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© Masson, Paris. CA$ Ann Fr Anesth R6anirn, 9 : 183-184, 1990 CLINIOUE T6tanos s6v/ re et baclof ne intrath6cal Severe tetanus and intrathecal baclofen J.M. SAISSY, O. RAUX, R. GOHARD, B. DIA-I-rA Service de R~animation, H6pital Principal, BP 3006 Dakar, Sen6gal RI~SUME : Les auteurs rapportent le cas d'un patient de 48 ans atteint d'un t6tanos s6v~re chez lequel, au traitement conventionnel, est associ6e l'administration sous-arachnoidienne de badof~ne. Un cath6ter p6ridural est plac6 dans le liquide c6phalorachidien au niveau L3-L4. Deux injections de 1 mg de baclof~ne ~t une heure d'intervalle suppriment les contractures. Dix heures apr~s l'injection initiale, une perfusion intrath6cale continue de 2 mg. 24 h -~ est institu6e. Elle permet le contr61e des contractures. Eile est maintenue pendant 20 jours. L'6volution clinique est secondairement favorable. Mots-cl6s : INFECTION : t~tanos. Le t6tanos reste une maladie infectieuse redou- table, en particulier dans les pays en voie de d6veloppement ; c'est ainsi qu'en 1982, ce mal a caus6 la mort d'un million d'hommes dans le monde [4]. Plusieurs 6tudes [2, 3, 4, 6] ont d6montr6 l'int6- r6t du baclof~ne inject6 par voie intrath6cale. Ce travail pr61iminaire rapporte le premier cas de t6tanos africain trait6 par baclof~ne intrath6cal. OBSERVATION (Tableau I) Huit jours apr~s une injection intramusculaire de quinine, M. X..., 48 ans, est hospitalis6 en r6anirnation pour un t6tanos g6n6ralis6 qui a d6but6 48 h auparavant par un trismus avec dysphagie. A l'admission, le tableau clinique est celui d'un t6tanos s6v~re : contraetures musculaires, paroxysmes subintrants. Le retentissement respiratoire est manifeste avec encombre- ment bronchique,~,, at61ectasie d6butante du lobe sup6rieur droit ; pr~ ~ 61,9 mmng. La tdlgl~6rature'-- centrale est de 38 °C, la fr6quence cardiaque de 100 b. min 1, la Pa,y, s'61~ve ~ 150 mmHg. Les CPK plasmatiques, reflets de l'intensit6 des contractures, atteignent 922UI.1 1 (Normale: 25 - 185UI-l-l). Un traitement classique associant antibioth6rapie par p6nicil- line G, s6roanatoxinoth6rapie antit6tanique et ventilation con- tr616e apr~s intubation ~ach6ale effectu6e grace ~ l'injeetion i.v. de 250 mg de thiopental et de 4 mg de bromure de pancuronium est entrepris. Un cath6ter de type p6ridural (cath6ter O.R.X. VYGON) cst ensuite introduit de 5 cm dans l'espace sous-arachnoidien travers une aiguille de Tuohy 17 G mise en place en L3-LA. II est tunnellis6 jusqu'au niveau de la fosse iliaque droite et muni d'un filtre antibact6rien. Trois heures apr~s l'injection de bro- mure de pancuronium, la r6apparition des eontractures avec paroxysmes spontan6s conduit /~ injecter, en deux fois 1 000 ixg ~t une heure d'intervaUe, une dose totale de 2 000 p.g de Tableau I, - - Principales 6tapes evolutives sous baclof~ne intrath6cal Date J+0 J + 1 J + 13 J +21 J+22 J +23 Cr6atine - phosphokinase (UI • l -l) 922 488 84 110 72 612 Baclof~ne (l~g • 24 h -1) 2 000 2 000 500 50 0 0 Ventilation VC VC SIMV VS VS VS Requ le 2 aof~t 1989, accept6 aprSs r6vision le 25 novembre Tir6s ~ part: J.M. Saissy. 1989.

Tétanos sévère et baclofène intrathécal

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Page 1: Tétanos sévère et baclofène intrathécal

© Masson, Paris. CA$ Ann Fr Anesth R6anirn, 9 : 183-184, 1990 CLINIOUE

T6tanos s6v/ re et baclof ne intrath6cal

Severe tetanus and intrathecal baclofen

J.M. SAISSY, O. RAUX, R. GOHARD, B. DIA-I-rA

Service de R~animation, H6pital Principal, BP 3006 Dakar, Sen6gal

RI~SUME : Les auteurs rapportent le cas d'un patient de 48 ans atteint d'un t6tanos s6v~re chez lequel, au traitement conventionnel, est associ6e l'administration sous-arachnoidienne de badof~ne. Un cath6ter p6ridural est plac6 dans le liquide c6phalorachidien au niveau L3-L4. Deux injections de 1 mg de baclof~ne ~t une heure d'intervalle suppriment les contractures. Dix heures apr~s l'injection initiale, une perfusion intrath6cale continue de 2 mg. 24 h -~ est institu6e. Elle permet le contr61e des contractures. Eile est maintenue pendant 20 jours. L'6volution clinique est secondairement favorable.

