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Symposium nanoparticules : un enjeu pour la pre ´vention Disponible en ligne sur www.sciencedirect.com Symposium nanoparticles: A stake for the prevention Organisation/responsables : Institut national de recherche et de se ´curite ´ (INRS)* Caisse re ´gionale d’assurance maladie Centre Pre ´sidence : Patrick Brochard Service de me ´decine du travail et de pathologies profession- nelles, CHU-33000 Bordeaux *e-mail : [email protected] Production et utilisation industrielle de particules nanostructure ´es (B. Honnert, INRS, Nancy) Les nanotechnologies repre ´sentent aujourd’hui un enjeu tech- nologique et e ´conomique majeur. Elles permettent des inno- vations de rupture dans de nombreux domaines tels que la sante ´, l’e ´nergie ou encore l’information [1]. Le revenu mondial ge ´ne ´re ´ par les nanotechnologies avoisinait les 40 milliards d’euros en 2001. Selon les projections de la Commission europe ´enne, il devrait atteindre 1000 milliards d’euros d’ici 2015. L’essor de ce secteur porteur devrait engendrer la cre ´a- tion de plus de deux millions d’emplois en moins de dix ans et explique pourquoi des budgets colossaux sont de ´die ´s a ` la recherche et au de ´veloppement a ` travers le monde. Ne ´an- moins, la part de ces budgets consacre ´e aux questions d’hygie `ne et de se ´curite ´ ne repre ´sente que 1 % en Europe. Les particules nanostructure ´es peuvent se retrouver sur un site industriel en fonction de deux types de dispersion. Une dispersion de type primaire est e ´mise lors de leur e ´labora- tion, manipulation, transformation ou de leur utilisation dans un proce ´de ´ industriel. Une dispersion de type secon- daire a lieu lors de la de ´gradation d’un produit au cours d’un processus industriel. Cette e ´tude ne concerne que les sec- teurs industriels ou ` les nanoparticules sont issues d’une dispersion de type primaire. Les principales particules nanostructure ´es qui font de ´ja ` l’objet de de ´veloppement industriel sont actuellement : le noir de carbone, la silice amorphe, le dioxyde de titane, les terres rares, l’alumine, les nanoargiles, les nanotubes de carbones et cer- tains compose ´s re ´fractaires existant sous forme d’oxydes me ´talliques (oxyde de zirconium), de nitrure ou de carbures me ´talliques (carbure de silicium ou de tungste `ne). Quarante-deux secteurs industriels sont potentiellement concerne ´s par la fabrication ou l’utilisation de particules nanostructure ´es d’apre `s une e ´tude de filie `re effectue ´e par l’INRS. Ce nombre important s’explique par les proprie ´te ´s extre ˆmement diverses de ´veloppe ´es par chacun d’eux. Ces dernie `res sont de deux ordres : les proprie ´te ´s de service qui concernent l’utilisation du produit dans son e ´tat final : re ´sistance a ` l’abrasion (SiO 2 amorphe, Al 2 O 3 ), tenue anti-feu (Nanoargile, Al 2 O 3 ), catalyse (terres rares, TiO 2 ), proprie ´te ´s optiques (terres rares...); les proprie ´te ´s d’usage qui concernent leur utilisation lors d’une e ´tape transitoire du proce ´de ´ industriel : caracte `re anti- mottant ou anti-coulure (SiO 2 amorphe). Le nombre de secteurs industriels concerne ´s de ´pend de l’anciennete ´ et du degre ´ de maturite ´ de la particule nanostructure ´e ; la silice amorphe, vieux nanomate ´riau, est repe ´re ´e sur 16 secteurs, les nanotubes de carbone, nano- mate ´riau e ´mergeant, ne le sont que sur cinq secteurs. Les secteurs industriels produisant des particules nanostruc- ture ´es se trouvent majoritairement issus de l’industrie chi- mique inorganique (NAF 24.1E et 24.1G). Les proce ´de ´s de production rele ` vent du ge ´nie chimique. Les produits e ´labore ´s de ´pendent des parame `tres de re ´glage du proce ´de ´ et des produits de taille variable microme ´trique ou nanome ´trique peuvent e ˆtre pre ´sentes sur le me ˆme site. Un second mode de production industriel fait appel a ` la me ´cano-synthe `se qui est un proce ´de ´ de broyage a ` haute e ´nergie. Il est le fait des secteurs industriels de la me ´tallurgie des poudres (NAF 28.4C et 27.4M). Enfin les secteurs indus- triels du recyclage (NAF 37.1Z et 37.2Z) sont a ` conside ´rer comme fabricants ou utilisateurs de particules nanostructu- re ´es, notamment dans le cas des terres rares et des me ´taux Symposium 407 1775-8785/$ - see front matter 10.1016/j.admp.2008.04.001 Archives des Maladies Professionnelles et de l’Environnement 2008;69:407-412

