effet à terme de favoriser desérosions de la cornée [8]. Il a été démontré que les col-lyres sans conservateur permettent une réduction signi-ficative des effets indésirables oculaires [9]. Les collyresont été conditionnés en flacons en verre blanc de typeI (verre « neutre » car il est sans influence sur le pH desliquides en contact) de 20 ml munis d’un bouchon sou-ple compte-gouttes (Verrerie Flaconnage Agussol), puisstockés au congélateur à – 20

°

C, pendant 75 jours àl’abri de la lumière. Ils ont été décongelés au fur et àmesure de l’étude par mise à température ambiantependant 30 minutes.

Étude de stabilité

Durant cette période, les contrôles de stabilité physique,chimique (dosages en antibiotique) et un test de stérilitéont été réalisés sur les collyres antibiotiques renforcés àintervalles réguliers et en trois points statistiques : à J0,J7, J14, J28, J45, J60 et J75 (sauf pour les contrôlesphysiques qui n’ont été réalisés qu’à J0 et J75). Les col-lyres ont été testés à l’abri de la lumière car la lumièreaugmente le risque de dégradation des principes actifs.Toutes les analyses ont été réalisées en triplicate, etl’analyse de variance a permis de vérifier si les valeursobtenues aux différents temps étaient statistiquementdifférentes (limite de significativité 5 %).

L’étude de stabilité physique a évalué les propriétésphysiques initiales telles que l’aspect de la solution, son

la tolérance oculaire. Au cours des 75 jours, aucune diminution significative des concentrations d’amikacine, de ceftazidime et de vancomycineà – 20

°

C n’a été notée. Tous les collyres étaient stériles du jour de la fabrication jusqu’au 75

e

jour.

Conclusion :

Cette étude montre que la fabrication de « masse » de collyres renforcés congelés à – 20

°

C sur une période de 75 jours est possiblepour l’amikacine, la vancomycine et la ceftazidime. Après dispensation, ils doivent être stockés à 4

°

C et utilisés dans les trois jours.

Mots-clés :

Collyre, antibiotique, préparation pharmaceutique, stabilité, congélation.

Page 3: Stabilité à – 20°C des collyres antibiotiques renforcés (amikacine, ceftazidime, vancomycine)

Vol. 30, n° 8, 2007 Congélation de collyres antibiotiques renforcés

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pH et son osmolalité, qui doivent être maintenues aucours du temps. L’osmolalité d’une solution est la me-sure du nombre de moles de soluté par litre de solvant.Trois solvants ont été comparés (chlorure de sodium0,9 %, Glucose 5 %, ou BSS), ce qui a permis de définirà J0 celui qui est le plus approprié pour la fabrication,la conservation du collyre et pour son application surl’œil. L’amikacine, la ceftazidime et la vancomycine ontété stables dans le chlorure de sodium 0,9 % ou le glu-cose 5 % [10]. Le pH et l’osmolalité des solutions ontété mesurés respectivement avec un pHmètre (PHM210Standard pHMeter MeterLab

®

) et avec un osmomètre(Osmometer Automatic Roebling

®

).L’étude de stabilité chimique a évalué la conservation

de l’intégrité chimique et de la teneur déclarée de cha-que principe actif, qui doivent être maintenues au coursdu temps. La concentration des solutions en antibioti-que a été déterminée par chromatographie liquidehaute performance (HPLC) (colonne Merck RP Select B150 x 4,6 mm, phase mobile KH

2

PO

4

0,05 M/acétoni-trile (V/V : 91/9), débit 2 ml/min,

λ

= 255 nm) pour lescollyres à la vancomycine et à la ceftazidime. Laméthode utilisée pour le dosage de l’amikacine a étél’immuno-enzymologie (appareil FLX

®

, Abbott). À cha-que date, les dosages ont compris une vérification del’identification du principe actif par comparaison destemps de rétention des composés présents dans lessolutions « témoin » des antibiotiques et ceux des so-lutions à examiner, et une détermination de la concen-tration en antibiotique des solutions.

