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Symptômes, traitement et prévention des coups de chaleur

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Page 1: Symptômes, traitement et prévention des coups de chaleur

Urgences (1995) XIV, 59-62 0 Elsevier, Paris

Conference de reanimation prbhospitali&e de la BSPP

Sympt6mes, traitement et prbention des coups de chaleur*

B Pats, L Almanza, JP Perez, B Debien, P Carras

D.Gpattement d’anesthgsie-&animation, hdpital d’instruction des Armees Btigin, Saint-Mand6, France

L’entrainement militaire, I’activite sportive et I’ex- position a la chaleur ont en commun une affection inhabituelle mais non rare, potentiellement fatale appelee coup de chaleur du fait d’une augmenta- tion extreme de la temperature corporelle.

Le coup de chaleur, traduisant un desequilibre profond entre thermogenese (production de cha- leur) et thermolyse (perte de chaleur) est un syn- drome associant : troubles neurologiques, collap- sus et hyperthermie superieure ou egale a 40°C.

Sur le plan nosologique, il faut distinguer deux formes.

Le coup de chaleur classique qui survient au repos chez des patients aux ages extremes (en- fant, vieillard), ou debilites, porteurs d’une patho- logie chronique (obesite, diabete, alcoolisme), ou suivant des traitements interferant avec I’hydrata- tion et la sudation. Lors des vagues de chaleur estivale par exemple, ces patients se trouvent exposes a une charge thermique exogene alors que leurs possibilites physiologiques de thermo- lyse sont inefficaces ou depassees. Trois exem- ples sont evocateurs : - les pelerins de la Mecque, exposes en plein soleil dans de longues files d’attente ; - le nourrisson laisse dans I’habitacle d’une voi- ture aux vitres fermees, sur un parking de super- marche ; - I’obese, debarquant brutalement dans un club tropical de vacances.

Le coup de chaleur d’exercice ou hyperthermie d’efforf survient au contraire lors d’un effort mus- culaire intense et prolonge (marche commando, marathon), chez un patient jeune en pleine Sante, alors que la temperature exterieure n’est pas for-

‘Travail pr&ent& lors des conferences de reanimation pkhos- pitaMe de la brigade des sapeurs-pompiers de Paris, 14 decembre 1993.

cement tres haute mais le vent faible et I’hygrome- trie elevee. La charge thermique est dans ce cas beaucoup plus endogene (muscles) qu’exogene (ambiance). La fatigue, I’emulation, I’absorption prealable d’alcool ou de certains medicaments sont des facteurs favorisants.

Quelles que soient les circonstances de surve- nue I’hyperthermie (c s’allume 1) et peut tuer tres vite sous tous les climats et toutes les altitudes : c’est dire les interets multiples de I’etude du coup de chaleur.

II survient souvent, & distance des structures de soins et releve d’abord de la reanimation prehos- pitaliere.

Ce syndrome peut toucher la collectivite mili- taire qui, par son age, ses conditions d’entralne- ment physique, est une population a risque.

Sa reconnaissance precoce et son traitement immediat bien codifie peuvent transformer radica- lement le pronostic et la mortalite (actuellement inferieure a 10% alors que la litterature la chiffre a 25%).

Les deux formes de coup de chaleur sont tout afait distinctes dans leurs conditions de survenue, mais proches par la gravite du tableau initial et par I’association d’un facteur humain et d’un facteur climatique. Le coup de chaleur d’exercice, en revanche, donne beaucoup plus frequemment que le coup de chaleur de repos, une defaillance multiviscerale, veritable blessure tissulaire diffuse (rhabdomyolyse, insuffisance renale, insuffisance hepatique, coagulopathie).

DESCRIPTION CLINIQUE

La forme de description chronologique la plus stereotypee est celle d’un coup de chaleur d’exer- cite, qui evolue classiquement en trois phases :

1. Les signes prkcurseurs, inconstants, contemporains de /‘effort musculaire, sont une

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veritable sonnette d’alarme ; ils doivent attirer I’at- tention sans tarder, car I’arret de I’effort peut << de- samorcer )a la montee en temperature. Ils asso- cient : - asthenie ; - cephalees, vertiges ;

crampes (dead legs) ;

avec sensation de jambes mortes

- troubles digestifs (diarrhee, vomissements) ; - des sueurs le plus souvent ; - des troubles de comportement sont t&s evoca- teurs (pseudoebriete, instabilite, attitude irration- nelle, indifference, irritabilite, agressivite vis-a-vis de I’entourage).