Symposium nanoparticules : un enjeu pour la prevention

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Symposium nanoparticules : un enjeu pour lapreventionDisponible en ligne sur

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nanoparticles: A stake for the prevention

Organisation/responsables :Institut national de recherche et de securite (INRS)*Caisse regionale d’assurance maladie CentrePresidence : Patrick BrochardService de medecine du travail et de pathologies profession-nelles, CHU-33000 Bordeaux*e-mail : [email protected]

Production et utilisation industrielle departicules nanostructurees (B. Honnert,INRS, Nancy)

Les nanotechnologies representent aujourd’hui un enjeu tech-nologique et economique majeur. Elles permettent des inno-vations de rupture dans de nombreux domaines tels que lasante, l’energie ou encore l’information [1]. Le revenu mondialgenere par les nanotechnologies avoisinait les 40 milliardsd’euros en 2001. Selon les projections de la Commissioneuropeenne, il devrait atteindre 1000 milliards d’euros d’ici2015. L’essor de ce secteur porteur devrait engendrer la crea-tion de plus de deux millions d’emplois en moins de dix ans etexplique pourquoi des budgets colossaux sont dedies a larecherche et au developpement a travers le monde. Nean-moins, la part de ces budgets consacree aux questionsd’hygiene et de securite ne represente que 1 % en Europe.Les particules nanostructurees peuvent se retrouver sur unsite industriel en fonction de deux types de dispersion. Unedispersion de type primaire est emise lors de leur elabora-tion, manipulation, transformation ou de leur utilisationdans un procede industriel. Une dispersion de type secon-daire a lieu lors de la degradation d’un produit au cours d’unprocessus industriel. Cette etude ne concerne que les sec-teurs industriels ou les nanoparticules sont issues d’unedispersion de type primaire.Les principales particules nanostructurees qui font deja l’objetde developpement industriel sont actuellement : le noir de

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carbone, la silice amorphe, le dioxyde de titane, les terres rares,l’alumine, les nanoargiles, les nanotubes de carbones et cer-tains composes refractaires existant sous forme d’oxydesmetalliques (oxyde de zirconium), de nitrure ou de carburesmetalliques (carbure de silicium ou de tungstene).Quarante-deux secteurs industriels sont potentiellementconcernes par la fabrication ou l’utilisation de particulesnanostructurees d’apres une etude de filiere effectuee parl’INRS. Ce nombre important s’explique par les proprietesextremement diverses developpees par chacun d’eux. Cesdernieres sont de deux ordres :� les proprietes de service qui concernent l’utilisation duproduit dans son etat final : resistance a l’abrasion (SiO2