Étude de stérilité

Les collyres doivent être stériles. La stérilité est l’absencede microorganismes viables dans les échantillons pen-dant toute la période de l’étude. La réalisation d’essaisne suffit pas à garantir la stérilité d’un produit, et l’as-surance de la stérilité passe aussi par l’application deprocédés de production et de contrôles validés, d’unpersonnel qualifié et de locaux adéquats. Le test de sté-rilité choisi a fait appel à la méthode de la Pharmacopéeeuropéenne, la filtration sur membrane [11]. Lessouches de germes utilisés pour ce test étaient

Staphy-lococcus aureus

ATCC 29213 pour la vancomycine,

Pseudomonas aeruginosa

ATCC 27853 pour la ceftazi-dime et

Escherichia coli

ATCC 25922 pour l’amikacine.La filtration a été réalisée grâce à une membrane enPVDF hydrophile (fluorure de polyvinylidène), matériauà faible adsorption des antibiotiques et d’épaisseur fine(100

μ

m) de façon à ne pas piéger des résidus inhibi-teurs à l’intérieur de la structure de la membrane aucours de la filtration (plus une membrane est fine, plusle risque d’adsorption est réduit). La taille de pores choi-sie est de 0,45

μ

m car elle retient suffisamment les mi-croorganismes tout en permettant un débit de filtrationélevé sous vide. La membrane que nous avons utiliséeest spécialement conçue pour pouvoir tester la stérilitéde solutions contenant des inhibiteurs de la croissance

microbienne (référence TTHV AB2 10, Millipore). Dansle cas du test de stérilité des solutions antimicrobiennes,afin de se placer dans les conditions les plus favorablesà une croissance bactérienne, la Pharmacopée Euro-péenne recommande de rincer au moins 3 fois le filtreavec un volume d’eau pour préparations injectables(EPPI) au moins équivalent au volume de l’échantillonde collyre (5 ml). Ce rinçage vise à éliminer toute traced’antibiotique sur le filtre qui va être mis en culture etéviter que l’anti-infectieux n’interfère avec la poussed’éventuels germes contaminant le collyre au momentde sa fabrication [11]. Cependant, la Pharmacopée n’apas prévu les modalités de ce test pour les solutionsconcentrées d’antibiotiques : quel volume d’EPPI per-met d’éliminer toute trace d’antibiotique ? Nous avonsdonc cherché à déterminer ces volumes pour les troisantibiotiques. Après le rinçage, la membrane est miseen culture (bouillon trypticase soja) avec un inoculumde 10 à 100 UFC/ml. Les espèces bactériennes ont étéchoisies en fonction du spectre d’activité de l’antibioti-que, ce sont les mêmes que celles choisies pour le testde stérilité :

Staphylococcus aureus

ATCC 29213 pourla vancomycine,

Pseudomonas aeruginosa

ATCC 27853pour la ceftazidime et

Escherichia coli

ATCC 25922pour l’amikacine. Un test de croissance a été réalisé enparallèle utilisant un témoin positif, c’est-à-dire de lagélose ensemencée avec des germes mais sans le collyreantibiotique. Une première lecture des résultats a étéeffectuée 3 jours après incubation des milieux à 30

°

C,puis au bout de 15 jours [12].

RÉSULTATS

Étude de stabilité physique

Le principe d’une antibiothérapie superficielle (surtoutpour les antibiotiques bactéricides temps dépendants)est d’obtenir des concentrations efficaces supérieuresaux concentrations minimales inhibitrices et inférieuresaux concentrations toxiques pendant un temps de contactmaximal qui dépend de la viscosité, du pH, de l’osmolalité,du type de molécule et des adjuvants contenus dans lapréparation. Dans cette étude, le pH et l’osmolalité dessolutions ont été mesurés à J0 et J75

(tableau I)

