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Ecole Laboratoire Eo UANAWA Nahonole Environnement Supéneure et Poiytechnique, Sciences de I'Eou L Compostage des déchets, BP 8390 Yaoundé Comeroun E-inail : [email protected] urbains au Cameroun:[ Es, NGNilrnM Une solution pour la réduction, des émissions de gaz à effet del ERA-Cameroun, BP 3356 Yaoundé - Messa c. UCHOUNGANG ERA-Cameroun, BP 3356 Yaoundé - Messa serre La façon dont les déchets sont traités est en rela- tion directe avec la production des gaz à effet de serre. Les déchets urbains en particulier font I'ob- jet de divers modes de traitement. Leur gestion mobilise différents types d'acteurs mais le rôle de chacun n'est pas toujours bien défini. Le cas du Cameroun, de par sa diversité, constitue un exemple permettant d'analyser la relation existant ' entre la gestion des déchets urbains et la réduc- tion des émissions de gaz à effet de serre. Plusieurs solutions ont été essayées au Cameroun dans diverses localités : le compostage décentrali- dans le nord Garoua, 250 O00 habitants), dans le sud Yaoundé, 1 000 O00 habitants), dans le sud-ouest Nkongsambo, 100 O00 habi- tants) et dans l'ouest Bafoussam et Bafang, 200 000 et 40 000 habitants). t'analyse de ces diffé- rentes expériences nous permet de répondre à la préoccupation première de cet article, à savoir montrer qu'une gestion rationnelle des déchets urbains peut contribuer à la réduction des émis- sions de gaz à effet de serre. Mots clés : Compostage, traitement des déchets, gaz à effet de serre. URBAN WASTE MANAGEMENT IN CAMEROON : PROSPECTS FOR GREENHOUSE GAS MlTlGATlON The way waste is managed directly affects the pro- duction of greenhouse gases. Urbon waste in parti- cular is dealt with in a varied number of ways. in fact, the management of urban woste involves diffe- rent types of actors whose individual role is not always well defined. The case of Cameroan, by its diversity, is an example which enables an analysis of the link that may exist between the management of urban waste and the mitigation of greenhouse. A number-of salutions have been tried in Cameroon in many cities; mainly in the north (Garoua, 250 O00 inhabitants), the sauth (Yaoundé, 1 O00 O00 inhabitants), the littoral (Nkongsamba, 100 O00 inhabitants) and the West (6afoussam and Bafang, 200 000 and 40 O00 inhabitants). The analysis of these different experiences enables us to answer the prime concern of this paper, namely to show, with the case study of Cameraon, that the management of urban waste may contribute to the mitigation of greenhouse gas generation. Key words : Composting, waste management, greenhouse gases.. . SUD SCIENCES & TECHNOLOGIES N O 6 - novembre 2000

Sud sciences et technologie n°06

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Ecole Laboratoire Eo UANAWA Nahonole Environnement Supéneure et Poiytechnique, Sciences de I'Eou L Compostage des déchets, BP 8390 Yaoundé Comeroun

E-inail : [email protected] urbains au Cameroun:[

Es, NGNilrnM Une solution pour la réduction, des émissions de gaz à effet del

ERA-Cameroun, BP 3356 Yaoundé - Messa

c. UCHOUNGANG ERA-Cameroun, BP 3356 Yaoundé - Messa serre

La façon dont les déchets sont traités est en rela- tion directe avec la production des gaz à effet de serre. Les déchets urbains en particulier font I'ob- jet de divers modes de traitement. Leur gestion mobilise différents types d'acteurs mais le rôle de chacun n'est pas toujours bien défini. Le cas du Cameroun, de par sa diversité, constitue un exemple permettant d'analyser la relation existant ' entre la gestion des déchets urbains et la réduc- tion des émissions de gaz à effet de serre. Plusieurs solutions ont été essayées au Cameroun dans diverses localités : le compostage décentrali- sé dans le nord (à Garoua, 250 O00 habitants), dans le sud (à Yaoundé, 1 000 O00 habitants), dans le sud-ouest (à Nkongsambo, 100 O00 habi- tants) et dans l'ouest (à Bafoussam et Bafang, 200 000 et 40 000 habitants). t'analyse de ces diffé- rentes expériences nous permet de répondre à la préoccupation première de cet article, à savoir montrer qu'une gestion rationnelle des déchets urbains peut contribuer à la réduction des émis- sions de gaz à effet de serre.

Mots clés : Compostage, traitement des déchets, gaz à effet de serre.