Mots-cl6s : INFECTION : t~tanos.

L e t 6 t a n o s r e s t e u n e m a l a d i e i n f e c t i e u s e r e d o u - t a b l e , en p a r t i c u l i e r dans les pays e n v o i e d e d 6 v e l o p p e m e n t ; c ' e s t ainsi q u ' e n 1982, ce m a l a caus6 la m o r t d ' u n mi l l i on d ' h o m m e s dans le m o n d e [4].

P l u s i e u r s 6 t u d e s [2, 3, 4, 6] o n t d 6 m o n t r 6 l ' i n t6 - r6t du b a c l o f ~ n e in j ec t6 p a r v o i e i n t r a t h 6 c a l e . C e t r ava i l p r61 imina i re r a p p o r t e le p r e m i e r cas de t 6 t a n o s a f r i ca in t ra i t6 p a r b a c l o f ~ n e i n t r a th6ca l .

OBSERVATION (Tableau I)

Huit jours apr~s une injection intramusculaire de quinine, M. X..., 48 ans, est hospitalis6 en r6anirnation pour un t6tanos g6n6ralis6 qui a d6but6 48 h auparavant par un trismus avec dysphagie.

A l'admission, le tableau clinique est celui d'un t6tanos s6v~re : contraetures musculaires, paroxysmes subintrants.

Le retentissement respiratoire est manifeste avec encombre- ment bronchique,~,, at61ectasie d6butante du lobe sup6rieur droit ; pr~ ~ 61,9 mmng.

La tdlgl~6rature'-- centrale est de 38 °C, la fr6quence cardiaque de 100 b . min 1, la Pa,y, s'61~ve ~ 150 mmHg. Les CPK plasmatiques, reflets de l'intensit6 des contractures, atteignent 9 2 2 U I . 1 1 (Normale: 25 - 1 8 5 U I - l - l ) .

Un traitement classique associant antibioth6rapie par p6nicil- line G, s6roanatoxinoth6rapie antit6tanique et ventilation con- tr616e apr~s intubation ~ach6ale effectu6e grace ~ l'injeetion i.v. de 250 mg de thiopental et de 4 mg de bromure de pancuronium est entrepris.

Un cath6ter de type p6ridural (cath6ter O.R.X. VYGON) cst ensuite introduit de 5 cm dans l'espace sous-arachnoidien travers une aiguille de Tuohy 17 G mise en place en L3-LA. II est tunnellis6 jusqu'au niveau de la fosse iliaque droite et muni d'un filtre antibact6rien. Trois heures apr~s l'injection de bro- mure de pancuronium, la r6apparition des eontractures avec paroxysmes spontan6s conduit /~ injecter, en deux fois 1 000 ixg ~t une heure d'intervaUe, une dose totale de 2 000 p.g de

Tableau I, - - Principales 6tapes evolutives sous baclof~ne intrath6cal

Date J + 0 J + 1 J + 13 J +21 J + 2 2 J +23

Cr6atine - phosphokinase (UI • l -l) 922 488 84 110 72 612

Baclof~ne (l~g • 24 h -1) 2 000 2 000 500 50 0 0

Ventilation VC VC SIMV VS VS VS

Requ le 2 aof~t 1989, accept6 aprSs r6vision le 25 novembre Tir6s ~ part: J.M. Saissy. 1989.

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baclof~ne par voie intrath6cale directe, ce qui entraine la disparition compl6te des contractures en une heure.

A J + 1, dix heures apr~s la derni~re injection de baclof~ne, alors que les contractures ne sont pas r6apparues et que les CPK plasmatiques sont ~t 448 UI - 1- ~, une infusion intrath6- cale continue de baclof~ne est d6but6e ~ la posologie de 2 000 p,g • 24 h J (suit la dose totale utilis6e pendant les deux premieres heures).

Par la suite, l'administration de baclof~ne est poursuivie ; une posologie quotidienne de 1 000 ta 2 000 Ixg (infusion conti- nue + bolus) permet de contr61er les contractures et les paroxysmes, en maintenant les CPK dos6s quotidiennement dans les limites de la normale.

La ventilation Contr616e est maintenue, une trach6otomie 6tant pratiqu6e h J + 2.

A J + 13, la posologie quotidienne pouvant ~tre r6duite h 500 wg" 24 h ~, le patient, parfaitement conscient et orient6, peut ~tre plac6 en ventilation spontan6e.

