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Revue des Maladies Respiratoires (2010) 27, 1281—1287
SÉRIE « APPROCHE DIAGNOSTIQUE EN PATHOLOGIE THORACIQUE »Coordonnée par M. Kambouchner
Thymomes et carcinomes thymiques
Thymomas and thymic carcinomas
V. Thomas De Montpréville
Service d’anatomie pathologique, centre chirurgical Marie-Lannelongue, 133, avenue de laRésistance, 92350 Le-Plessis-Robinson, France
Recu le 6 aout 2010 ; accepté le 6 aout 2010
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Disponible sur Internet le 18
Les tumeurs épithéliales du thymus sont des tumeurs rares(environ 250 nouveaux cas par an en France). Elles repré-sentent cependant environ 50 % des tumeurs du médiastinantérieur, les autres étant principalement des lymphomeset des tumeurs germinales. Ces tumeurs épithéliales thy-miques sont passionnantes par leurs particularités cliniques :associations fréquentes à des pathologies auto-immunes,pronostic varié et globalement bon. Elles présentent unegrande diversité histologique. Les pathologistes ont un rôleimportant à jouer dans leur prise charge et il est importantque les cliniciens sachent ce qu’ils doivent et ce qu’ilspeuvent attendre d’eux.
Définitions
Même si beaucoup de thymomes sont guéris après exérèseet ne nécessitent aucun traitement complémentaire, toutesles tumeurs épithéliales thymiques sont considérées commedes tumeurs malignes, au moins de faible malignité.
Les tumeurs épithéliales thymiques sont subdivisées enthymomes et carcinomes thymiques (Tableau 1) [1—3].
Les thymomes microscopiques ou microthymomessont des nodules épithéliaux, uniques ou multiples et demoins de 1 mm. Ils sont observés en cas de myasthénie,d’immunodéficiences congénitales (dysplasie thymique)
Adresse e-mail : [email protected]
tDalsf
0761-8425/$ — see front matter © 2010 SPLF. Publié par Elsevier Massondoi:10.1016/j.rmr.2010.08.009
embre 2010
u dans des thymus involutifs. Il semble s’agir de foyers’hyperplasie plutôt que de lésions néoplasiques.
La classification des tumeurs épithéliales thymiques,ctuellement utilisée, est celle de l’OMS de 1999 légèrementodifiée en 2004 [4,5].
istologie des thymomes
es thymomes sont des tumeurs généralement lobulées pares cloisons fibreuses. Ces cloisons contiennent parfois desalcifications visibles radiologiquement. Certains thymomesont kystiques.
Le typage des thymomes est basé sur la forme des cellulespithéliales et sur la proportion des lymphocytes associésTableau 2).
Les thymomes A sont formés par des cellules épithélialesusiformes ou ovoïdes ne présentant pas d’atypie et associés
de rares lymphocytes ( Fig. 1). L’aspect ressemble à duhymus atrophique.
Les thymomes AB associent des zones de type A avec desones riches en lymphocytes (Fig. 1).
Les thymomes de type B sont formés par des cellules épi-héliales de grande taille avec un noyau nucléolé (Fig. 2).
u type B1 au type B3, la proportion des lymphocytesssociés diminue alors que l’importance des atypies cel-ulaires augmente. La présence de corpuscules de Hassal’observe dans des thymomes B1. Le type B2 est le plusréquent dans l’ensemble des thymomes. On y observe lesSAS. Tous droits réservés.
1282 V. Thomas De Montpréville
Tableau 1 Différences entre thymomes et carcinomes thymiques.
Thymomes Carcinomes thymiques
Spécifiques au thymus et y ressemblant Similaires aux carcinomes d’autres organesAssociés à des maladies auto-immunes Généralement non associés à la myasthénieFaible grade de malignité Haut grade de malignitéRisques d’implants pleuraux ou péricardiques Métastases lymphatiques et sanguines
Tableau 2 Classification des thymomes (OMS 2004).
Type Cellules épithéliales Lymphocytes associés
A (médullaire ou à cellules fusiformes) Fusiformes ou ovoïdesPas d’atypie cytonucléaire
RaresAB (mixte) Rares ou nombreux
selon les zones
B1 (à prédominance lymphocytaire) Grandes avecnoyau nucléolé
Pas ou peud’atypiescytonucléaires
Très nombreuxB2 (cortical) À peine plus nombreux
que les cellulesépithéliales
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B3 (prédominance épithéliale avec atypies)
lassiques espaces périvasculaires contenant des lympho-ytes.
