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TABLE DES MATIERES - unine.ch · 2- Le matériel conversationnel Il existe trois types de matériel conversationnel : le matériel verbal, paraverbal et non verbal. Wagener (2009)

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TABLE DES MATIERES

A/ INTRODUCTION ...................................................................................... p. 3

B/ QUESTION DE DEPART ET PROBLEMATIQUE ................................. p. 4

C/ CADRE THEORIQUE ............................................................................... p. 5

I/ LA RECHERCHE EN ANALYSE CONVERSATIONNELLE ..................................... p. 5 1- Objet de l’analyse des conversations et méthodologie ............................................ p. 5 2- Le matériel conversationnel .................................................................................... p. 6

II/ UNE COMPOSANTE DE L’INTERACTION : LE DESACCORD ............................. p. 7

1- La place du désaccord dans l’enchaînement des tours de parole ............................ p. 7 2- Le placement du désaccord dans un même tour de parole ...................................... p. 8 3- Forme linguistique du désaccord ............................................................................. p. 9 4- La relation interpersonnelle et les identités des interactants ................................... p. 9

D/ L’ETUDE DES INTERACTIONS VERBALES ENTRE MUSICIENS ET REGISSEURS .................................................................... p. 11

I/ QUESTION DE RECHERCHE ET SCHEMA D’ANALYSE CONCEPTUELLE ....... p. 11

II/ TYPOLOGIE DE RECHERCHE ET TYPOLOGIE D’ANALYSE DES RESULTATS ...................................................................................................................... p. 12

1- Définition du désaccord ........................................................................................... p. 12 2- Le cadre de la recherche .......................................................................................... p. 13 3- Le dispositif ............................................................................................................. p. 13 4- L’analyse des données ............................................................................................. p. 14

III/ PRESENTATION ET ANALYSE DES RESULTATS ............................................... p. 14

1- Analyse qualitative des désaccords ........................................................................... p. 14 2- Description qualitative des résultats ......................................................................... p. 22 2.1 Méthodes de gestion utilisées par un locuteur manifestant son désaccord ............. p. 22

IV/ INTERPRETATION DES RESULTATS .................................................................... p. 24

V/ PERSPECTIVES ET RECOMMANDATIONS ............................................................ p. 26

E/ REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES .................................................... p. 28

F/ LISTE DES ANNEXES ............................................................................. p. 30

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A/ INTRODUCTION

L’analyse des conversations est une discipline récente qui, au fil des courants de recherche

qu’elle a traversés et des champs qu’elle entrecroise (tels que la linguistique, la psychologie,

ou la philosophie), a permis d’enrichir notre compréhension des mécanismes qui régissent la

conversation et d’appréhender cette dernière comme étant tout à la fois un système d’activités

sociales hautement coordonnées, un processus dynamique et une forme d’organisation

sociale. Pour Fasel Lauzon, Pekarek Doehler et Pochon-Berger (2009), interagir verbalement

recourt à un ensemble d’actions qui relèvent toutes de la compétence d’interaction. Selon ces

auteures, si certaines dimensions linguistiques comme le lexique ou la grammaire sont

facilement isolables, « l’intrication de ressources multiples et le caractère situé de la

compétence d’interaction rendent cette dernière difficilement observable, descriptible et

"standardisable" » (Fasel Lauzon, Pekarek Doehler & Pochon-Berger, 2009, p. 121).

L’analyse conversationnelle s’attache par conséquent à ne pas traiter le langage en tant que

tel, mais à se concentrer sur les activités qui sont accomplies par les interlocuteurs.

Aujourd’hui, l’étude de séquences spécifiques configurées en microcosmes actionnels rend

accessible l’observation des ressources qui relèvent de la compétence d’interaction.

Dans cette optique d’observation et dans une perspective à visée psychologique, cette étude

s’intéressera particulièrement aux désaccords dans les interactions verbales. Parmi les actes de

parole que nous réalisons lors des conversations, l’acte de « dire non » apparaît en effet

intéressant à analyser, tant par la façon dont il se manifeste, que par sa portée : cet acte peut

déclencher le déséquilibre de la conversation, compromettre la face du locuteur ou encore

révéler des normes intériorisées par les interactants.

Pour nous qui sommes investis depuis plusieurs années dans une association musicale, les

situations de mise en place technique de concerts nous ont paru receler un nombre important

de désaccords. Le choix de ce contexte d’observation s’est, par conséquent, rapidement

imposé pour cette étude. L’organisation technique d’un concert nécessite de répondre à

différentes dispositions définies par les artistes, qui sont de l’ordre de l’équipement du lieu, de

la sonorisation ou de la régie lumière. Cette organisation implique en amont du spectacle

l’installation de matériel par les régisseurs, mais nécessite surtout des moments au cours

desquels les musiciens et les techniciens vont se rencontrer pour la mise en place technique du

concert. Comme nous le verrons dans ce travail, ce moment de mise au point peut devenir une

sorte d’espace « privé », intime, alors que la salle est encore vide de spectateurs, dans lequel il

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convient de concilier les demandes artistiques et les possibilités techniques. C’est là que vont

interagir les musiciens sur scène et les techniciens dans leur cabine de régie, puis s’opérer

tous les réglages nécessaires au placement des lumières, à l’équilibre entre les voix et les

instruments.

C’est dans cette recherche d’équilibre que ce travail s’attachera à analyser les désaccords dans

les interactions verbales, et plus précisément la manière dont leurs manifestations vont révéler

chez les interactants le sentiment d’appartenance à un groupe social.

B/ QUESTION DE DEPART ET PROBLEMATIQUE

Cette recherche a pour point de départ les interactions verbales lors de la répétition technique

d’un concert. Elle engage quatre protagonistes : deux musiciennes et deux techniciens de

régie. L’intérêt principal de cette démarche étant d’observer les désaccords du point de vue de

leur forme, de leur structure et de leur signification, la répétition en vue d’une représentation a

semblé s’inscrire comme un moment particulièrement propice à leur manifestation : des

désaccords pouvant en effet intervenir entre les différents participants (entre les musiciennes,

entre les techniciens ou entre les musiciennes et les techniciens) au sujet de différents

phénomènes (la justesse de la voix, des instruments, le réglage des lumières, etc…).

Dans une interaction verbale impliquant ces quatre interlocuteurs, il sera intéressant

d’analyser plus particulièrement :

- Comment se manifeste le désaccord du point de vue de son placement et de son

formatage linguistique ?

- Quelles sont les stratégies de gestion utilisées par un locuteur lorsqu’il rejoint la

position d’un autre locuteur au sujet d’un désaccord, c’est-à-dire manifeste également

son désaccord concernant le même « faire » ou « dire » ?

- Les désaccords exprimés font-ils émerger une appartenance à un groupe social et

dénotent-ils la présence de conflits inter-groupes ?

A partir de ces questions et en référence aux recherches réalisées dans le cadre de l’analyse

conversationnelle et de la psychologie sociale, l’hypothèse suivante peut être élaborée :

- Les désaccords manifestés se déclinent sous une forme plutôt implicite et modérée et

font ressortir l’appartenance des interlocuteurs à des groupes sociaux différents.

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HISTOIRE ET FILIATION DE L’ANALYSE CONVERSATIONNELLE La sociolinguistique : Fondateur du mouvement variationniste, Labov s’est attaché à décrire ses expériences menées sur le terrain : lieu d’interaction entre le chercheur et un groupe d’humains. Les travaux scientifiques qui s’ensuivront feront émerger les problématiques de l’hétérogénéité sociale des pratiques langagières. Dès lors, la langue, selon cet auteur dont l’influence sera déterminante, est à considérer au sein d’un contexte social formé par la communauté linguistique. Dans le prolongement des travaux de Labov, Gumperz et Hymes vont être à l’origine du courant de l’ethnographie de la communication. Cette approche a pour objectif l’analyse de la compétence communicative, c’est-à-dire « l’analyse des habitudes communicatives d’une communauté linguistique prise dans sa totalité, par le repérage des événements de communication » (De Fornel & Léon, 2000, p. 139). L’analyse du langage s’intéressera dès lors aux aspects sociaux de l’usage et de l’acquisition du langage, à la portée des faits de langage dans les interactions verbales. L’interactionnisme : Considéré comme l’un des chefs de file de l’interactionnisme, Goffman (1973) établit une analyse du comportement humain fondée sur une métaphore du théâtre. Pour ce sociologue américain, la vie sociale est un lieu où l’individu va se mettre en scène, endosser des rôles selon les situations dans lesquelles il se trouve. La manière dont il agit est faite selon lui d’un ensemble de rituels d'interactions qui vont recouvrir certaines significations. Goffman va introduire la notion de face, qui selon lui, représente la valeur sociale positive qu’une personne revendique. La face n’est pas quelque chose de stable, elle est liée à ce qui est convenable, approprié, et se construit selon les situations et en fonction des participants. Dans le même temps, une approche innovante portée par Garfinkel va se développer : il s’agit de l’ethnométhodologie. Ce paradigme va proposer « d’examiner l’ordre social tel qu’il est mis en œuvre dans et à travers les activités quotidiennes et routinières des acteurs sociaux » (Pochon-Berger, 2011, p. 128). La conversation va se révéler le support privilégié de l’ethnométhodologie. L’analyse conversationnelle a été principalement l’objet d’étude des travaux de Sacks qui débute dans les années soixante alors qu’il est assistant au Centre d’Etudes Scientifiques du Suicide à Los Angeles. C’est à partir des stratégies mises en place par les appelants afin d’éviter de donner leur nom sur les bandes enregistrées, qu’il va s’intéresser tout particulièrement aux ouvertures des tours de parole. Il va, dans le même temps, accorder une importance au matériel enregistré qu’il va considérer comme une ressource majeure pour analyser la parole et ce qui en procède (De Fornel & Léon, 2000).

