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Revue des Maladies Respiratoires (2013) 30, 99—104 Disponible en ligne sur www.sciencedirect.com REVUE GÉNÉRALE Syndrome d’intolérance aux odeurs chimiques (SIOC): un diagnostic à ne pas manquer. Épidémiologie, diagnostic, traitement Multiple chemical sensitivity: A diagnosis not to be missed D. Dupas a,, M.-A. Dagorne b a Consultation de pathologie professionnelle et environnementale, CHU Hôtel Dieu, immeuble Le Tourville, 44093 Nantes cedex 1, France b ACMS, 92158 Suresnes cedex, France Rec ¸u le 11 f´ evrier 2012 ; accepté le 26 juin 2012 Disponible sur Internet le 13 novembre 2012 MOTS CLÉS Sensibilité chimique multiple ; Intolérance environnementale idiopathique ; Multiple chemical sensitivity ; MCS Résumé Le syndrome d’intolérance aux odeurs chimiques (SIOC, MCS) est un ensemble de symptômes subjectifs variés, touchant plusieurs organes chez le même individu (brûlures buc- cales et pharyngées, dyspnée, asthénie, céphalées, difficulté de concentration...), qui se reproduisent à chaque exposition, surviennent pour des concentrations très faibles des sub- stances incriminées, et qui n’entrent dans le cadre d’aucune affection organique connue. C’est l’une des facettes de l’intolérance environnementale idiopathique (IEI), l’autre étant l’intolérance aux champs électromagnétiques. Le point commun des produits responsables est leur odeur caractérisée : peintures, solvants, insecticides, détergents, eau de Javel, sprays, parfums, cosmétiques, plastique neuf... Tous les examens complémentaires sont normaux. Un auto-questionnaire standardisé (Quick Environmental Exposure and Sensitivity Inventory [QEESI © ]) permet de confirmer le diagnostic et de quantifier la gravité du syndrome. Aucun traitement n’a fait la preuve de son efficacité ; une psychothérapie peut dans certains cas améliorer la qualité de vie. Il est important pour le praticien consulté (souvent un allergologue ou un pneumologue) de savoir poser le diagnostic et d’évaluer le retentissement social et pro- fessionnel qui peut devenir majeur du fait de l’impossibilité d’utiliser des substances odorantes et de séjourner ou de travailler auprès de personnes parfumées ou dans des locaux neufs. © 2012 SPLF. Publié par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (D. Dupas). 0761-8425/$ — see front matter © 2012 SPLF. Publié par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. http://dx.doi.org/10.1016/j.rmr.2012.06.016

Syndrome d’intolérance aux odeurs chimiques (SIOC) : un diagnostic à ne pas manquer. Épidémiologie, diagnostic, traitement

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Revue des Maladies Respiratoires (2013) 30, 99—104

Disponible en ligne sur

www.sciencedirect.com

REVUE GÉNÉRALE

Syndrome d’intolérance aux odeurs chimiques(SIOC) : un diagnostic à ne pas manquer.Épidémiologie, diagnostic, traitement

Multiple chemical sensitivity: A diagnosis not to be missed

D. Dupasa,∗, M.-A. Dagorneb

a Consultation de pathologie professionnelle et environnementale, CHU Hôtel Dieu,immeuble Le Tourville, 44093 Nantes cedex 1, Franceb ACMS, 92158 Suresnes cedex, France

Recu le 11 fevrier 2012 ; accepté le 26 juin 2012Disponible sur Internet le 13 novembre 2012

MOTS CLÉSSensibilité chimiquemultiple ;Intoléranceenvironnementaleidiopathique ;Multiple chemicalsensitivity ;MCS

Résumé Le syndrome d’intolérance aux odeurs chimiques (SIOC, MCS) est un ensemble desymptômes subjectifs variés, touchant plusieurs organes chez le même individu (brûlures buc-cales et pharyngées, dyspnée, asthénie, céphalées, difficulté de concentration. . .), qui sereproduisent à chaque exposition, surviennent pour des concentrations très faibles des sub-stances incriminées, et qui n’entrent dans le cadre d’aucune affection organique connue.C’est l’une des facettes de l’intolérance environnementale idiopathique (IEI), l’autre étantl’intolérance aux champs électromagnétiques. Le point commun des produits responsables estleur odeur caractérisée : peintures, solvants, insecticides, détergents, eau de Javel, sprays,parfums, cosmétiques, plastique neuf. . . Tous les examens complémentaires sont normaux.Un auto-questionnaire standardisé (Quick Environmental Exposure and Sensitivity Inventory[QEESI©]) permet de confirmer le diagnostic et de quantifier la gravité du syndrome. Aucuntraitement n’a fait la preuve de son efficacité ; une psychothérapie peut dans certains casaméliorer la qualité de vie. Il est important pour le praticien consulté (souvent un allergologueou un pneumologue) de savoir poser le diagnostic et d’évaluer le retentissement social et pro-

