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REVUE FRANCOPHONE DES LABORATOIRES - JUIN 2008 - N°403 // 17 Diagnostic difficile d’une fièvre récurrente Un homme âgé de 61 ans est admis à l’hôpital pour une fièvre récurrente. Depuis trois mois et demi sont apparues de la fiè- vre et une fatigue généralisée. Une radio- graphie révèle une opacité pulmonaire et de ce fait le diagnostic de pneumonie communautaire acquise est alors posé. Un traitement court, durant 5 jours, par antibiotique de type azithromycine, est prescrit mais les symptômes persistent. L’opacité pulmonaire est toujours visible à la radiographie et un traitement intra- veineux par ceftriaxone et doxycycline est institué. Mais la fièvre est toujours pré- sente, à 38,9 °C. Différentes analyses sont effectuées comme des hémocultures, un examen cytobactériologique des urines, une recherche de paludisme et des tests sérologiques pour le cytomégalovirus, la brucellose, la bartonellose et l’Epstein-Barr virus. L’ensemble du bilan reste négatif ainsi que le myélogramme. Seule la vitesse de sédimentation est élevée, à 94 mm la première heure. Différents diagnostics sont alors suggérés devant cette fièvre d’origine inexpliquée, et en premier lieu une origine infectieuse, d’autant plus qu’un voyage au Bengladesh est mentionné au cours de l’année pré- cédant l’apparition des symptômes. Mais les scanners abdominaux, des sinus et de la prostate sont normaux, ainsi que l’échocardiographie trans-oesophagienne éliminant toute endocardite. Reste l’étio- logie cancéreuse. Des nodules lymphoï- des sont en effet retrouvés sur le scanner thoracique ainsi qu’un infiltrat lymphoïde de type interstitiel au niveau pulmonaire. L’analyse immuno-histochimique des cel- lules présentes dans la lumière capillaire révèle la présence de cellules lymphocy- taires de type B, exprimant les marqueurs CD20 et CD5. Le diagnostic de lymphome intra-vasculaire à larges cellules B est alors posé. Une biopsie du duodénum montre une ulcéra- tion avec un exsudat fibrineux superficiel et une inflammation aiguë sans évidence de lymphome associé. On décide d’insti- tuer un traitement par chimiothérapie, qui permet alors de faire disparaître la fièvre et d’améliorer l’état général du patient. Meyer G., Hales C., N. Engl. J. Med. 357 (2007) 807-816 L’OMS a rendu public son 4 e Rapport sur l’état des résistances aux traitements anti- tuberculeux dans le monde. Il est accom- pagné d’un communiqué de presse publié sur le site de l’OMS le 26 février 2008, mettant en exergue les résultats encore insuffisants des campagnes de lutte contre la tuberculose en général, et contre les formes polyrésistantes en particulier. Ce rapport s’appuie sur des données de ter- rain recueillies sur la période 2002-2006, mais la fragilité des infrastructures et des difficultés politiques locales ne permettent pas d’avoir une carte claire de la situation dans les pays d’Afrique. Pourtant cette région du monde est l’une des toutes pre- mières à subir la flambée de tuberculose multirésistante, notamment à cause de l’épidémie de VIH. Néanmoins, les données recueillies mon- trent une augmentation de l’incidence des formes de tuberculose associées à des bacilles multirésistants, voire ultra- résistants, une catégorie dans laquelle il n’existe quasiment plus de solution thérapeutique. L’enquête a été menée auprès de 90 000 malades dans 82 pays. L’incidence des nouveaux cas de tubercu- lose multirésistante serait d’un demi-mil- lion par an, soit environ 5 % des 9 millions de nouveaux cas rapportés annuellement dans les zones surveillées. Des formes « ultrarésistantes » ont été détectées dans 45 pays, ce qui témoigne de l’ampleur du problème. La prévalence des nouveaux cas à bacilles multirésistants reste égale- ment très élevée dans les anciens pays du bloc soviétique, où elle oscille entre 14 et 22 % du nombre total de nouveaux cas. Les enquêtes menées en Chine confirment que ce pays est très concerné. La riposte doit être forte et immédiate, d’après les responsables de la tuberculose à l’OMS. Ainsi, le Dr Mario Raviglione, directeur du Département « Halte à la tuberculose » de l’OMS, souligne que « les programmes mondiaux doivent non seulement lutter contre la tuberculose à bacilles résistants et sauver des vies, mais immédiatement devenir plus performants en permettant de diagnostiquer rapidement tous les cas de tuberculose et de les traiter jusqu’à la gué- rison, ce qui constitue le meilleur moyen d’éviter l’apparition d’une pharmacorésis- tance ». Une politique qui nécessite un soutien financier de près de 4,8 milliards de dollars (dont près d’un milliard sera consacré à la lutte contre les tuberculoses multirésistantes) : mais l’OMS signale un déficit de financement de 2,5 milliards pour ces programmes… Organisation mondiale de la Santé, Rapport accessible online sur http://www.who.int/media- centre/news/releases/2008/pr05/fr/index.html. Tuberculose multi-résistante : une situation qui empire… Le sud-est de la France est actuellement victime d’une épidémie de salmonellose à Salmonella typhimurium de grande enver- gure. Identifiée à la fin du mois de janvier à partir d’un nombre anormalement élevé de signalements rapportés auprès des Directions départementales des affaires sanitaires et sociales (DDASS) de la région Rhône-Alpes, cette épidémie aurait en fait débuté dès la fin du mois de décem- bre 2007. À la mi-février, elle concerne déjà 53 personnes, principalement des enfants de moins de 15 ans (70 %). Elle touche également, dans un peu moins de 10 % des cas, des sujets âgés de plus de 65 ans. L’enquête qui est actuellement menée a permis d’interroger 47 malades. La plupart d’entre eux (30 cas) rapportent la consommation de rosette trois jours avant l’apparition des symptômes (diar- rhées parfois sanglantes, vomissements, fièvre, douleurs abdominales). L’enquête de traçabilité, conduite par la Direction générale de l’alimentation (DGAL, ministè- re de l’Agriculture) et les Directions dépar- tementales vétérinaires (DSV) des dépar- tements concernés, a permis de remonter jusqu’à l’origine probable de l’épidémie : une rosette vendue à la coupe dans le rayon « produits traditionnels » de deux grandes surfaces de la région. Il semble que la contamination soit survenue chez le producteur. Une information régionale large, par voie de presse et d’affiche, a été diligentée. Institut national de veille sanitaire, 15 février 2008 Nouvelle épidémie de salmonellose : la rosette impliquée