C/ CADRE THEORIQUE

I/ LA RECHERCHE EN ANALYSE CONVERSATIONNELLE

1- Objet de l’analyse des conversations et méthodologie

« L’objet de l’analyse de conversation est le discours dans l’interaction » (De Fornel & Léon,

2000, p. 144). Selon ces chercheurs, le discours est vu tel qu’il a été produit conjointement par

des participants. Pour Fasel Lauzon et al. (2009), l’interaction verbale implique à la fois pour

les participants de gérer la cohérence de leur discours et d’adapter leur tour de parole à ceux

des autres interactants.

L’analyse va porter sur la manière dont se construit et s’organise l’interaction et s’attachera

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par conséquent, à considérer à la fois :

- la situation de communication ;

- les ressources qui sous-tendent la compétence d’interaction. Cette compétence, selon

Fasel Lauson et al. (2009), intègre des ressources linguistiques, discursives, sociolinguistiques

et interactionnelles qui sont intriquées entre elles ;

- la structure hiérarchique de la conversation. Ce dernier objet consiste en une

description des règles qui régissent les échanges verbaux afin de rendre saillant l’ordre qui

règne sous l’apparent désordre des conversations. Cet ordre est rendu manifeste par

l’organisation séquentielle que recèle la conversation et s’observe à travers les actions

accomplies par les interlocuteurs. Ces activités découlent à la fois d’une responsabilité qui

engage le collectif des participants, et de l’influence réciproque qu’ils exercent sur leurs

actions respectives.

Le support à l’analyse conversationnelle est du matériel authentique, le plus souvent des

enregistrements de situations réelles, mais selon Pochon-Berger (2011), au delà de cette

analyse, il s’agit également et surtout de traiter le contexte comme objet empirique.

La démarche dans ce type d’étude de nature qualitative est empirique et implique très

généralement un processus d’induction : l’observation, la description et l’analyse des données

permettent de tirer des conclusions qui pourront être généralisées. S’agissant de l’observation,

Adda (1982) indique que dans le domaine des sciences expérimentales, les observateurs

cherchent à observer ce qui se passe en situation normale, c’est-à-dire sans observateur… Elle

ne manque pas d’évoquer à ce sujet le paradoxe de l’observateur, concept issu des travaux de

Labov. Cette auteure ajoute : « quand nous faisons des observations dans une classe, nous

devons nous souvenir que ce n’est pas une classe sans observateur, c’est la classe dans

laquelle nous sommes, pour le moins présents et quelquefois participants » (Adda, 1982, p.

21). Le principe de l’analyse conversationnelle vise à adopter le point de vue des acteurs et

non celui de l’analyste, et s’inscrit par conséquent dans une perspective émique. Il évite la

spéculation sur les intentions, les idées, les émotions et les identités des acteurs, et se focalise

sur ce qui est rendu observable, descriptible, et localement pertinent par les participants.

2- Le matériel conversationnel

Il existe trois types de matériel conversationnel : le matériel verbal, paraverbal et non verbal.

Wagener (2009) entend par matériel verbal tout ce qui permet de construire et transmettre du

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sens (du point de vue linguistique au sens propre). Par exemple : les unités phonologiques,

lexicales et morphosyntaxiques. Le matériel paraverbal et non verbal regroupe, selon Cosnier

et Brossard (1984) tout ce qui relève du prosodique et du vocal, comme les pauses, les

intonations, le débit, certaines particularités de la prononciation, etc… La communication non

verbale dispose de différents signes qui accompagnent la production : gestes, postures,

silences, mimiques,…

La transcription est le support indispensable à l’analyse. Elle a pour but de restituer par écrit

ce qui a été dit à l’oral et va permettre de rendre compte de ce qui a été dit, mais aussi de la

manière dont cela a été dit. Elle s’opère de façon sélective et se réalise sous couvert de

conventions de transcription.

III/ UNE COMPOSANTE DE L’INTERACTION : LE DESACCORD

Le désaccord a fait l’objet de nombreux travaux en analyse conversationnelle, et ces derniers

ont fait émerger une préférence pour l’accord. En effet, si l’accord s’exprime de manière

explicite et s’expose très tôt dans le tour de parole, le désaccord, quant à lui, tend à être

retardé par une prise de tour tardive, repoussé au plus loin dans le tour par des pauses ou des

hésitations, modéré par une organisation de type « oui mais ». Ce n’est que dans certains

contextes comme ceux du débat télévisé ou des jeux entre enfants que le désaccord s’exprime

de manière forte et directe et s’inscrit au contraire, comme une activité préférée (Pochon-

Berger & Pekarek Doehler, 2011).

1- La place du désaccord dans l’enchaînement des tours de parole

Pour Fasel Lauson et al. (2009), on parle de désaccord immédiat lorsque celui-ci est exposé

immédiatement après le tour de parole contenant l’objet du désaccord, et de désaccord à

distance lorsqu’il apparaît plusieurs tours plus tard.

Traverso (1996) identifie deux modes particuliers de traitement du désaccord dans la

conversation familière : la négociation filée et la dispute évitée. La négociation filée (le

désaccord est maintenu tant que les interlocuteurs développent le thème) se caractérise par des

micro-désaccords qui engendrent des ajustements à plusieurs niveaux : sur les référents, sur

les signifiants, sur les registres de la langue et sur les tours de parole qui sont incessants : ils

sont visibles par de nombreuses interruptions et chevauchements.

Pochon-Berger et Pekarek Doehler (2011) s’attachent à comparer les méthodes de gestion du

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désaccord dans deux groupes d’apprenants de niveaux différents en classe de français, et font

apparaître des similitudes entre leurs observations et celles réalisées dans le cadre des

conversations ordinaires entre locuteurs natifs. Chez les étudiants de niveau avancé, les

désaccords sont exprimés à distance (plusieurs tours de parole après le tour-cible). Pour les

auteures, cette action relève du « format tying » qui « permet sur le point séquentiel de

garantir la reconnaissabilité du tour cible » (Pochon-Berger & Pekarek Doehler, 2011, p.

253). Dans un autre contexte de recherche, Fasel Lauzon et al. (2009) ont observé l’apparition

de désaccords dans les négociations sur l’affirmation de faits puis dans les négociations sur

les opinions et interprétations personnelles. Pour chacune de ces situations, elles ont procédé à

une comparaison entre des élèves du secondaire inférieur et d’autres du secondaire supérieur.

Il ressort de leurs travaux que s’agissant de désaccords portant sur l’affirmation de faits, les

méthodes ne varient pas entre les niveaux inférieur et supérieur et font apparaître un

placement séquentiel immédiat et initial. Sur les désaccords relatifs aux opinions ou

interprétations, des différences émergent : si le désaccord est tendanciellement immédiat et

direct au secondaire inférieur, son placement est varié au secondaire supérieur. Selon cette

étude, cette différence reflète des logiques communicatives différentes (gestion des rapports

interpersonnels) dues à l’âge des participants et à leurs processus de socialisation.

Berrier (1997) relève également un retard dans la manifestation du désaccord. Dans son étude

sur la conversation « à bâtons rompus » de quatre personnes qui se connaissent, elle évoque

un exemple dans lequel les participants attendent 29 minutes avant de s’opposer à

l’installation de sujets de conversations non souhaités.

2- Le placement du désaccord dans un même tour de parole

Le désaccord peut être manifesté tout au début du tour de parole ; il est alors question de

désaccord initial. Lorsqu’il prend place plus loin dans le tour, on parle de désaccord différé

(Fasel Lauson & al., 2009). Dans l’étude conduite par Pochon-Berger et Pekarek (2011), le

placement du désaccord s’exprime exclusivement en position initiale chez les apprenants de

niveau intermédiaire. Il se décline au sein d’une architecture plus variée chez les apprenants

de niveau avancé. Les auteures font le rapprochement de ce format avec celui pratiqué par les

locuteurs natifs dans la conversation ordinaire. Le texte de Pochon-Berger (2011) fait

apparaître un corpus de désaccords initiés par une forme de négation (« non » ou « oui »

oppositif), c’est à dire « un marqueur de polarité » (Goodwin, 1990). Selon cette auteure,

l’utilisation directe et explicite du « non » utilisé sans éléments linguistiques d’atténuation est

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« considéré comme acte potentiellement menaçant pour la face d’autrui » (Pochon-Berger,

2011, p. 135). Il serait typique des locuteurs de langue seconde de niveau débutant disposant

d’une compétence pragmatique encore peu développée.

3- Forme linguistique du désaccord

L’ensemble des travaux s’intéressant au désaccord s’accorde sur la tendance qu’ont les

interlocuteurs à minimiser le désaccord de façon systématique par l’emploi de modalisateurs.

La recherche menée par Berrier (1997) s’oriente tout particulièrement sur l’emploi de

marqueurs tels que « wouin » ou « bin » utilisés chez les locuteurs d’origine québécoise. Ces

marqueurs, selon Berrier (1997) semblent avoir un sens positif, mais ils manifestent un avis

fortement marqué vers le « non ». Fasel Lauzon et al. (2009) vont dans ce sens et mentionnent

des marqueurs de type « bon, non », « mais » ou « oui mais ». D’autres stratégies peuvent être

mises en place par les participants à la conversation. Pochon-Berger (2011) évoque les

travaux de Ford (2001) selon lesquels les participants vont prolonger la négation énonçant un

refus par des formes exprimant des justifications, corrections, élaborations, explications.

Berrier (1997) appuie ce constat, précisant que les participants vont préférer produire un

certain nombre d’explications, répétitions ou énumérations, plutôt que de « lancer » un

« non » trop catégorique. Pochon-Berger et Pekarek Doehler (2011) remarquent dans leur

recherche que les apprenants de niveau avancé développent une préférence pour l’accord qui

se manifeste par un formatage linguistique diversifié tels que l’usage du « oui mais »,

l’apparition d’une question rhétorique (interrogation visant conduire le locuteur à réviser ses

propos antérieurs), ou l’introduction de modalisateurs comme « je pense », « peut-être », « je

ne sais pas ».

