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Ann Dermatol Venereol2006;133:429-32Articles scientifiques
Mémoire original
Traitement par injections d’acide polylactique (Newfill®) des lipoatrophies faciales chez les malades infectés par le VIHI. BODOKH, P. SIMONET
Résumé
Introduction. Les lipodystrophies sont un des effets secondaires des
traitements de l’infection par le virus de l’immunodéficience humaine
(VIH). Elles siègent préférentiellement au visage (fonte des boules de
Bichat) altérant l’image corporelle.
Malades et méthode. Il s’agissait d’une étude rétrospective portant sur
les malades séropositifs pour le VIH ayant une lipoatrophie faciale
et traités entre 1999 et 2004 par injections sous cutanées d’acide
polylactique (Newfill®). Nous avons évalué l’efficacité du traitement,
le nombre d’injections, les modalités thérapeutiques ainsi que les effets
secondaires.
Résultats. Quatre-vingt-trois malades ont été traités entre 1999 et 2004.
Chez chaque malade, trois à 4 séances en moyenne, d’injections en zone
sous-dermique d’une ampoule de Newfill par joue, ont été réalisées. Une
mesure par échographie du derme en regard de l’os malaire a été réalisée
chez 45 malades et a montré une augmentation de l’épaisseur du derme
atteignant 3 à 7 mm d’épaisseur. Après les injections survenait
systématiquement un œdème qui persistait 1 à 2 jours. Cinq malades ont
eu des hématomes aux points d’injection. Deux malades ont eu une
asymétrie persistante pendant 4 mois ayant nécessité une correction.
Quatre malades ont eu des granulomes non inflammatoires, 2 d’entre
eux n’étaient pas visibles mais palpables, l’ensemble de ces nodules a
régressé après 4 mois.
Discussion. L’efficacité du traitement par injection d’acide polylactique
(Newfill®) pour le traitement des lipo-atrophies faciales du VIH est
observée chez la majorité des malades. Ce traitement nécessite un
apprentissage pour améliorer son efficacité et sa sécurité. Il faut noter
des difficultés techniques qui ont entraîné une évolution des pratiques :
usage systématique de masque avec lunettes de protection et de
seringues à verrou du fait d’aiguilles bouchées dans plus de 20 p. 100 des
cas responsables d’éclaboussures ; passage de 3 à 5 ml de la dilution et
usage d’un centrifugeur afin de mieux homogénéiser la solution, et enfin
usage de lidocaïne en remplacement d’eau pour préparation injectable
afin de limiter la douleur ressentie par les malades.
Summary
Background. Lipodystrophy is a side-effect associated with treatment for
human immunodeficiency virus (HIV) and is found chiefly on the face
(disappearance of buccal fat pads) and is detrimental to self-esteem.
Patients and methods. This was a retrospective study in HIV-positive
patients with facial lipoatrophy treated between 1999 and 2004 by means
of subcutaneous injections of polylactic acid (Newfill®). We assessed the
efficacy of treatment, the number of injections given, treatment methods
and adverse effects.
Results. Eighty-three patients were treated between 1999 and 2004.
Each patient received a mean of between 3 and 4 treatment sessions
comprising subdermal injection of 1 ampoule of Newfill ® into each
cheek. Ultrasound assessment of the dermis over the cheekbone was
performed in 45 patients and showed an increase in dermal thickness
of between 3 and 7 mm. Following injection, edema was observed in all
cases and lasted between 1 and 2 days. Five patients presented bruising
at the injection sites. Two patients presented asymmetry lasting
4 months and requiring correction. Four patients had non-inflammatory
granulomas, which were not visible but were palpable in 2 cases;
all nodules regressed after 4 months.
Discussion. Treatment of facial lipoatrophy in HIV patients by injection
of polylactic acid (Newfill®) was shown to be efficacious in the majority
of subjects. Training in the administration of this treatment is needed to
ensure optimal efficacy and safety. A number of technical difficulties led
to changes in treatment methods, i.e. routine adoption of a mask
and protective glasses and use of a Luer-lock syringe due to blockage of
syringes in more than 20% of cases, with splashing; increase in dilution
volume from 3 to 5 ml; use of a centrifuge to ensure greater homogeneity
of the solution; use of lidocaine in place of water for injections in order
to reduce pain for patients.
Service de Dermatologie, Centre Hospitalier de Cannes, 15 avenue des Broussailles, 06400 Cannes.