URBAN WASTE MANAGEMENT IN CAMEROON : PROSPECTS FOR GREENHOUSE GAS MlTlGATlON

The way waste is managed directly affects the pro- duction of greenhouse gases. Urbon waste in parti- cular is dealt with in a varied number of ways. in fact, the management of urban woste involves diffe- rent types of actors whose individual role is not always well defined. The case of Cameroan, by its diversity, is an example which enables an analysis of the link that may exist between the management of urban waste and the mitigation of greenhouse. A number-of salutions have been tried in Cameroon in many cities; mainly in the north (Garoua, 250 O00 inhabitants), the sauth (Yaoundé, 1 O00 O00 inhabitants), the littoral (Nkongsamba, 100 O00 inhabitants) and the West (6afoussam and Bafang, 200 000 and 40 O00 inhabitants). The analysis of these different experiences enables us to answer the prime concern of this paper, namely to show, with the case s t u d y of Cameraon, that the management of urban waste may contribute to the mitigation of greenhouse gas generation.

Key words : Composting, waste management, greenhouse gases.. .

SUD SCIENCES & TECHNOLOGIES N O 6 - novembre 2000

Dans les principales villes du Cameroun, la gestion des déchets urbains connaît de sérieuses diffi- cultés depuis 1990 qui se mani- festent à plusieurs niveaux :

1/ au niveau financier, les recettes générées par la taxe d’enlèvement des ordures ména- gères représentent à peine 10% des besoins. De plus 1’Etat n’est plus en mesure d’apporter des subventions pour combler le déficit;

2/ au niveau institutionnel, nous avons une multiplicité d’interve- nants sans que le rôle de chacun soit clairement défini;

3/ au niveau technique, les diffé- rentes commissions de réflexion mises sur pied par le gouveme- ment en 1993 et en 1995 ont pro-

posé des solutions qui tardent à être mises en œuvre, du fait des nombreux préalables auxquels 1’Etat et les municipalités doivent faire face.

Les plus grands producteurs de déchets restent les ménages, les marchés et les industries, la pro- duction des déchets hospitaliers étant marginale (Vermande et al., 1994 et 1995). Nous présentons la situation actuelle suivant le type de déchets.

Un inventaire de la production des déchets industriels a été réali- sé à Douala en 1995 et Yaoundé en 1997 (Ngnikam et al., 1997), (Vermande et al., 1994 et 1995). A l’issue de ce travail, nous par- venons aux résultats suivants :

- à Yaoundé, la production men- suelle est de 1740 tonnes, dont 1570 tonnes de déchets indus- triels banals (DIB), soit 90% du

gisement des déchets industriels de la ville. Dans cette fraction, nous avons 1050 tonnes par mois de matières fermentescibles dont près de 750 tonnes sont réutili- sées pour l’alimentation animale ou comme amendement orga- nique. La figure 1 fournit la des- tination actuelle des déchets industriels par catégorie ;

- à Douala, la production men- suelle est de 4100 tonnes, soit 49 200 tonnes par an. La frac- tion fermentescible dans les déchets des industries de Douala est moins importante qu’à Yaoundé (42% contre 60% pour le cas de Yaoundé) (Ngnikam et al., 1997). D’autres unités industrielles existent de manière isolée dans le pays.

Suivant la destination actuelle des déchets industriels à Yaoundé, nous pouvons dire que la contribution des déchets industriels aux émissions de

1 Production : 18906 tonnesh 1

/ I

Fraction non fermentescible :

7562 tonnes

/

Recyclage matière : 4200 tonnes

,

Mise en décharge : 3362 tonnes

l

Fraction fermentescible : 11344 tonnes

Alimentation animale et amendement : 8 103 tonnes

\

Mise en décharge : 324 1 tonnes

Figure 1 Destination actuelle des déchets industriels à Yaoundé (Ngnikam et al , 1997)

SUD SCIENCES & TECHNOLOGIES N”6- novembre 2000

gaz à effet de serre est faible du fait de ce que près de 70 % de ces déchets sont réutilisés.

L‘hypothèse retenue est que l’évolution du taux de production de déchets par personne a peu varié entre 1993 et 1997. Ainsi l’accroissement de la production des déchets dépend principale- ment de l’accroissement de la population urbaine. A titre d’exemple, la composition des ordures ménagères (O.M.) des villes de Yaoundé et Douala (tab. 1) reflète la nature des déchets ménagers produits dans les villes du sud du pays.

Le taux de production des déchets ménagers est en moyen- ne de 0,85 kghabitant et par jour dans les villes de Douala et Yaoundé et 0,6 kghabitant et par jour dans les villes secondaires

(Ngnikam et al., 1997). Suivant la croissance des populations dans les principales villes, le tableau 2 donne les différentes productions des déchets ména- gers dans quelques villes du Cameroun.

