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767 Rev Mal Respir 2006 ; 23 : 767-8 © 2006 SPLF. Édité par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés Doi : 10.1019/20064178 a maladie rhumatoïde est le rhumatisme inflamma- toire le plus fréquent en France (300 000 patients). Elle témoigne d’un désordre immunitaire qui explique son tro- pisme pour les organes riches en cellules immunes tel que le système broncho-pulmonaire. Ce dernier est atteint dans 50 % des cas [1]. Le tableau clinique polymorphe peut relever d’une atteinte isolée ou associée des bronches, de la plèvre, du parenchyme pulmonaire, de la paroi thoracique voire des vais- seaux pulmonaires. La tomodensitométrie thoracique (TDM) a permis de mieux estimer la prévalence de ces différentes localisations [2] (tableau I). Devant ces manifestations respi- ratoires les infections et les complications iatrogènes doivent être systématiquement évoquées d’autant que la pharmacopée de la polyarthrite rhumatoïde (PR) s’est récemment enrichie de traitements pourvoyeurs d’effets secondaires respiratoires. Manifestations spécifiques Les facteurs prédisposant retenus sont le sexe masculin, les nodules cutanés, la présence de facteurs rhumatoïdes et cer- tains sous-groupes HLA. Les pleurésies sont présentes au TDM chez 15 % des PR ne sont symptomatiques que dans 1 % des cas. Elles sont souvent chroniques et difficiles à traiter. La ponction met en évidence un exsudat lymphocytaire avec hypoglycopleurie sans élément pathognomonique. L’histolo- gie de la plèvre viscérale peut montrer une lésion très spécifi- que mais rare, il s’agit d’un semis de granulations très vascularisé dont l’histologie est comparable à celle du nodule rhumatoïde. Les nodules pulmonaires sous pleuraux, le plus souvent apicaux, de nombre et de taille variable sont présents dans un quart des cas. Ils peuvent se compliquer de nécrose et de surinfections, d’hémoptysies, de pyothorax et posent, d’autre part, le problème de nodules tumoraux. Les atteintes des voies aériennes (VA) sont présentes sur le TDM dans 25 à 50 % des cas [3]. Elles ne sont symptomatiques qu’une fois Service de Pneumologie, Hôpital Tenon, Paris, France. Correspondance : H. Lioté Service de Pneumologie, Hôpital Tenon, 4, rue de la Chine, 75020 Paris. [email protected] Séminaire FMC Thorax anormal et polyarthrite rhumatoïde H. Lioté L

Thorax anormal et polyarthrite rhumatoïde

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767Rev Mal Respir 2006 ; 23 : 767-8 © 2006 SPLF. Édité par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservésDoi : 10.1019/20064178

a maladie rhumatoïde est le rhumatisme inflamma-toire le plus fréquent en France (300 000 patients). Elletémoigne d’un désordre immunitaire qui explique son tro-pisme pour les organes riches en cellules immunes tel que lesystème broncho-pulmonaire. Ce dernier est atteint dans50 % des cas [1]. Le tableau clinique polymorphe peut releverd’une atteinte isolée ou associée des bronches, de la plèvre, duparenchyme pulmonaire, de la paroi thoracique voire des vais-seaux pulmonaires. La tomodensitométrie thoracique (TDM)a permis de mieux estimer la prévalence de ces différenteslocalisations [2] (tableau I). Devant ces manifestations respi-ratoires les infections et les complications iatrogènes doiventêtre systématiquement évoquées d’autant que la pharmacopéede la polyarthrite rhumatoïde (PR) s’est récemment enrichiede traitements pourvoyeurs d’effets secondaires respiratoires.

Manifestations spécifiques

Les facteurs prédisposant retenus sont le sexe masculin, lesnodules cutanés, la présence de facteurs rhumatoïdes et cer-tains sous-groupes HLA. Les pleurésies sont présentes au TDMchez 15 % des PR ne sont symptomatiques que dans 1 % descas. Elles sont souvent chroniques et difficiles à traiter. Laponction met en évidence un exsudat lymphocytaire avechypoglycopleurie sans élément pathognomonique. L’histolo-gie de la plèvre viscérale peut montrer une lésion très spécifi-que mais rare, il s’agit d’un semis de granulations trèsvascularisé dont l’histologie est comparable à celle du nodulerhumatoïde. Les nodules pulmonaires sous pleuraux, le plussouvent apicaux, de nombre et de taille variable sont présentsdans un quart des cas. Ils peuvent se compliquer de nécrose etde surinfections, d’hémoptysies, de pyothorax et posent,d’autre part, le problème de nodules tumoraux. Les atteintesdes voies aériennes (VA) sont présentes sur le TDM dans 25 à50 % des cas [3]. Elles ne sont symptomatiques qu’une fois

Service de Pneumologie, Hôpital Tenon, Paris, France.

Correspondance : H. Lioté Service de Pneumologie, Hôpital Tenon, 4, rue de la Chine, 75020 Paris.