fessionnel qui peut devenir majeur du fait de l’impossibilité d’utiliser des substances odoranteset de séjourner ou de travailler auprès de personnes parfumées ou dans des locaux neufs.

vier Masson SAS. Tous droits réservés.

© 2012 SPLF. Publié par Else

∗ Auteur correspondant.Adresse e-mail : [email protected] (D. Dupas).

0761-8425/$ — see front matter © 2012 SPLF. Publié par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.http://dx.doi.org/10.1016/j.rmr.2012.06.016

100 D. Dupas, M.-A. Dagorne

KEYWORDSOccupationaldiseases;Idiopathicenvironmentalintolerance;Multiple chemicalsensitivity

Summary Multiple chemical sensitivity (MCS) is a chronic condition, which belongs to thegroup of medically unexplained syndromes. Patients (men as well as women) complain of manysubjective symptoms such as nose and mouth irritation, sore throat, dyspnea, tiredness, diz-ziness, headache and concentration difficulties. Patient typically report at least four or fivesymptoms occurring when they are exposed to particular substances, at a very low concentra-tion that usually does not cause symptoms or harm in normal individuals. The common featureof products that appear to be responsible (either occupational or domestic) is that they have astrong smell and include: solvent, paint, glue, tar, oil, pesticides, perfume, cosmetics and sprayproducts. MCS is nowadays considered to be one aspect of idiopathic environmental intolerance(IEI) whose other main aspect is hypersensitivity to electromagnetic fields. If the diagnosis issuspected clinically it can be confirmed using the Quick Environmental Exposure and SensitivityInventory (QEESI©) self-questionnaire. MCS is often misdiagnosed as asthma or an allergic condi-tions which means that patients are frequently referred to respiratory and allergy specialists.Misdiagnosis can lead to many futile medical investigations. Psychotherapy can improve qualityof life in some cases. Preventive measures are often ineffective and do not stop the conditionworsening: hypersensitivity can spread to common environmental odors so that a few peoplebecome severely disabled and limited in their workplace as well as in private life. In France,435 cases were registered in the university hospital occupational disease departments network(RNV3P) during the period 2007—2010. It is therefore important that every clinician be able torecognize the condition and ensure that their patients could get compensation when unable togo on working.© 2012 SPLF. Published by Elsevier Masson SAS. All rights reserved.

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ntroduction

e syndrome d’intolérance aux odeurs chimiques (SIOC) esta dénomination francaise usuelle d’une affection qui, ennglais, est appelée multiple chemical sensitivity (MCS) etui s’intègre désormais dans un vaste ensemble connu souse nom d’idiopathic environmental intolerance (intolérancenvironnementale idiopathique [IEI]) dont le sigle IEI estommun aux deux langues. Les premiers cas furent rappor-és dans les années 1950 aux États-Unis par Randolph [1], leondateur de la clinical ecology.

L’IEI regroupe essentiellement l’intolérance aux champslectromagnétiques et l’intolérance aux odeurs ; elleppartient au groupe des medically unexplained physicalymptoms (MUPS). Seule l’intolérance aux odeurs sera trai-ée dans cet article.

La première définition a été donnée par Cullen en987 [2] ; la traduction francaise en est :

« Pathologie acquise caractérisée par des symptômesécurrents concernant plusieurs sphères du corps, consé-utive à une exposition avérée à de multiples composéshimiques de nature très variée, à des niveaux d’expositionien en decà de ceux causant des effets nocifs dans la popu-ation générale. Aucune anomalie pouvant expliquer cesymptômes ne peut être mise en évidence ».

Les Francais ont dénommé SIOC cette même entité duait de rôle central des odeurs dans son apparition.

pidémiologie

l existe peu de données épidémiologiques concernant cetteffection qui est encore mal connue des médecins et dont

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es critères diagnostiques sont purement cliniques. Considé-ée par certains comme une nouvelle forme d’une affectionncienne, son existence même est remise en cause dans leadre de l’evidence-based medicine [3].