Tuberculose multi-résistante : une situation qui empire…

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REVUE FRANCOPHONE DES LABORATOIRES - JUIN 2008 - N°403 // 17

Diagnostic difficile d’une fièvre récurrenteUn homme âgé de 61 ans est admis à l’hôpital pour une fièvre récurrente. Depuis trois mois et demi sont apparues de la fiè-vre et une fatigue généralisée. Une radio-graphie révèle une opacité pulmonaire et de ce fait le diagnostic de pneumonie communautaire acquise est alors posé. Un traitement court, durant 5 jours, par antibiotique de type azithromycine, est prescrit mais les symptômes persistent. L’opacité pulmonaire est toujours visible à la radiographie et un traitement intra-veineux par ceftriaxone et doxycycline est institué. Mais la fièvre est toujours pré-sente, à 38,9 °C. Différentes analyses sont effectuées comme des hémocultures, un examen cytobactériologique des urines, une recherche de paludisme et des tests sérologiques pour le cytomégalovirus, la brucellose, la bartonellose et l’Epstein-Barr virus. L’ensemble du bilan reste négatif ainsi que le myélogramme. Seule la vitesse de sédimentation est élevée, à 94 mm la première heure.Différents diagnostics sont alors suggérés devant cette fièvre d’origine inexpliquée, et en premier lieu une origine infectieuse, d’autant plus qu’un voyage au Bengladesh est mentionné au cours de l’année pré-cédant l’apparition des symptômes. Mais les scanners abdominaux, des sinus et de la prostate sont normaux, ainsi que l’échocardiographie trans-oesophagienne éliminant toute endocardite. Reste l’étio-logie cancéreuse. Des nodules lymphoï-des sont en effet retrouvés sur le scanner thoracique ainsi qu’un infiltrat lymphoïde de type interstitiel au niveau pulmonaire. L’analyse immuno-histochimique des cel-lules présentes dans la lumière capillaire révèle la présence de cellules lymphocy-taires de type B, exprimant les marqueurs CD20 et CD5.Le diagnostic de lymphome intra-vasculaire à larges cellules B est alors posé. Une biopsie du duodénum montre une ulcéra-tion avec un exsudat fibrineux superficiel et une inflammation aiguë sans évidence de lymphome associé. On décide d’insti-tuer un traitement par chimiothérapie, qui permet alors de faire disparaître la fièvre et d’améliorer l’état général du patient.