amorphe, Al2O3), tenue anti-feu (Nanoargile, Al2O3), catalyse(terres rares, TiO2), proprietes optiques (terres rares. . .) ;� les proprietes d’usage qui concernent leur utilisation lorsd’une etape transitoire du procede industriel : caractere anti-mottant ou anti-coulure (SiO2 amorphe).Le nombre de secteurs industriels concernes depend del’anciennete et du degre de maturite de la particulenanostructuree ; la silice amorphe, vieux nanomateriau,est reperee sur 16 secteurs, les nanotubes de carbone, nano-materiau emergeant, ne le sont que sur cinq secteurs.Les secteurs industriels produisant des particules nanostruc-turees se trouvent majoritairement issus de l’industrie chi-mique inorganique (NAF 24.1E et 24.1G). Les procedes deproduction relevent du genie chimique. Les produits elaboresdependent des parametres de reglage du procede et desproduits de taille variable micrometrique ou nanometriquepeuvent etre presentes sur le meme site.Un second mode de production industriel fait appel a lamecano-synthese qui est un procede de broyage a hauteenergie. Il est le fait des secteurs industriels de la metallurgiedes poudres (NAF 28.4C et 27.4M). Enfin les secteurs indus-triels du recyclage (NAF 37.1Z et 37.2Z) sont a considerercomme fabricants ou utilisateurs de particules nanostructu-rees, notamment dans le cas des terres rares et des metaux

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precieux, issues des catalyseurs pour les premiers, ou desnoirs de carbone pour les toners d’imprimante pour lesseconds.Il apparaıt que d’un point de vue strictement quantitatif lesparticules nanostructurees emergeantes ne representent quedes tonnages relativement faibles en regard des productionsrealisees par les anciennes particules nanostructurees ; dans lecas des nanotubes de carbone, actuellement a un stade pre-industriel, dix tonnes sont produites par annee alors que cettequantite est de 240 000 tonnes pour le noir de carbone.Une premiere estimation situe entre 2000 et 4000 le nom-bre de salaries impliques dans la fabrication des particulesnanostructurees ; cette estimation ne prend pas en compteles salaries travaillant dans les secteurs de la rechercheuniversitaire (NAF 73.1C) et les salaries des entreprisessous-traitantes intervenant sur les sites industriels. Cetteestimation constitue la premiere etape de l’etude de filieresrealisee par l’INRS et doit etre etendue a la population dessecteurs utilisateurs.

Nanoparticules et sante [1,2,3](F.Roos, A. Radauceanu, INRS)

Les nanoparticules sont en plein essor economique et concer-nent pratiquement tous les secteurs industriels. Si certainesd’entre elles sont de developpement relativement recent,d’autres sont presentes depuis longtemps, par exemple dansles noirs de carbone et les silices.Les nanoparticules sont en outre utilisees a visee therapeu-tique et diagnostique en medecine. Pourtant, si les perfor-mances techniques de ces materiaux semblentincontestables et tres prometteuses, leur retentissementtoxicologique sur l’homme est encore a ce jour imparfaite-ment evalue et connu. Les donnees disponibles chezl’homme et celles issues de l’experimentation souleventdes interrogations et des doutes sur leur innocuite. Lesetudes epidemiologiques environnementales ont notam-ment montre que la presence de particules ultrafines dansl’air ambiant avait, pour une partie de la population, unimpact sur les appareils respiratoires et cardiovasculaires.Quelques etudes realisees chez l’homme en conditiond’exposition controlee montrent que la fraction deposeede particules nanometriques est moderement mais signifi-cativement augmentee chez des personnes atteintes debronchopneumopathie chronique obstructive en comparai-son a des temoins non malades. Cette deposition augmenteegalement chez des personnes effectuant un exercice phy-sique compare a des temoins au repos.

