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MEMOIRE ORIGINAL
T H R O M B O L Y S E E T I N F A R C T U S A I G U D U M Y O C A R D E C H E Z LE P A T I E N T D E P L U S DE 70 A N S
i. B A E R I S W Y L 1, p. U R B A N 1, B. M E I E R 1, J.C. C H E V R O L E T 2, F. U N G E R 3, W. R U T I S H A U S E R 1
RC:SUM¢:
Deux cent vingt-six patients ont b~n~fici6 d'une thrombolyse au rt-PA (activateur tissulaire du plasminog~ne) pour un in- farctus du myocarde entre novembre 1986 et juillet 1990. Les patients 6talent divis6s en deux groupes : 191 patients ~g6s de 70 ans ou moins et 35 patients fig~s de plus de 70 ans. Les caract~ristiques cliniques au d6part 6taient les m~mes dans les deux groupes en termes de localisation d'in- farctus et de d61ai entre le d~but des douleurs thoraciques et la fibrinolyse. I1 n'y avait pas de diff4rence statistiquement significative entre les deux groupes pour la fraction d'~jec- tion ventriculaire gauche ~ la sortie de l%Spital, mals la mortalit6 intrahospitali~re ~talt plus ~lev6e chez les pa- tients &g6s (17 % contre 4 %) (p < 0,01). L'incidence des h~- morragies intrac6r6brales ~tait analogue dans les deux groupes : 2,9 % contre 2,6 % (difference statistiquement non significative). Ces donndes sont en accord avec celles de la litt~rature r6- cente. Un traitement thrombolytique pour un infarctus du myocarde peut ~tre entrepris dans une sons-population de patients ~g~s de plus de 70 ans. Les risques d'n~morragie in- trac~r~brale peuvent ~tre plus ~lev~s, mals la mortalit~ li~e
l'infarctus du myocarde est ~galement beaucoup plus im- portante dans cette classe d'&ge, et peut ~tre notablement r~duite par un traitement thrombolytique.
R~an. Urg., 1992, 1 (3), 403-408
Mots-clds : Thrombolyse, infarctus du myocarde, sujets ~g6s h6morragie intrac6r6brale.
SUMMARY
Thrombolysis for acute myocardial infarction in the elderly
We present a series of 226 consecutive patients, who were given thrombolysis therapy with rt-PA for acute myocardial infarction between november 1986 and july 1990. The pa- tients were divided into two groups: 191 patients younger than 70 and 35 patients over 70 years old. Baseline clinical characteristics were the same in both groups in terms of in- farct site and delay between the onset of chest pain and fi- brinolysis. We found no statistically significant difference between the two groups for predischarge left ventricular ejection fraction, bu t in-hospital morta l i ty was higher in the older pat ients (17 % versus 4 %) (p < 0.01). In- t racerebral bleeding occured in 2.9 % versus 2.6 % (NS). These data are in agreement with the currently available li- terature. Thrombolysis for acute myocardial infarction is feasible in selected patients beyond the age of 70. The risks of intracerebral hemorrhage may be higher, but the mortali- ty of myocardial infarction is also higher and hence there is more at stake than in younger patients.
Key-words : Thrombolysis, acute myocardial infarction, elderly patients, intracerebral hemorrhage.
L ' u t i l i s a t i o n d u t r a i t e m e n t t h r o m b o l y t i q u e p o u r l ' i n f a r c t u s a i g u d u m y o c a r d e chez le pa- t i e n t ag6 es t c o n t r o v e r s 6 e n o t a m m e n t a u r e g a r d d u r i s q u e d 'e f fe t s s e c o n d a i r e s e t p l u s p a r t i c u l i ~ - r e m e n t de l ' h ~ m o r r a g i e i n t r a c ~ r ~ b r a l e q u i p e u t
1. Centre de cardiologie, h6pital Cantonal Universitaire de Ge- neve. 2. Soins Intensifs de Medecine, hSpital Cantonal Universitaire de Gen~ve. 3. Centre medico-chirurgical des entr~es, h6pital Cantonal Universitaire de Gen6ve. Correspondance : Dr G. Baeriswyl, Oberarzt Kardiologische Abteilung Inselspital, CH-3010 Bern. Re(;u le 17 juin 1991. Accept(~ le 23 septembre 1991.