Fasel Lauzon et al. (2009) ajoutent que le désaccord, selon les modes dans lequel il s’effectue,

peut s’inscrire dans une logique communicative : il peut s’agir d’un mode compétitif lorsque

les interlocuteurs cherchent à imposer leur point de vue, ou coopératif lorsqu’ils cherchent à

faciliter la collaboration.

4- La relation interpersonnelle et les identités des interactants

Kerbrat-Orecchioni (2004) repère quatre dimensions principales relatives à l’étude de l’objet

du désaccord : la forme (le registre par exemple de la langue), la structuration de l’échange

(alternance, ouverture et fermeture des tours de parole…), les contenus (les thèmes, les

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opinions…), la relation interpersonnelle que cette auteure regroupe avec les identités des

interactants.

Aborder les thématiques de la relation interpersonnelle et des identités des interactants

s’impose inévitablement à ce travail : il est en effet établi que l’identité sociale se construit et

se développe dans les relations sociales ; que celles-ci s’instaurent avec autrui, mais aussi

dans un cadre institutionnel ou au sein de groupes, et qu’elles sont situées dans un contexte

qui est porteur de règles, de normes, de rapports de place (Marc, 2005). Comme nous le

verrons dans cette étude, l’analyse des interactions verbales permet d’observer certains de ces

processus.

L’ouvrage de Kerbrat-Orecchioni et Plantin (1995) qui observent tout particulièrement la

conversation à trois (le trilogue), précise que les interactions à plus de deux locuteurs ont été

peu étudiées et que les modèles de l’interaction sont issus d’échanges dyadiques. Pour Berrier

(1997), bien que les conversations à quatre n’aient pas fait l’objet d’études approfondies, on

constate qu’elles se réduisent en général à des structures dyadiques ou triadiques. La même

auteure évoque dans son corpus de conversation familière une interaction entre deux hommes

et deux femmes. Elle relève, dans un extrait d’interactions, que les femmes font bloc ensemble

contre un sujet de conversation à aborder : la religion, et mentionne, en conclusion, que « le

jeu des alliances et des oppositions » évoqué par certains chercheurs constitue un enjeu

important de toute conversation à quatre (Berrier, 1997, p. 31). Zamouri (1995) relève que la

conversation triadique a pour tendance de se diviser pour former un schéma « deux contre

un ». Il évoque à ce sujet la formation de coalitions définies par Caplow (1971) comme étant

« l’union de deux ou plusieurs acteurs qui adoptent une stratégie commune pour faire échec à

d’autres acteurs dans le même système » (Zamouri, 1995, p. 54). La formation de coalitions

résulterait à la fois de la répartition des forces entre les trois éléments et de la situation dans

laquelle ils se trouvent. La répartition des forces dépendrait de plusieurs facteurs comme le

pouvoir matériel ou le rapport de domination des individus. Zamouri (1995) qui a observé les

conversations familières qu’il considère dans un rapport en principe égalitaire, constate que

des coalitions naissent toujours, même en leur sein, d’un désaccord. Selon lui, une coalition

entre deux interlocuteurs peut se manifester implicitement, de façon discrète ou plus

explicitement, notamment de la façon suivante :

- l’emploi du « nous » ou du « on », par lequel l’interactant associe l’autre partenaire de

la coalition à sa parole ;

- par anticipation de la phrase que l’autre interactant doit prononcer ou en lui soufflant

le mot sur lequel il hésite ;

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- en prenant la parole à la place de l’autre interactant de la coalition sans que ce dernier

puisse considérer cela comme une intrusion ;

- en donnant tous les deux les arguments pour appuyer leur point de vue.

En psychologie sociale, Tajfel (1972) définit l’identité sociale comme « la connaissance

individuelle que le sujet a, du fait qu’il appartient à certains groupes sociaux avec, en même

temps, les significations émotionnelles et les valeurs que ces appartenances de groupe

impliquent chez lui » (Tajfel, 1972, p. 292). Selon le même auteur cité par Monteil (1989),

c’est donc à travers l’appartenance d’un individu à différents groupes (puisqu’un même

individu va pouvoir appartenir à plusieurs groupes : groupe familial, culturel…), que ce

dernier va forger son identité sociale. Lorsque les individus d’un groupe entrent en interaction

avec d’autres groupes, il va se produire un processus de catégorisation qui pourra avoir pour

effet d’accentuer les ressemblances ressenties entre des éléments appartenant à une même

catégorie, ou d’accentuer les différences entre ces éléments. La catégorisation sociale conduit

l’individu à faire la différence entre son propre groupe et les autres groupes.

Sherif (1953) distingue le groupe de référence selon lequel l’individu s’identifie ou désire

s’identifier. Le groupe de référence va fournir des points de repère à l’individu pour évaluer

son propre groupe en le comparant à d’autres groupes. Il va lui permettre de partager et de se

conformer aux normes de son groupe de référence. Enfin, le groupe de référence va protéger

l’individu contre l’influence et les pressions sociales.

D/ L’ETUDE DES INTERACTIONS VERBALES ENTRE

MUSICIENNES ET REGISSEURS

I/ QUESTIONS DE RECHERCHE ET SCHEMA D’ANALYSE CONCEPTUELLE

Au regard des questions de recherche suivantes :

- Comment se manifeste le désaccord du point de vue de son placement et de son

formatage linguistique ?

- Quelles sont les stratégies de gestion utilisées par un locuteur lorsqu’il rejoint la

position d’un autre locuteur au sujet d’un désaccord, c’est-à-dire manifeste également

son désaccord concernant le même « faire » ou « dire » ?

- Les désaccords exprimés font-ils émerger une appartenance à un groupe social et

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dénotent-ils la présence de conflits inter-groupes ?

Nous nous attacherons dans un premier temps à définir ce que nous allons considérer comme

un désaccord pour l’analyse de nos données.

En référence à la première question de recherche, nous procéderons à une description

quantitative et à une analyse qualitative des désaccords extraits du corpus de données afin de :

- repérer et quantifier le placement des désaccords dans un même tour et dans les

enchaînements du tour de parole ;

- détailler leur forme linguistique.

Une analyse détaillée des extraits issus du corpus permettra de repérer les méthodes de

gestion utilisées par un troisième locuteur venant renforcer la position du deuxième locuteur

face au désaccord.

Grâce à l’observation de ces désaccords, des structures dyadiques ou triadiques qui se

dessinent ou des alliances qui s’instaurent, nous vérifierons :

- si l’appartenance à des groupes sociaux émerge.

II/ TYPOLOGIE DE RECHERCHE ET TYPOLOGIE D’ANALYSE DES

RESULTATS

1- Définition du désaccord

Dans un de ses travaux, Arcidiacono (2008) qui s’est particulièrement intéressé au

conflit verbal dans un contexte familial indique : « on parle de conflit verbal quand il y a des

points de vue différents sur certains aspects de la vie, ou bien différents degrés

d’investissement dans certaines situations » (Arcidiacono, 2008, p. 34). Cet auteur ajoute que

le langage dans ce genre de situation peut servir d’instrument permettant de mesurer le niveau

de puissance du conflit et de régler des relations interindividuelles. Le modèle de la

discussion critique établi par Van Eemeren et Grotendorst (1984, 2004), cité par Arcidiacono

(2011), se décline comme une méthode d’analyse consistant à détailler et évaluer

l’argumentation au travers des interactions réelles. Ce modèle présente les étapes suivantes :

- La confrontation : elle permet de rendre saillantes les divergences d’opinion ;

- L’ouverture : à partir de discussions communes, les interactants peuvent décider de

résoudre leurs divergences ;

- L’argumentation : cette étape consiste pour les participants à défendre leur position ;

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- La conclusion : les participants concluent leur discussion consécutivement à leur

tentative de résolution.

Dans le cadre des interactions verbales qui intéressent cette étude, nous nous attacherons à

regarder comment le langage va relayer l’existence de désaccords et comment, grâce aux

phases décrites par Van Eemeren et Grotendorst (1984, 2004), il sera possible de rentrer dans

la composition de ces conflits et d’examiner les processus de discussion, d’argumentation et

de résolution qui y prennent place.

2- Le cadre de la recherche

Créée en 1996, l’association « Les Concerts du Lavoir » à Pontarlier (France) prévoit dans ses

statuts qu’elle a pour buts :

- la promotion de musiciens, en particulier des jeunes artistes, par tous les moyens

qu'elle jugera utiles et opportuns (enregistrements, concerts, rencontres avec le public...) ;

- de permettre à un large public l'accès aux manifestations.

Cette association organise chaque année une saison de concerts planifiés entre octobre et

mars. Le programme, varié, offre tous les ans, un concert de chanson française, un concert de

jazz, des concerts de musique classique et de musique de chambre. Au total six à sept concerts

sont proposés annuellement au public pontissalien.

Sept membres actifs s’investissent pour le fonctionnement de cette association. Membres de

cette association depuis sa création, nous avons pu rentrer aisément en contact avec les

régisseurs bénévoles ainsi qu’avec les musiciennes d’un duo « chanson française »

programmé le 19 octobre 2013. Nous avions envisagé de procéder à d’autres enregistrements

dans le cadre de futurs concerts, mais la qualité et la quantité des données récoltées dans ce

corpus ont paru satisfaisantes pour répondre aux questions posées dans le cadre de la présente

recherche.

3- Le dispositif

L’enregistrement a eu lieu le jour du concert, pendant la mise au point technique de cette

manifestation musicale. Une demande d’autorisation écrite a été faite auprès des musiciennes

et des régisseurs. Ces documents signés figurent en annexes 3, 4, 5 et 6.

