Tobie Nathan:

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  • Corpsd'humains// corps dedjinns

    Tobie Nathan [1]

    Observation n1 : Un tranger dans la maison [2]Dentre, aprs quelques minutes dentretien, les parents nousbrossent un tableau de la situation. Souleyman, lan desenfants, serait possd par une djenneya une femme-djinn qui le distrait sans cesse, lempchant dtudier, qui verse sur luide lurine et des matires fcales ou, quelquefois, lui presse lesentrailles afin de le faire lui-mme uriner ou dfquer, nimporteo, nimporte quand.

    Elle lui modifie son comportement, lincitant commettre desdpradations ou se montrer agressif envers dautres enfants ouenvers sa propre famille "elle le contraint courir et tapersur les voitures", dit le pre.

    Elle le rveille en pleine nuit pour le menacer. Elle lui parlegalement et il lentend dans sa tte et parfois dans ses oreilles.

    Elle commet elle-mme des dtriorations. Elle fait couler delurine ou des matires fcales du plafond, dplace la tlvisionen pleine nuit, cache des chaises ou les brise. Elle se prsentegalement aux autres membres de la famille. La maman la djvue en rve. Quant aux autres enfants, Lela et Chams, ilscommencent leur tour tre perturbs par la djenneya .

    Lela : _ je vois des fois des yeux, des lunettes ; desfois je vois un homme

    Depuis le dbut de ces manifestations, les parents ont consultun trs grand nombre de gurisseurs, tant maghrbins quefranais. Ils ont galement fait appel la psychiatrie et auxservices sociaux avant, finalement, et en dsespoir de cause, desadresser la justice.

    M. Hok : _ le satan de mon fils sest manifestl'enfant il faisait peur Un franais magntiseur a ditje sens qu'il y a quelqu'un sur ses nerfs. Aprslintervention du magntiseur, l'enfant est devenu

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  • normal. Puis, il y avait des traces la maison, del'eau sur les murs, autour des WC un jour, dans laclasse il y avait de l'urine par terre Le matre a dit l'enfant c'est toi ? J'ai fait l'enqute l'enfant avait ttravaill par le diable, par le sheytan. Parce quon sedemande qui dchire les feuilles Ma belle sur, ellea consult on lui a dit que la cause de tout, ctaitlItalien En fait, les Italiens, les voisins, avaient faitappel un Malien. Le gurisseur marocain a dit "cen'est pas l'enfant, c'est le diable ! Il le prend par lamain et le frappe avec une lumire blanche. Il fautdire que cet enfant, Dieu le protge Sans cela, ilserait dj mort depuis longtemps Nous sommesalls consulter un spcialiste, un fkih marocain, chezlui, l bas, dans l'Atlas. Il na pas pu faire entrerSouleyman en transe parce quil tait trop jeune.Pour faire sortir lesprit, il faut que la djenneya soitl il n'arrivait pas dclencher la transe pour parleravec la djenneya il a essay, pourtant.

    Daprs la famille, tout aurait commenc cause dune querellede voisinage. Les locataires de ltage suprieur, une familledorigine italienne faisaient perptuellement du tapage. plusieurs reprises, M. et Mme Hok leur auraient demand decesser ce bruit insupportable, obsdant, jour et nuit. Finalement,la famille Hok a port plainte. Les gendarmes sont intervenus etles Italiens, pour se venger, auraient fait un premier sort (enarabe shur ) contre Souleyman, un second contre toute lafamille.

    Le sort aurait comport lenvoi dun esprit un djinn surSouleyman. Pourquoi sur lui, prcisment ? Pour la simple raisonquil tait l au moment de lagression sorcire.

    M. Hok : _ Mon enfant a t attaqu il avait7 ans. Il va avoir 12 ans. Maintenant, il ne travailleplus l'cole avant il tait premier, maintenantdernier.

    Les mots Djinn : tres surnaturels susceptibles de

    s'emparer du corps et du fonctionnementpsychique dune personne afin d'obtenir unecompensation de la part des humains : uneoffrande, un sacrifice, un autel.

    Djinn est un mot arabe provenant duneracine prolifique.

    La matrice, janna , voque lidedobscurit, de voile, surtout dedissimulation. Djinn dsigne avant toutechose un "tre invisible" .[3]

    Texte paru dans "Corps" Prtentaine, ,N 12/13, Montpellier, mars 2000, 71-90.

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  • Le pluriel, jenoun ou jnoun a donn junanou jenan qui signifie "la folie" car tre pris,captur par un tre invisible impliquelalination de la personne.

    Majnoun signifie tre sous lemprise dun djinn donc, littralement :"endjinn" mot gnralement utilis pour dsigner la folie.

    Cependant, cette mme racine a produit dautres mots permettant de faireressortir vivement la polysmie intrinsque du terme :

    janin , "le ftus", sans doute du fait quil est toujours cach ou peut-trele long dune sorte de mtaphore : le djinn cach dans la nuit comme unftus dans la matrice

    jnna , "le jardin" ;

    jennat , "le paradis" ;

    janan , "le cadavre, le tombeau".

    En arabe courant, pour dire fou, on utilise le mot majnoun. Cependant, onpeut presque indifremment dire:

    majnoun : "pris par un djinn", "endjinn"

    madroub : "frapp" [par un djinn]),

    markoub : "mont" [par un djinn]),

    maskoun : "habit" [par un djinn]),

    mamlouk : "possd" au sens o l'on "possde", l'on est "propritaire"d'un terrain ou d'un appartement [par un djinn]),

    masloukh : "frott jusqu'au sang" [par un djinn]),

    malbouss "port" [par un djinn] comme on enfile un vtement), etc.

    La richesse du vocabulaire dcrivant la relation entre les esprits et leshumains suffirait dmontrer combien cette interprtation est investie par laculture maghrbine. En tout tat de cause, l'attaque par le djinn n'est pas unvnement simple et bnficie dans le vocabulaire et dans les pratiquesculturelles d'un surinvestissement de significations parfois contradictoires.Quoiqu'ils vivent dans "le monde de l'envers" la nuit, le dsert, la fort, labrousse, les ordures, les ruines, les canalisations d'gout, le sang desanimaux les jnoun sont l'image des humains: il en existe des mles etdes femelles; ils se reproduisent de manire sexuelle. Tout commes leshumains, ils peuvent avoir une religion. Les jnoun musulmans sont les moinsdangereux parce qu'on peut facilement "ngocier" avec eux en invoquant le

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  • nom d'Allah. Les Chrtiens sont plus difficiles, mais moins que les Juifs quisont quasiment irrcuprables. Quant aux jnoun paens (kafrin), ce sont lesplus craints, car totalement inaccessibles aux "arguments" des humains etles plus violents de tous. Le diagnostic d'existence d'un djinn "kafar" (paen)signale une grave inquitude pour la vie du malade.