Tirés à part : I. BODOKH, à l’adresse ci-dessus.
E-mail : [email protected]
Injections of acide polylactique (Newfill®) for the treatment of the faciallipoatrophy in patients infected with VIH.I. BODOKH, P. SIMONETAnn Dermatol Venereol 2006;133:429-32
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I. BODOKH, P. SIMONET Ann Dermatol Venereol2006;133:429-32
es lipodystrophies se caractérisent par des pertes de
substance au visage, aux bras, aux jambes et aux fesses
mais aussi par une accumulation de graisse abdomina-
le de la région dorso-cervicale ainsi que des anomalies méta-
boliques [1]. Les lipoatrophies se caractérisent par une atrophie
des joues : fonte des boules de Bichat, une survisualisation du
réseau veineux des membres inférieurs ainsi qu’une perte de
contour des fesses. À côté de ces critères majeurs s’associent
d’autres critères comme des tempes creusées, des orbites en-
foncées, des arcades zygomatiques proéminentes, une mai-
greur ainsi qu’un évidement des masses graisseuses.
Les lipoatrophies sont multifactorielles avec des facteurs
génétiques et environnementaux, des facteurs liés à la mala-
die (en particulier l’importance de l’affection virale, sa sévé-
rité, la durée de l’atteinte et l’importance de la restauration
immune), enfin et surtout les effets secondaires des traite-
ments (inhibiteurs des protéases et inhibiteurs de la réserve
transcriptase, en particulier la stavudine (Zerit®)) sont le plus
souvent incriminés [2].
Sur le plan thérapeutique, peuvent être proposés une exérè-
se chirurgicale des formes hypertrophiques et un traitement
de remplissage des lipoatrophies faciales. En effet, ces patho-
logies modifient et altèrent l’image corporelle [3] car surve-
nant fréquemment sur les zones découvertes. Elles sont très
affichantes entraînant une importante altération de la qualité
de vie.
Nous rapportons notre expérience concernant les traite-
ments des lipoatrophies faciales par injections sous cutanées
d’acide polylactique (Newfill®).
Malades et méthode
Il s’agissait d’une étude rétrospective effectuée au Centre
Hospitalier de Cannes entre 1999 et 2004 chez des malades
séropositifs pour le VIH ayant une lipoatrophie faciale.
Après avoir informé le malade et obtenu son consente-
ment, nous avons effectué une exploration métabolique et
évalué les facteurs de risques cardio-vasculaires. Une écho-
graphie du derme en regard de l’os malaire afin de mesurer
l’épaisseur du derme avant et après le traitement a été effec-
tuée à partir de 2001 chez 45 malades.
L’acide polylactique ou Newfill® est un polymère de synthè-
se résorbable, biodégradable, et immunologiquement inactif.
Il est dégradé en acide lactique par hydrolyse chimique puis
se produit une phagocytose par les macrophages entraînant
alors une formation de granulomes non inflammatoires de
néocollagénose plus ou moins importante responsable de
l’épaississement du derme. Lors de la réalisation de cette étu-
de, l’acide polylactique ou Newfill® n’avait pas obtenu d’AMM
dans cette indication, mais il avait un marquage CE de classe
III. Le Newfill initialement reconstitué dans 3 ml d’eau pour
préparation injectable a rapidement été remplacé par une re-
constitution avec 2,5 ml de lidocaïne (Xylocaïne®) non adré-
nalinée à 2 p. 100 et 2,5 ml de sérum physiologique. Un
agitateur a rapidement été utilisé pour homogénéifier la solu-
tion de même que l’usage de seringues à verrou : Luer-LokTM
de 5 ml et des aiguilles de 26 G pour les injections d’acide po-
lylactique.
Résultats
Quatre-vingt-trois malades infectés par le VIH et traités par
trithérapie, ont reçu entre 1999 et 2004 un traitement par
implants d’acide polylactique. Il s’agissait de 58 hommes et
25 femmes, âgés de 22 à 64 ans, 81 blancs, 1 sujet d’origine
asiatique et 1 afro-américaine. Tous les malades étaient traités
par trithérapie antirétrovirale, sauf 2 qui avaient interrompu
leur traitement, 1 pour fenêtre thérapeutique et l’autre qui re-
fusait de poursuivre son traitement du fait de l’importance de
la lipoatrophie. Tous les malades avaient une fonte des boules
de Bichat, 5 d’entre eux avaient un important évidemment des
masses graisseuses donnant un aspect de faciès cachectique.