Les taux de prévalence rapportés par des enquêtes deéthodologies très variées varient de 1 à 6 % :1 à 6 % aux États-Unis [4—6] ;2,4 % au Canada [7] ;5 à 6 % à Londres [8].

Dans son échantillon de 1054 américains interrogés paréléphone, Caress et Steinemann [6] trouvent 11,2 % deujets se déclarant hypersensibles aux odeurs de par-um, peinture fraîche, pesticides, hydrocarbures. Le chiffreombe à 2,5 % pour les cas diagnostiqués par un médecin.

En France, ce sont principalement les consultations deathologie professionnelle et environnementale (CPPE) etes allergologues qui ont été amenés à approfondir le sujetevant des patients qui leur étaient adressés pour suspicion’intoxication professionnelle ou d’allergie [9]. Les premiersas ont été rapportés par les équipes de Paris et de Lyon dès992. Le réseau national de vigilance et de prévention desathologies professionnelles (RNV3P) constitué par les CPPEu territoire métropolitain a recensé 435 cas entre 2002 et010.

La prédominance féminine est constante mais’importance variable selon les auteurs. Dans l’étudeermanique multicentrique de 291 cas publiée par Eist al. [10], les femmes représentent 69,4 % des cas. Dansotre série personnelle (non publiée) de 118 cas vus en

onsultation de pathologie professionnelle entre 2001 et011, la répartition par sexe est de 41,5 % d’hommes et8,5 % de femmes. L’âge moyen est assez semblable danses différentes populations étudiées et quasi identique

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Syndrome d’intolérance aux odeurs chimiques

dans les deux sexes : 48,2 ans pour Eis et al. [10],44,3 ans pour Dagorne-Charlanne [11], 46 ans dans notresérie. Toutes les catégories socioprofessionnelles sontreprésentées.

• Le SIOC, syndrome d’intolérance aux odeurschimiques (appelé aussi MCS, Multiple ChemicalSensitivity) est l’un des deux tableaux cliniquesde l’Intolérance environnementale idiopathique(IEI), l’autre étant l’hypersensibilité aux champsélectromagnétiques.

• La prévalence de l’IEI rapportée par des enquêtes deméthodologies très variées varie de 1 à 6 %.

• Cette affection prédomine chez la femme.

Clinique

Les patients, hommes ou femmes, se plaignent de nombreuxsymptômes, survenant dans des circonstances ou environne-ments précis, et se reproduisant régulièrement.

Les symptômes les plus fréquemment rapportés sont :• oropharyngés : avec en particulier des sensations de brû-

lure dans le nez, les sinus, la gorge et souvent uneglossodynie ;

• respiratoires : sensation de dyspnée, oppression thora-cique, toux, gêne rétrosternale ;

• neurologiques : vertiges, céphalées, irritabilité, difficul-tés de concentration ;

• digestifs : nausées, douleurs abdominales, troubles dutransit ;

• généraux : asthénie, malaises ;• ophtalmologiques : picotements des yeux ;• rhumatologiques : myalgies, arthralgies.

La liste n’est pas limitative et certains patients seplaignent de plus de dix symptômes concomitants.

Ce sont les allergologues et les pneumologues qui sontle plus souvent consultés par ces patients se croyant aller-giques ; l’attention est attirée par le fait qu’ils rapportenttoujours plusieurs symptômes et que ceux-ci touchent desorganes différents.

La série francaise de 156 cas [11] vus dans deux consul-tations de pathologie professionnelle confirme la grandediversité des symptômes (quatre en moyenne, parfois beau-coup plus) et la prédominance des manifestations des voiesrespiratoires.

Les symptômes apparaissent :• parfois brutalement suite à un évènement déclenchant :

emménagement dans des nouveaux locaux, réfectiondes sols ou des peintures, utilisation d’un pesti-cide, déversement accidentel ou fuite sur le lieu detravail. . . ;

• le plus souvent, progressivement, sans qu’il soit pos-sible de fixer une date de début et une causeprécise.

Alors qu’au départ les symptômes n’apparaissent quedans des circonstances précises, l’évolution se fait versun déclenchement des symptômes par l’exposition à des

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roduits très divers, sans aucune parenté chimique avec leroduit initial, mais caractérisés par une odeur facilementerceptible.

Dans la majorité des cas, et, contrairement à ce qu’onencontre dans le syndrome des bâtiments malsains (Sickuilding Syndrome), l’entourage (famille, collègues de tra-ail) est indemne.