    Les djinns sont donc des tres invisibles dont lexistence est largementadmise y compris par le prophte qui tente mme de les convertir. En vrit,si lon analyse le phnomne dun point de vue historique et culturel, lesdjinns sont un terme gnrique dsignant sans doute les divinits despopulations soumises lIslam avant leur conversion (un peu comme lediable dsignait lensemble des pratiques paennes des populationschristianises). Il nen demeure pas moins que plus de douze sicles plustard, les djinns sont tout aussi prsents dans les pays du Maghreb. Ilsservent de matrice dinterprtation aux ngativits de lexistence. Ilsconstituent galement lme des procdures thrapeutiques "traditionnelles".La maladie est trs souvent interprte comme la consquence de laction decet invisible, le djinn , et traite selon cette logique. Les mthodes detraitement sont innombrables, cependant quelques grands principes peuventtre distingus :

    Dans les thrapies coraniques, lon ne peut en aucune manirengocier avec le djinn . Il sagit dans tous les cas de le chasser. Lethrapeute (cheikh , fkih , taleb ) prie, appelle Dieu contre ltreinvisible, limpressionne, le menace, le bat, afin dobtenir son dpart.Lon pourrait assimiler ce type de traitement lexorcisme chrtien .

    1.

    Exemple : Mr E.A. (un patient maghrbin, dcrivant les soins qu'untaleb a prodigu son fils) :

    2.

    _ il prend le pouce de lenfant et prie jusqu' ce quil tombe. Iljette de leau avec le Coran sur la femme ou lhomme et le diablepeut sortir. Il parle avec le diable. Le diable qui a pris mon filsest all chez lui, pas en rve mais en rel ! Il est mme apparu ma femme et lui a dit : " Vous avez fait mal moi et lenfant ".Il a commenc appeler les siens, les autres diables

    Dautres types de thrapies, surtout pratiques par les femmes,cherchent au contraire "apprivoiser" le djinn. La malade, investie parltre invisible, peut ici tre compare une lue. On cherchera donc linitier, en gnral au sein dune confrrie. Dans ce cas, les patientssont en vrit de futurs voyants quil sagira de prparer au sein decongrgations. Le rite thrapeutique ressemble ici une sorte de rituelreligieux.

    1.

    Une troisime catgorie pourrait comporter les thrapeutes quitravaillent avec les djinns et non pas contre eux. Ceux l ont des sortesdesprits auxiliaires (galement djinns ) leur service et les envoientpour lutter ou pour convaincre le djinn responsable de la maladie dequitter le malade. Il semble que ces thrapeutes capturent les djinnsqui ont rendu la personne malade et les utilisent ensuite leur proprebnfice.

    2.

    Lorsque l'on dit "fou" en arabe que l'on utilise Majnoun , "endjinn",markoub , "mont", madroub , "frapp", maskoun , "habit", mamlouk ,"possd", masloukh , "corch", etc, c'est tout l'univers des

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  • interprtations, des actes, des objets, des pratiques, qui se profile derrire lemot utilis.

    Ce mot, comme on l'a vu, du fait de ses parents, tablit des pontssmantiques avec des notions comme "ftus", "mort", "cadavre", "paradis","jardin" qu'il ne possde videmment pas dans d'autres langues.

    De plus, tous ces mots vhiculent des nuances, des prcisions, deslocalisations gographiques, des appartenances

    Zar : En Egypte et au Soudan, bien quon le comprenne, on nutilisepresque jamais le mot djinn , mais plutt afritt ou zar le afritt sedistinguant du djinn par sa localisation. Il ne sagit pas, comme le djinn , duntre des jardins, mais d'un tre aquatique puisqu'il se cache de prfrencedans les tourbillons du Nil. Il est sans doute constitu du limon, do sonnom, sans doute parent de affar , "poussire".

    Quant au mot zar , en arabe, en amharique, en hbreu, les trois languessmitiques apparentes encore en usage de nos jours, il s'inscrit toujoursdans une chane de sens autour de "ltranger" ou du "visiteur". Il n'est doncpas indiffrent d'utiliser les mots de la srie djinn et les mots de la srie zar puisque, dans chaque cas, un univers spcifique se dploiera l'arrire-plan.

    Shur : Une personne peut tre atteinte par un shur dans sa chair etdans sa capacit penser et cela du fait d'un acte de malveillance perptrcontre elle ; soit qu'un jaloux ou un envieux ait lui mme fabriqu l'objetmagique le shur destin le dtruire, soit qu'il ait fait appel un"spcialiste", un sahar , un "sorcier", dans ce but.

    Souvent, l'existence de ces objets est seulement suppute, quelquefois ilsexistent rellement, sont retrouvs et prsents au thrapeute qui sait les"dfaire", en annuler l'effet. Les symptmes d'une telle atteinte peuvent allerdes sentiments d'apathie et de faiblesse jusqu' de vritables crises de folie.

    Ainsi, le shur dsigne-t-il la fois l'action de sorcellerie et l'objet parl'entremise duquel le "sorcier" parvient ses fins. Cet objet est dpos dansun endroit dtermin : sur le seuil de la maison de la victime, dissimul sousson lit, enseveli sous le chemin qu'il empruntera ncessairement, enterrdans un cimetire, accroch un arbre dans un endroit dsert, sur lamontagne, utilis en fumigations ou ml la nourriture.

    Dans tous ces cas, le shur possde un certain nombre de caractristiques: ils'agit d'un objet manufactur et composite comme les plats cuisins ou lesobjets d'industrie mais dont on ne peut immdiatement percevoir la fonction.Quoiquil en soit, son "efficacit", atteste par un nombre infini detmoignages, est incontestable. Il reste cependant expliciter le mode defonctionnement de ces objets, autrement dit les chemins par lesquels ilsagissent sur les personnes .[4]

    La famille Hok, comme trs souvent dans ce genre de situation, a fait appelaux trois catgories de thrapeutes : les gurisseurs coraniques, les zaouias(congrgations) et ceux que lon pourrait dsigner comme les "sorciers" autrement dit "les indpendants".

    Les gurisseurs coraniques se sont rvls, comme souvent, insuffisants.

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  • Ceux travaillant en congrgation ne sont pas parvenus faire entrerSouleyman en transe, sans doute, comme le prcise le pre, du fait de sonjeune ge. Toutes ces tentatives de thrapie sont revenues trs cher lafamille M. Hok parle de huit millions (80000 F).

    Il semble tout de mme que la dernire tentative, ayant sollicit unthrapeute de la troisime catgorie, lindpendant associ des djinns , aitt plus efficace. Le thrapeute a fait appel ses propres djinns et leur aordonn de partir la recherche du sort (shur ) lorigine du dsordre.

