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Revue internationale de sécurité sociale 183 Revue internationale de sécurité sociale © 2013 AISS Revue internationale de sécurité sociale, vol. 66, 3-4/2013 LE RÔLE DES SOCLES NATIONAUX DE PROTECTION SOCIALE DANS L’EXTENSION DE LA SÉCURITÉ SOCIALE À TOUS Une définition à variables multiples de l’adéquation: défis et opportunités Simon Brimblecombe Association internationale de la sécurité sociale, Genève, Suisse Résumé L’adoption de la recommandation (n o 202) sur les socles de protection sociale, 2012, de l’Organisation internatio- nale du Travail montre l’importance que revêt l’extension de la couverture de la sécurité sociale au niveau mondial. Pour que l’extension de la couverture ait un maximum d’effets positifs, il est nécessaire que les prestations et les services de sécurité sociale soient fournis au plus grand nombre de personnes et couvrent le plus grand nombre de risques, mais aussi que les prestations soient adéquates. Même si cela ne va pas sans dif- ficultés, il est possible de définir et de mesurer le niveau de couverture. En revanche, la définition du concept de «presta- tion adéquate» est souvent moins claire, une seule mesure – le taux de remplacement – étant généralement utilisée pour déterminer l’adéquation relative des prestations monétaires. Compte tenu des multiples objectifs des systèmes de sécurité sociale, l’utilisation d’une mesure plus large de l’adéquation, au-delà du niveau des prestations monétaires, est non seule- ment plus appropriée, mais nécessaire. Dans un monde où le poids des contraintes financières n ’a sans doute jamais été aussi lourd, le présent article examine l’importance de l’adéquation, en montrant pourquoi il est nécessaire de se placer dans une perspective élargie permettant de mesurer les autres aspects de la fourniture de prestations et de services. Il décrit la façon de construire un tel instrument d’analyse à variables multiples et les difficultés que cela pose. En essayant de déterminer si les Adresse pour correspondance: Simon Brimblecombe, Association internationale de la sécurité sociale, route des Morillons 4, CP 1, 1211 Genève 22, Suisse; courriel: [email protected]. Les opinions exprimées dans cet article n’engagent que l’auteur et ne sauraient être attribuées à l’Asso- ciation internationale de la sécurité sociale.

Une définition à variables multiples de l'adéquation: défis et opportunités

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Revue internationale de sécurité sociale

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Revue internationale de sécurité sociale © 2013 AISS Revue internationale de sécurité sociale, vol. 66, 3-4/2013

LE RÔLE DES SOCLES NATIONAUX DE PROTECTION SOCIALE DANS L ’ EXTENSION DE LA SÉCURITÉ

SOCIALE À TOUS

Une défi nition à variables

multiples de l ’ adéquation: défi s

et opportunités

Simon Brimblecombe

Association internationale de la sécurité sociale , Genève , Suisse

Résumé L ’ adoption de la recommandation (n o 202) sur les socles de protection sociale, 2012, de l ’ Organisation internatio-nale du Travail montre l ’ importance que revêt l ’ extension de la couverture de la sécurité sociale au niveau mondial. Pour que l ’ extension de la couverture ait un maximum d ’ effets positifs, il est nécessaire que les prestations et les services de sécurité sociale soient fournis au plus grand nombre de personnes et couvrent le plus grand nombre de risques, mais aussi que les prestations soient adéquates. Même si cela ne va pas sans dif-fi cultés, il est possible de défi nir et de mesurer le niveau de couverture. En revanche, la défi nition du concept de «presta-tion adéquate» est souvent moins claire, une seule mesure – le taux de remplacement – étant généralement utilisée pour déterminer l ’ adéquation relative des prestations monétaires. Compte tenu des multiples objectifs des systèmes de sécurité sociale, l ’ utilisation d ’ une mesure plus large de l ’ adéquation, au-delà du niveau des prestations monétaires, est non seule-ment plus appropriée, mais nécessaire. Dans un monde où le poids des contraintes fi nancières n ’ a sans doute jamais été aussi lourd, le présent article examine l ’ importance de l ’ adéquation, en montrant pourquoi il est nécessaire de se placer dans une perspective élargie permettant de mesurer les autres aspects de la fourniture de prestations et de services. Il décrit la façon de construire un tel instrument d ’ analyse à variables multiples et les diffi cultés que cela pose. En essayant de déterminer si les

Adresse pour correspondance: Simon Brimblecombe, Association internationale de la sécurité sociale, route des Morillons 4, CP 1, 1211 Genève 22, Suisse; courriel: [email protected] . Les opinions exprimées dans cet article n ’ engagent que l ’ auteur et ne sauraient être attribuées à l ’ Asso-ciation internationale de la sécurité sociale.

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autres objectifs de la fourniture de prestations sont atteints – notamment la qualité de service, les objectifs en matière d ’ em-ploi, la sécurité des prestations et l ’ interaction avec les parties prenantes –, cet article se propose de contribuer à élargir le débat sur la question de l ’ adéquation.

Mots clés adéquation , prestation , prestations en nature , gestion des prestations , recommandation , AISS , OIT , international

Introduction

Il semble que le moment soit venu de se pencher à nouveau sur la délicate question de l ’ adéquation en matière de fourniture de prestations et de services de sécurité sociale, qui constitue un aspect important du débat actuel sur l ’ extension de la couverture de la sécurité sociale. Lorsqu ’ on essaie de déterminer si les systèmes de sécurité sociale remplissent leurs objectifs en tant que protection effi cace contre les aléas de la vie, on doit en effet tenir compte d ’ éléments cruciaux comme le niveau, la forme et le mode de fourniture des prestations et des services. Or, pour que les systèmes de sécurité sociale puissent atteindre leurs objectifs, il est fondamental que les prestations et les services fournis soient «adéquats» 1 .

Selon les principes de la convention (n o 102) concernant la sécurité sociale (norme minimum), 1952, de l ’ Organisation internationale du Travail (OIT), la sécurité sociale offre un moyen de faire face de façon appropriée à un certain nombre d ’ aléas de la vie – à travers le versement de prestations périodiques pendant la durée de couverture du risque. Pour les prestations monétaires, la convention n o 102 prévoit, entre autres critères d ’ admissibilité, des conditions minimales concernant les prestations et certains seuils de revenus 2 . La convention n o 102 et d ’ autres normes de l ’ OIT en matière de sécurité sociale stipulent toutefois que la fourniture de prestations et de services en nature – comme les soins de santé – constitue aussi un moyen d ’ atteindre les objectifs de la sécurité sociale. De fait, l ’ adoption par la Conférence internationale du Travail (CIT) de la recommandation (n o 202) sur les socles de protection sociale, 2012, de l ’ OIT a mis en lumière la

1. Quels que soient les moyens choisis et les objectifs visés par les décideurs politiques nationaux, les systèmes de sécurité sociale fournissent typiquement des prestations et des services destinés à atténuer les effets des aléas de la vie. Il convient cependant de préciser que les interventions de la sécurité sociale ne constituent pas seulement des réponses ex post face à des événements à risque; elles sont également importantes de par leur rôle proactif et préventif ex ante ( Rys, 1974 ; Kalimo, 1995 ; McKinnon, 2007 ). 2. Le montant des prestations, calculé en pourcentage du salaire total d ’ un bénéfi ciaire-type pour les éventualités couvertes, est indiqué dans le tableau annexé à la Partie XI (Paiements périodiques aux bénéfi ciaires-types) de la convention n o 102. Voir < http://www.ilo.org/dyn/normlex/fr/f?p = 1000:12100:0::NO::P12100_INSTRUMENT_ID:312247 > .

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nécessité d ’ accorder une attention accrue à une plus grande diversité de méthodes et d ’ approches, afi n d ’ avancer progressivement vers la réalisation de l ’ objectif stra-tégique de la «sécurité sociale pour tous».

L ’ Association internationale de la sécurité sociale (AISS), qui a pour mission de promouvoir l ’ excellence dans l ’ administration de la sécurité sociale, déploie des activités, complémentaires de celles de l ’ OIT, qui soulignent l ’ importance du ren-forcement de la couverture «verticale» et de la fourniture de niveaux de prestations et de services plus élevés. En 1996, par exemple, l ’ AISS lança un projet intitulé l ’ «Initiative de Stockholm», qui permit de réévaluer les objectifs de la fourniture de prestations de retraite et de constater que la question de la fourniture de prestations adéquates (souligné par l ’ auteur) était souvent négligée. Ces travaux ont débouché sur l ’ «Initiative 2000» de l ’ AISS, qui a abordé la question des attentes des popula-tions en matière de prestations et de services de sécurité sociale en examinant si «les promesses étaient tenues» à cet égard.