Pour une population urbaine tota- le d’environ 6 O00 O00 d’habi- tants, la production totale des déchets ménagers dans les villes du Cameroun est évaluée à 1 420 O00 tonnes par an. A cette quanti- té, il faudrait ajouter environ 100 O00 tonnes de déchets provenant des marchés, sachant que ce der- nier type de déchets contient 90% de matières organiques (sur brut). Pour l’ensemble du pays, la production des déchets biodé- gradables d’origine industrielle est de 195 O00 tonnes par an. Cette production représente moins de 10% de la quantité des déchets solides générés par les ménages, quantité estimée en

1997 pour l’ensemble des villes du Cameroun à 1 420 O00 tonnes par.an. Il faudrait ajouter à ceci une production des déchets des marchés estimée à 60 O00 tonnes par an (Ngnikam et Tanawa, 1998), soit une production totale des déchets municipaux estimée à 1 480 O00 tonnes par an.

On estime à 1 litre le volume d’excreta rejeté par personne et par jour (MINMEE et CREPA, 1993). Dans les villes, le pour- centage des ménages disposant de toilettes avec chasse d’eau équipées d’une fosse septique est passé de 6’3% en 1976 à 14,6% en 1987, soit une aug- mentation du taux d’utilisation des fosses septiques de 8,7% par an. Le rythme d’augmentation des fosses septiques a baissé

Catégorie 1 1 1 Composition des O.M.’ (Yaoundé) Composition des O.M. (Douala)

Tableau 1. Composition des ordures ménageres de Yaoundé e t Douala (Ngnikam et al., 1997)

’ O.M. : Ordures Ménagères

SUD SCIENCES & TECHNOLOGIES N O 6 - novembre 2000

pendant cette dernière décennie en raison du ralentissement de la production de l’habitat en milieu urbain. Entre 1987 et 1997 nous avons émis l’hypo- thèse que le rythme de crois- sance des fosses septiques a baissé de moitié par rapport à celui de la période 1976 à 1987; il est alors de 4,3%. Ainsi le pourcentage des ménages urbains possédant une fosse septique est estimé à 20%, soit environ une popula- tion de 1’2 millions d’habitants en 1997. Ceci donnerait lieu à une production de 1200 m3 d’excreta par jour sur l’en- semble des villes du pays. Si on considère que ces excreta com- portent 10% de matière sèche, on obtient alors une production annuelle de 44 O00 tonnes de matières sèches par an.

Les quantités de matières sèches séquestrées dans les latrines à fond perdu peuvent être esti- mées à \ i75 000 tonnes par an.

En dehors des deux grandes métropoles Douala et Yaoundé, il n’existe pas de décharge contrô- lée dans presque toutes les villes du Cameroun. La collecte des déchets municipaux s’effectue à un rythme irrégulier et avec du matériel inadapté. Les déchets sont déversés dans la zone de dépression la plus proche du lieu de collecte.

À Douala et à Yaoundé, la situa- tion était presque normale jus- qu’en 1992. Le ramassage était

effectué en régie par la commu- nauté urbaine jusqu’en 1968. Le faible rendement des services municipaux a conduit les deux municipalités à concéder le servi- ce pendant plus de 20 ans à une société d’économie mixte, sur la base d’un marché de gré à gré. Le coût du service de ramassage des ordures est passé progressive- ment de 650 millions de francs CFA à Yaoundé en 1988 à 1’7 milliard en 1992. La progression a été sensiblement la même à Douala pendant cette période (Vermande et al., 1994 et 1995). On est passé d’une gestion cen- tralisée et bien organisée à un découpage de la ville en diffé- rents secteurs, d’abord confiés à des PME avec un bilan de gestion mitigé, puis aux associations dans le cadre du Programme Social d’urgence (PSU) lancé en

Population (1996) Taux de production Production annuelle

Tableau 2. Production des ordures ménagères dans les principales villes du Cameroun (Ngnikam et al., 1997)

SUD SCIENCES & TECHNOLOGIES N ” 6 - novembre 2000

1994 et 1995 dans les deux princi- pales villes du pays. Si ce nouveau système s’avère efficace pour le nettoyage des voies urbaines, son rendement reste modeste en matiè- re de collecte, de transport et de traitement (moins de 10% de la production sont collectés) (MINUH, 1995). En octobre 1998, un contrat a été à nouveau signé entre la Communauté Urbaine de Yaoundé et une entreprise privée, pour assurer la collecte, le trans- port et la mise en décharge des déchets de la ville pour une durée de trois ans.