    Mme Hok : _ il a fait une criture quil a ensuite brle avecde l'encre fabrique avec de la laine de mouton il a brl lescritures jusqu' ce que les djinns soient l. Puis, il sest mis parler aux jnoun . Il ma dit : "mets la main sur la bassine ; jecompte jusqu' trois pose la main sur le bassine si tu trouvesquelque chose. Et jai trouv. Il a sorti cet objet. Dans unemanche de tricot de Souleyman, un crit en rouge , du sang etaussi des morceaux de fer plis, deux critures dans la mancheonze noeuds sur un fil de soie pour qu'il soit malade pendantonze ans, parait-il Et un fil de fer en forme de crochet unhameon, quoi tout a dans un tricot et de la terre par dessus,avec de l'herbe fraiche

    Le gurisseur a donc fait apparatre, sous une bassine, un morceau de tricotreconnu par les parents comme ayant appartenu Souleyman associ unesrie dobjets dont lassemblage leur a sembl htroclite. Malgr cettedescription extrmement prcise, Mme Hok dclarera :

    "je ne crois pas ces choses l Cela fait trois ans que loncherche, malgr a, l'enfant est trs malade ; la fille aussi,maintenant"

    Depuis cette dernire intervention, cependant, il semble bien que lecomportement de Souleyman se soit notablement amlior. Il parvient seconcentrer sur des lectures, il ne commet plus de dprdations, lesmanifestations somatiques se font plus rares ainsi que les crises.

    La consultation prsente ici sest droule, dans la rgion parisienne, en1999, la demande dun juge des enfants. Lenfant, dscolaris, commenait prsenter de graves handicaps. Les tentatives de prise en chargepsychologique ont systmatiquement t refuses tant par lenfant que parsa famille. Lquipe ducative, charge par le juge dune mesure Aideducative en milieu ouvert, tait comprhensive et ouverte auxrevendications de la famille.

    Devant un tel cas, un clinicien se trouve aux prises avec plusieurs problmesvidents :

    la langue des patients ;1.leur univers conceptions, raisonnements, certitudes ;2.la ralit, la cohrence et lefficacit de professionnels agissantparalllement lui gurisseurs franais et maghrbins, tant enFrance quau pays.

    3.

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  • Lethnopsychiatrie est une discipline qui tente de rpondre ces problmesdordre clinique, tant sur le plan thorique que technique.

    M.Hok , le pre de Souleyman, est le troisime dune fratrie de six. Sonpre, originaire de la rgion de Djerba, en Tunisie, a dabord eu une premirepouse dcde en laissant un fils. Beaucoup plus g que M.Hok , ce fils avcu Grenoble ; il est aujourdhui dcd. M. Hok est de fait lan de lafamille. Il na pas t scolaris, a grandi Tunis, sintressant surtout ausport. Il est arriv en France au dbut des annes "60", g dune vingtainedannes. Il est entr en France sans aucun papier. Lorsquil a obtenu sanaturalisation franaise en 1971, il a chang son prnom et se fait dsormaisappeler Georges. Il a travaill une quinzaine dannes en mcaniqueautomobile. Lorsque le garage a dpos son bilan il sest retrouv auchmage, en 1986.

    En 1983, M. Hok a pous Tunis Khadidja qui la rejoint en France lannesuivante, en 1984. De cette union sont d'abord ns un garon ayant mis samre en danger au moment de l'accouchement, garon dcd peu aprs sanaissance et une fille morte-ne. cette mme poque, dcde galement lepre de Mr Hok Il na pu se rendre lenterrement, pas davantage celuide sa mre. Le couple a connu des difficults pour avoir un enfant. M. Hokdira que sa femme avait t malade (attaque par lil el en). Oncomprend que dans un tel contexte, la naissance de Souleyman ait t bienacceuillie. Il est dcrit par ses parents comme un enfant sans problme etdont ils taient fiers. Petit, il tait toujours parmi les premiers en classe,jusqu' cette "attaque en sorcellerie" par ces voisins italiens. Souleymanavait 7 ans !

    Encore des mots

    Khfif [5] La technique du plombfondu

    Dans une petite casserole, la femmefait fondre des morceaux de plombprovenant par exemple de dbris devieux tuyaux. Lorsque la matire estdevenue liquide, elle la verse d'ungeste brusque dans un rcipient pleind'eau. La vapeur s'chappe du mtalbrlant en sifflant et l'on voit leplomb se figer en adoptant desformes tranges, distordues,grimaantes. La femme se saisit dufragment de plomb saisi, le tournedans sa main, le montre la famillealentour et formule une propositiondu type : " _ Vous voyez l, c'estl'en, "l'il" ", montrant une bulled'air fige, brillante un il,assurment ! Elle peut ajouter uneremarque comme : " _ Regardez

    Prtentaine, N 12/13, Montpellier,mars 2000, 71-90

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  • l'animal, l Vous devriez offrir unmouton ! "

    L'assistance observe son tour les fragments aux dcoupesinsolites. Les femmes s'chappent dans des suppositions etruminent en secret de vieilles rancurs. La voyante ramassemaintenant les scories restes au fond de la bassine d'eau et lesremet dans sa casserole qu'elle chauffe nouveau sur son petit"camping-gaz". Aprs un second "saisissement" du plomb, ellepeut approcher encore du responsable du mal : " _ C'est unefemme et elle fait partie de la famille. Connaissez vous quelqu'unqui se nomme Acha ? "

    Quelquefois, le plomb refuse de se compacter et s'clate enmyriades au fond du rcipient. La voyante considre alorsgnralement que c'est mauvais signe. Peut-tre l'origine du maln'est-elle pas humaine ? Peut-tre les djinns, les esprits de laterre, avaient-ils quelque raison d'tre en colre contre cettepersonne ?

    Curieusement, la fin du traitement qui peut comporterplusieurs sances faites selon la mme technique, le malade sesent mieux. Il serait naf de penser que le soulagement provientdu seul fait d'identifier un coupable. Il ya bien plus car lafabrication de la statuette de plomb, les paroles prononces(imprcations et prires), mais aussi les tres sollicits cetteoccasion[6]font que l'objet issu de cette sance constitue aussiune agression sorcire contre le coupable prsume. D'ailleurs,ce dernier pourra, la suite d'un malheur ou d'une maladie,s'adresser son tour une autre voyante qui identifiera l'originede son malheur, peut-tre l'aide de cette mme technique duplomb fondu. Nous avions un malade perplexe et l'issue dudispositif, nous trouvons un malade soulag et un coupableagress son tour en sorcellerie. Il s'agit donc, sur le planmacroscopique, d'un vritable systme de redistribution desagressions sorcires selon les lignes de force de la dramaturgiesociale. Du seul fait de son introduction dans le systme, lemalade est pass de questionnant en souffrance encommanditaire (plus ou moins conscient) d'une agressionsorcire.

