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Une lésion gastrique rare et trompeuse

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Page 1: Une lésion gastrique rare et trompeuse

A n n P a t h o l 2 0 0 7 ; 2 7 : 4 9 - 5 1

© 2 0 0 7 . E l s e v i e r M a s s o n S A S . T o u s d r o i t s r é s e r v é s .

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Cas pour diagnostic

Accepté pour publication le 16 novembre 2005

Tirés à part :

M. Svrcek, voir adresse en début d’article.e-mail : [email protected]

Une lésion gastrique rare et trompeuse

A rare and misleading gastric lesion

Magali Svrcek

(1)

, Clotilde de Mauroy

(2)

, Jean-François Fléjou

(1)

(1) Service d’Anatomie et Cytologie Pathologiques, Hôpital Saint-Antoine, 186 rue du Faubourg Saint-Antoine, 75012 Paris.

(2) Cabinet Médical d’Anatomie et Cytologie Pathologiques, 72 rue de Lessard, 76100 Rouen.

Svrcek M, de Mauroy C, Flejou JF.

Une lésion gastrique rare et trompeuse.

Ann Pathol 2007 ; 27 : 49-51

Observation

Une femme âgée de 51 ans présentaitdepuis plusieurs mois des troublesdigestifs à type de vomissements dansun contexte de troubles de la vidangegastrique. Il était réalisé, dans un pre-mier temps, une cure de hernie hiatalesous coelioscopie, puis, cinq semainesaprès, une antrectomie, en raison d’un« enraidissement » de la région pré-pylorique en endoscopie et au transitoeso-gastro-duodénal. Les biopsiesgastriques n’avaient pas montré delésion tumorale. Cette malade n’avaitaucun antécédent médical ou chirurgi-cal, à l’exception de troubles du com-portement mal étiquetés.La pièce d’antrectomie mesurait 13 cm surgrande courbure. La paroi antrale étaitépaissie et rétractée, sur presque toute sacirconférence et sur 2 cm de hauteur.Le duodénum était macroscopique-ment normal. À l’examen histologique, lamuqueuse était normale, sans ulcération,ni inflammation ou atrophie. L’essentieldes lésions, de siège antral, consistait enun épaississement considérable de lamusculaire muqueuse et surtout de lasous-muqueuse ; en effet, il existait à ceniveau une prolifération lâche de cellulesfusiformes, d’allure fibroblastique, avecune abondante production de collagènehyalin

(figure 1)

. Il s’y associait quelquesfibres élastiques mises en évidence sur lacoloration par l’orcéine. Il existait égale-ment un certain degré d’hyperplasie mus-culaire, à la fois au niveau de la musculairemuqueuse et de la couche interne de lamusculeuse. Cet épaississement touchaitégalement focalement la couche externede la musculeuse et la sous-séreuse. Ceszones étaient peu inflammatoires, endehors de la présence de quelques plas-mocytes et de polynucléaires éosino-philes

(figure 2)

. Les vaisseaux étaientnormaux. Les limites de résection antraleet duodénale étaient saines. Le trichromede Masson confirmait la nature collagé-nique des dépôts hyalins de la sous-muqueuse. Les colorations par le PAS et

le Rouge Congo étaient négatives. Iln’était pas mis en évidence de celluleépithéliale indépendante ni sur les colo-rations standards ni sur l’étude immu-nohistochimique réalisée à l’aide desanticorps anti-cytokératine (KL1) et anti-EMA. Quelques cellules fusiformes épar-ses exprimaient l’actine musculaire lisse,confirmant leur nature myofibroblasti-que, mais pas le CD34, ni le c-kit (CD117).

Quel est votre diagnostic ?

FIG. 1. — L’essentiel des lésions siège au niveau de la sous-muqueuse, sous la forme d’un épaississement hyalin (HES × 25).FIG. 1. — The main pathological feature consists with severe hyaline thickening of submucosa (HES×25).

FIG. 2. — Sous-muqueuse gastrique, siège d’une abon-dante production de collagène hyalin, de quelques fibro-blastes épars et de rares plasmocytes et polynucléaires éosinophiles (HES × 200).FIG. 2. — Gastric submucosa with abundant production of hyalin collagen, dispersed collagen fibres, occasional scattered fibroblasts and a few plasma cells and eosinophils (HES×200).

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Magali Svrcek et al.

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Diagnostic : hyalinisation

gastrique

Le terme de « hyalinisation gastrique » a étéintroduit pour la première fois en 1965 parSmith et Bolande [1] pour décrire une lésioninhabituelle de l’estomac observée dans unesérie autopsique de six malades ayant tousreçu un traitement par radiothérapie, chimio-thérapie ou par l’association des deux. Leslésions principales consistaient en une indu-ration et un épaississement diffus (ou plusrarement focal) de la paroi gastrique, attei-gnant tout particulièrement le cardia et lepylore. Histologiquement, les auteurs avaientnoté la présence d’abondants dépôts de col-lagène hyalin, préférentiellement au niveaude la sous-muqueuse. Les autres éléments dela description étaient l’absence d’inflamma-tion, une limite nette entre l’estomac normalet l’estomac pathologique, avec une atrophiemuqueuse marquée et la négativité des colo-rations par le PAS et le Rouge Congo. Ontrouve, dans la littérature, une entité relative-ment semblable décrite par Karsner sous leterme de « gastrite chronique fibroplasti-que » [2]. La pathogénie de cette lésion estinconnue. Elle a initialement été considéréecomme une conséquence de la radiothérapieou de la chimiothérapie. Cependant, l’annéesuivante, Smith l’a de nouveau décrite dansune série autopsique de trois malades dontaucun n’avait reçu ce type de traitement [3].En raison de l’observation de cette entité uni-quement dans des séries autopsiques, cer-tains auteurs ont ensuite évoqué lapossibilité d’un artefact