Ces initiatives, qui tiennent compte des objectifs globaux de la sécurité sociale, au-delà de sa fonction de mécanisme de remplacement des revenus, esquissent la meilleure approche permettant de vérifi er si ces objectifs multiples sont remplis.

L ’ enjeu de la couverture de la sécurité sociale, parfois perçu à tort comme un simple problème binaire – c ’ est-à-dire déterminer si les individus sont couverts ou pas –, recouvre en fait trois éléments distincts 3 . Chacun de ces éléments refl ète un choix différent en matière d ’ utilisation des ressources fi nancières – autrement dit, sur la question de savoir en faveur de quels objectifs toute ressource supplémentaire peut et doit être allouée:

• augmenter, au sein de la population, le taux d ’ affi liation et le nombre d ’ assurés aux régimes existants (en augmentant le nombre de personnes couvertes par un régime d ’ assurance-vieillesse, par exemple);

• créer de nouveaux régimes pour étendre la protection en cas d ’ éventualités non couvertes jusque-là (en créant un régime d ’ assurance-chômage, par exemple);

• améliorer les niveaux et la qualité des prestations et des services fournis par les régimes existants (couverture verticale).

Il est évident que, dans les économies les plus développées, essentiellement les pays membres de l ’ Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), les enjeux de la couverture diffèrent sensiblement de ceux observés dans les pays à revenu moyen et les pays émergents, ce qui se traduit par l ’ adoption d ’ attitudes et de principes différents vis-à-vis de cet arbitrage. Tandis que la majo-rité des pays du premier groupe offrent une couverture complète de prestations pour tous les risques énoncés dans la convention n o 102, les pays du deuxième groupe fournissent une couverture beaucoup moins complète (ils peuvent, par

3. Cette approche tridimensionnelle de la couverture est une défi nition utilisée de longue date par le BIT; voir Cichon et al . ( 2004 , pp. 452-453) et BIT ( 2010 , pp. 22-25).

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exemple, ne pas fournir de prestations de chômage ou d ’ invalidité, d ’ allocations familiales ou d ’ assurance-maladie) 4 . Les différences entre ces groupes de pays, en ce qui concerne l ’ éventail de risques couverts par leur système de sécurité sociale respectif, ont fait l ’ objet de nombreux rapports et analyses ( SSA et AISS, différentes années ). Il semble, en revanche, que l ’ évaluation de l ’ adéquation de la fourniture de prestations et services de sécurité sociale, principal sujet de cet article, ait suscité moins d ’ intérêt, et ce malgré l ’ accumulation de faits ( Mesa-Lago, 2009 ) démontrant que la fourniture de prestations adéquates a un impact positif sur les individus comme sur la société tout entière. Il est vrai que de nombreux pays ont eu tendance à fournir un niveau «minimal» de prestations, ce qui peut s ’ expliquer par différents facteurs tels que: a) le resserrement croissant des budgets publics; b) l ’ arbitrage effectué entre une augmentation du nombre de personnes couvertes et le relève-ment du niveau des prestations; et c) l ’ idée selon laquelle la réduction des niveaux de prestations permet de renforcer la viabilité des régimes.

Cet article aborde donc deux questions fondamentales pour les décideurs poli-tiques et les administrateurs de la sécurité sociale: comment peut-on caractériser une prestation ou un service adéquat et quel référentiel peut-on utiliser pour défi nir et mesurer l ’ adéquation des prestations et des services? Les réponses à ces questions devraient permettre de mieux évaluer la façon dont les régimes de sécurité sociale remplissent leurs objectifs et de défi nir les domaines dans lesquels l ’ utilisation des ressources fi nancières et humaines est la plus appropriée. Le but recherché, à travers l ’ élaboration d ’ une défi nition plus globale de l ’ adéquation et l ’ établissement d ’ ob-jectifs reposant sur une telle défi nition, est de favoriser une fourniture plus perfor-mante et effi cace des prestations et services de sécurité sociale et de mieux prévenir les risques liés à l ’ insécurité sociale.

On a souvent établi une distinction entre l ’ adéquation des prestations (y compris de prestations en nature comme les services de soins de santé) et l ’ adéquation des services chargés de la fourniture de ces prestations. Le présent article s ’ attache précisément à associer ces deux concepts. L ’ argument développé ici est qu ’ un niveau de prestations adéquat qui n ’ est pas assorti d ’ un mode de prestation ou d ’ un service adéquat (des conditions d ’ accès adaptées ou la fourniture d ’ informations utiles, par exemple) ne peut être considéré comme véritablement adéquat.

Dès lors, cet article examine les éléments qu ’ il convient de prendre en compte dans le cadre d ’ une analyse à variables multiples de l ’ adéquation, ainsi que les méthodes utilisées pour les défi nir et les mesurer. Lorsqu ’ on admet que l ’ adéqua-tion va au-delà d ’ une dimension strictement fi nancière, on peut analyser de façon plus objective et exhaustive les éléments qui devraient caractériser des prestations et des services adéquats – et les avantages en découlant pour les individus, les familles et la société dans son ensemble. De la même façon, en examinant les

4. Voir BIT ( 2010 ) et SSA et AISS ( différentes années ).

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prestations au-delà de leur simple valeur monétaire, tout aussi importante soit-elle, les décideurs politiques et les administrations peuvent, eux aussi, chercher à amé-liorer concrètement l ’ adéquation en ciblant systématiquement chaque élément de la fourniture des prestations et des services. Dans cet article, nous nous intéressons spécifi quement à l ’ adéquation des prestations de vieillesse, mais les principes sous-jacents à cette mesure à variables multiples de l ’ adéquation s ’ appliquent aussi aux autres branches de la sécurité sociale.

Le reste de l ’ article est structuré comme suit: dans la partie suivante, nous mon-trons en quoi l ’ adéquation est importante et pourquoi la fourniture de prestations de sécurité sociale adéquates présente des avantages sur le plan social. A cet effet, nous verrons comment le concept d ’ adéquation s ’ appuie sur la recommandation n o 202, récemment adoptée, et s ’ articule avec ses principes, en particulier la dimen-sion verticale de l ’ extension de la couverture. Nous abordons ensuite l ’ épineuse question de la défi nition et de la mesure de l ’ adéquation en examinant différents éléments y afférents et la façon dont chacun d ’ eux peut être défi ni, mesuré et analysé, ainsi que les conséquences d ’ une telle mesure pour les administrations de sécurité sociale. Nous analysons enfi n les contraintes liées à l ’ amélioration de l ’ adé-quation – pas forcément fi nancière –, avant de nous pencher sur la question des inégalités en matière d ’ adéquation.

L ’ importance de l ’ adéquation

Ces dernières années, de nombreux pays ont ajusté, ou envisagé d ’ ajuster, les para-mètres de leur système de retraite, en adoptant diverses mesures comme la modi-fi cation des règles d ’ indexation des pensions, en allongeant la durée de cotisation requise pour l ’ ouverture des droits et en réduisant la base salariale prise en compte pour le calcul des prestations. La plupart des pays ont justifi é ces réformes en invo-quant la nécessité de faire face à la dégradation des taux de remplacement engen-drée par le vieillissement des populations. L ’ argument généralement avancé dans ce contexte était que renforcer la viabilité du système était plus important que maintenir ou améliorer l ’ adéquation des prestations. De fait, les contraintes bud-gétaires ont parfois été utilisées pour justifi er une réduction du niveau des presta-tions fournies.

Compte tenu des multiples objectifs des systèmes de retraite 5 , envisager un simple arbitrage binaire entre adéquation et viabilité est de toute évidence inappro-prié. De plus, une telle approche laisse de côté la question de savoir si un système de pensions qui fournit des prestations inadéquates est politiquement et sociale-ment viable à long terme.

5. Pour une présentation détaillée et exhaustive des objectifs des systèmes de retraite, voir Barr et Diamond ( 2009 ).

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Evaluer la viabilité uniquement d ’ un point de vue fi nancier ne tient pas compte du fait que la fourniture de prestations et de services de sécurité sociale comporte aussi une dimension politique et un lien avec le soutien du public. De ce fait, une diminution du niveau de prestations peut effectivement améliorer la viabilité fi nan-cière d ’ un régime au sens strict, mais elle nuira à sa crédibilité et à son image, avec les effets négatifs que cela peut entraîner sur le recouvrement des cotisations, par exemple, ce qui affectera la viabilité du régime au sens large. Inversement, fournir des prestations adéquates permet de renforcer d ’ une manière générale la viabilité d ’ un régime.

