3
© Masson, Paris, 2005. Gastroenterol Clin Biol 2005;29:453-455 453 Syndrome du compartiment abdominal tardif secondaire à une rupture traumatique de la vésicule biliaire Benoît ESPEEL (1), Christelle GÉRARD (1), Jean-Robert NZAMUCHE (2), Gaétan MOLLE (2), Benoît LAMBRIGTS (3) (1) Service de Réanimation Polyvalente, (2) Service de Chirurgie Viscérale et Endocrine, (3) Service d’Anesthésiologie, Hôpital de Jolimont, 159, rue Ferrer, 7100, Haine-Saint-Paul, Belgique. RÉSUMÉ Nous rapportons un cas de fracture hépatique avec déchirure vési- culaire compliquée secondairement d’un syndrome du comparti- ment abdominal. La physiopatologie, les critères diagnostics ainsi que la prise en charge thérapeutique de cette complication létale en l’absence de diagnostic sont discutés. SUMMARY Benoît ESPEEL, Christelle GÉRARD, Jean-Robert NZAMUCHE, Gaétan MOLLE, Benoît LAMBRIGTS A case of abdominal compartment syndrome following hepatic rup- ture with gallbladder tear is reported. We discuss the physiology, diagnosis criteria and treatment of this potentially life-threatening complication. abdomen peut être comparé à une boîte dont les parois sont de 2 types : déformables : le diaphragme et la paroi abdominale ; rigides : la colonne verté- brale et le bassin. Dans la cavité abdominale règne une pression que l’on appelle pression intra-abdominale. Toute diminution de l’élasticité des parois élastiques et/ou toute augmentation du contenu de la cavité abdominale va majorer la pression intra- abdominale avec apparition d’une hypertension intra-abdomi- nale voire d’un syndrome du compartiment abdominal. Le syn- drome du compartiment abdominal se caractérise par une atteinte fonctionnelle de différents organes avec des répercus- sions principalement hémodynamiques, respiratoires et rénales. Observation Un homme de 58 ans, alcoolo-tabagique, a été admis aux soins intensifs à la suite d’un accident de voiture. A son arrivée à l’hôpital, le malade était conscient avec un score de Glasgow à 15/15. Il n’y avait pas de notion de perte de connaissance et son état cardio-respiratoire était stable. Le bilan scannographique d’admission a mis en évidence une fracture pariétale droite sans embarrure, une contusion cérébrale frontale droite, un pneumothorax antérieur droit, des fractures des troisième, qua- trième et cinquième côtes droites sans contusion pulmonaire significative et une fracture hépatique à la jonction des segments V et VI. Cette frac- ture hépatique, de grade III selon la classification de Moore, était accom- pagnée d’un hémopéritoine d’environ 750 millilitres. Il n’y avait pas de fracture du bassin. Puis le malade a présenté une détresse respiratoire aiguë avec instabilité hémodynamique importante nécessitant son intuba- tion et le drainage en urgence du pneumothorax qui était devenu suffo- cant. L’évolution ultérieure du malade a été compliquée par la persistance d’une agitation lors des tentatives de réveil dans un contexte de sevrage alcoolique et de traumatisme crânien qui justifiait le maintien d’une séda- tion lourde et d’une ventilation mécanique. Le traitement de la fracture hépatique a été conservateur. Nous n’avons effectué ni embolisation, ni laparotomie. Le