[email protected]

Séminaire FMC

Thorax anormal et polyarthrite rhumatoïde

H. Lioté

L

H. Lioté

Rev Mal Respir 2006 ; 23 : 767-8 768

sur deux et portent sur les VA de tout calibre réalisant destableaux cliniques, radiologiques et fonctionnels de bronchec-tasies et/ou de bronchiolites en fonction des lésions prédomi-nantes. Les études anatomopathologiques encore raresmontrent que peuvent coexister sur un même poumon delésions de bronchiolite folliculaire, de bronchiolite constric-tive, de BOOP, des bronchiolectasies et des bronchectasies fai-sant évoquer un continuum dans l’apparition de cesanomalies. Il faut toutefois isoler les bronchectasies ayant pré-cédé la PR de longue date, qui sont les plus fréquentes et quisont souvent incriminées dans la physiopathologie de la mala-die rhumatoïde. Les pneumopathies infiltrantes diffuses ont uneprévalence au TDM de l’ordre de 20 %. Le tableau cliniqueest très variable allant de formes parfaitement asymptomati-ques aux formes aigues hypoxémiantes en passant par untableau plus chronique peu ou pas évolutif. Le lavage alvéo-laire apporte des arguments précieux dans la discussion desdiagnostics différentiels de pneumopathie infectieuse oumédicamenteuse. L’histologie n’est pas contributive car tousles types histologiques de pneumopathies infiltrantes diffusesont été rapportés. Les études thérapeutiques sur de grandsnombres de patients font défaut si bien que le traitement restetrès empirique. Les autres atteintes respiratoires spécifiques sonttrès rares : arthrite crico-arythénoïdienne responsables de stri-dor voire de syndromes d’apnées du sommeil obstructives,vascularite pulmonaire (HTAP, hémorragies intra-alvéolaires),atteintes neuro-musculaires (aggravées par la myopathie corti-sonique), ou l’exceptionnel syndrome des ongles jaunes…

Infections

Avant l’utilisation des immunosuppresseurs, la fré-quence des infections était majorée dans la PR du fait de l’uti-

lisation de la corticothérapie (risque relatif de 1,6 %). Lesgermes rencontrés, bien que peu documentés, semblaient cor-respondre aux germes infectant les bronchectasies. Depuis lesimmunosuppresseurs comme le méthotrexate, le léflunomideet les anti-TNF, les infections à germes opportunistes ont faitleur apparition. Il faut signaler tout particulièrement les infec-tions à mycobactéries, en particulier la réactivation de tuber-culose latente sous anti-TNF, actuellement enrayée parl’application des recommandations strictes émises par lesagences de sécurité sanitaire en France et à l’étranger [4].

Pathologie iatrogène

De très nombreuses drogues utilisées dans la PR sontpourvoyeuses d’effets secondaires pulmonaires (salazopyrine,sels d’or…). Parmi les traitements les plus utilisés actuelle-ment, citons les pneumopathies infiltrantes au méthotrexate(fréquence 1 %) et au léflunomide (Arava®) [5]. Enfin, il fautsignaler la plus grande fréquence des cancers et des lympho-mes dans les maladies rhumatoïdes traitées par immunosup-presseurs au long cours.

QCM – Réponses page 776

I : Quelle vous parait être la manifestation la plus fré-quente des atteintes respiratoires de la PR ?

A. la pleurésieB. les syndromes bronchiques et bronchiolairesC. la pneumopathie infiltrante diffuse

II : Avant de traiter par anti-TNF un patient rhuma-toïde, porteur de séquelle radiologique de tuberculose sans certitude de traitement correct, vous prescrivez :

A. une quadrithérapie anti-tuberculeuseB. une prophylaxie par INH Rifampycine pendant

3 moisC. une surveillance clinique et radiologique régulière

Références

1 Lioté H, Lioté F, Gaudouen C : Le poumon de la polyarthrite rhuma-toïde. In : Kahn MF, Kuntz D, Dryll A, Meyer O, Bardin T, Guérin C :L’actualité rhumatologique 1996. Expansion Scientifique Française,Paris 1996 : 65-82

2 Tanaka N et al : Rheumatoïd arthritis related lung disease at CT.Radiology 2004 ; 232 : 81-91.

3 Perez T. et al : Airways involvement in Rheumatoïd Arthritis. Am JRespir Crit Care Med 1998 ; 157 : 1658-65.

4 Recommandations Nationales. Prévention et prise en charge destuberculoses survenant sous anti-TNFα. Juillet 2005. www.afs-saps.sante.fr.

5 Lioté H : Complications respiratoires des nouveaux traitements de lamaladie rhumatoïde. Rev Mal Resp 2004 ; 21 : 1107-15.

Tableau I.

Prévalence des différentes atteintes thoraciques dans la maladierhumatoïde. Données tomodensitométriques.

% estimé Avant TDM Sur le TDM

Rémy-Jardin 1994i

Despaux 1998ii

Voies aériennes 5 20 50

Nodules 1 22 26

PIDiii 1 à 2 20 11-35

Atteintes pleurales 1 à 2 17 7

Adénopathies ? 9 13

iRemy-Jardin M, Remi J. Cortet B, Mauri F, Delcambre B. Lung changes inrheumatoid arthritis: CT findings.Radiology. 1994 Nov;193(2):375-82.

iiDespaux J, Manzoni P, Toussirot E, Auge B, Cedoz JP, Wendling D.Prospective study of the prevalence of bronchiectasis in rheumatoidarthritisusing high-resolution computed tomography. Rev Rhum Engl Ed.1998 Jul-Sep;65(7-9):453-61.

iiiPID : Pneumopathie infiltrante diffuse.