Améliorer l ’ adéquation ne signifi e pas simplement augmenter les prestations et, réciproquement, renforcer la viabilité d ’ un système n ’ implique pas nécessairement une baisse du montant des prestations. Une telle approche refl ète la tendance consis-tant à moins se focaliser sur l ’ aspect «coût» des prestations et à davantage les consi-dérer comme un «investissement» (notamment pour soutenir l ’ activité économique, renforcer la cohésion familiale ou réduire les inégalités et les confl its sociaux) 6 .

C ’ est pourquoi l ’ AISS n ’ a eu de cesse, ces dix dernières années, de promouvoir des mesures visant à renforcer l ’ adéquation. Cela n ’ a pas toujours été chose facile; on observe en effet depuis quelque temps un certain nombre de développements qui pourraient impacter négativement la fourniture de prestations de sécurité sociale adéquates – d ’ une part, une hausse des demandes de prise en charge pour certains types de prestations (allocations de chômage et prestations d ’ invalidité, par exemple) et par conséquent un accroissement des dépenses pour les régimes cor-respondants et, d ’ autre part, une baisse des recettes issues des cotisations et des placements et un alourdissement des contraintes budgétaires, qui font pression sur les niveaux de prestations –, mais aussi une baisse des revenus et des prestations liée à d ’ autres causes, notamment:

• une contraction des revenus du travail, conséquence de la stagnation des salaires réels dans certaines régions – les salaires réels moyens ont progressé au niveau mondial de 1,2 pour cent en 2011, contre 2,1 pour cent en 2010 et 3 pour cent en 2007 ( BIT, 2013 ) – et de l ’ aggravation du chômage 7 . Cela a un impact évident sur la situation fi nancière des individus, mais aussi sur l ’ assiette salariale utilisée pour le calcul des cotisations sociales;

• une réduction des pensions servies par le deuxième et le troisième pilier, conséquence de la baisse du niveau des cotisations patronales et salariales, de la

6. Cela rejoint l ’ approche observée dans de nombreuses organisations au sujet des «coûts salariaux», désormais considérés de plus en plus souvent comme un investissement dans la principale source d ’ avantages comparatifs de l ’ organisation. 7. Selon les estimations du BIT, il faudrait que l ’ économie mondiale crée 50 millions d ’ emplois pour revenir aux niveaux d ’ emploi antérieurs à la crise; le BIT prévoit une augmentation du chômage en 2013 et en 2014 ( BIT, 2012 ).

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contraction des gains sur les actifs détenus et de la relative volatilité de leur rende-ment, ainsi qu ’ une nette diminution du rendement des obligations de sociétés et des obligations d ’ Etat, qui a directement impacté les taux auxquels les sommes capitalisées au titre de l ’ épargne retraite sont converties en rentes annuelles 8 ;

• un contexte général marqué par des taux d ’ intérêt faibles et souvent négatifs, ce qui a entraîné une baisse des revenus de l ’ épargne. Une étude couvrant les 34 pays membres de l ’ OCDE montre que, dans 31 d ’ entre eux, les taux d ’ intérêt réels en vigueur en 2012 sont inférieurs à ceux pratiqués dix ans plus tôt, à l ’ exception des pays marqués par un profond manque de confi ance vis-à-vis des émissions d ’ obli-gations sur le marché intérieur 9 ; la réduction des taux d ’ intérêt, conséquence directe de politiques monétaires accommodantes, a par ailleurs eu un impact direct sur les niveaux de revenus des retraités, ce qui montre que les réponses politiques à la crise doivent être évaluées le plus largement possible;

• la volatilité de la performance des placements des fonds de réserve de la sécurité sociale.

Lorsqu ’ on examine les arbitrages à effectuer entre le coût et l ’ utilité de la four-niture de prestations d ’ un niveau jugé adéquat, il est essentiel de prendre en compte les différentes raisons pour lesquelles il est important de fournir des prestations adéquates. L ’ analyse doit donc aller au-delà de l ’ amélioration de la situation maté-rielle des individus. On doit prendre en compte non seulement les avantages pour la personne concernée (avoir accès à un travail à temps partiel, par exemple, si cela a une valeur pour elle), mais aussi les gains en termes d ’ utilité sociale (des presta-tions conçues de façon à soutenir l ’ emploi, par exemple).

L ’ analyse de ces avantages permet d ’ envisager une défi nition plus large de ce qu ’ est une prestation adéquate:

• une prestation adéquate répond aux besoins des bénéfi ciaires et contribue donc à la réalisation des objectifs du système de sécurité sociale. Si les prestations fournies ne sont pas d ’ un montant suffi sant ou ne vont pas à ceux qui en ont besoin, les régimes de sécurité sociale ne remplissent pas totalement leurs objectifs;

• en servant des prestations adéquates et pas seulement minimales, la sécurité sociale contribue à renforcer la confi ance du public à son égard, ce qui infl ue posi-tivement sur le soutien politique dont elle bénéfi cie. Cela favorise le respect des obligations vis-à-vis des régimes contributifs, ainsi que l ’ adoption de mesures visant à promouvoir l ’ emploi formel;

• fournir des prestations adéquates crée un effet incitatif important. Si les pres-tations minimales fournies par les régimes contributifs sont identiques à celles

8. Au Royaume-Uni, le capital qu ’ un homme de 65 ans doit avoir accumulé sur son compte épargne retraite pour obtenir une pension annuelle de 5 000 GBP s ’ est accru de 29 pour cent au cours des trois dernières années; voir < http://www.ons.gov.uk/ons/dcp171766_305977.pdf > . 9. Voir Statistiques de l ’ OCDE < http://stats.oecd.org/index.aspx?queryid = 86# > .

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servies par les programmes fi nancés par l ’ impôt, il y aura une forte incitation pour les individus à éviter de s ’ affi lier aux régimes contributifs. Comme le souligne Mesa-Lago ( 2012 , p. 13): «Pour éviter de dissuader les travailleurs de s ’ affi lier aux régimes de retraite, les prestations moyennes versées en vertu des régimes par répartition, les pensions minimales et les pensions fi nancées par l ’ impôt doivent être raisonna-blement différenciées». Si le montant des prestations contributives est inadéquat, cela peut entraîner une hausse des désaffi liations et une baisse du taux de recou-vrement des cotisations;

• servir des prestations adéquates crée des synergies avec les mesures prises dans les domaines de l ’ emploi et des fi nances publiques, favorise les initiatives visant à réduire l ’ ineffi cacité économique et a des retombées positives en termes de déve-loppement économique;

• la fourniture de prestations adéquates contribue à la réalisation d ’ autres objec-tifs stratégiques, par exemple, dans les domaines de la santé, de l ’ aide aux familles et de la cohésion familiale, de l ’ égalité entre hommes et femmes et de la réduction des confl its sociaux et des inégalités.

La question n ’ est donc pas de savoir s ’ il est souhaitable de servir des prestations adéquates, mais s ’ il est possible de déterminer le gain ou l ’ utilité économique qui en découle, de façon à opérer en toute objectivité le choix politique concernant l ’ allocation des ressources fi nancières. Cela est particulièrement important dans le contexte de l ’ instauration de socles nationaux de protection sociale (extension horizontale de la couverture), qui favorisera à son tour le développement progressif de la dimension verticale de l ’ extension de la couverture, c ’ est-à-dire une hausse du niveau des prestations.

Défi nition et mesure de l ’ adéquation: «ce qui est mesurable est gérable»

En vue de progresser vers l ’ objectif de la fourniture de prestations et de services adéquats, l ’ adéquation des prestations et des services doit pouvoir être non seule-ment défi nie, mais aussi mesurée. Or cela pose un certain nombre de diffi cultés. En effet, au-delà du caractère multidimensionnel de l ’ adéquation, qui oblige à se demander quelle importance accorder à chacun des éléments impliqués dans sa mesure, il se trouve que la plupart de ces éléments sont diffi ciles à quantifi er, ne sont pas étayés par des données ou sont subjectifs. Comment peut-on alors, par exemple, déterminer si la conception et le mode de fourniture de prestations de vieillesse sont compatibles avec les objectifs des politiques de l ’ emploi 10 ?

10. A cet égard, un exemple de bonne pratique, qui pourrait contribuer à orienter ces travaux, est la mise au point des indicateurs de Laeken par le Conseil européen. Voir < http://epp.eurostat.ec.europa.eu/cache/ITY_OFFPUB/KS-NK-03-008/EN/KS-NK-03-008-FR.PDF > .