2. La p&Me d’etat est marquee par : - une fievre toujours superieure a 40°C et qui est de mauvais pronostic quand elle depasse 41,6”C ; - des troubles neurologiques constants : troubles de conscience, delire agite, coma hypertonique en decerebration ou decot-tication, souvent accom- pagne de contractures ou de convulsions ; - une deshydratation ; - un collapsus cardiovasculaire avec baisse de la pression arterielle et tachycardie ; - des signes cutanees : la peau est rouge, bru- lante, les sueurs sont profuses, I’anhidrose n’etant pas du tout constante ; - une oligurie avec des urines foncees c< huile de vidange pa.

3. L’Bvolution peut revetir des aspects tres dif- ferents : - mot-t sur place ou dans les premieres heures ; - retour de la conscience en quelques heures, ce qui n’empeche pas une souffrance hepatique et r&ale de quelques jours ; - defaillance multiviscerale precoce touchant a des degres divers : 0 le cerveau : coma prolong& l les muscles : rhabdomyolyse (augmentation des CPK de 1 000 a 100 000 unites), 0 les reins : insuffisance renale aigue multifacto- rielle (rhabdomyolyse, hypovolemie), l le foie qui pourrait etre un site principal de la defaillance multiviscerale : cytolyse constante, n&rose hepatique possible avec insuffisance hepatocellulaire, l I’hemostase : CIVD, l les poumons : SDRA, l I’equilibre acidobasique et metabolique : hyper- kaliemie, hypocalcemie, acidose lactique.

La forme minime peut etre <c desamorcee ‘> sur place par un arret precoce de I’effort.

LE DIAGNOSTIC POSITIF

II repose sur : - les circonstances de survenue : facteur humain et facteur climatique ; - I’association des signes neurologiques, des

Tableau I. Diagnostic de gravitk -.~ _

Prise en charge Immediate Differ& Tempkrature < 41,6”C > 41,6”C

PAS > 100 mmHg < 80 mmHg Diurese + Rbponse a la refrigeration + 0

Age Jeunes Extremes -~

perturbations cardiovasculaires et de I’hyperther- mie ; - I’aggravation progressive des troubles.

LE DIAGNOSTIC DIFFliRENTIEL

II convient, dans ce contexte, d’eliminer : - les autres accidents dus a la chaleur : l I’insolation, consequence de I’action du soleil sur le cerveau : la fievre ne depasse pas 4O”C, il n’existe pas de trouble cardiovasculaire mais des cephalees, l les crampes de chaleur dues a une perte de sel par mauvaise compensation des penes sudo- rales, la temperature est normale, l I’epuisement aigu a la chaleur : correspondant a differents tableaux de deshydratation non com- pensee ou mal compensee. L’augmentation de temperature y est moderee, l la syncope de chaleur par hypovolemie relative et une vasodilatation lors d’une station debout prolongee au soleil, - les comas infectieux : 0 meningite, l paludisme grave, - les pertes de connaissance d’effort (accident vasculaire cerebral, infarctus, hypoglycemic) ; - les autres rhabdomyolyses (infectieuses, toxi- ques, syndrome malin des neuroleptiques).

LE DIAGNOSTIC DE GRAVITk

Le diagnostic de gravite est indique dans le ta- bleau I.

LE TRAITEMENT CURATIF

II a pour but d’assurer la sauvegarde des fonctions vitales et de c( casser )a le plus promptement la courbe thermique.

Sur place

II convient tout d’abord de sauvegarder les fonc- tions vitales. Suivent la mise en condition : PLS, oxygene, intubation, voie veineuse, (remplissage) et I’arret des convulsions (Valium@, Rivotril@).

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Dans un deuxieme temps il faut refrigerer le patient : - soustraire de I’ambiance : ombre, local frais et ventile ; - deshabiller ; - ventiler avec des moyens de fortune ; - linges humides et aspersion d’eau ; - jamais d’aspirine (troubles de la coagulation), mais le paracetamol (Prodafalgan@) peut Qtre em- ploy&

En troisieme lieu il faut rehydrater et corriger la volemie par I’emploi de macromolecules (sauf Dextran) et de Ringer Lactate.

Enfin il est necessaire de calmer (Valium@).

Evacuation

L’evacuation peut se faire par ambulance vitres ouvertes, ou par avion climatise.

II faut faire attention a I’helicoptere (chaleur).

Hospitalisation systdmatique en reanimation

1. Optimiser la mise en condition et monitorer le temperature.

2. Ameliorer la refrigeration, si I’hyperthermie est encore presente : - c< tunnel de glace >) tres artisanal (materiel ne- cessaire : une bassine de glace, un ventilateur electrique, un arceau et un drap) ; - chambre climatisee ; - vessie de glace sur les axes vasculaires (en prenant garde a la n&rose) ; - solutes de perfusion frais (15°C) mais non gla- c&s ; - lavage gastrique froid et dialyse peritoneale avec un solute refroidi ; - jamais d’immersion dans un bain (la vasocons- triction empeche la perte de chaleur par la peau, et les frissons augmentent la thermogenese) - le BCU (Body Cooling Unit) est un dispositif t&s sophistique decrit dans la Iitterature anglo- saxonne. II permet une dissipation puissante de chaleur : la temperature corporelle peut baisser de 2 a 3°C en moins de 15 minutes. Le principe du BCU repose dune part sur la vaporisation sur tout le corps d’eau finement atomisee a 15”C, et d’autre part, sur un courant d’air chaud permettant de maintenir une temperature cutanee elevee et favoriser ainsi I’evaporation.