L’examen clinique et les examens complémentaires sou-ent prescrits (bilan allergologique, bilan sanguin, EFR,adio. . .) sont toujours strictement normaux. Plus spécifi-uement, l’olfactométrie, dans les rares cas où elle a étératiquée, montre qu’il n’y a pas de modification du seuillfactif (seuil de détection d’odeurs standardisées) chez lesersonnes atteintes de SIOC [10].

Dans les cas où une analyse toxicologique de’atmosphère a été réalisée, la substance chimiqueessentie comme cause des symptômes par le patient estrésente à une concentration très faible, très inférieure auxoncentrations toxiques, et bien tolérée par la populationénérale.

Alors qu’ils ont souvent identifié les substances déclen-hantes, les patients ne parlent jamais spontanément duôle de l’odeur ; il est donc impératif devant cette sympto-atologie bâtarde de penser à poser la question : « êtes-vous

êné par certaines odeurs ? » en citant nommément les itemsuivants :

carburants automobiles ;peintures, vernis, solvants ;fumée de tabac ;insecticides ;détergents, eau de javel, lessives ;parfums, vernis à ongles, laque pour cheveux ;plastiques neufs.

Chez les femmes en particulier, le fait de n’utiliser niétergent ménager du commerce, ni eau de Javel est trèsvocateur. Les patientes expliquent utiliser pour le ménageu domicile exclusivement des produits dits « verts » oubio » achetés en circuit spécialisé ou la vapeur. Ce rôle

ondamental des odeurs dans le déclenchement des symp-ômes est la clé du diagnostic ; un patient gêné par plusieurses items ci-dessus énumérés est très fortement suspect deIOC.

L’interrogatoire retrouve souvent des traits de per-onnalité et un contexte culturel favorisant l’apparitionu syndrome tels que : claustro- ou agoraphobie [12],ntécédents de malaises vagaux, sympathie poures mouvements écologistes, alimentation de typebiologique » avec préjugé négatif vis-à-vis des produitshimiques et des amalgames dentaires (communicationersonnelle).

L’interrogatoire approfondi révèle que la plupart desatients étaient depuis longtemps gênés par certainesdeurs qu’ils évitaient, mais ils s’en accommodaient etivaient quasi normalement jusqu’à ce qu’un évènementévélateur (tel que cité plus haut) vienne décompenser’intolérance latente.

Une association à d’autres troubles appartenant à la

amille des MUPS tels que la fibromyalgie, le syndrome deatigue chronique ou l’intolérance aux champs électroma-nétiques, a été signalée par certains auteurs ; elle semblerès inconstante.

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roduits responsables

n milieu de travail

es SIOC révélés en milieu de travail peuvent être causésar de nombreux produits à usage professionnel qu’on peutegrouper dans les principales catégories suivantes [11] :

solvants et tous produits en contenant : peintures, vernis,colles, résines. . . ;produits de nettoyage, eau de Javel, détergents, désin-fectants ;parfums, cosmétiques, désodorisants ;gaz d’échappement, carburants, fumées, goudron.

as non professionnels

armi les cas non professionnels, l’utilisation de produitsesticides (insecticides le plus souvent) ou des travaux deénovation de l’habitat sont les principaux facteurs déclen-hants.

• La diversité et la richesse des symptômesfonctionnels doivent attirer l’attention et conduireà évoquer le rôle de l’odeur du produit incriminéplutôt que celui de sa composition chimique.

• Cette affection est responsable d’un handicap socialet/ou professionnel avec parfois altération sévèrede la qualité de vie, du fait de l’impossibilitéde fréquenter certains lieux publics, de séjournerauprès de personnes parfumées et de travaillerdans des locaux où sont manipulées des substancesodorantes.

es tests diagnostiques

ests de provocation

es tests de provocation ont été utilisés dans plusieurstudes afin d’essayer de montrer un lien entre l’expositionla substance incriminée par le patient et des perturba-

ions objectives de certains paramètres. La synthèse de cesravaux faite par Das-Munshi et al. en 2006 [13] a montréu’aucun test n’était actuellement validé.

uto-questionnaires

is à part le QEESI© dont la version francaise est dispo-ible en ligne (voir ci-dessous), les auto-questionnaires sontifficilement utilisables en pratique libérale.

uick Environmental Exposure and Sensitivitynventory (QEESI©)

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e QEESI est un auto-questionnaire standardisé, mis auoint aux États-Unis par Miller et Prihoda en 1999 [14]. Ilomporte quatre échelles permettant d’obtenir un score deévérité pour chacun des éléments suivants :

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D. Dupas, M.-A. Dagorne

produits responsables : liste de dix produits chimiquesodorants ;autres sources d’inconfort : liste de dix autres expositionssusceptibles de générer des symptômes ;symptômes : liste de dix catégories de symptômes classéspar organe atteint ;impact de la sensibilité aux odeurs sur la qualité de vie :liste de dix domaines de la vie susceptibles d’être altérés.