Le travail qui était effectué, soit en régie municipale directe soit en concession par les entreprises privées, a cessé dans toutes les autres villes excepté à Douala. Une bonne proportion des déchets produits (38% à Yaoundé en 1993) est déversée dans des décharges spontanées inacces- sibles aux camions. Les ordures accessibles sont transportées par des bennes d’entreprises char- gées manuellement. Le recyclage des déchets ainsi produits est très marginal quelle que soit la ville considérée.

La situation des boues des sta- tions d’épuration et des fosses septiques n’est pas meilleure. A titre d’exemple, la ville de Yaoundé, qui est la seule à être dotée par endroits de réseaux col- lectifs possède 11 stations d’épu- rations dont 2 seulement en état de fonctionnement.

Le tableau général que nous venons de présenter paraît bien sombre, cependant, il existe des expériences de gestion des

déchets ayant connu un certain succès, et dont nous pouvons montrer qu’elles ont contribué à la diminution des émissions de gaz à effet de serre (GES). C’est la cas des expériences en cours à Bafoussam (200 O00 habitants) et à Garoua (250 O00 habitants). Les déchets y sont rsgulièrement collectés et traités par composta- ge. Des unités de compostage décentralisées sont distribuées dans la ville, étant entendu que les activités agricoles en milieu urbain ne sont pas négligeables. Les facteurs de réussite de ces actions sont les suivants :

11’ Une forte implication des acteurs locaux dans la prise en charge de leur environnement. Parmi ces acteurs, nous trouvons des ONG internationales, des associations locales de développe- ment, des universitaires et les populations bénéficiaires. Le rôle de 1’Etat étant limité aux actions de facilitation.

2/ Un appui financier apporté par les bailleurs de fonds inter- nationaux qui ont mis les pre- miers fonds nécessaires pour le lancement des opérations et qui continuent de soutenir des actions de vulgarisation.

3/ La fabrication du compost qui est un produit dont les gens avaient besoin pour promou- voir leurs activités agricoles.

4/ Une large publicité autour du produit fabriqué, ce qui s’est traduit par des campagnes de sensibilisation des populations et une labelisation du compost fabriqué.

Avant de présenter les conditions de succès de ces expériences, il est utile de voir les différents gaz à effet de serre qui peuvent être émis suite au traitement des déchets municipaux.

LES ~ M ~ S S I ~ ~ S DES GAZ A

DÉCHETS

EFFET DE SERRE ET FILIERES DE TRAITEMENT DES

Le gaz carbonique émis par le traitement des déchets munici- paux participe au cycle naturel de carbone, car provenant d’une source renouvelable en général. Selon les experts de 1’IPCC2, ces émissions ne doivent pas être comptabilisées dans les évalua- tions des inventaires nationaux de gaz à effet de serre (IPCC, 1996). Les systèmes de traite- ment des déchets municipaux peuvent générer divers gaz à effet de serre, mais nous nous limitons ici à deux principaux gaz en rai- son de leur proportion dans les gaz à effet de serre à un niveau planétaire, leur potentiel de réchauffement et leur capacité de fixation par les forêts : il s’agit du méthane (CH4) et de l’oxyde nitreux (N20).

Le méthane, ayant à poids égal une capacité de réchauffement de l’atmosphère plus élevée que le gaz carbonique (tab.3), il est important d’en identifier les sources et les puits.

Les forêts tropicales semblent absorber du méthane et être capables de le faire disparaître, peut-être par l’intermédiaire de bactéries méthanotrophes. La disparition des forêts tropicales

IPCC : Intergovemmentai Panel on Climate Change

SUD SCIENCES & TECHNOLOGIES NO6 - novembre 2000

. nii

aurait donc, dans le cas présent, pour effet non seulement de réduire les quantités de carbone immobilisées dans les sols et les biomasses, mais aussi de dimi- nuer la capacité d’épuration de l’air chargé de méthane. Mais ce domaine mérite d’être exploré plus en détail avant qu’on puisse en tenir compte dans les bilans globaux.

Les décharges, surtout sous les tropiques humides, sont une source de méthane. On estime qu’une tonne de matière orga- nique sèche peut émettre en une quarantaine d’années environ 225 kg de méthane (Ripatti et Savolainen, 1996)’ soit 4,95 ECO2 (tonne équivalent gaz car- bonique à l’horizon de 100 ans).