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Les donnees d’epidemiologie professionnelle sur les effetssanitaires des nanoparticules manufacturees manquentencore a ce jour. Les populations de travailleurs constituentun groupe a priori en bonne sante alors que les populationsparticipant aux etudes epidemiologiques environnementa-les incluent un nombre significatif de personnes plus fragiles,comme des personnes agees presentant des alterations dusysteme cardiorespiratoire, des personnes tres jeunes et desmalades. Neanmoins, les donnees environnementales inci-tent a la prudence et au developpement d’etudes et recher-ches sur les populations professionnelles exposees a cesnanoparticules.Le comportement toxicologique de ces nanoparticules ainsique les organes cibles potentiels sont des sujets en coursd’evaluation mais certains resultats remettent en questionles acquis de la toxicologie « traditionnelle » des poussieresde granulometrie plus grossiere. Il a ete notamment montreque des particules considerees jusqu’a present comme nontoxiques pour le poumon etaient cancerogenes sur les ani-maux testes lorsqu’elles etaient administrees a des dimen-sions nanometriques (exemple du dioxyde de titane).D’autres etudes realisees sur des rongeurs ont montre quedes nanoparticules de noir de carbone et de carbone ele-mentaire etaient capables de penetrer les muqueuses olfac-tives et d’entraıner des reactions immunologiques au niveaudu bulbe olfactif. Ces resultats suggerent que le systemenerveux central peut etre un organe cible des particulesultrafines solides presentes dans l’atmosphere.Dans des etudes experimentales plus anciennes, les animauxont pu etre exposes a des echantillons qui contenaient trescertainement une fraction de particules nanometriques. Lapossibilite d’un lien entre les effets observes et la presencede particules ultrafines n’a pas ete evaluee.Plusieurs facteurs viennent influencer les mecanismes toxi-ques des nanoparticules. La notion de taille des particules estimportante. Les etudes montrent que la taille nanometriquegenere une augmentation de la reactivite de surface due al’augmentation de la proportion des atomes presents a leursurface ainsi qu’une augmentation de la disponibilite desnanoparticules a l’echelle des cellules et des organes.La composition chimique joue egalement un role essentiel. Ila ete montre que des particules de dioxyde de titane et denoir de carbone de meme taille ne se comportent pas de lameme facon au niveau de la penetration dans l’interstitiumpulmonaire. En effet, 4 % seulement de la dose de noirde carbone penetre contre 50 % de la dose de dioxyde detitane.Plus la taille d’une particule diminue plus la proportiond’atomes exposes a leur surface augmente. La reactivite

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d’une meme masse de nanoparticules sera plus grande quecelle des particules de meme composition chimique mais detaille superieure. A titre d’exemple, il a ete montre quel’instillation intratracheale de dioxyde de titane de 20 nma des rats et des souris entraıne une reponse inflammatoiredans le liquide de lavage bronchoalveolaire plus importanteque celle induite par la meme masse de particules de 250 nm.Ces donnees remettent en question le concept de massetraditionnellement utilise jusqu’a present. La quantificationdes surfaces administrees serait donc un meilleur parametredosimetrique que la masse des particules.Des etudes experimentales ont montre que l’augmentationdu nombre de particules ou la diminution de leur taillefavorisaient la penetration tissulaire de meme que l’aug-mentation de la dose ou de la vitesse d’administration.La forme de ces particules peut egalement retentir sur latoxicite, cela a ete notamment montre avec la forme fibreusede dioxyde de titane qui est plus toxique que la formespherique. Enfin la structure cristalline est toujours plustoxique que les formes amorphes (exemple de la silicecristalline en comparaison de la silice amorphe).Des modifications de surface par le recouvrement des parti-cules par un produit chimique peuvent etre apportees auxnanoparticules en fonction de l’application qui en est prevue.Ces modifications de surface pourraient avoir un impact surla toxicite ou l’innocuite de ces nanoparticules.Toutes ces donnees montrent combien la toxicite de cesnanoparticules est complexe et encore imparfaitementcomprise. Le developpement de recherches sur les mecanis-mes physiopathologiques de ces nanoparticules, l’evaluationdes expositions au poste de travail et des moyens de pre-vention techniques les plus adaptes sont necessaires.Des etudes epidemiologiques en milieu professionnel doi-vent etre developpees. Un protocole d’etude de cohorteprofessionnelle est en cours d’elaboration par l’Institut deveille sanitaire (InVS). Une etude de faisabilite (caracterisa-tion de la population de salaries, des moyens de protection,des taches/operations. . .), dans un echantillon d’entreprises,dont les resultats sont en cours d’analyse a l’INRS, apporterades donnees chiffrees permettant de proposer une etudeprospective pour mesurer les effets sanitaires des nanopar-ticules manufacturees en milieu professionnel.Les nanoparticules sont d’ores et deja une realite scientifiqueet economique dont l’evolution doit obligatoirement inte-grer comme pour tout autre agent chimique une bonneevaluation, et une bonne gestion du risque. Il reste a savoirce que le nouveau cadre reglementaire des produits chimi-ques de l’Union europeenne (systeme REACH) pourra appor-ter dans la connaissance de ces substances tres speciales.