Il n’est pas rare que des thymomes associent plusieursypes. On parle alors de thymome de type combiné, parxemple A—B2 ou B1—B3. Des types rares ne sont pas inté-rés dans la classification. Le thymome micronodulaire avecyperplasie lymphoïde B peut être rapproché d’un thymomeB. Le thymome à stroma pseudo-sarcomateux ou métapla-ique peut être rapproché d’un thymome A.
L’intérêt du typage des thymomes vient de ce qu’il estorrélé aux données cliniques [1—3].
Les types A et AB sont en effet beaucoup plus rare-ent associés à la myasthénie, et aux autres syndromes
uto-immuns, que les types B. Le stade d’extension (cf.nfra) et le risque de récidive après exérèse augmententussi statistiquement entre les types A/AB, B1, B2 et3.
Une classification américaine regroupe les types A, AB,1 et B2 sous le terme de thymome et qualifie le type B3 dehymome atypique. Les nombreuses anciennes classifica-ions peuvent être oubliées.
• Les microthymomes sont des nodules épithéliauxde moins de 1 mm et seraient plus des foyersd’hyperplasie que des lésions néoplasiques.• Les thymomes sont classés en A, AB et B, en
fonction de la forme des cellules épithéliales et dela proportion des lymphocytes associés.• Il existe des thymomes combinés, par exemple
A—B2 ou B1—B3.• Le stade d’extension et le risque de récidive après
exérèse augmentent entre les types A/AB, B1, B2 etB3.
Atypies cytonucléairesnettes
Peu nombreux
istologie des carcinomes thymiques
es carcinomes thymiques sont en grande majorité desarcinomes épidermoïdes, plus ou moins bien différenciésFig. 3).
Les carcinomes neuroendocrines sont classés commeans le poumon en tumeurs bien différenciées (carcinoïdeypique ou atypique) ou peu différenciées (à petites ou àrandes cellules). Il s’agit en pratique principalement dearcinoïdes atypiques qui sont beaucoup plus agressifs queans le poumon. Ces carcinoïdes sont parfois associés àn syndrome MEN1 et parfois à l’origine d’un syndrome deushing par sécrétion d’ACTH.
À l’exception du carcinome épidermoïde, les autresypes de carcinomes sont variés mais très rares : basaloïde,ucoépidermoïde, type lymphoépithéliome, sarcomatoïde,cellules claires, ou adénocarcinome. La division en
arcinomes de bas grade (épidermoïde bien différencié,ucoépidermoïde et basaloïde) et carcinome de haut grade
autres types) a dans certaines séries une valeur pronos-ique.
Le terme de carcinome thymique bien différencié, qui até appliqué autrefois au thymome B3, doit être abandonné.
• Les carcinomes thymiques sont pour la plupartdes carcinomes épidermoïdes plus ou moins biendifférenciés.• Les autres types de carcinomes sont variés mais très
rares.• La division en carcinomes de bas grade (épidermoïde
bien différencié, mucoépidermoïde et basaloïde) et
carcinome de haut grade (autres types) aurait unevaleur pronostique.Thymomes et carcinomes thymiques 1283
ialesllules
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Figure 1. Aspects histologiques d’un thymome A (cellules épithél(association à une zone lymphocytaire) et immunomarquage des ce
L’étude immuno-histochimique
Quelques marqueurs peuvent être utiles (Tableau 3) en par-ticulier sur des prélèvements biopsiques.
Les cellules épithéliales tumorales expriment les cyto-kératines. Les lymphocytes présents dans un thymomeexpriment, comme le thymus normal, les marqueurs deslymphocytes T immatures.
Les carcinomes thymiques expriment souvent l’antigèneCD5 (marqueur lymphocytaire T) et l’antigène CD117(Fig. 3). À la différence des tumeurs stromales digestives,
cette dernière expression n’est pas liée à une mutation dugène cKit.Dans les thymomes AB, des cellules épithélialesexpriment souvent l’antigène CD20 (marqueur lymphocy-taire B [Fig. 1]).
ovoïdes et régulières avec rares lymphocytes) et d’un thymome ABépithéliales d’un thymome AB par un anticorps anti-CD20.