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Examiner l ’ adéquation d ’ une prestation au-delà du taux de remplacement n ’ est pas une approche nouvelle ( Whiteford, 1995 ; Chybalski, 2012 ). Certes, il est relati-vement facile de calculer un taux de remplacement et, en principe, de le comparer avec celui d ’ autres pays et de le vérifi er. D ’ autre part, le taux de remplacement est de loin le critère d ’ adéquation le plus important pour les bénéfi ciaires, même si ce n ’ est pas le seul. Pourtant, même l ’ utilisation du taux de remplacement pour défi nir et mesurer l ’ adéquation pose un certain nombre de diffi cultés sur le plan de la méthode et des hypothèses d ’ analyse, ce qui non seulement affaiblit l ’ argument de la facilité de calcul, mais aussi et surtout met en doute la comparabilité des résultats entre différentes périodes et différents pays. Par exemple, les hypothèses concernant les hausses de salaire et la durée d ’ activité des travailleurs peuvent varier selon le contexte économique et démographique et la situation de l ’ emploi de chaque pays; or ces différences rendent les comparaisons diffi ciles.

Au-delà des prestations monétaires, d ’ autres éléments sont également valorisés par les bénéfi ciaires comme sur le plan social. L ’ arbitrage ou l ’ analyse conjointe permet théoriquement d ’ évaluer l ’ importance accordée à chacun de ces éléments.

Les allocations de chômage constituent un exemple éloquent d ’ un tel arbitrage, à la fois d ’ un point de vue individuel et en termes sociaux. Les régimes d ’ assurance-chômage visent différents objectifs qui, même s ’ ils sont clairs, sont diffi ciles à atteindre – fournir une aide fi nancière aux chômeurs afi n qu ’ ils aient le temps de retrouver un poste convenable, tout en encourageant leur retour à l ’ emploi. Pour simplifi er, nous supposerons dans cet exemple que les régimes d ’ assurance-chômage ont deux objectifs: fournir un revenu de remplacement qui réponde aux besoins du demandeur d ’ emploi et fi xer les prestations à un niveau qui l ’ encourage à reprendre un travail. Il est évident que les régimes d ’ assurance-chômage ont des objectifs bien plus nombreux et complexes, comme toutes les politiques qu ’ un pays peut mettre en œuvre 11 .

En poussant le raisonnement à l ’ extrême, on peut dire qu ’ un taux de remplace-ment de plus de 100 pour cent n ’ incitera certainement pas un chômeur à reprendre un travail mais, en réduisant progressivement ce taux, on aboutit à un point d ’ équi-libre, avec un niveau de prestation qui à la fois offre une protection à l ’ individu et l ’ encourage à un retour rapide à l ’ emploi. Ce point d ’ équilibre n ’ est cependant pas facile à trouver – il dépend de facteurs externes comme l ’ offre d ’ emploi, les formes d ’ emploi et la structure de l ’ économie, mais aussi de facteurs individuels comme le niveau d ’ instruction et de formation du chômeur, son accès à une aide fi nancière complémentaire et le rôle des structures familiales. Quant au critère d ’ adéquation relatif à la fourniture de prestations monétaires, le montant de la prestation compte

11. Dans la pratique, les mesures complémentaires comme les services de l ’ emploi, les programmes de formation et les primes de mobilité sont généralement mises en place pour soutenir les objectifs des prestations de chômage.

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tout autant que la durée du versement. Naturellement, tous ces facteurs évoluent dans le temps; la façon dont un bénéfi ciaire valorise les différents éléments d ’ une prestation peut changer, ce qui se traduit dans de nombreux pays par une évolution – généralement à la baisse – du montant des prestations monétaires en fonction de la durée du chômage.

Il est donc important de souligner que l ’ adéquation des prestations doit être examinée du point de vue de l ’ individu et de s ’ interroger sur la possibilité de consi-dérer des prestations comme adéquates sur le plan social, y compris en tenant compte de leur mode de fourniture.

La sécurité sociale dans un système multipiliers

Le fait de percevoir une prestation de sécurité sociale comme étant adéquate dépend des autres prestations qu ’ une personne reçoit, ainsi que du contexte économique et social dans lequel elle les reçoit. Par exemple, une prestation de chômage versée pendant une durée maximale de six mois peut être considérée comme adéquate dans un pays où le taux de chômage est de 5 pour cent et où la durée moyenne du chômage est relativement faible, mais elle le sera beaucoup moins dans un pays où le taux de chômage atteint 25 pour cent et où la durée moyenne du chômage est plus longue 12 . Par ailleurs, un régime d ’ assurance-chômage servant des prestations monétaires plus réduites, mais consacrant davantage de ressources à la reconversion professionnelle et au rapprochement des offres et des demandes d ’ emploi, sera jugé plus adéquat qu ’ un système qui verse des prestations plus élevées. De la même façon, une retraite de la sécurité sociale représentant 30 pour cent du dernier salaire pourra sembler adéquate – pour certains – dans un pays où l ’ affi liation au deuxième pilier est obligatoire, où les réseaux de soutien intrafamiliaux jouent un rôle impor-tant et où la proportion de ménages propriétaires de leur logement est élevée, mais ce sera beaucoup moins le cas dans un pays où les retraités peuvent éventuellement percevoir un autre revenu, mais sont susceptibles de devoir payer leurs soins de santé. Ainsi, on admet généralement que les formes d ’ aide «non fi nancières» occu-pent une place importante dans les systèmes multipiliers 13 , même si elles sont souvent informelles, fournies en nature et, de ce fait, diffi ciles à évaluer. Pour mesurer l ’ adéquation des prestations de sécurité sociale, il convient donc de se placer dans le cadre élargi des systèmes multipiliers, ce qui n ’ est pas toujours chose facile (voir encadré 1 ).

12. De fait, la perception de l ’ adéquation est liée à l ’ évolution du taux de chômage en fonction de la situation économique du pays. 13. C ’ est ce que Holzmann et Hinz ( 2005 ) défi nissent comme le «quatrième» pilier (en commençant à compter à partir de zéro) au sein d ’ un système à cinq piliers.

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Une défi nition à variables multiples de l’adéquation: défi s et opportunités

Encadré 1. Assurer une pension de sécurité sociale adéquate ou un système de pensions adéquat?

Pour déterminer si un régime de sécurité sociale sert des prestations de vieillesse adéquates, il est nécessaire d ’ examiner le contexte dans lequel ce régime fonctionne et les caractéristiques de la population qu ’ il couvre. Ainsi, un même niveau de pres-tation monétaire sera jugé plus généreux dans un pays où les réseaux de soutien intrafamiliaux sont traditionnellement solides que dans un pays où les structures familiales offrent moins de soutien ou sont plus éclatées.

Cette analyse s ’ avère particulièrement pertinente lorsqu ’ on tient compte des autres sources de revenus de retraite, provenant des deuxième et troisième piliers. Dans un certain nombre de pays, les retraites complémentaires représentent une part importante du revenu de retraite d ’ une partie de la population. Elles doivent donc être prises en compte lorsqu ’ on évalue l ’ adéquation d ’ un système de pensions. Le problème est que les niveaux des prestations servies par ces régimes à cotisations défi nies sont souvent très hétérogènes et volatils – ils dépendent dans certains cas de la durée d ’ activité, mais de plus en plus souvent du rendement des placements, du montant des cotisations versées et des taux de conversion en rente annuelle. Il peut donc y avoir de grandes disparités entre les montants perçus par différentes personnes, même si elles ont cotisé de la même façon. Tout cela est compliqué par le fait que le volume des cotisations versées aux régimes de pensions privés a stagné ou chuté dans de nombreux pays comme le Royaume-Uni; un peu plus de 20 milliards de GBP ont été versés sur les comptes d ’ épargne retraite individuels des Britanniques au cours de la période 2011-2012, ce qui est inférieur au pic de cotisations de 20,9 milliards de GBP enregistré en 2007-2008 14 . A noter enfi n que ces régimes privés ne couvrent qu ’ une partie des salariés et que la générosité des plans d ’ épargne retraite d ’ entreprise est très variable, ce qui complique toute tentative de modélisation.