~tre p l u s f r e q u e n t que chez des p a t i e n t s p l u s j e u n e s [1]. P a r m i les ~ t u d e s m u l t i c e n t r i q u e s se r a p p o r t a n t ~ l a t h r o m b o l y s e , c e r t a i n e s d ' e n t r e - e l les o n t enr616 des p a t i e n t s j u s q u ' a l ' age de 70 (AIMS) [2] ou de 75 a n s ( A S S E T ) [3]. N 6 a n - m o i n s , si l ' on cons id~ re s p 6 c i f i q u e m e n t les sous - g r o u p e s de p a t i e n t s t r a i t ~ s a p l u s de 70 a n s d a n s t ro i s g r a n d e s ~ t u d e s m u l t i c e n t r i q u e s (AS- SET, IS IS -2 , G I S S I - 1 ) [3-6], l a r ~ d u c t i o n d u t a u x de m o r t a l i t 6 s e m b l e t r~s a p p r e c i a b l e .
Le d e v e n i r d ' u n g r o u p e de 35 p a t i e n t s &g~s de p l u s 70 a n s a y a n t b6n~f ic i6 d u n e t h r o m b o l y s e a u r t - P A a u s t a d e a i g u de l ' i n f a r c t u s d u myo- ca rde , e s t c o m p a r ~ ~ c e l u i de 191 p a t i e n t s ~g~s
- 4 0 4 - Thrombolyse chez le sujet ~g~
de 70 ans ou moins qui ~taient trait~s durant la m~me p~riode.
• M~thodes
Deux cent vingt-six patients ont 8t6 trait6s par thrombolyse au rt-PA pour un infarctus aigu du myocarde entre novembre 1986 et juillet 1990. Trente cinq de ces patients avaient plus de 70 ans. Les 29 premiers patients ~taient in- clus dans l'6tude europSenne cooperative utili- sant le rt-PA [7]. Dans le cadre de ce protocole, un cath~t~risme cardiaque avec coronarographie 6tait effectu6 dans rheure suivant le d6but du t ra i tement thrombolytique, et les patients de plus de 70 ans ~taient exclus. Une fois ce proto- cole terminS, les patients &g6s de plus de 70 ans ~taient inclus dans notre pratique clinique de la thrombolyse et le d61ai entre le d6but des dou- leurs et l 'administrat ion du thrombolytique 6tait ~tendu de cinq & un maximun de six heures. Les autres contre-indications habituelles & la throm- bolyse 6taient respect6es [1, 8].
Les patients avec douleurs thoraciques typi- ques durant plus de 30 min. mais moins de six heures, se prSsentant avec une isch6mie trans- murale sur l'61ectrocardiogramme ~taient consi- dSr~s comme candidats au trai tement. Les cri- t6res d'exclusion majeurs 8taient les suivants :
- - hypertension artSrielle syst~mique (pres- sion systolique sup6rieure a 160 mmHg, non corrigeable) ;
- - t raumat isme majeur, en particulier trau- matisme cr&nien, procedure chirurgicale ma- jeure, accident vasculaire cSr~bral, h~morragie intestinale ou g~nito-urinaire dans les trois mois pr6c6dents, ou r~animation cardio-pulmonaire prolong~e ;
- - r6tinopathie diab6tique prolifSrative, ano- malie de la coagulation, dysfonction h~patique ou r~nale s~v~re.
Les patients recevaient 100 mg de rt-PA en trois heures (10 mg en bolus, suivis de 50 mg en une heure, puis 20 mg durant la deuxi~me et la troi- slime heure) associ~s & de l'h~parine : 5 000 U IV en bolus, puis 1 000 U/heure pour une semaine ou jusqu'au cath~t~risme cardiaque, habituelle- ment pratiqu6 apr~s 8 & 15 jours. 75 % (169/226) des patients recevaient aussi de l 'aspirine 100 mg/j avec la premi6re dose donn6e dans les 24 h ~ part ir de l 'admission. Tous l e s patients ~taient trait~s dans l'unit~ de soins intensifs pour un minimum de 48 h.