Les ordures des villes de Douala et Yaoundé, et même dans la zone humide, contiennent en moyenne 45% de matière sèche (dont 55% de taux d’humidité) et 250 kg de carbone organique par tonne de déchet (Ngnikam et al., 1997). Par ailleurs, une tonne d’0.M. convertie en compost génère environ 333 kg d’amendement organique contenant 170 kg de

carbone.’Une tonne d’0.M. mise en décharge et subissant une fer- mentation méthanique non opti- misée, fournirait dans les condi- tions des villes de Douala et Yaoundé, 83 kg de méthane au bout de 40 ans (Ngnikam et Tanawa, 1998) et il resterait au bout de cette période séquestré dans la décharge environ 25 kg de carbone sous forme organique.

Les feux de forêts à cause de leurs combustions incomplètes émettent également du méthane et du monoxyde de carbone en quantité non négligeable (Menaut, 1993), de même que la carbonisation. Par contre, une bonne combustion de la biomas- se dans des chaufferies modernes peut n’émettre que des quantités insignifiantes de méthane et de monoxyde de carbone (Chartier et Cassin, 1991).

Le Deroxvde d’azote est émis lors de la décomposition de la matière organique contenant de l’azote, lors des épandages d’engrais azoté ou encore par les feux de savane (Menaut, 1993). Il est également à prendre en considération, car

son PRG3 est considérablement supérieur au gaz carbonique (tub. 3). A l’échelle planétaire, on estime par ailleurs qu’une gestion mieux intégrée de la matière organique agricole et des déchets pourrait réduire les émissions de N 2 0 de 0’38 Gt (IPCC, 1992). On ignore cependant quelles quantités de N20 sont émises lors du com- postage.

La conversion des forêts tropicales en pâturage ou en terre cultivées multiplie les flux de N20 par 4 ou 5 au cours des années suivant la disparition des forêts (Keller et al., 1993). La conversion annuelle de 15 millions d’ha de forêts en 2,4 millions d’ha de pâturages et en 12,6 Mha de terres de culture aurait entraîné une augmentation supplé- mentaire de 0,4 Gt (T) de N20 ; ce qui ramené à l’hectare représente- rait une émission moyenne de 0,026 t de N20 par ha, soit 7,2 ~CO2/ha4 sur 20 ans et 7,54 ECO2 sur 100 ans. L‘application d’engrais azotés accroît les émis- sions de peroxyde d’azote. L‘utilisation de certains fertili- sants comme le compost qui per-

PRG : Potentiel de Réchauffement Global 47,2 = 0,26 * PRG du N 2 0 (soit ECO2 sur 20 ans)

SUD SCIENCES & TECHNOLOGIES N”6- novembre 2000

mettent de réduire l’application des engrais azotés apparaît donc intéressante. Environ 50% de l’azote contenu initialement dans la matière organique peut dans ce cas être recyclé, alors que la fer- mentation méthanique anaérobie conserve d’environ 95% de l’azote contenu dans les matières organiques mises en fermenta- tion.

Dans le cas où tous les déchets sont mis en décharge sans récu- pération du méthane, la produc- tion du biogaz5 est le facteur principal des émissions des GES. Si ces déchets étaient compostés, on éviterait de manière directe la production de biogaz et indirec- tement, l’utilisation du compost obtenu permettrait d’optimiser la production agricole et de réduire les superficies à défricher.

Les essais agricoles effectués sur certaines cultures ont montré que l’application de compost à raison de 30 à 40 tonneska permettrait de doubler la production de légumes et salades, d’augmenter le rendement de maïs de 50 à 70% (Ngnikam et al., 1998 a), des arachides ou du mil de 80% (Cissé et Vachaud, 1988). Si on suppose qu’il faut apporter 35 tonnes de compost par hectare pour doubler les récoltes, cela

signifie qu‘à partir d’une tonne d’0.M. qui après cornpostage don- nerait 350 kg de compost, on peut éviter de défricher à rendement égal 175 m2 de forêt (Ngnikam et aZ.., 1998b). La surface de forêt ainsi préservée permettrait de gar- der le carbone déjà séquestré dans la biomasse et le sol et de l’oxyde nitreux à raison de 0,026 tha. En ce qui concerne la quantité de car- bone séquestrée dans la biomasse et le sol, Nganje et Tiki Manga (1998) estiment la quantité totale de carbone séquestré dans une forêt primaire, à 307 tonneska. Pour les forêts secondaires, cette quantité serait de 230 tonneha. En tenant compte de l’évolution des différents écosystèmes de Yaoundé, Mbalmayo et Ebolowa, les mêmes auteurs estiment la quantité totale de carbone séques- tré dans la zone périurbaine de Yaoundé à 162 tonneska. Nous retenons un chiffre de 150 tonneska dans nos calculs.