    Il arrive qu' l'issue du traitement, le corps du malade vienneconfirmer la divination du plomb. Des femmes peuvent entrer entranse ou clater en sanglots. Jai dcrit ailleurs le cas d'unpatient qui, aprs avoir t trait de cette manire, a vomi unematire noirtre ds la seconde sance [7]. Lapparition delimage du shur dans le plomb avait dclench la restitution dupoison par le corps.

    en , "lil" Certaines personnes sont rputes possder descaractristiques impliquant que leur regard pos sur une

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  • personne peut dclencher des dsordres, des malheurs, desmaladies. Ces caractristiques sont physiques (il sagit de la"nature" de leur il). en : "lil", lorgane non pas unemtaphore du regard mauvais, envieux, quoique ce type denotion ne puisse tre totalement exclue, mais lactivit physiquede lil metteur de substances, sorte de bouche oprant distance, susceptible de capturer, de dvorer. Certains yeux, eneffet, sont rputs possder des caractristiques physiquesdestructrices indpendantes de la psychologie de lindividu (lesyeux clairs, surtout bleus) si bien que lon dit que lil jetpar la mre pourrait atteindre son propre enfant sans que cettemre ne soit jamais souponne de la moindre penseambivalente. Cet "oeil" ne pourrait tre compar qu lasubstance de sorcellerie se trouvant dans le ventre du sorcierque lon rencontre en Afrique centrale, agissant infailliblement endvorant sa victime, la plupart du temps son insu [8]. Pour seprotger de "lil", on prsente des objets ou des gestesapotropaques : des mains, des gestes, des paroles. On crve"lil" apparu dans les figurines de plomb ou dans luf utiliscomme objet de divination.

    M. Hok nous apprend au cours des consultations que sa familleappartient une congrgation religieuse et que lui-mme aplusieurs fois dans sa vie t en contact avec des phnomnesreligieux. Il serait une sorte dtre pur, non susceptible dtre"mlang", "souill" par le contact avec ltranger. Il est restclibataire jusqu lge de quarante ans, certifie navoir jamaiseu de relation avec une femme avant son mariage. Le couple estensuite rest strile durant cinq ans. Larrive de lenfant, maissurtout son entre lcole primaire a dclench linstallationdans la famille de cet tre de lautre monde : la femme djinn.

    Notons galement que M. Hok , malgr plus de trente cinq ansde prsence en France, matrise trs mal la langue franaise son pouse moins encore si bien que ltranger pouvant trepris pour un semblable (lcole franaise) est mdiatis par untranger "absolu", un tranger dun autre monde, la djenneya .

    On peut penser que les enfants, notamment depuis leur accs lcole, deviennent de fait des sortes "dtrangers". Cest lors dela constitution de cette "tranget" quintervient la djenneya ,contraignant de fait toute la famille un retour aux traditionsafin de soigner Souleyman et de remettre la famille daplomb.

    Elle intervient dabord essentiellement dans le domaine scolaire,empchant la prsence de lenfant lcole, amenant mmeladministration exclure lenfant de lenseignement. De plus, ladjenneya porte la marque de laltrit. On nous prcisera quelleest noire, la moiti de son corps est brl. Dailleurs, lorsquellesempare de lenfant, Souleyman insulte son pre en franais :

    M. Hok : lenfant minsulte en franais. Ladjenneya , elle sappelle Brigitte. Elle a dit quelleavait 800 ans. Elle a dit aussi quelle avait cinq

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  • enfants. Mais elle ment les djinns, a menttoujours ; une autre fois, elle a dit quelle en avaitquatre.

    M. Hok a galement vu un djinn, lorsquil tait enfant. Il nousraconte.

    M. Hok : _ au dpart, on croyait pas tout a.Depuis le mois de septembre, jai perdu un million etdemi sur mon fils pour quil gurisse. Personne nema aid, ni les services sociaux, ni les allocationsfamiliales. Cest moi qui ai port plainte pour monfils, pas le juge. Il a peut-tre mal compris ;considr quil sagissait dune mauvaise famille.Mais moi, je nai peur de personne. Jai vu le diablequand jtais petit, avec des pieds de moutons. lamain, il portait une hache en or. Je nai pas peurparce que ces tres, si on ne leur fait pas de mal, ilsne font pas mal

    Dun point de vue structural, la djenneya reprsente la foislaltrit, la souillure que ne peut supporter M. Hok du fait de lapuret de sa nature. Mais, paradoxalement, elle devientgalement ce par quoi il organise les procdures lui permettantde retrouver la puret un moment oublie. Depuis tous cesvnements, M. Hok recommence prier, sintresse auxtechniques traditionnelles, ne cesse de rentrer au pays

    Si lon se place dans le contexte culturel, linterprtation selonlaquelle Souleyman aurait t investi par un djinn femme semblepour le moins insuffisante. Lon ne comprend ni la raisonprofonde de lagression, ni la fonctionnalit de cetteinterprtation. Ce nest quen considrant lidentit et le parcoursde son pre que lon peut comprendre une telle "attaque". Cestcomme si la famille Hok disait : "loin du pays, investis parlaltrit sous ses formes les plus diverses (lcole franaise, lacohabitation avec les Italiens, les Maliens), comment tout demme conserver "un noyau" intact.

    Si cette interprtation est correcte, on peut facilement enconclure que la djenneya ne cessera ses attaques que lorsquelcole ne mettra plus en danger le noyau culturel de la famille.De ce point de vue, il convient de considrer le couple M. Hok/Souleyman et non pas le fils seul.

    On voit bien leffet de la migration sur la constitution dune tellepathologie, mais on ne parvient pas rellement dmler les fils.On peut nanmoins reprer certains facteurs contribuant ladstabilisation dune famille :

    Les problmes linguistiques1.Lintroduction de ltranget, le plus souvent parlintermdiaires des enfants, qui la rapportent de leurexprience scolaire.

    2.

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  • La difficult organiser correctement des enterrements etdes rituels de deuil[9].

    3.

    La difficult trouver et utiliser les objets thrapeutiquesde la socit dorigine

    4.

    considrer une telle observation clinique, lon se prend penser quil serait facile dappliquer les catgories de lapsychopathologie, psychiatrique ou psychanalytique facile,certes ; mais trop facile, lon y perdrait linspiration mme de laplainte de cette famille. Lon devrait sacrifier ses tres (les djinns), ses objets (les shur ), ses tiologies ("lil"), ses ralits (tousattestent avoir vu la djenneya rejeter ses excrments par leplafond). Si lon se refuse un tel sacrifice, commence alors unevritable aventure intellectuelle, celle de lethnopsychiatrie.

    Une notion indispensable : celle de "nichecologique"

    Mais il ne suffit pas de classer les dsordres plus mme : jeprtends pour ma part quen regardant les pathologies, on nevoit quun 10me du problme. Car, lorsquil existe un dsordredans une culture donne, il saccompagne toujours dtres (lesdjinns dans le premier exemple), dobjets (les shur), deprofessionnels (les talebs, les fkih, les cheikh), de rseaux deprofessionnels (congrgations, couvents, lieux dinitiation),dune laboration du vocabulaire de la langue, si bien que ledsordre seul devient incomprhensible. Cest pourquoi, jesuivrai volontiers Hacking dans sa proposition de considrer une"niche cologique" plutt quun syndrome [10].

    Observation N 2 : pouse dun djinna[11]

    Famille B, de langue malink, migrants originaires de Guinepour le mari, du Mali pour lpouse, sa cousine.