L’enregistrement a été réalisé à l’aide d’un minidisque installé sur le piano électrique de l’une

des musiciennes (Francine). Une heure vingt quatre d’enregistrement a été recueillie.

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14

Nous avons procédé à l’écoute de l’ensemble de cet enregistrement, puis à la transcription de

six séquences d’interactions qui figurent en intégralité en annexe 2.

Les transcriptions ont été réalisées conformément aux conventions ICOR, les temps de pause

ont été calculés à l’aide du logiciel Audacity. Les prénoms des interlocuteurs ont été modifiés.

4- L’analyse des données

Elle procède des extraits les plus intéressants du point de vue de l’objet de cette étude, c’est-à-

dire les séquences faisant apparaître des désaccords impliquant non seulement un interactant

face au désaccord, mais aussi un deuxième lui affichant son soutien. Le désaccord fait l’objet

d’une description quantitative calquée sur le modèle présenté dans la recherche de Fasel

Lauzon et al. (2009) faisant apparaître le placement du désaccord dans le même tour, le

placement du désaccord dans l’enchaînement des tours de parole, le formatage linguistique.

L’analyse qualitative s’attache à observer comment se manifestent les désaccords

conformément au modèle de Van Eemeren et Grotendorst (1984, 2004), présenté et cité par

Arcidiacono (2011). Ces observations seront mises en regard des travaux menés dans le

domaine linguistique par Zamouri (1995) et des recherches conduites dans le cadre de la

psychologie sociale.

III/ PRESENTATION ET ANALYSE DES RESULTATS

1- Analyse qualitative des désaccords

Extrait n° 1 :

Cet extrait présente un échange conversationnel alors que Francine et Bérénice viennent

d’expliquer aux régisseurs l’ordre des chansons qu’elles vont interpréter. Francine a fait

écouter les différents sons du piano électrique.

BER : Bérénice FRA : Francine MAR : Marcus 1 BER après c’est facile 2 (0,8) 3 FRA oui [on] 4 BER [c’lui là] heu: c’est le rappel 5 FRA c’est le dernier morceau 6 BER donc c’est le der- fin c’est vraiment à la fin fin fin 7 MAR non c’est le deuxième son surtout (0,4) qui était vachement

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8 faible\ 9 FRA ah::/ 10 (0,8) 11 MAR c’lui là 12 (0,8) 13 FRA oh/ alors C’EST PAS GRAVE parce que ça arrive à un moment où ça 14 fait tout tout d’un coup 15 BER c’est pour faire une berçeuse [xxxx] 16 FRA [donc] c’est pas grave si tout= 17 MAR =si c’est un peu calme 18 FRA ouais 19 MAR [et pis moi je gère l’impact] 20 FRA [nous aussi] on baisse au niveau de la voix donc 21 MAR d’accord 22 FRA j’pense que c’est pas très grave (.) après vraiment si tu 23 entends que les voix et pas ça tu pourras&= 24 MAR =oui oui oui [j’vais le remonter] 25 FRA [&réaugmenter] juste un petit peu 26 MAR j’vais gérer un peu comme ça normal 27 FRA voilà 28 FRA non et jennifer (.) y a rien pour jennifer

En ligne 7, Marcus fait apparaître son désaccord au sujet d’un des sons du piano électrique.

Son désaccord, manifesté explicitement par « non », est immédiat puisqu’il intervient

immédiatement après le tour de parole de Bérénice et occupe un placement initial dans le tour

de Marcus. En regard au modèle de la discussion critique établi par Van Eemeren et

Grotendorst (1984, 2004), ce « non » qui permet d’identifier la divergence d’opinion, semble

correspondre à la phase de confrontation.

Ligne 9 : Francine exprime son étonnement « ah ::/ » et cette première expression peut

apparaître comme étant la phase d’ouverture.

En lignes 13, 14, 15, 16, nous pouvons observer une alternance des tours de parole de

Bérénice et Francine qui s’inscrivent toutes les deux dans une phase d’argumentation :

Bérénice explique : « oh/ alors C’EST PAS GRAVE parce que ça arrive à un moment où ça

fait tout tout d’un coup ». En ligne 16, elle réitère que « c’est pas grave », mais le « donc »

qui introduit sa prise de parole manifeste un prolongement de ce qui a été dit par Francine et

exprime la même position qu’elle prend vis-à-vis d’elle. Dans cette conversation triadique,

nous voyons apparaître ici le schéma « deux contre un » évoqué par Zamouri (1995) et

pouvons évoquer la formation d’une coalition qui se manifeste également en ligne 20 lorsque

Francine emploie « nous ».

L’accord de Marcus apparaît très explicitement en ligne 21 : « d’accord ». Alors que nous

nous attendons à ce que cet accord clôture l’interaction, Francine, en ligne 22, revient sur

l’objet du désaccord, et semble vouloir rentrer dans une négociation : « après vraiment si tu

entends que les voix et pas ça tu pourras ». Cette production traduit en effet la probable

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volonté de Francine de modérer son point de vue (et celui de Bérénice). Francine et Marcus

vont alors s’entendre sur cet « arrangement » : Marcus exprime trois « oui » et parle de

« remonter » ; Francine emploie le mot « réaugmenter ».

En ligne 26, Marcus conclut l’interaction en disant « j’vais gérer un peu comme ça normal »

et Francine la clôture avec « voilà ».

Extrait n° 2 :

Francine et Bérénice viennent d’interpréter une chanson afin de permettre aux régisseurs de

régler le son. (Notons l’intervention ponctuelle d’une cinquième personne venue apporter du

matériel pour le spectacle.)

BER : Bérénice FRA : Francine MAR : Marcus DAV : David JAW : Jawad 1 BER ça va où/ 2 MAR ouais non non ça va 3 BER c’est qu’les retours sont près non/ 4 (0,5) 5 MAR ouais: un peu 6 MAR mais: c’est vraiment pour les: pour la [x] 7 BER [les premiers] 8 DAV [ouais xxx xxx xxx] 9 MAR [dès que le deuxième 10 rang] après y a bien [les baffles] 11 DAV [après] c’est la voix plutôt qui est qui 12 est l’plus plus grave 13 JAW c’est pas l’violon 14 DAV mais [ça va] 15 FRA [après] est-ce que voulez [qu’on s’recule un peu/] 16 DAV [PARCE qu’en fait] on entend quand 17 on près& 18 BER j’peux reculer le retour aussi/ 19 DAV &on entend aussi la voix en acoustique\ 20 BER ah: oui 21 DAV [donc ça on peut pas l’enlever enfin à moins que tu chantes pas 22 ((expiration)) mais: 23 MAR [((siffle))] 24 MAR ((rires)) 25 BER mais du coup on nous entendra plus en façade 26 FRA moi ça m’dérangerait pas qu’elle chante pas 27 MAR =oui en fait c’est une sortie phono même 28 DAV nous aussi non plus mais bon 29 BER ((rires)) 30 ((respiration)) 31 DAV faut bien une star 32 BER [((rires))] 33 FRA [((rires))]

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34 DAV f- faut bien une star dans la soirée\ 35 BER ouais ouais 36 (2,4) 37 ? ah 38 (1,8) 39 MAR ça c’est mieux 40 FRA ah [ouais] 41 BER [hein::] 42 (0,6) 43 FRA pourquoi ça fait plus joli/ 44 BER non ça évite que [ça tire pas sur le micro] 45 MAR [<((imite un bruit))ça évite>] 46 MAR ((rires)) 47 (0,6) 48 MAR qui s’débranche 49 MAR NON NON ça sonne si pour vous c’est confort j’ai baissé à peine 50 les retours mais: 51 FRA ouais mais t’as bien fait j’pense 52 MAR ça ça change quelqu’chose/ ou:: ça va/ 53 FRA [hein non] 54 BER [non non] 55 FRA fin non ça change rien pour nous mais c’est mieux 56 BER [moi je peux xxxx] 57 FRA [c’est moins fort] j’pense 58 (1,2) 59 FRA moi aussi hein moi aussi 60 BER tu peux le mettre plus sur le côté tu sais 61 MAR ça bave un peu mais bon

Ligne 2 : Marcus manifeste son opinion concernant le son et dit : « ouais non non ça va ». Il

semble s’agir là de la phase de confrontation décrite par Van Eemeren et Grotendorst (1984,

2004). Nous pouvons penser que Marcus tente de modérer son avis négatif puisque les deux

« non » sont encadrés par « ouais – ça va ». Cette structure fait fortement penser aux travaux

de Berrier (1997) qui évoquent des marqueurs de ce type, dont le sens d’apparence positif

cache un avis tendant vers le non.

En ligne 3, la production de Bérénice s’inscrit comme la phase d’ouverture de la discussion.

A partir de ce qu’elle identifie comme étant l’objet de désaccord : « c’est qu’les retours sont

près non/ », les interlocuteurs pourraient décider de résoudre leurs divergences. Mais la

réponse de Marcus « ouais:: un peu » semble répondre partiellement à la proposition de

Bérénice.

Les lignes 6 à 13 font apparaître plusieurs interactants dont l’intervention de David. Son

« ouais » signifie son accord avec le désaccord de Marcus, mais selon lui, l’origine du

désaccord concerne la voix de Bérénice qui est forte.

En ligne 14, David entreprend de conclure l’interaction avec « ça va », mais Francine dans le

tour de parole qui suit, émet une autre possibilité, celle de se reculer. Pourtant, David, ligne

19, revient sur le problème de la voix, qui selon lui, n’est pas soluble car on ne peut pas

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enlever la voix, à moins de ne pas chanter (ligne 21). Les lignes 28 à 38 pourraient

correspondre à la phase de conclusion, mais dès la ligne 27, on remarque que Marcus tente de

trouver une solution au problème : « oui en fait c’est une sortie phono

même ». (Idem en lignes 39, 45, 48). C’est à la ligne 49 : « NON NON ça sonne si pour vous

c’est confort j’ai baissé à peine les retours mais: » que Marcus signale que le son est bon,

mais cherche à savoir si ses réglages conviennent. Un chevauchement apparaît en lignes 53,

54 : il s’agit des interventions de Francine et de Bérénice. Elles ont le même avis sur l’action

de Marcus. La conclusion de l’interaction apparaît en ligne 61. Marcus signale : « ça bave un

peu mais bon ».

