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CAS CLINIQUE
Tumeur neuroendocrine primitive du sein.Découverte post-traumatique chez un hommePrimitive neuroendocrine cancer of the breast. Post-traumatic discoveryof a man
B. Potier a,*, D. Arnaud a, N. Paillocher b, V. Darsonval a, P. Rousseau a
a Service de chirurgie plastique, reconstructrice et esthetique, CHU d’Angers, 4, rue Larrey, 49933 Angers cedex, FrancebCentre Paul-Papin, 2, rue Moll, 49000 Angers, France
Recu le 9 juillet 2010 ; accepte le 10 septembre 2010
MOTS CLÉSCancer du seinmasculin ;Tumeur neuroendocrineprimitive ;Cancérogenèse ;Post-traumatique ;Microenvironnementtumoral
Résumé Nous rapportons le cas d’une tumeur neuroendocrine (TNE) primitive du sein chez unhomme. Cette situation rare interpelle par son mode de découverte. Nous avons pris en chargeun homme de 74 ans atteint d’une lésion sous-aréolaire gauche initialement considérée commeun hématome organisé consécutive à un violent traumatisme. L’ablation de cette tuméfaction aété pratiquée par abord direct sous anesthésie locale. L’analyse histologique a conclu à une TNEdu sein devant la positivité des marqueurs neuroendocrines, cytokératiniques et hormonaux.Aucune autre lésion neuroendocrine n’a été retrouvée, permettant d’exclure l’origine secon-daire de la tumeur mammaire. Les traitements complémentaires associent mastectomie,curage, hormonothérapie. Le cancer du sein est rare chez l’homme. La TNE est exceptionnellepuisque seulement une dizaine de TNE du sein chez l’homme est rapportée. Ces tumeurstouchent une population spécifique et ont un meilleur pronostic que le carcinome canalaireinfiltrant prépondérant dans les cancers du sein chez l’homme. Dans notre cas, aucun lien decausalité ne peut être prouvé entre le traumatisme et le microenvironnement tumoral néces-saire à la croissance de cellules cancéreuses quiescentes.# 2010 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
KEYWORDSMale breast cancer;Neuroendocrine tumor;Cancerogenesis;Post traumatic;
Summary We report a primitive neuroendocrine breast tumor (NET) in a male. This situation isuncommon by its mode of discovery. We have treated a 74-year-old man with a lesion in the leftareola initially considered as an organized hematoma due to a severe trauma. The ablation wasperformed by direct access under local anesthesia. The analysis of the piece has showed a NET ofthe breast due to the positivity of the neuroendocrine, cytokeratin and hormone markers. Noother NET lesion was found, excluding the secondary origin of the breast tumor. Complementarytherapies associated mastectomy, lymphadenectomy, hormonotherapy. Male breast cancer is
Annales de chirurgie plastique esthétique (2012) 57, 630—633
* Auteur correspondant.Adresse e-mail : [email protected] (B. Potier).
0294-1260/$ — see front matter # 2010 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
doi:10.1016/j.anplas.2010.09.009Tumormicroenvironment
rare. NET are exceptional, only a dozen of male NET is reported. These tumors affect a specificpopulation and have a better prognosis than infiltrating ductal carcinoma. In our case, no causallink can be demonstrated between trauma and tumor microenvironment necessary for thegrowth of quiescent cancer cells.# 2010 Elsevier Masson SAS. All rights reserved.
Tumeur neuroendocrine primitive du sein chez l’homme 631
Figure 1 Présentation clinique initiale
Introduction
Nous rapportons un cas de tumeur neuroendocrine (TNE)primitive du sein chez un homme. Cette situation rareinterpelle par son mode de découverte. Nous avons pris encharge un homme de 74 ans adressé pour une lésion sous-aréolaire gauche initialement considérée comme un héma-tome organisé consécutif à un violent traumatisme. Lesrésultats histologiques concluent à une TNE par positivitédes marqueurs neuroendocrines, cytokératiniques et hormo-naux. Aucune autre lésion neuroendocrine n’est retrouvée,excluant la nature secondaire de la tumeur mammaire.