En conclusion, dans la zone forestière, le compostage d’une tonne d’ordures ménagères per- met d’éviter :

- le défrichement de 175 mz de forêt secondaire des zones péri- urbaines, ce qui entraîne le déstockage de 2,6 tonne de car- bone et l’émission de 0,455 kg de N2O7, soit 0,13 tECO2; - l’émission de 83 kg de méthane qui aurait dû être émis après la mise en décharge de ce déchet, 2,03 ECO2 à l’horizon 100 ans et 5,14 ECO2 à l’horizon 20 ans. Au total, le compostage des O.M.

permettrait d’éviter les émissions de 4,76 tEC02 par tonne de déchets traités si on raisonne à l’horizon 100 ans et 7,87 tEC02 par tonne de déchets si on raison- ne plutôt à l’horizon 20 ans.

Mais dans les zones de savane et sahélienne où il y a absence de la forêt, seule la quantité de métha- ne non émise constitue le point positif des actions de composta- ge. Cette technique permettrait d’éviter l’émission de 2,03 ECO2 par tonne de déchets trai- tés.

~ @ ~ ~ ~ ~ ~ ~ n des émissions az ù effet de serre

Les activités de compostage au Cameroun se sont développées dans cinq principales villes :

Yaoundé, Bafoussam, Bafang, Nkongsamba et Garoua.

A Yaoundé, le projet de compos- tage mené par la FOCARFE a été réalisé dans 15 quartiers de la ville qui traitent environ 11 O00 tonnes de déchets ménagers par an pour une production de com- post de 3800 tonnes (Ngnikam et al., 1995).

ABafoussam, le CIPCRE (1997) a installé 5 unités décentralisées de compostage qui traitent environ 25 tonnes de déchets ménagers par jour, soit 9000 tonnes de déchets par an et 3200 tonnes de compost (CIPCRE, 1997).

biogaz : gaz produit par la biodégradation anaérobie des déchets fermentescibles, il contient principalement le gaz carbonique et le métha-

175 = 1/35 * 0,35 * 2 (on multiplie par 2 pour tenir compte des deux saisons de cultures dans la zone tropicale humide) ne, souvent dans des proportions égales

’ 2,6 tonnes = (1,50 tonnedl0 O00 m2) * 175 m2, 0,455 kg = (26 kg/lO O00 m2) * 175 m2

SUD SCIENCES 8t TECHNOLOGIES NO6 - novembre 2000

A Garoua, le Centre de Promotion Socio Sanitaire (CPSS) et l’Association Française des Volontaires du Progrès (AFVP) ont mis en place une unité de compostage traitant 4 tonnes de déchets ménagers par jour, soit 1400 tonnes par an pour une production de 300 tonnes de compost (CPSS et AFVP, 1996).

Bafoussam Garoua Total

A Bafang et à Nkongsamba, dans le cadre des projets FSD, 1’AFVP avec l’appui d’une ONG locale (le CDCV) a m i s en place une compostière dans chaque ville, traitant environ 90 tonnes d’or- dures ménagères par mois et pro- duisant 760 tonnes de compost par an pour les deux sites.

9000 5,14/2,03 46 260 18 270 1 400 5,14/2,03 7 196 2 842

23 560 153 848 80 587

Dans les zones forestières, c’est à dire à Yaoundé et Nkongsamba, la quantité de gaz à effet de serre non émises par suite de compos- tage des déchets et l’utilisation du compost pour amendement est de 7’87 tEC02 par tonne de déchets bruts à l’horizon de 20 ans et 4’76 ECO2 à l’horizon 100 ans. Par contre dans les zones de savane et sahélienne

(Bafoussam, Bafang, Garoua), cette opération permet d’éviter l’émission de gaz à effet de serre représentant 5’14 tEC02 à hori- zon de 20 ans et 2,03 tEC02 à l’horizon de 100 ans par tonne d’ordures brutes traitées.

Le tableau 4 fournit les quantités des gaz à effet de serre évitées par les opérations de compostage menées par les ONG au Cameroun.

Pour assurer la pérennité des uni- tés de compostage mises en place, les promoteurs doivent compter sur les points suivants :

1/ une contribution des popula- tions en guise de compensation pour les services de collecte et de traitement des ordures ména- gères. Pour atteindre cette finali- té, des campagnes de sensibilisa- tion ont été menées dans les quar- tiers cibles. Les populations devraient apporter une contribu- tion permanente pour combler les charges de collecte et de trans-

port, et par la suite devenir pro- priétaires du compost produit. En absence d’un cadre réglementaire définissant les règles de fonction- nement d’une telle opération, les premiers essais menés à Yaoundé se sont arrêtés au bout de deux ans, car les populations ont inter- prété ces actions comme une double taxation.