Caracterisation de l’exposition auxnanoparticules en milieu professionnel(O. Witschger, INRS, Nancy)Idealement, tout mesurage de l’exposition doit produire unresultat qui puisse etre interprete sans ambiguıte en termesde niveau de risque pour la sante. La question « commentmesure-t-on l’exposition aux nanoparticules ? » renvoie alorsinevitablement a celle « quels sont les parametres pertinentsa mesurer pour evaluer les effets sur la sante ? ».La voie la plus commune d’exposition professionnelle etantla voie par inhalation, la caracterisation de l’exposition auxnanoparticules doit s’effectuer sur la phase aerosol, c’est-a-dire lorsque les nanoparticules sont dispersees dans l’air.Pour une substance chimique en suspension dans l’atmos-phere sous la forme d’un aerosol, l’exposition professionnelleest caracterisee de maniere quantitative par la concentrationen masse (par exemple, mg/m3) associee aux gammes detaille des particules qui penetrent dans differentes regionsdu systeme respiratoire (fractions inhalable, thoracique etalveolaire), exception faite du cas des fibres. L’ensemble desmethodes et dispositions relatives a l’evaluation, au controleet a la maıtrise des risques est base sur ces principesfondamentaux.Les recents resultats des recherches sur la toxicite desnanoparticules convergent vers le fait que, pour les substan-ces insolubles ou faiblement solubles, les seuls indicateursque sont la masse et la composition chimique semblentinappropries. Meme s’il n’existe encore aucune certitude,d’autres indicateurs d’exposition semblent devoir etremesures : la surface et le nombre. Par ailleurs, la morphologiedes nanoparticules, leur structure cristalline, leur reactivitede surface, pour n’en citer que quelques-uns, sont aussi desfacteurs qui conditionnent la toxicite. Le domaine de tailledes nanoparticules sur lequel doit reposer la mesure del’exposition fait egalement l’objet de debats car, du pointde vue de la sante, la limite de 100 nm consideree jusqu’alorsne constitue pas une frontiere entre ce qui serait moinsnuisible (au-dela de 100 nm) et ce qui le serait davantage (endeca de 100 nm). Sur ce point, il est prudent de considerer ledomaine de taille submicronique dans son ensemble (�1 nma �1000 nm) ; ce qui permet d’integrer dans la mesure lesagglomerats et les agregats de nanoparticules pour lesquelsdes questions importantes restent en suspend. De plus, lecritere de penetration dans un compartiment respiratoiren’est pas pertinent pour les nanoparticules puisque cetteapproche peut conduire, dans certaines situations, a sousestimer l’exposition (dose). Il semble necessaire alors, dansle cadre d’une evaluation quantitative de l’exposition