Dans cet extrait assez long, nous voyons se dessiner une sorte de répartition des forces dont

parle Zamouri (1995). Deux groupes de deux apparaissent : les musiciennes, qui font alliance

d’un côté, et les régisseurs de l’autre côté.

Extrait n° 5 :

Francine a demandé à David de mettre en place des lumières bleues afin de créer une

ambiance du style « bloc opératoire ». Francine et Bérénice discutent avec une autre

personne lorsque Francine remarque la couleur des lumières.

BER : Bérénice FRA : Francine MAR : Marcus DAV : David 1 FRA ça c’est les bleus/ ah non c’est pas les bleus\ 2 BER ben si\ c’est BLEU ça:/ 3 FRA non\ 4 (0,6) 5 MAR ben oui c’est bleu 6 DAV ça c’est bleu 7 FRA ah bon/ 8 (1,7) 9 BER <((en changeant de voix)) vous vous foutez de nous/> 10 BER [((rires))] 11 FRA [<((rires))] c’est blanc\> 12 BER c’est pas du bleu mon Dieu/ 13 FRA ((rires)) 14 DAV regarde (.) je vais t’montrer 15 (.) 16 DAV ça c’est bleu 17 (0,3) 18 BER ((rires)) 19 DAV ça c’est blanc 20 (0,7) 21 BER ah/ 22 DAV et ça c’est bleu 23 FRA ah bon

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24 DAV et ça c’est blanc 25 BER ((rires)) ouais: 26 FRA ah oui ok 27 DAV ça c’est bleu 28 BER là c’est vrai que c’est froid mais c’est pas bleu 29 DAV donc l’effet là ça vous va/ 30 FRA oui 31 BER [ok] 32 DAV [pas mal hein/] 33 MAR x veut- vous voulez plus bleu/ 34 BER ben= 35 DAV =après si c’est plus bleu foncé (0,4) déjà ça fera moins froid 36 et on verra rien 37 (0,3) 38 BER ouais ben alors reste comme ça 39 (0,5) 40 DAV après qu’si on voit [rien] 41 BER [ça ça] fait blanc en fait (0,5) ça fait 42 FRA ben ça fait pas et [c’est pas grave] 43 BER [ça fait livide] 44 BER [ouais non] 45 FRA [mais non] C’EST BIEN C’EST BIEN 46 DAV si tu veux la transition parce que le [le bl-le blanc] il est 47 jaune& 48 FRA [ça s’voit] oui oui 49 BER ouais ouais 50 DAV &la transition [avec ça] 51 BER [oui oui c’est ça] 52 DAV ça fait c’que tu dis toi 53 BER non mais c’est très bien 54 FRA parfait David 55 BER est-ce que t’as du rose par hasard/

Francine et Bérénice manifestent leur désaccord dès les lignes 1, 2, 3. On peut noter, du point

de vue du placement, un premier « non » produit par Francine en ligne 1, situé à distance dans

le même tour. On remarque un étonnement puis le « non » immédiat et isolé avec l’intonation

descendante émis par Francine en ligne 3. En ligne 9, Bérénice s’oppose et demande en

changeant de voix, certainement pour atténuer la puissance de son opinion : « vous vous

foutez de nous/ ». En ligne 12, elle produit l’énoncé suivant : « c’est pas du bleu mon Dieu/ ».

Les lignes 5 et 6 marquent les interventions respectives de Marcus et David qui manifestent

explicitement leur accord sur la nature de la couleur (Marcus : « ben oui c’est bleu ». David :

« ça c’est bleu »). Nous remarquons que l’alliance entre Marcus et David s’établit très tôt dans

cette interaction. Les lignes 7 à 13 concernent des tours de parole entre Bérénice et Francine

qui font bloc face aux deux régisseurs. Les lignes 14 à 24 correspondent à la phase

d’argumentation au cours de laquelle David fait la démonstration de la différence de couleurs

entre le bleu et le blanc.

Ligne 25, Bérénice semble convaincue, elle exprime « ouais: » et Francine rejoint l’avis de

Bérénice dès le tour suivant : « ah oui ok ». Les deux musiciennes restent dans la même

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posture, et on peut observer la formation de deux coalitions : les musiciennes face aux

régisseurs. En lignes 30 et 31, les deux musiciennes réitèrent leur accord.

La ligne 33 fait apparaître une production de Marcus qui tente une négociation qui n’aboutit

pas malgré les échanges lignes 34 à 43. Ligne 44, Bérénice exprime « ouais non » qui se

chevauche avec « mais non » produit par Francine. Ce chevauchement démontre que les deux

musiciennes sont vraiment d’accord sur le fond de la divergence et elles expriment leur avis

quasiment de la même manière en même temps. Ce phénomène se reproduit en lignes 48 et

49 où nous observons un « oui oui » de Francine, suivi par un « ouais » « ouais » de Bérénice.

L’interaction se conclut par « non mais c’est très bien » produit par Francine. S’ensuit

« parfait David » exprimé par Bérénice.

Extrait n° 6 :

Les régisseurs poursuivent la mise en place des lumières. Bérénice demande à Francine de

venir voir ce que donnent les lumières sur elle.

BER : Bérénice FRA : Francine MAR : Marcus DAV : David JAW : Jawad L’intégralité de cet extrait figure en pages 37-38. 15 DAV ((doucement)) j’crois qu’j’vais éteindre la face 16 FRA ben:: (.) après ça fait très très rouge hein 17 (0,9) 18 FRA si tu mettrais just’un poil de: jaune 19 (0,7) 20 FRA [non/] 21 DAV [pardon/] 22 FRA si tu mettais just’un poil de jaune/ 23 (0,6) 24 BER en plus quelque part\ 25 (0,7) 26 MAR non mais y’aura d’autres lumières de tout’façons [tu peux rester 27 éclairée toi] 28 BER [ah voilà y 29 aura d’autres lumières] oui y’aura 30 DAV j’sais pas ça dépend de: c’qu’elles veulent 31 BER non non l’idée c’est que elle reste: 32 BER dans [l’ombre&] 33 MAR [jaune] 34 BER &un peu 35 (0,6) 36 FRA ouais mais si tu mets juste un peu d’jaune sur le:= 37 BER =oui

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38 (1,8) 39 MAR ((siffle)) 40 BER parce que c’est pareil c’est un effet de: trente secondes 41 tu vois heu: 42 MAR ((siffle)) 43 (14,5) 44 DAV c’est un peu cassé comme ça pis on voit à peine le piano 45 (1,2) 46 DAV c’est pas mal non/ 47 BER ouais tu peux baisser- ouais un tout petit peu 48 BER ouais comme ça c’est bien 49 MAR et elle tu lui mets un [contre] 50 JAW [de l’autre côté] 51 MAR un peu dessus David non/ (.) un contre ça la s- sortirait un 52 peu pis ça c-casserait à peine le rouge 53 (2,2) 54 FRA ouais: (1,0) eh ben (0,3) tu ah non tu peux pas dissocier ça et 55 ça/ 56 DAV non on peut 57 (0,7) 58 FRA ah c’est ça/ 59 MAR ouais 60 (0,5) 61 MAR [((rires))] 62 BER [d’accord] 63 MAR on va pouvoir 64 DAV si on va dissocier 65 MAR ((rires)) 66 (0,5) 67 FRA NON NON NON mais te fais pas- 68 DAV si on va dissocier Ligne 16, Francine exprime de façon modérée son avis sur la couleur : « ben:: (.) après ça fait

très très rouge hein ». On note dans cette production une hésitation avec « ben:: » suivie d’une

pause et son désaccord implicite. Il est suivi d’une pause qui pourrait laisser la place à un tour

de parole des régisseurs. La ligne suivante, c’est encore Francine qui poursuit et propose : « si

tu mettrais just’un poil de: jaune ». Après une pause qui ne suscite aucune réaction, Francine

« lance » un « non » interrogatif puis elle réitère sa question suite au « pardon » formulé par

David en ligne 21. Il est intéressant de relever en ligne 24, la production de Bérénice qui

prolonge la phrase de Francine : « en plus quelque part\ » et démontre ici encore son

appartenance au groupe de Francine. Nous remarquons très peu d’investissement de la part

des régisseurs dans ce début d’interaction, et ce phénomène pourrait également correspondre à

une forme de désaccord. Dans sa définition du conflit verbal Arcidiacono (2008) évoque en

effet notamment : « différents degrés d’investissement dans certaines situations »

(Arcidiacono, 2008, p. 34)

Mais en ligne 26, c’est Marcus qui introduit la phase d’argumentation. Les lignes 36-37 font

émerger de nouveau le jeu des alliances entre Bérénice et Francine : l’une dit « oui », l’autre

« ouais », et c’est à cette ligne 36 que Francine renouvelle sa demande d’éclairage jaune.

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Marcus reste en retrait vis-à-vis de ces demandes : il siffle. En ligne 40, nous voyons que

Bérénice va toujours dans le sens de Francine, et tente de minimiser la demande en précisant

qu’elle ne durera pas longtemps : « parce que c’est pareil c’est un effet de: trente secondes ».