    Fatou est une belle jeune femme laspect rieur. Elle est gedune trentaine dannes et vient de mettre au monde, dans unecommune de la Seine-Saint-Denis, son cinquime enfant unecinquime fille ! Ds la naissance, elle na pas voulu mme luijeter un simple regard, refusant de le prendre dans ses bras et lenourrissant au biberon en le tenant distance. Ses proches ontdabord mis cet trange comportement sur le compte de lafatigue. Dautant que Fatou a prsent des manifestationssurprenantes chacun de ses accouchements. Au moment dedonner un nom pour ltat civil, elle dit : "Linda", son mari :"Ciss". Ils se disputent violemment. Cest finalement le pre quiemporte la dcision la gamine se nommera Ciss. Mais, depuisquelle est sortie de la maternit, Fatou appelle sa fille :"Djenneba". Le mari insiste, revient la charge, est mme prt

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  • accepter la premire proposition, la nommer "Linda". MaisFatou garde lair absent, ne rpond pas. De temps autres, ellefait des "crises", le dispute violemment, laccuse de vouloir sedbarrasser delle, le frappe, mme. Elle se rend chez lesassistantes sociales et leur fait part de son souhait de divorcer.Elle prtend quil a une matresse, quil lensorcelle avec desgris-gris quil dispose partout dans la maison, quil empoisonnesa nourriture. Dans un premier temps, le mari ragit au contenuexplicite des accusations de sa femme, se justifie, fournit despreuves. Puis, il se fche, la bouscule. Rien ny fait. Fatou restetout aussi trange.

    Au cours de la consultation, il dira :

    " jai tlphon ma mre. Elle est alle consulterun kharamoko , un gurisseur, au pays. Elle ma dit"ta femme, l, elle est dj prise. Son mari, cest undjinna . Ce quil fait, l, le djinna, cest quil veutrcuprer ses enfants." "

    Dans ce cas, ce que lon peut observer, ce sont desmanifestations dpressives et dissociatives la suite dunaccouchement [12] chez une femme migrante, ntant pasrentre chez elle depuis une dizaine dannes. Mais pour leclinicien traditionnel, le kharamoko , il sagit bien des signesdune possession par un tre, le djinna , pour lequel il faudra unjour ou lautre, organiser un rituel.

    Comment comprendre les djinns ? une dfinition dtres rputs nantis dun certain nombre de

    qualits :

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  • ils sont invisibles,ils vivent dans lenvers de lhabitatdes humains (la brousse, la fort,leau des marigots, des rivires, desfleuves ou de la mer, le sommet desarbres, les canalisations des maisons,les vieilles ruines abandonnes deprfrence celles provenant decivilisations disparues),ils sont sexus (certains texteslaissent supposer que leur sexualitest surtout masturbatoire un organemle sur une cuisse, un organefemelle sur lautre),ils ne sintressent aux humains queparce quils souhaitent quon leurinstalle un autel et quon leur rendeun culte "quon les nourrisse",comme on dit.Ce sont donc des autres, de vraisautres non pas des semblables, nos"prochains", mais des modlesdaltrit. Ce sont pourtant nosjumeaux, du moins

    lorigine. Certains commentaires bibliques, repris ensuite danslislam et naturellement rutiliss dans les pratiques desgurisseurs musulmans laissent penser que les djinns sont lesdescendants de toutes les copulations quaurait eues la premirefemme dAdam, Lilith autrement dit : "la nuit" avec tous lesanimaux de la cration. voquant les djinns , un patientsnagalais me dit un jour : " nous ne sommes pas seuls aumonde ".

    Des dsordres apparaissant dans les communauts humaines et touchant de nombreuses sphres :

    des enfants morts en bas ge peuvent avoir t pris par des djinns ,changs contre des enfants djinns .Des femmes qui se refusent la sexualit, la conjugalit, lchangesocial avec leurs belle-surs, avec leurs amies. Des femmes quirefusent de se nourrir, qui restent longtemps solitaires, silencieuses,qui font des crises.Des hommes qui font dtranges rencontres, qui croisent la mort sanssen apercevoir. Des hommes tranges, qui ont lair de tout ce quils nesont pas : des animaux, des dieux, des femmes, aussi, parfois

    Mais aussi des vnements nigmatiques : survenant par exemple dans unemaison, des bruits de pierre sur le toit, des incendies inexplicables, destraces de boue laisses en pleine nuit sur les tapis ; ou dans un lieu public :des voix, des dplacements dobjets etc.Des mthodes thrapeutiques de diffrentes natures destines remdier ce type de dsordres :

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  • De vritables cultes rendus par certaines populations reconnuestrangres et qui se runissent pour rendre hommage aux djinns [13].Des initiations de personnes prsentant certains dsordres desconfrries voues au culte des esprits.Des prises en charge individuelle par des thrapeutes ayant des djinnscomme esprits auxiliaires afin de les seconder dans leurs dmarchesthrapeutiques.

    Des thrapeutes qui travaillent partir :

    des parfums,des couleurs,des textes coraniques,des textes de mdecine savante islamique,de la fabrication dobjets de protection,de lidentification dobjets de destruction

    Des rseaux traversant tout le pays par exemple, au Maroc, des confrries(zaouias), places sous le signe dun mme esprit et qui se retrouventannuellement pour une crmonie et des sacrifices danimaux.

    Des hirarchies transversales : on peut tre riche et puissant et ntrepourtant quun apprenti au sein de la zaouia .

    Des inventions de remdes : parfums, amulettes, objets de divination.

    Un commerce : dobjets lis au culte, danimaux de sacrifice, de servicesetc

    Les djinns , cest tout cela : des tres, des maladies, des thrapies, desobjets (parfums, couleurs), des rseaux de familiarit et de solidarit, deshirarchies, des contraintes linvention, un commerce et jen oublie sansdoute certainement !

    Nous devons en conclure que djinn , est une "machine" (au sens de Deleuzeet de Guattari) qui pousse une socit dhumains des " noces ", pourreprendre les termes de Deleuze avec une certaine espce dtrangers,dautres, de radicalement diffrents. On peut supposer que la consquencede telles "noces" est une identification de ces trangers, une connaissanceapprofondie de leur nature, de leur habitus, de leurs modes dtres et dagir.

    Mais il faut remarquer que ces trangers constituent des socits dinvisibles sils veulent les identifier, les humains ne peuvent se fier leurs sens. Ilsnont donc que deux modes de connaissance : la lecture des textes anciensdont on peut penser quils ont t crits la suite de rencontres avec de tels"tres" et, ce qui nous intresse en premier lieu ici : les maladies actuellesdes humains.

    Catgories de djinns

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  • Les deux sries de sens du mot djinn que lon avait repres plus haut celle, arabe, sorganisant autour de linvisible et celle, hbraque etamharique autour de "zar", ltranger ou le visiteur se retrouvent pourconstituer les lignes de force contraignant une socit sortir delle-mme.Do nous devons en conclure que les langues aussi avaient contract des" noces " puisquil est impossible dtre un spcialiste arabe des djinns sansconnatre dune manire ou dune autre le sens amharique du mot, etvice-versa, naturellement ! Autrement dit, lon ne peut penser linvisibilitsans la notion dtranget. Les djinns sont donc des concepts, au sens olentend Deleuze dans Quest ce que la philosophie ?[14] Mais des conceptsvivants ; dous dune autonomie, dune vitalit autonme, des concepts quine se laissent jamais saisir, que lon doit poursuivre linfini.