Cela suscite plusieurs questions sur la façon de prendre en compte les prestations servies par les régimes obligatoires et celles servies par les régimes volontaires. On tend habituellement à ne tenir compte que des prestations des régimes obligatoires mais, même dans ces régimes, les cotisations salariales peuvent comporter une par-tie volontaire – d ’ où la question de savoir si les projections de taux de remplacement doivent être effectuées en se basant sur le montant moyen cotisé ou sur la cotisation minimale. Les études de l ’ OCDE, par exemple, modélisent les taux de remplacement correspondant à chacune de ces deux hypothèses, mais en les présentant séparé-ment. Les pensions du deuxième pilier obligatoire sont prises en compte dans le

14. Voir < http://www.hmrc.gov.uk/statistics/pension-stats/pensions-intro.pdf > .

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Travaux de l ’ AISS en matière d ’ adéquation

Depuis de nombreuses années, l ’ importance accordée par les organisations membres de l ’ AISS à la question de l ’ adéquation se refl ète dans les activités et les priorités du programme de travail de l ’ Association. Un des exemples les plus récents à cet égard est le projet de l ’ AISS sur l ’ adéquation, géré par le Secrétariat de l ’ Association et piloté par la Commission technique d ’ analyse des politiques et de recherche en sécurité sociale. Ce projet se propose d ’ utiliser un instrument à variables multiples pour mesurer l ’ adéquation des prestations dans les différentes branches de la sécu-rité sociale. Pendant sa première phase, il s ’ est focalisé sur les prestations de vieillesse (retraite). Le but du projet est de mettre au point un instrument qui facilite la prise en compte d ’ une mesure globale de l ’ adéquation et permette aux administrations de sécurité sociale d ’ évaluer le niveau réel d ’ adéquation de leurs prestations par rapport au niveau visé. Elles pourront ainsi apprécier correctement leur capacité à atteindre leurs objectifs, en estimant leur système de sécurité sociale à l ’ aune de cette défi nition à variables multiples de l ’ adéquation.

Qu ’ est-ce qu ’ une prestation de retraite adéquate?

Dans la suite de cet article, nous passons en revue les différents éléments à prendre en compte pour défi nir et mesurer l ’ adéquation des prestations de vieillesse (retraite). Bien que les principes guidant une analyse à variables multiples de l ’ adéquation s ’ appliquent à toutes les branches de la sécurité sociale, la décision d ’ évaluer les prestations de vieillesse (retraite) est motivée, d ’ une part, par le fait que celles-ci ont parfois été mesurées uniquement en fonction des niveaux de prestations (à travers le calcul des taux de remplacement) et, d ’ autre part, par le fait que la quantité d ’ informations disponibles sur les prestations de vieillesse (retraite) tend à être bien supérieure à celle existant pour les autres branches de la sécurité sociale.

Evaluer l ’ adéquation à partir de variables multiples doit permettre d ’ appréhen-der les différents aspects susmentionnés. Les analyses auxquelles nous nous référons ci-après reposent sur les études réalisées jusque-là sur ce sujet, ainsi que sur les

calcul des taux de remplacement correspondant à l ’ hypothèse de base, tandis que les prestations servies par les régimes volontaires privés sont incluses dans les calculs de taux de remplacement présentés dans une annexe séparée ( OCDE, 2011 ). Cela étant, les études portant sur l ’ adéquation tendent de plus en plus à tenir compte du système de pensions dans son ensemble.

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travaux préparatoires relatifs au projet de l ’ AISS sur l ’ adéquation et la mise au point du modèle y afférent.

Indépendamment du modèle choisi, un certain nombre de mesures sont néces-saires pour chaque paramètre, afi n d ’ évaluer le niveau d ’ adéquation en fonction de chaque critère. Par défi nition, il s ’ agit souvent de mesures indirectes, dont le choix est guidé par la disponibilité, l ’ objectivité et la comparabilité des données.

Le niveau des prestations à la retraite . Ce niveau (mesuré à travers le calcul du taux de remplacement et une évaluation des prestations en nature reçues par les retraités) doit nécessairement être intégré à tout modèle. Pour un individu, le montant de la prestation monétaire reçue est perçu comme étant le moyen le plus facile d ’ évaluer l ’ adéquation d ’ une prestation. Le revenu monétaire reçu sera consi-déré comme adéquat par rapport au dernier salaire reçu (exprimé au moyen du taux de remplacement) et en fonction du pouvoir d ’ achat qu ’ il offre (alimentation, soins de santé, logement, loisirs, etc.). Il s ’ agit là d ’ une des principales mesures de l ’ adéquation des prestations, si ce n ’ est la plus importante.

De prime abord, cette variable est sans doute la plus facile à évaluer. Le taux de remplacement peut s ’ utiliser pour mesurer le niveau de la prestation servie en tant que pourcentage du dernier salaire 15 . Les comparaisons internationales et intertem-porelles sont dans ce cas aisées. La mesure n ’ est toutefois pas parfaite. Afi n de pouvoir réaliser une analyse objective, il convient en effet de comparer les taux de remplacement entre différents niveaux de revenus et différentes situations (périodes d ’ activité plus courtes, par exemple). On s ’ accorde généralement sur le fait qu ’ un taux de remplacement acceptable, compris entre 60 et 80 pour cent, doit être étroi-tement lié aux niveaux de revenus 16 . Ainsi, le taux de remplacement attendu par une personne qui perçoit le salaire minimum national sera certainement plus élevé que celui attendu par une personne dont la rémunération représente trois fois le

15. Plusieurs réformes en cours consistent à accroître le nombre d ’ années de salaire prises en compte pour le calcul des prestations de vieillesse (en passant, par exemple, d ’ un calcul basé sur le salaire de la dernière année d ’ activité à un calcul basé sur le salaire moyen des cinq ou dix dernières années). Il est alors plus diffi cile pour les retraités d ’ évaluer le montant des prestations qu ’ ils reçoivent et on aboutit à différentes défi nitions du taux de remplacement (par exemple, un taux de remplacement de 50 pour cent du salaire moyen perçu pendant toute une vie active peut équivaloir à un taux de remplacement de 30 pour cent sur la base du dernier salaire). 16. En règle générale, on considère que le taux de remplacement doit être compris entre 60 et 80 pour cent. (Dans le tableau annexé à la Partie XI de la convention n° 102, le taux est de 40 pour cent, tandis que la convention (n o 128) concernant les prestations d ’ invalidité, de vieillesse et de survivants, 1967, mentionne un taux de 45 pour cent. Ces deux taux se réfèrent à la norme minimale devant être atteinte après trente années de cotisation, du moins pour les personnes dont le salaire est inférieur à la moyenne.) Ces chiffres reposent sur des hypothèses concernant la valeur du salaire moyen et sur le fait que les dépenses sont généralement plus faibles pendant la retraite que pendant la période d ’ activité (pour le transport et le logement, par exemple). En réalité, le taux cible varie en fonction du niveau de revenu, de la situation familiale et d ’ autres formes d ’ aide non pécuniaires (la gratuité des transports et le fi nan-cement des soins de santé par l ’ impôt, par exemple).

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salaire moyen national. Les études sur les taux de remplacement devraient d ’ ailleurs tenir compte de cet élément en effectuant des calculs pour chaque niveau de revenus, comme le fait l ’ OCDE.

Le taux de remplacement permet de mesurer l ’ adéquation de façon indirecte. En principe, on mesure l ’ adéquation des prestations monétaires en fonction de la capacité qu ’ elles offrent à acheter un certain panier de biens et de services. Utiliser le taux de remplacement approprié pour effectuer une telle mesure pose donc des problèmes non seulement en termes de méthode et d ’ hypothèses d ’ analyse, mais aussi sur un plan temporel. On peut distinguer trois aspects de cette mesure, dont chacun représente une caractéristique différente et donc un moyen d ’ évaluer l ’ adé-quation selon des critères différents:

• une mesure rétrospective de l ’ adéquation: l ’ adéquation d ’ un système de retraite peut s ’ évaluer en examinant les taux de pauvreté et les inégalités parmi les retraités, ou à l ’ aide d ’ autres mesures indirectes. Concrètement, cela signifi e que l ’ on peut défi nir les taux de remplacement, en tant que mesures des revenus de retraite des personnes âgées de 65 à 74 ans, en les exprimant en pourcentage des revenus sala-riaux des personnes à la retraite ou proches de la retraite. Cela permet d ’ obtenir une mesure approximative des niveaux d ’ adéquation au cours de la dernière décennie;

• une mesure en temps réel, qui consiste à calculer les taux de remplacement correspondant aux personnes sur le point de partir à la retraite (au-delà de la question de savoir quels retraités il convient d ’ évaluer et comment on défi nit le mode de calcul des taux de remplacement);

• une mesure prospective de l ’ adéquation, basée sur l ’ hypothèse selon laquelle les règles actuellement en vigueur en matière de prestations (y compris les éventuelles modifi cations déjà adoptées) s ’ appliquent aux personnes qui arrivent sur le marché du travail et seront à la retraite dans le futur.

Plusieurs variantes sont naturellement possibles entre ces différentes options de mesure.