Les lignes 44 à 53 semblent toujours concerner la phase de négociation au cours de laquelle

les régisseurs apparaissent davantage investis dans l’interaction et l’action. Mais en ligne 54,

Francine soulève un nouveau point de confrontation : « ouais: (1,0) eh ben (0,3) tu ah non tu

peux pas dissocier ça et ça ». David, dans le tour suivant, formule une réponse ambiguë « non

on peut », s’agit-il d’un désaccord ou d’un accord ? Les lignes 63 et 64 signalent le

rapprochement des positions de Marcus et de David. Marcus précise « on va pouvoir » et

David dit : « si on va dissocier ». Francine en ligne 67 semble être gênée par leur réponse et

exprime un très poli « NON NON NON mais te fais pas- ». David conclut et clôture par « si

on va dissocier ».

Cet extrait met largement en évidence la présence des deux forces qui opposent deux groupes

sociaux différents : le groupe des musiciennes et le groupe des régisseurs.

2- Description qualitative des résultats

2.1 Méthodes de gestion utilisées par un locuteur manifestant son désaccord

Cette analyse de données utilise en grande partie les distinctions définies dans l’étude de Fasel

Lauzon et al. (2009).

Méthodes de gestion du désaccord Nombre

Placement du désaccord dans le même tour

Désaccord immédiat (placé tout au début du même tour de parole)

1 (Extrait 1 ligne 7 - Marcus)

1 (Extrait 6 ligne 16 -Francine)

1 (Extrait 6 ligne 56- David)

Désaccord à distance (placé plus loin dans le même tour)

1 (Extrait 2 ligne 2- Marcus)

1 (Extrait 5 ligne 1 - Francine)

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Placement du désaccord dans l’enchaînement des tours de parole

Désaccord en position initiale du tour (exposé dans le premier tour de parole de l’interactant manifestant son désaccord)

1 (Extrait 1 ligne 7 - Marcus)

1 (Extrait 2 ligne 2 - Marcus)

1 (Extrait 5 ligne 1- Francine)

1 (Extrait 6 ligne 16- Francine)

1 (Extrait 6 ligne 56 -David)

Désaccord en position non initiale (apparaît plusieurs tours plus tard)

Formatage linguistique

« non » 1 (Extrait 1 ligne 7 - Marcus)

1 (Extrait 2 ligne 2 - Marcus)

1 (Extrait 5 ligne 1 - Francine)

1 (Extrait 6 ligne 56- David)

Désaccords implicites 1 (Extrait 6 ligne 16- Francine)

Modalisateurs 1 (Extrait 2 ligne 2 - Marcus)

1 (Extrait 6 ligne 56 - David)

Ce tableau permet de visualiser le placement des désaccords identifiés dans le corpus, ainsi

que leur structure linguistique. Nous observons que les désaccords sont davantage placés en

début de tour, et il convient de relever que les deux désaccords inscrits dans la rubrique « à

distance » sont situés très près d’une position initiale. Tous les accords repérés occupent une

position initiale dans l’enchaînement des tours de parole. Les interactants manifestent donc

très rapidement leur désaccord.

Les résultats obtenus démontrent que les désaccords s’expriment, pour la majorité, de façon

explicite avec un « non » formellement produit dans l’interaction. Ce « non » apparaît à deux

reprises avec les modalisateurs : « ouais non non ça va », « non on peut ». On note un seul

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désaccord implicite qui est exprimé par Francine de manière plutôt hésitante et délicate :

« ben:: (.) après ça fait très très rouge hein ». Il est également important de souligner que sur

les quatre désaccords manifestés par un « non », trois sont produits par le groupe des garçons.

IV/ INTERPRETATION DES RESULTATS

Ce corpus, bien que restreint, a permis d’extraire quatre séquences interactionnelles

intéressantes du point de vue de nos questions de recherche.

Comme il l’a été évoqué précédemment, il nous a paru que les moments de répétition et de

mise en place technique en vue d’un concert semblaient particulièrement adaptés à la

manifestation des désaccords. Avant de procéder aux enregistrements, il avait été envisagé

que les désaccords se produiraient plutôt entre les deux musiciennes qui selon nous, auraient

eu besoin de s’accorder en différents points, générant à cette occasion des divergences

d’opinion. L’apparition des désaccords entre les musiciennes et les régisseurs a suscité de

l’étonnement au regard de ce travail.

En référence aux questions de recherche, plusieurs aspects ont été observés dans cette

étude afin de vérifier l’hypothèse élaborée et la mise en regard des aspects théoriques

présentés ci-dessus.

D’abord, la description quantitative a permis d’identifier plus nettement les placements des

désaccords dans le même tour de parole, ou leur position dans l’enchaînement des tours. A cet

égard, les résultats obtenus quant à la place du désaccord dans l’enchaînement des tours

s’éloignent des travaux réalisés par Pochon-Berger et Pekarek Doehler (2011), et Berrier

(1997). Ces derniers évoquent en effet une tendance à retarder sa manifestation alors que nous

constatons que l’ensemble des désaccords étudiés s’imposent tôt dans l’enchaînement des

tours.

La notion de face développée par Goffmann (1973) a été évoquée brièvement dans cette

étude, celle-ci pouvant être menacée par l’utilisation directe et explicite du « non » utilisé sans

éléments linguistiques d’atténuation (Pochon-Berger (2011). Nous remarquons que certains

désaccords apparaissent sous la forme « non », et que l’analyse des conversations que nous

avons réalisée ne fait a priori pas émerger la perte de face de l’un ou l’autre des interactants.

La situation de communication peut peut-être expliquer ce constat. En effet, chaque

participant (ou chaque groupe) a pour objectif le bon accomplissement des mises au point

techniques. Il peut donc dans ce contexte être considéré que chacun, sans le manifester

explicitement, ait envisagé pouvoir émettre son opinion, son désaccord même de façon

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directe. La mise au point technique étant réalisée le jour même du concert, il se pourrait

également que chacune des personnes ait intégré l’idée que cette répétition technique doive

aboutir à un accord général. Enfin, le rôle des interlocuteurs et leurs compétences mises en

scène dans ces échanges pourraient nous permettre d’argumenter ce phénomène qui fait

émerger l’identité des locuteurs experts en régie son et lumières (les régisseurs) versus

l’identité des locuteurs non experts en régie (les musiciennes).

Concernant l’hypothèse qui postule que les désaccords se déclineraient sous une forme plutôt

implicite et modérée, il n’est pas possible de la confirmer dans son ensemble. En effet, un seul

désaccord apparaît dans une forme implicite sur les cinq désaccords identifiés. Par contre, on

note tout de même que les modes de gestion utilisés tendent à atténuer la production du

désaccord avec des structures de type : « ouais non non ça va », « non on peut ».

Nous avons posé la question des stratégies qu’utilisaient des locuteurs lorsqu’ils prenaient

position ensemble à l’égard d’un désaccord. Plusieurs formes sont apparues dans les extraits

retenus. Nous avons pu constater dans la première séquence que Bérénice poursuivait

l’énoncé entamé par Francine. En effet, lorsque Bérénice précise que « c’est pour faire une

berçeuse », Francine poursuit en disant : « donc c’est pas grave si tout= ». Nous faisons le

même constat dans l’extrait 6 : alors que Francine demande : « si tu mettais just’un poil de

jaune/ » , Bérénice, après une pause, propose « en plus quelque part\ ».

Dans l’extrait 1, nous avons relevé que lorsque Francine répond à Marcus, elle emploie le

« nous », associant ainsi Bérénice à sa réponse.

D’autres structures plus récurrentes sont à noter, comme des chevauchements de productions

pour émettre le même avis. Dans l’extrait 5, nous remarquons que Bérénice exprime « ouais

non » qui se chevauche avec « mais non » produit par Francine. Dans d’autres situations, nous

avons pu relever des interactions dans lesquelles Francine dit « oui » et Bérénice dit « ok »,

ou encore Bérénice exprime « non mais c’est très bien » juste avant que Francine annonce :

« parfait David » .

Concernant les régisseurs, nous pouvons établir des constats similaires. Dans l’extrait 5, nous

avons pu observer que Marcus et David manifestent explicitement leur accord sur la nature de

la couleur mise en question : Marcus : « ben oui c’est bleu ». David : « ça c’est bleu ». Mais

ce qui est frappant, c’est l’attitude semblable qu’ils adoptent lorsque, dans l’extrait 6,

Francine trouve la lumière trop rouge. Nous remarquons très peu d’investissement de la part

des régisseurs dans cette séquence, et nous avons relevé que ce phénomène d’après

Arcidiacono (2008) pourrait être représentatif d’un conflit verbal.

Du point de vue de l’émergence de groupes sociaux, cette étude a permis de démontrer

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comment, à travers l’analyse du langage, il a été possible de faire ressortir un phénomène

social : l’appartenance à un groupe social. Nous avons en effet pu observer l’existence de

deux groupes sociaux : le groupe des musiciennes et le groupe des régisseurs, ainsi que la

présence de conflits inter-groupes. En référence aux travaux de Tajfel (1972), il apparaît que

Bérénice et Francine ont le sentiment d’appartenir au même groupe social, et c’est à travers

cette connaissance qu’elles forgent leur identité et se définissent l’une vis-à-vis de l’autre.