    Erreurs habituellement commises par les humains dans la comprhension dela nature des djinns :

    Ne retenir que le premier paragraphe de la dfinition : les djinns sontdes tres qui possdent les qualits suivantes : Ainsi, on lestransforme en objets de croyance ; on ne peut alors leur accorderdexistence que dans le psychisme des humains. Comme on laconstat au dcours de cette dmonstration, cette position, raisonnableen apparence, nous dlie de lobligation de considrer la liste decaractres qui suivent. Ainsi, dire "les djinns sont des tres imaginairesauxquels croient les populations dAfrique du Nord et dAfrique delOuest" serait la fois une erreur et une agression puisque cetteproposition priverait ipso facto ces populations de la totalit de lamachine.Les Musulmans disent habituellement que les djinns sont les dieuxdavant lIslam et les cultes qui leur sont encore rendus dessurvivances dun pass rvolu. Un grand nombre de commentateurs,danthropologues, de spcialistes dhistoire des religions leur ontembot le pas [15]. Or, ce qui caractrise les djinns , la diffrencedes divinits, justement, cest leur indertmination a priori . Autant undieu aime tre honor de la manire qui lui convient et quil exige deses fidles, autant nul ne sait par avance lidentit, le nom et lesdemandes spcifiques de tel djinn. Ils sont parfum choix parmi unemultitude de possibles contraignant une fabrication spcifique qui est la fois une cration et une crature. Le djinn de la lampe dAladin estparfum lui qui, une fois sorti de son flacon ne saurait en aucunemanire y revenir. Ils sont couleur non pas jaune ou rouge, mais unecouleur fabrique artisanalement partir dingrdients spcifiques. Ilssont objets non pas une amulete gnrique dont on reproduirait lemodle linfini, mais celle-ci, cre ex nihilo pour loccasion. Ils sontactions et non pas rites si lon accepte lide que le rite est uneinstitution. Les actions que lon dit rituelles sont inventer pour chaquedjinn . Ils sont dmons

    " Les dmons se distinguent des dieux, parce que les dieux ont des attributs,des proprits et des fonctions fixes, des territoires et des codes: ils ontaffaire aux sillons, aux bornes et aux cadastres. Le propre des dmons, c'estde sauter les intevalles, et d'un intervalle l'autre. " [16]

    Crer des concepts, inventer des tres nouveaux tel serait donc le travaildu philosophe. Identifier de nouveaux djinns jamais rencontrs auparavant ;

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  • les nommer, dfinir leurs exigences, organiser des rituels spcifiques tel estdonc le travail du thrapeute du monde des djinns .

    Jai rsum dans un tableau simple les diffrences significatives entre troisordres, la religion, la philosophie et le monde des djinns qui traitent troistypes dtres : les dieux, les concepts et un troisime type, que nouscherchons saisir : les djinns . Si lexistence des dieux implique desconnaissances et celle des concepts, lobligation dapprendre lesconstructions des philosophes nous ayant prcd, celle des djinns contraint linvention.

    L'tre Religion Monde desdjinns Philosophie

    Exigences

    et

    Obligations

    Connaissancesconcernant lidentitdu dieu, son nom etses exigences.

    Obligations respecter.

    Indterminationconcernant lidentit, lenom et les exigencesde ltre.

    Obligations dcouvrir construire.

    Recherche deconnaissancesconcernant lidentit duconcept, ses exigenceset les obligations quilimplique.

    Caractristiquesde ltre

    Invisible

    Pur

    Crateur

    Anim

    Invisible

    Sale

    Crature

    Anim

    Concevable

    Pur

    Cration

    Inanim

    Effets consquencesde sonexistence

    Conversions deshumains,

    phnomnesdappartenance ;

    Constructiondespaces politiqueset sociaux

    Exploration desenvers,

    Lignes de fuite,

    Thrapie deshumains en souffrance

    Multiplication de sontre au sein dun corpustransgnrationnel

    Effets de sens

    Constructiondespaces sociaux

    Observation N3 : Hybride Cur de femme djinndans un corps dhomme [17]

    Il sadresse la consultation du Centre Georges Devereux aprsavoir rencontr bien des dboires chez dautres thrapeutes.

    Il l entend lintrieur de lui parfois il peroit sa voix qui lui intime desordres absurdes : " rpter 9999 fois la fatiha " " se violer lui-mmecomme sil tait une femme " " jeter aux ordures le pain sur lequel il aprononc bismillah [18] ", etc

    Elle dteste son pouse. Elle linjurie, labreuve dinsanits, la frappe mmequelquefois.

    Elle lempche de faire lamour avec sa jeune pouse, le pousse sortir du litlorsquelle sy trouve, quitter lappartement en pleine nuit.

    Dieu seul sait pourquoi, elle se met en colre et le frappe lui aussi, Akim. Soncorps se tord alors et adopte des positions impossibles, son visage grimace,

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  • ses pieds se contractent, ses mains deviennent crochues. Il grogne dedouleur.

    Lorsquelle a envie dun homme, elle lui dclenche une rection et lincite regarder lhomme avec des yeux namours.

    Elle lui souffle des vrits sur les personnes quil croise ; mais il ne peutjamais savoir si cest pour linformer ou pour le tromper. Par exemple : untelest malade il est habit par un djinn . Il na pas laudace daller poser laquestion linconnu.

    Elle lui promet de le laisser tranquille sil se soumet telle ou telle obligation par exemple senduire les cheveux dune gomina malodorante. Il y consent,mais elle est toujours l lui imposer de nouveaux diktats.

    Il se procure des rcitations du Coran en cassette et les coute durant desheures, le casque du walkman viss sur la tte.

    De thrapeutes, il en a consult des dizaines. Des gurisseurs musulmans(fkih, taleb, cheikh ). Cest justement un de ceux l qui a pos le diagnostic :il sagit dun djinn de sexe femelle qui a lu domicile dans son corps. Et leremde ? Des critures coraniques banales ; des versets censs protger ;des purifications accomplir ; des fumigations rpandre danslappartement. Rien de spcifique cet tre-l. Rsultat : nant ! Aucunchangement.

    Une gurisseuse franaise, catholique, vivant dans le midi, a identifi undmon, lui a prescrit des tisanes, des herbes inhaler, des eaux boire.Rsultat : ngatif ! Ltre a recommenc de plus belle ; avec plus de forceencore, peut-tre...

    Il a repris avec les Musulmans. En Egypte, un gurisseur a frapp ladjenneya [19] en crasant les doigts dAkim, surtout le pouce. Il intimaitviolemment des ordres lesprit. Rsultat : nouveaux symptmes, nouvellesdouleurs. Cette djenneya naimait pas la brutalit.