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professionnelle, d’integrer un critere de depot. En pratique,cela peut etre fait par le biais de mesurages adaptes et d’uncalcul de depot a l’aide d’un modele valide, comme le modelede la Commission internationale de protection radiobiolo-gique, mais il en existe d’autres. Ainsi, l’approche actuelled’evaluation de l’exposition professionnelle deployee pourles aerosols en general ne semble pas etre adaptee au cas desaerosols composes de nanoparticules (nanoaerosols) quimontrent des effets specifiques lies a leur structure nano-metrique.Les questions d’indicateurs d’exposition et de criteresd’echantillonnage n’etant pas resolues, il n’y a pas demethode de mesure (technique, strategie) qui soit stabiliseeou qui fasse l’objet d’un consensus pour caracteriser demaniere quantitative ou qualitative l’exposition profession-nelle autour de procedes ou d’operations mettant en œuvredes nanoparticules. Neanmoins, plusieurs lignes directricespeuvent etre decrites. Dans une premiere etape, il est crucialde pouvoir reperer la (ou les) source(s) d’emission(s) proba-ble(s) de nanoparticules tout au long de la chaıne decrivant leprocede vise. Ce travail peut etre realise a l’aide d’instru-ments permettant de detecter des nanoparticules, commeles compteurs de noyaux de condensation (CNC) qui onttypiquement une gamme de mesure (pour les versionstransportables) comprise entre 10 a 20 nm et quelquesmicrometres. Cette etape peut etre rendue difficile par lefait qu’il existe deja dans l’atmosphere de travail des parti-cules de taille nanometrique naturellement presentes ouissues de sources secondaires (bruit de fond) et que lecomptage n’est pas une mesure selective. Dans une deu-xieme etape, plusieurs mesures complementaires, operant sipossible en parallele, peuvent etre envisagees :� distribution granulometrique ; cette mesure est tresinformative mais l’utilisation de techniques capables demesurer en deca de 100 nm doit etre privilegiee ;� concentration en nombre (ex. #/cm3) ; pour autant que lebon instrument soit choisi, cette mesure est facilementrealisable. Cependant le bruit de fond plus ou moinsfluctuant de l’air ambiant limite dans de nombreusescirconstances l’interet de cette mesure si elle est realiseeseule ;� concentration en surface (ex. mm2/cm3) ; cette mesurepourrait se reveler pertinente a l’avenir. Il existe deja desinstruments transportables mais les connaissances sur lavalidite de leurs reponses sont a ce jour tres limitees et desetudes de validation en laboratoire et sur sites restent afaire ;� concentration en masse (ex. mg/m3) ; bien que cetindicateur ne semble pas etre pertinent, il est necessaire de

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poursuivre ce type de mesure afin de faire un lien avec lesdonnees historiques d’expositions.Pour satisfaire cet objectif, une mesure plus systematique dela fraction alveolaire devrait etre realisee, voire d’une frac-tion plus fine. Par ailleurs, l’exposition ne releve pas seule-ment de parametres lies a l’etat d’aerosol (tailles,concentrations, etc.) mais aussi de parametres physicochi-miques qu’il est possible de caracteriser, a posteriori, sur desprelevements specifiques au moyens de techniques analyti-ques permettant d’identifier et de quantifier des elementsavec des limites de quantification faibles, tels que la spec-trometrie de masse a plasma induit pour n’en citer qu’une,ou bien au moyens de techniques de microscopie electro-nique. Dans le cadre de ses activites de recherches sur ledeveloppement de methodes de mesures adaptees, l’INRS arealise un certain nombre de campagnes d’essais dans dif-ferents environnements (entreprises, laboratoires) mettanten œuvre ces differentes techniques. Deux strategies diffe-rentes et complementaires ont ete testees lors de cescampagnes : la caracterisation a la source et la cartographie.Pour l’instant, les donnees issues de ces etudes resultent demesures a poste fixe et non de mesures individuelles, obte-nues au plus proche de la zone respiratoire de l’operateur.L’interpretation en termes d’exposition professionnelle nepeut donc reposer que sur un certain nombre d’hypothesesqu’il convient d’expliciter de maniere exhaustive. Toutefois,au-dela de la caracterisation des expositions, ces differentesapproches permettent de realiser un diagnostic suffisam-ment complet d’un poste de travail pour envisager de definir,d’adapter ou de tester des solutions de controle comme, parexemple, l’utilisation d’unite de captage a la source, dehottes etc.Le developpement d’instruments et de nouvelles methodesdestinees a caracteriser l’exposition etant une priorite derecherche pour les annees a venir au niveau international, ilest probable que les approches actuelles evoluent et four-nissent de nouvelles connaissances sur lesquelles des nor-mes relatives a la caracterisation de l’expositionprofessionnelle pour les nanoaerosols pourront se reposer.