Vingt-six malades avaient des tempes creusées avec arcades
zygomatiques proéminentes, 3 d’entre eux avaient une lipo-
hypertrophie cervicale, boule de bison, graisse abdominale.
Quarante-trois malades avaient une perte du contour des fes-
ses et 4 une survisualisation du réseau veineux prédominant
aux membres inférieurs.
Une échographie du derme a été réalisée chez 45 malades
avant traitement et une mesure de l’échographie du derme a
été systématiquement réalisée après la 5e injection afin d’éva-
luer l’épaisseur du derme. Avant traitement, l’épaisseur du
derme variait entre 1 à 2 mm en regard de l’os malaire dans
l’axe de la pupille et atteignait 4 mm en moyenne après la
5e injection. Lorsque l’épaisseur du derme atteignait 7 mm,
aucun traitement supplémentaire n’était proposé.
MODALITÉS THÉRAPEUTIQUES
Lors des premières injections en 1999, l’acide polylactique
était dilué dans 3 ml de sérum physiologique et injecté en
sous-dermique. Cette modalité thérapeutique a entraîné quel-
ques effets secondaires nous conduisant rapidement à une
modification des techniques d’injection en particulier :
– les douleurs aux points d’injection nous ont conduits à
utiliser du sérum physiologique et de la lidocaïne non adréna-
linée à la place de l’eau pour préparation injectable ;
– des aiguilles bouchées entraînant des éclaboussures avec
importants risques de contamination et perte de produit nous
ont conduits à utiliser des seringues à verrou de type Luer-LokTM
de 5 ml et un masque avec visière afin de protéger les yeux des
éclaboussures ;
– nous avons utilisé un agitateur pour homogénéiser la so-
lution, réalisé des injections sous-dermiques en évitant les in-
jections intradermiques, dilué à 5 ml et réalisé un massage
énergique afin de permettre une meilleure répartition des
particules d’acide polylactique et un épaississement du derme
plus harmonieux et plus homogène.
Deux à 8 injections en moyenne, espacées de 1 à 3 mois
étaient effectuées. Une ampoule de Newfill était injectée par
joue en zone sous-dermique. Il s’agissait d’une injection ré-
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Injections d’acide polylactique des lipoatrophies faciales chez les sujets VIH
tro-traçante tous les 0,5 cm de proche en proche. Trois à
4 séances en moyenne étaient réalisées par malade.
Résultats
Tous les malades ont été améliorés et les plus beaux résultats
ont été obtenus lors de traitement de lipoatrophie faciale peu
sévère et lorsque le traitement n’a nécessité que moins de
5 injections. En effet, au delà de 5 injections ou d’une épais-
seur du derme supérieure à l’échographie à 7 mm et malgré
l’usage de seringues Luer-LokTM, l’injection du produit et sa
répartition restaient difficiles à contrôler et il était préférable
de patienter plusieurs mois afin d’éviter de provoquer un
épaississement hétérogène du derme donnant un aspect ines-
thétique au traitement (diffusion du produit incontrôlable).
EFFETS SECONDAIRES
Dans plus de 20 p. 100 des cas, les aiguilles se bouchent par
le produit entraînant des risques d’éclaboussures sauf lors
d’utilisation de seringues à verrou. En ajoutant de la lidocaïne
à la solution, les injections n’ont été que peu douloureuses et
tous les malades ont continué les injections sauf pour 1 mala-
de qui signalait avoir une sensation douloureuse au genou
lors d’injection à un point précis de la joue. Le malade a pré-
féré ne pas continuer le traitement. Un œdème des joues pou-
vait persister de 12 à 48 h, mais a disparu constamment. Des
hématomes aux points d’injection ont été observés chez 5 ma-
lades. Ces hématomes ont régressé en moins d’une semaine.
Ils étaient plus fréquents en cas de lipoatrophie peu sévère.
Deux malades ont eu une asymétrie persistante pendant près
de 4 mois ayant nécessité une correction. Cette asymétrie a ré-
gressé. Quatre malades ont eu des granulomes non inflam-
matoires. Il s’agissait d’un aspect cartonné et ondulé de la
joue, cet aspect n’était visible que chez 2 malades. Les granu-
lomes ont régressé en près de 4 mois et ont nécessité l’inter-
ruption momentanée des injections. Ces 4 malades avaient
une lipoatrophie sévère avec des faciès cachectiques et le
nombre d’injections était pour 2 d’entre eux de 7 séances, 1 de
6 séances et 1 de 8 séances. Il n’a pas été trouvé d’infection ni
de granulome inflammatoire comme cela a été décrit dans la
littérature.