2/ la vente de compost constitue la deuxième stratégie mise en place pour assurer un renouvelle- ment des fonds dans les petites unités de compostage. Mais si le compost se vend assez aisément dans la zone de savanes et sahé- lienne, il n’en est pas de même dans la zone forestière ou la demande d’apport en matière organique des sols n’est pas très élevée.

A Yaoundé par exemple, pendant la première année de fonctionne- ment des compostières, on n’a pu commercialiser en moyenne que 8 tonnes de compost par mois sur une production de 180 tonnes. A Bafoussam et à Garoua, la totali- té de compost conditionné est commercialisée tous les ans,

Quantité de GES GES non émise

(horizon 100 ans)

SUD SCIENCES & TECHNOLOGIES N”6- novembre 2000

mais avec le chiffre d’affaire réa- lisé (10 millions de francs CFA à Bafoussam et 3’5 millions à Garoua) la vente de compost ne couvre que 25% des frais de fonctionnement des projets ; ceci à cause des charges de précollec- te et de collecte des ordures qui sont actuellement supportées dans ces villes par le projet de compostage. Une prise er. charge de la précollecte et du transport des déchets jusqu’au site de com- postage ferait chuter les coûts de production actuels à 15 O00 FCFNtonne de compost.

Nous rappelons que ces coûts sont actuellement de 20 O00 FCFA à Yaoundé (Ngnikam et al., 1995), 70 O00 FCFA à Bafoussam (CIPCRE, 1997) et 53 O00 FCFA à Garoua (CPSS et AFVP, 1996).

villes du pays. La quantité totale des déchets ainsi traités serait de 110 O00 tonnes par an.

La mise en place des unités cen- tralisées de compostage permet- trait de passer à un taux de recy- clage de la matière organique de 40 à 50%. Cette solution pour être appliquée, nécessite une étude de marché afin de s’assurer de l’existence d’un débouché pour le compost produit. En prenant les données du tableau 3, les quantités de gaz à effet de serre non émises seraient alors de 154 milliers de tECO2 à l’horizon 20 ans et 80,5 milliers

de tEC02 à l’horizon 100 ans. Le coût de production du compost étant évalué en moyenne à 15 O00 Fcfa par tonne à Yaoundé, soit entre 4 O00 et 5 O00 FCFA par tonne de déchet traité et 25 O00 FCFNtonne dans les autres villes (Ndoumbé et al., 1995)’ le coût de carbone ainsi évité serait de 575 FCFA par tECO2 à Yaoundé si on raisonne à l’horizon de 20 ans et 945 FCFA par tECO2 si l’horizon de temps est de 100 ans. Par contre dans les autres villes de la zone de savane, le coût du carbo- ne évité est plutôt de 2043 FCFNtEC028 si on raisonne à l’horizon 20 ans et 5172

3/ la prise en charge de la collec- te et du transport doit être effec- tuée par les municipalités concer- nées à condition qu’un vrai parte- nariat soit défini au début du pro- jet entre les promoteurs et les autorités municipales et que ces structures soient dotées d’une véritable autonomie de gestion.

En comparaison avec les autres amendements organiques dispo- njbles sur le marché local, le coût économique du compost doit être inférieur à 20 O00 FCFA par tonne (Ngnikam, 1994). Mais le compostage décentralisé tel que pratiqué, compte tenu des contraintes spatiales qu’il impo- se, ne peut permettre de traiter que 5% des déchets produits à Yaoundé et Douala (MINUH, 1995) et 10% dans les autres

1 Ministère des finances 1 Subvention de la DSA qui est une direction interne

dAj ustement

Loue les engins et les chauffeurs Recrute le personnel et le confie aux ONG

de quartier I c Encadrement

Lm Encadrement

1 Chauffeurs 1

2043 FCFA = (30 O00 * 0,35)/5,14

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FCFNtEC02 si la projection est plutôt faite à l’horizon 100 ans.

Pour le même système de traite- ment, le coût de réduction des émissions de gaz à effet de serre est quatre fois plus élevé si on s’intéresse à la zone forestière plutôt qu’à une zone de savane ou sahélienne. Cette situation s’explique par le fait que les frais de production de compost sont nettement plus élevés dans les petites villes, à cause des dis- tances de transport des déchets plus importantes que dans le cas de Yaoundé, et à cause de la faible quantité de carbone stoc- kée dans la biomasse sur pied et dans le sol de cette zone. En somme les conditions de réplica- bilité d’une telle opération sont :

- une production de compost de qualité (faible taux d’indési- rables, verre, métaux, plastiques, ...) et à faible coût ;

- l’existence d’un réel marché pour le compost dans un rayon de moins de 50 km de son lieu de production. Dans le cas où le marché est faible, une association des activités de maraîchage au projet initial permettra d’écouler le surplus de production de com- post et les bénéfices tirés de la vente des produits agricoles pourra combler ce déficit ;

- l’existence d’un acteur local, capable de porter le projet et de mobiliser les autres acteurs (municipalités, ONG, associa- tions, etc ...) autour de lui ;

- l’implication réelle des collecti- vités locales, pour apporter un appui matériel et financier, afin

de permettre d’équilibrer les frais d’exploithion qui sont largement déficitaires.