Le degré auquel la prestation contribue à la réalisation des objectifs en matière d ’ emploi constitue un élément de plus en plus important dans l ’ évaluation de l ’ adéquation des prestations. Il peut s ’ agir de déterminer si les prestations encou-ragent le travail à temps partiel et incitent les travailleurs à retarder leur départ à la retraite ou si l ’ âge normal de départ à la retraite est cohérent avec la structure de la population et du marché du travail du pays concerné. On peut aussi souhaiter savoir si la structure et le montant des cotisations patronales et salariales sont compatibles avec le coût de l ’ accumulation des prestations, afi n de déterminer si les structures de fi nancement du régime ont entraîné des distorsions dans le coût du travail. Dans certains systèmes de pensions, les caractéristiques du marché du travail peuvent effectivement ne pas avoir été suffi samment prises en compte lors

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du lancement des réformes. D ’ autre part, il convient de tenir compte de l ’ impact des règles propres à chaque système de retraite et des incitations qu ’ elles créent (un départ à la retraite «trop précoce», par exemple). Même si le degré auquel les sys-tèmes de retraite infl uent sur les tendances en matière d ’ emploi est sujet à contro-verse (la façon dont un âge précoce de départ à la retraite infl ue sur l ’ âge auquel les salariés quittent le monde du travail, par exemple), l ’ existence de cet impact est indéniable. Cela étant, il est normal que les systèmes de retraite refl ètent la réalité du marché du travail.

La question des rapports de cause à effet est importante et il est utile d ’ en tenir compte dans le cadre d ’ une mesure exhaustive de l ’ adéquation 17 , mais on peut dire que le lien entre le coût des prestations et le coût du travail, l ’ âge auquel les salariés quittent le marché du travail, ainsi que la façon dont la fourniture de prestations favorise et module les fl ux migratoires, sont autant de facteurs pertinents à prendre en compte.

L ’ adéquation sur le plan administratif . Cet élément traduit le fait que, si les pres-tations peuvent être demandées sans passer par un processus trop bureaucratique (avec un minimum de formulaires à remplir, par exemple) et être fournies de façon effi cace, cela renforce la perception et la réalité d ’ une prestation adéquate. L ’ adé-quation sur le plan administratif peut s ’ évaluer à partir de plusieurs critères, qui visent à montrer de quelle façon certaines mesures favorisent l ’ adéquation. Il peut s ’ agir de critères visant à déterminer si les prestations sont versées de façon régulière et ponctuelle ou s ’ il est possible et facile pour les salariés de cotiser davantage pour obtenir des prestations plus élevées, mais aussi de critères permettant d ’ évaluer la qualité et la pertinence de l ’ information fournie aux salariés, afi n qu ’ ils puissent planifi er leur retraite, ou encore de l ’ accessibilité des organismes chargés du paie-ment des prestations et de la collecte des cotisations, afi n de vérifi er que les cotisa-tions peuvent être payées et les prestations demandées et versées.

Les interactions avec la fourniture d ’ autres prestations. Les bénéfi ciaires ne font pas nécessairement la distinction entre les différentes sources de prestations et sont davantage intéressés par le montant total des prestations qu ’ ils reçoivent. C ’ est pourquoi l ’ évaluation de l ’ adéquation doit intégrer les prestations servies dans le cadre des deuxième et troisième piliers (voir encadré 1 ), mais aussi prendre en compte les autres prestations de la sécurité sociale (invalidité, services de santé, etc.). La mise en place d ’ une forme explicite de compensation entre les différents régimes et prestations s ’ avère complexe et décourage l ’ épargne, mais, dans la pra-tique, une telle «intégration» est implicite. Ce paramètre est sans doute l ’ un des

17. Thompson ( 1998 , chapitre 5) affi rme que l ’ impact de la sécurité sociale sur l ’ offre d ’ emploi n ’ est pas aussi évident.

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plus diffi ciles à mesurer, car on ne dispose pas toujours des éléments permettant d ’ effectuer les mesures indirectes appropriées. A noter enfi n qu ’ au niveau social la prestation doit contribuer à soutenir d ’ autres objectifs (comme renforcer la cohé-sion familiale) et à réduire les inégalités (par exemple, la structure des prestations de retraite, notamment les règles en matière d ’ admissibilité et d ’ acquisition, sou-tient les mesures visant à atténuer l ’ impact social du chômage de longue durée).

La durabilité de l ’ adéquation des prestations . Cette mesure doit permettre de déterminer si les niveaux d ’ adéquation observés peuvent être maintenus à long terme en indiquant si, à partir d ’ une mesure objective, la fourniture d ’ une presta-tion donnée est fi nancièrement viable, compte tenu de sa structure et des méca-nismes de fi nancement en place. Cette mesure de l ’ adéquation ne vise pas à évaluer l ’ effi cacité d ’ un système, mais peut pointer une incohérence entre le coût des pres-tations et les mécanismes de fi nancement.

Lorsqu ’ on évalue la conception, le fi nancement et la fourniture des prestations de vieillesse, on part souvent du postulat que tout repose sur un simple arbitrage entre l ’ adéquation des prestations et la viabilité des régimes de retraite. On consi-dère que renforcer l ’ adéquation des prestations ne peut que nuire à la viabilité du système de pensions. Or une telle approche ne tient pas compte des multiples aspects de l ’ adéquation décrits plus haut (sur le plan politique, administratif et fi nancier et en termes de soutien du public) et, de ce fait, elle fait obstacle à une défi nition plus large du concept de viabilité.

La sécurité de l ’ adéquation . Les systèmes de sécurité sociale fournissent des pres-tations et des services aux individus à des moments de leur vie où ils sont ou deviennent particulièrement réticents à prendre des risques. Cet élément doit être pris en compte dans la conception et la fourniture des prestations. A travers ces facteurs de sécurité et de stabilité, on tient compte du fait que, dès que la prestation commence à être versée, les individus n ’ ont plus la même appétence au risque et surtout leur capacité de gestion du risque diminue. Au cours de sa vie, un individu peut assumer le risque, le réduire ou le transférer, mais, lorsqu ’ il est malade ou à la retraite, sa capacité à réduire ou à transférer le risque diminue de manière signifi -cative et il doit donc assumer une plus grande part de risque. Cet aspect doit être pris en compte par les prestations servies par les systèmes de sécurité sociale. Il est donc important d ’ évaluer le niveau de sécurité et de prévisibilité des prestations et des services fournis.

Cela montre que, s ’ ils ont le choix entre une prestation unique garantie de 100 et une prestation attendue de 110 avec une probabilité de réalisation de 70 pour cent, associée à une prestation de 80 avec une probabilité de réalisation de 30 pour cent, la plupart des personnes choisiront la première option, même si la prestation moyenne attendue est plus élevée (101) avec la seconde option.

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Cet aspect n ’ est pas seulement important pendant la période de versement des prestations. Afi n de planifi er correctement sa retraite (ou d ’ autres événements de sa vie), une personne a tout intérêt à connaître le montant probable des prestations qu ’ elle recevra. Si, par exemple, elle peut savoir, dès l ’ âge de 50 ans, qu ’ elle peut attendre une prestation représentant de 50 à 70 pour cent de son dernier salaire, elle pourra déjà prendre des décisions pour préparer son avenir (se préparer à travailler à temps partiel ou cotiser à un régime d ’ épargne volontaire, par exemple). Les outils de transfert de risque sont d ’ ailleurs plus accessibles quand la personne est encore jeune, autre aspect pris en compte dans la mesure de l ’ adéquation sur le plan administratif.

Jusque-là, on n ’ a pas toujours accordé un grand intérêt à cette question, étant donné la structure des prestations (généralement, des prestations défi nies) et le poids relatif des prestations de sécurité sociale (principale source de prestations dans la plupart des pays). Cependant, compte tenu des réformes des systèmes de pensions axées sur une diversifi cation du fi nancement des prestations de retraite et de la tendance de la sécurité sociale à introduire des régimes fi ctifs à cotisations défi nies et à appliquer des mécanismes d ’ ajustement automatique, cet élément revêt une importance croissante. Dans le même temps, les gouvernements ont aussi modifi é les règles des régimes classiques à prestations défi nies (en indexant les pensions, par exemple), réduisant par là même le degré de certitude à l ’ égard du montant des prestations. Cet élément doit donc être pris en compte dans l ’ évalua-tion de la «sécurité de l ’ adéquation».

Les niveaux de couverture . Etant donné que l ’ adéquation d ’ un régime de retraite doit aussi être évaluée sur le plan social, les niveaux de couverture constituent une mesure essentielle pour déterminer si un régime remplit ses objectifs. Cette dimen-sion doit être examinée non seulement pour les travailleurs du secteur formel, mais aussi pour ceux de l ’ économie informelle et pour d ’ autres catégories spécifi ques (travailleurs indépendants, personnes en période d ’ interruption de carrière, etc.), en tenant compte à la fois de la couverture légale et de la couverture effective. Les conditions d ’ admissibilité peuvent aussi être considérées comme un critère de couverture.