malade a été transfusé de 2 concentrés globulaires le jour de son admission avec une hémoglobine stable à 8 g/dL. Au 8 e jour, le malade a présenté une insuffisance rénale aiguë évolu- tive en 8 à 10 heures malgré un remplissage important et l’administra- tion de furosémide (jusqu’à 40 mg/h). Cette anurie était associée à une défaillance respiratoire suraiguë caractérisée par une hypoxémie réfrac- taire et une hypercapnie modérée malgré l’adaptation de la ventilation artificielle. Il n’y avait pas d’acidose lactique et son état hémodynamique restait par ailleurs stable. Le malade était apyrétique et il n’y avait pas de point d’appel pour un processus infectieux évolutif. La radiographie du thorax ne montrait pas de pneumothorax ni de condensation pulmo- naire. L’examen clinique du malade montrait un abdomen tendu et la mesure de la pression intra-abdominale s’élevait à 35 mmHg. Sur la base d’un diagnostic de « Syndrome du Compartiment Abdominal », une laparotomie exploratrice et surtout de décompression a alors été décidée. A l’ouverture de la paroi abdominale, la compliance respira- toire était immédiatement montée de 16 à 45 cm H2O/mL avec une amélioration rapide de la saturation en oxygène. Les paramètres ventila- toires du malade avant et après intervention chirurgicale sont repris dans le tableau I. L’exploration abdominale a révélé la présence d’un cholépé- ritoine secondaire à la rupture non diagnostiquée de la vésicule biliaire. Le foie présentait une stéatose modérée sans signe de cirrhose. La cho- langiographie réalisée en fin d’intervention était normale. Il n’y avait pas d’ischémie mésentérique associée. Le traitement chirurgical a consisté en un lavage du péritoine associé à une cholécystectomie. En fin d’interven- tion la mesure de la pression intra-abdominale, ventre refermé, était de 7 mmHg. Le malade a pu regagner les soins intensifs et a repris une diu- rèse dans les 6 heures post-opératoires. Les prélèvements bactériologi- ques per-opératoires étaient restés stériles et l’analyse histologique de la vésicule a exclu une cholécystite alithiasique. L’évolution ultérieure a été compliquée d’un sevrage alcoolique sévère et d’une pneumonie nosoco- miale, mais la malade a pu quitter les soins intensifs au 41 e . Discussion Le terme de Syndrome du Compartiment Abdominal fut utilisé pour la première fois par Kron et al. en 1984 [1]. Actuellement ce terme reprend l’ensemble des manifestations cardio-vasculai- res, respiratoires, rénales, splanchniques et/ou neurologiques secondaires à l’hypertension intra-abdominale quelle qu’en soit l’origine. L’étiologie de ce syndrome est multifactorielle. Elle peut être aiguë, secondaire à la rupture d’un anévrisme de l’aorte abdominale, une thrombose veineuse mésentérique, une fracture hépatique, une pancréatite aiguë, une péritonite, un sepsis avec une fuite capillaire importante ou encore une hémorragie intra- Late abdominal compartment syndrome secondary to traumatic gallbladder rupture (Gastroenterol Clin Biol 2005;29:453-455) Tirés à part : B. ESPEEL, Service de Réanimation Polyvalente, Hôpital de Jolimont, 159, rue Ferrer, 7100, Haine-Saint-Paul, Belgique. E-mail : [email protected] L’