Deux groupes ont ~t~ d~finis : un groupe de patients ag~s de 70 ans ou moins (n = 191) et un
R~an. Urg., 1992, 1 (3), 403-408
groupe de p a t i e n t s &g6s de p lus de 70 ans (n = 35). Un cath6t6risme cardiaque gauche pro- gramm6 avec coronarographie ~tait r~alis~ entre le 8 e et le 15 e jour chez 127 pat ients (67 %) de 70 ans et moins et chez 19 patients (55 %) de plus de 70 ans. A l'exception des 29 patients in- clus dans l'6tude cooperative europ6enne qui avaient tous une coronarographie dans l 'neure suivant la thrombolyse, un cath~t6risme cardia- que avec coronarographie en urgence ~tait prati- qu6 uniquement sur la base d'un angor r~siduel ou d'une r6cidive d'infarctus. Dans ce cadre, 37 patients (19 %) ages de 70 ans ou moins et 4 pa- t ients (11%) de plus de 70 ans ont eu une coro- narographie en urgence.
Les comparaisons entre les deux groupes ont 6t~ faites en uti l isant le test du chi carr6 ou le test exact de Fischer pour les donn6es non conti- nues et le test t de Student ou le test de Mann- Whitney pour les donn~es continues. Un p infS- r ieur ~ 0,05 a 6t6 consid6r~ comme significatif.
• R6sultats
Le tableau I montre les caract6ristiques clini- ques des deux groupes. Dans le groupe des pa- t ients &g~s, il y avait moins d'incidence d'infarc- tus infSrieur et une proportion moins 61ev6e d~nommes, mais il n 'y avait pas de diff6rence si- gnificative dans le d61ai entre le d~but des dou- leurs et la thrombolyse darts les deux groupes. Les r6sultats de la thrombolyse sont montr6s dans le tableau II. Les valeurs de pic pour la cr~atinine kinase 6taient similaires dans les deux groupes, mais la mortalit6 hospitali6re 6tait significativement plus ~lev~e dans le groupe des patients &g~s. Pour les pat ients avec une angiographie de contr61e, qu'elle soit prati-
T a b l e a u I
Caract~ristiques c/iniques
Age moyen (ans) Intervalle Homme [n (%)] Infarctus : [n (%)]
- - anterieur - - inf~rieur - - a u t r e
Onde Q au debut de la thrombolyse [n (%)] Delai entre le debut des douleurs et la thrombolyse
< 70 ans > 70 ans n = 191 n = 35
5 5 _ + 10 (29-70) 170 (89)
82 (43) 100 (52)
9 (5) 26 (14)
2 h 50 min + 1 h 27 min
7 5 + 3 (71-82) 23 (66)
20 (57) NS 11 (32) + 4 (11) NS 3 (9) NS
2 h 49 min + 1 h 2 6 min
NS
NS = statistiquement non significatif * p < 0.001 ÷ p < 0.05.
T a b l e a u II
R~sultats. Parametres cliniques et angiographiques
Mortalit~ hospital i~re Pic des creat ine-kinases (Normes : M : 0-270 UI/I
F : 0-185 Ul/I) Contr6le angiographique [n (%)]
I FEVG (%) Maladie de 1 vaisseau
i [n (%)] Maladie pluritronculaire [n (%)]
Absence de stenose significative [n (%)] Vaisseau responsable : [n (%)]
- - occlus - - stenos~ > 50 % - - st~nos~ < 50 %
-< 70 ans > 70 ans n = 191 n = 35
8/191 (4 %) 2049 ± 1682
164 (86)
5 6 + 13 89 (54)
55 (35)
20 (11)
36 (22) 95 (58) 32 (20)
6•35 (17 %) * 1773_+ 1253 NS
23 (66) *
51 _+ 12 NS 9 (39) NS
12 (52) NS
2 (9) NS
2 (9) NS 18 (78) NS 3 (13) NS
FEVG = fraction d'~jection du ventricule gauche NS = statistiquement non significatif * p< 0.01.
qu6e en urgence ou programm~e, le va isseau responsable de l ' infarctus ~tait permeable dans 78 % des cas pour le groupe de patients ~g6s de 70 ans et moins et dans 9 1 % des cas pour le groupe de pat ients de plus de 70 ans (difference s ta t is t iquement non significative). La fraction d'6jection du ventricule gauche & rangiographie ~tait 16g~rement sup6rieure dans le groupe des patients jeunes (56 % contre 51%) , mais cette diff6rence n'~tait pas significative statistique- ment.