Entre J + 13 et J + 21, la diminution progressive jusqu'h 50 Ixg" 24 h-1 puis l'arr~t du baclof~ne n'6tant pas suivis d'une r6apparition de contractures, le cath6ter intrath6cal est retir6 ~ J + 22.

A J + 23, l'apparition de paroxysmes avec 616vation des CPK it 612 U I . 1-1 oblige h entreprendre un traitement par diaz6pam : 120 mg- 24 h ~ durant sept jours.

Le trenti6me jour, le diaz6pam peut 6tre interrompu et le trente cinqui~me la canule de trach6otomie est enlev6e, le patient quittant l'unit6 de soins intensifs ~ J + 40.

traitement n6cessite habituellement une curarisa- tion prolong6e [1], le baclof~ne par voie intrath6- cale a permis, durant 21 jours, un contr61e satisfai- sant des contractures et des paroxysmes sans qu'aucune autre th6rapeutique n'ait 6t6 n6cessaire. La rdapparition des paroxysmes 48 heures apr6s l'arr~t du baclof6ne, avec 616vation du CPK, d6montre le contr61e des crises pendant la durde du traitement. La tol6rance h6modynamique a 6t6 excellente et une alimentation entdrale, difficile en cas de curarisation, a pu d6buter d~s la 48 e heure. Cependant, la posologie initialement utilis6e, (2 000 wg " 24 h- '), semble avoir entrain6 un effet d6presseur respiratoire.

La reprise d 'une ventilation spontan6e efficace n'a 6t6 possible qu'en raison d'une diminution de posologie ~ 500 Ixg • 24 h- 1 pratiqu6e ~ J + 13.

Cet effet secondaire, d6j~ observ6 [4, 5] et dfi peut-6tre a des posologies excessives, demande 6tre 6tudi6 plus pr6cis6ment, avant de proposer 6ventuellement le baclofSne intrath6cal dans le traitement du t6tanos africain en l'absence de moyens de r6animation respiratoire.

DISCUSSION

PENN et KROIN [5] ont d6montr6 que le baclo- f~ne inject6 par voie intrath6cale, en raison de sa mauvaise diffusion h6matom6ning6e, est efficace dans les 6tats spastiques s6v~res d'origine spinale.

En revanche, SAL*UARI et coll. [7] qui l 'ont uti- lis6 dans un cas de spasticit6 d'origine supraspinale n'ont obtenu qu'un r6sultat tr~s limit6 sur le tonus musculaire et les r6flexes d'6tirement des mem- bres.

Le baclof~ne est un ligand agoniste des r6cep- teurs GABAergiques B, d6primant en particulier la transmission neuronale au niveau des voies r6flexes mono et polysynaptiques m6dullaires.

Pour MULLER et coll. [4], cette propri6t6 en fait un antagoniste id6al de la toxine t6tanique. Dans l'observation rapport6e, r6pondant aux crit~res du stade III de la classification de MOLLARET, dont le

BIBLIOGRAPHIE

1. LAMISSE F, SONNEVILLE A, CHOUTET P, GINIES G, GUILMOT J-L, PERROTIN D. Le t6tanos. A p r o p o s de cinq cent trois observations. Sere H6p Paris, 57: 1076-1080, 1981.

2. MULLER H, BORNER U,. ZIERSKI J, HEMPELMANN G. Intra- thecal baclofen in tetanus. Lancet, 1 : 317-318, 1986.

3. MULLER H, BORNER U, ZIERSKI J, HEMPELMANN G. Intra- theeal baclofen for treatment of tetanus induced spasticity. Anesthesiology, 66: 76-79, 1987.

4. MULLER H, ZIERSKI J, BORNER U, HEMPELMANN G. Intra- thecal baclofen in tetanus (pp. 227-244). In: Local spinal therapy of spasticity. H Muller, J Zierski, RD Penn eds. Springer- Verlag, Berlin Heidelberg, 1988.

5. PENN RD, KROIN JS. Continuous intrathecal baclofen for severe spasticity. Lancet, 2: 125-127, 1985.

6. ROMIJN JA, VAN LIESHOUT JJ, VELIS DN. Reversible coma due to intrathecal baciofen. Lancet, 2 : 696, 1986.

7. SALTUARI L, SCHMUTZHARD E, KOFLER M, BAUMGARTNER H, AICHNER F, GERSTENBRAND F. Intrathecal baclofen for in- tractable spasticity due to severe brain injury. Lancet, 2: 503-504, 1989.

ABSTRACT: Case report of a 48-year-old man with a severe tetanus managed with conventional treatment associated with subarachnoid administration of baclofen. An epidural catheter was placed in spinal fluid at level L3-L4. Two injections of 1 mg baclofen at an interval of 1 hour amended the spasticity. Thereafter the treatment was maintained with a continuous infusion of 2 rag. 24 h ~ Over 20 days which resulted in an efficient control of spasticity. The final outcome was favourable.