. Les pHétaient en moyenne de 6,47 pour l’amikacine et de6,50 pour la ceftazidime. Le pH de la vancomycine étaitplus bas avec une moyenne de 4,50. Les résultats del’osmolalité sont présentés dans le

tableau II

. Les pH desantibiotiques dilués dans le BSS étaient plus favorablespour l’œil que ceux dilués dans le chlorure de sodium.Toutefois, le chlorure de sodium et le glucose étant demanipulation plus facile pour une fabrication en série(il existe en poche de 500 ml et 1 000 ml en vue depréparer une solution mère), nous avons donc retenucomme solvants pour l’étude de stabilité chimique, lechlorure de sodium pour l’amikacine et la ceftazidime,

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et le glucose pour la vancomycine (du fait de sa stabilitéau cours du temps meilleure dans ce soluté à + 4

°

C)(communication personnelle). Enfin, la variation de pHentre J0 et J75 était inférieure à 5 % pour l’amikacineet la ceftazidime dans le chlorure de sodium et pour lavancomycine dans le glucose alors qu’elle était supé-rieure à 5 % pour l’amikacine et la ceftazidime dansle glucose et pour la vancomycine dans le chlorure desodium.

Étude de stabilité chimique

Une valeur comprise entre 45 et 55 mg/ml (deux dévia-tions standard de 5 %) signifie que le principe actif eststable. À J75, la perte en principe actif était inférieureà 5 % pour les collyres congelés d’amikacine, ceftazi-dime et vancomycine

(tableau III)

. La déviation standardde la répétabilité des dosages (différence entre trois do-sages répétés du même échantillon de collyre et réalisésdans les mêmes conditions) était de 2,5 % pour la cef-tazidime, de 7,6 % pour l’amikacine et de 2,8 % pourla vancomycine. Les valeurs des mesures répétéesétaient donc concordantes.

Étude de stérilité

Lors de l’étude de validation du test de neutralisation,un trouble du milieu de culture dû à une croissancemicrobienne est observé, identique à celle du témoinpositif, montrant que l’activité antimicrobienne desantibiotiques est complètement éliminée. Les volumesd’EPPI nécessaires pour le rinçage du filtre, afin d’élimi-

ner toute trace d’antibiotique qui pourrait inhiber lacroissance d’éventuel germe, étaient de 300 ml pour lavancomycine, de 500 ml pour la ceftazidime et de750 ml pour l’amikacine. En dessous de ces volumes,aucun trouble n’a été observé, ce qui signifie que l’ino-culum bactérien ne poussait pas. Aucun trouble n’a étéobservé le jour de la fabrication, et à J0, J3, J7, J14, J21,J28, J60 et J75, montrant que tous les collyres étaientstériles

(tableau IV)

. Enfin, les collyres d’amikacine, deceftazidime et de vancomycine à 5 % sont restés stéri-les après décongélation, suivi de 4 jours de simulationd’utilisation.

La péremption des collyres d’amikacine, de ceftazi-dime et de vancomycine à 5 % a donc été fixée à75 jours à – 20

°

C, c’est-à-dire 15 jours de quarantaine,en attente des résultats des contrôles de la préparationet 2 mois de congélation, pendant lesquels les collyressont prêts à être dispensés.

DISCUSSION

Dans les affections bactériennes de l’œil et de ses an-nexes, le plus important est d’affirmer la nature micro-bienne de l’affection et sa gravité. Devant une kératitebactérienne, l’antibiothérapie est indispensable et doitêtre débutée après les prélèvements bactériologiquesen associant deux ou trois antibiotiques. Les collyresrenforcés sont indispensables en cas de kératite sévère.Ils permettent d’obtenir de fortes concentrations cor-néennes d’antibiotiques. Cependant, leur toxicité lo-cale existe et peut être liée au pH ou à l’osmolarité(l’œil tolère des variations de pH allant de 3 à 10 etsupporte sans douleur et sans dommage cellulaire desvaleurs de pression osmotique variant de 240 à550 mOsm/L) et induit très souvent des irritations [13].Les collyres renforcés peuvent provoquer une sensationde brûlure ou un prurit. Dans notre pratique, cette toxi-cité est rare puisque les collyres renforcés ne sont utilisés

Tableau IMoyenne des pH des solutions à J0 et J75 (n = 3).