Les complications sont ~num~r~es dans le ta- bleau III. La cause du d6c~s 6tait une h~morra- gie in t rac~r~bra le (trois cas), u n choc cardio- g~nique (sept cas), une communication interventriculaire aigu~ (un cas), une insuffi-
T a b l e a u III
Complications
_<70ans > 7 0 a r t s n = 191 n = 35
H~morragies intracr~niennes [n (%)] - - precoces (< 24 h) 3 (1,6) 1 (2,9) NS - - tardives (> 24 h) 2 (1,0) 0 H6morragies extracr~niennes [n (%)] 9 (4,7) 2 (5,7) NS Arythmies ventriculaires [n (%)] 42 (22) 9 (26) NS significatives (TV, "I'VNS, FV, DEM)
-rv = tachycardie ventriculaire soutenue IVNS = tachycardie ventdculaire non soutenue FV = fibrillation ventriculaire DEM = dissociation ~lectrom~canique NS = statistiquement non significatif.
Thrombolyse chez le sujet £ge - 4 0 5 -
sance mitrale aigu~ (un cas), une rupture de la pa- roi libre du ventricule gauche (un cas) et un in- farctus du myocarde postol~ratoire apr~s chirur- gie de revascularisation coronarienne (tin cas). Les quatre h~morragies in~ac~r~brales pr~coces (moins de 24 h) sont survenues chez trois patients de moins de 70 ans et chez un patient de plus de 70 arm et ~taient toutes documen~es par un scan- ner c~r~bral. Dans trois cas (deux jeunes patients et un patient &g~), leur expression clinique 6tait manifeste dans les premieres heures suivant le d~but du trai tement thrombolytique, et entrainait un d6c~s rapide. Dans le quatri~me cas, un syn- drome h~mipar6tique 6tait not6 avec une r6cul~- ration partielle. Deux patients de moins de 70 ans ont pr~sent~ une h~morragie intrac~r~brale ta rd ive (2 e e t 5 e jour respectivement) ; les deux ont d6velopp6 un syndrome h~mipar~tique, qui a ~t~ suivi d'une r~cup~ration complete. Aucun acci- dent vasculaire c~r~bral non h~morragique n'est survenu.
L'incidence des h~morragies extracr?miennes, g6n~ralement au point de ponction art~riel pour le cath~t~risme, n'~tait pas plus 6levee dans le groupe de pat ients &g~s (5,7 %) compar~ & celui des patients plus jeunes (4,7 %). L'incidence des arythmies ventriculaires malignes 6tait simi- laire dans les deux groupes. Durant le s6jour hospitalier, 5 1 % des pat ients jusqu'& 70 ans et 29 % des pat ients &g6s de plus de 70 ans ont b~- n~fici~ soit d 'une angioplastie coronarienne par ballonnet, soit d'une revascularisat ion chirurgi- cale. L'indication pour l 'une ou l 'autre des proc6- dures 6tai t fond~e sur des crit~res cliniques (angor r6siduel), fonctionnels (test d'effort posi- tif), e t a n g i o g r a p h i q u e s ( s t~nose r~s idue l l e ) (Tabl. IV).
• Discussion
I1 est main tenant bien ~tabli qu'un vaisseau coronarien pr6cocement reperm6abilis~ apr~s une occlusion thrombotique aigu~ est associ~ & une preservation de la fonction ventriculaire gauche et & une r~duction de la mortalit~ & court et & long termes [2, 5, 6, 8,]. Cependant, les
T a b l e a u IV
Angioplastie et chirurgie de revascularisation coronadenne
Angioplast ie [n (%)] Pontages coronadens [n (%)]
NS = statistiquement non significatif.
_<70arts > 7 0 a n s n = 191 n = 35
81 ( 42 ) 7 (20 ) 16 (8) 3 (9)
NS NS
R6an. Urg., 1992, 1 (3), 403-408
- 4 0 6 - Thrombolyse chez le sujet &ge
contre-indications res tent nombreuses, et du- ran t la p6riode de l'6tude, seulement 23 % des patients admis a l'unit6 de soins intensifs de l"n6pital Cantonal Universi taire de Gen6ve pour un infarctus du myocarde ont re~u un traite- ment thrombolytique, ce qui repr6sente un pa- t ient sur cinq. Un d61ai excessif entre le d6but des douleurs et l 'admission a l"n6pital est sou- vent le motif du renoncement au t ra i tement fi- brinolytique : 62 % des pat ients pris en charge dans l'6tude ASSET et 32 % des patients dans l '6tude GISSI-1 6taient exclus en raison d'une admission trop tardive a l 'hfpitai (plus de 5 et 12 h respectivement) [3, 5, 6,]. En plus du d61ai t rop impor tan t , l 'age avanc6 es t une contre- indication f r6quemment cit6e a la thrombolyse [1], et le d6bat continue pour ce qui concerne la s61ection optimale des pat ients et l '6valuation du rapport risque/b6n6fice chez le pat ient ag6.