Syndrome du compartiment abdominal tardif secondaire à une rupture traumatique de la vésicule biliaire

Embed Size (px)

Citation preview

© Masson, Paris, 2005. Gastroenterol Clin Biol 2005;29:453-455

453

Syndrome du compartiment abdominal tardif secondaire à une rupture traumatique

de la vésicule biliaire

Benoît ESPEEL (1), Christelle GÉRARD (1), Jean-Robert NZAMUCHE (2), Gaétan MOLLE (2), Benoît LAMBRIGTS (3)

(1) Service de Réanimation Polyvalente, (2) Service de Chirurgie Viscérale et Endocrine, (3) Service d’Anesthésiologie, Hôpital de Jolimont, 159, rue Ferrer, 7100, Haine-Saint-Paul, Belgique.

RÉSUMÉNous rapportons un cas de fracture hépatique avec déchirure vési-culaire compliquée secondairement d’un syndrome du comparti-ment abdominal. La physiopatologie, les critères diagnostics ainsique la prise en charge thérapeutique de cette complication létale enl’absence de diagnostic sont discutés.

SUMMARY

Benoît ESPEEL, Christelle GÉRARD, Jean-Robert NZAMUCHE, Gaétan MOLLE, Benoît LAMBRIGTS

A case of abdominal compartment syndrome following hepatic rup-ture with gallbladder tear is reported. We discuss the physiology,diagnosis criteria and treatment of this potentially life-threateningcomplication.

abdomen peut être comparé à une boîte dont lesparois sont de 2 types : déformables : le diaphragmeet la paroi abdominale ; rigides : la colonne verté-

brale et le bassin. Dans la cavité abdominale règne une pressionque l’on appelle pression intra-abdominale. Toute diminution del’élasticité des parois élastiques et/ou toute augmentation ducontenu de la cavité abdominale va majorer la pression intra-abdominale avec apparition d’une hypertension intra-abdomi-nale voire d’un syndrome du compartiment abdominal. Le syn-drome du compartiment abdominal se caractérise par uneatteinte fonctionnelle de différents organes avec des répercus-sions principalement hémodynamiques, respiratoires et rénales.

Observation

Un homme de 58 ans, alcoolo-tabagique, a été admis aux soinsintensifs à la suite d’un accident de voiture. A son arrivée à l’hôpital, lemalade était conscient avec un score de Glasgow à 15/15. Il n’y avaitpas de notion de perte de connaissance et son état cardio-respiratoireétait stable. Le bilan scannographique d’admission a mis en évidence unefracture pariétale droite sans embarrure, une contusion cérébrale frontaledroite, un pneumothorax antérieur droit, des fractures des troisième, qua-trième et cinquième côtes droites sans contusion pulmonaire significativeet une fracture hépatique à la jonction des segments V et VI. Cette frac-ture hépatique, de grade III selon la classification de Moore, était accom-pagnée d’un hémopéritoine d’environ 750 millilitres. Il n’y avait pas defracture du bassin. Puis le malade a présenté une détresse respiratoireaiguë avec instabilité hémodynamique importante nécessitant son intuba-tion et le drainage en urgence du pneumothorax qui était devenu suffo-cant. L’évolution ultérieure du malade a été compliquée par la persistanced’une agitation lors des tentatives de réveil dans un contexte de sevragealcoolique et de traumatisme crânien qui justifiait le maintien d’une séda-tion lourde et d’une ventilation mécanique. Le traitement de la fracturehépatique a été conservateur. Nous n’avons effectué ni embolisation, nilaparotomie. Le malade a été transfusé de 2 concentrés globulaires lejour de son admission avec une hémoglobine stable à 8 g/dL.

Au 8e jour, le malade a présenté une insuffisance rénale aiguë évolu-tive en 8 à 10 heures malgré un remplissage important et l’administra-tion de furosémide (jusqu’à 40 mg/h). Cette anurie était associée à unedéfaillance respiratoire suraiguë caractérisée par une hypoxémie réfrac-taire et une hypercapnie modérée malgré l’adaptation de la ventilationartificielle. Il n’y avait pas d’acidose lactique et son état hémodynamiquerestait par ailleurs stable. Le malade était apyrétique et il n’y avait pas depoint d’appel pour un processus infectieux évolutif. La radiographie duthorax ne montrait pas de pneumothorax ni de condensation pulmo-naire. L’examen clinique du malade montrait un abdomen tendu et lamesure de la pression intra-abdominale s’élevait à 35 mmHg. Sur labase d’un diagnostic de « Syndrome du Compartiment Abdominal »,une laparotomie exploratrice et surtout de décompression a alors étédécidée. A l’ouverture de la paroi abdominale, la compliance respira-toire était immédiatement montée de 16 à 45 cm H2O/mL avec uneamélioration rapide de la saturation en oxygène. Les paramètres ventila-toires du malade avant et après intervention chirurgicale sont repris dansle tableau I. L’exploration abdominale a révélé la présence d’un cholépé-ritoine secondaire à la rupture non diagnostiquée de la vésicule biliaire.Le foie présentait une stéatose modérée sans signe de cirrhose. La cho-langiographie réalisée en fin d’intervention était normale. Il n’y avait pasd’ischémie mésentérique associée. Le traitement chirurgical a consisté enun lavage du péritoine associé à une cholécystectomie. En fin d’interven-tion la mesure de la pression intra-abdominale, ventre refermé, était de7 mmHg. Le malade a pu regagner les soins intensifs et a repris une diu-rèse dans les 6 heures post-opératoires. Les prélèvements bactériologi-ques per-opératoires étaient restés stériles et l’analyse histologique de lavésicule a exclu une cholécystite alithiasique. L’évolution ultérieure a étécompliquée d’un sevrage alcoolique sévère et d’une pneumonie nosoco-miale, mais la malade a pu quitter les soins intensifs au 41e.