Cas clinique
Il s’agit d’un homme de 74 ans, travailleur agricole retraité,qui a consulté pour une tuméfaction thoracique sous-aréo-laire médiale gauche. Les antécédents chirurgicaux dupatient étaient deux interventions pour hernies inguinales,une pour une prothèse totale de genou droite et une dernièrepour cure d’hémorroïdes. Souffrant de neuropathie proprio-ceptive des membres inférieurs et d’hypertension artérielle,son traitement associe magnésium et furosémide. Son prin-cipal antécédent était une gammapathie monoclonale d’ori-gine indéterminée. Le suivi par un hématologue était régulieret l’anomalie n’évoluait pas malgré l’aggravation régulièrede la neuropathie.
Notre patient a rapporté une chute six mois auparavantsur le bord de son lavabo entraînant un volumineux héma-tome. Le patient a consulté son médecin traitant qui aconstaté un hématome fibrosé douloureux avec fracturecostale ; le patient a été dirigé vers notre service pourexérèse. La tuméfaction mesurait trois centimètres dediamètre ; elle était dure, non adhérente aux plans profondset d’aspect légèrement ecchymotique. L’examen cliniqueétait sans particularité et les aires ganglionnaires étaientlibres. Il a été proposé de réaliser l’exérèse de la tuméfac-tion sous anesthésie locale. Les examens biologiques préo-pératoires étaient normaux en dehors d’une augmentationde la VS à la première et deuxième heure (respectivement,40 et 72 mm). Aucun examen radiologique n’a été pratiqué(Fig. 1—3).
La voie d’abord a été directe en regard de la lésion à lalame froide. On a exposé une lésion oblongue de4 � 2,5 � 2,5 cm hypervascularisée, non pulsatile, bienlimitée, enchâssée dans le tissu graisseux périaréolaire.L’ensemble des pédicules vasculaires a été coagulé et lapièce a été adressée pour étude histologique après avoir étéfendue en deux (un morceau frais, l’autre formolé). L’aspectintérieur était très dense, fibreux, ligneux et ne correspon-dait pas, de toute évidence, à un hématome réorganisé.L’anatomopathologie a rapporté une exérèse sans marged’une prolifération tumorale dans un stroma fibro-hyalin,
avec plages hémorragiques. L’étude immuno-histochimiquea montré un marquage intense des cellules tumorales auxanticorps anti-AE1-AE3, EMA et synaptophysine. Le mar-quage des cytoplasmes était positif aux anticorps antichro-mogranine A et B. La totalité des cellules était marquéeintensément par l’anticorps antirécepteur aux estrogènes etaux progestérones, alors que l’anti-HER2 était négatif.L’étude histologique et immuno-histochimique a conclu àune TNE bien différenciée.
Après réunion de concertation pluridisciplinaire, lepatient a subit une mammectomie totale et curage axillairehomolatéral concomitant. Une topographie par émission depositons au 18FDG couplée à une tomodensitométrie n’a pasmontré d’autre foyer, en particulier ganglionnaire, digestifou pulmonaire affirmant la nature primitive de la lésion.
Discussion
L’incidence du cancer du sein chez l’homme est inférieure à1/100 000 et représente moins de 2 % de l’ensemble descancers masculins. Le pic de fréquence est 71 ans. Lesfacteurs de risque sont la mutation du gène breast cancer(BRCA1), l’hypogonadisme, l’alcool, l’obésité et les fortestempératures. Le diagnostic est tardif, une dizaine de moisaprès le début des symptômes, ce qui explique une atteinteplus fréquente du creux axillaire. Le type anatomopatholo-gique le plus fréquent est le carcinome canalaire infiltrant(90 %). Ces tumeurs sont fortement réceptives aux hormoneset négatives pour HER2. Le pronostic vital à cinq ans est de50 % [1].
La plus grande série publiée de sujets masculins compiledix cas sur une période de 29 ans auxquels on peut ajouter lescas de Jundt et Papotti [2—4]. La TNE primitive du sein est
Figure 2 Aspect per opératoire macroscopique
Tableau 1 Revue des cas de la littérature.
Auteurs Année Nb Âge Remarques
632 B. Potier et al.
définie par une différenciation neuroendocrine supérieure à50 % du volume tumoral. C’est-à-dire qu’une tumeurinférieure à 50 % est considérée comme primitive du seinmais non TNE et qu’une tumeur 100 % NE est probablementsecondaire, d’origine extramammaire. Cette différenciationNE peut concerner jusqu’à 20 % des tumeurs mammaires maisseulement 2 à 8 % ont plus de 50 % de leur volume NE [3,5,6].