Conséquences d ’ une évaluation à variables multiples de l ’ adéquation pour les administrations de sécurité sociale

Un instrument à variables multiples, utilisé comme référence pour la mesure des objectifs de la sécurité sociale, exige des administrations de sécurité sociale qu ’ elles adoptent une approche différente à l ’ égard de la fourniture des prestations et des services. En d ’ autres termes, elles doivent cesser de considérer que leur unique mission est de servir les prestations prévues par la loi et être capables d ’ adopter une

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approche plus proactive et novatrice pour s ’ assurer que les populations reçoivent les prestations adéquates.

Il s ’ agit là d ’ une double condition: premièrement, obtenir et gérer l ’ information appropriée, afi n de pouvoir évaluer l ’ adéquation à partir de cette mesure à variables multiples, et, deuxièmement, mettre en place les mesures administratives (énoncées principalement sous «L ’ adéquation sur le plan administratif») utilisées comme cri-tères d ’ amélioration de l ’ adéquation, selon cet instrument à variables multiples.

A cet effet, les administrations de sécurité sociale doivent prendre en compte les principaux aspects suivants:

• s ’ assurer que les informations et les données nécessaires à la mesure de l ’ adé-quation soient disponibles, actualisées et exactes (délais d ’ attente, niveaux de cou-verture, variabilité historique du montant des pensions, etc.);

• veiller scrupuleusement à ce que les prestations servies soient celles prévues par la loi; cela signifi e aussi que l ’ enregistrement et le suivi des données doivent être effectués correctement;

• maintenir et améliorer l ’ accès aux prestations (les formalités de demande, par exemple, doivent être simplifi ées au maximum);

• s ’ assurer que les messages communiqués à la population au sujet de l ’ accès aux prestations couvrent les aspects non fi nanciers;

• coordonner leurs actions avec d ’ autres organismes et acteurs institutionnels. Compte tenu des interactions avec d ’ autres prestations et services, il est souvent nécessaire de collecter et d ’ analyser les données provenant de différents ministères ou organismes sociaux;

• se concerter avec d ’ autres parties prenantes, notamment les employeurs, en vue de soutenir les objectifs en matière d ’ emploi;

• mettre en place les instruments appropriés pour garantir une mesure effective de l ’ adéquation des prestations.

Les systèmes de protection sociale deviennent de plus en plus complexes et, dans de nombreux pays, on observe une tendance à mieux cibler les prestations. De ce fait, l ’ effi cacité des administrations de sécurité sociale a un impact croissant sur les prestations effectivement reçues par les individus. Il est donc nécessaire de tenir compte de cet élément dans le cadre d ’ une mesure globale de l ’ adéquation. A cet égard, les nouveaux processus opérationnels mis en place par les administrations de sécurité sociale, pour garantir une meilleure évaluation de l ’ adéquation des prestations, sont tout à fait encourageants ( AISS, 2011; 2012a; 2012b; 2013 ).

Lien entre prestations minimales et prestations adéquates

Une des principales diffi cultés à laquelle se heurte l ’ analyse des interactions entre prestations minimales et prestations adéquates concerne le processus de transition

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effectif, qui facilite l ’ évolution des prestations de niveaux minimaux à des niveaux adéquats à travers les mécanismes contributifs. Cette transition est souvent rendue diffi cile par ce qu ’ on appelle «l ’ effet de seuil en matière de fi scalité» – le taux effectif d ’ imposition est en effet élevé lorsque les individus voient leurs prestations évoluer d ’ un niveau minimal à un niveau adéquat et qu ’ ils atteignent une tranche de revenus soumise au prélèvement de cotisations sociales. Cela engendre une réduc-tion des incitations à évoluer vers une couverture plus complète de la sécurité sociale. Le processus de transition doit donc être progressif et tenir soigneusement compte des incitations qu ’ il comporte pour les bénéfi ciaires réels et potentiels.

Une autre diffi culté concerne les travailleurs indépendants qui souhaitent occuper un emploi salarié. En règle générale, le taux de cotisation à la sécurité sociale auquel ces travailleurs sont soumis est plus faible, puisqu ’ ils n ’ ont pas d ’ em-ployeur; ce taux augmente de façon signifi cative lorsqu ’ ils deviennent salariés (en Russie, par exemple, le taux de cotisation s ’ élève à 12 pour cent des gains pour les travailleurs indépendants et à 30 pour cent pour les salariés), ce qui incite l ’ employé et l ’ employeur à «déguiser» l ’ emploi salarié en travail indépendant. Une solution à ce problème consiste à instaurer un barème progressif des cotisations (en Suisse, par exemple, le taux de cotisation des travailleurs indépendants commence à un taux forfaitaire et augmente progressivement en pourcentage du salaire). Le défi consistant à fournir des prestations adéquates dans le cadre d ’ un régime contributif est donc nécessairement lié à la question du mode de fi nancement de ces presta-tions. Cette remarque s ’ applique aussi aux prestations fi nancées par l ’ impôt.

Quelles sont les principales contraintes en matière de renforcement de l ’ adéquation des

prestations contributives?

La principale contrainte réside dans le fi nancement des mesures permettant de renforcer l ’ adéquation des prestations. Les régimes contributifs de sécurité sociale sont en effet soumis à une double pression. Sur le front des dépenses, ils sont confrontés à la nécessité de réduire le coût des prestations en dépit de la demande croissante, tandis que, sur le front des recettes, ils doivent faire face à la baisse du nombre de salariés. Cette baisse est la conséquence de l ’ augmentation du chômage et du sous-emploi dans de nombreux pays et de la stagnation ou diminution des salaires réels observée ces dix dernières années 18 , qui a eu pour effet de réduire l ’ assiette des cotisations salariales.

18. Aux Etats-Unis, par exemple, des rapports basés sur des études du Bureau du recensement (Census Bureau) indiquent que les revenus réels des ménages du quintile intermédiaire se situent 4,4 pour cent en dessous de leur niveau record enregistré en 2000; voir < http://www.advisorperspectives.com/dshort/updates/Household-Income-Distribution.php > .

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Une défi nition à variables multiples de l’adéquation: défi s et opportunités

Parmi les autres contraintes, il convient de mentionner: • les changements institutionnels et la réorganisation des organismes publics,

ainsi que l ’ essor des systèmes multipiliers, qui compliquent l ’ évaluation de l ’ adéquation;

• le défi que pose le vieillissement démographique au niveau de la viabilité fi nan-cière des systèmes de pension existants;

• la baisse des recettes émanant d ’ autres sources et du rendement des actifs; • la contraction des ressources au sein des administrations de sécurité sociale

(baisse des effectifs, coupes dans les budgets de formation, etc.); • les défi s liés aux nouvelles approches en matière de conception et de fourniture

des prestations. Les régimes fi ctifs à cotisations défi nies, par exemple, posent un certain nombre de diffi cultés comme un manque de transparence et de certitude quant aux niveaux futurs de prestations, la suppression des garanties et la mise en place de mécanismes permettant de convertir en rentes annuelles le capital accu-mulé sur les comptes fi ctifs. Dans un tel contexte, l ’ évaluation de l ’ adéquation devient plus complexe (voir encadré 2 );

• les autres contraintes incluent l ’ absence de dispositifs incitant à verser des coti-sations additionnelles, la persistance d ’ un niveau élevé d ’ activité informelle dans de nombreux pays, la stagnation ou la baisse du niveau des salaires réels, qui engendre des problèmes d ’ accessibilité et infl ue par là même sur les taux d ’ affi lia-tion aux régimes complémentaires volontaires, la perte de confi ance du public à l ’ égard de la sécurité sociale et des systèmes de pensions, qui décourage les individus à payer leurs cotisations, et, enfi n, la baisse du rendement des actifs détenus par les fonds de prévoyance et les fonds de réserve.