Meyer G., Hales C., N. Engl. J. Med. 357 (2007) 807-816

L’OMS a rendu public son 4e Rapport sur l’état des résistances aux traitements anti-tuberculeux dans le monde. Il est accom-pagné d’un communiqué de presse publié sur le site de l’OMS le 26 février 2008, mettant en exergue les résultats encore insuffisants des campagnes de lutte contre la tuberculose en général, et contre les formes polyrésistantes en particulier. Ce rapport s’appuie sur des données de ter-rain recueillies sur la période 2002-2006, mais la fragilité des infrastructures et des difficultés politiques locales ne permettent pas d’avoir une carte claire de la situation dans les pays d’Afrique. Pourtant cette région du monde est l’une des toutes pre-mières à subir la flambée de tuberculose multirésistante, notamment à cause de l’épidémie de VIH.

Néanmoins, les données recueillies mon-trent une augmentation de l’incidence des formes de tuberculose associées à des bacilles multirésistants, voire ultra-résistants, une catégorie dans laquelle il n’existe quasiment plus de solution thérapeutique. L’enquête a été menée auprès de 90 000 malades dans 82 pays. L’incidence des nouveaux cas de tubercu-lose multirésistante serait d’un demi-mil-lion par an, soit environ 5 % des 9 millions de nouveaux cas rapportés annuellement dans les zones surveillées. Des formes « ultrarésistantes » ont été détectées dans

45 pays, ce qui témoigne de l’ampleur du problème. La prévalence des nouveaux cas à bacilles multirésistants reste égale-ment très élevée dans les anciens pays du bloc soviétique, où elle oscille entre 14 et 22 % du nombre total de nouveaux cas. Les enquêtes menées en Chine confirment que ce pays est très concerné. La riposte doit être forte et immédiate, d’après les responsables de la tuberculose à l’OMS. Ainsi, le Dr Mario Raviglione, directeur du Département « Halte à la tuberculose » de l’OMS, souligne que « les programmes mondiaux doivent non seulement lutter contre la tuberculose à bacilles résistants et sauver des vies, mais immédiatement devenir plus performants en permettant de diagnostiquer rapidement tous les cas de tuberculose et de les traiter jusqu’à la gué-rison, ce qui constitue le meilleur moyen d’éviter l’apparition d’une pharmacorésis-tance ». Une politique qui nécessite un soutien financier de près de 4,8 milliards de dollars (dont près d’un milliard sera consacré à la lutte contre les tuberculoses multirésistantes) : mais l’OMS signale un déficit de financement de 2,5 milliards pour ces programmes…

Organisation mondiale de la Santé, Rapport accessible online sur http://www.who.int/media-centre/news/releases/2008/pr05/fr/index.html.

Tuberculose multi-résistante : une situation qui empire…

Le sud-est de la France est actuellement victime d’une épidémie de salmonellose à Salmonella typhimurium de grande enver-gure. Identifiée à la fin du mois de janvier à partir d’un nombre anormalement élevé de signalements rapportés auprès des Directions départementales des affaires sanitaires et sociales (DDASS) de la région Rhône-Alpes, cette épidémie aurait en fait débuté dès la fin du mois de décem-bre 2007. À la mi-février, elle concerne déjà 53 personnes, principalement des enfants de moins de 15 ans (70 %). Elle touche également, dans un peu moins de 10 % des cas, des sujets âgés de plus de 65 ans. L’enquête qui est actuellement menée a permis d’interroger 47 malades.La plupart d’entre eux (30 cas) rapportent la consommation de rosette trois jours

avant l’apparition des symptômes (diar-rhées parfois sanglantes, vomissements, fièvre, douleurs abdominales). L’enquête de traçabilité, conduite par la Direction générale de l’alimentation (DGAL, ministè-re de l’Agriculture) et les Directions dépar-tementales vétérinaires (DSV) des dépar-tements concernés, a permis de remonter jusqu’à l’origine probable de l’épidémie : une rosette vendue à la coupe dans le rayon « produits traditionnels » de deux grandes surfaces de la région. Il semble que la contamination soit survenue chez le producteur. Une information régionale large, par voie de presse et d’affiche, a été diligentée.

Institut national de veille sanitaire, 15 février 2008

Nouvelle épidémie de salmonellose : la rosette impliquée