Discussion

Le terme de Syndrome du Compartiment Abdominal fut utilisépour la première fois par Kron et al. en 1984 [1]. Actuellementce terme reprend l’ensemble des manifestations cardio-vasculai-res, respiratoires, rénales, splanchniques et/ou neurologiquessecondaires à l’hypertension intra-abdominale quelle qu’en soitl’origine. L’étiologie de ce syndrome est multifactorielle. Elle peutêtre aiguë, secondaire à la rupture d’un anévrisme de l’aorteabdominale, une thrombose veineuse mésentérique, une fracturehépatique, une pancréatite aiguë, une péritonite, un sepsis avecune fuite capillaire importante ou encore une hémorragie intra-

Late abdominal compartment syndrome secondary to traumatic gallbladder rupture

(Gastroenterol Clin Biol 2005;29:453-455)

Tirés à part : B. ESPEEL, Service de Réanimation Polyvalente, Hôpital deJolimont, 159, rue Ferrer, 7100, Haine-Saint-Paul, Belgique.E-mail : [email protected]

L’

B. Espeel et al.

454

ou rétro-péritonéale. Les procédures chirurgicales avec fermeturede paroi sous tension, l’insufflation de l’abdomen durant leslaparoscopies sont également des causes potentielles de syn-drome du compartiment abdominal. Enfin, certains états chroni-ques peuvent contribuer à l’apparition du syndrome ducompartiment abdominal tels la grossesse, l’ascite ou encore lesvolumineuses tumeurs intra-abdominales [2, 3].

La méthode de mesure la plus classique est celle réalisée àpartir du cathétérisme vésical qui à l’avantage d’être rapide, fia-ble et facilement reproductible. Après injection de 50 à 100 mlde sérum physiologique dans la vessie, le système est relié à unmanomètre dont la mise à zéro correspond au niveau de la sym-physe pubienne en décubitus dorsal [4, 5]. La pression intra-abdominale normale est inférieure à 0 mmHg mais des valeursde 3 à 15 mmHg sans syndrome du compartiment abdominal nesont pas rares chez des malades après une chirurgie abdominale[5-7]. Dans un premier temps les effets délétères de la pressionintra-abdominale apparaissent progressivement. Pour des pres-sions inférieures à 15 mmHg, il n’y a pas de conséquence clini-quement significative. À partir de 15 mmHg, le retour veineux etle débit cardiaque diminuent parallèlement à une augmentationdes résistances périphériques ainsi que des pressions intra-thora-ciques [8]. Une pression intra-abdominale de l’ordre de 15 à20 mmHg peut entraîner une oligurie qui évolue même versl’anurie pour des pressions intra-abdominales plus élevées [9].Suite à l’ascension des coupoles diaphragmatiques résultant del’augmentation de la pression intra-abdominale, le volume thora-cique diminue avec une chute de la compliance pulmonaire etapparition d’anomalies importantes de la ventilation et de la per-fusion pulmonaire. L’augmentation de la pression intra-abdomi-nale est également associée à une diminution de la perfusionsplanchnique, une diminution du flux sanguin hépato-splanchni-que pouvant évoluer jusqu’à la nécrose mésentérique [10, 11].Le syndrome du comportement abdominal est donc bel et bienune défaillance multiviscérale liée à une hypertension intra-abdominale [12]. Ce syndrome est, en règle générale, présent àpartir d’une pression intra-abdominale supérieure à 25 mmHg.Mais il faut bien garder à l’esprit que les effets d’une pressionintra-abdominale élevée se combinent toujours aux pathologiessous-jacentes du malade tels une cardiopathie, un choc septiqueou encore une hypovolémie non compensée. Ceci explique queles conséquences systémiques d’une même pression intra-abdo-minale puissent varier d’un malade à l’autre [13]. La mesure sys-tématique de la pression intra-abdominale chez les malades àrisque de syndrome du comportement abdominal et chez lessujets présentant une instabilité hémodynamique, une oligurie ouencore une insuffisance respiratoire inexpliquée pourrait aboutirà la détection précoce de ce syndrome peu recherché mais létals’il n’est pas traité. Bien qu’aucune étude contrôlée n’existe