Mécanismes d ’ ajustement automatique

Ce que l ’ on perçoit comme un compromis entre la viabilité fi nancière d ’ un régime et la fourniture de prestations adéquates ne concerne pas seulement les régimes fi ctifs à cotisations défi nies, mais s ’ avère déterminant pour tous les systèmes de retraite, que ce soit au niveau de leur conception et de leur mise en œuvre ou sur le plan des conditions d ’ octroi des prestations. Cela s ’ est récemment traduit, entre autres conséquences, par l ’ application de mécanismes d ’ ajustement automatique. A travers ces dispositifs, qui permettent d ’ ajuster les niveaux de prestation, les taux de cotisation, les conditions d ’ octroi ou d ’ autres critères, on a essayé d ’ établir une corrélation entre le niveau des prestations et la viabilité du régime, en réduisant le montant des prestations lorsque la situation fi nancière d ’ un régime se dégrade. Or ces mesures ont souvent pour effet de réduire les prestations lorsque les individus en ont le plus besoin, et de les augmenter lorsque la situation économique s ’ amé-liore; c ’ est pourquoi elles sont fréquemment supplantées par des décisions

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Encadré 2. L ’ essor des régimes fi ctifs à cotisations défi nies et leur impact en termes d ’ adéquation

Un certain nombre de pays ont introduit un régime fi ctif à cotisations défi nies dans le cadre de la réforme de leur système de pensions multipiliers. Une des raisons invoquées pour l ’ adoption de cette mesure a souvent été qu ’ une corrélation étroite entre les cotisations payées et les prestations reçues favorisera une hausse du taux de paiement des cotisations et encouragera donc les individus à appuyer plus effi cace-ment la fourniture de prestations adéquates, puisqu ’ ils seront incités à verser des co-tisations volontaires additionnelles. Cela étant, le fait que ces régimes ne soient pas capitalisés et ne reposent sur aucun actif peut entraîner, comme cela est parfois ar-rivé, une diminution des attentes relatives aux prestations, en raison des fréquentes modifi cations des règles d ’ indexation et de conversion au moment de la retraite. Tandis que les régimes capitalisés à cotisations défi nies sont exposés à la baisse de la valeur des actifs et des revenus de placement, à la modifi cation des règles fi scales et à la diminution des taux de conversion à la retraite, les régimes fi ctifs à cotisations dé-fi nies sont certainement davantage exposés à l ’ ingérence politique et aux pressions liées au fi nancement public à court terme. Même si ces pressions s ’ exercent aussi sur les régimes à prestations défi nies, les changements qu ’ elles induisent sur les régimes fi ctifs à cotisations défi nies vont à l ’ encontre de l ’ un des principaux arguments mis en avant pour justifi er leur création: la transparence.

Certes, la valeur comptable courante peut être garantie pour certaines personnes, mais, pour les cotisants jeunes ou d ’ âge moyen, une grande partie de la prestation de retraite dépend de la progression de la valeur comptable entre la période de verse-ment des cotisations et le départ à la retraite. Les règles d ’ indexation jouent donc un rôle déterminant pour ces personnes. Or ces règles sont sensibles aux décisions politiques et au contexte du fi nancement futur et les taux d ’ indexation sont souvent réduits ou gelés pour des raisons de viabilité.

politiques. En fait, ces ajustements ne peuvent être effi caces que s ’ ils modifi ent les régimes à long terme, par exemple en modulant les taux de cotisation en fonction de l ’ espérance de vie.

Financer les mesures visant à renforcer l ’ adéquation

En dépit de ces diffi cultés, on observe la mise en œuvre de diverses stratégies, qui contribuent à résoudre la question du fi nancement de prestations adéquates:

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• le renforcement du rôle des salariés, des employeurs, des organisations profes-sionnelles et des syndicats dans le recouvrement et l ’ administration des cotisations;

• une communication plus effi cace et une information de meilleure qualité et plus personnalisée;

• une tendance à renforcer les obligations en matière de paiement des cotisations;

• une propension à réduire les niveaux de prestations et à servir plus souvent des prestations ciblées ou octroyées sous condition de ressources.

Les inégalités en matière d ’ adéquation

Dans les débats sur l ’ adéquation, on se réfère souvent à des taux moyens de rem-placement pour des gains moyens. Même lorsque les taux de remplacement sont fi xés en fonction d ’ autres niveaux de revenus, ils supposent souvent un certain nombre d ’ années de cotisation, qui n ’ est pas réaliste pour la majorité des individus. En réalité, nous sommes confrontés à une grande diversité de situations – liées non seulement aux niveaux de revenus pris en compte pour le calcul des taux de rem-placement, mais aussi au genre, à la situation familiale et au patrimoine. Par ailleurs, les inégalités en matière d ’ adéquation sont déterminées par les conditions d ’ accès à l ’ adéquation – domaine dans lequel les administrations de sécurité sociale jouent un rôle important. Par exemple, les personnes les mieux informées sur leurs droits tendent à faire partie des catégories sociales les plus aisées. Cette remarque vaut pour tous les types de prestations et de services fournis par les différents régimes de sécurité sociale. Dans le cas des prestations de retraite, cet aspect est particuliè-rement complexe, compte tenu des régimes qui servent des prestations liées au salaire.

Dans plusieurs systèmes de pensions, le taux effectif de remplacement est plus faible pour les femmes que pour les hommes. Cela est souvent dû à des causes complexes, liées à la fois à la conception du système et à la fourniture des services et des prestations.

• Dans de nombreux systèmes, l ’ âge de départ à la retraite est plus élevé pour les hommes que pour les femmes, ce qui permet aux hommes d ’ accumuler davantage de prestations. Le fait d ’ égaliser l ’ âge de départ à la retraite des hommes et des femmes (c ’ est-à-dire en relevant l ’ âge applicable aux femmes) pourrait effective-ment entraîner une amélioration du niveau des prestations pour les femmes (sous réserve que les femmes salariées continuent à travailler et à cotiser).

• Les femmes tendent à interrompre plus fréquemment leur activité profession-nelle, généralement pour avoir des enfants et s ’ en occuper, et ce dans la première partie de leur vie active. Lorsqu ’ elles reprennent une activité, il arrive que ce soit à temps partiel, ce qui contribue à réduire encore plus le montant de leur future

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retraite. Ces interruptions peuvent aussi avoir des conséquences ultérieures dans la vie des femmes – elles ne parviennent pas à atteindre des niveaux de responsabilité plus élevés dans leur entreprise et, de ce fait, elles passent à côté des promotions et des augmentations de salaire qui les accompagnent 19 .

• Lorsqu ’ une partie de la prestation de retraite est déterminée par le montant des cotisations accumulées et les gains des placements, ensuite convertis en revenu, les taux de conversion du capital en rentes annuelles tendent à être moins généreux pour les femmes, compte tenu de leur espérance de vie plus longue.

• Les femmes peuvent avoir un moins bon accès à l ’ information, ne pas être titulaires du compte bancaire du ménage et avoir plus de charges fi nancières que les hommes (en cas de divorce, par exemple, c ’ est généralement la femme qui a la garde des enfants).

Les mesures qui traitent cette question de l ’ égalité des sexes incluent l ’ égalisation des âges de départ à la retraite, l ’ accumulation des droits à la retraite pendant les interruptions de carrière et l ’ application des mêmes taux de conversion en rentes annuelles pour les hommes et pour les femmes. Malgré l ’ effi cacité de certaines mesures, des inégalités subsistent. En vue d ’ évaluer dans toute leur ampleur les disparités entre hommes et femmes en matière de prestations de vieillesse, il est important de comparer des données réelles, et non des données reposant sur des hypothèses ou des projections. Dans les études de l ’ OCDE ( 2012 ), par exemple, les calculs du taux de remplacement des femmes reposent sur l ’ hypothèse d ’ une durée d ’ activité identique à celle des hommes. Or la vie active des femmes est souvent bien plus courte que celle des hommes.

Un rapport de l ’ OCDE indique que, dans six des 34 pays membres de l ’ OCDE, le taux de remplacement est plus faible pour les femmes que pour les hommes, même si ces taux ont été calculés en supposant la même durée de vie active (dans les 28 autres pays membres, le taux de remplacement est identique pour les deux sexes). Cette situation a également été observée dans huit autres pays (non membres de l ’ OCDE) ( OCDE, 2011 ).

Conclusion

L ’ adéquation des prestations et des services fournis par la sécurité sociale est un concept qui fait l ’ unanimité en tant qu ’ objectif. C ’ est ce que l ’ on a récemment constaté à travers la place accordée au principe de l ’ adéquation dans le texte fi nal de la recommandation n o 202, qui souligne par ailleurs la nécessité de garantir l ’ espace fi scal indispensable au fi nancement durable des garanties élémentaires de

19. Dans de nombreux régimes à prestations défi nies, on observe que les personnes dont le salaire a le moins augmenté fi nissent par subventionner celles dont le salaire a le plus augmenté.

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sécurité sociale. C ’ est pourquoi il est essentiel d ’ utiliser un instrument global et à variables multiples pour défi nir et mesurer l ’ adéquation, afi n de refl éter pleinement les objectifs généraux des différents régimes de sécurité sociale, contributifs ou fi nancés par l ’ impôt, et des prestations qu ’ ils servent. Si l ’ on ne tient pas suffi sam-ment compte des avantages découlant de la fourniture de prestations et de services adéquats, on court le risque de ne pas utiliser les ressources de la manière la plus effi cace et effi ciente. Réciproquement, un régime qui ne fournit pas des prestations adéquates s ’ expose à l ’ érosion du soutien public et menace la viabilité à long terme – évaluée globalement – du système de sécurité sociale.

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