Discussion
Les lipodystrophies du VIH sont fréquemment associées à
des complications cardio-vasculaires imposant la recherche
d’autres facteurs de risques cardio-vasculaires [4]. L’étiologie
du syndrome de lipodystrophie reste obscure et de multiples
hypothèses ont été soulevées [5, 6]. La prise en charge de cette
affection doit être pluri-disciplinaire afin de dépister et traiter
les troubles métaboliques, évaluer et traiter les risques vascu-
laires, réévaluer des traitements antirétroviraux du fait du ris-
que plus élevé de lipoatrophie avec certains antirétroviraux
comme la stavudine.
Notre étude ouverte rétrospective concernant le traite-
ment par injections sous dermiques d’acide polylactique
(Newfill®) montre une bonne amélioration de la lipoatro-
phie des joues qui persiste pendant plus d’un an et qui né-
cessite 3 à 4 séances en moyenne. Ce traitement permet à la
fois de restaurer l’aspect facial et une meilleure adhésion au
traitement [7, 8]. Un de nos malades a repris son traitement
antirétroviral qu’il avait interrompu du fait de la lipoatro-
phie. Cette amélioration se fait par épaississement du derme
par fibrose et granulome histologique. Les échographies
pratiquées ont montré un épaississement du derme sans ap-
parition de graisse. Cet épaississement non physiologique
du derme est la principale caractéristique de ce traitement.
Néanmoins, cet aspect régresse dès la première année pour
disparaître au bout de 18 mois à 3 ans. Récemment, ce mé-
dicament a obtenu son autorisation de mise sur le marché
(AMM) et son remboursement pour les traitements des li-
poatrophies faciales induites par les traitements antirétrovi-
raux lors d’affection par le VIH dans un cadre législatif
restrictif, puisque seuls les dermatologues et les chirurgiens
esthétiques formés à la technique sont habilités à injecter ce
produit, et une ordonnance spécifique est réclamée par le la-
boratoire [9, 10]. Il ne s’agit pas d’ordonnance de médica-
ment d’exception mais d’une ordonnance spécifique sans
qu’un cadre législatif précis concernant cette pratique n’ait
semble-t-il été exigé.
Une parfaite connaissance des modalités d’injection et un
apprentissage sont nécessaires afin d’éviter les écueils qu’ont
rencontré les premiers utilisateurs. Nous préconisons les
modalités suivantes : il convient de diluer l’acide polylactique
dans 2,5 ml de sérum physiologique et 2,5 ml de lidocaïne
non adrénalinée à 2 p. 100, un agitateur permet d’homogé-
néifier le produit et il convient d’utiliser des seringues à ver-
rou. Il convient aussi avant toute injection de purger la
seringue de tout air et des injections doivent être pratiquées
espacées de proche en proche sous dermiques rétro traçantes
tous les 0,5 cm. Après les injections, il est nécessaire d’effec-
tuer un massage énergique puis d’appliquer des poches de
glace qui sont renouvelées dans la journée. En cas d’appari-
tion de granulomes, il est préférable d’interrompre le traite-
ment jusqu’à leur disparition. Enfin, lorsqu’il existe une
lipoatrophie sévère avec un faciès cachectique, il est préféra-
ble d’utiliser d’autres alternatives thérapeutiques car le ris-
que d’aspect dysharmonieux est élevé. Les autres alternatives
thérapeutiques sont les injections de graisse autologues par
la technique dite de Coleman. Néanmoins, dans notre expé-
rience, il n’existe que rarement de graisse chez ces malades
[11]. D’autres techniques ont été rapportées comme des im-
plants de Gortex dont nous n’avons pas l’expérience. Les in-
jections d’acide hyaluronique (subQ®) ont été pratiquées,
néanmoins le caractère biodégradable rapide de l’acide hya-
luronique et la grande quantité de produit injecté rendent ces
injections onéreuses. Une autre alternative thérapeutique se-
rait des implants extractibles de bioalcamide : il s’agit d’un
implant permanent extractable qui semble avoir un intérêt
en particulier pour les lipoatrophies sévères.
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