J0 J75

BSS NaCl 0,9 %

G 5 %

BSS NaCl 0,9 %

Glucose5 %

Amikacine 6,58 6,51 6,34 6,60 6,55 5,94

Ceftazidime 6,46 6,47 6,59 6,55 6,59 6,70

Vancomycine 5,82 4,02 3,77 5,77 3,75 3,72

Tableau IIMoyenne des osmolalités des solutions à J0 et à J75 (n = 3).

J0 J75

BSS NaCl 0,9 %

G 5 %

BSS NaCl 0,9 %

Glucose 5 %

Amikacine 393 367 409 391 358 396

Ceftazidime 521 488 507 497 477 489

Vancomycine 344 331 351 348 325 351

Tableau IIIConcentrations moyennes des antibiotiques des collyres (en mg/ml) (n = 3).

Moyenne (±SEM) des concentrations de principe actif mesurées dans les collyres à – 20 °C

Vancomycine Ceftazidime Amikacine

J0 51,7 ± 05 51,6 ± 1,0 54,7 ± 2,4

J7 47,1 ± 0,3 49,1 ± 0,5 49,4 ± 1,6

J14 52,4 ± 1,3 53,1 ± 0,7 51,2 ± 1,3

J28 52,4 ± 0,3 54,9 ± 1,0 53,8 ± 3,3

J45 51,5 ± 0,8 51,2 ± 0,7 50,9 ± 3,1

J60 46,5 ± 0,3 47,4 ± 0,2 50,1 ± 3,7

J75 50,0 ± 1,1 50,0 ± 0,5 52,6 ± 1,3

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que pendant quelques jours et sont ensuite remplacéspar des collyres commerciaux, adaptés à l’antibio-gramme ou probabilistes. Les antibiotiques par voie gé-nérale sont prescrits uniquement en cas de perforationimminente ou avérée, en cas de sclérite ou endophtal-mie ou si le germe identifié est un gonocoque [2]. Lesstaphylocoques, streptocoques,

Pseudomonas aerugi-nosa

et entérobactéries sont à l’origine de 90 % deskératites bactériennes [1]. La vancomycine est l’anti-biotique de choix pour les infections à Gram +. Laceftazidime est efficace sur les entérobatéries, mêmelorsque celles-ci sont porteuses de pénicillinases de bas,voire de haut niveau, à l’exception des germes porteursde bêta-lactamases à spectre étendu (BLSE). Cette mo-lécule est également active contre

Pseudomonas aeru-ginosa

, notamment sur les souches résistantes à laticarcilline, de plus en plus nombreuses. L’amikacineest un meilleur anti-Gram – que la gentamicine [14].En revanche, ces antibiotiques ne couvrent pas les in-fections à anaérobies, ni les infections fongiques. Nousavons utilisé un dosage à 5 % qui correspond à notrepratique quotidienne et qui est en concordance avecla littérature [3, 5, 6, 14]. L’utilisation d’un dosage à2,5 % peut être discutée. Il n’y a pas de raison qu’undosage à 2,5 % ait une cinétique de dégradation dif-férente.