post mortem

lié àune dénaturation chimique des protéines dela sous-muqueuse gastrique, probablementen rapport avec une rupture de la barrièremuqueuse [4]. Toutefois, cette lésion trèsrare a également été décrite sur pièce opéra-toire de gastrectomie chez un malade atteintd’ulcère peptique [5] et chez une autre ayantingéré un agent caustique acide [6]. Dans untroisième cas, aucune cause n’a été trouvée[7]. Dans notre observation, bien que celan’ait pas été retrouvé à l’interrogatoire, cettelésion pourrait être secondaire à l’ingestiond’un caustique gastrique, compte tenu del’existence de troubles du comportement.La hyalinisation gastrique serait donc plus vrai-semblablement une lésion histologique nonspécifique liée à l’accumulation de protéinesdénaturées de la matrice extracellulaire sousla forme d’un matériel amorphe associé à desdépôts de tissu conjonctif dans la sous-muqueuse. Ce processus pourrait être associéà un mécanisme de fibrogenèse induit par lesdommages cellulaires oxydatifs [6].

Dans les cas décrits

in vivo,

étaient associéesaux lésions observées dans la description

princeps

, une gastrite folliculaire, deslésions de métaplasie intestinale et pseudo-pylorique [7] et une hyperplasie fovéolaire[6], en plus des lésions d’ulcère peptique etde sténose caustique. Il a également ététrouvé un aspect d’hypertrophie des plexusmyentériques mimant un névrome trauma-tique, en raison de l’infiltration de la muscu-leuse et de l’enserrement des filets nerveuxpar les faisceaux de collagène hyalin [5].Dans notre observation, les aspects radiolo-giques et macroscopiques évoquaient enpremier lieu un adénocarcinome infiltrantdiffus à cellules indépendantes de typelinite gastrique. L’examen histologique réa-lisé sur de nombreux prélèvements a permisd’éliminer ce diagnostic, de même quetoute autre tumeur maligne à type de lym-phome, leucémie ou sarcome. Un épaissis-sement diffus de la paroi gastrique peutégalement s’observer plus rarement en casde gastrite granulomateuse (maladie deCrohn, sarcoïdose), de gastrite à éosinophi-les, de sclérodermie, de gastropathie hyper-trophique de type maladie de Ménétrier et,de façon exceptionnelle, en cas de syphilis.Là encore, l’examen microscopique a per-mis d’éliminer ces diagnostics dans notreobservation. Il convient également d’élimi-ner le diagnostic de tumeur stromale par laréalisation d’une étude immunohistochimi-que à l’aide des anticorps anti-c-kit (CD117)et anti-CD34. Enfin, si la lésion avait été desiège pylorique, l’un des diagnostics à évo-quer aurait été celui d’hypertrophie pylori-que. Cette lésion, bien que plus fréquentechez l’enfant, peut s’observer égalementchez l’adulte et fait suite à un ulcère pepti-que ou à une gastrite antrale. Elle est toute-fois plus fréquente chez l’homme.En conclusion, la hyalinisation gastrique doitêtre ajoutée à la liste des diagnostics à évo-quer en cas de gastropathie hypertrophique.L’échoendoscopie peut permettre d’avancerdans le diagnostic souvent difficile de ceslésions, de même que les biopsies profon-des, « en puits » ou à l’anse diathermique,dont le but est en particulier d’éliminer uncarcinome de type linitique. Ces différentesexplorations n’avaient pas été pratiquéesdans notre observation. Leur négativité, sielle ne permet pas d’éliminer une pathologietumorale, devrait faire évoquer le diagnosticde hyalinisation gastrique.

Key words:

gastric hyalinization, peptic ulcer, caustics, gastriccancer.

Key words:

hyalinisation gastrique, ulcère peptique, caustique,cancer gastrique.

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Une lésion gastrique rare et trompeuse

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Références

[1] Smith JC, Bolande RP. Radiation and drug inducedhyalinization of the stomach.

Arch Pathol Lab Med

1965 ; 79 : 310-6.[2] Karsner HT (ed). Human Pathology. Philadelphia,

JW Lippincott Co, 1949 : 562.[3] Smith JC. Gastric hyalinization without irradiation.

Arch Pathol Lab Med

1966 ;

81

: 42-6.

[4] Neil WA, Smith JC. The artefact of gastric hyalini-zation.

Arch Pathol Lab Med

1968 ;

86

: 525-7.[5] McGregor DH, Haque AU. Gastric hyalinization

associated with peptic ulceration.

Arch Pathol LabMed

1982 ;

106

: 472-5.[6] Kazsuba A, Vitez A, Gall J, Mathe L, Ludmany E,

Krasznai G. Gastric hyalinization as a possible conse-quence of corrosive injury.

Endoscopy

2000 ;

32

: 356-8.[7] Parrott NR, Sunter JP, Taylor RMR, Johnston IDA.

Gastric hyalinization presenting in life and mimickinggastric cancer.

Arch Pathol Lab Med

1986 ;

110

: 155-6.