Dans cette 6tude, la mortali t6 intrahospita- li6re est significativement plus haute dans le groupe des pat ients ag6s (17 °/o), que dans le groupe des pat ients plus jeunes (4 %) (p < 0,01). La mortalit6 intrahospitali6re est essentielle- merit li6e a la pr6sence de chocs cardiog6niques. Les valeurs maximaies pour la cr6atinine kinase et la fraction d'6jection du ventricule gauche (pour les pat ients avec un contr61e angiographi- que) sont similaires dans les deux groupes. De m6me, on ne note pas de diff6rence significative entre les deux groupes pour ce qui concerne la perm6abilit6 du vaisseau responsable de l'in- farctus au moment du contrSle angiographique effectu6 chez 23 pat ients de plus de 70 ans (fige moyen 75 _+ 4 ans), et chez 164 patients de moins de 70 ans (&ge moyen 54 + 10 arm).
L'effet secondaire le plus important du traite- ment thrombolytique, l 'h6morragie intrac6r6- brale, peut 6tre plus fr6quent chez les patients ag6s. Dans cette 6tude, une h6morragie intra- c6r6brale pr6coce (< 24 h) 6tait document6e chez un patient sur 35 (2,9 %) pour le groupe des pa- t ients de plus de 70 ans, et pour trois patients sur 181 (1,7 %) pour le groupe des pat ients plus jeunes. Deux autres pat ients &g6s respective- ment de 64 et 66 ans ont souffert d'une h6mor- ragie intrac6r6brale tardive (apparition au-dela de 24 h) durant le s6jour hospitalier. Cette s6rie est, bien entendu, trop limit6e pour permet t re des conclusions d6finitives, mais plusieurs commentaires peuvent 6tre fairs. L'incidence d'h6morragie intrac6r6brale observ6e est relati- vement 61ev6e, ind6pendamment de l'~ge. Les grandes 6tudes cliniques sur la thrombolyse [4-6, 9] rapportent une incidence d'accident vas- culaire c6r6bral de 0,1 a 1,6 %, contre 2,7 % dans la pr6sente 6rude (6/226). Le t ra i tement a 13a6parine 6tait entrepris parall61ement & la per-
R~an. Urg., 1 9 9 2 , 1 (3), 4 0 3 - 4 0 8
fusion de rt-PA, et la majorit6 des pat ients (75 %) recevait aussi 100 mg d'aspirine par jour d6s le premier jour. Ce r6gime part iculier peut avoir jou6 un r61e dans l 'augmentat ion du taux d 'h6morragie, mais l 'ut i l isat ion combin6e du rt-PA, de 1Ti6parine, et d'aspirine est fr6quente [7]. Sur les six patients avec une h6morragie in- trac6r6brale, seul un pat ient avait une pression art6rielle 16g6rement 61ev6e au d6but de la thrombolyse (160/105 mmHg). Aucun n'avait de diab6te et il n'y avait pas de femme (deux condi- tions g6n6ralement reconnues comme facteurs de r isque d%6morragie c6r6brale) [12, 13]. Dans un cas, un t ra i tement adjuvant a pu jouer un r f le : un patient de 65 ans 6tait trait6 avec de l~n6parine, de l'aspirine, de l 'ac6nocoumarol et de la sulfinpyrazone apr6s la mise en place r6- cente d'un extenseur intracoronarien [10], lors- qu'il a re~u une thrombolyse intraveineuse au rt-PA pour un infarctus ant6rieur 6tendu. L'h6- morragie intrac6r6brale survenue cinq heures apr6s le d6but du t ra i tement a 6t6 responsable d'une h6mipl6gie droite. L'ensemble des m6dica- ments a 6t6 arr~t6 ; le pat ient a f inalement pu quit ter l'h6pital avec une r6cup6ration partielle de son d6ficit neurologique.