    On peut deviner ce quont pens les psychiatres. Homosexualit inconscientecherchant surgir dans la vie relle malgr toutes les tentatives derefoulement. Ides dlirantes. Sans doute ont-ils pens au PrsidentSchreber[20] et la description de ses pulsions inconscientes analyses parFreud. Ils lui ont prescrit neuroleptiques pour les ides dlirantes et lui ontconseill une psychothrapie, sans doute pour le reste, pour lhomosexualit.Rsultat : il na pu supporter les effets "secondaires" des mdicaments etsen est dbarras au bout de quinze jours. Quant aux psychothrapeutes, ilen a vu une bonne dizaine mais aucun dentre eux ne "croyait" aux djinns.Ils ny croyaient pas ! Cest--dire quils taient comme les autres lesmusulmans, les marocains, les gyptiens, les turcs ; comme la catholique quihabitait dans le midi. Ils ny croyaient pas parce quils ne se sont pas sentisdans lobligation dinventer un concept ; de crer un rite ; de fabriquer desobjets. Ils nont fait quappliquer ce quils savaient par ailleurs, auparavant,de toujours

    Identifier son invisible.1.tablir son nom,2.

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  • ses appartenances,sa gnalogie

    Identifier ses affections :elle avouera durant lune des sances que nous aurons avec luiquelle a perdu un enfant, autrefois, en un autre temps.

    3.

    Identifier ses intentions, ses dsirs et ses besoins.4.Identifier les objets quelle aime, les actes et les rites quelle attend.5.Identifier enfin les bnfices que Akim pourra finalement tirer de ses"noces" avec une telle djenneya .

    6.

    Maintenant que dire de la machine "djinns" ? Il sagit bien dune machine quiassemble deux ordres et incite un devenir. son insu, contre son gr, Akimsengage dans un devenir femme djinn On comprend quil y trouve unintrt pour ainsi dire de chercheur, la fois un surcrot de connaissance etdtre. Attention ! Pas un devenir femme Dailleurs il se rvolte avecviolence contre de possibles ides homosexuelles ou transexuelles. Etnallons pas penser "quil se dfend" contre son homosexualit lon ne feraitalors que lui scier les jambes, et faire disparatre du mme coup tous lesdjinns de son monde. Parce que penser lautre nest pas neutre en gnral,le penser consiste se prparer lui donner des ordres.

    Admettons que nous ayons compris lintrt dAkim rester dans cettedmarche, quelle pourrait tre celui de son thrapeute ? Une seule rponsepossible : la cration. Sinscrire dans ce mme devenir lui donnera cetirremplaable plaisir de donner vie. Car le thrapeute qui parvient accomplir la mission quon lui a confie est dieu, lespace dun seul instant.

    Nous comprenons galement que ce type de machine ne peut tre la crationdun homme sauf disparatre pour inutilit. Ces "machines" sont mises enrelations, crations de lignes, de parcours, dans lesquelles la personne,thoricien, thrapeute ou patient viendra prendre une place, participer lafabrication de la machine tout en tant lun de ses rouages. Peut-trepourrait-on dire que cela fait partie du jeu de prtendre quun homme ainvent telle ou telle machine, mais lon sait que si ctait vrai, cette machinene servirait rien.

    Quelles sont les "machines thrapeutiques" ? Et quelles machines devronsnous nous intresser, nous autres, psychologues ? La rponse est sanshsitation : celles qui permettent lhumain de prendre la fuite versdautres ordres non pas celles qui prtendent le connatre, lidentifier, lecerner celles, prcisment, qui lui permettent de rester dans le flou quant sa nature, mais lexpdient dans des aventures impossibles, dans desidentifications impensables, dans des alliances contre-nature.

    Comment les reconnatre ? Dabord au fait que lon peut en aucune manireidentifier leur crateur. Ensuite, du fait que dans lespace cr par cesmachines, on peut faire de lhumour, pas de lironie [21] ; de la provocation,pas de linjure ; on peut prouver de la joie ; cette joie si loin du "sentimentocanique" de tout comprendre, de tout englober.

    Dautres exemples de machines

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  • Nous devrions maintenant tre mme de comprendre des systmesthrapeutiques plus proches, dapparence moins exotique. Essayonsmaintenant pour la chimiothrapie des psychotropes.

    La chimiothrapie, cest :

    Avant tout des tres, les molcules, dont la liste sallonge tousles jours et pour la cration desquels linventivit, la crativitdes chercheurs est indispensable.

    1.

    Des lieux, les laboratoires de recherche de lindustriepharmaceutique, o les secrets de fabrication sont gardscomme des secrets militaires.

    2.

    Des mthodes de fabrication, apparues aprs guerre, dont lesuccs sest rpandu tous les secteurs de la socit voir ceque Ph. Pignarre nomme "le laboratoire de double insu" [22].

    3.

    Des objets, les mdicaments, qui produisent des profitsgigantesques et ncessitent un ramnagement de toute lasocit usines, rseaux de distribution, officines de pharmacie,activits des reprsentants, etc.

    4.

    Des professions entirement reconstruites par lexistence decette machine : les neurologues, les psychiatres, lespsychologues, les infirmiers, etc.

    5.

    Plus mme, ce qui constituait jusqualors le noyau de lapsychiatrie, ce quelle avait mis cent ans btir pierre aprspierre, sa nosographie, est en train de voler en clats, dtretotalement restructure par lirruption de ces nouveaux tres.

    6.

    Dans un mme mouvement, elle redfinit le poison, la drogue etdistribue des certificats de licitit aux substances lalcool, autabac, au hachich mais aussi au khat, au th, aux noix de cola,au LSD, etc

    7.

    Et quels sont les ordres que cette machine met en prsence ? Pourreprendre les formulations prcdentes, elle expdie lhumain dans undevenir-chimie, un peu comme le peut-tre mme la suite du chamanisme qui lexpdiait hors de son monde jusqu le faire frler undevenir-plante [23]. Elle lui fournit ce sentiment excitant de vertige quipousse le sujet la chose, son noyau-mme. Dans cette perspective,les usagers des drogues ne seraient pas des toxicomanes mais deschercheurs, lun des rouages de cette machine. Il est prvisible quelleviendra chercher les humains, mme en bonne sant au plus profond :dans leur humeur (prozac ) leur sexualit (viagra ), leur mtabolisme,leur longvit

    Do il nous faut conclure que la machine "psychotropes" est cousinede la machine "djinns" , aussi efficace, probablement, aussiintelligente, sans doute, peut-tre seulement moins complte Quoidtonnant alors que les populations dAfrique du Nord et de lOuestcontinuent accorder toute leur confiance aux djinns , tout encommenant sintresser trs srieusement aux psychotropes.

    Rfrences bibliographiques

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  • .Brunel R., 1926 Essais sur la confrrie religieuse des Assoa auMaroc, Paris, Geuthner ; Paques V., 1967 Le monde des gnawa in:L'autre et l'ailleurs. Hommage Roger Bastide, Paris, Berger-Levrault.