E-

Les limites et les responsabili- tés des différents acteurs ne sont pas clairement définies. Ceci entraîne un conflit de compétence et conduit à une inefficacité dans les actions à mener. Sept départements ministériels interviennent de près ou de loin dans la gestion des déchets urbains au Cameroun. Les communes et les communautés urbaines sont de par la loi, les acteurs clés du système. Par ailleurs, nombreux sont ceux qui interviennent dans les problèmes d’enlèvement des ordures ménagères :

- les individus, qui sont le centre et l’unité d’action pour un envi- ronnement sain et agréable,

- le secteur privé intéressé aux problèmes de collecte des déchets urbains est représenté par quelques sociétés spécialisées dans l’optique de réaliser des contrats juteux avec 1’Etat ou les Commun au té Urbaines.

La disparité des intervenants et le chevauchement de certaines compétences sont sources de conflits et d’abandon de certaines autres tâches. On note par exemple un poids important de la tutelle tant administrative que technique sur les communes. On a effectivement l’impression qu’au Cameroun, 1’Etat cherche à

maximiser son aptitude à contrô- ler le comportement des com- munes en vue de coordonner et de planifier leurs activités.

Les communes ont une faible identité financière du fait d’un fort degré de centralisation de l’organisation financière de 1’Etat. Le principe qui régit les rapports financiers entre 1’Etat et les communes est celui de l’uni- cité de caisse et de trésorerie. Cette situation limite leur hori- zon prospectif.

Les rapports entre la Communauté Urbaine et les Communes Urbaines d ’ Arrondis semen t ne sont pas sans problèmes.

La loi No 87/15 du 15 juillet sti- pule que les Communautés Urbaines sont compétentes en matière d’hygiène et salubrité et que les Commune Urbaines sont compétentes en matière d’enlè- vement des ordures et déchets d’épuration des eaux usées et assainissement. Ainsi, la loi confère à la communauté Urbaine les compétences en matière d’hygiène et de salubrité et, aux communes, les charges de collecte et d’enlèvement des ordures ménagères.

La réglementation actuelle ignore les activités des ONG bien que de nombreuses ONG nationales et internationales interviennent aujourd’hui dans différents quartiers des villes dans divers domaines :

- collecte à domicile des ordures ;

- ramassage des ordures ou location d’engins pour dégager

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les voies encombrées ;

- encadrement et formation des populations à la gestion de l’en- vironnement ;

- balayage des rues ;

- recyclage des ordures par le tri et le compostage.

Ces ONG opèrent encore dans un cadre informel, bien que sou- vent des assistances extérieures ou des financements spontanés des populations leur sont appor- tés.

Cet article fournit l’essentiel des résultats des travaux que nous avons menés depuis 1993 pour connaître le gisement des déchets municipaux (production par source et composition des déchets). On expose aussi les dif- férents modes de gestion des déchets telle que pratiqués actuellement dans toutes les villes du Cameroun, où il s’agit de se débarrasser des déchets sans se soucier de tirer profit du potentiel qu’ils peuvent offrir. C’est pour cela que la tendance généralement observée est la col- lecte traditionnelle et la mise en décharge. Des activités de com- postage artisanal sont dévelop- pées dans cinq villes du pays par des Organisations Non Gguvemementales (ONGs), sans un appui significatif des collecti- vités locales et des pouvoirs publics. Ces initiatives bien que très modestes, parviennent déjà à réduire les émissions de gaz à effet de serre de 154 milliers de tECO2. Du point de vue réchauf-

fement global, l’impact du com- postage est plus significatif dans les zones forestières que dans les zones de savane ou du Sahel. Le coût du carbone évité est aussi plus faible dans cette zone. Ces activités, pour se pérenniser, nécessitent d’être prises en compte par la collectivité locale qui devrait apporter un soutien pour le fonctionnement des uni- tés de compostage en fonction de la quantité des déchets enlevés. Mais pour l’instant, la réglemen- tation actuelle fait intervenir une multiplicité d’acteur, ce qui ne favorise pas une réelle implica- tion des collectivités locales dans cette activité, conduisant à leur disparition si la situation actuelle devait perdurer

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