L’établissement d’un index de prolifération avec’antigène Ki67 est très difficile dans les thymomes enaison du caractère très proliférant des lymphocytes Tmmatures associés aux cellules épithéliales tumorales.
Pour l’ensemble des tumeurs épithéliales thymiques,’étude de cibles de thérapeutiques moléculaires (en par-iculier EGFR et IGFR, mais pas CerB2) est prometteuse [6].
• Les cellules épithéliales des carcinomes thymiquesexpriment souvent des marqueurs caractéristiques
(CD117, CD5).• L’étude de cibles de thérapeutiques moléculaires estprometteuse.
1284 V. Thomas De Montpréville
Tableau 3 Principaux marqueurs immuno-histochimiques et principaux diagnostics différenciels des tumeurs épithélialesthymiques.
Tumeurs épithéliales thymiques Marqueurs immuno-histochimiques Diagnostics différenciels
Thymomes A ←Cytokératines Tumeurs conjonctives
Thymomes A Chromogranine→ Carcinoïdes
Thymomes B1 et B2 ←Cytokératines Lymphomes
Thymomes B3 CD5, CD117→ (cellulesépithéliales)
Carcinomes thymiques
←TdT, CD1a et CD99 (lymphocytesT immatures)
Carcinomes thymiques ←CD5 et CD117 Carcinomes métastatiques
Tumeurs épithéliales thymiques Phosphatase alcaline placentaire→ Séminome, carcinomeembryonnaire
Thymomes B1 Pas de marqueur Hyperplasie thymique
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Ldr
Fl
Les flèches indiquent vers quel diagnostic oriente une positivité.
e stade d’extension [4,5]
a classification de référence est celle en stades cliniquese Masaoka (Tableau 4). Elle a été légèrement modifiée parapport à la description initiale.
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cs
igure 2. Aspects histologiques des thymomes B1 (très nombreux lyymphocytes que de cellules épithéliales) et B3 (cellules épithéliales aty
Les carcinomes thymiques et certains thymomes n’ont
as de capsule.Les thymomes, après avoir envahi la plèvre ou le péri-arde, ont la particularité d’avoir tendance à y disséminerous la forme de nodules satellites.
mphocytes et à gauche un corpuscule de Hassal), B2 (autant depiques et lymphocytes périvasculaires).
Thymomes et carcinomes thymiques 1285
Figure 3. Aspect histologique d’un carcinome thymique épidermoïde moyennement différencié, avec expression immuno-histochimiquedes antigènes CD5 et CD117.
Tableau 4 Classification modifiée de Masaoka.
Stade I Tumeur macroscopiquement et microscopiquement encapsulée
Stade II A. Envahissement microscopique et complet de la capsuleB. Envahissement macroscopique des tissus mous adjacents ou adhérence à la plèvremédiastinale ou au péricarde qui ne sont pas franchis
Stade III Envahissement macroscopique des organes adjacentsA. sans atteinte des gros vaisseauxB. avec atteinte des gros vaisseaux
Stade IV A. Dissémination pleurale ou péricardiqueB. Métastase par voie lymphatique ou sanguine
1 V. Thomas De Montpréville
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• Sur biopsie, les marqueurs immuno-histochimiquespermettent généralement d’éliminer les principauxdiagnostics différentiels.• Le caractère lobulé et encapsulé d’un thymome
n’apparaît pas toujours sur des petits fragmentsbiopsiques et il existe une possibilité de formescombinées dont il faut tenir compte pour le typage.• Le degré d’exérèse doit être précisé sur les pièces
opératoires car il est un déterminant majeur du
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Les thymomes, à la différence des carcinomes thymiques,isséminent exceptionnellement par voie lymphatique ouanguine. Par définition, l’envahissement par contiguïté’un ganglion n’est pas considéré comme une méta-tase.