3. Renforcer le traitement symptomatique des defaillances d’organes, du choc, de I’hypovolemie et de I’hypoxie : - I’emploi des vasoconstricteurs est contre-indi- que afin de ne pas limiter les mecanismes physio- logiques de pette de chaleur par vasodilatation cutanee ; - le recours a I’epuration r&ale est precoce en cas d’insuffisance renale, tandis que quelques

observations recentes de n&rose hepatique font &at de transplantation du foie.

LE TRAITEMENT PREVENTIF

II est rare qu’une affection aussi grave et poten- tiellement mottelle puisse beneficier de mesures preventives aussi simples qu’efficaces.

Ce traitement preventif repose sur I’intrication des facteurs de risque humains et climatiques. II associe differentes mesures de bon sens que tout cadre militaire, moniteur sportif, organisateur de vacances ou de rassemblement de foules, devrait parfaitement connaitre.

SBlection

II faut eliminer des efforts intenses ou de I’exposi- tion a la chaleur les sujets obeses ou diabetiques, trait& par des medicaments inter-f&ant avec la reconnaissance des premiers symptomes, I’hy- dratation, la production de sueurs ou de chaleur (sedatifs, diuretiques, laxatifs, neuroleptiques, anticholinergiques, amphetamines, sympathomi- metiques).

II faut egalement interdire un effort physique s’il existe une fatigue ou un manque de sommeil prealable.

Acclimatation des transplant& rkents et entrainement progressif

Comportement alimentaire

II faut bien s’hydrater avant et pendant I’effot-t et ne pas absorber d’alcool dans les 24 heures pre- cedant un effort intense.

Habillement adapt6

La tenue vestimentaire doir etre parfaitement a- daptee : - pas de nu-t&e, ni de torse-nu ; - protection de la tete (couvre-chef leger, a&e, clair, aux larges bords) ; - choix judicieux de vetements, creant un micro- climat au voisinage de la peau (coupe ample, ouverture large, tissu en coton et de couleur Claire).

haluation du risque

II faut connaitre la quantite de chaleur produite : - metabolisme basal : 40 W/m/h ; - marche simple : 400 W/m/h ; - match de foot : 600 W/m/h ; - marche commando : 700 a 800 W/m/h.

II faut egalement connaitre le pouvoir evapora- teur de I’ambiance lie a trois parametres essen- tiels : la temperature, I’humidite, le vent (index

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WBGT). Au-dela du 35°C de temperature cutanee et de 75% d’humidite, I’evaporation de la sueur est inefficace.

Le bon choix : - des horaires de deplacement : tot le matin ; - des itineraires (preferer la terre au goudron, les zones ombragees, eviter les cuvettes des val- lees).

Surveillance des exercices

Le thermometre doit faire partie de la trousse de secours.

Le sport se fait en << bindme )). L’arret immediat de I’effort chez un patient pre-

sentant des crampes est un geste d’urgence. La poursuite d’un effort physique malgre une

d&orientation risque d’etre mortelle. Pause et ravitaillement sont a prevoir.

CONCLUSION

Le coup de chaleur est une urgence medicale dont la reconnaissance doit etre tres precoce afin de

beneficier d’un traitement immediat et intensif do- mine par la refrigeration et la rehydratation. Par ailleurs, une tres large information sur les mesures tres simples de prevention de cet accident redou- table doit etre diffusee afin d’en diminuer la mor- talite.

Enfin, tout coup de chaleur doit beneficier a distance d’explorations musculaires afin de depis- ter une dysregulation metabolique musculaire predisposante et rechercher une susceptibilite a une autre forme d’hyperthermie pharmacodepen- dante : I’hyperthermie maligne per anesthesique.

1 Bnnquin L, Diraison Y, Rousseau JM, Atmani M, Bonsi- gnour JP, Buffat JJ. Coup de chaleur et hyperthermie d’effort. In: JEPU, urgences extrahospitalieres, 1990:109- 17

2 Aubert M, Kozak-Ribbens G, Cozzone P. Hyperthermie d’effort. In: Conferences d’actualisation de la SFAR, Pa- ris, 1991:601-6

3 Hassenein T, Razack A, Gaaler J, Vanthiez D. Heastroke: its clinical and pathological presentation with particular attention to the liver. Am J Gastroenteroll992;87:1382-8