Etat de la reglementation etconnaissances actuelles sur les mesuresde prevention (M. Ricaud, INRS, Paris)

L’eventail des applications industrielles suggere que le risqued’exposition professionnelle aux nanoparticules est d’ores etdeja une realite dans de nombreux secteurs d’activite, que cesoit dans les laboratoires de recherche, dans les unites de

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production ou sur les sites d’utilisation. Toutes les etapes dela fabrication allant de la reception et de l’entreposage desmatieres premieres jusqu’au conditionnement et a l’expedi-tion des produits finis, en passant par le transfert eventuel deproduits intermediaires peuvent exposer les salaries auxnanoparticules [4]. L’utilisation de nanoparticules, leur incor-poration dans diverses matrices et l’usinage de compositesen contenant constituent, tout comme le nettoyage etl’entretien des locaux et des equipements et le traitementdes dechets, des sources d’exposition supplementaires. Al’heure actuelle, il n’existe cependant pas de methode demesure qui soit stabilisee ou qui fasse l’objet d’un consensuspour caracteriser l’exposition professionnelle autour de pro-cedes ou d’operations mettant en œuvre des nanoparticuleset nanomateriaux [5]. Les connaissances sur la toxicite desnanoparticules demeurent, egalement, tres lacunaires et nepermettent pas d’etablir de reglementation specifique appli-cable a ce domaine. En effet, la plupart des donnees toxi-cologiques proviennent d’etudes, generalement de porteelimitee, realisees in vitro ou in vivo chez l’animal [1]. Cespremieres recherches demontrent cependant deja claire-ment que les particules nanometriques presentent une toxi-cite plus grande et sont a l’origine d’effets inflammatoiresplus importants que les particules micro- et macroscopiquesde meme nature chimique [1]. Dans un tel contexte ou uneevaluation quantitative et une maıtrise des risques s’averentdelicates, il importe, lors de la manipulation de ces nouvellessubstances chimiques, de developper une approche baseesur la precaution et de mettre en place des strategies deprevention et de bonnes pratiques adaptees a la naturechimique, aux proprietes specifiques et a la quantite deproduits utilises, aux procedes mis en œuvre et aux modesde travail [4]. Ainsi, pour la multitude de produits nano-structures existant ou a venir, l’attitude a tenir doit reposeressentiellement sur une application ponderee et actualiseedu principe de precaution en fonction des avancees de larecherche sur les effets adverses biologiques. Il convient depreciser qu’il n’existe pas de nanoparticule generique.L’application du principe de precaution conduit, alors, arecommander une politique de gestion des risques au caspar cas. Lorsque des donnees sont disponibles pour desparticules de taille micrometrique ou superieure et de memenature chimique, l’hypothese minimale pour elaborer unedemarche de prevention est que les nanoparticules corres-pondantes presentent au moins la meme toxicite et sontprobablement plus dangereuses. En l’absence de valeurlimite d’exposition professionnelle dans la legislationfrancaise, il importe de rechercher le niveau d’expositionle plus bas possible. Les bonnes pratiques de travail qu’il