Lorsque leur groupe social, à l’occasion de la mise en place technique du concert, entre en

interaction avec des personnes d’un autre groupe, il semble qu’elles repèrent et définissent cet

autre groupe par le biais d’un processus de catégorisation. Ce dernier a pour effet, pour

Bérénice et Francine (ou pour Marcus et David car le processus est le même s’agissant d’eux),

d’accentuer leur ressemblance dans l’appartenance à la même catégorie et de creuser la

différence avec l’autre groupe. Ce phénomène est visible dans les séquences présentées, dans

l’extrait 5 notamment où chaque membre d’un même groupe est solidaire quant à la couleur

des lumières. On observe non seulement la façon dont chacun fait bloc avec l’autre membre

de son groupe, mais également l’écart qui se créé entre les deux groupes. Dans l’extrait 6,

nous avons l’impression que Bérénice vient au secours de Francine lorsque le groupe des

régisseurs ne répond pas à ses remarques. Nous relevons également dans cet extrait, l’attitude

comparable qu’adoptent les régisseurs lorsqu’ils choisissent de rester en retrait, mais aussi

lorsque tous deux utilisent un registre humoristique. Nous le voyons avec la réaction de David

(ligne 21) lorsqu’il répond « pardon » à la remarque gênée de Francine, l’obligeant à répéter

sa demande, mais aussi quand Marcus dit « jaune » dans la continuité de la phrase de

Bérénice qui exprime « non non l’idée c’est que elle reste: ». La description du formatage

linguistique du désaccord et plus particulièrement l’apparition du « non » pourrait aussi

rendre visible le moyen dont le groupe des hommes manifeste son désaccord : sur les quatre

« non » manifestés, trois sont produits par ces derniers. Ce phénomène pourrait permettre

l’analyse de la production des désaccords en fonction des genres. Il pourrait également

projeter les niveaux de compétences en jeu et faire apparaître l’identité des locuteurs experts

en régie son et lumière et celle des locuteurs non experts.

V/ PERSPECTIVES ET RECOMMANDATIONS

Ce travail a démontré que l’analyse conversationnelle ne se restreint pas à l’étude de la forme

du langage, mais qu’elle traite également les activités qui sont réalisées par les locuteurs.

Bien qu’une description quantitative soit venue étayer cette étude, la démarche utilisée porte

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essentiellement sur une analyse qualitative. La description des données permet de tirer des

conclusions, mais au vu de la taille du corpus, il semble difficilement possible et d’ailleurs

peu opportun ici de généraliser les résultats. Il conviendrait peut-être mieux de pouvoir

reproduire ce type d’étude avec le même public observé : musiciens / régisseurs ou d’autres

configurations d’interactions : enseignants / apprenants par exemple, afin de vérifier

l’émergence du processus social repéré dans cette étude, ou l’existence d’autres phénomènes,

comme celui des genres ou l’identité des locuteurs et leurs compétences projetées. Le

traitement du matériel non verbal, possible grâce à des enregistrements audio-visuels, pourrait

venir renforcer certaines constatations, et peut-être révéler d’autres attitudes.

Ce travail, inscrit dans le courant interactionniste, confirme l’utilité de l’analyse

conversationnelle comme outil pour décrire et analyser les interactions verbales récoltées dans

des situations réelles, afin d’appréhender certaines dimensions sociales. Nous avons postulé

que les désaccords exprimés feraient émerger une appartenance à un groupe social et il a fallu

veiller, lors de l’analyse des résultats, à ne pas chercher à vouloir faire tendre nos

observations vers notre hypothèse.

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F/ LISTE DES ANNEXES :

1- Conventions de transcription

2- Transcriptions

3- Autorisation d’enregistrer et/ou de filmer LAPERROUSAZ Perrine

4- Autorisation d’enregistrer et/ou de filmer LIGERET Evelyne

5- Autorisation d’enregistrer et/ou de filmer GENIN Patrick

6- Autorisation d’enregistrer et/ou de filmer ROGEBOZ Laurent

7- Déclaration sur l’honneur

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Annexe 1 Conventions de transcription (ICOR) ? Participant incertain = Enchaînement immédiat [ Chevauchement (.) Silence d’une durée inférieure à 0,2 secondes xxx Structures incompréhensibles (parce que ; car ce que) Structure segmentales alternatives de : Allongement Je retr- retrouve Troncation <((en riant)) crois-tu/> Description d’une production vocale, l’ensemble est compris entre chevrons pour en indiquer la portée / \ Montée et chute intonative je MANge Saillance perceptuelle ((COM: fin de la cassette)) Commentaires & Interruption d’un tour et reprise du tour interrompu

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Annexe 2 Duo « Chanson française » : 19 octobre 2013 FRA : Francine MAR : Marcus BER : Bérénice DAV : David JAW : Jawad Conventions utilisées : ICOR Les pauses ont été calculées à l’aide du logiciel Audacity Extrait n° 1 : 2 mn 28 : 1 BER après c’est facile 2 (0,8) 3 FRA oui [on] 4 BER [c’lui là] heu: c’est le rappel 5 FRA c’est le dernier morceau 6 BER donc c’est le der- fin c’est vraiment à la fin fin fin 7 MAR non c’est le deuxième son surtout (0,4) qui était vachement 8 faible\ 9 FRA ah::/ 10 (0,8) 11 MAR c’lui là 12 (0,8) 13 FRA oh/ alors C’EST PAS GRAVE parce que ça arrive à un moment où ça 14 fait tout tout d’un coup 15 BER c’est pour faire une berçeuse [xxxx] 16 FRA [donc] c’est pas grave si tout= 17 MAR =si c’est un peu calme 18 FRA ouais 19 MAR [et pis moi je gère l’impact] 20 FRA [nous aussi] on baisse au niveau de la voix donc 21 MAR d’accord 22 FRA j’pense que c’est pas très grave (.) après vraiment si tu 23 entends que les voix et pas ça tu pourras&= 24 MAR =oui oui oui [j’vais le remonter] 25 FRA [&réaugmenter] juste un petit peu 26 MAR j’vais gérer un peu comme ça normal 27 FRA voilà 28 FRA non et jennifer (.) y a rien pour jennifer

Extrait n° 2 : 15 mn 37 1 BER ça va où/ 2 MAR ouais non non ça va 3 BER c’est qu’les retours sont près non/ 4 (0,5) 5 MAR ouais: un peu 6 MAR mais: c’est vraiment pour les: pour la [x] 7 BER [les premiers] 8 DAV [ouais xxx xxx xxx] 9 MAR [dès que le deuxième

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10 rang] après y a bien [les baffles] 11 DAV [après] c’est la voix plutôt qui est qui 12 est l’plus plus grave 13 JAW c’est pas l’violon 14 DAV mais [ça va] 15 FRA [après] est-ce que voulez [qu’on s’recule un peu/] 16 DAV [PARCE qu’en fait] on entend quand 17 on près& 18 BER j’peux reculer le retour aussi/ 19 DAV &on entend aussi la voix en acoustique\ 20 BER ah: oui 21 DAV [donc ça on peut pas l’enlever enfin à moins que tu chantes pas 22 ((expiration)) mais: 23 MAR [((siffle))] 24 MAR ((rires)) 25 BER mais du coup on nous entendra plus en façade 26 FRA moi ça m’dérangerait pas qu’elle chante pas 27 MAR =oui en fait c’est une sortie phono même 28 DAV nous aussi non plus mais bon 29 BER ((rires)) 30 ((respiration)) 31 DAV faut bien une star 32 BER [((rires))] 33 FRA [((rires))] 34 DAV f- faut bien une star dans la soirée\ 35 BER ouais ouais 36 (2,4) 37 ? ah 38 (1,8) 39 MAR ça c’est mieux 40 FRA ah [ouais] 41 BER [hein::] 42 (0,6) 43 FRA pourquoi ça fait plus joli/ 44 BER non ça évite que [ça tire pas sur le micro] 45 MAR [<((imite un bruit))ça évite>] 46 MAR ((rires)) 47 (0,6) 48 MAR qui s’débranche 49 MAR NON NON ça sonne si pour vous c’est confort j’ai baissé à peine 50 les retours mais: 51 FRA ouais mais t’as bien fait j’pense 52 MAR ça ça change quelqu’chose/ ou:: ça va/ 53 FRA [hein non] 54 BER [non non] 55 FRA fin non ça change rien pour nous mais c’est mieux 56 BER [moi je peux xxxx] 57 FRA [c’est moins fort] j’pense 58 (1,2) 59 FRA moi aussi hein moi aussi 60 BER tu peux le mettre plus sur le côté tu sais 61 MAR ça bave un peu mais bon Extrait n° 3 : 18 mn 28 1 FRA c’est bien 2 BER ça va là/ 3 MAR sur scène c’est un peu empâté mais là dans la salle c’est assez

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4 [bien] 5 FRA [sur scène c’est=] 6 FRA =chez nous c’est empâté mais vous c’est bien\ 7 MAR ouais (0,4) non/ 8 (0,5) 9 BER [heu] 10 FRA [heu] nous ça va hein 11 MAR vous ça va/ 12 BER ouais ça tolère 13 FRA on a peut-être l’habitude d’un son comme ça\ 14 MAR ouais c’est c’est plus fin là dans la salle 15 FRA ouais ben tant mieux 16 MAR après la réverb pour vous ça va/(.) sur scène y’en a assez/ 17 BER ouais 18 FRA ah oui [c’est bien] 19 BER [alors] la réverb en général faut pas si tu peux ne 20 pas en en 21 FRA ben la y a un petit peu 22 BER OUI (.) mais pas 23 FRA c’est bien 24 BER ben là quand on parle ça fait pas terrible j’trouve 25 (1,1) 26 FRA <((doucement)) pourquoi/> 27 (0,8) 28 BER ben ça fait 29 FRA [trop/] 30 (0,7) 31 MAR [xx] 32 BER en fait si tu veux entre chaque [morceau] 33 MAR [là] quand vous parlez il 34 faudrait que j’la shinte 35 BER faudrait que tu la 36 BER voilà c’est ça 37 MAR ouais j’en mets comme ça/ 38 (0,5) 39 BER voilà (.) ouais 40 MAR voilà 41 MAR et pis quand vous chantez/ 42 BER tu peux en mettre un petit peu\ 43 MAR un peu plus [ok] 44 FRA [comment/ oui] 45 MAR ouais ouais que ça fasse 46 BER parce [qu’en fait] 47 MAR [parce que] vous parlez dans l’église de:: 48 BER oui oui parce qu’en fait on on parle vraiment entre CHAque ` 49 morceau 50 MAR ouais 51 BER et heu:& 52 MAR xx ouais ouais pas de souci& 53 BER &et heu faut que ça se fasse naturel tu vois/ 54 MAR xxx xxx 55 MAR ouais ouais 56 MAR d’accord