Nous avons opté pour une congélation des collyresau lieu d’une réfrigération. Les collyres renforcés peu-vent être gardés jusqu’à 1 mois au réfrigérateur avecune stabilité chimique et physique [15-18]. Toutefoiscertaines bactéries, psychrophiles, ont une températureoptimale de développement voisine de 0

°

C. Largementrépandues dans l’environnement (

Pseudomonas aeru-ginosa

,

Acinetobacter, Aeromonas, Cytophaga

, etc.),elles peuvent contaminer et altérer gravement les ali-ments et divers autres produits, même conservés aufroid. La réfrigération ne fait que ralentir la multiplica-tion des germes, alors que la congélation (– 20

°

C) ar-

rête toute multiplication, la transformation de l’eau englace limitant la quantité d’eau disponible pour cesmicro organismes. Nous avons donc choisi de congelerles collyres, décision renforcée par les résultats que nousavions observés lors d’une précédente étude, montrantune perte de concentration entre 4-8

°

C de la solutionde ceftazidime à J60 et un précipité de la vancomycinedès J14 dans du glucose 5 % (communication person-nelle). Dans notre étude, sur la période étudiée de75 jours, aucune variation significative des concentra-tions d’amikacine, de ceftazidime et de vancomycinen’a été observée lorsque les collyres étaient conservéscongelés à – 20

°

C. À notre connaissance, il s’agit dela première étude de validation de péremption aussilongue pour la ceftazidime et l’amikacine, grâce à lacongélation. À – 20

°

C, deux études ont montré la sta-bilité des collyres de vancomycine à 2,5 % pendant28 jours et pendant 3 mois [19, 20]. Heng

et al.

[21]ont congelé des solutions de ceftazidime et de vanco-mycine toutes les deux à 5 % dans du chlorure de so-dium et ont validé la stabilité de ces deux présentationsà 30 jours à – 20

°

C, puis à 4 jours à + 4

°

C après dé-congélation. Dans ces études, l’osmolalité des solutionsdes principes actifs isolés se situait autour de 50 mOsm/Lcar les antibiotiques étaient dilués dans de l’eau stérile.Dans notre étude, les osmolalités des collyres sont d’en-viron 300 mOsm/L, donc plus physiologique, car le chlo-rure de sodium et le glucose ont une osmolalité respectivede 308 mOsm/L et de 278 mOsm/L qui s’ajoute à celledes antibiotiques. Pour le patient ambulatoire, la stéri-lité de ce collyre sans conservateur a été validée pour4 jours de conservation au réfrigérateur à condition quele patient ne mette pas le bouchon tétine du flacon encontact avec son œil. Au delà, même si le collyre restestable chimiquement, la stérilité du flacon une foisouvert n’est plus maîtrisée.

Le choix des tests dans notre méthodologie a étéguidé par la spécificité de fabrication d’un collyre et par

Tableau IVRésultats de l’étude de stérilité.

Amikacine 5 % Ceftazidime 5 % Vancomycine 5 % Témoin positifFlacon

n° 1Flacon n° 2

Flacon n° 3

Flacon n° 1

Flacon n° 2

Flacon n° 3

Flacon n° 1

Flacon n° 2

Flacon n° 3

J0 – – – – – – – – – +

J3 – – – – – – – – – +

J7 – – – – – – – – – +

J14 – – – – – – – – – +

J21 – – – – – – – – – +

J28 – – – – – – – – – +

J60 – – – – – – – – – +

J75 – – – – – – – – – +

– : aucun trouble du milieu de culture, le collyre est stérile ; + : trouble du milieu de culture, le collyre n’est pas stérile.

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V. Chédru-Legros et coll. J. Fr. Ophtalmol.