actuellement et que les recommandations de décompressionabdominale se basent sur l’expérience de grands centres de trau-matologie, un syndrome du comportement abdominal doit êtretraité sans délai [3-14]. Il faut cependant garder à l’esprit que ladécision de laparotomie ne doit pas se baser uniquement sur unemesure isolée de pression intra-abdominale mais doit prendre encompte l’ensemble du tableau clinique d’un malade [15]. Lavaleur de 25 mmHg semble actuellement admise pour poserl’indication de décompression abdominale. Dans certains casextrêmes, une décompression percutanée pourra permettre dedifférer la laparotomie. Pour des pressions intra-abdominales del’ordre de 15 à 25 mmHg, la décision de traitement sera baséesur l’état clinique du malade. En effet, en l’absence d’hypoxémie,d’oligurie ou encore de pressions d’insufflation élevées, unelaparotomie de décompression est difficile à justifier, par contreune surveillance étroite du malade est capitale afin de détecterl’apparition d’un syndrome du comportement abdominal.

Lors de la prise en charge des polytraumatisés sévères etinstables, la technique dite de « laparotomie écourtée » a per-mis ces dernières années de réduire significativement la morta-lité de ces derniers [16]. Cette technique consiste à limitervolontairement le geste chirurgical à la réalisation rapide del’hémostase et à la fermeture des éventuelles perforations diges-tives. L’objectif est de limiter au maximum les déperditions ther-miques et les troubles de la coagulation afin de permettre letransfert rapide du malade en unité de soins intensifs pour stabi-lisation hémodynamique, respiratoire et métabolique La correc-tion chirurgicale définitive est réalisée secondairement [17]. Unedes complications classiques de cette attitude est la survenuepossible du syndrome du compartiment abdominal dans près de15 % des cas [18]. Le délai d’apparition de ce syndrome estvariable. Il peut se manifester très précocement en fin d’inter-vention avec dès lors une impossibilité de fermeture de la paroiabdominale, ou plus tardivement, dans les 12 à 36 heures post-opératoires [16-19]. Diverses techniques de décompressionabdominale et de fermetures provisoires ont été décrites. Latechnique dite du « Sac de Bogota » est la plus utilisée en raisonde sa facilité de réalisation et de son faible coût de revient. Elleconsiste à refermer la paroi abdominale à l’aide d’un sac d’irri-gation vésicale de trois litres que l’on découpe et que l’on suturetemporairement à la paroi abdominale. Mayberry et al. [20]rapportent que le « sac de Bogota » est également de loin latechnique préférée aux Etats-Unis devant les autres méthodesutilisant soit des prothèses en Vicryl®, des prothèses non résor-bables en Prolène®, en Marlex®, des plaques en Gortex®, ouencore en Silastics® [20]. Une alternative à la technique du« sac de Bogotta » est celle du « vacuum pack » ou « sac sous-vide » [22-24]. Une poche de 3 litres est ouverte et placée dansl’abdomen afin de protéger son contenu. Deux gros drains aspi-

Tableau I. – Paramètres respiratoires avant et après laparotomie.Respiratory parameters before and after laparotomy.