Extrait n° 4 :

19 mn 38 1 BER à la fin je lE laisse un peu tomber par terre le micro 2 (0,4)

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3 MAR ouais 4 BER mais de pas haut normalement 5 BER ((rires)) 6 MAR ((rires)) 7 (1,28) 8 BER fin j’le lâche: 9 (0,5) 10 BER mais en général [je suis] 11 MAR [faut pas demander] faut pas demander des micros 12 statiques 13 BER c’est un statique là/ 14 MAR ben oui\ 15 FRA ah: 16 BER ah mais c’est POUR CA qu’ça fait que un son aussi: 17 BER ah ben non alors j’le ferai pas 18 (0,7) 19 FRA ben alors le fais [pas] 20 MAR [(ben: hein) tu prends] le non non parce que 21 non c’est pas à moi xxx ((rires)) 22 BER non non non non mais d’habitude on a des fin: c’est qu’en fait 23 on marque sta-statiques mais ils en ont jamais alors= 24 MAR AH BEN NOUS on respecte nous 25 FRA ah oui vous êtes [(sérieux)] 26 BER [c’est surtout] que j’avais jamais vu des 27 statiques avec un:: 28 MAR c’est des sennheiser heu:& 29 FRA ah sennheiser 30 MAR &865 31 FRA ah oui 32 BER ok 33 FRA [ah non mais j’ai pas] 34 MAR [c’est comme les] KM neuman en fait les KM 105 c’est le même 35 type ouais 36 BER c’est pour ça que [en fait] 37 MAR [ça sonne (beau)/] 38 (0,5) 39 BER ah oui oui pis c’est étonnant parce que quand on parle: 40 (0,3) 41 FRA ça s’entend= 42 BER =ça s’entend voilà 43 FRA oui 44 BER fin: 45 MAR quand tu parles ça s’entend/ 46 BER non tu vois d’habitude je dois faire comme ça/ <((changeant de 47 voix)) 48 alors Francine/> 49 FRA <((changeant de voix)) [oui Bérénice]> 50 BER [alors que là] j’peux faire alors 51 Francine et ça marche quand même 52 (0,4) 53 MAR d’accord donc je shinte la réverbe un p’tit peu au milieu 54 [comme ça]& 55 FRA [oui::] 56 MAR &pis ouais le micro j’sais pas si tu peux éviter 57 BER non non j’vais pas lâcher du coup 58 FRA mais par contre tu t’le prends dans la gueule 59 (0,5) 60 BER ah ouais 61 MAR ouais ben 62 BER c’est pas grave si j’tape dessus heu: avec ma tête/ ((rires)) 63 MAR pis c’est j’laisse du volume là c’est bon/

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64 BER oui oui faut laisser le v- [oui]& 65 FRA [ouais] 66 BER &non ça fait tout le temps partie du truc 67 MAR ah oui 68 FRA non c’est pour dire parce que les techniciens je comprends que 69 c’est ton matos et c’est pas très agréable de l’voir: 70 MAR ouais: c:’est pas l’mien en l’occurrence mais c’est pas pour 71 autant que: 72 BER [oui] 73 FRA [ouais] faudra faire attention 74 BER c’est pas à nous quoi 75 MAR je suis pas responsable 76 BER et et: heu du coup j’peux l’prendre à la main quand même ou/ 77 MAR ah oui oui oui non c’est un micro de chant comme un autre sauf 78 qu’il est un peu sensible quoi xxx 79 DAV et cher 80 MAR il est un peu sensible mais: 81 BER ((rires)) oui oui oui (0,3) j’peux le poser par terre sans 82 l’jeter par terre 83 (0,4) 84 MAR non non y’a aucun ouais: 85 (1,1) 86 FRA ah/ 87 MAR après j’sais pas essaie après y a autre chose à faire après 88 [ou c’est le dernier truc/] 89 FRA [ou tu ou tu m’le donnes] 90 BER c’est l’avant dernier après y a l’rappel 91 FRA tu m’le coinces 92 (0,4) 93 MAR disons que disons que si y marche plus 94 BER non non en général c’est parce que j’suis par terre et j’le 95 lâche enfin j’le: 96 (0,4) 97 BER ((manipule le micro)) 98 FRA doucement 99 FRA mais j’peux faire ça quoi 100 (1,0) 101 BER ((manipule le micro)) 102 MAR ouais ouais même le laisser un peu mais pas trop ((rires)) 103 BER ouais ouais ouais 104 (1,9) 105 BER j’essaierai d’y penser c’est juste que c’est à un moment où 106 je n’ai plus trop de cerveau alors 107 MAR ((rires)) 108 FRA bon ben voilà c’est bien 109 FRA est-ce qu’il faut faire un autre truc/ 110 BER les lumières\

Extrait n° 5 :

35 mn 21 1 FRA ça c’est les bleus/ ah non c’est pas les bleus\ 2 BER ben si\ c’est BLEU ça:/ 3 FRA non\ 4 (0,6) 5 MAR ben oui c’est bleu 6 DAV ça c’est bleu 7 FRA ah bon/ 8 (1,7)

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9 BER <((en changeant de voix)) vous vous foutez de nous/> 10 BER [((rires))] 11 FRA [<((rires))] c’est blanc\> 12 BER c’est pas du bleu mon Dieu/ 13 FRA ((rires)) 14 DAV regarde (.) je vais t’montrer 15 (.) 16 DAV ça c’est bleu 17 (0,3) 18 BER ((rires)) 19 DAV ça c’est blanc 20 (0,7) 21 BER ah/ 22 DAV et ça c’est bleu 23 FRA ah bon 24 DAV et ça c’est blanc 25 BER ((rires)) ouais: 26 FRA ah oui ok 27 DAV ça c’est bleu 28 BER là c’est vrai que c’est froid mais c’est pas bleu 29 DAV donc l’effet là ça vous va/ 30 FRA oui 31 BER [ok] 32 DAV [pas mal hein/] 33 MAR x veut- vous voulez plus bleu/ 34 BER ben= 35 DAV =après si c’est plus bleu foncé (0,4) déjà ça fera moins froid 36 et on verra rien 37 (0,3) 38 BER ouais ben alors reste comme ça 39 (0,5) 40 DAV après qu’si on voit [rien] 41 BER [ça ça] fait blanc en fait (0,5) ça fait 42 FRA ben ça fait pas et [c’est pas grave] 43 BER [ça fait livide] 44 BER [ouais non] 45 FRA [mais non] C’EST BIEN C’EST BIEN 46 DAV si tu veux la transition parce que le [le bl-le blanc] il est 47 jaune& 48 FRA [ça s’voit] oui oui 49 BER ouais ouais 50 DAV &la transition [avec ça] 51 BER [oui oui c’est ça] 52 DAV ça fait c’que tu dis toi 53 BER non mais c’est très bien 54 FRA parfait David 55 BER est-ce que t’as du rose par hasard/ Extrait n° 6 : 45 mn 20 1 BER et toi tu vois c’que tu fais/ 2 (.) 3 FRA oui oui ((joue du piano)) 4 DAV ça va/ 5 (.) 6 BER ben ché pas x tu peux voir c’que: fin 7 FRA oui moi je vois hein 8 BER non j’veux dire tu peux regarder/

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9 FRA ((rires)) 10 FRA ah pardon 11 FRA [((rires))] 12 BER [<((rires))] c’que ça donne/> 13 BER si on m’voit un peu quand même\ 14 (0,6) 15 DAV ((doucement)) j’crois qu’j’vais éteindre la face 16 FRA ben:: (.) après ça fait très très rouge hein 17 (0,9) 18 FRA si tu mettrais just’un poil de: jaune 19 (0,7) 20 FRA [non/] 21 DAV [pardon/] 22 FRA si tu mettais just’un poil de jaune/ 23 (0,6) 24 BER en plus quelque part\ 25 (0,7) 26 MAR non mais y’aura d’autres lumières de tout’façons [tu peux rester 27 éclairée toi] 28 BER [ah voilà y 29 aura d’autres lumières] oui y’aura 30 DAV j’sais pas ça dépend de: c’qu’elles veulent 31 BER non non l’idée c’est que elle reste: 32 BER dans [l’ombre&] 33 MAR [jaune] 34 BER &un peu 35 (0,6) 36 FRA ouais mais si tu mets juste un peu d’jaune sur le:= 37 BER =oui 38 (1,8) 39 MAR ((siffle)) 40 BER parce que c’est pareil c’est un effet de: trente secondes 41 tu vois heu: 42 MAR ((siffle)) 43 (14,5) 44 DAV c’est un peu cassé comme ça pis on voit à peine le piano 45 (1,2) 46 DAV c’est pas mal non/ 47 BER ouais tu peux baisser- ouais un tout petit peu 48 BER ouais comme ça c’est bien 49 MAR et elle tu lui mets un [contre] 50 JAW [de l’autre côté] 51 MAR un peu dessus David non/ (.) un contre ça la s- sortirait un 52 peu pis ça c-casserait à peine le rouge 53 (2,2) 54 FRA ouais: (1,0) eh ben (0,3) tu ah non tu peux pas dissocier ça et 55 ça/ 56 DAV non on peut 57 (0,7) 58 FRA ah c’est ça/ 59 MAR ouais 60 (0,5) 61 MAR [((rires))] 62 BER [d’accord] 63 MAR on va pouvoir 64 DAV si on va dissocier 65 MAR ((rires)) 66 (0,5) 67 FRA NON NON NON mais te fais pas- 68 DAV si on va dissocier

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Annexe 3

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Annexe 4

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Annexe 5

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Annexe 6

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Annexe 7