Chacune des quatre échelles donne un score de sévéritée 0 à 100 correspondant à la somme des chiffres obtenusour chacun des items. L’interprétation des résultats se faitn comparant les scores obtenus à la grille d’interprétationroposée par les auteurs du test. Le test permet à la foise confirmer le diagnostic et de quantifier la gravité duyndrome.

Dans l’étude de Miller et Prihoda [14] portant sur21 sujets, le QEESI© a une sensibilité de 95 % et une spé-ificité de 92 % pour identifier les personnes atteintes deensibilité chimique multiple (MCS/IEI) au sein de la popu-ation générale.

Les listes des dix substances déclenchantes et des dixatégories de symptômes (qui constituent deux des quatrechelles du questionnaire) peuvent être utilisées facilementn médecine libérale par le praticien lui-même, quelle queoit sa spécialité, en vue d’une orientation diagnostiqueapide pendant la consultation.

Le QEESI© a été validé en Suède ; la traductionrancaise par Conso et Asselain [15] est en cours dealidation en France dans les consultations de patholo-ie professionnelle. On peut la télécharger sur le site :ttp://drclaudiamiller.com/Other/QEESI-French.pdf.

hemical Odor Sensitivity Scale (COSS)e court auto-questionnaire tiré d’un questionnaire plusomplet et général a de bonnes sensibilité et spécificité poure diagnostic de l’IEI mais n’existe qu’en anglais [16].

diopathic Environmental Intolerance Symptomnventory (IEISI)et auto-questionnaire récemment mis au point en Suède17] a l’avantage d’être court (liste de 27 symptômes) et’être utilisable pour les deux facettes de l’intolérance envi-onnementale : l’intolérance aux odeurs et l’intolérance auxhamps électromagnétiques. Il n’est pas traduit en francaist sa validité reste à confirmer.

iagnostic différentiel

’asthme est facilement éliminé par le clinicien chevronnéevant une symptomatologie atypique (dyspnée surtout ins-iratoire) et une courbe débit-volume normale.

Le syndrome d’hyperventilation survient sur le même ter-ain psychologique mais la symptomatologie est différente :l n’y pas de plainte concernant les muqueuses aérodiges-ives supérieures, pas de substance chimique incriminée et

a présence de paresthésies des mains est plus fréquente.

Plus délicat est le distinguo avec le syndrome desâtiments malsains (sick building syndrome), dont la symp-omatologie purement subjective est très voisine mais qui

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Syndrome d’intolérance aux odeurs chimiques

disparaît dès l’éviction du local incriminé et qui peut êtrecollectif.

Les attaques de panique, parfois rencontrées chez lespatients atteints de SIOC, sont caractérisées par une surve-nue brutale et une durée courte, souvent sans phénomènedéclenchant identifié.

L’hypothèse d’une intoxication, spécialement d’uneencéphalopathie toxique par inhalation prolongée de sol-vants organiques, parfois évoquée par le patient en raisonde l’odeur forte de la plupart des solvants, mérite d’êtreexaminée ; une consultation auprès d’un centre de patholo-gie professionnelle et environnementale (CPPE), tel qu’il enexiste dans la plupart des CHU francais, permettra, après uninterrogatoire orienté et, si nécessaire, l’étude du poste detravail, d’éliminer formellement une intoxication.

Évolution

L’évolution se fait souvent vers l’aggravation ; en effet, siune amélioration après éviction de la nuisance incriminéeest possible, beaucoup de patients voient leur symptoma-tologie s’aggraver du fait de l’accroissement progressif dunombre de substances mal supportées. Il en résulte unhandicap social et/ou professionnel altérant parfois sévè-rement la qualité de vie du fait de l’impossibilité defréquenter certains lieux publics, de séjourner auprès depersonnes parfumées et de travailler dans des locaux oùsont manipulées des substances odorantes. Dans la série deDagorne-Charlanne [11], 22 des 86 sujets atteints d’un SIOCd’origine professionnelle ont perdu leur emploi du fait d’unlicenciement pour inaptitude médicale au poste de travail.