PIA = 35 mmHg PIA = 7 mmHg

FiO2 (%) 100 50

Pression contrôlée (cm H2O) 30 14

Peep (cm H2O) 14 12

I/E 1 1

PaO2 (mmHg) 58 113,5

PaCO2 (mmHg) 46 39

Compliance dynamique 16 45

PIA : pression intra-abdominale.

Syndrome du compartiment abdominal tardif

455

ratifs sont positionnés au-dessus de cette feuille protectrice etrecouverts d’un large adhésif stérile collé sur l’abdomen. Cettetechnique est rapide, facile et permet les réexplorations chirurgi-cales avec un minimum de lésions de paroi. La présence desdeux drains aspiratifs élimine également le problème des fuitesliquidiennes importantes dans le lit que l’on rencontre avec lesautres techniques.

Cette observation est originale pour plusieurs raisons. Si larupture hépatique est une lésion classique lors d’un traumatismeabdominal fermé, il n’en est pas de même pour la rupture de lavésicule biliaire dont le mécanisme est l’hyperpression intra-vésiculaire générée par ce traumatisme abdominal fermé. Eneffet, il n’y avait pas de signe de cholécystite ni d’ischémie lorsde l’analyse histologique de la vésicule et aucune lithiase n’a étéretrouvée dans les voies biliaires ou la vésicule. Le délai d’appa-rition du syndrome du compartiment abdominal s’explique parle temps nécessaire au développement du cholépéritoine et à lamise sous pression de la cavité abdominale lorsque ses capaci-tés de distension ont été dépassées. Plusieurs équipes ont montréque la réalisation d’une coelioscopie diagnostique et/ou théra-peutique était parfaitement réalisable chez des malades trau-matisés avec des lésions intra-abdominales mais stables sur leplan hémodynamique [25, 26]. Cette procédure permet nonseulement de réduire le nombre de laparotomies chez ce typede malades mais elle peut également, par un diagnostic et untraitement précoce des lésions abdominales, prévenir l’appari-tion secondaire d’un syndrome du compartiment abdominal.Nous avons opté pour une laparotomie d’emblée en raison dela sévérité de ce syndrome. La réalisation d’une coelisocopie, etplus particulièrement l’insufflation, aurait immédiatementmajoré le syndrome du compartiment abdominal, exposantnotre malade à un collapsus et à une aggravation de ladéfaillance respiratoire préexistante. Enfin, l’origine du syn-drome du compartiment abdominal ayant été clairement identi-fiée et radicalement traitée lors de la laparotomie, la cavitéabdominale a pu être refermée dans le même temps opératoiresans occasionner une hypertension intra-abdominale. Lorsquela situation clinique le permet, cette attitude est particulièrementutile afin de réduire les risques de complications infectieusesliées au maintien du ventre ouvert.

En conclusion, le syndrome du compartiment abdominal estune défaillance multiviscérale secondaire à une forte augmenta-tion de la pression intra-abdominale. Les polytraumatismes, leshémorragies intra-abdominales massives, les interventions chi-rurgicales prolongées avec inflation volémique importante sontles causes les plus fréquentes. La connaissance de ce syndromeest essentielle car la décompression abdominale rapide est laseule thérapeutique efficace. L’absence de diagnostic et donc detraitement aboutit inévitablement au décès du malade.

RÉFÉRENCES

1. Kron IL, Harman PK, Nolan SP. The measurement of intra-abdominalpressure as a criterion for abdominal re-exploration. Ann Surg1984;199:28-30.

2. Reeves ST, Pinosky ML, Byrne TK, Norcross ED. Abdominal com-partment syndrome. Can J Anaesth 1997;44:308-12.

3. Decker G. Abdominal compartment syndrome. J Chir 2001;138:270-6.

4. Malbrain ML. Different techniques to measure intra-abdominal pres-sure (IAP): time for a critical re-appraisal.Intensive Care Med 2004;30:357-71.

5. Burch JM, Moore EE, Moore FA, Franciose R. The abdominal com-partment syndrome. Surg Clin North Am 1996;76:833-42.

6. Malbrain ML. Is it wise not to think about intraabdominal hyperten-sion in the ICU? Curr Opin Crit Care 2004;10:132-45.