Figure 3 Ouverture de la lésion
Les TNE regroupent beaucoup de variantes et de synonymes :cancer argyrophile, muqueux, mixte, trabéculaire, carci-noïde atypique, CLI-like, à petites cellules, de Merkel [2].La classification de l’OMS en 2003 en retient quatre : carci-nome neuroendocrine de type solide, carcinoïde atypique,carcinome à petites cellules, carcinome neuroendocrine àgrandes cellules.
Les marqueurs de différenciation NE sont la Neuron Spe-cific Enolase positive dans 100 % des cas, la synaptophysinepositive dans 91 % des cas, la chromogranine A ou B positivesdans 41 % des cas. Les récepteurs hormonaux aux estrogèneset progestatifs sont positifs dans 90 % des cas, alors queHER2 est systématiquement négatif [7] (Tableau 1).
La première description de TNE mammaire primitive estau profit de Wade et al. en 1983 [8]. Depuis, une cinquan-taine de cas a été rapportée et concernent uniquement lafemme âgée. Le cas rapporté par Mecca et Busam estd’origine cutanée primitive et non mammaire primitive ;c’est-à-dire que la tumeur est 100 % NE, développée à partirde la peau de la plaque aérolomamelonaire, avec envahis-sement de la glande mammaire. La TNE mammaire primitiveest un diagnostic d’exclusion. L’octréoscan et le PET-scanéliminent les sites primitifs : poumons, sphère ORL, digestif,cutané [9].
La thérapeutique habituellement proposée pour les TNEcombine mastectomie, curage axillaire et métastasectomie.L’association d’une antiaromatase agit sur la composantemammaire. La composante NE échappe généralement enquelques mois mais peut être contrôlée par une chimiothéra-pie à base d’anthracyclines [10]. L’agressivité de la tumeurest généralement faible. Quatre-vingt-dix pour cent des
Jundt et al. 1984 1 52Scopsi et al. 1991 10 ? De 1961 à 1990,
soit 29 ansPapotti et al. 1993 1Mecca et Busam 2007 1 70 Origine cutanée
primitive ?
Mecca 2007;1:70. Origine cutanée primitive ?
Tableau 2 Différences épidémiologiques des sous-popula-tions malades.
Femme Homme TNE
Pic âge 52/71 71 79Incidence 100/100 000 < 1/100 000 2 %Histologie (%) 76 (CCI)
14 (CLI)90 (CCI) < 50 (TNE)
R estrogène (%) 77 90 91R progestérone (%) 69 94 91HER2 (%) 53 0 0Creux malade (%) 37 60 5Pronostic vital
à 5 ans (%)83 50 70
TNE : tumeur neuroendocrine ; CLI : carcinome lobulaire infiltrant.
Tumeur neuroendocrine primitive du sein chez l’homme 633
lésions sont classées T1 ou T2. Quatre-vingt-dix pourcent deslésions sont gradées II ou III. Le creux axillaire est sain dans lamajorité des cas. L’envahissement ganglionnaire ne consti-tue pas un facteur de mauvais pronostic [11]. Le pronosticvital à cinq ans est de 70 % (Tableau 2).
Des travaux récents étudient le rôle du microenviron-nement tumoral dans la genèse des cancers. Tout trauma-tisme (chirurgical, accidentel. . .) active des cytokines pro-inflammatoires, déclenche la néoangiogenèse et libère desfacteurs de croissance sans pour autant favoriser la sur-venue d’un cancer. Dans la plupart des cas, le traumatismeest le révélateur fortuit d’une lésion sous-jacente car ilfocalise l’attention du patient et du soignant sur la zoneconcernée.
Conclusion
Les TNE sont exceptionnelles puisque seulement une dizainede TNE du sein chez l’homme sont rapportées. Ces tumeurstouchent une population spécifique et ont un meilleur pro-nostic que le carcinome canalaire infiltrant majoritaire dansle cancer du sein masculin. Nous ne pouvons prouver le liende causalité entre le traumatisme et le microenvironnementtumoral nécessaire à la croissance de cellules cancéreusesquiescentes.
Conflit d’intérêt
Les auteurs précisent que cet article a fait l’objet d’unecommunication orale modérée par le Dr Delay à la journéedes jeunes plasticiens (Paris — mars 2010) et qu’aucun desauteurs n’a publié ce manuscrit dans une autre revue niqu’aucun conflit d’intérêt n’est soulevé par cet article.
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