L'effet de l'fige sur l'incidence des h6morragies intracraniennes n'est pas encore clairement 6ta- bli [2, 4-6). Cependant, dans le groupe ISG (In- t e rna t iona l S tudy Group) [11], qui enr61aient 20 891 patients, un accident c6r6brovasculaire 6tait relev6 chez 0,9 % des patients en dessous de 70 ans et 2,7 % des patients de plus de 70 ans lorsque le rt-PA 6tait utilis6. Ces chiffres 6taient respect ivement de 0,8 % et de 1,8 % avec la streptokinase. Ceci d6montre assez clairement que le r isque du t ra i tement thrombolyt ique aug- mente avec l'age.
Cependant, les b6n6fices du t ra i tement throm- bolytique sont consid6r6s comme sup6rieurs pour les classes d'age plus 61ev6es. Dans ISIS-2 [4], pa rmi les 3 411 pa t i en t s ag6s de p lus de 70 ans trait6s par streptokinase, la r6duction de la mortali t6 d'origine vasculaire a cinq semaines 6tait plus grande que parmi les pat ients plus jeunes, sans 6vidence que les effets secondaires, en particulier 13a6morragie intrac6r6brale ou d 'autres h6morragies aient 6t6 plus fr6quentes que chez les patients plus jeunes. De m~me, l '6tude angloscandinave ASSET [3] sugg6re un plus grand b6n6fice de la thrombolyse au rt-PA pour les groupes de pat ients ag6s (Tabl. V et Fig. 1). L'6tude GISSI-1 [5, 6] montre 6galement une tendance a l'am61ioration de la survie des pat ients ag6s de plus de 75 ans, quand bien m6me la signification stat ist ique n'est pas atteinte. Dans l'6tude AIMS [2], les pat ients ag6s de 65 a 70 ans repr6sentaient 18 % de l'en-
Tableau V
Mortalite par classe d'&ge dans quatre grandes etudes
Age Thrombolyse (ans) n %
AIMS (2) < 65 211405 5,2 (rt-PA 65-70 11190 12,2
30 jours) ASSET (3) < 55 291748 3,8 (rt-PA 56-65 631963 6,5
30 jours) 66-75 901827 10,8 GISSl (5) < 65 21713824 5,7 (SK 65-75 24011444 16,6
21 jours) > 75 1711592 28,9 ISIS-2 (4) < 60 16213864 4,2 (SK 60-69 32013033 10,6
35 jours) > 70 30911695 18,2
SK : streptokinase APSAC = d~riv~ acyl~ du complexe activateur
plasminog~ne-streptokin ase rt-PA = activateur tissulaire du plasminogene.
ASSET (rt-PA)
ContrSle n %
35/411 8,5 26•86 30,2
33•745 4,4 71/896 7,9 140/852 16,4
291/3784 7,7 26111442 18,1 2061623 33,1
22413856 5,8 43513023 14,4 37011716 21,6
semble du collectif 6tudi6, mais ~taient respon- sables de 40 % de la mortalit~ globale & 30 jours. La r6duction de mortalit~ obtenue dans ce sous- groupe 6tait de 60 % (mortalit6 dans le groupe APSAC : 12 %, mortalit6 dans le groupe place- bo : 30 %). En d'autres termes, la morbidit~ et la mortalit~ li6es & l 'infarctus augmentent r~gu- li~rement avec l'&ge : la diminution de mortalit~ par thrombolyse syst~mique est proportionnelle- ment plus importante pour les patients &g~s (Fig. 1).