7. Malbrain ML, Chiumello D, Pelosi P, Wilmer A, Brienza N, Malcangi V,et al. Prevalence of intra-abdominal hypertension in critically ill pa-tients: a multicentre epidemiological study. Intensive Care Med 2004Feb 3;30:822-9.

8. Malbrain ML. Abdominal pressure in the critically ill: measurementand clinical relevance. Intensive Care Med 1999;25:1453-8.

9. Sugrue M, Balogh Z, Malbrain M. Intra-abdominal hypertension andrenal failure. ANZ J Surg 2004;74:78.

10. Schein M, Wittmann DH, Aprahamian CC, Condon RE. The abdom-inal compartment syndrome: the physiological and clinical conse-quences of elevated intra-abdominal pressure. J Am Coll Surg 1995;180:745-53.

11. Carry PY, Banssillon V. La pression intra-abdominale. Ann Fr AnesthReanim 1994;13:381-99.

12. Balogh Z, McKinley BA, Cox Jr CS, Allen SJ, Cocanour CS, Kozar RA,et al. Abdominal compartment syndrome: the cause or effect ofpostinjury multiple organ failure. Shock 2003;20:483-92.

13. Schein M, Ivatury R. Intra-abdominal hypertension and the abdomi-nal compartment syndrome. Br J Surg 1998;85:1027-8.

14. Moore EE. Staged laparotomy for the hypothermia, acidosis, and co-agulopathy syndrome. Am J Surg 1996;172:405-10.

15. Eddy V, Nunn C, Morris JA Jr. Abdominal compartment syndrome.The Nashville experience.Surg Clin North Am 1997;77:801-12.

16. Arvieux C, Letoublon C. Abbreviated laparotomy. J Chir 2000;137:133-41.

17. Ferrara A, MacArthur JD, Wright HK, Modlin IM, McMillen MA.Hypothermia and acidosis worsen coagulopathy in the patient requir-ing massive transfusion. Am J Surg 1990;160:515-8.

18. Morris JA Jr, Eddy VA, Blinman TA, Rutherford EJ, Sharp KW. Thestaged celiotomy for trauma. Issues in unpacking and reconstruction.Ann Surg 1993;217:576-86.

19. Meldrum DR, Moore FA, Moore EE, Franciose RJ, Sauaia A, Burch JM.Prospective characterization and selective management of the abdom-inal compartment syndrome. Am J Surg 1997;174:667-73.

20. Mayberry JC, Goldman RK, Mullins RJ, Brand DM, Crass RA,Trunkey DD. Surveyed opinion of American trauma surgeons on theprevention of the abdominal compartment syndrome. J Trauma 1999;47:509-14.

21. Mohapatra B. Staged abdominal repair operation: how I did it. IndianJ Surg 2004;66:182-4.

22. Barker DE, Kaufman HJ, Smith LA, Ciraulo DL, Richart CL, Burns RP.Vacuum pack technique of temporary abdominal closure: a 7-year ex-perience with 112 patients. J Trauma 2000;48:201-7.

23. Suliburk JW, Ware DN, Balogh Z, McKinley BA, Cocanour CS,Kozar Ra, et al. Vacuum-assisted wound closure achieves early fas-cial closure of open abdomens after severe trauma. J Trauma 2003;55:1155-61.

24. Gracias VH, Braslow B, Johnson J, Pryor J, Gupta R, Reilly P, et al.Abdominal compartment syndrome in the open abdomen. Arch Surg2002;137:1298-300.

25. Livingston DH, Tortella BJ, Blackwood J, Machiedo GW, Rush BFJr.The role of laparoscopy in abdominal trauma. J Trauma 1992;33:471-5.

26. Chol YB, Lim KS.Therapeutic laparoscopy for abdominal trau-ma.Therapeutic laparoscopy for abdominal trauma. Surg Endosc2003;17:421-7.