convient alors d’appliquer ne sont pas tres differentes decelles qui sont recommandees pour toute activite exposant ades produits chimiques dangereux, mais elles prennent uneimportance particuliere en raison de la tres grande capacitede diffusion des nanoparticules dans l’atmosphere. La pro-duction des nanoparticules et des nanomateriaux requiertl’isolement complet du procede : l’encoffrement ainsi quel’automatisation du procede doivent etre mis en œuvre desque le contexte le permet afin de limiter les interventions etdonc les expositions des operateurs [4]. La production doit,par ailleurs, etre effectuee en continu plutot que par cam-pagnes et les methodes de synthese en phase liquide doiventetre privilegiees au detriment des techniques en phasevapeur et mecaniques. Les nanoparticules employees sontde preference sous forme de suspension, de solution ou degel ou incorporees dans des matrices. Au cours de certainesetapes des procedes de fabrication qui necessitent genera-lement une intervention humaine (operations de melange,d’echantillonnage, de pesee, etc.), il est impossible d’eviter ledegagement ou le relargage de nanoparticules dans l’atmos-phere des lieux de travail. Ces travaux doivent donc etrerealises en mettant en œuvre un captage des polluants a lasource. Les dispositifs qui ont fait la preuve de leur efficacitepour le captage des vapeurs et des gaz devraient se montrerefficaces pour les nanoaerosols. En laboratoire, il est conseillede capter les nanoparticules a la source a l’aide de systemes aflux laminaire : hottes, boıtes a gants, etc. [4]. Dans lesateliers ou les operations manuelles de recuperation, detransfert, etc. ne peuvent etre effectuees sous des hottesou des boıtes a gants, il est recommande de les realiser dansdes salles mises en depression vis-a-vis du reste des locaux etmunies de dispositifs de captage des polluants a la source.L’air des locaux dans lesquels des nanoparticules ou desnanomateriaux sont fabriques ou utilises doit etre filtreavant tout rejet dans l’atmosphere. Des lors que la tailledes particules, des agregats ou des agglomerats est supe-rieure a 5 nanometres, leur capture par des medias fibreux estrealisable. Dans le domaine de la protection des personnes,des lieux de travail et de l’environnement, l’utilisation defiltres a fibres a tres haute efficacite superieure a H 13 estpreconisee [4]. Le port des equipements de protection indi-viduelle est reserve aux situations ou les bonnes pratiques detravail sont peu ou pas applicables et les mesures de pre-vention generales sont insuffisantes. Si le captage est insuf-fisant dans les ateliers de production ou d’utilisation deproduits nanostructures, il est recommande de porter unappareil de protection respiratoire ; en tenant compte du faitque les particules de taille nanometrique sont susceptiblesde passer par la moindre fuite. Dans le cas ou les travaux sont

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peu exposants (nettoyage d’equipements prealablementdecontamines), il est preconise de porter un appareil filtrantanti-aerosols muni d’un filtre de classe 3. Dans le cas ou lestravaux sont exposants (fabrication, manipulation, trans-fert), il est recommande d’utiliser un appareil isolant aapport d’air externe (appareil a adduction d’air comprime).Le port d’une combinaison a capuche jetable de type 5(etanche aux poussieres) avec serrage au cou, aux poignetset aux chevilles, depourvue de plis ou de revers et munie depoches a rabats, de surbottes, de gants etanches ainsi que delunettes equipees de protections laterales est egalementconseille [4]. Enfin, les produits ne repondant pas aux criteresde fabrication exiges, les materiels, les conditionnements, lesfiltres, les parties d’installations, les equipements ainsi queles vetements contamines doivent etre traites comme desdechets dangereux. Ils doivent etre sortis de la zonede production ou d’utilisation conditionnes dans des sacsfermes, etanches et etiquetes. Il faut bannir tout rejet

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dans la zone de travail et dans l’environnement afin dereduire les expositions, seul moyen de limiter le risque dedeveloppement de maladies professionnelles dans les sec-teurs concernes.

References

1. Avis d’experts. Les nanoparticules un enjeu majeur pour la santeau travail ? Sous la direction de Benoıt Herve-Bazin. EDP Sciences2007. 701 pages.

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