Contras tant avec ces donn6es encourageantes, l'6tude de A.S. Lew [12] portant sur tEn collectif de 120 patients cons6cutifs trait6s par streptoki- nase et h6parine et comparant 96 patients de moins de 75 arts et 24 pat ients de plus de 75 ans aboutit & des conclusions ne t tement moins favo- rables : la mortalit6 est dix lois sup6rieure darts le groupe de patients fig6s, li6e notamment & la
10
20~
• ¢ontr81e
40-
<55 ans 55-65 ans 66-75 arts
AGE
40
Thrombolyse chez le sujet &g# - 407 -
30
20
10
AIMS (APSAC)
(65 ans 65-70 ans
AGE
30
20
G I SS I (streptokinase)
]0
30
20
10
I S I S - 2 (streptokinase)
(65 ans 65-75 ans >75 ans <60 ans 60-69 ans >70 ans
AGE AGE
Fig. 1. - - Mortalite en fonction de I'age dans quatre grandes etudes (expdmee en pourcentage). 1A. Anglo-Scandinavian Study of Early Thrombolysis (ASSET): mortalite a 30 jours [3]. lB. APSAC Intervention Mortality Study (AIMS): mortalite ~ 30 jours [2]. 1 C. Gruppo Itiafiano per Io Studio della Streptochinasi nell'lnfarto Miocardico (GISSI): mortalite ~ 21 jours [5]. 1D. Second International Study of Infarct Survival (ISIS-2): mortafite a 35 jours [4].
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- 4 0 8 - Thrombolyse chez le sujet &ge
survenue de complications h~morragiques ma- jeures (deux fois plus ~lev~e), mais aussi a une prevalence ~levSe de maladie pluritronculaire, d'infarctus ant~rieur ~tendu et d'infarctus pr~a- lable. Dans le groupe des patients ~gSs, les complications h~morragiques ~taient plus sou- vent rencontr6es chez les femmes, les diab~ti- ques et les hypertendus. En revanche, le nombre de complications hSmorragiques chez les hommes non diab~tiques de plus de 75 ans ~tait analogue ~ celui rencontr~ dans le groupe de pa- t ients plus jeunes. La difference entre ces r~sul- ta ts et ceux de la prSsente ~tude s'explique pro- bablement par la s~lection d'une population diffSrente, avec une fr6quence plus grande de maladie coronarienne s~vSre, et un &ge limite plus ~lev8 (75 au lieu de 70 ans).
Enfin, les donn~es des ~tudes TAMI 1 & 3 [13] devraient 8galement limiter les indications de la thrombolyse chez la pat iente &g~e, puisque la mortalit8 et les complications h~morragiques ~taient beaucoup plus ~levSes dans le sous- groupe des femmes &gSes de plus de 65 ans (hS- morragie majeure dans 43 % des cas et mortali- t8 de 22 % chez 49 patientes, compar6 avec 17 et 6 %, chez les 659 autres patients).
En conclusion, l'infarctus du myocarde est responsable dune mortalit~ qul augmente propor- tionnellement avec l'&ge, comme le d6montrent toutes les grandes ~tudes. Cette augmentation de la mortalit~ en fonction de rage est probablement en relation avec la prevalence ~lev6e de la maladie coronarienne pluritronculalre, responsable dune dysfonction systolique plus ou moins importante du ventricule gauche, et d'affections d6bilitantes associ6es (hypertension art6rielle, diab~te) [4-6, 12]. Si ron consid~re les sous-groupes 6tudi6s dans les grandes sSries, en respectant les contre-indica- tions habituelles, les bSn~fices de la thrombolyse semblent appreciables dans une population s61ec- tionn6e de patients &g6s. L'impact sur la mortalit~
court terme est mSme probablement plus grand que chez les patients plus jeunes [2, 3-6]. De ce point de vue, les donn6es de la pr~sente ~tude sont encourageantes avec un taux acceptable d'effets secondaires pour le groupe de patients ~g~s de plus de 70 ans, m~me si le petit nombre de cas ne permet pas de tirer des conclusions d6fmitives.
Le risque significatif d'h6morragie intrac6r6- brale doit mod6rer une att i tude trop enthou- siaste pour la thrombolyse chez les patients ~g6s. Les contre-indications reconnues doivent toujours 8tre respect6es et l 'indication chez le patient &g~ devra 8tre 8valu~e cas par cas ; on t iendra compte au tan t de l'~tat g~n~ral du pa- tient, de sa qualit6 de vie, et de la prSsence
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d'6ventuelles affections concomitantes, que des crit~res plus g6n6raux comme la dur~e des symptSmes, la taiUe et la localisation de l'infarc- tus. La d~cision d 'administrer ou non un traite- ment thrombolytique & un patient &g~ reste dif- ficile, me t tan t en balance une r6duction effective indiscutable de la mortalit~ globale au prix d'une incidence plus grande d'h~morragie intra- c6r~brale souvent d6vastatrice, 6v~nement qui reste encore largement impr~visible.
R e f 6 r e n c e s
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