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le matériel et les méthodes dont nous disposions. L’es-sai défini par la Pharmacopée européenne pour les col-lyres est basé sur la taille des particules, dont nous noussommes affranchis dans cette étude car les solutionsétaient filtrées à 0,22 μm [11]. La filtration sur mem-brane est la technique de choix pour l’essai de stérilité,alors que la méthode par ensemencement direct restepeu utilisée en raison de sa faible sensibilité [22]. Nousavons choisi de faire précéder l’étude de stabilité par ladétermination des volumes d’EPPI pour éliminer toutetrace d’antibiotique, conformément à la Pharmacopée,ces traces d’antibiotique pouvant interférer avec lapousse de germes contaminant le collyre. Lorsque lesvolumes de rinçage sont inférieurs à ceux définis dansnotre étude, l’inoculum bactérien mis en contact avecla membrane de rinçage du collyre ne pousse pas dansle milieu de culture, certainement du fait de l’effet bac-téricide de l’antibiotique resté sur le filtre. Seules troissouches de germes ont été testées au lieu des six re-commandées par la Pharmacopée pour évaluer si l’ac-tivité microbienne a bien été éliminée par le rinçage carles trois germes choisis présentent une grande sensibilitévis-à-vis des antibiotiques de notre étude, contrairementaux garmes anaérobies et aux levures et moisissures. Lesméthodes utilisées pour la quantification des antibioti-ques sont les méthodes couramment utilisées dans lelaboratoire pour le suivi thérapeutique pharmacologi-que. Elles correspondent à une méthode d’immuno-enzymologie pour l’amikacine et deux méthodesspécifiques d’HPLC pour la ceftazidime et la vancomy-cine. Les méthodes de dosage par HPLC présententl’avantage par rapport aux méthodes UV et à l’immu-nopolarisation de fluorescence de séparer les principesactifs de leurs produits de dégradation : lorsque les pro-duits de dégradation sont inactifs sur les germes, lesconcentrations minimales inhibitrices risquent d’aug-menter. Barbault et al. [17] ont dosé les produits dedégradation de la vancomycine par HPLC en phase in-verse, avec une détection en ultraviolet : à + 25 °C, ilsont observé une baisse des concentrations du collyre,significative dès le 3e jour, qui s’est accompagnée d’uneaugmentation significative à J7 dans le collyre de van-comycine du pourcentage de produit de dégradationdépourvue d’activité antibiotique (les CDP1). À + 4 °C,une diminution significative des concentrations de van-comycine (p < 0,1) était apparue à J32. La vancomycinesubit donc une dégradation lente et progressive à lachaleur, et peut-être aussi à basse température au coursdu temps. Dans notre étude, les produits de dégrada-tion de la ceftazidime et de la vancomycine n’ont pasété dosés car aucun autre pic correspondant aux pro-duits de dégradation n’a été observé. Par ailleurs, la pu-reté des échantillons a été contrôlée par barrette d’iode.En ce qui concerne l’amikacine, la méthode d’immu-noenzymologie utilisée n’est malheureusement pas uneméthode d’analyse permettant de séparer le principeactif de ses métabolites ; à défaut d’une autre méthode,nous n’avons donc pas pu les doser.

Le test de stérilité doit être réalisé dans des conditionsaseptiques (sous poste de sécurité microbiologique detype II). Il comporte un risque de contamination acci-dentelle : certains tests de lots que nous avons fabri-qués étaient « positifs » ; mais on ne peut dire s’ils’agissait de lots contaminés ou de faux-positifs liés àune contamination pendant le test. Le test de neutrali-sation de l’effet antibiotique qui précède le test de sté-rilité est un test long à réaliser et il n’est pas toujoursappliqué par les équipes. Défini par la Pharmacopée, ilpermet de réaliser le test de stérilité dans les conditionsles plus défavorables, en éliminant toute trace d’anti-biotique qui resterait dans le filtre suite à la filtration ducollyre. Ing et al. [22] ont mis au point un test de stérilitépar filtration sur membrane, rapide et peu coûteux, quiutilise des consommables couramment disponibles enmilieu hospitalier (seringues, filtre 0,45 μm, rampe defiltration sous vide et pompe péristaltique). Le coût dumatériel consommable est inférieur à celui de notretechnique (10 € au lieu de 20 €). Cependant, dans no-tre méthode, le rinçage du filtre et l’ajout des milieuxde culture s’effectuent en circuit fermé, sans aiguille,sans manipulation de membrane et sans déconnexionde tubulure, avec l’appareil Stéritest® (Millipore). Lamembrane et le produit à tester ne sont ainsi exposésà aucun moment à l’environnement, ce qui permet deréduire les risques de contamination accidentelle, et parconséquent le nombre de faux positifs.