Il n’y a pas de classification TNM officielle. Une propo-ition basée sur la classification de Masaoka est présentéevec la classification OMS : tumeur complètement encapsu-ée (T1), envahissant le tissu conjonctif (T2), envahissantes structures adjacentes (T3), avec dissémination pleuraleu péricardique (T4), métastase ganglionnaire médiasti-ale antérieure (N1), autre intrathoracique (N2), scalène ouupraclaviculaire (N3) et métastase à distance (M1). Cettelassification TNM pourrait être plus adaptée aux carci-omes.
La classification francaise du groupe d’étude des tumeurshymiques combine l’extension tumorale au caractèreomplet ou non de l’exérèse : tumeur encapsulée et exé-èse complète (I), tumeur invasive réséquée totalementII), partiellement (IIIA) ou simplement biopsiée (IIIB), avecétastases sus-claviculaires ou pleurales (IVA) ou à distance
IVB).
• Les thymomes ayant envahi la plèvre ou le péricardeont tendance à y disséminer sous la forme de nodulessatellites.• Les carcinomes thymiques et certains thymomes
n’ont pas de capsule et disséminent essentiellementpar voie lymphatique ou sanguine.• Il n’y a pas de classification TNM officielle et on se
réfère souvent à la classification TNM de Masaoka.• La classification francaise combine l’extension
tumorale au caractère complet ou non de l’exérèse.
articularités en fonction desrélèvements
ur biopsie chirurgicale et biopsie à l’aiguille, des marqueursmmuno-histochimiques peuvent être utiles. Ils permettenténéralement d’éliminer les principaux diagnostics dif-érentiels (Tableau 3). Par ailleurs, le caractère lobulét encapsulé d’un thymome peut ne pas être présentur des petits fragments. Enfin, le typage d’un thymomeoit tenir compte de la possibilité de formes combi-ées.
Lors de l’examen extemporané, en raison des nombreuxiagnostics différentiels possibles, le but est généralementlutôt d’apprécier la qualité du prélèvement que de fournirn diagnostic précis.
Sur pièce opératoire, le pathologiste doit mesurer laumeur et étudier les éléments permettant d’établir letade d’extension. Le caractère complet ou incomplet de’exérèse, qui est un élément majeur du pronostic, doit êtrerécisé avec l’étude des limites d’exérèse [5].
pronostic.
onclusion
es tumeurs épithéliales thymiques sont rares mais trèsétérogènes. Leur diagnostic, qui peut être obtenu paronction-biopsie, implique généralement un traitement chi-urgical, ce qui n’est pas le cas des autres tumeurs de laoge thymique (lymphomes et tumeurs germinales). Le bilan’extension est local et locorégional (plèvre) pour les thy-omes. Il doit être général si on évoque un carcinome.près résection, le pathologiste doit préciser le pronosticrisque de récidive locale et de métastase) en analysant troisléments : le sous-type histologique, le stade d’extensiont le caractère complet ou incomplet de l’exérèse. Sché-atiquement, les patients ayant un thymome totalement
éséqué ne nécessitent qu’une surveillance si la tumeur estomplètement encapsulée. Ils devraient en revanche bénéfi-ier d’une radiothérapie adjuvante pour éviter les récidivesi la tumeur est infiltrante et ce d’autant plus quand ellest d’un type histologique plus agressif. Pour les thymomesont l’exérèse complète n’est pas possible ou qui sont méta-tasés à la plèvre, ainsi que pour les carcinomes thymiques,a radiothérapie et la chimiothérapie sont nécessaires maisalheureusement souvent peu efficaces. Pour ces tumeurs ;
n peut prévoir que le pathologiste sera de plus en plusollicité pour l’étude de marqueurs de sensibilité à des thé-apeutiques moléculaires spécifiques.
onflit d’intérêt
es auteurs ont déclaré n’avoir aucun conflit d’intérêtotentiel en rapport avec le thème de l’article.
POINTS ESSENTIELS
• Les tumeurs épithéliales thymiques sont subdiviséesen thymomes et carcinomes thymiques.• Beaucoup de thymomes sont guéris après exérèse et
ne nécessitent aucun traitement complémentaire.• Il existe trois éléments pronostiques : le sous-type
histologique, le stade d’extension et le caractèrecomplet ou non de l’exérèse.• Le pronostic est bon dans les tumeurs encapsulées
mais devient moins favorable dans les formesinfiltrantes avec type histologique défavorable ou lesformes métastasées.
[
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Thymomes et carcinomes thymiques
Références
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