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    Dagognet F., Nathan T., 1999, La mort vue autrement. Paris,Synthelabo Les empcheurs de penser en rond.

    Deleuze G., Guattari F., 1991, Quest ce que la philosophie ? Paris,ed. de Minuit.

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    Paques V., 1991 La religion des esclaves, recherche sur la confrriemarocaine des gnawa, Bergamo, Moretti et Vitali.

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  • Pignarre Ph. , 1999, Puissance des psychotropes, pouvoir despatients. Paris, P.U.F.

    Systmes de pense en Afrique noire Cahier N 8 : Ftiches, objetsenchants, mots raliss.

    Notes[1]. Professeur de Psychologie clinique et pathologique, CentreGeorges Devereux, Universit de Paris 8.

    [2]. Consultation dethnopsychiatrie, Centre Georges Devereux,Il va de soi que les noms de personnes et de lieux ont tmodifis, ainsi que tout dtail permettant une possibleidentification de la famille.[3].Cf aussi J. Guedmi, 1984 - "Rve des doubles ou Fatihal'oublie". Nouvelle revue d'ethnopsychiatrie, 2, 13-34.

    [4].A ce sujet, on peut consulter le Cahier N 8 de Systmes depense en Afrique noire : Ftiches, objets enchants, motsraliss, et le N 16 de la Nouvelle Revue d'Ethnopsychiatrie:Objets, charmes et sorts, et bien sr le fameux texte de Mausssur la magie (1902), notamment dans sa discussion de la notionde Mana.

    [5]. Khfif , en arabe : "lger". Ce mot dsigne aussispcifiquement la technique de divination l'aide du plomb fondu peut-tre par inversion, peut-tre du fait que les figurines deplomb sont bien plus lgres que l'on pourrait s'attendre. Il fautgalement dire qu'en Tunisie, on nomme la mdecinetraditionnelle ra'ouani, c'est--dire: mdecine l'envers(information fournie par Mondher Jouida, en cours de thse surla mdecine traditionnelle en Tunisie).

    [6].En gnral, une praticienne du khfif fait appel ses gnies(djinn ) pour l'aider manipuler les substances.

    [7]. L'influence qui gurit, Paris, Odile Jacob, 1994. CF aussi lercit du cas d'une famille kabyle traite de la mme maniredans La folie des autres, Paris, Dunod, 1986.

    [8]. E.E. Evans Pritchard, Sorcellerie, oracle et magie chez lesAzand. Trad. Fr. : Paris, Gallimard, 1972 (uvre originale :1937). Cf galement, lanalyse du terme "manger" dans NathanT., Lewertowski C., 1998, Soigner le virus et le ftiche. Paris,Odile Jacob, 1998.

    [9]. A ce sujet, voir Franois Dagognet, Tobie Nathan, 1999, Lamort vue autrement. Paris, Synthelabo Les empcheurs depenser en rond.

    [10]. Voir la dfinition que je propose de l'ethnopsychiatrie dansT. Nathan, 19998, G. Devereux et lethnopsychiatrie clinique.

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  • Nouvelle revue dethnopsychiatrie, 35-36, 7-18.

    [11]. Consultation dethnopsychiatrie, Centre Georges Devereux,Il va de soi que les noms de personnes et de lieux ont tmodifis, ainsi que tout dtail permettant une possibleidentification de la famille.[12]. Un cas clinique dtaill dans T. Nathan, M.R. Moro,"Enfants de djinn. Evaluation ethnopsychanalytique desinteractions prcoces." in Lebovici S., Mazet Ph., Visier J.P. (Ed.): L'valuation des interactions prcoces entre le bb et sespartenaires . Genve, ESHEL, 1989, 307-339.

    [13]. Cf par exemple : Brunel R., 1926 Essais sur la confrriereligieuse des Assoa au Maroc, Paris, Geuthner ; Paques V.,1967 Le monde des gnawa in: L'autre et l'ailleurs. Hommage Roger Bastide, Paris, Berger-Levrault ; Crapanzano V., TheHamadsha. A Study in Maroccan Ethnopsychiatry, Berkeley,University of California Press, 1973 ; Paques V., 1991 La religiondes esclaves, recherche sur la confrrie marocaine des gnawa,Bergamo, Moretti et Vitali ; Abdelhafid Chlyeh, 1995 La thrapiesyncrtique des Gnaoua marocains. Thse de doctoratd'ethnologie, Universit de Paris VII.

    [14]." Le philosophe est lami du concept, il est en puisance deconcept. Cest dire que la philosophie nest pas un simple art deformer, dinventer ou de fabriquer des concepts, car les conceptsne sont pas ncessairement des formes, des trouvailles ou desproduits. La philosophie, plus rigoureusement, est la disciplinequi consiste crer des concepts crer des concepts toujoursnouveaux, cest lobjet de la philosophie. " Gilles Deleuze, FelixGuattari, 1991, Quest ce que la philosophie ? Paris, ed. deMinuit.

    [15]. Cf par exemple E. Doutt, 1908, Magie et religion dansl'Afrique du Nord. Repris par Maisonneuve et Geuthner, Paris,1984.

    [16]. Gilles Deleuze, Claire Parnet, Dialogues, Paris, Flammarion,1995, p. 51.

    [17].Consultation dethnopsychiatrie, Centre Georges Devereux,Il va de soi que les noms de personnes et de lieux ont tmodifis, ainsi que tout dtail permettant une possibleidentification de la famille.

    [18]. Bismillah, "au nom de dieu", conjuration musulmane trsemploye pour carter les tres dautres mondes incroyants etesprits.[19]. Fminin de djinn.

    [20]. Cf lanalyse de Freud : Remarques psychanalytiques surl'autobiographie d'un cas de paranoa (Le Prsident Schreber). inCinq psychanalyses , Paris, P.U.F., 1970.

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  • [21]." L'humour est juste le contraire : les principes comptentpeu, on prend tout la lettre, on vous attend aux consquences(c'est pourquoi l'humour ne passe pas par les jeux de mots, parles calembours, qui sont du signifiant, qui sont comme unprincipe dans le principe). L'humour, c'est l'art des consquencesou des effets L'humour juif contre l'ironie grecque,I'humour-Job contre l'ironie-dipe, I'humour insulaire contrel'ironie continentale; I'humour stoicien contre l'ironieplatonicienne, I'humour zen contre l'ironie bouddhique; I'humourmasochiste contre l'ironie sadique; I'humour-Proust contrel'ironie-Gide, etc " Gilles Dleuze, Claire Parnet, op.cit., p. 83.

    [22]. Ph. Pignarre, 1999, Puissance des psychotropes, pouvoirdes patients. Paris, P.U.F. La mthode dvaluation de lactiondune molcule, dite en double aveugle ou double insu, estdevenue la rfrence pour dpartager le " vrai mdicament" du"placebo".

    [23]. Claude Lvi-Strauss a fait remarquer quil nexistait pas dechamanisme sans thorie de la mtamorphose de lhumain partir de la plante. Levi-Strauss, 1958, Anthropologie structurale. Paris, Plon.

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