Les trois antibiotiques utilisés ne couvrent pas les in-fections à anaérobies, ni les infections fongiques. Unessai de mise au point d’un collyre à l’amphotéricine Bcongelé a été réalisé, mais s’est heurté au problème dutest de stérilité, le collyre obtenu étant une suspensionet le service d’hygiène ne possédant pas les équipe-ments nécessaires pour réaliser les analyses adaptées àcette formulation galénique (communication person-nelle). Une étude de stabilité d’un collyre renforcé contreles germes anaérobies (métronidazole) est en cours. Lechloramphénicol n’a pas été pas retenu du fait de seseffets indésirables hématologiques dose-dépendants.Nous travaillons aussi sur la possibilité d’associer deuxantibiotiques. En effet, les collyres antibiotiques renfor-cés sont administrés en général toutes les 1/2 heures àtoutes les heures et en théorie à quelques minutes d’in-tervalle les unes des autres, jour et nuit, ce qui est trèscontraignant pour le patient et peut réduire sacompliance. Lin et al. [23] ont comparé la stabilité etl’efficacité de la solution d’un mélange d’amikacine etde vancomycine à la solution des deux principes actifsisolés ; les solutions étaient diluées dans de l’eau stérileet réfrigérées à l’abri de la lumière pendant 14 jours.Aucune différence d’activité in vitro (diamètre d’inhibi-tion) n’a été mise en évidence. L’osmolalité du mélange(environ 200 mOsm/L) était supérieure et se rapprochaitde la zone de tolérance de l’œil. Le nombre d’applica-tions quotidiennes était réduit d’un tiers. Toutefois, ladurée de stabilité du mélange n’a été validée que sur14 jours. Une étude ultérieure de stabilité d’un mélange

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congelé pourrait être menée, ce qui permettrait parexemple, de réaliser le mélange d’amikacine et de van-comycine extemporanément. Dans ce travail, nousn’avons pas évalué l’activité antibiotique in vitro. Nousle ferons prochainement pour une étude complémen-taire évaluant la pertinence de congélation pendant unedurée de 180 jours.

CONCLUSION

La durée de péremption des collyres à la ceftazidime5 %, à la vancomycine 5 % et à l’amikacine 5 % estétendue à 75 jours. Après dispensation, ils doivent êtreutilisés dans les quatre jours et stockés à 4 °C. La fabri-cation en salle blanche de collyres antibiotiques renforcéslimite les contraintes organisationnelles, l’extension depéremption permet des fabrications moins fréquentes deséries plus importantes. Les infirmières et les médecinssont satisfaits puisque la préparation de ces solutions, ef-fectuée auparavant sur paillasse dans le service de soins,est réalisée maintenant à la pharmacie dans des condi-tions contrôlées. L’évolution du nombre de collyres fabri-qués par notre pharmacie est en constante croissance. En2004, 197 collyres ont été fabriqués, 24 ont été adminis-trés et les autres ont servi à l’étude de validation. En2005, 444 collyres ont été fabriqués, 245 utilisés ont étéadministrés, 175 ont servi à une étude d’extension de lapéremption et 24 « périmés » ont été jetés. Les collyressont soit dispensés pour des patients hospitalisés, soit ré-trocédés pour des patients ambulatoires. Le coût d’uncollyre intègre celui des matières premières, du temps defabrication et celui des contrôles physiques, chimiques,et microbiologiques effectués sur chaque série fabriquée.Le coût de traitement actuel se situe aux alentours de15 € le collyre pour 4 jours de traitement. Ce coût peutparaître élevé, mais il est la conséquence d’une pré-paration réalisée stérilement, suivie de contrôles defabrication, tout en permettant une mise à disposi-tion immédiate du collyre.

Remerciements : Nous remercions Monsieur le Profes-seur Le Coutour, chef de service du laboratoire d’hy-giène de l’hôpital, pour les tests de stérilité effectuéspar son personnel.

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