Traitement

La prise en charge du patient commence par l’annonce dudiagnostic, en insistant sur ce que le SIOC n’est pas, grâce àdes explications adaptées utilisant les arguments suivants :• il ne s’agit pas d’une allergie vraie IgE-dépendante à une

substance chimique (l’atopie ne favorise pas le SIOC et nesemble pas plus fréquente chez ces patients que dans lapopulation générale) ; les substances qui déclenchent lessymptômes n’ont le plus souvent aucune propriété sensi-bilisante ;

• il ne s’agit pas d’une intoxication : les collègueset/ou l’entourage qui respirent la même atmosphèren’ont aucun symptôme ; les concentrations dans l’air,lorsqu’elles ont été mesurées, sont très inférieures auxseuils de toxicité ; la symptomatologie survient de faconidentique avec des molécules dont le mécanisme d’actionest très différent.

La reconnaissance de la souffrance du patient par le pra-ticien est la première étape du traitement ; les explicationsfournies permettront l’interruption de la spirale des exa-mens médicaux complémentaires et la mise en garde contreles traitements « détoxicants » onéreux proposés sur la Toile.

En l’état actuel des connaissances, aucune thérapeu-tique spécifique n’a fait la preuve de son efficacité ;une prise en charge psychologique avec une approchecognitivo-comportementale, dans le cadre d’une relation

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édecin-malade empathique et de confiance, sembleapable d’apporter un bénéfice au patient [18—20].

Un aménagement du poste de travail limitant l’expositionux substances incriminées pourra être proposé par leédecin du travail ; l’utilisation abusive sur les lieux de

ravail de certains produits parfumés vendus sous le terme’« assainissants » est à proscrire. Le médecin du travail seraarfois contraint de prononcer une inaptitude définitive sin aménagement du poste de travail n’est pas possible.

Il existe une association de malades, SOS MCS, dotée’un site Internet, auprès de laquelle les malades peuventrouver des informations utiles.

• Il faut expliquer au patient qu’il ne s’agit pas d’uneallergie.

• Aucun traitement spécifique n’a fait la preuve de sonefficacité.

• La prise en charge psychologique avec une approchecognitivo-comportementale est parfois utile.

• Dans quelques rares cas, une reconnaissance enaccident du travail ou en maladie professionnelle aété accordée.

onséquences médico-légales

ans quelques rares cas, une reconnaissance de l’affectionans le cadre soit d’un accident de travail (lorsque leiagnostic est porté dans les suites d’une pollution acci-entelle) soit d’une maladie professionnelle « hors tableau »en cas d’utilisation régulière du produit incriminé sur lesieux de travail et taux d’incapacité supérieur à 25 %) estossible. Les séquelles, qui consistent en symptômes subjec-ifs persistants, peuvent alors être indemnisées ; la maladiee figurant dans aucun barème officiel, la fixation du taux’incapacité est très délicate.

Dans les cas sévères, les patients peuvent obtenir laeconnaissance de la qualité de travailleur handicapé ;es plus gravement atteints, incapables de reprendren travail quelconque peuvent, après avis favorable duédecin-conseil, bénéficier d’une pension d’invalidité s’ils

emplissent les conditions administratives propres à leurégime d’assurance.

onclusion

uelles que soient les hypothèses physiopathologiquesoncernant cette affection (qui sont traitées dans un articleistinct), il importe que les patients, dont beaucoup sontn grande souffrance, puissent trouver une écoute atten-ive auprès des médecins. Ces derniers doivent donc savoireconnaître l’affection et conseiller, le cas échéant, unecours auprès de structures spécialisées.

éclaration d’intérêts

es auteurs déclarent ne pas avoir de conflits d’intérêts enelation avec cet article.

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POINTS ESSENTIELS

• Il est important pour tout médecin de savoiridentifier les patients atteints de SIOC.

• Un diagnostic précoce permet de limiter lesexplorations complémentaires et contribue àempêcher la dégradation de la qualité de vie.

• Une consultation auprès d’un centre de pathologieprofessionnelle et environnementale est utile pourconfirmer le diagnostic, et contribuer, par un recueil

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standardisé de données, à une meilleure prise encharge de l’affection.

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